programme - Institut des Hautes Etudes pour la Science et la
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Carnet du voyage d’études à Pékin Wuhan et ShanghaÏ 1 - 2 0 1 2 e nc ge er ém t en m étr an ni domai ét ge r ve nes udia n au ts en e obj na tre p ectif tionale pr uiss scis ise an entifi s ce ques innovation mble ense g ch ies é ent ne erc rep rise rg s ie heu en rs se rech mb Franc e tiqu poli po lit iq lo ue no France n Etat o he ent recherc cati i m e mun x p com p jeu eloys en dév a ue p pe e giq es elop l év até qu ur str cia d liti rie é po sup ch so ues q ifi nt ie sc te 1 direct eur 0 centr al 2 minis tère nal mondia l o provinces nati financement cle ciété écon gouso omique étudian v ts e r sys sneme tèmtratégie nt y initiatives C al qu é ir dSh n e av es en i c c n s ique Un i v exc Chi iv oWuhan tio fi an e r n e l innovn c l e o p rna ation ment en is rsi c e e mond t niveau inn t n i é o s programm Développement vation ee pays e n tr p ts aï ramme C e émergence W uh an Mar ché e ts m an co ta in eil is le ce tèr e ns si té s va sci qu e e ppemee ntifi que roduction nt s an Fr no gie on ie ovSihnang ét di sy aug c ud a stè me m n i l er s amm st p n iv éco i at rn te lité In fo rm at c o ion m ie qua un in ut e ine Ch is m ie s ise pr es lle rie ntre tifiqu e scien me po onal pu la m un ti ic at én ion on er an c g é h eement ie ne éc cro niveau st it e rs tiv ha Promotion ive i t i a u n u in W Christiane Desroches Noblecourt so du lo o n h c te rg i olo e nomrat e ie ég i hn rgi it h s int ern chiene grooucpie Ch at rch in s ion reur e trat al ech m ég pr in Agence LINÉAL : 03 20 41 40 76 tec e én s ce rvi se écono s ent avenir rep rise s ge L’IHEST est un établissement public à caractère administratif, prestataire de formation enregistré sous le n° 11 75 42988 75. Cet enregistrement ne vaut pas agrément de l’État. Siret n° 130 003 825 00010. ng oje ies Sha r g ent p s m riseuverne ays nal p e r P tio go Ent s e ce na c n i saie n prov nter s i o cr onom és s i n s gie rs étude voya IHEST Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 1, rue Descartes - 75231 Paris cedex 05 Tél. : 33 (0)1 55 55 89 67 - Fax : 33 (0)1 55 55 88 32 [email protected] - www.ihest.fr ise Chino en ppem dévelo eu pol pays urs eigntechno cte ns nois se e Chi uvernem iqueociale go rech politransce innovationys F études national s l nationa ch rogr Ptrog sciences er n je u universités ch x le é ét ci so erch straté gique e Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Préambule Les voyages d’études du cycle national de l’IHEST sont l’occasion de rencontres et de débats. Ils visent à apprécier d’autres modèles d’émergence de la connaissance et à mesurer l’importance des facteurs culturels et géopolitiques dans le développement de la recherche, de l’éducation et de l’innovation. A l’issue de ces déplacements, des carnets de voyages sont demandés aux auditeurs. Il ne s’agit pas d’une synthèse exhaustive du voyage d’études, ni des questions abordées. Ces carnets témoignent des étonnements des auditeurs lors de la découverte, circonscrite dans le temps et l’espace, d’un pays au contexte culturel différent. Au début de chaque voyage d’études, huit à dix questions sont proposées par l’IHEST. Les auditeurs se répartissent par groupes de 4 ou 5 personnes. Chaque groupe remet, sur le thème choisi, un carnet de voyage de trois pages. L’ensemble constitue les « Carnets du voyage d’études » qui font l’objet d’une publication. Remerciements L’IHEST tient à exprimer ses remerciements aux nombreuses personnalités et institutions chinoises qui ont contribué à la réussite de son voyage d’étude. En tout premier lieu il remercie Son excellence Monsieur Kong Quan, Ambassadeur de Chine en France qui a bien voulu accorder une audience à la direction de l’institut et désigner comme interlocuteur de l’IHEST le Ministre conseiller pour la science et la technologie, Monsieur Han Jun. Ce soutien a facilité l’organisation de certains rendez-vous en Chine. Il remercie ensuite les villes, organismes et entreprises qui lui ont ouvert leurs portes et sont venus à la rencontre des auditeurs durant leur séjour. Ses remerciements vont enfin aux personnalités et institutions françaises qui ont, par leurs conseils et actions, contribué à la préparation et à la concrétisation de ce projet. Ses remerciements vont tout particulièrement à Bernard Belloc, ancien conseiller scientifique à l’Ambassade de France en Chine puis pour la recherche et l’enseignement supérieur à a présidence de la République ainsi qu’à l’Ambassadeur de France en Chine et aux agents du service pour la science et la technologie à l’Ambassade de France à Pékin et aux consulats de France à Wuhan et Shanghai, Norbert Paluch, Marc Bondiou et Jean-Jacques Pierrat ainsi que leurs collaborateurs. Il remercie aussi les acteurs de la coopération franco chinoise rencontrés lors de ce déplacement : dirigeants français et chinois d’entreprises, scientifiques français séjournant dans des laboratoires en Chine et chercheurs chinois ayant séjournés en France, responsables de formations universitaires mixtes. Que tous soient remerciés pour leur disponibilité à notre égard. Ils vont également aux personnalités en France qui sont venues préparer les auditeurs à la découverte de la Chine et sont intervenus devant les auditeurs : Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre, vice-président du Sénat et président du XVIIe colloque économique francochinois en avril 2011, Jean-Louis Rocca, directeur des recherches au Centre d’études et de recherche internationales (CERI) à Science Po, Mary-Françoise Renard, doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion, responsable de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine au sein du Centre d’études et de recherches sur le développement international de l’Université Clermont 1, Zheng Ruolin, correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai. -3- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Voyage d’études en Chine - Introduction Interroger le développement de la puissance de la Chine dans ses rapports aux sciences et aux technologies, tel était l’objectif du voyage d’études international de la promotion 2011-2012 des auditeurs de l’IHEST, promotion Christiane Desroches Noblecourt. Le voyage d’études s’est construit autours de quatre axes principaux : le rôle des institutions chinoises et des politiques publiques aux niveaux national, provincial et municipal ; les évolutions des systèmes de recherche, d’enseignement supérieur et d’innovation ; les grands défis sociétaux ; l’éducation et la culture. Une perception de la Chine uniquement à travers ses deux grandes métropoles de l’est que sont Pékin (20 millions d’habitants) et Shanghai (26 millions d’habitants), mégalopoles internationales, aurait par trop limité la vision du développement scientifique et technologique du pays. C’est pourquoi l’IHEST s’est rendu également à Wuhan (8 millions d’habitants), capitale du Hubei, située au « centre de la Chine ». Diversité des lieux et des acteurs, richesse des échanges, telle est la marque de ce déplacement de 10 jours. Ce voyage a permis d’offrir des temps de dialogues très riches permettant une analyse au-delà des clichés et des représentations stéréotypées. La délégation des auditeurs de l’IHEST, issus d’horizons culturels très variés, a croisé ses regards avec ceux de personnalités chinoises et de français expatriés pour interroger la réalité du pays, ses forces et ses faiblesses. Elle a pu appréhender les opportunités et les obstacles à surmonter pour enrichir et pérenniser les relations franco-chinoises. Elle a mesuré l’importance des facteurs culturels et géopolitiques qui inspirent les choix des politiques de recherche, d’éducation et d’innovation. Ces carnets de voyages reflètent des étonnements, forcément subjectifs et partiels, porteurs de regards constructifs pour l’avenir. La Chine s’inscrit, de façon saisissante pour des européens, dans une vision prospective et affiche résolument son investissement dans la technologie et l’innovation. Se projeter dans une vision de rattrapage économique, technologique et scientifique, ne plus être « l’atelier du monde », mais devenir le « laboratoire du monde », telle est l’ambition partagée par tous nos interlocuteurs, qui se traduit par la mise en œuvre du 12eme plan quinquennal et des investissements massifs. L’ambition est aussi de devenir le leader géopolitique de l’Asie et de s’inscrire dans la mondialisation comme un acteur de premier plan. La Chine, comme le Brésil, autre puissance en développement où l’IHEST s’est rendu en 2010, est marquée par des contrastes : une croissance économique étonnante pour un pays devenu 2eme puissance économique mondiale mais une mortalité infantile extrêmement élevée (15,6 décès pour 1 000 naissances en 2011, contre 3,37 en France), des objectifs d’investissement colossaux (4% du PIB pour l’éducation d’ici 2020) mais des habitants qui épargnent 40% de leur salaire en moyenne, un taux de croissance exceptionnel (9,3% en 2011) mais un indice de développement humain très faible (101eme rang sur 187 en 2011)… Ce développement n’est pas sans soulever, à nos yeux d’occidentaux et d’européens, de nombreux paradoxes. En effet, quel étonnement de voir dans une culture profondément différente, une approche totalement mondialisée de l’innovation, intégrant ses concepts, l’innovation endogène par exemple, ses modalités, tels les incubateurs et les parcs technologiques ou le crédits d’impôt recherche ! Seul modèle occidental serait-il donc favorable à l’innovation dans le regard des autorités chinoises ? Comment ne pas s’interroger sur les impacts de la planification nationale et de son application par les politiques locales, sur l’apparition récente de la notion même de marché, sur la part croissante de financements privés dans les universités ? Au vue des interrogations soulevées par l’évolution démographique de la Chine, certaines questions touchent plus particulièrement l’éducation et l’avenir de la recherche. Comment renforcer une éducation aux sciences pour tous et construire une élite scientifique et technique, tout en favorisant les capacités créatives des élèves ? -4- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Comment conserver une recherche fondamentale dans un contexte où l’essentiel de l’effort de recherche est concentré sur les applications technologiques et industrielles ? Comment attirer la diaspora chinoise de l’étranger et les talents internationaux dans le contexte universitaire, environnemental et politique actuel ? Comment trouver des débouchés pour les étudiants confrontés à un nouvel impératif, celui du marché ? Nombreux sont les étonnements évoqués dans ces carnets. Sur le chemin du rattrapage économique, scientifique et technologique, la Chine avance très vite mais de profonds déséquilibres internes se maintiennent et s’accentuent. D’ores et déjà la Chine est un acteur majeur des technologies de la communication. Elle devrait le devenir bientôt dans d’autres domaines que l’Etat a définis comme prioritaires, tels les nanotechnologies ou les biotechnologies. Dans un contexte de mondialisation, nos avenirs sont liés et, comme avec toutes les autres grandes puissances, la coopération est essentielle. L’IHEST s’y est engagé avec la signature d’un memorandum of understanding avec le Shanghai Institute of Science and Technology Management (SISTM). Espérons que la lecture de ces carnets de voyage donnera au lecteur l’envie de regarder le développement actuel de la Chine en se détachant des lieux communs, des caricatures et des clichés idéologiques qui foisonnent. Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, Directrice de l’IHEST -5- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Programme du voyage d’études Pékin, 25-28 mars 2012 Ambassade de France en Chine La R&D en Chine Visite des laboratoires du National Center for Nanoscience and Technology - Laboratory of nanomaterials - Laboratory of nanostandardization Norbert PALUCH, conseiller pour la science et la technologie - Laboratory of nanomanufacture and applications près l’ambassade de France en Chine - Laboratory of biological effects of nanomaterials and nanosafety L’industrie de défense chinoise Colonel Loïc FROUART, attaché de défense près l’ambassade de France en Chine Tsinghua University Tsinghua University et son administration CHEN Xu, Vice-Secrétaire exécutive du Comité du Parti Accueil des délégations de l’IHEST et de l’IHEDN de Tsinghua University Cyril ROUSSEAU, adjoint du ministre conseiller pour L’IHEST et les objectifs du voyage en Chine les affaires économiques et commerciales près l’ambassade Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice de France en Chine de l’IHEST Enseignement supérieur Anthony CHAUMUZEAU, conseiller de coopération et Research Center on Network and Information Security Technology d’action culturelle près l’ambassade de France en Chine, Présentation et visites croisées en deux groupes directeur de l’Institut français de Chine LI Chong, directeur du Research Center on Network and Information Security Technology Le programme nucléaire chinois Pierre-Yves CORDIER, conseiller nucélaire près l’ambassade de France en Chine Tsinghua National Laboratory for Information Science and Technology Présentation et visites croisées en deux groupes Santé et affaires sociales Elvira ARONICA, conseillère pour les affaires sociales près l’ambassade de France en Chine Recherche et innovation en Chine : politiques nationales et financement Ministry of Science and Technology (MOST) Chinese Academy of Science (CAS) Chinese Academy of Science (CAS) LIN Xin, Directrice adjointe chargée de la politique TAN Tieniu, secrétaire général adjoint de la CAS la construction du système d’innovation en Chine L’IHEST et les objectifs du voyage en Chine Programme TORCH Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice QIAN Jinqiu, Deputy Director of International Development, de l’IHEST Torch Programme Le National Center for Nanoscience and Technology Beijing Normal University : l’éducation aux sciences en Chine et la recherche en sciences cognitives An introduction to Beijing Normal University ZHAO Yuliang, directeur adjoint du National Center for Nanoscience du développement et de l’innovation, Bureau pour SHAN Lizhen, Deputy Director, Office of international exchange and cooperation -6- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 LIU Enshan, professeur, Beijing Normal University Wuhan, 29-30 mars 2012 Consulat général de France à Wuhan La science et la technologie à Wuhan Visite du campus Marc BONDIOU, attaché pour la science et la technologie, L’éducation aux sciences en Chine Consulat de France à Wuhan State Key Laboratory of Cognitive Neuroscience and Learning Peugeot en Chine Le centre de production de PSA à Wuhan Présentation et visite Maxime PICAT, directeur du centre de production de PSA La coopération scientifique franco-chinoise Organismes de recherche français en Chine et grands projets de coopération à Wuhan Visite du centre MARTINEAU-HUYNH Olivier, directeur français du labora- Wuhan East Lake High Technology Development Zone (WEHDZ) Wuhan East Lake High Technology Development Zone (WEHDZ) toire international associé (LIA) France China Particle Physics DAI Xi, vice-directeur de la zone Laboratory (FCPPL) WU Shiying, directrice adjointe du service des RI de la zone GRENIE Michel, directeur français de l’Ecole Centrale de Pékin MARTINEAU Philippe, conseiller adjoint pour la science et la technologie près l’ambassade de France en Chine NAM NGÔ Thiên, attaché Institut national de la propriété intellectuelle près l’ambassade de France en Chine La société FiberHome PALUCH Norbert, conseiller pour la science et la technologie LI Cheng, manager général adjoint, Electricfil près l’ambassade de France en Chine d’Union Européenne en Chine Huazhong University of Science and Technology VIALETTES Pierre, directeur recherche et technologie, EADS YU Xiang, directeur du service des relations internationales, VIALATTE Philippe, Conseiller scientifique, délégation Huazhong University of Science and Technology (HUST) China Academy of Space Technology (CAST) Accueil HE Gang, chargé de mission au service des relations inter- Vice-président de la CAST (HUST) L’IHEST et les objectifs du voyage en Chine Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice Wuhan National Laboratory in OptoElectronics (WNLO) de l’IHEST LIN Lin, secrétaire du parti du WNLO nationales, Huazhong University of Science and Technology YANG Kecheng, responsable de la filière d’optoélectronique, La China Academy of Space Technology (CAST) chargé de mission de collaboration sino-française, Huazhong University of Science and Technology (HUST) ZHANG Mingzhu, directrice des relations internationales Culture et histoire chinoises Gugong, la Cité interdite Energies propres et renouvelables, le programme ICARE State Key Laboratory of Coal Combustion Visite guidée en deux groupes ZHANG Shihong, directeur du State Key Laboratory of Coal Combustion, Huazhong University of Science and Technology L’art contemporain en Chine, nouveaux modes et espaces de création Introduction au programme ICARE, EU-China Institute for Clean and Renewable Energies CHENG Xin Dong, directeur de Xin Dong Cheng Space for Contemporary Art HUANG Shuhong, co-doyen chinois d’ICARE Quartier libre dans 798 Art District Michel FARINE, co-doyen européen d’ICARE -7- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Le poids énergétique de la Chine dans le monde : stratégies énergétiques et nouvelles énergies Serge LAVROFF, consul général de France à Wuhan Cédric DENIS-REMIS, directeur exécutif d’ICARE Bernard PORA, ROQUETTE Alexis LIAUD, SAFRAN group (SAGEM / Sécurité) Julien POUGET, ALSTOM Engineering & Technology Laurent THIBAUD, AFE Cronite La province du Hubei et la ville de Wuhan : science, développement et planification Le bureau de S&T de la Province du Hubei Jacques THIMON, ARO ZHANG Zhenlong, directeur général adjoint, bureau de S&T Jason ZHANG, DELACHAUX de la Province du Hubei 6 membres du club France Pascale VACHER, attaché culturel près le consulat général de France à Wuhan (anciens étudiants chinois en France) Développement économique de la ville de Wuhan QIN Zunwen, vice-directeur de l’Académie des sciences sociales du Hubei, conseiller spécial auprès du Ministre Shanghai, 31 mars-3 avril 2012 Consulat général de France à Shanghai de la Science et de la Technologie (MoST) Rencontres Planification des transports dans la ville de Wuhan Jean-Jacques PIERRAT, attaché pour la science et la tech- ZHANG Peilin, School of transportation, Wuhan University Ivan RUVIDITCH, chargé de mission sciences humaines et of Technology (WUT) sociales près le Consulat général de France à Shanghai nologie près le Consulat général de France à Shanghai WANG Yizhi, professeur et directeur, Institute of Information, Le bureau de l’eau de la ville de Wuhan Rencontre avec des représentants La région de Wuhan et ses relations avec la France Shanghai Academy of Social Sciences Innovation, science et société : quels enjeux de développement Symposium franco-chinois organisé par l’IHEST Rencontre et la Commission des Sciences et Technologies Serge LAVROFF, consul général de France à Wuhan de la municipalité de Shanghai HUANG Qin, conseillère économique près le consulat général de France à Wuhan Présentation des intervenants Philippe AUTIER, directeur d’UbiFrance, consulat général WANG JianPing, président du SISTM de France à Wuhan LE BARS Yves, président du GRET, membre du conseil Isabelle DEDUN, attachée universitaire près le consulat d’administration de l’IHEST général de France à Wuhan Pascale VACHER, attaché culturel près le consulat général de France à Wuhan Le paysage français : politiques publiques et réformes. La création et les programmes de formation de l’IHEST Entrepreneurs français installés à Wuhan et étudiants chinois ayant étudié en France Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice Dîner-rencontre Paul MAITRE, conseiller technique de l’IHEST Philippe AUTIER, directeur d’UbiFrance, consulat général de l’IHEST Isabelle DEDUN, attachée universitaire près le consulat Le Shanghai Institute of Science and Technology Management (SISTM). Programmes et réussites général de France à Wuhan WANG JianPing, président du SISTM de France à Wuhan Vincent BRUNEAU, ACOME Jean-Paul GUYOT, ELECTRICFIL Automotive HUANG Qin, conseillère économique près le consulat général de France à Wuhan -8- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Soutien du gouvernement aux petites et moyennes entreprises WANG Zhen, directeur adjoint du Science Technology Jeunes chercheurs français en Chine et de jeunes chercheurs chinois ayant étudié en France Innovation Center (STIC) Déjeuner - rencontre AMIGUES Eric Jean, récipiendaire du Science and Spécificités de l’organisation de la recherche et de l’enseignement supérieur chinois. La place du système éducatif et ses évolutions Technology Fellowship, East China University of Science ZHANG YuChen, professeur à l’Université de Tongji, Engineering, College of Chemistry and Chemical professeur invité au SISTM Engineering, Xiamen University and Technology (ECUST) CHEN Xiao Dong, 1000-Elite Chair of Chemical Engineering, Department of Chemical Engineering and Biochemical CLACENS Jean-Marc, directeur adjoint du laboratoire Jiao Tong University Jiao Tong University Eco-Efficient Products and Processes Laboratory (E2P2L), unité mixte internationale CNRS-Rhodia ZHANG Jie, président de Jiao Tong University DUPUIS Laurent, directeur de l’innovation Chine, Schneider Electric La recherche en biomédecine à Jiao Tong Universiy GUO Zhenhua, ingénieur senior, TD-LTE R&D, Alcatel-Lucent Bell Shanghai ZHAO Liping, professeur, Center for systems Biomedicine, JU Yingwen, E2C, Sanofi R&D China Shanghai Jiao Tong University LAO Yu, ingénieur, manager de projet véhicule, centre de R&D, PSA Coopération de l’université avec les entreprises : développement de l’innovation et des nouvelles industries LE GUYADER Laurent, National Center for Nanoscience and Technology LIU Zhan, responsable du Laboratoire développement LEE Jay, directeur de l’Institut de technologie industrielle hygiène et soin capillaire, R&I, L’Oréal Chine avancée, Jiao Tong University MAO Ying, ingénieur des ventes, CAPS Enterprise, Many-core Programming Company Chinese National Human Genome Center of Shanghai Le Chinese National Human Genome Center PERA-TITUS Marc, chercheur au laboratoire Eco-Efficient Products and Processes Laboratory (E2P2L), unité mixte internationale CNRS-Rhodia RAINSARD Stéphane, ingénieur d’application sénior, ZHAO Guoping, directeur du Chinese National Human ST Microelectronics, division microcontrolleurs Genome Center RICKLIN Pascal, manager région Chine, Axelera Competitive Cluster Visite du Musée de Shanghai Mobilité des chercheurs Les programmes 100 talents et 1 000 talents SCHWEITZER Jean-Philippe, manager R&D Asie, Saint-Gobain, Flat Glass Sector SHI Junchang, responsable technique, centre de R&D, Schneider Electric ZHOU Congzhao, vice-doyen de la Faculté des sciences TRAN Quang-Khai, manager R&D senior, Danone Dairy de la vie, Université S&T de Chine, lauréat du Programme R&D center des 100 talents CHEN Xiao Dong, 1000-Elite Chair of Chemical Engineering, Department of Chemical Engineering and Biochemical Engineering, College of Chemistry and Chemical Engineering, YANG Jianming, scientifique, environnement, Center for Research and Technology of Shanghai, Rhodia YANG Zhitao, urgentiste, Hôpital Ruijin ZHOU Congzhao, vice-doyen de la Faculté des sciences Xiamen University de ka vie, Université S&T de Chine ZHOU Rong, responsable R&D, représentant à Shanghai, Hyperstone Asia pacific, spécialiste en électronique -9- Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Le groupe Huawei Le Centre de R&D de Huawei à Shanghai Visite Le Groupe Huawei, stratégie et développement GUO Tianmin, Vice-président supérieur, Huawei Entreprises françaises implantées à Shanghai La R&D des entreprises françaises implantées à Shanghai Rencontre avec les responsables de R&D En présence de Antoine BLOCH, BioMérieux Dominique de BOISSESON, A Capital Jean-Luc DOUBLET, Safran Pierre-Frédéric LEBELLE, PSA Laurent PERIER, ST Micro Benoit ROSSIGNOL, Shiyao Invetment Financement de l’innovation en Chine : l’exemple de China Material LLC ZHOU Min, associée gérante, China Material LLC Patrick BERBON, associé gérant, China Material LLC BioMérieux et Essilor en Chine Rencontre avec HE Yi, directeur général en Chine d’Essilor Pascal VINCELOT, directeur général en Chine de bioMérieux La santé publique : recherche et politiques municipales Institut Pasteur de Shanghai (IPS), questions de santé publique Ralf ALTMEYER, directeur général de l’Institut Pasteur de Shanghai Center for Disease Control Shanghai ZHANG Xi, directrice du Laboratoire de microbiologie, CDC Shanghai - 10 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Sommaire 1 L’excellence scientifique chinoise : mythe ou réalité ? 12 Cécile LESTIENNE, Ramesh PYNDIAH, Anne RIZAND, Walter ROEST 2 Les grands défis sociétaux et la recherche 16 Romain JEANTET, Nora Sestna MACHURE, Malika MEDDAHI, Catherine RABBE 3 Développement des grandes villes : enjeux de développement durable 19 Patrick CREZE, Gilbert ISOARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Arnaud MASSIP, Catherine MOULIN 4 Stratégie de développement des TIC en Chine 23 Olivier AUDOUIN, Thomas Emmanuel GERARD, Marc SOULAS, Jean-Michel TANGUY 5 La planification de la recherche et de l’innovation et ses acteurs 27 Dominique BERRY, Jean-François CERVEL, Hélène LUCAS, Stéphane ROY 6 Les stratégies de recherche et d’innovation nationales, provinciales et municipales : articulation des niveaux d’autorité 30 Carole COUVERT, Véronique DEBISSCHOP, Sacha KALLENBACH, Krzysztof KOZLOWSKI 7 Le soutien à l’innovation : structures et programmes 32 Eric BERNARD, Joël JACQUET, Amaury JOURDAN, Xavier GRISON 8 Brain drain, brain gain 38 Jérôme COPPALLE, Hubert DUAULT, Olivier FOHANNO, Nathaly MERMET 9 Les grandes universités de recherche en Chine : ambitions et spécificités 41 Lotfi BEL HADJ, Jean-Pierre PECHMEGRE - CAMINADE, Jean-Patrick THIOLLET, Bruno WIART 10 La culture chinoise , l’éducation et la science 46 François CHEVOIR, Azar KHALATBARI, Eric POSTAIRE, Claire RIOUX 11 Les entreprises françaises en Chine : quels enjeux ? Nathalie ALAZARD-TOUX, Frédéric BERNARD, Corinne BOREL, Eric BRIDOT - 11 - 49 Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 1. L’excellence scientifique chinoise : mythe ou réalité ? Par Cécile LESTIENNE, Ramesh PYNDIAH, Anne RIZAND, Walter ROEST La Chine a connu un développement industriel et écono- la créativité des chercheurs chinois. La capacité d’innova- mique très impressionnant depuis le début des années 80, tion de la Chine va-t-elle se hisser à la hauteur des ambitions suite aux premières expériences lancées par Deng Xiao Ping affichées du pays ? Notre riche mais trop court voyage ne avec les Zones Economiques Spéciales (ZES). Devenue l’ate- nous permet évidemment pas de valider avec certitude les lier du monde à la fin du 20eme siècle, la troisième puissance hypothèses que nous pourrions formuler sur cette question. économique mondiale affiche depuis clairement son ambition Ceci étant, la lucidité de nombreux acteurs que nous avons de s’imposer comme le laboratoire du monde au 21eme siècle. rencontrés lors de nos visites sur les forces et les faiblesses D’ailleurs, le pays peut se targuer à juste titre d’avoir réalisé de la science chinoise est à porter à leur crédit, et constitue en moins de 30 ans d’énormes progrès dans différents sec- un avantage indéniable pour progresser et viser l’excellence. teurs technologiques : ainsi en matière de spatial, la Chine est-elle devenue une puissance de premier ordre disposant de lanceurs et d’une flotte de satellites de télédétection, de télécommunication, de navigation... Sans même parler de son ambitieux programme de station orbitale habitée et d’exploration de la Lune. S’agit-il pour autant d’excellence Une priorité gouvernementale : entre volontarisme et immobilisme Une forte volonté politique scientifique ? La réponse est à géométrie variable. Sur le plan académique, il est facile de souligner qu’aucun chinois (mis La Chine affiche une volonté politique et une stratégie claire à part des chercheurs naturalisés américains) n’a reçu de en matière de développement technologique et scientifique. prix Nobel. Si la règle du «publish or perish» sévit ici comme Le gouvernement considère que la Recherche, le Dévelop- ailleurs, (en terme de nombre d’articles publiés dans les revues pement et l’Innovation (RDI) sont les moteurs qui permettront internationales, la Chine s’est propulsée au 2eme rang derrière au pays de passer de son statut d’atelier du monde à celui les Etats-Unis, en moins de 10 ans) le facteur d’impact de de laboratoire du monde. Et ainsi de relever les défis auxquels ces publications, demeure encore moindre dans l’ensemble, il se trouve confronté (dépendance énergétique, insuffisance probablement parce que la recherche fondamentale reste de la production agricole, protection de l’environnement, pro- le parent pauvre de la science chinoise. Aujourd’hui. Mais tection de la santé d’une population vieillissante... etc). qu’en sera-t-il demain ? Sur le plan de l’innovation, la priorité accordée à la R&D par Pour cela, l’Etat ne lésine : les autorités chinoises est à l’évidence un véritable atout. Le • ni sur les moyens financiers : augmentation massive des pays a démontré qu’il est en mesure d’exploiter la connais- investissements en RDI (+20% par an entre 2005 et 2010), sance scientifique disponible pour améliorer ses produits visant 2,2% du PIB consacré à la recherche en 2015 et dans des secteurs tels que les énergies renouvelables et les 2,5% en 2020 - pour un taux de 1,75% du PIB en 2010 télécoms : la montée en puissance de l’entreprise Huawei, soit environ 70 milliards d’euros, à mettre en regard du taux devenue 1er équipementier de télécommunications en Chine français de 2,2%, et du taux américain de 2,8% -, et numéro 2 mondial derrière Ericsson, en est une démons- • ni sur les moyens humains : aux côtés du Ministère de la tration impressionnante. Toutefois, de nombreux freins (nous Science et de la Technologie (MOST), plusieurs ministères en avons identifié quelques uns ci-dessous) brident encore (MIIT, MOE,…), plusieurs académies (CAS, CAE, CASS,…) - 12 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 et un grand nombre de centres de recherche (NFSC,…) participent activement à la mise en œuvre de la politique scientifique et technique du pays au niveau national. Leur action est complétée par un fort soutien des autorités Mais un sous-développement de la recherche fondamentale et une faiblesse de l’expertise scientifique locales et de grands programmes, lancés par le MOST : -- programme TORCH, ambitieux programme de soutien à l’innovation : mise en place de parcs technologiques, aides aux sociétés innovantes, soutien aux incubateurs… -- programme de recherche et de développement des technologies-clés, identifiées comme telles dans le 12eme Plan Quinquennal -- programme 973 (1997) visant à soutenir la recherche fondamentale, et programme 863 (1986), tourné vers la recherche appliquée et le développement des hautes technologies. Ces résultats impressionnants ne doivent pas cacher que le niveau de la recherche fondamentale demeure encore assez faible en Chine, conséquence d’un déficit d’investissement sur une très longue période. En effet si la part du PIB consacrée à la recherche s’élève à 1,75% en 2012, 77,7% provient de l’industrie, et la part du PIB consacrée à la recherche fondamentale n’est que de 0,07% (contre 0,5 aux USA et 0,53 en France). Ainsi, les universitaires qui doivent autofinancer leurs activités à 30% minimum, voire 70%, s’orientent naturellement vers la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale. La progression quantitative des publications est par conséquent à relativiser : la qualité de De plus, le gouvernement a lancé des National Key Labo- la production scientifique, mesurée par le facteur d’impact, ratories et les State Key Laboratories pour développer reste en retrait (en 2007 elle était de 0,61 par rapport à une la recherche dans des domaines recensés comme prio- moyenne normée à 1.). ritaires. Et ils sont très nombreux ! Cela va de l’énergie Par ailleurs, la gouvernance des établissements de recherche à la santé en passant par les nouveaux matériaux et (université, centre de recherche,…) en Chine est singulière : la défense nationale... Mais, comme l’a souligné un de chaque établissement est placé sous la direction conjointe nos interlocuteurs : « cela ressemble plus à une liste d’un scientifique et d’un membre du parti communiste. Cette de courses pour ne rien oublier qu’à une véritable double commande ne comporte-t-elle pas le risque d’être un sélection ». Un exemple parmi d’autres est le National frein au développement de la recherche fondamentale, celle- Key Laboratory of Cognitive Neuroscience and Learning ci reposant principalement sur la liberté intellectuelle ? de Beijing Normal University que nous avons pu visiter. Enfin, le processus d’évaluation des programmes laisse peu Ce laboratoire dédié à l’étude du cerveau a réussi à attirer de place à la transparence et est probablement susceptible des chercheurs formés aux Etats-Unis et dispose d’équi- d’amélioration : les programmes sont en effet évalués par pements à la pointe de la technologie (Ex. Imagerie à une commission composée d’experts chinois choisis par les Résonance Magnétique) pour réaliser ses travaux. Nous autorités et par ses organismes sous tutelle. Seule la NSFC a avons assisté à une présentation enthousiaste du projet recours pour l’évaluation de ses programmes à des experts mettant en avant une approche pluridisciplinaire princi- indépendants (nationaux et internationaux). L’évaluation palement focalisée sur la compréhension des processus semble toutefois prendre en compte le nombre de publica- d’apprentissage et sur l’étude de la plasticité cérébrale. tions, l’indice de citation, le nombre de brevets, et les coopé- Avec un objectif manifeste utilitariste : améliorer les pra- rations internationales. L’élaboration des choix stratégiques tiques pédagogiques. «Understand the mind , empower en matière de recherche se fait via les Plans Quinquennaux, the brain» tel est le slogan du laboratoire. qui se basent sur l’évaluation des résultats obtenus au regard C’est bien grâce à cette politique volontariste que la des objectifs fixés dans le cadre du précédent plan quin- Chine, quasi-invisible dans le monde scientifique il y a quennal, plutôt que sur des études prospectives ou de type 20 ans, est passée du 5eme rang mondial en 2005 « impact assessment ». au 2 eme en 2011, en termes de nombre de publications, derrière les Etats-Unis, dépassant le Royaume-Uni (3eme place), le Japon (4eme), l’Allemagne (5eme), la France (6eme). - 13 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 L’éducation : le grand enjeu 2020. D’ors et déjà on constate l’attribution de moyens consi- Un enseignement qui ne favorise pas la créativité ter pour certaines, telles que l’Université de Tsinghua (Pékin) et Un des principaux obstacles de la Chine sur le chemin de (Cela explique-t-il que les meilleurs étudiants chinois se di- l’excellence scientifique demeure probablement son système éducatif. Le gouvernement a mis en place des moyens très importants pour l’éducation au cours des vingt dernières années avec des résultats significatifs. Ainsi, 99,2% des enfants de moins de 13 ans sont scolarisés et le niveau d’illettrisme a baissé de plus de 50% en 20 ans. Un succès impressionnant faut-il rappeler qu’apprendre à lire le Mandarin est beaucoup plus difficile que maîtriser la lecture de n’importe quelle langue à l’écriture alphabétique ? -, qui recèle une faille : l’apprentissage à l’école est fondé sur le « par cœur » (apprendre signifie aussi « imiter » en Chinois), et il ne développe ni la créativité, ni la capacité d’analyse. Conscient de cette faiblesse, le gouvernement a lancé un plan de réforme du système éducatif pour les années 2010/2020, visant à améliorer l’enseignement obligatoire de base (Mandarin, Mathématiques, Anglais) et celui des Sciences. Notamment en changeant les pratiques pédagogiques et en favorisant l’épanouissement des élèves. De l’aveu même des promoteurs de ce projet, cette réforme aujourd’hui expérimentale, se heurte à l’inertie du corps enseignant (dont une partie a été ellei-même formée lors de la révolution culturelle) et au mécontentement des parents : si ces nouvelles méthodes sont censées développer des têtes bien faites et non bien pleines, elles n’assurent absolument pas la réussite au gaokao (le baccalauréat chinois), qui pour l’heure est essentiellement composé de QCM. Sésame indispensable pour l’accès aux études supérieures, le gaokao est un concours sélectif et inégalitaire. Le taux de réussite est d’environ 60% (soit environ 25% d’une classe d’âge) mais un certain nombre de places sont réservées d’office pour les habitants des grandes villes et des provinces développées au détriment des campagnes. Par ailleurs, les 2 300 universités Chinoises sont de niveaux très variables, avec seulement 151 universités reconnues de rang national, et dérables aux universités prestigieuses que nous avons pu visiJiao Tong (Shanghai). Elles sont mondialement reconnues et ont formé comme ingénieurs de nombreux dirigeants Chinois rigent le plus souvent vers les filières scientifiques et non vers des filières type droit ou commerce comme en Occident ?). Les résultats de recherche qui nous ont été présentés sont d’un bon niveau, mais avec toujours une forte orientation applicative et peu de recherche fondamentale. D’autre part, les 30 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur constituent une énorme réserve de chercheurs pour alimenter les différents programmes de recherche, même si les 150 universités de rang national actuelles ne suffisent sans doute pas pour répondre aux besoins d’une Chine ambitionnant de devenir le laboratoire du monde. (à titre de comparaison, la France compte 2 300 000 étudiants, à multiplier par un facteur 20, soit 46 millions, pour étalonner avec la population chinoise). Pour accélérer la montée en puissance de la recherche, le gouvernement chinois a mis en place des programmes (100 talents et 1 000 talents), visant à promouvoir l’élite scientifique du pays, mais surtout à inverser la fuite des cerveaux : soit faire revenir les meilleurs chercheurs d’origine chinoise établis à l’étranger. Notre voyage nous a permis d’entrapercevoir les énormes efforts consentis pour attirer ce personnel de renommée internationale (salaires très incitatifs à la hauteur des rémunérations américaines, moyens importants pour le laboratoire associé en termes d’équipements et de ressources humaines, logement de fonction etc), mais également les embûches que rencontrent ces rapatriés qui ont l’immense avantage de parler le mandarin mais qui ont fait leur carrière avec des méthodes de travail culturellement différentes et qui voient parfois leur famille s’intégrer difficilement. La proximité recherche/entreprises : une arme à double tranchant Le succès du pragmatisme qui ne recrutent qu’environ 2% des 10 millions de candidats. Ce qui caractérise la recherche chinoise, c’est sa grande Mais une élite appelée à se développer proximité avec le monde industriel, une intrication favorable au transfert technologique. D’autant plus que les scienti- Ce paysage évolue toutefois rapidement : au cours des 10 fiques ont une approche très pragmatique des problèmes dernières années, le nombre d’étudiants dans l’enseignement qui s’appuie beaucoup sur l’expérimentation. L’innovation supérieur est passé de 5 à 30 millions, et le gouvernement en Chine est encouragée de multiples façons : toutes les central a lancé, en 2010, un programme ambitieux visant à institutions d’enseignement supérieur et de recherche sont consacrer 4% du produit intérieur brut (PIB) à l’éducation en encouragées à créer des entreprises, à valoriser leurs activi- - 14 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 tés de recherche et à transférer des technologies nées dans fait que pour une grande part elle reste financée par les éche- des laboratoires. A titre d’exemple, on cite souvent la société lons locaux. Selon le bureau national chinois de statistiques, «Lenovo» issue des laboratoires de la CAS, devenue le 2eme cité par une note du Service scientifique de l’Ambassade de acteur du marché informatique mondial. Ce modèle a permis France et confirmé par les données OCDE, un peu plus de la de combler rapidement le retard technologique de la Chine moitié des dépenses de R&D chinoises sont le fait des éche- dans de nombreux secteurs industriels (transports, télécom- lons locaux, grandes municipalités et provinces. Il s’ensuit munications, spatial…). probablement une moindre efficience de cette recherche, Pour accélérer le transfert laboratoires/entreprises, La chine l’orientation « localiste » des dépenses de R&D s’avérant par- multiplie les parcs technologiques censés également attirer fois hasardeuse et pas toujours cohérente avec la stratégie les entreprises et les capitaux étrangers. Comme Biolake, nationale. une zone de développement économique en biotechnologie de 30km2 située dans le prolongement de la « Vallée de l’optique » à Wuhan (une mégapole qui pour être au centre de la chine n’en n’est pas moins une grande ville universitaire à forte tradition industrielle) et qui nous a semblé surgir de terre à la vitesse grand V. Ces efforts se traduisent par des résultats significatifs : la Chine se positionnerait désormais au 3eme rang mondial en termes de détention de brevets. Les dépôts de brevets et de modèles d’utilité ont été multipliés par 6 entre 2000 et 2009. Et la tendance devrait se confirmer : l’énorme marché intérieur chinois même s’il est encore immature permet aux entreprises de développer des produits spécifiques pour la Chine et ensuite de les améliorer pour l’exportation. Par exemple, à Pékin les deux roues utilisent exclusivement des moteurs électriques de conception chinoise pour limiter la pollution. Ils se généralisent actuellement en Chine et devraient ensuite s’exporter. Par ailleurs il ne faut pas oublier que dans ce même secteur du développement durable le pays est en train de prendre le leadership, dans le domaine des énergies renouvelables (notamment l’éolien et le solaire). Conclusions Malgré une réelle faiblesse de sa recherche fondamentale, une créativité bridée notamment par le système d’éducation et de nombreux handicaps (attractivité, rigidité du système...) la Chine arrive à exploiter plutôt efficacement la connaissance scientifique disponible pour la transformer en développement et en innovation, tandis que l’Europe perd des parts de marché industriel, en dépit d’une recherche toujours « à la pointe ». Un développement économique, social et environnemental chinois harmonieux semble hautement nécessaire pour attirer et garder les meilleurs chercheurs et ainsi poursuivre l’avancée du pays sur le chemin de l’excellence scientifique. Pour simplement maintenir la paix sociale, la Chine dit devoir maintenir une croissance annuelle du PIB supérieure à 5%. Depuis la crise de 2008, elle a connu un ralentissement de sa croissance estimée à 8,5% du PIB pour 2012. D’autre part, la balance commerciale de la Chine est devenue déficitaire en 2011 à cause de la diminution des exportations et de l’aug- Le danger du nivellement mentation de la facture énergétique. Ce déficit semble s’installer durablement et va constituer un sérieux handicap pour Mais ces brevets reflètent-ils une réelle capacité d’innova- financer le développement économique qui devra reposer à tion ? Une question difficile à apprécier lors de ce voyage. Il l’avenir davantage sur la consommation interne alors même semble que nombre de brevets déposés en Chine par des que de nombreux défis restent à relever : l’indépendance ali- Chinois concernent des designs, des logos ou encore des mentaire et énergétique, la santé, le logement, la lutte contre procédés techniques de généralisations très limitées aux la pollution... habitudes des consommateurs chinois, D’ailleurs les exportations concernent très majoritairement, des produits conçus Si le pays réussit ce challenge du maintien de la cohésion en Occident ou au Japon, assemblés en Chine et destinés aux sociale, il pourra alors compter sur une population qui de par marchés étrangers. Les causes ? Faiblesse de la recherche sa taille, sa culture et son histoire, sera probablement l’atout fondamentale ? Projets financés par les entreprises trop peu majeur du système : les Chinois que nous avons rencontrés ambitieux et qui accaparent les scientifiques au détriment de nous ont semblé animés par une très grande fierté nationale, sujets qui pourraient amener à des innovations de rupture ? prêt à consentir des sacrifices pour faire progresser le pays, Si une recherche pleinement innovante peine à émerger, c’est et faire que l’excellence scientifique ne soit plus un mythe peut-être aussi en raison de sa relative « dispersion », liée au mais devienne une réalité. - 15 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 2. Les grands défis sociétaux et la recherche Par Romain JEANTET, Nora Sestna MACHURE, Malika MEDDAHI, Catherine RABBE Quelques repères ciées aux transitions énergétiques et alimentaires que connait Les attributs de puissance de la Chine sont nombreux : son de sa balance commerciale, déficit qui atteint un record en économie connaît chaque année l’une des plus forte croissance mondiale (9,2% en 2011) ; elle est le pays le plus peuplé au monde (plus de 1,3Md d’habitants) et le troisième par sa superficie, elle est l’héritière d’une civilisation ancienne qui n’aura connu qu’une parenthèse de 2 siècles, de la guerre de l’opium à la fin des années 80 ; puissance spatiale depuis 2003 lors du premier envoi d’un Chinois dans l’espace, elle possède l’armée la plus grande du monde et l’arme nucléaire. La Chine est actuellement la 2eme puissance économique mondiale, derrière les USA qu’elle pourrait dépasser entre 2020 et 2030. Pour assurer sa montée en puissance, elle doit cependant relever des défis majeurs. Le pays présente en effet des risques d’explosion sociale, liés à une inégalité de croissance entre les régions moins développées du centre et de l’Ouest et les régions côtières de l’Est, dont les habitants aujourd’hui la Chine, sont responsables du déficit croissant mars 2011. Depuis les années 2000, les dirigeants (souvent ingénieurs) ont axé la stratégie de développement de la Chine sur la connaissance par un soutien croissant à la formation, la recherche et l’innovation, notamment en sciences et technologies. L’ambition est de permettre à la Chine de devenir l’économie de la connaissance et de l’innovation la plus compétitive au monde afin de pérenniser sa croissance. Un effort considérable a été consenti aux investissements en R&D, passés de 1,33 à 1,75% de son PIB entre 2005 et 2010. Pour autant, le système d’innovation reste encore assez faible en raison de contradictions entre la planification et la politique d’innovation, d’une pédagogie descendante qui « s’interroge sur le comment et non le pourquoi », et du manque de talents dans les domaines innovants. gagnent en moyenne 3 fois plus que ceux de l’intérieur (la croissance des salaires a été d’environ 12% en 2011). Son statut de pays émergent reflète d’une certaine manière le grand écart entre l’Est, proche des standards occidentaux, Quels sont les grands défis sociétaux ? et des zones rurales peu développées (800 millions d’agriculteurs). Ces inégalités suscitent des tensions fortes, que le La Chine est engagée depuis une trentaine d’années, à pouvoir tente d’amortir en maintenant la croissance au des- marche forcée, dans une gigantesque transformation qui sus d’un seuil de 5% supposé garantir la paix sociale. s’accompagne d’un ensemble de déséquilibres (démo- Le modèle de croissance chinois est caractérisé par un graphiques, sociaux, environnementaux et territoriaux) niveau très élevé d’investissement, un niveau relativement auxquels le pays doit faire face aujourd’hui. faible de consommation intérieure (les Chinois épargnent en Du fait de la politique de l’enfant unique (et même si le raison d’un système social encore insuffisant) et une dépen- taux effectif de fécondité est de l’ordre de 1,7 enfants par dance forte aux exportations (excédent commercial source femme), la société chinoise vieillit à un rythme exponen- de contentieux avec les pays occidentaux). Par ailleurs, l’im- tiel et maintient un déséquilibre entre les genres (en 2010, pact de la croissance sur l’environnement est loin d’être tota- 119 garçons sont nés pour 100 filles). Les démographes lement maîtrisé : la Chine doit faire face à une pression envi- estiment qu’il y aura 1,1 inactif pour 1 actif en Chine en ronnementale croissante (émissions carbonées, ressources 2030, alors qu’il n’existe pas de système de retraite géné- en eau), compte tenu de l’augmentation de sa demande ralisé : une situation explosive au plan de la santé publique, énergétique et de la structure de son mix énergétique à 70% de la pénurie de main d’œuvre ou de l’ordre social. Il s’agit de charbon. Les importations de pétrole et de soja, asso- pour la Chine de terminer son décollage économique avant - 16 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 la fin de la transition démographique. Fidèle à un modèle scientifique, de travailler sur l’esprit critique et créatif plu- d’expérimentation territoriale, testée sur le programme de tôt que de transmettre des connaissances. Le défi est de libéralisation économique dès les premières années de concilier cette nouvelle approche, qui libérera les postures l’ouverture, le pouvoir a d’ores et déjà entrepris d’assouplir citoyennes, avec l’autorité du pouvoir. sa politique de natalité dans certaines régions pilotes. Le modèle de croissance chinois doit être rééquilibré par le développement du marché intérieur, notamment par la mise en place d’un système de protection sociale afin Comment la recherche essaie de répondre aux grands défis sociétaux ? 1 de diminuer le taux d’épargne, et par un renforcement du Yuan sur le long terme qui permettra aux chinois d’éle- Afin de répondre aux grands défis sociétaux, le gouverne- ver leur pouvoir d’achat. De plus, le rééquilibrage territorial ment chinois investit massivement dans l’éducation et les de la croissance, qui a jusqu’ici profité aux zones côtières sciences (recherche, développement et innovation). Ainsi, de l’Est, est un enjeu pour le pouvoir central (politique du 194,4 milliards de Yuans ont été dépensés en 2011 pour «go west»). Il s’agit d’améliorer, entre autre, les infrastruc- les ‘Sciences et Technologies’ et une augmentation bud- tures, les logements, l’éducation et les soins de santé des gétaire de 12,4% a été annoncée pour 2012. « chinois de l’intérieur ». Le Premier ministre a estimé que la La Chine s’emploie à élever le niveau de formation des Chine devait changer de modèle de développement pour experts dans tous les domaines en sélectionnant des « attacher plus d’importance au mode de vie des gens, universités d’élites (11 sur 2 263 au total) et de grandes et laisser la population partager les fruits de la réforme ». écoles d’ingénieurs. Ces experts travailleront dans des La lutte contre la corruption est concernée. infrastructures de recherche dont le nombre connait une Le pendant direct de la croissance soutenue de la Chine croissance rapide. En 2011, 156 nouveaux laboratoires clé et de son urbanisation est la forte hausse de sa consom- d’État (333 au total) et 114 nouveaux centres de recherche mation d’énergie, et corollairement du niveau de pollution. nationaux en ingénierie (387 au total) ont été créés. Cœur Le pays se trouve confronté à trois défis environnemen- de la politique d’innovation chinoise, de grands et ambi- taux majeurs : l’énergie (augmenter la production énergé- tieux parcs technologiques de pointe sont nés (88 en tique en limitant les gaz à effet de serre), l’eau (garantir 2011) et prospectent des entreprises en leur offrant une un accès à une eau de qualité pour tous) et la pollution politique avantageuse de financement ainsi qu’une fisca- (poursuivre son développement en limitant les nuisances). lité favorable ; des incubateurs et pépinières d’entreprises La gestion de l’énergie, objectif crucial, constitue un goulot sont chargées d’assurer le succès de leur lancement et d’étranglement potentiel pour la croissance économique leur développement. et un enjeu géopolitique pour garantir les besoins crois- Le Ministère de la science et de la technologie (MoST) a sants du pays. L’approvisionnement des populations en publié son 12eme plan quinquennal (2011-2015) planifiant le eau de qualité, notamment au Nord, nécessitera vraisem- développement national scientifique et technologique pour blablement une augmentation des prix, source possible de la période. Ce plan, dont un des objectifs ambitieux est mécontentement populaire dans un pays où les services de consacrer 2,2% du PIB à la R&D, s’articule autour de publics ne coûtent pas cher à l’heure actuelle. La Chine l’essor des industries qui, à long terme, devraient porter doit trouver un équilibre entre développement économique la croissance économique et améliorer le bien être social. et respect de l’environnement et ainsi viser une croissance En effet, une des grandes préoccupations actuelles est de plus qualitative que quantitative, ce qu’elle a entrepris servir l’intérêt général en faisant progresser les conditions d’atteindre en investissant massivement dans les énergies de vie (ex. promotion de l’innovation dans l’industrie des renouvelables et en privilégiant les technologies économes services) et de travail de la population, notamment rurale en ressources. (innovation technologique en sciences agricoles, approvi- Le développement rapide de la Chine a également aug- sionnement en eau, accès à des logements décents...). menté le niveau d’exigences en matière d’éducation. La réforme mise en place ces dernières années vise à adapter les structures aux besoins de la population et à modifier les approches pédagogiques, comme pour l’enseignement des sciences où il s’agit de développer la culture - 17 - http://www.ambafrance-cn.org/IMG/pdf/science_chine_01_mars2012.pdf. Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Dans les domaines scientifiques et technologiques prioritaires, citons : Les sciences biologiques et médicales, avec par exemple Des questions en suspens pour l’avenir le développement de 30 nouveaux médicaments et la transformation d’environ 200 médicaments existants, la Le décollage chinois représente un challenge impression- création d’hôpitaux d’excellence (traitement du cancer), la nant, abordé avec une énergie titanesque et un budget prévention et le contrôle de maladies infectieuses (SIDA, colossal. Mais les résultats seront-ils à la hauteur des es- hépatite virale), la culture d’Organismes génétiquement poirs et des investissements ? La plasticité de la société de modifiés (OGM). l’innovation (développement d’un esprit ouvert et critique) Le domaine énergétique et la protection de l’environne- que la Chine ambitionne d’atteindre semble de moins en ment, avec la création d’un vaste programme de réduc- moins compatible avec la rigidité des structures de l’ère tion de la consommation d’énergie (rénovation de l’immo- communiste (régime autoritaire, stabilité sociale, verticalité bilier ancien, construction de bâtiments de Haute qualité des apprentissages). environnementale (HQE) et un ambitieux programme de Elle devra à terme lever les dualités qu’elle entretient au recherche, de développement et d’innovation dans le stade actuel de sa mutation. Au lieu de copier les occi- domaine des énergies renouvelables (éolien, hydraulique, dentaux (les USA étant le modèle n°1) pour mieux leur captage CO2) et des technologies durables (ressources ressembler, la Chine ne devrait-elle pas chercher à établir naturelles). ses propres modèles, en y intégrant l’héritage de culture La gestion de l’eau (prévention de la pollution, traitement). et de traditions épargné par la révolution culturelle ? Une De plus, 6 programmes majeurs de recherche fonda- partie de la population semble avoir pris conscience des mentale ont été définis par le gouvernement, avec pour dangers encourus par l’identité chinoise (ex. attribution du thématique les protéines (biologie structurale, fonctions prix Pritzker 2012 à l’architecte Wang Shu), mais saura-t- biologiques), les nanotechnologies (nanomatériaux, appli- elle la protéger ? cations biomédicales), les mécanismes de reproduction Plus encore, la Chine pourrait tirer parti de son retard pour (développement de l’embryon et des organes) et les cel- orienter directement son développement vers un modèle lules souches (cellules souches pluripotentes, étude de la durable et accéder ainsi à une position de leader dans cer- différenciation). tains domaines, sans être condamnée à suivre les étapes Afin d’atteindre le meilleur niveau mondial, la Chine s’ap- que l’Occident a connu dans son propre cheminement. En puie sur un système d’attraction de la diaspora chinoise effet, la stratégie de rattrapage de la Chine ne permet pas installée à l’étranger (programmes 100 et 1 000 talents), de résoudre le paradoxe du modèle occidental : consom- et de talents internationaux ainsi que sur le renforcement mer plus en utilisant moins d’énergie et en ménageant de la coopération internationale (recherche active de colla- l’environnement. borations internationales et partenariats d’élite). C’est une Chine à l’écoute du monde, résolument coopérative et ouverte qui s’affiche : en 2020, le gouvernement compte attirer 6% des chercheurs et 500 000 étudiants étrangers dans les laboratoires et universités chinoises. - 18 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 3. Développement des grandes villes : enjeux de développement durable Par Patrick CREZE, Gilbert ISOARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Arnaud MASSIP, Catherine MOULIN Le chemin parcouru dans le domaine de l’urbanisme par la Les hutongs (habitats traditionnels) sont en voie de dispa- République populaire de Chine depuis son ouverture à l’éco- rition, à l’exception de quelques îlots voués au tourisme nomie de marché, à partir de 1976, est spectaculaire. L’éco- et à la gentrification, comme autour du Temple des lamas nomie socialiste de marché est aujourd’hui le mélange, spé- à Pékin. Cet habitat a été sacrifié au profit de nouvelles cifiquement chinois, d’un libéralisme économique réel et d’un constructions, plus hautes, permettant de densifier l’habi- contrôle politique autoritaire. Il en a résulté un développement tat urbain en centre-ville. économique sans précédent en trente ans. On distingue au moins trois périodes de construction suc- La Chine est passée, pendant cette période, d’une popula- cessives : des bâtiments peu élevés, vieillissant mal ; des tion rurale à 80% à une population majoritairement urbaine. immeubles mieux construits, plus récents, de plus grande On compte 113 villes de plus de 1 million d’habitants, 11 de taille mais aux faibles qualités esthétiques ; enfin des bâti- plus de 4 millions d’habitants2. Tout cela sans « thrombose » ments modernes et récents, parfois de très grande hau- de ses grandes agglomérations et le développement anar- teur, répondant à toutes les normes internationales de chique d’immenses bidonvilles. design et de confort. Mais la révolution urbaine continue, avec 30 millions d’urbains Au-delà de la densification du centre-ville, des construc- de plus par an. La notion de développement urbain durable tions de nouvelles zones résidentielles très denses inter- prend tout son sens, faisant de la Chine un terrain d’expéri- viennent en périphérie, au détriment des campagnes, ce mentation unique avec des défis sociétaux et environnemen- qui s’observe très bien en avion. Les pékinois les dénom- taux désormais bien identifiés par l’État/Parti. ment « cages à oiseaux ». Un rapport d’étonnement ne saurait traiter en profondeur La surface moyenne d’un appartement est passée de le sujet. Tout au plus s’agit-il de le mettre en perspectives, 20 m² dans les années 1980 à 35 m² aujourd’hui. L’objectif de toucher sa complexité, de l’illustrer par des angles de est de 85 m². Cette amélioration des standards se traduit vision complémentaires. Nous nous intéresseront à la ville par une augmentation des prix, en lien avec le passage, en de Wuhan, forte de 10 millions d’habitants, qui connaît 20 ans, d’un système d’attribution des logements urbains avec 10 ans de retard, les mêmes processus urbains que par l’État à la création d’un véritable marché privé. D’où Shanghai et Pékin. Elle est une zone pilote depuis 2010 une difficulté à se loger pour les plus pauvres. Le gouver- pour le développement urbain durable. nement a lancé en 2010 à cet effet un plan de construction de 6 millions de logements sociaux de 60 m² chacun dans Visions croisées une trentaine de villes. Le logement : une qualité de construction en hausse, un modèle social sous-jacent qui interroge mouvements sociaux locaux découlant de ces change- Il ne nous a été possible, ni d’apprécier l’importance des ments urbains, ni de vérifier les conditions de relogement des populations concernées, ni leur appréciation de l’évolution de leur qualité de vie. Nous avons visité les villes de Pékin, de Wuhan et de Shanghai. Ce fût l’occasion de constater une très grande hétérogénéité du parc immobilier, allant de quelques rares traces d’habitat traditionnel aux célèbres architectures futuristes de Pudong à Shanghai. 2. Ambassade de France, La Chine en chiffre, 2009 - 19 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Les transports, une politique de rattrapage qui doit rester contrôlée L’eau, un problème de disponibilité et de santé publique La problématique des transports doit s’apprécier à différentes Plus de la moitié des 660 villes chinoises souffrent de pénu- échelles. rie d’eau, touchant environ 160 millions de personnes. La Au niveau national, les autorités se sont lancées dans un consommation d’eau par habitant en Chine correspond au vaste programme de développement des aéroports, des quart de la moyenne mondiale et l’écart se creuse entre po- autoroutes et des lignes de TGV. Les villes de Beijing, Nankin, pulations rurale et urbaine3. Chongqing et Shanghai seront desservies à brève échéance Concernant leur qualité, 90% des eaux souterraines et par TGV, la ligne Beijing-Wuhan devant être inaugurée en 75% des eaux des lacs et rivières sont considérées comme octobre 2012. polluées. 278 villes n’ont aucune unité de traitement des eaux L’observation des problèmes de transport à l’échelle d’une usées. ville comme Wuhan est encore plus parlant. L’ensemble de Devant ce constat, l’État à notablement renforcé4 la régle- l’agglomération est en travaux. Un réseau de transport inter- mentation et les contrôles et créé en 2008 un ministère de urbain est en construction. Une longue ligne de métro verra l’Environnement. le jour mi-2012. Avec 30 millions d’habitants et une surface A Wuhan, ville pilote au niveau national, des actions de res- d’environ 60 000 km², le grand Wuhan connaît des embou- tauration de son écosystème ont été engagées : remise en teillages et une pollution par les gaz d’échappements, alors circulation de l’eau entre les 6 lacs de l’Est, interdiction for- même que le taux d’équipement des ménages en voitures melle de rejet des eaux usées dans les lacs depuis 2006, n’est pas encore comparable aux pays développés, ni même les contrôles pouvant aller jusqu’à la fermeture et à la délo- d’ailleurs à la côte Est de la Chine. calisation des entreprises polluantes. Ce sont 290 points de La politique de développement immobilier de Wuhan voit de pollution qui ont été supprimés. Même si 60% des 39 Gm3 très nombreux quartiers se construire en banlieue, au détri- d’eaux usées par an ne sont toujours non traités, 12 stations ment des zones agricoles. Le réseau de transport urbain n’at- d’épuration ont été mise en place et le plus grand bassin de teint pas encore ces quartiers neufs et très reculés. L’usage traitement de boue d’Asie (14 000 m3) a été créé. Les zones de la voiture est incontournable, créant des engorgements humides naturelles ont été restaurées par la création de aux abords des grands axes. 5 parcs de « terres humides » d’une surface de 1 635 km². Un autre facteur joue à plein : acquérir une automobile est Des dispositifs de protection des captages ont été mis un signe de réussite sociale. Un mariage réussi n’a pas lieu en place, ainsi qu’une station de surveillance. sans que les jeunes mariés ne possèdent une voiture et un Les eaux consommées par la population de Wuhan étant appartement. des eaux de surface, les installations de traitement de l’eau La situation de l’automobile et des transports en commun potable sont particulièrement contrôlées. L’eau apparait est donc une réelle préoccupation des pouvoirs publics qui aujourd’hui accessible à tous les habitants pour un coût de entendent désormais orienter le développement urbain de l’ordre de 1,9 Yuan/m3 (soit 0,23€/m3), dont 0,8 Yuan/m3 façon à réduire les émissions de CO2. À Wuhan, une limitation pour le seul traitement des eaux usées. simultanée de circulation a été mise en place, selon les jours, Un gros travail de sensibilisation a été également mené en fonction du chiffre terminal de la plaque d’immatriculation auprès de la population, ce qui a conduit à une réduction des véhicules. On joue également sur le tarif des cartes grises notable des consommations d’eau entre 2006 et 2012. Les en forte augmentation. entreprises seraient également conseillées par les services De nombreuses autres solutions sont à l’étude : meilleure in- municipaux pour réduire leur consommation. terconnexion des réseaux de métro, trains intercités et autres moyens de transports publics. Malgré cela, la Chine, premier marché automobile mondial, pourraient rapidement voir souffrir ses grandes villes de l’augmentation du nombre de véhicules en zone urbaine. 3. Chine brune ou Chine verte ? Les dilemmes de l’Etat-parti, Benoît Vermander, Sciences Po les Presses, 2007 4. Loi sur les ressources en eau de 1988, révisée en 2002 puis en août 2011 - 20 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 L’ensemble des actions menées à Wuhan semblent cohérentes et en phase avec les enjeux. Pour autant, on est en droit de s’interroger sur la possibilité de répitition d’une telle expérience sur l’ensemble des autres mégalopoles chinoises qui, d’après les Nations Unies, vont devoir fournir de l’eau à 340 millions d’habitants supplémentaires de 2005 à 2030 (United Nations, World urbanization prospects : The 2003 revision, New York, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2004, p. 181.). Les déchets : des pratiques historiques désastreuses à réformer, une réglementation sans effet, un enjeu sanitaire majeur « En Chine, plus de 90% des déchets industriels ne sont pas recyclés », Chen Jialong, professeur à l’Institut d’ingénierie civile de Pékin. Des milliards de tonnes de déchets sont stoc- L’énergie : entre contingences du moment, pollution et stratégie d’avenir kés dans des déchetteries sauvages et illégales qui polluent Conséquence d’une croissance rapide et axée sur l’indus- et ne traite légalement que 5% de ses déchets industriels, trie, la consommation énergétique chinoise a très forte- 1% seulement étant recyclés. ment augmenté au cours des années 1990. La Chine, Il en va de même pour les déchets ménagers : la collecte des pays le plus peuplé au monde, est également le premier ordures ménagères est bien opérationnelle, mais ces déchets consommateur d’énergie et le plus gros utilisateur de finissent souvent dans des décharges sauvages, avec le charbon (qui représente 70% de l’origine de l’énergie même effet polluants sur les sols et les nappes phréatiques. consommée, le pétrole 20%). En 2009, les Chinois ont Au niveau des déchets industriels, il semble qu’une filière de consommé 2 252 G TEP, soit 4% de plus que les USA retraitement cherche à se mettre en place, mais qu’elle peine dont les habitants consomment pourtant, individuelle- à convaincre par le surcoût qu’elle impose aux entrepreneurs. ment, 5 fois plus d’énergie que les Chinois. Il s’agit-là Au niveau des déchets ménagers, deux voies de progrès de combustibles polluants notamment générateurs de sont à l’étude et un débat anime le pays quant au traitement CO2, ce qui fait de la Chine le premier émetteur mondial final des déchets : faut-il les enfouir ou les incinérer ? L’en- durablement la terre et les nappes phréatiques. Ce phénomène a été accéléré par le gigantesque plan de relance de l’économie de 2010 : la Chine est un immense chantier qui engloutit 40% du ciment et de l’acier produits dans le monde de gaz à effet de serre. fouissement demande de la surface, l’incinération des ins- L’efficacité énergétique du pays a augmenté plus vite qu’ail- tallations techniques très au point pour ne pas augmenter le leurs mais, en 2007, il fallait toujours 50% d’énergie de plus niveau de pollution des zones urbaines. Le gouvernement n’a que la moyenne mondiale pour produire un dollar de PIB. pas encore tranché la question et a même lancé une consul- Même si elle développe le nucléaire et ses ressources tation nationale en juin 2011 en réponse aux contestations d’énergie non fossile (hydroélectrique, solaire, biomasse) des populations locales au sujet des projets d’incinérateurs. et si elle travaille sur les projets de captation du CO2 Concernant la collecte, le vaste complexe de Binhai, près produit, la Chine doit aujourd’hui faire face à un niveau impor- de Tianjin à l’Est de Pékin, a mis en place un système tant de pollution induite ayant un effet sur l’environnement et pneumatique de ramassage des ordures ménagères à ses populations. hauteur de 2 000 t par jour. Adossé à une centrale d’incinération, cela permet d’envisager la production d’énergie Les Chinois font de gros efforts pour maîtriser l’énergie consommée par les bâtiments, tant résidentiels que tertiaires. De nouvelles normes de construction ont été produites. Leur à hauteur de 146 MW. Enseignements et perspectives bonne mise en œuvre est vérifiée. Cette démarche d’écoconstruction, réponse la plus censée au défi énergétique, Le modèle économico-politique unique de la Chine lui a per- s’impose sur l’ensemble du territoire pour des raisons diffé- mis de réaliser un rattrapage considérable, même s’il reste rentes : au nord les hivers sont très rigoureux, au sud les étés encore des marges importantes de progrès par rapport aux sont très chauds. Le nombre de bâtiments mal isolés reste pays occidentaux, et notamment les Etats-Unis auxquels la important pourtant la Banque mondiale soutient la démarche. Chine se compare toujours. Pour autant, ce modèle ne tient - 21 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 que grâce à un taux de croissance économique important, qui permet aux populations de voir leur situation personnelle continuer à s’améliorer et ainsi de maintenir une stabilité sociale. Les questions d’environnement et de santé publique, y compris par leurs possibles effets sociaux, sont au cœur de la soutenabilité de ce modèle. Or, le développement des zones urbaines, indispensable pour appuyer et accompagner le développement économique, concentre les difficultés. Des axes de progrès ont été identifiés, qui passent par l’innovation et les changements de comportement. La conscience des élites est réelle au niveau national. Pour autant, on doit s’interroger sur la capacité du gouvernement à imposer ses vues. Il lui revient de trouver le difficile équilibre entre, d’une part, le renforcement rapide des réglementations et leur mise en œuvre, et, d’autre part, le maintien d’un niveau de développement économique important. - 22 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 4. Stratégie de développement des TIC en Chine Par Olivier AUDOUIN, Thomas Emmanuel GERARD, Marc SOULAS, Jean-Michel TANGUY D’un point de vue européen, les chiffres associés à la Chine entre autres : l’Académie d’Ingénierie de Chine (CAE), la Fon- laissent rarement indifférent. C’est encore une fois le cas dation Nationale des Sciences Naturelles (NFSC), ou encore avec les technologies de l’information et de la communica- l’Administration d’État pour les Sciences, les Technologies et tion (TIC). Rien que sur l’infrastructure internet, l’objectif de les Industries de Défense (SATIND). l’Etat chinois de couvrir 100% du territoire en fibre optique d’ici 20145 représente 300 milliards de dollars d’investisse- Les priorités en matière de recherche, développement ment ! Les usages sont à la hauteur de cette politique gouver- et innovation sont transposées en grandes orientations, nementale : déjà près de 25% des internautes mondiaux sont objectifs et actions, au sein de plans pluriannuels. La chinois . Mais en réalité, cette masse d’internautes chinois ne Chine en est actuellement à son 12ème plan quinquennal représente ‘que’ 30% de la population chinoise7. Et parmi pour la Science et la Technologie9, qui couvre la période eux, 38% surfent sur internet à partir d’un Smartphone, no- 2011-2015. 6 tamment dans les zones rurales8. Ce qui laisse augurer du potentiel de développement des filières TIC chinoises. Sans Il convient de noter que les TIC y sont très présents puisque compter leur conquête d’autres marchés à l’international. 3 des 11 grandes orientations quinquennales concernent ce secteur : Comme d’autres secteurs, les technologies de l’information • Les puces et processeurs électroniques et de la communication sont fortement marquées par l’omni- • La production de circuits intégrés, avec visées sur le mar- présence de l’Etat chinois, qui favorise l’émergence de filières, puis de champions nationaux et mondiaux. La recherche pu- ché international • Le réseau mobile de communication à haut débit. blique est au service des filières industrielles, liant les intérêts publics et privés. L’objectif de la Chine ? Être ‘Numéro 1’. C’est La Chine parvient ainsi à donner une impulsion décisive sur annoncé et assumé. Pour cela, la Chine cherche à conquérir l’industrie chinoise des TIC, en se fondant sur des percées son indépendance technologique et mise sur une propriété technologiques et une innovation propre, et en portant une intellectuelle domestique. attention toute particulière aux droits de propriété intellectuelle associés. La stratégie politique de la Chine en matière de TIC AEn Chine, le Conseil des Affaires de l’Etat est le principal organe administratif et politique du pays. Il lui appartient de définir la politique nationale et étrangère et de préparer le plan et le budget de l’Etat. A ce titre, il joue également un rôle central dans la définition de la stratégie de recherche. 5. http://thenextweb.com/asia/2011/03/04/entire-china-on-fiber-opticsin-3-years/ 6.« Déploiement numérique en Chine : le réseau Internet et la téléphonie mobile » Ambassade de France en Chine, 25 janvier 2011 Pour mener à bien cette tâche, le Conseil des Affaires d’Etat s’appuie en premier lieu sur le Ministère de la Science et de la Technologie (MOST), mais aussi sur le Ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information (MIIT) et l’Académie des Sciences de Chine (CAS). D’autres structures sont sollicitées, - 23 - 7.http://www.internetworldstats.com/asia/cn.htm En 2010, on comptabilise 420 millions d’internautes en Chine, soit 31,6% de la population. 8.http://thenextweb.com/asia/2012/03/14/38-of-chinas-internet-population-are-mobile-only-users-says-report/ 9.« Le 12eme plan quinquennal pour la Science et la Technologie », Science et Technologie en Chine, n°1, mars 2012, Ambassade de France en Chine - service pour la science et le technologie Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 De fait, parmi les 7 industries émergentes et stratégiques énu- Sa force ? 12% de ses bénéfices sont réinvestis dans mérées par le 12eme plan quinquennal, le secteur des « tech- la R&D. HUAWEI emploie 62 000 « chercheurs » - dont nologies de l’information et de la communication » est cité en 75% sont détenteurs d’un mastère et plus - au sein de bonne place : en deuxième position, juste après le secteur 23 centres de R&D, dont 8 en Chine et 5 aux USA. des « économies d’énergie et protection de l’environnement ». L’entreprise a également mis en place 36 centres de forma- En déclinant plus avant la stratégie chinoise, on comptabilise tion à ses métiers, produits et services, dont 5 en Afrique : 11 grands projets quinquennaux qui concernent les TIC. 12 000 stagiaires sont formés sur ce continent. Comme évoqué plus haut, le Ministère des Sciences et Tech- Le premier marché de HUAWEI est intérieur, mais l’entreprise nologies (MOST), joue un rôle clé dans la mise en œuvre est aujourd’hui fortement tournée vers l’international. Son du plan quinquennal. Un de ses programmes phares est le premier marché extérieur est l’Europe. Et même si l’accès au programme TORCH10 pour l’innovation, qui a pour objectif marché américain est plus complexe du fait des lois de sureté d’accompagner le développement industriel des produits nationale en vigueur aux USA, cela n’empêche pas la jeune de haute technologie. La mise en œuvre de ce programme entreprise d’afficher ses ambitions : HUAWEI est déterminée repose sur des moyens diversifiés : parcs technologiques, à occuper le premier rang mondial dans les plus brefs délais. soutien aux sociétés innovantes, incubateurs… Autre filière intéressante : l’optique, dont l’activité industrielle 54 parcs technologiques ont été créés en Chine dans le et de recherche se concentre près de Wuhan, grosse ville du cadre de ce programme. Les ¾ travaillent sur des techno- centre du pays. On retrouve au sein de La Vallée de l’Optique logies liées à l’Information et la Communication. Les parcs (Optic Valley) toute une suite d’entreprises spécialisées ont deux objectifs : d’une part, faciliter le développement dans les composants opto-électroniques et la fibre optique, des entreprises domestiques et soutenir leur développement dont certaines occupent aussi les premiers rangs mondiaux. international, d’autre part attirer des entreprises et investis- C’est notamment le cas de FiberHome, spécialisée dans la seurs étrangers. C’est le MOST qui fixe le cadre général de production de fibre optique. Comme souvent observé lors de fonctionnement des parcs, et les provinces qui sont chargées notre séjour chinois, il n’existe pas de séparation stricte entre de la réglementation locale. le laboratoire public en optoélectronique et le centre de R&D relevant de la filière industrielle. Les deux entités partagent les L’industrie chinoise des TIC : une couverture amont-aval mêmes locaux et il est difficile de déterminer où s’arrête l’un et où commence l’autre. En 25 ans, la stratégie chinoise a permis de faire émerger des leaders mondiaux des TIC : Lenovo (ordinateurs), ZTE (équipements télécoms), Baidu (moteur de recherche), Suntech (énergie solaire), Huawei (équipements télécoms), Huagong Tech11 12(laser optique)… Prenons l’exemple de HUAWEI, leader chinois des équipements de télécommunications, qui occupe le 2eme rang mondial. HUAWEI13 est fournisseur de réseaux pour les opérateurs télécom (B2B), et propose par ailleurs une gamme de smartphones et tablettes (B2C). L’entreprise intègre toutes les composantes métiers des Télécoms : des composants aux terminaux en passant par les équipements réseaux fixes, mobiles et IP, travaillant de fait à la convergence de ces 3 technologies. 10. « Le programme TORCH pour l’innovation », Ambassade de France en Chine 11. http://www.chinadaily.com.cn/m/hubei/2011-03/14/ content_12176403.htm 12. Huagong Laser, working with the national laser key laboratory, is building the Laser Processing National Engineering Research Center. It will produce high-powered laser devices and complete sets of laser processing system equipments. It has the highest level of laser technology to be found in China. Huagong Image is China’s biggest production base for comprehensive laser anti-counterfeit serial products. It was designated as an anti-counterfeit products manufacturer by the Ministry of Foreign Affairs, General Administration of Customs, State Tobacco Monopoly Bureau and the Ministry of Public Security 13. En quelques chiffres, HUAWEI, entreprise fondée en 1987, c’est aujourd’hui : 140 000 salariés dans le monde, dont 65% à l’étranger et 6700 en France, 45 des 50 plus grands clients mondiaux d’équipements de télécommunications - soit 1/3 de la population mondiale utilisant sa technologie - et un chiffre d’affaires de plus de 32 milliards de dollars pour 2011 - 24 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Mais cette volonté de rompre avec une dépendance techno- En Asie, un internaute sur deux est chinois, sur la planète un logique vis à vis de l’extérieur du pays se heurte parfois à la sur quatre. En l’espace d’un an, le nombre d’internautes en réalité des marchés. Prenons le cas de certains composants, Chine a augmenté de 73 millions. qui continuent à être fabriqués en dehors de Chine. Chaque année, la Chine est contrainte d’importer des semi-conduc- Le centre de gestion du réseau de recherche CERNET, au teurs pour un montant équivalent à ses importations de pé- moyen de démonstrations multimedia spectaculaires, nous trole. Mais ne doutons pas que le prochain plan quinquennal a permis d’appréhender les objectifs de la Chine liés au nou- va chercher à remédier à cette situation. veau protocole Internet IPv6. L’infrastructure de recherche universitaire en matière de TIC : focus sur l’université de Tsinghua De quoi s’agit-il ? d’adresses IP de nouvelles génération qui ouvrent la porte à une ère radicalement nouvelle de l’Internet, notamment à l’internet des objets. Le protocole IPv6 règlerait, selon nos interlocuteurs, les problèmes d’épuisement d’adresse dans le réseau mondial (potentiel de 2 puissance L’Université de Tsinghua rassemble une quantité impression- 128 au lieu des 2 puissance 23 de l’IPV4 actuel) et améliore nante de laboratoires de recherche de tout premier plan en la sécurité (lutte contre le hacking) en permettant au routeur Chine en matière de technologies de l’Information et de la d’identifier non seulement le destinataire mais aussi l’expédi- communication. En premier lieu, le Laboratoire National des teur d’une requête. Sciences et Technologies de l’Information, mais aussi trois laboratoires d’états clefs et nombre de centres de recherches L’Asie a été la première région du monde à être confrontée à nationaux d’ingénierie, dont le CNGI China Next Generation un problème d’épuisement d’adresses IP, sous l’effet conju- Internet qui réalise des recherches sur l’Internet du futur et la gué de la croissance des internautes et du volume restreint sécurité des réseaux. Le CNGI abrite le Centre de gestion du d’adresses qui leur était possible d’obtenir dans le partage réseau de recherche - CERNET (l’équivalent de RENATER en initial des adresses, contrôlé par les USA. C’est donc tout France, reliant plus de 200 universités et centre de recherche naturel que la Chine ait adopté et milité pour un nouveau répartis dans 25 villes Chinoises). protocole. La recherche au sein de l’Université de Tsinghua est de bon Pour autant, certains auditeurs familiers du domaine ont été niveau, dans la mouvance des thématiques faisant l’objet surpris par le discours de nos interlocuteurs, présentant la de fortes activités de recherche dans la communauté inter- Chine comme ayant joué un rôle dans la genèse du proto- nationale. Les liens avec l’industrie semblent forts, bien que cole. En effet, IPv6 est un protocole mis au point dans les moins intimes que ceux observés dans la vallée de l’optique années 90 par Cisco et Nokia. IPv6 a peiné à se déployer du de Wuhan. L’université de Tsinghua revendique 30% de bre- fait de difficultés opérationnelles et économiques de migra- vets déposés conjointement avec un industriel. Mais selon tion depuis IPv4 vers IPv6, mais aussi parce qu’il existe des un échange avec Li Chong, directeur du laboratoire sur les alternatives pour résoudre le nombre plus réduit d’adressage technologies réseau et la sécurité de l’information, la négocia- en IPv4. tion d’accords universités-entreprises en matière de propriété intellectuelle se révèle être aussi complexe qu’en Europe. Le développement d’internet en Chine : focus sur la technologie IPv6 Le déploiement en Chine du réseau Internet et de la téléphonie mobile est jugé très stratégique d’un enjeu national. La Chine comptait fin décembre 2010 457 millions d’internautes14. - 25 - 14. Chiffres publiés par le China Internet Network Information Center (CNNIC) Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Il nous a semblé pouvoir lire en filigrane de ce discours, la stra- gie est à rapprocher de l’activisme de la recherche publique et tégie du gouvernement chinois en matière d’internet : profiter privée pour déposer des brevets et créer ainsi un socle solide d’une rupture technologique sur un standard pour rebattre les de propriété intellectuelle domestique. L’IPv6 est un exemple cartes de la compétition mondiale sur Internet. Cela signifie en flagrant, dont nous avons listé les tenants et aboutissants. particulier reprendre l’ascendant sur les Américains, en étant les premiers à massivement implanter la nouvelle mouture du Le revers de la planification, c’est la situation des PME. protocole IP, partant d’une situation à fin 2011 où 0,26% des Certes, certaines start-ups bénéficient des incubateurs, des adresses IPv6 mondiales sont chinoises . parcs technologiques (loyers gratuits et infrastructures de 15 qualité) ou encore d’une fiscalité avantageuse, mais l’accès L’intérêt est double : d’une part en basculant massivement au financement bancaire reste difficile. De fait, les PME du sur IPv6 avant les autres, une barrière technologique en faveur secteur TIC sont principalement auto-financées. L’esprit d’en- des équipements chinois existera pour le marché domestique trepreneuriat souffle sur la Chine mais il ne souffle pas pour et, dans un second temps, en pariant sur une généralisation tous dans le même sens : pour certains privilégiés, c’est vent de l’IPv6 sur le plan mondial, les équipements chinois auront de dos, pour d’autres c’est vent de face. pris une précieuse longueur d’avance16. De fait, la question de la qualité de l’écosystème de l’innovaLe réseau CERNET fonctionne d’ores et déjà en IPv6. Nous tion reste ouverte. Est-ce que la planification permet l’inno- avons aussi constaté que des chercheurs de l’université vation de rupture ? Cela ne semble pas être le cas dans les de Tsinghua contribuent à des projets de standardisation pays planificateurs. La Chine inventera-t-elle, comme elle l’a de l’IPv6 en lien avec l’IETF (organisme de standardisation de fait avec le ‘socialisme de marché’, une ‘innovation de rupture l’Internet), en particulier sur les questions de « cohabitation » planifiée’ ? A suivre. entre IPv4 et IPv6 . 17 Enfin, au-delà de l’observation, quel bilan peut tirer la France Pour conclure, l’exemple de l’IPv6 nous parait emblématique des collaborations avec la Chine dans le champ des TIC19. d’une constance stratégique de la Chine en matière de TIC Citons par exemple, dans le domaine numérique, l’accord qui est l’instrumentalisation des standards à des fins à la de coopération IPv6 entre le ministère chinois de l’informa- fois de compétitivité des industriels locaux sur son marché tion et le ministère français de l’industrie20, ou encore l’accord domestique et de conquête du marché mondial. Dans un de développement sur les TIC entre la société 6WIND et autre secteur des TIC, celui du cloud computing, on constate la CAS21. Ces partenariats conduisent-ils à un réel bénéfice ainsi un fort activisme de la Chine sur la normalisation, avec pour la France. Il semble qu’il y ait matière ici pour un second ici d’énormes enjeux sur l’hébergement des données et voyage d’étude… des applications mondiales . 18 Conclusion : Forces et faiblesses du modèle chinois sur les TIC Il est indéniable que le modèle chinois s’est révélé très efficace pour créer des champions de rang mondial. HUAWEI est passé en moins de 20 ans, d’équipementier télécom à 2eme groupe mondial. Et il est très probable que nous verrons, dans les années à venir, émerger d’autres champions chinois. 15. http://french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/7688106.html 16.Communiqué de presse rapporté par le quotidien du peuple http:// french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/7688106.html 17.http://tools.ietf.org/html/rfc5747 Autre fait remarquable : certaines entreprises sont parvenues à maîtriser l’ensemble de la filière amont-aval et conquérir ainsi leur indépendance technologique. C’est encore une fois le cas de HUAWEI qui intègre toutes les composantes métiers des Telecoms, des composants aux terminaux. Cette straté- 18. http://www.afnor.org/groupe/espace-presse/les-communiques-depresse/2012/avril-2012/cloud-computing-faire-face-aux-enjeux-geostrategiques-grace-a-une-norme-internationale 19. « Déploiement numérique en Chine : le réseau Internet et la téléphonie mobile » Ambassade de France en Chine , 25 janvier 2011 20. Mai 2005 21. 2005 - 26 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 5. La planification de la recherche et de l’innovation et ses acteurs Par Dominique BERRY, Jean-François CERVEL, Hélène LUCAS, Stéphane ROY La planification et ses acteurs La planification est le mode d’action économique privilégié dans les pays communistes. La Chine, à la suite de l’Union soviétique, a développé depuis la prise de pouvoir par Mao Tse Toung, une politique économique rythmée par une série de plans quinquennaux. Dix plans quinquennaux se sont ainsi succédé entre 1953 et 2005, compte tenu d’une période intermédiaire floue entre 1962 et 1966 (échec du « grand bond en avant »). Depuis 2005, ces plans sont qualifiés de « Guides quinquennaux ». Elaborés dans le cadre de commissions à différents niveaux, national, provincial et local et par grands secteurs, ils font l’objet de cycles de préparation (trois ans) et de cycles de suivi (trois ans). Le 12eme Guide quinquennal couvre la période 2011-2015. Il a été adopté par le gouvernement chinois en mars 2011. Ses objectifs principaux sont la lutte contre les inégalités, la croissance durable, l’augmentation de la consommation avec notamment le développement d’un système de protection sociale. Il traduit une volonté de la Chine de rééquilibrer son économie notamment pour ce qui concerne le rapport entre investissements et consommation, entre croissance urbaine côtière et le développement des territoires intérieurs. La recherche, le développement et l’innovation font partie des priorités de la Chine et sont considérés comme un moteur de l’économie, un moyen de relever les défis auxquels est confronté le pays, ainsi qu’un outil de rayonnement international. Après avoir été « l’atelier du monde », la Chine ambitionne de devenir « le laboratoire du monde », en mettant en avant le développement d’une économie de la connaissance et en investissant des moyens considérables dans la R&D (augmentation du budget de R&D de 20% par an depuis plus de 10 ans, augmentation de 1,5 fois le personnel impliqué dans la R&D en dix ans). - 27 - Modalités de planification de la recherche et de l’innovation La stratégie nationale de recherche est élaborée sous l’autorité du Conseil des affaires d’Etat, en lien avec la Commission nationale du développement et des réformes (NDRC), et avec le ministère de la Science et de la Technologie (MoST), le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT), le ministère de l’Education (MoE), les académies (avec un rôle prépondérant de la Académie des sciences de Chine, CAS, et de l’Académie d’ingénierie de Chine, CAE), la Fondation nationale des sciences naturelles (NSFC) et l’Administration d’Etat pour la science, la technologie et l’industrie de défense nationale (SASTIND). De l’élaboration de la stratégie nationale de recherche découlent une série de plans à long, moyen et court terme, dont le Plan à moyen long terme sur le Développement Scientifique et Technologique (2006-2020), la feuille de route de la CAS (2010-2050) et les plans quinquennaux du MoST. Le Plan à moyen long terme sur le développement scientifique et technologique (2006-2020) s’appuie sur 16 « mégaprojets ». Il s’appuie sur la poursuite des investissements en R&D pour favoriser l’innovation « indigène », et sur l’appui à la « co-innovation » (résultats d’efforts de recherche communs entre chercheurs chinois et étrangers) et à la « re-innovation » (amélioration des techniques importées de l’étranger). Il est accompagné d’une série de mesures législatives, en particulier la loi sur les brevets du 1er février 2010 encadrant la diffusion des inventions à l’étranger. Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 L’élaboration du XIIeme plan quinquennal du MOST (2011- • l’encouragement à la recherche et à l’innovation régionale 2015) a impliqué plus de 2000 experts pendant 2 ans, et a pour soutenir le développement économique de la pro- été approuvé par la Conférence nationale des sciences et de la technologie. Il est basé sur quatre principes directeurs : • la mise en œuvre d’une innovation indigène • une progression importante dans un ensemble de do- vince, la coordination des transferts de technologie • la mise à disposition de fonds pour les institutions S&T locales • la coordination de la coopération internationale en S&T. maine prioritaires • le soutien du développement actuel Des moyens financiers importants sont consacrés à la • le positionnement stratégique dans les domaines à fort science et technologie et à la R&D, tant au niveau national potentiel. Il se décline en domaines stratégiques prioritaires que régional et local. Sur la période 1991-2008, la dépense (5), en domaines prioritaires (11 domaines, 68 thèmes), totale des gouvernements nationaux et locaux pour la S&T projets frontières (27 dans 8 domaines), projets majeurs a été multipliée par 16, passant de 16 milliards de yuans à (16), projets de recherche fondamentale (18) et projets 258 milliards de yuans (soit environ 27,4 milliards €). Depuis essentiels de recherche (4). 2007, le pourcentage du budget S&T régional dépasse 50% Mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche et d’innovation La mise en œuvre de la stratégie de recherche et d’innovation s’appuie sur des programmes nationaux dont : le programme 973 de recherche fondamentale, le programme de la NFSC, le Key Basic Research programme, le National Hi-Tech R&D programme (863), le National Key Technologies R&D programme, les National Major S&T Projects et le programme Torch lancé en août 1988… Ces programmes sont déclinés et mis en œuvre au niveau régional par des structures territoriales, répliques de celles du gouvernement central. Chaque province dispose d’une commission du développement et de la réforme liée à la NDRC, du budget total. En 2010, le budget chinois de R&D s’élevait à 1,75% du PIB, avec l’objectif d’atteindre 2,2% en 2015 et 2,5% en 2020. Le budget central favorise les programmes nationaux, les universités et les entreprises d’Etat, ainsi que les grands équipements de recherche. Le budget local de R&D provient principalement des entreprises, des banques, du gouvernement central et local et de l’étranger et complète les fonds nationaux attribués dans chaque région. Des lois et règlements, au niveau national et régional, fournissent un cadre juridique à la politique de R&D (Science and technology progress law, loi sur le transfert des résultats de la recherche, loi sur l’éducation, loi sur les compétences professionnelles, loi sur les PME, incitations fiscales pour les entreprises et les chercheurs…). Bilan et interrogations d’un organe de développement de la S&T lié au MoST, d’un organe chargé de l’enseignement lié au MoE, etc. Les pro- Malgré la complexité du système et le recouvrement appa- vinces et les municipalités relevant directement de l’autorité rent des plans, des domaines et des projets identifiés, la dé- centrale sont dotées d’un département S&T ou d’un bureau marche de planification semble découler d’une vision précise S&T équivalent au MOST local. Les fonctions principales des et pragmatique déclinée en objectifs opérationnels auxquels départements régionaux pour la S&T sont : sont alloués des moyens financiers et humains importants. • la mise en œuvre au niveau local des stratégies, lois et Les objectifs fixés par les plans selon une approche top- règlements nationaux relatifs à la S&T, et l’élaboration de down, relevant encore souvent d’une logique d’ingénierie de réglementations et lois locales dans ce secteur rattrapage dans des domaines industriels, semblent atteints • la planification du développement scientifique et technolo- dans différents secteurs, certains même avec de l’avance. gique de la province ou de la municipalité (villes-Provinces) Le volontarisme politique mis en œuvre par la planification • en collaboration avec les ministères compétents, la coordi- se traduit par des résultats spectaculaires dans des sec- nation de la réalisation des programmes nationaux • le pilotage régional de la réforme institutionnelle en S&T teurs comme le spatial (évènement symbolique du premier « taïkonaute » chinois), les super-calculateurs, le train à - 28 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 grande vitesse, le riz hybride…et par une progression indis- que nous connaissons, incitations fiscales notamment dans cutable des résultats quantitatifs notamment en termes de le cadre des zones high-tech, incubateurs, capital-risque, publications scientifiques. La capacité de l’Etat à revoir sa pépinières... C’est sans doute à l’échelle territoriale que ce stratégie, identifier de nouvelles priorités et mettre en place processus bottom-up se coordonne avec le système planifié des moyens conséquents (e.g. en matière de formation, top-down, permettant la souplesse nécessaire à l’adaptation l’identification de l’inadéquation du système d’enseignement au marché. à la créativité, l’envoi massif à l’étranger d’étudiants chinois) paraît également être un atout considérable pour s’adapter aux nouveaux enjeux. La troisième porte sur les conséquences sociétales de la planification en matière de recherche et d’innovation, peu L’accélération du développement scientifique et technolo- abordées lors de notre séjour. Quid de la culture de com- gique de la Chine au long des trente dernières années té- pétition inculquée dès le plus jeune âge, de l’adaptation des moigne de l’efficacité de la planification de la recherche et recherches aux besoins de la société chinoise, etc… ? de l’innovation et de sa déclinaison aux niveaux national, régional et local, comparable à celle d’un rouleau compres- Enfin, la question de l’exercice du pouvoir dans un système seur. Compte tenu de la brièveté de notre séjour en Chine, et de ce type piloté à tous les niveaux par le Parti commu- malgré le nombre et la qualité des rencontres et des visites niste chinois se pose évidemment. Les événements récents réalisées, il serait présomptueux de notre part de nous livrer à concernant l’agglomération de Chongqing en portent une analyse critique du système de planification. Nous nous témoignage. bornerons donc à énoncer quelques-unes des questions qui se posent à nous. La première concerne l’analyse du rapport coût-efficacité du système mis en place. Nous ne disposons pas d’éléments fiables sur les moyens financiers mobilisés pour conduire ces politiques pas plus que de documents d’évaluation permettant de porter un jugement objectif et complet. La deuxième porte sur l’articulation entre le niveau central et le niveau territorial. Plus fondamentalement, la question est posée de la relation entre un mécanisme étatique descendant - même s’il est compensé par une forte décentralisation territoriale - et un besoin d’initiative pour porter l’innovation, plus particulièrement dans le cadre de la dynamique d’innovation indigène ayant pour objectif de favoriser le développement local de produits de haute technologie. La multiplication des zones économiques cherchant à attirer les investisseurs, notamment étrangers, témoigne de la compétition, sinon la concurrence, entre les provinces. On constate que les politiques sont mises en œuvre par des structures publiques ou para-publiques dont les responsables sont des fonctionnaires nommés, préoccupés par leur logique de carrière. Mais on constate également que sont développées des politiques d’incitation à l’innovation pour susciter et soutenir l’initiative. Elles utilisent des outils très semblables à ceux - 29 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 6. Les stratégies de recherche et d’innovation nationales, provinciales et municipales : articulation des niveaux d’autorité Par Carole COUVERT, Véronique DEBISSCHOP, Sacha KALLENBACH, Krzysztof KOZLOWSKI Organisation générale La Chine est divisée en 22 (ou 23) provinces, 5 régions autonomes et 4 municipalités relevant de l’autorité centrale, Pékin, Shanghai, Tianjin et Chonggin et deux régions administratives spéciales. A leur tour les provinces et régions autonomes sont divisées en départements autonomes, districts, districts autonomes et municipalités. Les districts, districts autonomes et municipalités sont divisées en cantons, cantons peuplés d’ethnies minoritaires et bourgs. Les élus des provinces, régions autonomes et municipalités relevant de l’autorité centrale siègent à l’assemblée nationale populaire qui se réunit une fois par an et qui nomme le conseil des affaires d’Etat, c’est-à-dire le gouvernement, qui lui rend compte. La constitution donne pouvoir au conseil d’Etat de « diriger de façon unifiée et dans tout le pays le travail des organes administratifs locaux de tous les échelons, délimiter concrètement les fonctions et pouvoirs qui se répartissent entre les organes administratifs centraux, les provinces, les régions autonomes et les municipalités relevant directement du pouvoir central ». Autrement dit, les administrations locales sont des services déconcentrés de l’Etat. Les différents échelons de l’Etat, des provinces et des municipalités chinoises interviennent dans la mise en œuvre de la politique de recherche et d’innovation dont le cadre général est donné au travers des plans quinquennaux. Le rôle de l’Etat central dans l’élaboration des stratégies de recherche et d’innovation Au niveau de l’Etat deux entités distinctes interviennent dans l’élaboration de la stratégie de recherche et d’innovation. D’une part, l’académie des sciences chinoises (CAS) qui est à la fois impliquée dans l’élaboration de la politique de recherche et un opérateur dépendant directement du conseil des affaires d’Etat. D’autre part, le ministère de la science et de la technologie (MOST) travaille également sur la politique de recherche et intervient pour sa mise en œuvre nationale en s’appuyant sur ses services déconcentrés dans les provinces et municipalités. Ainsi l’on constate que la CAS a élaboré une feuille de route 2010-2050 et le MOST un plan moyen longterme sur le développement scientifique et technologique 2006-2020 décliné ensuite en plans quinquennaux. Dans une logique de réflexion qui n’exclut pas une stratégie au profit d’une autre, ces démarches semblent se compléter et s’alimenter mutuellement. La première est basée exclusivement sur le critère d’excellence alors que la deuxième prend également en compte la dimension d’aménagement du territoire. Un autre opérateur national qui joue un rôle important pour le financement de la recherche est la National natural science foundation of China (NSFC) créée en 1986 et qui dépend également directement du conseil des affaires d’Etat. Elle intervient pour le financement de la recherche fondamentale par le biais d’appels à projets compétitifs attribués après une évaluation indépendante sur critères d’excellence. Elle gère les fonds qui viennent financer les programmes de recherche des laboratoires du CAS et des universités. - 30 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Les échelons locaux le dispositif Torch et une fiscalité avantageuse pour les entre- Les provinces disposent d’un département de la science et soutenues par la municipalité figurent par exemple le Chinese prises de haute technologie et les PME. Parmi les institutions de la technologie (S&T) lié au MoST, de même, les municipalités relevant directement de l’autorité centrale disposent d’une commission S&T. Pour l’élaboration des plans quinquennaux une vaste concertation est engagée qui permet aux échelons locaux de faire remonter leurs propositions et problématiques. Les provinces et municipalités peuvent ensuite human genome center (3 millions de Yuans contre 50 à 60 millions de Yuans pour l’Etat), l’université Jiao Tong, un fond de China materialia LLC entreprise de conseil, l’Institut Pasteur de Shanghai. Réflexion rédiger leur propre plan quinquennal qui décline les priorités nationales (http://www.apcoworldwide.com/content/pdfs/ On note que le développement de la recherche et de l’inno- chinas_12th_five-year_plan.pdf.). Lors de notre visite nous vation n’a pas obéi jusqu’à présent à une logique d’amé- avons constaté une forte implication des gouvernements lo- nagement du territoire, engendrant des déséquilibres entre caux en soutien des politiques nationales de recherche et une les zones côtières et l’intérieur du pays. Chose à laquelle le véritable prise d’initiative pour tout ce qui touche à la valorisa- gouvernement semble vouloir remédier dans ce douzième tion de la recherche, le transfert de technologie et la création plan quinquennal avec l’injonction «Go West !» qui vise à de parcs technologiques. Ce qui est cohérent avec l’inscrip- implanter des activités dans les régions moins développées tion du soutien à la recherche et développement locaux au de l’intérieur. La force du système déconcentré est l’impor- douzième plan quinquennal. tante cohérence des dispositifs aux différents échelons du territoire. Le cadrage national avec de multiples programmes Exemples dont les approches peuvent paraitre redondantes mais qui Wuhan east Lake high technology development zone et laisse le champ aux gouvernements locaux pour dévelop- permettent de répondre à une grande variété de situations Dans la province de Hubei un grand projet de réalisation d’un parc de haute technologie est en cours de réalisation à Wuhan. Ce parc, comme deux autres de la province, est reconnu au niveau national dans le cadre du programme TORCH et bénéficie d’investissements à parité entre les autorités centrales et locales. On note aussi l’existence de 15 autres parcs gérés par la province. Parmi les initiatives qui ont retenu notre attention figure un incubateur d’entreprises qui soutien les projets dès la phase de maturation. La province intervient par des aides au créateur d’entreprise pour le financement de la recherche fondamentale et appliquée de son équipe mais aussi à titre individuel par le biais d’un accès gratuit au logement. per celles qui sont le plus adaptées au tissu socio-économique de leur territoire mais aussi de prendre leur propres initiatives tant qu’elles ne sont pas en opposition avec les lois nationales. On peut cependant s’interroger sur les limites de cette organisation de type déconcentrée par rapport à une véritable décentralisation, jusqu’où la créativité des pouvoirs locaux s’exprime-t-elle ? N’est elle pas soumise à une forme d’autocensure quand elle s’éloigne trop des prises de position communément admises ? Cette impression est renforcée par le constat de la présence d’un représentant du parti communiste dans la direction de chaque instance territoriale qui vient doubler les liens administratifs qui relient les services déconcentrés à l’Etat central. Il y a donc deux relais d’information et de décision parallèles vers les plus hautes sphères de l’Etat. Cela peut permettre un contrôle légal et financier accru mais aussi constituer un frein au développement d’ini- Municipalité de Shanghai La municipalité de Shanghai a développé une palette de me- tiatives originales qui ne seraient pas dictées d’en haut. sures pour accompagner le développement de la recherche et des entreprises innovantes. Sa commission de sciences et technologie soutient la recherche dans les universités, les chercheurs à titre individuel, vraisemblablement dans le cadre des programmes Talents ou des variantes, et les incubateurs. Elle a aussi mis en place des aides aux PME qui entrent dans - 31 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 7. Le soutien à l’innovation : structures et programmes Par Eric BERNARD, Joël JACQUET, Amaury JOURDAN, Xavier GRISON De « l’usine du monde » au « laboratoire du monde » Structures et programmes En Chine, le soutien à la recherche et l’innovation fait l’objet de programmes y concourent plus ou moins directement, d’une politique ambitieuse et constante depuis l’ouverture de Pour le soutien à l’innovation, si beaucoup d’organismes et la colonne vertébrale semble être constituée par le MOST 1978 avec plusieurs ajustements stratégiques : (Ministry Of Science & Technology) et son programme • 1978 : « la R&T est la première force productive » 863 des hautes technologies clés (détails en annexe). • 1985 : « la R&T doit être orientée vers le développement National R&D Programs socio-économique » TORCH (détails en annexe) qui s’appuie sur le programme • 1995 : « stratégie de revitalisation du pays au travers du développement de la science et de l’éducation » • 1999 : « développer la high tech et son industrialisation » Industry • 2006 : « Innovation indigène, un pays orienté vers l’innovation » Torch Program Funding Les principaux programmes nationaux de soutien à l’innovation ont été lancés dans les années 80 (1983 : programme 863, Key Tech des technologies clés, 1986 : programme 863 de développement des hautes technologies, 1988 : programme TORCH de soutien à l’industrialisation des hautes technologies) et complétés par un volet plus orienté recherche fondamentale dans les années 1990 (1997 : programme 973 de soutien à Government Basic NSF, 973 Applied Experiments & Focus Research Research Development Products Technical Development Services la recherche fondamentale). Le « virage » vers un développement basé sur la haute tech- Ces programmes déploient une palette complète de « bonnes nologie n’est donc pas récent et fait partie d’une stratégie pratiques » expérimentées dans les pays développés pour initiée depuis près de 30 ans, encadrée par une planifica- soutenir l’innovation : zones de haute technologie, avantages tion rigoureuse. On note toutefois une accélération de cette fiscaux pour les entreprises qui font de la R&D, labellisation de préoccupation depuis le XIeme plan quinquennal (2006), où projets, de centres de recherche et d’universités, incubateurs l’innovation est présentée comme une stratégie incontour- de start-up, puis accélérateurs par garantie bancaire pendant nable pour espérer maintenir en Chine une croissance forte, leur phase de croissance… garante d’un développement paisible et pérenne. - 32 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 La co-innovation vient compléter cette palette : il s’agit de développer des recherches en collaborations soit avec les entreprises étrangères présentes en Chine, soit avec des laboratoires. Des mesures protectionnistes rendent ce dispositif très efficace, en termes de propriété intellectuelle. Les chinois sont décidés à tout tenter pour réussir leur pari de l’innovation indigène. Les échecs partiels ne leur font pas forcément peur : c’est initier le processus qui leur importe. Ils corrigeront leurs plans en fonction des résultats observés et de leurs spécificités propres. Cette politique, bien qu’impulsée par le gouvernement central, est fortement relayée et animée au niveau des provinces et des municipalités. Une concurrence forte existe entre les provinces, ce qui peut amener à des duplications de moyens ou de zones technologiques sur un même sujet. Cette redondance semble faire partie de la démarche « d’expérimentation » qui caractérise souvent les actions gouvernementales chinoises. Le gaspillage éventuel de ressources budgétaires n’est pas une préoccupation majeure pour l’instant, bien que cette politique ait conduit les provinces à un fort endettement (qui s’élève au total à 30 à 50% du PIB) et que l’efficacité soit souvent controversée. La structure et les programmes de soutien à l’innovation apparaissent donc comme un mélange de planification très cadrée et d’autonomie dans la mise en œuvre au niveau local, le tout porté par des investissements très importants sur une longue durée. Le MOST vient de publier le XIIeme plan pour la science et la technologie (2011-2015), qui s’inscrit dans le plan à 15 ans 2006-2020. Ce XIIeme plan a pour principal objectif de parachever le développement de la Chine comme un grand pays d’innovation. Des objectifs ambitieux sont fixés pour 2015 : 2,2% du PIB en dépenses de R&D (1,75% en 2010 après 1% en 2000), 5eme rang de citations mondiales d’articles scientifique (8eme rang en 2010),… Six axes stratégiques sont mis en avant, dont trois s’adressent directement au soutien à l’innovation : • Les « industries émergentes d’importance stratégique » • Les technologies clés pour la modernisation de l’industrie • Le renforcement des structures et des politiques d’innovation. Enfin, l’innovation en Chine est fortement relayée par les acteurs industriels, qui contribuent pour 70% à la R&D (contre environ 50% en France), et nouent volontiers des partenariats publics/privés en matière d’innovation (par exemple l’arrivée de Huawei dans l’ «Optical Valley» à Wuhan). L’État y contribue via des réductions d’impôts sur la R&D, majorées lorsqu’il s’agit d’innovation «High Tech», en plus d’autres initiatives telles que les zones «High Tech» et «Science Parks» groupant universités, PMEs et grands groupes. Il est à noter qu’une bourse «High Tech» est également en place et accueille, entre autres, les entreprises de croissance qui ont profité de l’incubation du programme Torch. De même Innofund, organisme public de capitaux à risques, permet le soutien des PME les plus prometteuses. Les entreprises étrangères, souvent en association à parité avec une société chinoise pour avoir accès aux marchés régulés, profitent de ces avantages pour la R&D produite localement. Même si, en moyenne, la part réservée à la R&D dans les sociétés (<1% du chiffre d’affaire) reste très faible comparée à celle que l’on a en Europe ou aux Etats-Unis (2,7% en moyenne pour les entreprises françaises), des résultats sont déjà visibles : l’export de haute technologie est aujourd’hui à un niveau estimé à 500 B$ et certains groupes industriels chinois se hissent dans la cour des grands de la high-tech : Huawei, par exemple, est devenu en 25 ans N°2 mondial des composants et systèmes Telecom. - 33 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Points remarquables Avertissement : en cohérence avec les limites de l’exercice de « carnet de voyage », les éléments ci-après sont à considérer comme des sujets d’interrogation et non comme des affirmations validées. Un dispositif complet et cohérent, s’appuyant sur les forces spécifiques de la Chine La Chine a bien compris ce dont l’Europe commence à peine à prendre conscience : l’innovation en elle-même n’est absolument pas suffisante : il faut avoir les usines à coté des laboratoires pour en tirer profit et pour inscrire l’innovation dans la durée. Et donc les incitations à la production locale sont tout aussi développées et efficaces que celles à la R&D, même si elles sont moins évoquées (ou pas chiffrées, en raison peut-être de la crainte d’éventuelles contestations, assez improbables, à l’OMC) : défiscalisation, aide à l’investissement, à l’établissement du siège,… Par ailleurs, au moins dans certains secteurs choisis, la Chine essaye, de façon très pertinente, de tirer le meilleur profit de son immense marché intérieur, sur lequel elle peut agir (par réglementation, normes, incitations,… ou simplement du fait des goûts locaux), afin de constituer une base qui permet aux entreprises locales de rentabiliser leurs investissements (et R&D), avant de s’attaquer au marché mondial. Le gouvernement n’hésite pas à solliciter (programme des 1 000 talents) une ressource particulière à la Chine : la diaspora scientifique chinoise. Il cherche également à attirer l’élite universitaire étrangère pour contribuer à l’éducation scientifique, celle-ci ayant une place importante dans l’accompagnement de la stratégie d’innovation indigène sans que la Chine ait pu, à ce jour, devenir autosuffisante sur le sujet. Enfin, il est remarquable que la Chine a su analyser et retenir les meilleures pratiques proposées par les sociétés américaines et européennes, en les adaptant à leur modèle de société. Un fort accompagnement législatif et règlementaire Les différents instruments et programmes font l’objet de lois spécifiques et entrainent des répercussions importantes sur des lois plus générales comme la propriété intellectuelle, les contrats ou le soutien aux PME. La Chine veut jouer un rôle de plus en plus important dans l’élaboration des normes : l’implication des laboratoires de recherche dans les normes nationales voire internationales est citée avec fierté, au même titre que les publications. Concernant la propriété intellectuelle, remaniée en profondeur depuis 2009/2010, il est intéressant de noter une spécificité chinoise, à savoir l’existence, au-delà du brevet d’invention similaire au brevet européen, d’un « brevet d’utilité », plus accessible que ce dernier, et qui vise à protéger un progrès plus incrémental dans l’industrialisation d’un produit. L’association de normes et d’une politique de propriété intellectuelle ambitieuse au niveau national constitue, en Chine comme d’ailleurs aux USA, un élément protecteur important pour l’industrie locale. L’innovation indigène : une opportunité à ne pas négliger par les groupes internationaux Implanter de la R&D en Chine (comme en Inde ou des pays similaires), est souvent tiré par deux besoins : adapter les produits aux spécificités du marché local (normes, goûts,…) et adapter l’industrialisation au modèle de coût du pays (s’adapter en particulier à une main d’œuvre moins chère). Cette démarche d’implantation de R&D, outre le fait quelle devienne incontournable sous la pression des autorités chinoises, peut révéler d’heureuses surprises comme réapprendre à faire simple et moins cher. Ce type d’innovation indigène devient une opportunité pour la maison mère, qui importe alors de l’innovation de Chine. Beaucoup d’entreprises occidentales sont donc de plus en plus confrontées au dilemme du transfert de technologie : « jouer le jeu » du développement de R&D en Chine pour accéder à un marché nécessaire à leur croissance, ou conserver le modèle précédent, orienté « transfert de production » ou la R&D locale est limitée à de l’optimisation industrielle ou de l’adaptation au marché. Des zones de flou et des faiblesses Les données de financement sont difficiles à consolider : combinaison d’une certaine opacité et d’une grande complexité (niveau national, régional, financement à la fois par les structures et par les programme, répartition publique/ privé difficile même avec les entreprises). Il est admis que le modèle chinois demande une croissance supérieure à 5% (voire 7 à 8% pour certains), pour se maintenir, ce qui montre une certaine « perte en ligne » des investissements et aussi la nécessité d’une redistribution organisée pour préserver la paix sociale. Il y a de l’argent, des prototypes, des grands équipements, mais il y a un chaînon manquant : le savoir faire de fond (le pourquoi des choses, la recherche fondamentale) et la maturité, qui constituent la base indispensable à une innovation - 34 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 de 1ere ligne. En particulier la créativité et l’entreprenariat, deux qualités essentielles à une économie de haute technologie, sont encore trop peu présentes en Chine. Ils ne sont pas forcément favorisées par des système d’éducation et de société très dirigés, et dépendent encore beaucoup des programmes d’incitation pour attirer les entreprises occidentales. Certaines opérations peuvent parfois se perdre dans des méandres plus mercantiles. Le développement de certaines zones économiques et technologiques, derrière une façade officielle de soutien à l’innovation, peut apparaitre comme de grandes opérations immobilières (construction BTP et négoce). Tant que la finalité guide l’action ce n’est pas grave, mais attention à la création de bulles ou de « villes technologiques désertes ». Ce risque ne peut pas être écarté, même si le volontarisme affiché et les moyens mobilisés arrivent à créer un effet d’entraînement (peur pour les entreprises de ne pas être « là où tout le monde sera ») à partir d’à peu près rien. Notre visite du BIOLAKE à coté de Wuhan montre que la nouvelle stratégie du «Go West», et le développement des grandes cités du centre ne sont pas exemptes de risques. Le pilotage d’une politique par planification quinquennale et objectifs chiffrés associés permet de mesurer l’avancement, mais peut induire des comportements contreproductifs. Chacune de nos visites a donné lieu à la présentation d’indicateurs chiffrés accompagnée d’une naturelle fierté d’avoir atteint sinon dépassé les objectifs assignés à l’institution. Cette course à la quantité (nombre de publications, nombre de dépôts de brevet, nombre de chercheur,…) peut conduire, si elle n’est pas contrôlée, à passer à coté de l’amélioration de la qualité et du fond. La délicate alchimie de l’innovation ne peut malheureusement (ou heureusement ?) pas se réduire à la tenue d’indicateurs, si pertinents soient-ils. Au niveau de la recherche, cette course se traduit par la publication d’articles dans des revues à faible facteur d’impact, ce qui confirme une qualité moindre des travaux. La compétition forte entre chercheurs, qui vient en partie des différences de salaires substantielles entre les chercheurs réputés et ceux qui le seraient moins, conduit à une augmentation sensible des cas de plagiat détectés dans les publications. Synthèse La Chine s’est fixé des objectifs ambitieux en matière d’innovation et mobilise pour cela des moyens très importants. L’état central, relayé efficacement à l’échelon des provinces et en connivence avec le monde industriel, déploie à marche forcée un écosystème propice à l’innovation depuis la formation supérieure, jusqu’aux entreprises high tech en passant par un réseau d’institut de recherche et de zones technologiques et industrielles. - 35 - L’enjeu de la Chine dans les 10 à 15 ans est de passer d’une logique de quantité (nombre de brevets déposés, nombre de zones de haute technologie,…), à une logique de qualité. L’innovation de rang mondial nécessite une maturité qui demande non seulement des moyens, mais aussi du temps. et des catalyseurs pour faire « prendre la mayonnaise ». Il s’agit, en termes d’innovation, de passer à une culture de « pionnier », à l’image du voisin coréen qui a connu le même questionnement et a su y arriver ces dix dernières années. La gouvernance actuelle de la Chine basée sur la planification est particulièrement efficace dans une phase de rattrapage. La transition vers une économie de « première ligne » est plus difficile, la France s’y essaye depuis plus de trente ans avec une réussite plus que relative. La Chine a bien noté que son avantage décisif, le coût de la main d’œuvre, allait s’estomper, car celui-ci augmente régulièrement (il y a de la marge par rapport à l’Europe, mais les autres pays asiatiques sont devenus meilleur marché). Elle doit donc changer de modèle. En particulier, dans les domaines plus high-tech, le poids de la main d’œuvre est assez faible dans le produit final. En revanche, l’environnement (universités au niveau, infrastructure, aides à l’investissement et à la R&D) devient primordial : la Chine construit donc cet écosystème. La Chine avance avec détermination et succès, il lui reste 10 à 15 ans de croissance forte22 avant de devoir orienter massivement ses ressources vers les « besoins sociaux » (retraite, couverture santé, déclin démographique…) et devoir relâcher l’investissement étatique sur la R&D. La question pour l’Europe est plus son manque de dynamisme et d’investissement sur l’avenir, en particulier dans le secteur privé, que la menace de la Chine. La crise de la dette ne peut être une excuse pour ne rien faire, d’autant que des atouts existent (qualité de l’éducation et des infrastructures) et que les faiblesses peuvent être combattues (absence de soutien à la localisation des productions, ce qui entraîne la désertification industrielle, et, avec un décalage de quelques années, la délocalisation de la R&D, qui peut suivre celle des usines). Par ailleurs, notre voyage en Chine a montré, qu’à l’image des Etats-Unis, les règles du commerce mondial n’excluent pas des mécanismes de protection de marché qui favorisent l’émergence d’entreprises innovantes de taille mondiale. 22. La balance commerciale de la Chine, très excédentaire jusqu’à présent, sera négative en 2012 sous l’effet d’une part de la crise de la dette mondiale qui tend à freiner les exportations et d’autre part de l’augmentation des importations (matières premières, pétrole, produits agricoles..). L’augmentation du niveau de vie de la Chine tend à accentuer cette dégradation. Pour maintenir un niveau de croissance de l’ordre de 7 à 8% nécessaire au maintien de la paix sociale, la chine doit s’appuyer sur une augmentation de sa consommation interne Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Annexes > Programme TORCH23 Le programme TORCH, lancé en août 1988, est un programme du Ministère des Sciences et Technologies (MOST) en Chine en soutien à l’innovation. Ce programme a pour objectif de développer l’industrie des produits de hautes technologies en vue en particulier de leur exportation et internationalisation. La mise en œuvre du programme repose sur des moyens diversifiés tels que les parcs technologiques nationaux ou les incubateurs. Les parcs technologiques ont joué un rôle important dans le développement de la communauté de Science et Technologie (S&T) chinoise. Ces parcs technologiques permettent aux sociétés S&T de coopérer et interagir en les plaçant à proximité l’une de l’autre. Après la création de 26 parcs technologiques rentrant dans le cadre de ce programme en 1991, leur nombre était de 56 en 2009, s’appuyant sur 34 parcs informatiques, 169 centres spécialisés et 1 400 lieux supports à la production. En 2010, 27 parcs supplémentaires ont rejoint le programme, et 5 autres ont été labellisés en 2011, portant le nombre de parcs technologiques nationaux à 88. A ces parcs nationaux s’ajoutent quelques 400 zones de hautes technologies provinciales et municipales qui peuvent être promues au rang national par le Centre TORCH suite à une évaluation de leur force d’innovation. C’est le MOST via le programme TORCH qui fixe le cadre général de fonctionnement au niveau national, alors que les provinces sont chargées de la mise en place de la réglementation locale. Les parcs visent d’une part à faciliter le développement des entreprises domestiques, et à les aider à l’exportation, et d’autre part à attirer des entreprises étrangères et des investissements étrangers. Les entreprises installées dans les parcs bénéficient d’un système d’allègement fiscal avantageux. Ces avantages fiscaux sont aussi valables pour les industries étrangères s’implantant sur les parcs. Leur imposition est moindre si les productions sont exportées. De plus, elles peuvent bénéficier d’aides à l’obtention de crédit, et des taux d’intérêt aménagés. La labellisation accordée par le Ministère dans le cadre de ce programme joue un rôle essentiel, comme c’est le cas pour d’autres programmes du MOST. Les projets labellisés bénéficient du soutien très important des provinces ou d’autres niveaux régionaux ainsi que des banques. Ce programme est mis en œuvre par le Centre TORCH - organe opérationnel du MQST. Il est relayé au niveau provincial par les bureaux pour la science et la technologie, chacun étant dirigé par un directeur de pôle. En mai 2006, le Centre TORCH a intégré le centre de développement de l’industrie des hautes technologies, Innovation Fund For Technology Based Firms ou Innofund et le China Technology Market Management & Promotion Center, faisant désormais de ce centre le seul organisme chargé de piloter le programme. Activités Les domaines scientifiques prioritaires du programme TORCH sont : • l’électronique et l’informatique (circuits intégrés...) • les biotechnologies et technologie médicale • les nouveaux matériaux (matériaux superdurs, batteries...) • les machines-outils intégrées (mécaniques, électriques et optiques) • les nouvelles énergies et l’efficacité énergétique (photovoltaïque...) • la protection de l’environnement 23. Extrait de la note SST-PK-11-026v2 du Service pour la science et la Technologie de l’Ambassade de France en Chine - 36 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 > Programme 863 (hautes technologies)24 Le programme 8638 est destiné à promouvoir la recherche appliquée et le développement des hautes technologies. Il ambitionne de permettre à la Chine d’être une société « orienté vers innovation » à l’horizon 2020 et de devenir un leader mondial en sciences et technologies à l’horizon 2050. Les objectifs du programme sont : • le développement des technologies nécessaires à la construction de l’infrastructure d’information de la Chine • le développement de technologies dans les domaines de la biologie, l’agriculture et la pharmacie. Il vise à améliorer de manière significative la capacité chinoise en R&D • la maîtrise des nouveaux matériaux ainsi que des technologies industrielles avancées pour relancer la compétitivité industrielle. Le programme 863 accordera ainsi une attention particulière aux nano-technologies, nouveaux matériaux, ainsi qu’aux technologies relatives à l’aéronautique • la réalisation de percées technologiques dans les domaines clés de la protection de l’environnement, du développement au niveau des ressources et de l’énergie. Avec la mise en œuvre du Programme 863, la Chine s’est dotée d’une stratégie équilibrée - de développement des hautes technologies adaptée à sa situation. La Chine a également formé des équipes travaillant dans les secteurs de pointe, équipes qui ont acquis au niveau international et ont réalisé des percées dans des technologies clés. Ce programme a permis d’augmenter considérablement le potentiel chinois en matière de hautes technologies, comme l’illustre le projet de supercalculateur Tianhe-19, le supercalculateur le plus rapide au monde. Domaines prioritaires dans la recherche et l’exploitation 1. Technologie d’information 2. Biotechnologie et médecine 3. Nouveaux matériaux 4. Fabrication avancée 5. Nouvelle technologie d’énergie 6. Ressource et environnement 7. Technologie marine 8. Agriculture moderne 9. Nouvelle technologie de transport 10. Observation terrestre et technologie de navigation 24. Extrait de la note SST-PK-11-111v3 du Service pour la science et la Technologie de l’Ambassade de France en Chine - 37 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 8. Brain drain, brain gain Par Jérôme COPPALLE, Hubert DUAULT, Olivier FOHANNO, Nathaly MERMET Contexte historique relancer les traditions anciennes de liens et d’échanges avec La Chine a développé depuis près de deux siècles une tra- Etats-Unis. Les objectifs d’une telle politique sont clairement dition d’expatriation de ses étudiants à l’étranger. Les destinations ont évolué au gré des évolutions politiques intérieures et des relations diplomatiques. Ainsi à la fin du 19eme siècle ce sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne qui ont été privilégiés. Rappelons notamment que Zhou Enlai et Deng Xiaoping ont fait partie du programme des ouvriers-étudiants partis en France en 1920. Bien entendu durant les années 50 et 60, le flux s’est orienté vers les pays du bloc soviétique. A la fin de l’ère Mao, l’un des résultats des effets combinés de l’isolement progressif de la Chine et des excès de la Révolution Culturelle est que les systèmes éducatif et universitaire se sont fortement détériorés. Les critères de sélection et d’évaluation des étudiants ne sont plus adaptés, les élites universitaires ont été déportées dans les campagnes ou décimées et le Parti Communiste chinois (PCC) réalise pleinement la nécessité d’une remise à niveau rapide du système. Notamment pour répondre aux besoins en main d’œuvre qualifiée et en compétences technologiques nécessaires à la mise en œuvre du programme des quatre modernisations : Agricul- les universités occidentales, et en tout premier lieu avec les définis : • Avoir accès aux meilleurs instituts des pays développés et former ses futures élites au contact des champs les plus avancés du savoir et des technologies occidentales, en vue de réussir la modernisation du pays • Acquérir les profils qui permettront à la Chine d’assurer son statut au sein de la communauté scientifique, technologique et universitaire internationale • Former les cerveaux qui favoriseront l’acquisition et le développement des compétences technologiques et permettront de réduire la dépendance de la Chine à l’égard des technologies importées. Dès 1978, des accords diplomatiques ont autorisé la mobilité de 500 étudiants, strictement sélectionnés, vers des universités américaines, puis britanniques, canadiennes et australiennes. En 1980, seuls quelques uns étaient revenus en Chine, provoquant des interrogations sur cette politique. Celle-ci a néanmoins été entérinée de nouveau par le Premier ministre (1980-1987) puis Premier secrétaire du Parti (1987-1989), Zhao Ziyang, qui la qualifiait de «storing ture, Industrie, Défense Nationale, Sciences et Technologies. of brain power overseas» : la République populaire de Chine Une stratégie « Brain drain, brain gain » reposant sur 3 piliers dans l’attente sur le long terme d’un retour sur investissent décidait d’assumer une courte séquence de brain drain, par le biais du brain gain. Cette stratégie d’envoi d’étudiants, de chercheurs et d’ensei- Alors que la mobilité sortante des étudiants et des scienti- gnants à l’étranger sera renforcée à partir des années 1990 fiques chinois a été interprétée comme un effet de l’ouver- avec la décentralisation de la gouvernance de l’enseignement ture de l’Empire du milieu, il s’agit en réalité d’une stratégie supérieur chinois, mais avec le maintien d’un pilotage stra- construite au plus haut-niveau, partie intégrante de la straté- tégique central du niveau des étudiants sélectionnés et des gie de développement économique du PCC afin de renforcer disciplines scientifiques et techniques concernées. En 2004, le potentiel intellectuel du pays (Brain gain). 343 126 Chinois étudient à l’étranger (25% aux USA, 22% Malgré les risques tout à fait assumés de ne voir revenir au Japon, 23% au Royaume Uni). qu’une minorité des étudiants (Brain drain), Deng Xiaoping Le second pilier de cette stratégie a été l’évolution du marché accepte en 1978 la proposition de l’université de Tsinghua de du travail aujourd’hui favorable au retour de la diaspora. - 38 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 En effet, les opportunités d’emplois dans les entreprises Néanmoins, le milieu chinois de la recherche reste dominé d’État chinoises correspondant peu aux compétences ac- par des logiques de pouvoir, de séniorité et de guanxi (au quises à l’étranger, le gouvernement a incité la diaspora à sens de cloisonnement, piston et copinage) ce système, la création d’entreprises innovantes de hautes technologies doublé du poids de la tradition confucéenne du respect des selon les standards occidentaux (huiguo chuangye). Citons la coutumes et de la hiérarchie, empêche les jeunes et les retur- création, à partir de 1995, de zones de développement exclu- nees de développer une pensée originale, non-conformiste. sives, situées à proximité des grandes universités (exemple Les haigui sont perçus par leurs collègues restés en Chine Pékin, Tsinghua et Jiatong universités) et bénéficiant de prêts comme des concurrents dangereux menaçant de leur faire à taux préférentiels ou de mesures fiscales incitatives. 150 perdre la face en publiant des recherches de meilleure qualité zones de ce type étaient recensées en 2009, abritant plus de et surtout en critiquant leurs travaux dans le cadre du débat 8 000 entreprises, et rassemblant quelques 20 000 Chinois d’idées, encore mal accepté dans l’Université chinoise. de retour de l’étranger (returnees ou haigui : tortues de mer, signifiant tortues nées sur terre, qui ont grandi dans la mer et sont rentrées sur leur plage natale pour pondre leurs œufs). Ces entreprises favorisent le transfert des compétences et des technologies de haut niveau acquises à l’étranger vers l’économie domestique. Leur rôle dans la politique industrielle chinoise est de favoriser la montée en gamme de l’économie chinoise. Ce programme est à l’origine de nombreuses success stories d’entreprises chinoises, aujourd’hui cotées au NASDAQ telles que sohu.com et baidu.com, moteurs de recherche chinois, par exemple. Au-delà : une démarche d’attractivité pour les entreprises innovantes à travers différents dispositifs Exemple : l’incubateur Advance BioChina (ABC) de l’Institut Pasteur de Shanghaï Au début du XXIeme siècle, la priorité a été portée sur le retour Conçu pour améliorer la santé publique chinoise, l’incuba- d’universitaires et chercheurs de haut niveau dans la com- teur Advance BioChina à Shanghai s’ouvre aux sociétés munauté universitaire chinoise, afin d’améliorer le rang des de biotechnologies de tous les pays, dans l’objectif d’attirer universités chinoises au niveau international. les compétences et savoir-faire du monde entier. En 2008, le gouvernement a lancé le Plan des 1 000 Talents Fondé en mars 2011 par l’Institut Pasteur de Shanghai (IPS), (qianren jihua) pour faire revenir les cerveaux chinois de l’étran- institut de recherche à but non lucratif créé en 2004 par ger. En 2010, 1 143 scientifiques ont bénéficié de ce plan très l’Académie des Sciences de Chine, l’Institut Pasteur et exigeant. Les moyens mis en œuvre sont importants : salaire le Gouvernement Municipal de Shanghai, l’incubateur- égal à celui versé à l’étranger, poste de direction dans un ins- accélérateur biotech «Advance BioChina» a vocation à être titut de recherche, fond de recherche alloué de 1,5 millions le partenaire chinois des meilleures entreprises internatio- de dollars, incitations fiscales, logement, visas sans équiva- nales du secteur biotechnologique (d’Europe et des Etats- lent pour les Chinois de nationalité étrangère. Le Plan des unis essentiellement, et, plus proches, de Singapour et Hong 100 Talents de l’Académie chinoise des sciences est encore Kong) en leur favorisant l’accès à la Chine et à ses marchés. plus sélectif et généreux. De nombreux programmes homo- Il s’agit donc là d’offrir un terrain propice à l’innovation afin logues ont été développés au niveau régional. d’attirer sur place les idées nouvelles, les envies de créer Ces programmes, mais aussi le différentiel de croissance et d’innover…et pour ce faire « les cerveaux » (brain drain). entre la Chine et l’Occident, sont à l’origine du retournement de tendance en faveur de l’attractivité des universités « Le type de sociétés qui nous intéressent sont des socié- chinoises, le nombre annuel des returnees qui s’établissait tés déjà matures qui ont à la fois un ou plusieurs produits en à moins de 10 000 en 2 000, s’établissait à 42 000 en 2006 phase clinique - ou proche - et qui ont une pensée straté- et 108 000 en 2009. Ces scientifiques ont vocation à occu- gique pour la Chine » précise Ralf Altmeyer, Directeur Général per des positions de dirigeants dans les universités chinoises de l’IPS et co-fondateur de l’incubateur Advance BioChina. pour introduire de nouvelles méthodes d’enseignement, En effet, le secteur des biotechnologies est actuellement en rénover les curriculas et encourager la publication dans pleine transformation en Chine et s’avère très stratégique, des revues de standards internationaux. avec la présence d’investisseurs locaux en capital risque très - 39 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 actifs à l’échelle internationale. Aussi les sociétés disposant cela peut permettre d’améliorer rapidement et efficacement d’un portefeuille de produits sélectifs dans le domaine des la qualité de la recherche, les problèmes ne manquent pas : maladies infectieuses, sur le volet diagnostic ou thérapeu- la plupart ont déjà été mentionnés, mais il faut y ajouter le très tique, seront-elles accueillies à bras ouverts par ABC. Le important différentiel salarial qui accentue les tensions. développement de la fabrication de vaccins est, notamment, Au delà de leur savoir-faire, de leur connaissance d’un mode très attendu. de fonctionnement et de méthodes de travail différents, une part importante de la valeur ajoutée des returnees est liée Un modèle de joint ventures aux réseaux qu’ils amènent avec eux. Dans une période L’objectif affiché par Advance BioChina est d’accueillir et dé- des perspectives de coopération immédiate avec un large velopper jusqu’à 25 entreprises d’ici 5 ans sous forme de joint ventures localisées à Shanghai. Très concrètement, les entreprises pourront disposer d’environ 5 000 m2 alloués à l’incubateur au sein d’un nouveau bâtiment de 16 000 m2 de l’Institut Pasteur de Shanghaï situé en plein centre de la ville tout en étant pourvu de tous les équipements et plates-formes nécessaires. Les laboratoires P3 sont installés nécessairement en banlieue, mais toutes les infrastructures d’accueil et d’hébergement ainsi que les laboratoires P2 se trouvent au cœur de Shanghai. Le budget alloué au développement de chaque entreprise sera de l’ordre de 1,5 à 3 millions d’euros afin de les amener à l’étape ultérieure de développe- où la coopération scientifique est indispensable, ils offrent spectre d’équipes scientifiques étrangères. Cela permet également de mettre plus facilement en place des échanges d’étudiants avec les universités ou centres de recherche dont les returnees sont issus. De plus, lorsque les liens qu’ils entretenaient avec les entreprises internationales demeurent, le centre de gravité de la recherche partenariale bascule alors vers la Chine. Tout ceci concourt à améliorer non seulement la quantité mais également la qualité de la propriété intellectuelle chinoise. Il en résulte également la création de start-ups issus de travaux de recherche et d’innovation dont une partie a été menée à l’étranger avant le retour en Chine. Ceci est d’autant plus vrai que de nombreux returnees ont étudié puis enseigné ment de leurs produits. dans un environnement anglo-saxon où la création de start- Une dizaine d’entreprises sont d’ores et déjà sur les rangs. Depuis plus de 30 ans, la Chine a mis en place une politique Les critères de l’incubateur-accélérateur pour leur intégration sont, d’une part, d’avoir un programme de recherche lié à l’amélioration de la santé publique en Chine, et, d’autre part, d’avoir la volonté de loger les droits de propriété industrielle dans la joint-venture. Ces deux critères sont fondamentaux, puisqu’il s’agit pour Advance BioChina, et donc l’Institut Pasteur de Shanghai, d’être co-titulaire des droits d’exploitation avec la société incubée, afin de partager les royalties au sein de la joint venture. S’ajoutent aussi des critères sur l’intérêt scientifique du projet pour la santé publique, l’acceptation de localiser la propriété intellectuelle en Chine et l’intérêt du marché, des critères de qualité habituels passés au crible d’un conseil d’investissement, constitué conjointement par ABC et ups est la norme. volontariste pour tirer profit du flux d’étudiants poursuivant leurs études à l’étranger. Cette politique a parfois été fortement remise en cause en interne en raison du taux de retour très faible des étudiants les premières années. Pourtant, les difficultés rencontrées par de nombreux pays, l’importante croissance économique que connait la Chine et les efforts consentis en faveur de la recherche et de l’innovation, apparaissent comme autant de facteurs permettant d’attirer les talents, qu’ils soient d’origine chinoise ou étrangère. On peut cependant s’interroger sur les effets à long terme de cette politique dans un pays non-démocratique. En effet, faciliter les études d’une partie de son élite intellectuelle dans des pays aux systèmes politiques très différents de celui de la ses investisseurs. Chine, constitue une vraie prise de risque. Ceci est d’autant Notre perception et nos questionnements tie importante de leur carrière à l’étranger en adoptant parfois plus vrai lorsqu’il s’agit de scientifiques qui ont passé une parla nationalité de leur pays d’accueil. Lorsqu’ils reviennent en Chine, ils n’abandonnent évidemment pas la liberté, y compris politique à laquelle ils sont habitués et qui font désormais La liberté offerte aux scientifiques pour monter leur propre la- partie intégrante de leur mode de pensée et d’action. boratoire avec des moyens importants est certainement une des fortes motivations de leur retour en Chine. Pour autant, si - 40 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 9. Les grandes universités de recherche en Chine : ambitions et spécificités Par Lotfi BEL HADJ, Jean-Pierre PECHMEGRE - CAMINADE, Jean-Patrick THIOLLET, Bruno WIART Il aurait été prétentieux de présenter les universités chinoises de contrats avec les entreprises pour 37% (en forte progres- hors de leur contexte politique, historique et géographique, sion), ainsi que d’autres sources mineures. Les instituts de voire hors du contexte économique libéral qui marque le dé- recherche présents à l’intérieur des universités constituent siècle. Plutôt que de partir sur une énumération les premiers « capteurs » de crédits d’équipe par opposition sans fin des stratégies - souvent très différentes dans le détail - aux crédits attribués individuellement aux enseignants. Ces des milliers d’universités chinoises, nous analyserons les instituts drainent, au sein de ce budget, près de 9 milliards ambitions et spécificités du système universitaire dans de Yuans. Ils regroupent 91 000 personnes, dont notamment son ensemble. 63 000 doctorants. La Chine possède un système universitaire en pleine expan- Un regard sur le système éducatif chinois - et sur l’université sion et au cœur de nombreuses réformes depuis plus de tout particulièrement - provoque un sentiment mélangé d’ad- 15 ans. L’État souhaite en faire l’un des meilleurs systèmes miration et d’inquiétude. Les réformes amorcées en 1986 et universitaires mondiaux et s’en donne les moyens. De nom- poursuivies tout au long des années 90 semblent avoir porté breux accords avec les universités de toutes les nationalités leurs fruits. Les trois meilleures universités du pays, l’Universi- sont mis en place, et des plans de réforme sont lancés afin té de Pékin, l’Université Tsinghua à Pékin et l’Université Fudan que d’ici à 2020, plus de 100 universités chinoises atteignent à Shanghai peuvent désormais rivaliser avec les grandes uni- les premières parties du classement mondial. versités américaines et européennes. La Chine a le plus important système éducatif du monde, Aujourd’hui, la visite d’un campus universitaire, la simple re- celui qui enregistre la croissance la plus rapide, 2 263 univer- vue d’un site Web, le nombre de partenaires étrangers figu- sités regroupent 31 millions d’étudiants. Le nombre des ins- rant sur les brochures institutionnelles, apparaissent comme criptions a plus que quadruplé de 2001 à 2011. Le système autant de signes de bouleversements majeurs. Les grandes est contrôlé par l’Etat. Toutes les universités dépendent soit réformes se sont attachées à plusieurs objectifs : augmen- de la commission d’enseignement d’état, soit de ministères ter la capacité d’accueil des universités; créer des pôles et ou peuvent dépendre des provinces ou de régions auto- des disciplines d’excellence ; internationaliser les formations ; nomes… Il existe aussi quelques universités privées (Beyan former les ressources humaines nécessaires au développe- à Pékin et Sanda à Shanghai), les dernières nées l’étant dans ment du pays. le cadre de collaborations internationales comme l’université Néanmoins de nombreuses lacunes subsistent tant sur sino-américaine de Shanghai fondée en 2011 par la New les plans culturel que politique et financier. but du XXI eme York University et l’East China Normal University qui devrait ouvrir ses portes à l’automne 2013. Le budget consolidé de R&D dans le dispositif universitaire est actuellement de 47 milliards de Yuans, environ 6 fois celui de 2000. Ce budget est constitué de fonds publics à 56%, - 41 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Le grand défi : accueillir et former 20% des étudiants de la planète L’université chinoise compte aujourd’hui 23 millions d’inscrits, ce qui constitue le plus grand réservoir d’étudiants du monde. L’accès à l’université reste cependant très sélectif puisque seulement les 3/5 des presque 9 millions de candidats au gaokao sont admis. Grâce à une politique d’incitation à la création de places supplémentaires et de concentration des plus petites universités à partir de 1999, la capacité d’accueil a été considérablement augmentée. Alors qu’en 1994, seulement 7% d’une classe d’âge pouvait s’inscrire à l’université, ce taux est passé à 17% en 2006 puis à 26% en 2011. Les objectifs fixés par le gouvernement pour 2020 visent la moyenne actuelle des pays de la zone OCDE, soit 45% à 50 % d’une classe d’âge. Au sein de l’université, les étudiants admis en licence privilégient les domaines en lien avec le monde du travail. 39% des étudiants chinois sont inscrits dans un cursus d’ingénieur, les autres se répartissant entre sciences (12%), langues et littérature étrangères (15%), le management s’élevant à 26%. Le plus faible nombre d’inscrits se trouve en agriculture, philosophie et histoire. L’université essaye de s’adapter aux contraintes extérieures de l’ouverture internationale et de l’adhésion à l’OMC, et à la contrainte intérieure de formation d’une nouvelle génération de cadres du public et du privé capables de gérer les transformations économiques, politiques et sociales en cours. Une internationalisation à marche forcée qui commence à porter ses fruits Plus récemment l’accent a été mis sur le retour des meilleurs talents de l’étranger vers l’université chinoise afin de structurer la recherche par une armature de laboratoires de classe internationale. Ainsi de véritables ponts d’or ont été proposés aux enseignants chinois diplômés à l’étranger sous un format « à l’américaine » (« mille talents » sous forme de CDD sur projets). L’année dernière, 1 143 scientifiques et professionnels de haut niveau ont travaillé en Chine dans le cadre de ce programme. Dans ce contexte, leur rôle a été d’œuvrer au rapprochement avec les universités étrangères. Ils constituent des intermédiaires, mais aussi des passeurs de cultures, rendant ainsi possibles les liens entre des réalités culturelles très différentes. Environ 135 000 étudiants chinois sont ainsi revenus en Chine après leurs études à l’étranger en 2010, en hausse de 24,7% par rapport à 2009. Au total plus de 632 000 Chinois, près d’un tiers de ceux qui ont fait leurs études à l’étranger, sont revenus en Chine depuis 1978. Enfin, le pouvoir chinois a enclenché l’étape suivante qui consiste à installer des satellites d’universités occidentales sur son propre territoire. Des efforts sont notamment faits pour recruter et accueillir des chercheurs étrangers de qualité. L’intérêt des responsables des universités chinoises rencontre celui des établissements étrangers qui souhaitent s’implanter en Chine. Nombreux sont en effet les MBA ouverts par les universités du monde anglophone qui compensent ainsi en partie la baisse des candidatures issues du monde asiatique constatée en occident depuis 2002. Se posera néanmoins la question de l’adaptation des enseignants chinois à des systèmes éducatifs étrangers assez différents. Une concurrence effrénée à tous les niveaux L’extraordinaire effort réalisé en matière de coopération internationale a pris dès le tournant des années 1990 la forme La concurrence entre établissements est très rude. Ainsi d’échanges d’étudiants, de signatures d’accords avec des Fudan et Jiaotong se livrent une dispute acharnée pour atti- universités étrangères, d’ouverture de Masters spécialisés rer les jeunes étudiants soumis, dès leur plus jeune âge, à la avec l’apport pédagogique de partenaires étrangers, d’ou- pression du gaokao, l’examen d’admission à l’université, et verture de cours en anglais, d’une augmentation massive qui exige une forte capacité de mémorisation; puis, à l’uni- du nombre d’heures consacrées à l’enseignement de l’an- versité, dans la prospection d’un travail, après avoir obtenu glais. L’envoi d’étudiants chinois à l’étranger ne ralentit pas leur diplôme. puisqu’encore aujourd’hui plus de 1,27millions d’entre eux en profitent, même si ce nombre a diminué au début des an- Pour remédier à ce problème le gouvernement teste depuis nées 2000. 285 000 d’entre eux ont commencé leurs études 2001 un nouveau système qui autoriserait les univrsités de re- à l’étranger en 2010 (+24% par rapport à 2009). cruter des étudiants à partir de critères fixés par elles-seules. - 42 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 En tant que complément du gaokao, le recrutement libre a scientifiques Nature et Science et le nombre de chercheurs déjà démontré sa vitalité ces dernières années en permettant répertoriés dans deux bases de données d’articles scienti- d’accueillir plus d’étudiants talentueux dans les universités fiques (sciences humaines et sciences pures). chinoises. Les études montrent que les étudiants recrutés par cette voie obtiennent généralement de meilleurs résultats que Alors que les universités chinoises étaient jusqu’à présent les autres, en dépit de scores souvent inférieurs à l’Examen ignorées à l’étranger et rarement associées aux réflexions sur d’entrée national. les réformes éducatives et de la recherche, l’écho du classement de Jiao Tong a été considérable. Arrivé bientôt à sa Toutefois, la décentralisation du processus de sélection des 4eme édition, il a été largement commenté, critiqué, contesté, élèves génère aussi des inquiétudes, en particulier par les op- notamment dans les pays qui, comme la France, ne figurent portunités de corruption qu’elle pourrait permettre. Le minis- pas dans le top 30 : des classements concurrents sont mis tère de l’Education a donc déclaré que le pourcentage d’étu- en place, des universités revisitent leur plan stratégique, diants admis par recrutement libre ne devrait pas dépasser etc…. Ne pouvant pas encore prétendre à des positions éle- 5% du total, ce qui en soi pourrait être un frein à la sélection vées pour ses universités, la Chine se fraye une place dans le d’éléments brillants. marché international de l’enseignement et de la recherche en essayant de dicter les normes. En recherche, l’attribution de grants est organisée sous le format US de bourses solitaires, c’est-à-dire sans encourager le développement d’actions collaboratives entre universités. La contre-productivité de cette concurrence féroce ne posait pas trop de problèmes tant que les moyens alloués étaient globalement supérieurs à la capacité des équipes de recherche à les dépenser. Mais le coût de plus en plus élevé des réformes et le retour des « mille talents » risquent de forcer les individualités à s’unir. A l’inverse la mentalité individualiste des chercheurs chinois se traduit par une absence de la notion d’équipe de recherche au niveau d’un laboratoire. Ce niveau de compétition rend les conditions de travail peu attractives pour des chercheurs étrangers habitués à plus de réactivité collective au niveau de l’équipe. Une université sous contraintes politiques et financières L’université répond encore difficilement aux défis posés par le développement économique et l’ouverture, et les causes sont à rechercher à plusieurs niveaux. Réalisée en un temps record, cette réforme ambitieuse n’a pas pris en compte le temps de réaction et d’adaptation au changement de la part de l’administration des universités et des enseignants eux-mêmes. L’organisation interne et le système de prise de décision n’ont pas encore complètement assimilé ces grandes mutations et le parti communiste continue de jouer un rôle déterminant dans les orientations stratégiques et les programmes. En parallèle, le classement académique des universités mondiales ou « classement de Shanghaï », sans préjuger de sa Une autre contrainte qui semble avoir été sous-estimée est la pertinence, a libéré cet esprit de compétition au niveau in- contrainte financière. Pour mener à bien toutes ces réformes, ternational. Son but initial était de comparer les universités l’Etat chinois a engagé dès les années 1990 un important chinoises avec les meilleures universités mondiales. mouvement de décentralisation avec une autonomisation financière des universités. Autrefois financée exclusivement Pour répondre à la demande du président de l’université Jiao par l’Etat l’université assurait des études quasi gratuites, Tong qui souhaitait pouvoir envoyer ses étudiants dans les héritage de sa double origine impériale et colonialiste. Au- meilleures universités, le professeur Nian Cai Lu, un chimiste jourd’hui, l’Etat ne peut pas faire face aux nouveaux besoins travaillant pour cette université, établit un premier classe- et oblige donc l’université à trouver d’autres ressources ment en 2003. Faute de moyens et ne disposant que de (frais de scolarité, appel au secteur privé, développement deux collaborateurs, il va alors au plus simple, ne prenant en d’activités lucratives, mécénat...). Sa contribution au budget compte que des données accessibles par Internet et jugées des grandes universités nationales est ainsi passée de 75% objectives : nombre de prix Nobel et médailles Fields (pour en 1995 à 47% en 2002, puis à 32% en 2010. les mathématiques), le nombre de chercheurs les plus cités dans leur discipline, nombre de publications dans les revues - 43 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Ainsi l’Université de Beijing, le plus prestigieux établissement d’enseignement supérieur, a lancé en 2010 une campagne de collecte de fonds pour l’aider à réaliser ses projets de développement à long-terme. La collecte de fonds n’était pas une nouveauté pour elle, déjà en 2003, elle avait lancé des campagnes, y compris aux Etats-Unis, pour recueillir l’argent pour un fonds anti-SRAS dont les profits ont été versés aux hôpitaux qui lui sont rattachés. L’Université Fudan de Shanghai aurait aussi récolté plus de 300 millions de yuans (43 millions de $), il y a trois ans pour son centenaire. Néanmoins, la question se pose de savoir si, avec l’introduction de frais de scolarité élevés et en l’absence de mécanismes efficaces de bourses de mérite, l’université peut être assurée de recruter un nombre suffisant d’élèves tout en gardant une sélectivité fondée sur la qualité et sur l’excellence et en évitant non seulement l’écueil de la corruption et des prébendes mais également celui des protestations populaires parfois vigoureuses en Chine. Enfin, ces changements quantitatifs occultent l’absence de réflexion sur la qualité de l’enseignement, malgré les annonces des deux derniers plans quinquennaux, aucune réforme pédagogique n’a été mise en œuvre, l’enseignement étant toujours centré sur la réussite aux examens et la restitution d’énoncés théoriques. L’état semble vouloir cantonner l’Université dans un rôle d’apprentissage technique au service direct de la croissance économique. Dans un système aux racines confucianistes où l’autorité et la parole de l’enseignant ne sont jamais remises en cause, peu d’efforts sont réalisés pour développer chez l’étudiant la pensée autonome, la capacité critique, l’esprit libre, curieux et indépendant, le goût de la connaissance, de la découverte. Le passage à une société innovante et créative sur le plan technologique exige Des universités d’élite aux racines historiques Le 12 octobre 2009, neuf universités chinoises, parmi lesquelles les élitistes Université de Beijing et Université Tsinghua, ont créé le groupe du C9 afin de structurer l’enseignement supérieur chinois de haut niveau. Ces neufs établissements ont signé des accords de coopération renforcée en formation des diplômés, l’élaboration d’un catalogue de cours, ainsi que la création d’un réseau éducatif permettant le partage de conférences et déjà surnommé la “Ivy League Chinoise”. Ces universités chinoises sont les neuf premières du « programme 985 » dont l’ambition était d’élever une trentaine d’universités d’élite, sélectionnées et financées par le gouvernement chinois, à un rang mondial. Les 9 universités concernées sont l’université de Pékin, l’université Tsinghua, l’université du Zhejiang, l’université de Fudan, l’université Jiao Tong de Shanghai, l’université Jiaotong de Xi’an, l’université de Nanjing, l’institut de technologie de Harbin et l’université des sciences et technologies de Chine (USTC) de Hefei. Elles représentent 3% des chercheurs du pays, mais reçoivent 10% des dépenses de recherche et produisent 20% des articles publiés dans des revues nationales et 30% des citations. Certaines d’entre elles ont fait l’objet de restructurations et/ ou d’associations « lourdes » liées à l’aménagement politique du territoire: l’Université de Jiaotong éclatée dès les années 20 entre Shanghai et Xi’an, la création de l’Université des Sciences et Technologies de Chine placée sous le contrôle de l’Académie des Sciences (CAS). le développement de savoir-faire techniques mais aussi d’une capacité à résoudre des questions juridiques, éthiques et sociales complexes. On peut également noter que l’accompagnement du corps enseignants aux nouvelles approches pédagogiques apportées par les réformes ne semble pas être au centre des préoccupations, créant ainsi un risque de décalage entre la volonté politique et son application sur le terrain. - 44 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Conclusion : les universités chinoises : en route vers le sommet ? est tombée à la 71eme place. Parmi les universités asiatiques, l’université de Beijing est au 4eme rang et Tsinghua, au 8eme. Une combinaison de facteurs détermine le classement, les résultats de recherche, l’environnement d’étude, la réputation « Dans les années à venir, la Chine va inévitablement grimper et les débouchés internationaux. dans le classement des universités.» Le boom économique de la Chine a intensifié l’investisseCette déclaration de Phil Baty, rédacteur du Higher Education ment en recherche et développement, et le nombre de pu- World University Rankings du Times, est dans la même veine blications des universités a plus que décuplé en huit ans. que l’optimisme affiché par la Chine quant à sa possibilité Cependant, la qualité de l’éducation et de la recherche d’avoir des universités de classe mondiale. Il reste toutefois dans les établissements universitaires chinois semble ne des obstacles à surmonter. pas avoir suivi le même effort. Le nombre d’articles dans les publications en anglais faisant autorité a baissé mal- En 2010, les universités de la partie continentale de Chine ont gré le grand nombre d’articles publiés en Chine. Il semble connu une glissade dans le classement mondial du Times. que ceux-ci ne soient pas encore suffisamment bons pour L’université de Beijing a perdu 10 places par rapport à l’année attirer durablement l’attention internationale. dernière, se classant au 49eme rang, et l’université Tsinghua - 45 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 10. La culture chinoise, l’éducation et la science Par François CHEVOIR, Azar KHALATBARI, Eric POSTAIRE, Claire RIOUX Croissance à deux chiffres, chômage à 4%, trente millions dans les autres matières scientifiques), en plus du chinois et d’étudiants dont les trois quarts en filière scientifique et tech- de l’anglais. Ainsi l’éducation constitue un véritable marché, nique - de quoi faire pâlir d’envie les économies occidentales. ainsi qu’un vecteur de disparités entre régions rurales et ur- La recherche scientifique, financée à 70% par le secteur privé, baines, mais aussi entre écoles d’une même ville tant sur la semble être le moteur de la prospérité. Et d’ores et déjà le qualité de l’enseignement, les équipements, les enseignants pays s’engage dans la multiplication de pôles scientifiques gi- ou la variété des établissements publics et privés. gantesques, à l’image de celui de Wuhan. Pourtant, certaines Nous avons eu le privilège de pouvoir échanger sur ces spécificités culturelles pourraient, à terme, limiter ce dévelop- sujets avec le professeur Liu Enshan spécialiste de la didac- pement frénétique… tique des sciences à l’Université Normale de Pékin (Beijing Normal University) qui s’apparente aux anciennes Ecoles L’information paraît anecdotique, et pourtant : Monsieur He Normales de formation de professeurs, en France, les IUFM Yi, président d’Essilor Chine développe un produit spécifique - Institut Universitaire de formation des maîtres. Liu Enshan au pays, des verres progressifs adaptés aux enfants. Habi- déplore les disparités entre les écoles : « à côté des établisse- tuellement ce type de correction ne s’adresse qu’aux adultes ments très bien équipés, il y a des écoles où les enfants sont ayant dépassé la quarantaine. « En Chine, les enfants passent 70 par classe » précise-t-il. de longues journées à recopier et apprendre par cœur les idéogrammes… C’est un travail long et fastidieux qui com- Pourtant la Chine, désormais seconde économie mondiale, mence dès le plus jeune âge et se poursuit durant toute la a tout à fait conscience de ces dysfonctionnements et les scolarité jusqu’au fameux Gaokao, le redouté concours d’en- dirigeants du pays considèrent tous l’éducation comme une trée à l’Université ». Répétition, apprentissage et recopiage à priorité stratégique nationale. Les deux objectifs majeurs sont: un rythme soutenu, et sans doute aussi l’abus de télévision, d’une part de former une population plus qualifiée qui maî- détériorent la vue des enfants et en dit long sur l’éducation des trise un socle commun de compétences et de connaissances petits Chinois : travail, assiduité, persévérance, obéissance… et comprenne les enjeux scientifiques, techniques et écono- Des valeurs ancrées dans la civilisation chinoise. miques à venir. D’autre part, de disposer d’une élite ayant un En effet, la pensée confucéenne accorde une importance cru- esprit plus critique et ouvert, capable de créativité, d’inventivité ciale à l’éducation : les hommes, égaux à la naissance, sont et d’innovation. Pour cela a été élaboré un plan de réforme et perfectibles. Chacun peut donc se cultiver puisque « seule de rénovation du système éducatif sur 2010-2020, qui doit l’éducation dépasse tout le reste ». L’école se caractérise par aussi répondre aux exigences croissantes de la population en un enseignement transmissif fort (apprentissage par cœur, termes de qualité d’éducation : respect de la parole du maître, difficulté à accepter le question- • Améliorer la qualité de l’enseignement obligatoire de base nement et le doute, répétition) et un parcours scolaire sélectif partout, y compris pour les migrants et les régions reculées ponctué d’examens et de concours. Le système de sélection • Changer les pratiques pédagogiques en favorisant l’expé- est exacerbé par une compétition entre établissements et ce, rimentation, la recherche, la compréhension et le raisonne- dès la maternelle. Les familles chinoises cherchent à donner ment à leur enfant les meilleures conditions d’apprentissage, n’hésitant pas à consacrer une part importante du budget familial dans des cours complémentaires et les frais de scolarité dans un établissement réputé. Le classement des établissements est fondé sur le niveau en mathématiques (éventuellement • Prendre en compte l’épanouissement de l’élève sur le plan culturel et physique • Augmenter le niveau des enseignants notamment en sciences • Garantir à tous l’accès aux études supérieures. - 46 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Ceci représente une véritable rupture dans un paysage édu- ou du moins, tels grand et petit, subtil et grossier, vide et plein. catif en mutation. Ces changements d’habitude induits par Cette vision a toutefois été largement réfutée27. ces nouveaux modes d’apprentissage, ne manquent pas de susciter des réticences dans le corps professoral et chez les Selon François Jullien28 (6), ces écarts peuvent s’interpréter parents. Malgré tout, un chemin important a été parcouru : le dans les racines de la pensée chinoise : l’immanence chinoise système éducatif chinois a réalisé des avancées significatives : en regard de la transcendance occidentale. L’idéal (le vrai de scolarisation de plus de 99,2% des élèves de 6 ans, taux d’illet- la science, le juste de la politique, le beau de l’art) prend dans trisme voisin de 5% , plus des trois quarts des enfants pour- la culture chinoise une forme bien différente de celle liée à suivent leurs études durant les 9 ans de la scolarité obligatoire, notre héritage platonicien. Le doute, condition nécessaire à la les écoles préélémentaires accueillent presque 45% des élèves science, est synonyme d’égarement pour l’intellectuel chinois. de moins de 6 ans. La ville de Shanghai a même été classée Celui-ci ne recherche pas l’originalité. Plutôt que je pense première dans les évaluations PISA 2009. que…, il dira j’ai entendu dire que… C’est ainsi que Le sage Le but de la réforme de 2000 est principalement de rompre est sans idées: il cherche à englober tous les points de vue avec l’enseignement traditionnel, même si l’entreprise paraît dans le sien. Plutôt que de connaissance - globale, objective, très difficile. Ainsi, est préconisée une attitude positive et rationnelle, autorisant une rupture entre l’objet et le sujet, et de scientifique dans l’apprentissage. Les sujets abordés doivent là facteur d’innovation - il faudrait parler de connivence locale, désormais établir un lien avec la vie quotidienne. De même, subjective, informelle, qui se vit dans la durée et dans la com- là où la sélection d’une élite était de mise, il est maintenant plicité du compagnonnage. conseillé d’encourager tous les étudiants. Cependant, Liu Enshan insiste sur le fait qu’il faut commencer par changer Ainsi, Wang Fuzhi29, éminent penseur du XVIIe siècle, nous ré- le comportement des professeurs. vèle une pensée qui traite des réalités sensibles et d’une nature imprécise et fluctuante, à l’inverse de la philosophie occiden- Comment introduire auprès des jeunes chinois ce désir d’ap- tale où la discussion argumentée et l’absence de toute contra- prendre pour apprendre, cette inventivité indispensable à l’es- diction constituent le moyen de toute recherche des choses prit critique et au goût de l’innovation? Difficile dans un pays où vraies, stables et identiques à elles-mêmes. « Doit-on dire que, persiste un très fort rapport de subordination entre le maître et dans la vie d’un homme, le jeune et le vieux sont deux êtres l’élève. Le véritable enjeu n’est-t-il pas alors de donner l’envie, différents ? C’est une transformation graduelle, sans limite le goût d’apprendre en changeant la pédagogie et en incluant tranchée ». Dans une nature où n’existent que des conti- dans l’apprentissage une partie « vivante » pour que le plaisir nuités sans rupture, les opposés et même les contraires se soit également au rendez-vous25 ? La science et la technologie complètent et ne font qu’un. C’est le lien entre les opposés étaient fortement développées dans la Chine ancienne et mé- qui est fécond, c’est en lui que réside ce qu’il y a de plus subtil diévale (mathématiques, astronomie, géographie, construction au monde. mécanique, armement…). Classer, développer des instruments, observer de façon pré- Wang Fuzhi affirme l’irrégularité et la transformation continue cise des phénomènes et faire des expériences sont des pra- de toutes choses : « Il y a des choses auxquelles nous pou- tiques très développées en Chine. Pourtant, le défaut d’une vons parvenir par la réflexion, d’autres que nous pouvons vision globale des lois de la nature et d’une démarche de mo- connaître par l’étude : ce sont des notions et des principes. délisation/mathématisation des hypothèses expérimentales ont pu conduire à une rupture au moment de la Renaissance26. Le facteur linguistique a parfois été mis en avant comme obstacle à la modernité scientifique, en particulier par Michel Granet au début du XXeme siècle. En chinois, de nombreux mots peuvent prendre, suivant leur place dans la phrase et leur contexte, des fonctions nominale, verbale (active, passive, causative, putative), adjective ou adverbiale. Le raisonnement par exclusion et distinction radicale est inconnu des chinois. Le chinois, en vertu de sa constitution, ne peut avoir de préfixe privatifs : il privilégie dans ses raisonnements les termes qui s’accordent, s’opposent sans s’exclure ou comportent du plus - 47 - 25. Georges Charpak, Pierre Léna et Yves Quéré, L’enfant et la Science : L’aventure de La main à la pâte, 2005 26. Joseph Needham, La science chinoise et l’Occident, Seuil, 1973. 27. Karine Chemla, Penser sur la science avec les mathématiques de la Chine ancienne, in La pensée en Chine aujourd’hui sous la direction d’Anne Cheng, Gallimard (2007) Christoph Harbsmaeir, Language and Logic, in Science and Civilization in China, édité par Joseph Needham, Cambridge University Press,1998 28. Nicolas Martin et Antoine Spire, Chine, la dissidence de François Jullien, suivi de dialogues avec François Jullien, Seuil, 2011 29. Jacques Gernet, Modernité de Wang Fuzhi, in La pensée en Chine aujourd’hui, sous la direction d’Anne Cheng, Gallimard, 2007 Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Mais les choses et les êtres eux-mêmes échappent à nos terrain, d’échanges de céréales à différents tarifs ou encore de réflexions et à nos études » « Entre Ciel et Terre, il n’est rien la détermination des volumes de contenants… de quoi alimen- qui soit parfaitement régulier. Il n’y a que les choses faites par ter des thèses très controversées. Il a été suggéré que la Chine l’Homme qui soient de ce genre (cercles au compas, rec- n’avait pas développé la capacité d’abstraction indispensable tangles à l’équerre), il n’y a jamais rien eu de tel dans les êtres aux mathématiques. Pour Karine Chemla, il s’agit là de raison- crées par la nature ». Cette coexistence de l’ordre et du hasard nements centrés sur la logique occidentale : la capacité d’abs- s’explique selon lui par un principe spontané d’organisation, traction existe bel et bien, mais elle prend des chemins sur- inhérent aux énergies Yin et Yang. prenants qui échappent à une lecture superficielle et rapide de Wang Fuzhi recourt aux termes de « répartition et dosage, la pensée chinoise. Cependant, pour l’historien Joseph Need- fusion, nouage, écoulement, arrêt » qui évoquent la biologie ham, la logique hypothético-déductive de la pensée grecque contemporaine. « Il n’est pas vrai qu’il y ait un avant et un après. que l’on retrouve dans l’approche occidentale des sciences, Dans l’absence de toute orientation temporelle ou spatiale du n’existe pas en Chine… Or, cette construction intellectuelle, chaos dans lequel le principe d’organisation dirige les énergies, en formulant des hypothèses et en les soumettant à l’épreuve le commencement est aussi la fin, le créé est aussi l’origine du des faits, autorise un esprit critique, indispensable à la pratique créé, ce qui est au repos est aussi ce qui circule, ce qui sépare scientifique. est aussi ce qui unit ». Wang Fuzhi cherche aussi à découvrir dans la nature des modes de fonctionnement ayant une Est-ce la raison de la faiblesse de la recherche fondamentale application générale, en accord avec une tradition des mathé- chinoise ? Parmi les laboratoires visités, de l’opto-électronique matiques chinoises. A la différence des mathématiques eucli- à la génomique, nous avons pu observer que les chinois fa- diennes fondées sur des déductions à partir d’axiomes, elles briquent, décryptent et produisent beaucoup mais inventent tirent parti de l’existence de situations isomorphes, justiciables peu. Or l’enjeu est immense. Pour que perdure la croissance, il du même type de manipulations numériques. Cette caracté- faut des innovations de rupture, ce qui nécessite un peu d’irré- ristique rappelle ce qui prévaut en mathématiques modernes : vérence face à l’ordre établi, un vent de liberté que plusieurs le formalisme rend possible la mise en rapport d’objets visible- décennies de révolution culturelle ont empêché de souffler. En ment sans lien entre eux. L’idée que des phénomènes entière- l’absence de cet indispensable frémissement d’inventivité, la ment différents puissent se fonder sur des concepts communs Chine risque d’épuiser son potentiel de croissance. est aujourd’hui couramment admise dans les sciences. Les autorités chinoises en sont conscientes et cherchent à améliorer l’inventivité et l’esprit critique. La méthode à l’œuvre L’historien des sciences Joseph Needham avait conclu que est celle qui a fait ses preuves à travers toutes les contrées la pensée chinoise adoptait une approche très différente du monde. C’est en s’ouvrant que la Chine va combler ses pour aborder les sciences. Jusqu’au début du XXeme siècle, lacunes. Les programmes 100 talents et 1 000 talents ten- l’enseignement des mathématiques en Chine s’effectuait par tent de faire revenir au pays des Chinois formés à la pensée l’apprentissage « par cœur » d’une série de comptines dont occidentale. A leur contact et sous leur direction, étudiants et les sonorités et les rimes constituaient une méthode mnémo- jeunes chercheurs pourront acquérir une vision différente de la technique pour effectuer un calcul ou résoudre une équation. pratique scientifique. Encouragés à s’établir au pays, ces amé- Cette approche remonte à plusieurs siècles avant notre ère. ricains ou européens d’origine chinoise apportent l’ouverture Un travail de traduction et de commentaire a été proposé par d’esprit nécessaire. Parallèlement, les jeunes chinois prennent Karine Chemla et son collègue Guo Shushun, de l’académie de plus en plus le chemin de l’étranger. Finalement, c’est le des sciences de Chine30. mélange des mentalités et des approches qui est le meilleur La comparaison des « Neuf chapitres sur l’art mathématique », garant de l’inventivité. La Chine souffre de l’isolement qu’elle a un classique de la Chine ancienne, avec les « Eléments d’Eu- connu au XXeme siècle durant plusieurs décennies. Aujourd’hui, clide» montre deux visions très différentes des mathématiques. cette période est bien révolue et les mesures d’encourage- L’ouvrage d’Euclide est fondé sur des postulats, des axiomes ment pour accueillir les étudiants et les chercheurs étrangers et des propositions à la base de la pensée scientifique occi- sont de véritables appels au métissage des pensées. dentale. « Les neuf chapitres » proposent un ensemble de recettes pratiques pour mener à bien un problème de partage de Nous remercions chaleureusement Pierre Léna, membre de l’académie et co-fondateurs de l’association « la main à 30. Karine Chemla et Guo Shuchun, Les Neuf Chapitres, le classique mathématique de la Chine ancienne et ses commentaires, Dunod, 2004. la pâte » pour sa relecture. - 48 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 11. Les entreprises françaises en Chine : quels enjeux ? Par Nathalie ALAZARD-TOUX, Frédéric BERNARD, Corinne BOREL, Eric BRIDOT Depuis son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001, la Chine a supprimé de nombreuses barrières douanières et a ouvert son marché aux entreprises étrangères qui n’ont plus systématiquement l’obligation de La chine : un développement rapide qui encourage l’investissement étrange devenir partenaire d’une société locale pour s’installer. Cette nouvelle opportunité permet aux entreprises fran- La Chine a, ces dernières années, encouragé les implan- çaises de se développer sur le sol chinois dans de nombreux tations de sociétés étrangères par différentes mesures secteurs. incitatives. La chine : un enjeu de marche et de compétitivité Sur le plan des structures, la forme la plus couramment utilisée était la Joint Venture (JV : Equity JV ou cooperative JV), entreprise où les capitaux sont partagés avec une société chinoise. L’inconvénient principal est qu’elle oblige de parta- Avec plus de 1,3 milliard d’individus, et une croissance qui ger les bénéfices, les pouvoirs et la stratégie. Autre possibi- avoisine ses dernières années 10% par an, la Chine est en lité, l’implantation d’un bureau de représentation, mais son pleine expansion économique et industrielle. Grâce à sa ba- champ d’activité est très limité puisqu’aucune activité com- lance commerciale, excédentaire jusqu’en 2010, la demande merciale ne peut être exercée en son nom propre. L’implan- intérieure ne cesse de progresser sous l’impulsion du gouver- tation aujourd’hui la plus utilisée est la Wolly Foreign Owned nement, elle représente aujourd’hui un tiers du PIB. Le revenu Entreprise (WFOE), une société à responsabilité limitée où les moyen par habitant continue de s’accroitre à un rythme sou- capitaux sont détenus à 100% par une société étrangère. tenu. Ces éléments font du marché intérieur chinois un des Néanmoins, nous le verrons plus loin, avoir des associés plus attractifs pour les entreprises étrangères tant par son chinois peut aider au développement de l’entreprise. volume que par sa dynamique. Pour les entreprises françaises, le premier enjeu stratégique Sur le plan fiscal, la Chine a adopté une réforme importante est clairement l’accès à ce marché et le développement sur le en 2007, en fixant un taux unique d’imposition à 25% pour marché mondial grâce à la croissance chinoise. les revenus d’entreprises chinoises et étrangères. Des taux préférentiels ont également été mis en place : 20% pour En outre, quelle que soit la région d’implantation et malgré les petites entreprises à petits revenus, 15% pour celles l’augmentation régulière des salaires (10 à 13% par an), le ayant une activité technologique de pointe. coût de la main d’œuvre reste encore « bon marché ». Le pays présente pour les entreprises étrangères qui s’y implantent des avantages pour le maintien de leur compétitivité et demeure donc un bon relais de croissance en étant une « base » d’exportation qui profitent de coûts encore très bas. - 49 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Les enjeux pour les entreprises francaises en Chine Recruter et fidéliser un personnel qualifié Compréhension de et intégration dans l’environnement chinois Pour les entreprises françaises et plus généralement étrangères se pose le problème du recrutement et de la fidélisation du personnel qualifié (techniciens et ingénieurs). S’implanter en Chine nécessite pour une entreprise française, Le personnel ayant une qualification correspondant aux stan- de comprendre l’environnement chinois afin d’y réussir son dards des entreprises européennes et américaines est en ef- intégration. Nos rencontres sur le terrain avec les acteurs fet insuffisant à satisfaire une demande en hausse constante. français implantés sur le territoire [4] nous ont permis d’iden- C’est une ressource rare et recherchée. La conséquence est tifier certains facteurs clés. une véritable surenchère sur les rémunérations et un turnover des ressources humaines qui peut atteindre suivant les L’importance du système décisionnel administratif et politique : secteurs et les sociétés plus de 30%, « la phase la plus critique de l’année étant sans doute la période du nouvel an chinois et la vague de démissions sans préavis qui l’accom- Les Guanxi (relations) ont une importance extrême dans le pagne » [4]. Trouver de bonnes filières de recrutement et fidé- monde des affaires en Chine et forment une des dynamiques liser le personnel sont donc de première importance pour les majeures dans la société. Elles font partie intégrante du lan- sociétés françaises présentes sur le territoire. gage des affaires. Toute affaire conclue dans la société passe La fidélisation du personnel passe par une politique de res- inévitablement par les dynamiques de guanxi, que ce soit sources humaines très développée et un soin particulier pour les firmes locales ou pour les investisseurs étrangers. au management [4] : veille sur l’évolution des salaires pour « Aucune entreprise ne peut véritablement réussir à moins rester proche du marché, mise en place d’avantages en qu’elle ne possède un large réseau de guanxi » [5]. Consti- nature, conduite irréprochable sur le plan du droit du travail, tuer ce réseau est donc un véritable enjeu pour les sociétés plans de carrières visibles et règles de fonctionnement claires, françaises, certaines y arrivent grâce au charisme de leur diri- teambuilding. Pour compléter cette liste, les entreprises pro- geants (exemple de Mérieux [4]) d’autres via des partenariats, posent également aux plus jeunes des formations diplômantes des entreprises amies ou des clients grands groupes déjà à l’étranger, notamment pour les postes d’ingénieur ou de implantés [4]. chercheur, formations conditionnées à l’obligation de rester 2 ou 3 ans dans l’entreprise après le retour en Chine. La compréhension du marché chinois : Il est essentiel de saisir les spécificités du marché chinois, par exemple DPCA (Dongfeng Peugeot Citroën Automobile) S’implanter en Chine un investissement de long terme adapte son offre aux clients locaux qui préfèrent des véhicules tri-corps avec coffre [4]. Bon nombre d’entreprises fran- Si la Chine est un pays porteur, les barrières sont souvent çaises implantées en Chine ont d’ailleurs mis en place une nombreuses avant d’obtenir un réel « retour sur investisse- entité de R&D afin de comprendre ce marché (DPCA a mis ment » : langue et culture, formation des employés, pouvoirs en place une entité technique de 650 personnes dédiée à ce publics, nationaux et régionaux. type d’activité [6]). Le recours aux JVs, surtout au début de l’implantation peut s’avérer intéressant, car il facilite les relations avec l’adminis- Le choix du lieu d’implantation : tration et la compréhension du contexte : politique, fiscal, juri- Il est essentiel pour tenir compte des stratégies et objectifs dique et également social (lien avec les employés en cas de mis en œuvre localement par les provinces, qui bénéficient crise). La JV était dans les années 80 la seule forme juridique d’une autonomie et de moyens financiers importants. Ainsi, autorisée pour accueillir des investissements et participations par exemple la province du HUBEI HUNAN possède des étrangères. La part des entreprises non chinoises dans la JV axes stratégiques forts dans les domaines de l’automobile, était limitée. La loi récemment modifiée permet de détenir des biotechnologies et du développement durable. plus de 50% voir 100% des participations, selon le caractère stratégique des produits. - 50 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Certaines sociétés ont fait le choix de ne pas créer de JV pour Certaines entreprises gardent le leadership en restant sur garder leur indépendance et ont développé en interne les res- le marché du luxe à destination des populations les plus ai- sources nécessaires pour connaître le marché et faciliter les sées : parfums, mode, alcool, vins, voiture haut de gamme, relations avec les autorités. etc. Ce marché est aujourd’hui en pleine explosion. L’indus- D’autres, comme les équipementiers automobiles s’im- trie agro-alimentaire française se focalise sur les produits plantent en Chine en s’appuyant sur leurs clients déjà pré- innovants. sents (constructeurs), avec toutefois un risque d’une dépen- D’autres, comme l’industrie de la santé (Institut Pasteur, dance limitant l’accès à d’autres clients. groupes pharmaceutiques) développent leur savoir-faire en s’appuyant sur les spécificités chinoises (maladies indigènes, Enjeu stratégique sur le long terme : le risque de perdre le leadership ? nouvelles molécules issues de la médecine chinoise,...). S’agissant des secteurs de haute technologie, le maintien du leadership est délicat. L’avance des entreprises occidentales ne cesse de se réduire (ex : Huawei, 2ème mondial en équipe- Après avoir été « l’atelier du monde », la Chine ambitionne de ments de télécommunication ; premier avion chinois en cours devenir à horizon 2020 « le laboratoire du monde » et de faire de construction par COMAC, futur N°3 mondial). évoluer l’industrie nationale vers des secteurs de haute tech- Dans ce contexte, la gestion de la propriété intellectuelle nologie à grande valeur ajoutée dans les domaines touchant nécessite une attention particulière. En Chine, de nombreux à la protection de l’environnement, aux technologies de l’in- produits sont copiés (en 2010, 43 000 procès en civil sur des formation-communication, à la biologie et aux biotechnolo- questions de propriété intellectuelle). Les brevets (rarement gies, aux énergies nouvelles, aux équipements avancés, aux d’innovation) en forte croissante, déposés par les entreprises nouveaux matériaux et au véhicule électrique. La stratégie ou laboratoires chinois, peuvent être de vrais freins pour les plan quinquen- entreprises françaises. Un des moyens pour les entreprises nal ([1] [2]), est de développer sur ces secteurs une politique de se protéger et de garder la maîtrise de leurs produits est industrielle long terme indigène et innovante. Pour y parvenir, de n’implanter en Chine qu’une partie des composants ou le pays met en œuvre des moyens colossaux et de multiples des systèmes complets qu’elles commercialisent. actions de rattrapage, et cherche à attirer les leaders indus- La protection intellectuelle et du savoir-faire des entreprises triels mondiaux des domaines visés. françaises est un élément d’autant plus important que celles- chinoise, clairement affichée dans son 12 eme ci implantent aujourd’hui non seulement des usines de pro• En s’installant en Chine, les entreprises françaises accè- duction mais aussi des centres de R&D. L’objectif principal de dent au premier marché mondial potentiel ou en devenir, ces centres est d’adapter leurs produits aux besoins spéci- un passage parfois incontournable pour un développement fiques du marché chinois. S’agissant de produits de standard des activités. C’est particulièrement le cas pour le secteur international, les entreprises ne développent la R&D que sur aéronautique. Selon Muriel Duthon directrice zone Asie de certains éléments, leur permettant de garder la maîtrise de Safran, « la Chine sera dans quelques années le premier l’ensemble. acteur aérien mondial en terme de développement industriel, de capacités aéroportuaires ou en nombre d’avions en Pour conclure, une entreprise qui souhaite avoir sa place activité. A terme ce pays va peser 20% du marché aéronau- parmi les leaders mondiaux de son secteur ne peut ignorer tique mondial ». le marché chinois, le plus grand marché mondial. Mais l’im- • En s’installant en Chine, elles participent aussi au déve- plantation durable des entreprises françaises sur le territoire loppement des capacités technologiques des entreprises chinois nécessite de bien comprendre l’environnement dans chinoises. En s’associant aux entreprises locales, en for- lequel elles évoluent, de réfléchir à la stratégie d’implantation, mant les techniciens et ingénieurs, elles contribuent à déve- aux alliances éventuelles. La Chine est un grand marché, lopper un tissu industriel indigène, partenaire de croissance mais aussi un pays qui ambitionne de maîtriser les secteurs et de développement à moyen terme, mais en même temps de haute technologie dont il a besoin et d’accroitre la valeur potentiel futur concurrent. La question peut alors se poser ajoutée de son industrie, une position qui pose la question du pour certaines entreprises françaises du maintien à terme maintien du leadership pour certaines entreprises françaises de leur position sur le marché mondial. de haute technologie. Le maintien d’un haut niveau d’innovation fait sans doute partie de la réponse. - 51 - Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012 Sources d’information : Le présent rapport d’étonnement est basé sur les rencontres effectuées au cours du voyage d’étude IHEST en Chine du 24 mars au 3 Avril 2012, les documentations et présentations rappelés ci dessous : [1] Brochure Science et technologie en Chine de l’ambassade de France en Chine N°1 Mars 2012 [2] : Rapport de l’Ambassade de France en Chine : Gouvernance et financement de la recherche : structure et tendances (Chine) : SST-PK-12-015v3 9 février 2012 [3] : Présentation économie chinoise et secteur de l’énergie Cyril Rousseau Ambassade de France le 26 mars 2012 [4] : rencontre de responsables de l’industrie Française installés en chine : • Maxime PICAT, directeur du centre de production de PSA à Wuhan • Vincent BRUNEAU, ACOME • Pierre VIALETTES, EADS • Cheng LI, ELECTRICFIL Automotive • Alexis LIAUD, SAFRAN group (SAGEM / Sécurité) • Jean Luc DOUBLET : Groupe Safran • Bernard PORA, ROQUETTE • Stéphane RAINSARD, ST microélectronics • Antoine BLOCH, Mérieux Medicare • Pascal RICKLIN, Axelera [5] : LUO, 2007, « Guanxi and business », ASIA-PACIFIC BUSINESS SERIES - Vol.5 2nd Edition, p.1 [6] : Dossier presse PSA en chine mars 2006 - 52 - Annexes Liste des auditeurs du cycle national 2011 / 2012 Promotion Christiane Desroches Noblecourt Mme Nathalie Alazard-Toux, directrice, direction Economie et Veille, IFP Energies nouvelles M. Olivier Audouin, directeur des affaires externes, Alcatel-Lucent Bell Labs France M. Lotfi Bel-Hadj, président, fonds LBH Développement M. Eric Bernard, directeur de la stratégie, direction générale technique, Dassault Aviation M. Frédéric Bernard, directeur général adjoint, UMC santé Prévoyance M. Dominique Berry, directeur adjoint, département systèmes biologiques, CIRAD Mme Corinne Borel, adjointe au directeur, direction des sciences de la matière, CEA M. Eric Bridot, directeur technique Recherche et Technologie, division Safran Electronics, Sagem Défense Sécurité M. Jean-François Cervel, inspecteur général de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche, ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative M. François Chevoir, directeur adjoint, laboratoire Navier, Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) M. Jérôme Coppalle, adjoint au sous-directeur de l’innovation, direction générale de l’enseignement et de la recherche, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire Mme Carole Couvert, présidente du groupe CFE-CGC, Conseil Economique Social et Environnemental M. Patrick Creze, directeur, adjoint au délégué, Délégation interministérielle à l’Aménagement du territoire et à l’Attractivité régionale (DATAR) Mme Véronique Debisschop, directrice de l’Action régionale, de l’Enseignement supérieur et de l’Europe, direction générale, INRA M. Hubert Duault, directeur général, Paris Développement M. Olivier Fohanno, commissaire divisionnaire, chef de la mission pour la politique de l’innovation et des partenariats technologiques, service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, direction générale de la police nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration M. Thomas Emmanuel Gérard, fondateur et gérant, SUSTENN M. Xavier Grison, Mme Françoise Guégot, responsable du pôle matériaux et composants, direction générale de l’armement, ministère de la Défense et des Anciens Combattants députée de Seine-Maritime M. Gilbert Isoard, président de R3D3 ; directeur du Collège des Hautes Etudes de l’Environnement et du Développement Durable-Méditerranée (CHEDD Méditerranée) M. Joël Jacquet, délégué à la recherche et aux relations industrielles, campus de Metz, Supelec M. Romain Jeantet, professeur, Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Agrocampus Ouest - 53 - Annexes Mme Sacha Kallenbach, inspectrice générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche ; ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative Mme Azar Khalatbari, journaliste, chef de rubrique, département Presse, Sciences et Avenir M. Krzysztof Kozlowski, directeur, Telekomunikacja Polska, Orange Labs (Pologne) M. Philippe Le Moing-Surzur, sous-directeur des études et des projets, direction des systèmes d’information et de communication, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration Mme Cécile Lestienne, directrice de la rédaction, Arts Magazine Mme Hélène Lucas, chef du département de génétique et d’amélioration des plantes, INRA Mme Sestna Machure, proviseure, lycée Albert Einstein, Académie de Versailles M. Arnaud Massip, administrateur adjoint, section des activités économiques du Conseil économique, social et environnemental Mme Malika Meddahi, membre de l’équipe de coordination de l’opération du grand collisionneur de hadrons, adjointe du chef de projet des injecteurs du LHC, CERN Mme Nathaly Mermet, journaliste, correspondante, Biotech Info Mme Catherine Moulin, directrice santé et environnement, SFR M. Jean-Pierre Pechmegre-Caminade, chargé de mission partenariats, direction générale, Synchrotron SOLEIL M. Eric Postaire, chargé de mission auprès des Secrétaires perpétuels, Académie des sciences M. Ramesh Pyndiah, responsable du département signal et communications, Telecom Bretagne Mme Catherine Rabbe, adjointe au chef de programme Aval du cycle actuel, direction de l’énergie nucléaire, CEA Mme Claire Rioux, inspecteur de l’Education nationale, Académie Orléans-Tours, ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie Associative Mme Anne Rizand, directrice régionale Auvergne-Limousin, Cemagref M. Walter Roest, responsable des secteurs géosciences et écosystèmes profonds, direction de la prospective et de la stratégie scientifique, Ifremer M. Stéphane Roy, adjoint au chef du service environnement et procédés innovants, BRGM M. Marc Soulas, chef de la division criminalistique, ingénierie et numérique, Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration M. Jean-Michel Tanguy, directeur de projet, direction de la recherche et de l’innovation du Commissariat général au développement durable, ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement M. Jean-Patrick Thiollet, chef du pôle rayonnement en charge des affaires publiques et des relations institutionnelles, Marine nationale, ministère de la Défense et des anciens combattants M. Bruno Wiart, ingénieur en chef système, logiciel et systèmes d’information critiques, direction technique, Thales Alenia Space - 54 -