programme - Institut des Hautes Etudes pour la Science et la

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programme - Institut des Hautes Etudes pour la Science et la
Carnet
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L’IHEST est un établissement public à caractère administratif, prestataire de formation enregistré sous
le n° 11 75 42988 75. Cet enregistrement ne vaut pas agrément de l’État. Siret n° 130 003 825 00010.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Préambule
Les voyages d’études du cycle national de l’IHEST sont l’occasion de rencontres et de débats. Ils visent à apprécier
d’autres modèles d’émergence de la connaissance et à mesurer l’importance des facteurs culturels et géopolitiques dans
le développement de la recherche, de l’éducation et de l’innovation.
A l’issue de ces déplacements, des carnets de voyages sont demandés aux auditeurs. Il ne s’agit pas d’une synthèse
exhaustive du voyage d’études, ni des questions abordées. Ces carnets témoignent des étonnements des auditeurs lors
de la découverte, circonscrite dans le temps et l’espace, d’un pays au contexte culturel différent.
Au début de chaque voyage d’études, huit à dix questions sont proposées par l’IHEST. Les auditeurs se répartissent par
groupes de 4 ou 5 personnes. Chaque groupe remet, sur le thème choisi, un carnet de voyage de trois pages. L’ensemble
constitue les « Carnets du voyage d’études » qui font l’objet d’une publication.
Remerciements
L’IHEST tient à exprimer ses remerciements aux nombreuses personnalités et institutions chinoises qui ont contribué
à la réussite de son voyage d’étude.
En tout premier lieu il remercie Son excellence Monsieur Kong Quan, Ambassadeur de Chine en France qui a bien voulu
accorder une audience à la direction de l’institut et désigner comme interlocuteur de l’IHEST le Ministre conseiller pour
la science et la technologie, Monsieur Han Jun. Ce soutien a facilité l’organisation de certains rendez-vous en Chine.
Il remercie ensuite les villes, organismes et entreprises qui lui ont ouvert leurs portes et sont venus à la rencontre
des auditeurs durant leur séjour.
Ses remerciements vont enfin aux personnalités et institutions françaises qui ont, par leurs conseils et actions, contribué à la préparation et à la concrétisation de ce projet. Ses remerciements vont tout particulièrement à Bernard Belloc,
ancien conseiller scientifique à l’Ambassade de France en Chine puis pour la recherche et l’enseignement supérieur à
a présidence de la République ainsi qu’à l’Ambassadeur de France en Chine et aux agents du service pour la science et
la technologie à l’Ambassade de France à Pékin et aux consulats de France à Wuhan et Shanghai, Norbert Paluch, Marc
Bondiou et Jean-Jacques Pierrat ainsi que leurs collaborateurs.
Il remercie aussi les acteurs de la coopération franco chinoise rencontrés lors de ce déplacement : dirigeants français et
chinois d’entreprises, scientifiques français séjournant dans des laboratoires en Chine et chercheurs chinois ayant séjournés
en France, responsables de formations universitaires mixtes. Que tous soient remerciés pour leur disponibilité à notre égard.
Ils vont également aux personnalités en France qui sont venues préparer les auditeurs à la découverte de la Chine et sont
intervenus devant les auditeurs :
Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre, vice-président du Sénat et président du XVIIe colloque économique francochinois en avril 2011,
Jean-Louis Rocca, directeur des recherches au Centre d’études et de recherche internationales (CERI) à Science Po,
Mary-Françoise Renard, doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion, responsable de l’Institut de
recherche sur l’économie de la Chine au sein du Centre d’études et de recherches sur le développement international
de l’Université Clermont 1,
Zheng Ruolin, correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Voyage d’études en Chine - Introduction
Interroger le développement de la puissance de la Chine dans ses rapports aux sciences et aux technologies, tel était
l’objectif du voyage d’études international de la promotion 2011-2012 des auditeurs de l’IHEST, promotion Christiane
Desroches Noblecourt.
Le voyage d’études s’est construit autours de quatre axes principaux : le rôle des institutions chinoises et des politiques publiques aux niveaux national, provincial et municipal ; les évolutions des systèmes de recherche, d’enseignement supérieur et d’innovation ; les grands défis sociétaux ; l’éducation et la culture. Une perception de la Chine
uniquement à travers ses deux grandes métropoles de l’est que sont Pékin (20 millions d’habitants) et Shanghai
(26 millions d’habitants), mégalopoles internationales, aurait par trop limité la vision du développement scientifique
et technologique du pays. C’est pourquoi l’IHEST s’est rendu également à Wuhan (8 millions d’habitants), capitale
du Hubei, située au « centre de la Chine ». Diversité des lieux et des acteurs, richesse des échanges, telle est
la marque de ce déplacement de 10 jours.
Ce voyage a permis d’offrir des temps de dialogues très riches permettant une analyse au-delà des clichés et des
représentations stéréotypées. La délégation des auditeurs de l’IHEST, issus d’horizons culturels très variés, a croisé
ses regards avec ceux de personnalités chinoises et de français expatriés pour interroger la réalité du pays, ses forces
et ses faiblesses. Elle a pu appréhender les opportunités et les obstacles à surmonter pour enrichir et pérenniser les
relations franco-chinoises. Elle a mesuré l’importance des facteurs culturels et géopolitiques qui inspirent les choix
des politiques de recherche, d’éducation et d’innovation. Ces carnets de voyages reflètent des étonnements, forcément subjectifs et partiels, porteurs de regards constructifs pour l’avenir.
La Chine s’inscrit, de façon saisissante pour des européens, dans une vision prospective et affiche résolument son
investissement dans la technologie et l’innovation. Se projeter dans une vision de rattrapage économique, technologique et scientifique, ne plus être « l’atelier du monde », mais devenir le « laboratoire du monde », telle est
l’ambition partagée par tous nos interlocuteurs, qui se traduit par la mise en œuvre du 12eme plan quinquennal et
des investissements massifs. L’ambition est aussi de devenir le leader géopolitique de l’Asie et de s’inscrire dans la
mondialisation comme un acteur de premier plan. La Chine, comme le Brésil, autre puissance en développement où
l’IHEST s’est rendu en 2010, est marquée par des contrastes : une croissance économique étonnante pour un pays
devenu 2eme puissance économique mondiale mais une mortalité infantile extrêmement élevée (15,6 décès pour
1 000 naissances en 2011, contre 3,37 en France), des objectifs d’investissement colossaux (4% du PIB pour
l’éducation d’ici 2020) mais des habitants qui épargnent 40% de leur salaire en moyenne, un taux de croissance
exceptionnel (9,3% en 2011) mais un indice de développement humain très faible (101eme rang sur 187 en 2011)…
Ce développement n’est pas sans soulever, à nos yeux d’occidentaux et d’européens, de nombreux paradoxes. En
effet, quel étonnement de voir dans une culture profondément différente, une approche totalement mondialisée de
l’innovation, intégrant ses concepts, l’innovation endogène par exemple, ses modalités, tels les incubateurs et les
parcs technologiques ou le crédits d’impôt recherche ! Seul modèle occidental serait-il donc favorable à l’innovation
dans le regard des autorités chinoises ? Comment ne pas s’interroger sur les impacts de la planification nationale et
de son application par les politiques locales, sur l’apparition récente de la notion même de marché, sur la part croissante de financements privés dans les universités ?
Au vue des interrogations soulevées par l’évolution démographique de la Chine, certaines questions touchent plus
particulièrement l’éducation et l’avenir de la recherche. Comment renforcer une éducation aux sciences pour tous et
construire une élite scientifique et technique, tout en favorisant les capacités créatives des élèves ?
-4-
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Comment conserver une recherche fondamentale dans un contexte où l’essentiel de l’effort de recherche est
concentré sur les applications technologiques et industrielles ? Comment attirer la diaspora chinoise de l’étranger et
les talents internationaux dans le contexte universitaire, environnemental et politique actuel ? Comment trouver des
débouchés pour les étudiants confrontés à un nouvel impératif, celui du marché ? Nombreux sont les étonnements
évoqués dans ces carnets.
Sur le chemin du rattrapage économique, scientifique et technologique, la Chine avance très vite mais de profonds
déséquilibres internes se maintiennent et s’accentuent. D’ores et déjà la Chine est un acteur majeur des technologies
de la communication. Elle devrait le devenir bientôt dans d’autres domaines que l’Etat a définis comme prioritaires,
tels les nanotechnologies ou les biotechnologies. Dans un contexte de mondialisation, nos avenirs sont liés et, comme
avec toutes les autres grandes puissances, la coopération est essentielle. L’IHEST s’y est engagé avec la signature
d’un memorandum of understanding avec le Shanghai Institute of Science and Technology Management (SISTM).
Espérons que la lecture de ces carnets de voyage donnera au lecteur l’envie de regarder le développement actuel
de la Chine en se détachant des lieux communs, des caricatures et des clichés idéologiques qui foisonnent.
Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader,
Directrice de l’IHEST
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Programme du voyage d’études
Pékin, 25-28 mars 2012
Ambassade de France en Chine
La R&D en Chine
Visite des laboratoires du National Center
for Nanoscience and Technology
- Laboratory of nanomaterials
- Laboratory of nanostandardization
Norbert PALUCH, conseiller pour la science et la technologie
- Laboratory of nanomanufacture and applications
près l’ambassade de France en Chine
- Laboratory of biological effects of nanomaterials
and nanosafety
L’industrie de défense chinoise
Colonel Loïc FROUART, attaché de défense
près l’ambassade de France en Chine
Tsinghua University
Tsinghua University et son administration
CHEN Xu, Vice-Secrétaire exécutive du Comité du Parti
Accueil des délégations de l’IHEST
et de l’IHEDN
de Tsinghua University
Cyril ROUSSEAU, adjoint du ministre conseiller pour
L’IHEST et les objectifs du voyage en Chine
les affaires économiques et commerciales près l’ambassade
Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice
de France en Chine
de l’IHEST
Enseignement supérieur
Anthony CHAUMUZEAU, conseiller de coopération et
Research Center on Network and
Information Security Technology
d’action culturelle près l’ambassade de France en Chine,
Présentation et visites croisées en deux groupes
directeur de l’Institut français de Chine
LI Chong, directeur du Research Center on Network
and Information Security Technology
Le programme nucléaire chinois
Pierre-Yves CORDIER, conseiller nucélaire près l’ambassade
de France en Chine
Tsinghua National Laboratory for
Information Science and Technology
Présentation et visites croisées en deux groupes
Santé et affaires sociales
Elvira ARONICA, conseillère pour les affaires sociales près
l’ambassade de France en Chine
Recherche et innovation en Chine :
politiques nationales et financement
Ministry of Science and Technology (MOST)
Chinese Academy of Science (CAS)
Chinese Academy of Science (CAS)
LIN Xin, Directrice adjointe chargée de la politique
TAN Tieniu, secrétaire général adjoint de la CAS
la construction du système d’innovation en Chine
L’IHEST et les objectifs du voyage en Chine
Programme TORCH
Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice
QIAN Jinqiu, Deputy Director of International Development,
de l’IHEST
Torch Programme
Le National Center for Nanoscience and
Technology
Beijing Normal University : l’éducation
aux sciences en Chine et la recherche
en sciences cognitives
An introduction to Beijing Normal University
ZHAO Yuliang, directeur adjoint du National Center
for Nanoscience
du développement et de l’innovation, Bureau pour
SHAN Lizhen, Deputy Director, Office of international
exchange and cooperation
-6-
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
LIU Enshan, professeur, Beijing Normal University
Wuhan, 29-30 mars 2012
Consulat général de France à Wuhan
La science et la technologie à Wuhan
Visite du campus
Marc BONDIOU, attaché pour la science et la technologie,
L’éducation aux sciences en Chine
Consulat de France à Wuhan
State Key Laboratory of Cognitive
Neuroscience and Learning
Peugeot en Chine
Le centre de production de PSA à Wuhan
Présentation et visite
Maxime PICAT, directeur du centre de production de PSA
La coopération scientifique franco-chinoise
Organismes de recherche français en
Chine et grands projets de coopération
à Wuhan
Visite du centre
MARTINEAU-HUYNH Olivier, directeur français du labora-
Wuhan East Lake High Technology
Development Zone (WEHDZ)
Wuhan East Lake High Technology
Development Zone (WEHDZ)
toire international associé (LIA) France China Particle Physics
DAI Xi, vice-directeur de la zone
Laboratory (FCPPL)
WU Shiying, directrice adjointe du service des RI de la zone
GRENIE Michel, directeur français de l’Ecole Centrale de Pékin
MARTINEAU Philippe, conseiller adjoint pour la science
et la technologie près l’ambassade de France en Chine
NAM NGÔ Thiên, attaché Institut national de la propriété
intellectuelle près l’ambassade de France en Chine
La société FiberHome
PALUCH Norbert, conseiller pour la science et la technologie
LI Cheng, manager général adjoint, Electricfil
près l’ambassade de France en Chine
d’Union Européenne en Chine
Huazhong University of Science
and Technology
VIALETTES Pierre, directeur recherche et technologie, EADS
YU Xiang, directeur du service des relations internationales,
VIALATTE Philippe, Conseiller scientifique, délégation
Huazhong University of Science and Technology (HUST)
China Academy of Space Technology (CAST)
Accueil
HE Gang, chargé de mission au service des relations inter-
Vice-président de la CAST
(HUST)
L’IHEST et les objectifs du voyage en Chine
Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice
Wuhan National Laboratory
in OptoElectronics (WNLO)
de l’IHEST
LIN Lin, secrétaire du parti du WNLO
nationales, Huazhong University of Science and Technology
YANG Kecheng, responsable de la filière d’optoélectronique,
La China Academy of Space Technology
(CAST)
chargé de mission de collaboration sino-française,
Huazhong University of Science and Technology (HUST)
ZHANG Mingzhu, directrice des relations internationales
Culture et histoire chinoises
Gugong, la Cité interdite
Energies propres et renouvelables,
le programme ICARE
State Key Laboratory of Coal Combustion
Visite guidée en deux groupes
ZHANG Shihong, directeur du State Key Laboratory of Coal
Combustion, Huazhong University of Science and Technology
L’art contemporain en Chine, nouveaux
modes et espaces de création
Introduction au programme ICARE,
EU-China Institute for Clean and
Renewable Energies
CHENG Xin Dong, directeur de Xin Dong Cheng Space
for Contemporary Art
HUANG Shuhong, co-doyen chinois d’ICARE
Quartier libre dans 798 Art District
Michel FARINE, co-doyen européen d’ICARE
-7-
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Le poids énergétique de la Chine dans
le monde : stratégies énergétiques
et nouvelles énergies
Serge LAVROFF, consul général de France à Wuhan
Cédric DENIS-REMIS, directeur exécutif d’ICARE
Bernard PORA, ROQUETTE
Alexis LIAUD, SAFRAN group (SAGEM / Sécurité)
Julien POUGET, ALSTOM Engineering & Technology
Laurent THIBAUD, AFE Cronite
La province du Hubei et la ville de Wuhan :
science, développement et planification
Le bureau de S&T de la Province du Hubei
Jacques THIMON, ARO
ZHANG Zhenlong, directeur général adjoint, bureau de S&T
Jason ZHANG, DELACHAUX
de la Province du Hubei
6 membres du club France
Pascale VACHER, attaché culturel près le consulat général
de France à Wuhan
(anciens étudiants chinois en France)
Développement économique
de la ville de Wuhan
QIN Zunwen, vice-directeur de l’Académie des sciences
sociales du Hubei, conseiller spécial auprès du Ministre
Shanghai, 31 mars-3 avril 2012
Consulat général de France à Shanghai
de la Science et de la Technologie (MoST)
Rencontres
Planification des transports
dans la ville de Wuhan
Jean-Jacques PIERRAT, attaché pour la science et la tech-
ZHANG Peilin, School of transportation, Wuhan University
Ivan RUVIDITCH, chargé de mission sciences humaines et
of Technology (WUT)
sociales près le Consulat général de France à Shanghai
nologie près le Consulat général de France à Shanghai
WANG Yizhi, professeur et directeur, Institute of Information,
Le bureau de l’eau de la ville de Wuhan
Rencontre avec des représentants
La région de Wuhan et ses relations
avec la France
Shanghai Academy of Social Sciences
Innovation, science et société :
quels enjeux de développement
Symposium franco-chinois organisé par l’IHEST
Rencontre
et la Commission des Sciences et Technologies
Serge LAVROFF, consul général de France à Wuhan
de la municipalité de Shanghai
HUANG Qin, conseillère économique près le consulat
général de France à Wuhan
Présentation des intervenants
Philippe AUTIER, directeur d’UbiFrance, consulat général
WANG JianPing, président du SISTM
de France à Wuhan
LE BARS Yves, président du GRET, membre du conseil
Isabelle DEDUN, attachée universitaire près le consulat
d’administration de l’IHEST
général de France à Wuhan
Pascale VACHER, attaché culturel près le consulat général
de France à Wuhan
Le paysage français : politiques publiques
et réformes. La création et les programmes
de formation de l’IHEST
Entrepreneurs français installés à Wuhan et
étudiants chinois ayant étudié en France
Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice
Dîner-rencontre
Paul MAITRE, conseiller technique de l’IHEST
Philippe AUTIER, directeur d’UbiFrance, consulat général
de l’IHEST
Isabelle DEDUN, attachée universitaire près le consulat
Le Shanghai Institute of Science and
Technology Management (SISTM).
Programmes et réussites
général de France à Wuhan
WANG JianPing, président du SISTM
de France à Wuhan
Vincent BRUNEAU, ACOME
Jean-Paul GUYOT, ELECTRICFIL Automotive
HUANG Qin, conseillère économique près le consulat
général de France à Wuhan
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Soutien du gouvernement aux petites
et moyennes entreprises
WANG Zhen, directeur adjoint du Science Technology
Jeunes chercheurs français en Chine
et de jeunes chercheurs chinois ayant
étudié en France
Innovation Center (STIC)
Déjeuner - rencontre
AMIGUES Eric Jean, récipiendaire du Science and
Spécificités de l’organisation de
la recherche et de l’enseignement supérieur
chinois. La place du système éducatif
et ses évolutions
Technology Fellowship, East China University of Science
ZHANG YuChen, professeur à l’Université de Tongji,
Engineering, College of Chemistry and Chemical
professeur invité au SISTM
Engineering, Xiamen University
and Technology (ECUST)
CHEN Xiao Dong, 1000-Elite Chair of Chemical Engineering,
Department of Chemical Engineering and Biochemical
CLACENS Jean-Marc, directeur adjoint du laboratoire
Jiao Tong University
Jiao Tong University
Eco-Efficient Products and Processes Laboratory (E2P2L),
unité mixte internationale CNRS-Rhodia
ZHANG Jie, président de Jiao Tong University
DUPUIS Laurent, directeur de l’innovation Chine, Schneider
Electric
La recherche en biomédecine à Jiao Tong
Universiy
GUO Zhenhua, ingénieur senior, TD-LTE R&D,
Alcatel-Lucent Bell Shanghai
ZHAO Liping, professeur, Center for systems Biomedicine,
JU Yingwen, E2C, Sanofi R&D China
Shanghai Jiao Tong University
LAO Yu, ingénieur, manager de projet véhicule,
centre de R&D, PSA
Coopération de l’université avec
les entreprises : développement
de l’innovation et des nouvelles industries
LE GUYADER Laurent, National Center for Nanoscience
and Technology
LIU Zhan, responsable du Laboratoire développement
LEE Jay, directeur de l’Institut de technologie industrielle
hygiène et soin capillaire, R&I, L’Oréal Chine
avancée, Jiao Tong University
MAO Ying, ingénieur des ventes, CAPS Enterprise,
Many-core Programming Company
Chinese National Human Genome Center
of Shanghai
Le Chinese National Human Genome
Center
PERA-TITUS Marc, chercheur au laboratoire Eco-Efficient
Products and Processes Laboratory (E2P2L), unité mixte
internationale CNRS-Rhodia
RAINSARD Stéphane, ingénieur d’application sénior,
ZHAO Guoping, directeur du Chinese National Human
ST Microelectronics, division microcontrolleurs
Genome Center
RICKLIN Pascal, manager région Chine,
Axelera Competitive Cluster
Visite du Musée de Shanghai
Mobilité des chercheurs
Les programmes 100 talents
et 1 000 talents
SCHWEITZER Jean-Philippe, manager R&D Asie,
Saint-Gobain, Flat Glass Sector
SHI Junchang, responsable technique, centre de R&D,
Schneider Electric
ZHOU Congzhao, vice-doyen de la Faculté des sciences
TRAN Quang-Khai, manager R&D senior, Danone Dairy
de la vie, Université S&T de Chine, lauréat du Programme
R&D center
des 100 talents
CHEN Xiao Dong, 1000-Elite Chair of Chemical Engineering,
Department of Chemical Engineering and Biochemical Engineering, College of Chemistry and Chemical Engineering,
YANG Jianming, scientifique, environnement,
Center for Research and Technology of Shanghai, Rhodia
YANG Zhitao, urgentiste, Hôpital Ruijin
ZHOU Congzhao, vice-doyen de la Faculté des sciences
Xiamen University
de ka vie, Université S&T de Chine
ZHOU Rong, responsable R&D, représentant à Shanghai,
Hyperstone Asia pacific, spécialiste en électronique
-9-
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Le groupe Huawei
Le Centre de R&D de Huawei à Shanghai
Visite
Le Groupe Huawei, stratégie
et développement
GUO Tianmin, Vice-président supérieur, Huawei
Entreprises françaises implantées
à Shanghai
La R&D des entreprises françaises
implantées à Shanghai
Rencontre avec les responsables de R&D
En présence de
Antoine BLOCH, BioMérieux
Dominique de BOISSESON, A Capital
Jean-Luc DOUBLET, Safran
Pierre-Frédéric LEBELLE, PSA
Laurent PERIER, ST Micro
Benoit ROSSIGNOL, Shiyao Invetment
Financement de l’innovation en Chine : l’exemple de China
Material LLC
ZHOU Min, associée gérante, China Material LLC
Patrick BERBON, associé gérant, China Material LLC
BioMérieux et Essilor en Chine
Rencontre avec
HE Yi, directeur général en Chine d’Essilor
Pascal VINCELOT, directeur général en Chine de bioMérieux
La santé publique :
recherche et politiques municipales
Institut Pasteur de Shanghai (IPS),
questions de santé publique
Ralf ALTMEYER, directeur général de l’Institut Pasteur
de Shanghai
Center for Disease Control Shanghai
ZHANG Xi, directrice du Laboratoire de microbiologie,
CDC Shanghai
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Sommaire
1 L’excellence scientifique chinoise : mythe ou réalité ? 12
Cécile LESTIENNE, Ramesh PYNDIAH, Anne RIZAND, Walter ROEST
2 Les grands défis sociétaux et la recherche
16
Romain JEANTET, Nora Sestna MACHURE, Malika MEDDAHI, Catherine RABBE
3 Développement des grandes villes : enjeux de développement durable 19
Patrick CREZE, Gilbert ISOARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Arnaud MASSIP, Catherine MOULIN
4 Stratégie de développement des TIC en Chine
23
Olivier AUDOUIN, Thomas Emmanuel GERARD, Marc SOULAS, Jean-Michel TANGUY
5 La planification de la recherche et de l’innovation et ses acteurs
27
Dominique BERRY, Jean-François CERVEL, Hélène LUCAS, Stéphane ROY
6 Les stratégies de recherche et d’innovation nationales, provinciales et municipales : articulation des niveaux d’autorité 30
Carole COUVERT, Véronique DEBISSCHOP, Sacha KALLENBACH, Krzysztof KOZLOWSKI
7 Le soutien à l’innovation : structures et programmes
32
Eric BERNARD, Joël JACQUET, Amaury JOURDAN, Xavier GRISON
8 Brain drain, brain gain
38
Jérôme COPPALLE, Hubert DUAULT, Olivier FOHANNO, Nathaly MERMET
9 Les grandes universités de recherche en Chine : ambitions et spécificités
41
Lotfi BEL HADJ, Jean-Pierre PECHMEGRE - CAMINADE, Jean-Patrick THIOLLET, Bruno WIART
10 La culture chinoise , l’éducation et la science
46
François CHEVOIR, Azar KHALATBARI, Eric POSTAIRE, Claire RIOUX
11 Les entreprises françaises en Chine : quels enjeux ?
Nathalie ALAZARD-TOUX, Frédéric BERNARD, Corinne BOREL, Eric BRIDOT
- 11 -
49
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
1. L’excellence scientifique chinoise :
mythe ou réalité ?
Par Cécile LESTIENNE, Ramesh PYNDIAH, Anne RIZAND, Walter ROEST
La Chine a connu un développement industriel et écono-
la créativité des chercheurs chinois. La capacité d’innova-
mique très impressionnant depuis le début des années 80,
tion de la Chine va-t-elle se hisser à la hauteur des ambitions
suite aux premières expériences lancées par Deng Xiao Ping
affichées du pays ? Notre riche mais trop court voyage ne
avec les Zones Economiques Spéciales (ZES). Devenue l’ate-
nous permet évidemment pas de valider avec certitude les
lier du monde à la fin du 20eme siècle, la troisième puissance
hypothèses que nous pourrions formuler sur cette question.
économique mondiale affiche depuis clairement son ambition
Ceci étant, la lucidité de nombreux acteurs que nous avons
de s’imposer comme le laboratoire du monde au 21eme siècle.
rencontrés lors de nos visites sur les forces et les faiblesses
D’ailleurs, le pays peut se targuer à juste titre d’avoir réalisé
de la science chinoise est à porter à leur crédit, et constitue
en moins de 30 ans d’énormes progrès dans différents sec-
un avantage indéniable pour progresser et viser l’excellence.
teurs technologiques : ainsi en matière de spatial, la Chine
est-elle devenue une puissance de premier ordre disposant
de lanceurs et d’une flotte de satellites de télédétection,
de télécommunication, de navigation... Sans même parler
de son ambitieux programme de station orbitale habitée et
d’exploration de la Lune. S’agit-il pour autant d’excellence
Une priorité gouvernementale :
entre volontarisme et immobilisme
Une forte volonté politique
scientifique ? La réponse est à géométrie variable. Sur le plan
académique, il est facile de souligner qu’aucun chinois (mis
La Chine affiche une volonté politique et une stratégie claire
à part des chercheurs naturalisés américains) n’a reçu de
en matière de développement technologique et scientifique.
prix Nobel. Si la règle du «publish or perish» sévit ici comme
Le gouvernement considère que la Recherche, le Dévelop-
ailleurs, (en terme de nombre d’articles publiés dans les revues
pement et l’Innovation (RDI) sont les moteurs qui permettront
internationales, la Chine s’est propulsée au 2eme rang derrière
au pays de passer de son statut d’atelier du monde à celui
les Etats-Unis, en moins de 10 ans) le facteur d’impact de
de laboratoire du monde. Et ainsi de relever les défis auxquels
ces publications, demeure encore moindre dans l’ensemble,
il se trouve confronté (dépendance énergétique, insuffisance
probablement parce que la recherche fondamentale reste
de la production agricole, protection de l’environnement, pro-
le parent pauvre de la science chinoise. Aujourd’hui. Mais
tection de la santé d’une population vieillissante... etc).
qu’en sera-t-il demain ?
Sur le plan de l’innovation, la priorité accordée à la R&D par
Pour cela, l’Etat ne lésine :
les autorités chinoises est à l’évidence un véritable atout. Le
• ni sur les moyens financiers : augmentation massive des
pays a démontré qu’il est en mesure d’exploiter la connais-
investissements en RDI (+20% par an entre 2005 et 2010),
sance scientifique disponible pour améliorer ses produits
visant 2,2% du PIB consacré à la recherche en 2015 et
dans des secteurs tels que les énergies renouvelables et les
2,5% en 2020 - pour un taux de 1,75% du PIB en 2010
télécoms : la montée en puissance de l’entreprise Huawei,
soit environ 70 milliards d’euros, à mettre en regard du taux
devenue 1er équipementier de télécommunications en Chine
français de 2,2%, et du taux américain de 2,8% -,
et numéro 2 mondial derrière Ericsson, en est une démons-
• ni sur les moyens humains : aux côtés du Ministère de la
tration impressionnante. Toutefois, de nombreux freins (nous
Science et de la Technologie (MOST), plusieurs ministères
en avons identifié quelques uns ci-dessous) brident encore
(MIIT, MOE,…), plusieurs académies (CAS, CAE, CASS,…)
- 12 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
et un grand nombre de centres de recherche (NFSC,…)
participent activement à la mise en œuvre de la politique
scientifique et technique du pays au niveau national. Leur
action est complétée par un fort soutien des autorités
Mais un sous-développement
de la recherche fondamentale
et une faiblesse de l’expertise
scientifique
locales et de grands programmes, lancés par le MOST :
-- programme TORCH, ambitieux programme de soutien
à l’innovation : mise en place de parcs technologiques, aides aux sociétés innovantes, soutien
aux incubateurs…
-- programme de recherche et de développement des
technologies-clés, identifiées comme telles dans le 12eme
Plan Quinquennal
-- programme 973 (1997) visant à soutenir la recherche
fondamentale, et programme 863 (1986), tourné vers
la recherche appliquée et le développement des hautes
technologies.
Ces résultats impressionnants ne doivent pas cacher que le
niveau de la recherche fondamentale demeure encore assez
faible en Chine, conséquence d’un déficit d’investissement
sur une très longue période. En effet si la part du PIB consacrée à la recherche s’élève à 1,75% en 2012, 77,7% provient de l’industrie, et la part du PIB consacrée à la recherche
fondamentale n’est que de 0,07% (contre 0,5 aux USA et
0,53 en France). Ainsi, les universitaires qui doivent autofinancer leurs activités à 30% minimum, voire 70%, s’orientent
naturellement vers la recherche appliquée au détriment de
la recherche fondamentale. La progression quantitative des
publications est par conséquent à relativiser : la qualité de
De plus, le gouvernement a lancé des National Key Labo-
la production scientifique, mesurée par le facteur d’impact,
ratories et les State Key Laboratories pour développer
reste en retrait (en 2007 elle était de 0,61 par rapport à une
la recherche dans des domaines recensés comme prio-
moyenne normée à 1.).
ritaires. Et ils sont très nombreux ! Cela va de l’énergie
Par ailleurs, la gouvernance des établissements de recherche
à la santé en passant par les nouveaux matériaux et
(université, centre de recherche,…) en Chine est singulière :
la défense nationale... Mais, comme l’a souligné un de
chaque établissement est placé sous la direction conjointe
nos interlocuteurs : « cela ressemble plus à une liste
d’un scientifique et d’un membre du parti communiste. Cette
de courses pour ne rien oublier qu’à une véritable
double commande ne comporte-t-elle pas le risque d’être un
sélection ». Un exemple parmi d’autres est le National
frein au développement de la recherche fondamentale, celle-
Key Laboratory of Cognitive Neuroscience and Learning
ci reposant principalement sur la liberté intellectuelle ?
de Beijing Normal University que nous avons pu visiter.
Enfin, le processus d’évaluation des programmes laisse peu
Ce laboratoire dédié à l’étude du cerveau a réussi à attirer
de place à la transparence et est probablement susceptible
des chercheurs formés aux Etats-Unis et dispose d’équi-
d’amélioration : les programmes sont en effet évalués par
pements à la pointe de la technologie (Ex. Imagerie à
une commission composée d’experts chinois choisis par les
Résonance Magnétique) pour réaliser ses travaux. Nous
autorités et par ses organismes sous tutelle. Seule la NSFC a
avons assisté à une présentation enthousiaste du projet
recours pour l’évaluation de ses programmes à des experts
mettant en avant une approche pluridisciplinaire princi-
indépendants (nationaux et internationaux). L’évaluation
palement focalisée sur la compréhension des processus
semble toutefois prendre en compte le nombre de publica-
d’apprentissage et sur l’étude de la plasticité cérébrale.
tions, l’indice de citation, le nombre de brevets, et les coopé-
Avec un objectif manifeste utilitariste : améliorer les pra-
rations internationales. L’élaboration des choix stratégiques
tiques pédagogiques. «Understand the mind , empower
en matière de recherche se fait via les Plans Quinquennaux,
the brain» tel est le slogan du laboratoire.
qui se basent sur l’évaluation des résultats obtenus au regard
C’est bien grâce à cette politique volontariste que la
des objectifs fixés dans le cadre du précédent plan quin-
Chine, quasi-invisible dans le monde scientifique il y a
quennal, plutôt que sur des études prospectives ou de type
20 ans, est passée du 5eme rang mondial en 2005
« impact assessment ».
au 2
eme
en 2011, en termes de nombre de publications,
derrière les Etats-Unis, dépassant le Royaume-Uni
(3eme place),
le
Japon
(4eme),
l’Allemagne
(5eme),
la France (6eme).
- 13 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
L’éducation : le grand enjeu
2020. D’ors et déjà on constate l’attribution de moyens consi-
Un enseignement qui ne favorise pas
la créativité
ter pour certaines, telles que l’Université de Tsinghua (Pékin) et
Un des principaux obstacles de la Chine sur le chemin de
(Cela explique-t-il que les meilleurs étudiants chinois se di-
l’excellence scientifique demeure probablement son système
éducatif. Le gouvernement a mis en place des moyens très
importants pour l’éducation au cours des vingt dernières années avec des résultats significatifs. Ainsi, 99,2% des enfants
de moins de 13 ans sont scolarisés et le niveau d’illettrisme a
baissé de plus de 50% en 20 ans. Un succès impressionnant faut-il rappeler qu’apprendre à lire le Mandarin est beaucoup
plus difficile que maîtriser la lecture de n’importe quelle langue
à l’écriture alphabétique ? -, qui recèle une faille : l’apprentissage à l’école est fondé sur le « par cœur » (apprendre signifie
aussi « imiter » en Chinois), et il ne développe ni la créativité,
ni la capacité d’analyse. Conscient de cette faiblesse, le gouvernement a lancé un plan de réforme du système éducatif
pour les années 2010/2020, visant à améliorer l’enseignement
obligatoire de base (Mandarin, Mathématiques, Anglais) et
celui des Sciences. Notamment en changeant les pratiques
pédagogiques et en favorisant l’épanouissement des élèves.
De l’aveu même des promoteurs de ce projet, cette réforme
aujourd’hui expérimentale, se heurte à l’inertie du corps enseignant (dont une partie a été ellei-même formée lors de la révolution culturelle) et au mécontentement des parents : si ces
nouvelles méthodes sont censées développer des têtes bien
faites et non bien pleines, elles n’assurent absolument pas la
réussite au gaokao (le baccalauréat chinois), qui pour l’heure
est essentiellement composé de QCM.
Sésame indispensable pour l’accès aux études supérieures,
le gaokao est un concours sélectif et inégalitaire. Le taux de
réussite est d’environ 60% (soit environ 25% d’une classe
d’âge) mais un certain nombre de places sont réservées
d’office pour les habitants des grandes villes et des provinces
développées au détriment des campagnes. Par ailleurs, les
2 300 universités Chinoises sont de niveaux très variables,
avec seulement 151 universités reconnues de rang national, et
dérables aux universités prestigieuses que nous avons pu visiJiao Tong (Shanghai). Elles sont mondialement reconnues et
ont formé comme ingénieurs de nombreux dirigeants Chinois
rigent le plus souvent vers les filières scientifiques et non vers
des filières type droit ou commerce comme en Occident ?). Les
résultats de recherche qui nous ont été présentés sont d’un
bon niveau, mais avec toujours une forte orientation applicative et peu de recherche fondamentale.
D’autre part, les 30 millions d’étudiants dans l’enseignement
supérieur constituent une énorme réserve de chercheurs pour
alimenter les différents programmes de recherche, même
si les 150 universités de rang national actuelles ne suffisent
sans doute pas pour répondre aux besoins d’une Chine
ambitionnant de devenir le laboratoire du monde. (à titre de
comparaison, la France compte 2 300 000 étudiants, à multiplier par un facteur 20, soit 46 millions, pour étalonner avec la
population chinoise). Pour accélérer la montée en puissance
de la recherche, le gouvernement chinois a mis en place des
programmes (100 talents et 1 000 talents), visant à promouvoir l’élite scientifique du pays, mais surtout à inverser la fuite
des cerveaux : soit faire revenir les meilleurs chercheurs d’origine chinoise établis à l’étranger. Notre voyage nous a permis
d’entrapercevoir les énormes efforts consentis pour attirer ce
personnel de renommée internationale (salaires très incitatifs
à la hauteur des rémunérations américaines, moyens importants pour le laboratoire associé en termes d’équipements
et de ressources humaines, logement de fonction etc), mais
également les embûches que rencontrent ces rapatriés qui
ont l’immense avantage de parler le mandarin mais qui ont fait
leur carrière avec des méthodes de travail culturellement différentes et qui voient parfois leur famille s’intégrer difficilement.
La proximité recherche/entreprises :
une arme à double tranchant
Le succès du pragmatisme
qui ne recrutent qu’environ 2% des 10 millions de candidats.
Ce qui caractérise la recherche chinoise, c’est sa grande
Mais une élite appelée à se développer
proximité avec le monde industriel, une intrication favorable
au transfert technologique. D’autant plus que les scienti-
Ce paysage évolue toutefois rapidement : au cours des 10
fiques ont une approche très pragmatique des problèmes
dernières années, le nombre d’étudiants dans l’enseignement
qui s’appuie beaucoup sur l’expérimentation. L’innovation
supérieur est passé de 5 à 30 millions, et le gouvernement
en Chine est encouragée de multiples façons : toutes les
central a lancé, en 2010, un programme ambitieux visant à
institutions d’enseignement supérieur et de recherche sont
consacrer 4% du produit intérieur brut (PIB) à l’éducation en
encouragées à créer des entreprises, à valoriser leurs activi-
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
tés de recherche et à transférer des technologies nées dans
fait que pour une grande part elle reste financée par les éche-
des laboratoires. A titre d’exemple, on cite souvent la société
lons locaux. Selon le bureau national chinois de statistiques,
«Lenovo» issue des laboratoires de la CAS, devenue le 2eme
cité par une note du Service scientifique de l’Ambassade de
acteur du marché informatique mondial. Ce modèle a permis
France et confirmé par les données OCDE, un peu plus de la
de combler rapidement le retard technologique de la Chine
moitié des dépenses de R&D chinoises sont le fait des éche-
dans de nombreux secteurs industriels (transports, télécom-
lons locaux, grandes municipalités et provinces. Il s’ensuit
munications, spatial…).
probablement une moindre efficience de cette recherche,
Pour accélérer le transfert laboratoires/entreprises, La chine
l’orientation « localiste » des dépenses de R&D s’avérant par-
multiplie les parcs technologiques censés également attirer
fois hasardeuse et pas toujours cohérente avec la stratégie
les entreprises et les capitaux étrangers. Comme Biolake,
nationale.
une zone de développement économique en biotechnologie
de 30km2 située dans le prolongement de la « Vallée de l’optique » à Wuhan (une mégapole qui pour être au centre de
la chine n’en n’est pas moins une grande ville universitaire à
forte tradition industrielle) et qui nous a semblé surgir de terre
à la vitesse grand V.
Ces efforts se traduisent par des résultats significatifs :
la Chine se positionnerait désormais au 3eme rang mondial
en termes de détention de brevets. Les dépôts de brevets
et de modèles d’utilité ont été multipliés par 6 entre 2000 et
2009. Et la tendance devrait se confirmer : l’énorme marché
intérieur chinois même s’il est encore immature permet aux
entreprises de développer des produits spécifiques pour
la Chine et ensuite de les améliorer pour l’exportation. Par
exemple, à Pékin les deux roues utilisent exclusivement des
moteurs électriques de conception chinoise pour limiter la pollution. Ils se généralisent actuellement en Chine et devraient
ensuite s’exporter. Par ailleurs il ne faut pas oublier que dans
ce même secteur du développement durable le pays est en
train de prendre le leadership, dans le domaine des énergies
renouvelables (notamment l’éolien et le solaire).
Conclusions
Malgré une réelle faiblesse de sa recherche fondamentale,
une créativité bridée notamment par le système d’éducation
et de nombreux handicaps (attractivité, rigidité du système...)
la Chine arrive à exploiter plutôt efficacement la connaissance scientifique disponible pour la transformer en développement et en innovation, tandis que l’Europe perd des
parts de marché industriel, en dépit d’une recherche toujours
« à la pointe ».
Un développement économique, social et environnemental chinois harmonieux semble hautement nécessaire pour
attirer et garder les meilleurs chercheurs et ainsi poursuivre
l’avancée du pays sur le chemin de l’excellence scientifique.
Pour simplement maintenir la paix sociale, la Chine dit devoir
maintenir une croissance annuelle du PIB supérieure à 5%.
Depuis la crise de 2008, elle a connu un ralentissement de sa
croissance estimée à 8,5% du PIB pour 2012. D’autre part,
la balance commerciale de la Chine est devenue déficitaire en
2011 à cause de la diminution des exportations et de l’aug-
Le danger du nivellement
mentation de la facture énergétique. Ce déficit semble s’installer durablement et va constituer un sérieux handicap pour
Mais ces brevets reflètent-ils une réelle capacité d’innova-
financer le développement économique qui devra reposer à
tion ? Une question difficile à apprécier lors de ce voyage. Il
l’avenir davantage sur la consommation interne alors même
semble que nombre de brevets déposés en Chine par des
que de nombreux défis restent à relever : l’indépendance ali-
Chinois concernent des designs, des logos ou encore des
mentaire et énergétique, la santé, le logement, la lutte contre
procédés techniques de généralisations très limitées aux
la pollution...
habitudes des consommateurs chinois, D’ailleurs les exportations concernent très majoritairement, des produits conçus
Si le pays réussit ce challenge du maintien de la cohésion
en Occident ou au Japon, assemblés en Chine et destinés aux
sociale, il pourra alors compter sur une population qui de par
marchés étrangers. Les causes ? Faiblesse de la recherche
sa taille, sa culture et son histoire, sera probablement l’atout
fondamentale ? Projets financés par les entreprises trop peu
majeur du système : les Chinois que nous avons rencontrés
ambitieux et qui accaparent les scientifiques au détriment de
nous ont semblé animés par une très grande fierté nationale,
sujets qui pourraient amener à des innovations de rupture ?
prêt à consentir des sacrifices pour faire progresser le pays,
Si une recherche pleinement innovante peine à émerger, c’est
et faire que l’excellence scientifique ne soit plus un mythe
peut-être aussi en raison de sa relative « dispersion », liée au
mais devienne une réalité.
- 15 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
2. Les grands défis sociétaux et la recherche
Par Romain JEANTET, Nora Sestna MACHURE, Malika MEDDAHI, Catherine RABBE
Quelques repères
ciées aux transitions énergétiques et alimentaires que connait
Les attributs de puissance de la Chine sont nombreux : son
de sa balance commerciale, déficit qui atteint un record en
économie connaît chaque année l’une des plus forte croissance mondiale (9,2% en 2011) ; elle est le pays le plus peuplé au monde (plus de 1,3Md d’habitants) et le troisième par
sa superficie, elle est l’héritière d’une civilisation ancienne qui
n’aura connu qu’une parenthèse de 2 siècles, de la guerre
de l’opium à la fin des années 80 ; puissance spatiale depuis
2003 lors du premier envoi d’un Chinois dans l’espace, elle
possède l’armée la plus grande du monde et l’arme nucléaire.
La Chine est actuellement la 2eme puissance économique
mondiale, derrière les USA qu’elle pourrait dépasser entre
2020 et 2030. Pour assurer sa montée en puissance, elle
doit cependant relever des défis majeurs. Le pays présente
en effet des risques d’explosion sociale, liés à une inégalité de
croissance entre les régions moins développées du centre et
de l’Ouest et les régions côtières de l’Est, dont les habitants
aujourd’hui la Chine, sont responsables du déficit croissant
mars 2011.
Depuis les années 2000, les dirigeants (souvent ingénieurs)
ont axé la stratégie de développement de la Chine sur la
connaissance par un soutien croissant à la formation, la
recherche et l’innovation, notamment en sciences et technologies. L’ambition est de permettre à la Chine de devenir
l’économie de la connaissance et de l’innovation la plus compétitive au monde afin de pérenniser sa croissance. Un effort
considérable a été consenti aux investissements en R&D,
passés de 1,33 à 1,75% de son PIB entre 2005 et 2010.
Pour autant, le système d’innovation reste encore assez faible
en raison de contradictions entre la planification et la politique
d’innovation, d’une pédagogie descendante qui « s’interroge
sur le comment et non le pourquoi », et du manque de talents
dans les domaines innovants.
gagnent en moyenne 3 fois plus que ceux de l’intérieur (la
croissance des salaires a été d’environ 12% en 2011). Son
statut de pays émergent reflète d’une certaine manière le
grand écart entre l’Est, proche des standards occidentaux,
Quels sont les grands défis
sociétaux ?
et des zones rurales peu développées (800 millions d’agriculteurs). Ces inégalités suscitent des tensions fortes, que le
La Chine est engagée depuis une trentaine d’années, à
pouvoir tente d’amortir en maintenant la croissance au des-
marche forcée, dans une gigantesque transformation qui
sus d’un seuil de 5% supposé garantir la paix sociale.
s’accompagne d’un ensemble de déséquilibres (démo-
Le modèle de croissance chinois est caractérisé par un
graphiques, sociaux, environnementaux et territoriaux)
niveau très élevé d’investissement, un niveau relativement
auxquels le pays doit faire face aujourd’hui.
faible de consommation intérieure (les Chinois épargnent en
Du fait de la politique de l’enfant unique (et même si le
raison d’un système social encore insuffisant) et une dépen-
taux effectif de fécondité est de l’ordre de 1,7 enfants par
dance forte aux exportations (excédent commercial source
femme), la société chinoise vieillit à un rythme exponen-
de contentieux avec les pays occidentaux). Par ailleurs, l’im-
tiel et maintient un déséquilibre entre les genres (en 2010,
pact de la croissance sur l’environnement est loin d’être tota-
119 garçons sont nés pour 100 filles). Les démographes
lement maîtrisé : la Chine doit faire face à une pression envi-
estiment qu’il y aura 1,1 inactif pour 1 actif en Chine en
ronnementale croissante (émissions carbonées, ressources
2030, alors qu’il n’existe pas de système de retraite géné-
en eau), compte tenu de l’augmentation de sa demande
ralisé : une situation explosive au plan de la santé publique,
énergétique et de la structure de son mix énergétique à 70%
de la pénurie de main d’œuvre ou de l’ordre social. Il s’agit
de charbon. Les importations de pétrole et de soja, asso-
pour la Chine de terminer son décollage économique avant
- 16 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
la fin de la transition démographique. Fidèle à un modèle
scientifique, de travailler sur l’esprit critique et créatif plu-
d’expérimentation territoriale, testée sur le programme de
tôt que de transmettre des connaissances. Le défi est de
libéralisation économique dès les premières années de
concilier cette nouvelle approche, qui libérera les postures
l’ouverture, le pouvoir a d’ores et déjà entrepris d’assouplir
citoyennes, avec l’autorité du pouvoir.
sa politique de natalité dans certaines régions pilotes.
Le modèle de croissance chinois doit être rééquilibré par
le développement du marché intérieur, notamment par
la mise en place d’un système de protection sociale afin
Comment la recherche essaie
de répondre aux grands défis
sociétaux ? 1
de diminuer le taux d’épargne, et par un renforcement du
Yuan sur le long terme qui permettra aux chinois d’éle-
Afin de répondre aux grands défis sociétaux, le gouverne-
ver leur pouvoir d’achat. De plus, le rééquilibrage territorial
ment chinois investit massivement dans l’éducation et les
de la croissance, qui a jusqu’ici profité aux zones côtières
sciences (recherche, développement et innovation). Ainsi,
de l’Est, est un enjeu pour le pouvoir central (politique du
194,4 milliards de Yuans ont été dépensés en 2011 pour
«go west»). Il s’agit d’améliorer, entre autre, les infrastruc-
les ‘Sciences et Technologies’ et une augmentation bud-
tures, les logements, l’éducation et les soins de santé des
gétaire de 12,4% a été annoncée pour 2012.
« chinois de l’intérieur ». Le Premier ministre a estimé que la
La Chine s’emploie à élever le niveau de formation des
Chine devait changer de modèle de développement pour
experts dans tous les domaines en sélectionnant des
« attacher plus d’importance au mode de vie des gens,
universités d’élites (11 sur 2 263 au total) et de grandes
et laisser la population partager les fruits de la réforme ».
écoles d’ingénieurs. Ces experts travailleront dans des
La lutte contre la corruption est concernée.
infrastructures de recherche dont le nombre connait une
Le pendant direct de la croissance soutenue de la Chine
croissance rapide. En 2011, 156 nouveaux laboratoires clé
et de son urbanisation est la forte hausse de sa consom-
d’État (333 au total) et 114 nouveaux centres de recherche
mation d’énergie, et corollairement du niveau de pollution.
nationaux en ingénierie (387 au total) ont été créés. Cœur
Le pays se trouve confronté à trois défis environnemen-
de la politique d’innovation chinoise, de grands et ambi-
taux majeurs : l’énergie (augmenter la production énergé-
tieux parcs technologiques de pointe sont nés (88 en
tique en limitant les gaz à effet de serre), l’eau (garantir
2011) et prospectent des entreprises en leur offrant une
un accès à une eau de qualité pour tous) et la pollution
politique avantageuse de financement ainsi qu’une fisca-
(poursuivre son développement en limitant les nuisances).
lité favorable ; des incubateurs et pépinières d’entreprises
La gestion de l’énergie, objectif crucial, constitue un goulot
sont chargées d’assurer le succès de leur lancement et
d’étranglement potentiel pour la croissance économique
leur développement.
et un enjeu géopolitique pour garantir les besoins crois-
Le Ministère de la science et de la technologie (MoST) a
sants du pays. L’approvisionnement des populations en
publié son 12eme plan quinquennal (2011-2015) planifiant le
eau de qualité, notamment au Nord, nécessitera vraisem-
développement national scientifique et technologique pour
blablement une augmentation des prix, source possible de
la période. Ce plan, dont un des objectifs ambitieux est
mécontentement populaire dans un pays où les services
de consacrer 2,2% du PIB à la R&D, s’articule autour de
publics ne coûtent pas cher à l’heure actuelle. La Chine
l’essor des industries qui, à long terme, devraient porter
doit trouver un équilibre entre développement économique
la croissance économique et améliorer le bien être social.
et respect de l’environnement et ainsi viser une croissance
En effet, une des grandes préoccupations actuelles est de
plus qualitative que quantitative, ce qu’elle a entrepris
servir l’intérêt général en faisant progresser les conditions
d’atteindre en investissant massivement dans les énergies
de vie (ex. promotion de l’innovation dans l’industrie des
renouvelables et en privilégiant les technologies économes
services) et de travail de la population, notamment rurale
en ressources.
(innovation technologique en sciences agricoles, approvi-
Le développement rapide de la Chine a également aug-
sionnement en eau, accès à des logements décents...).
menté le niveau d’exigences en matière d’éducation. La
réforme mise en place ces dernières années vise à adapter
les structures aux besoins de la population et à modifier
les approches pédagogiques, comme pour l’enseignement des sciences où il s’agit de développer la culture
- 17 -
http://www.ambafrance-cn.org/IMG/pdf/science_chine_01_mars2012.pdf.
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Dans les domaines scientifiques et technologiques prioritaires, citons :
Les sciences biologiques et médicales, avec par exemple
Des questions en suspens
pour l’avenir
le développement de 30 nouveaux médicaments et la
transformation d’environ 200 médicaments existants, la
Le décollage chinois représente un challenge impression-
création d’hôpitaux d’excellence (traitement du cancer), la
nant, abordé avec une énergie titanesque et un budget
prévention et le contrôle de maladies infectieuses (SIDA,
colossal. Mais les résultats seront-ils à la hauteur des es-
hépatite virale), la culture d’Organismes génétiquement
poirs et des investissements ? La plasticité de la société de
modifiés (OGM).
l’innovation (développement d’un esprit ouvert et critique)
Le domaine énergétique et la protection de l’environne-
que la Chine ambitionne d’atteindre semble de moins en
ment, avec la création d’un vaste programme de réduc-
moins compatible avec la rigidité des structures de l’ère
tion de la consommation d’énergie (rénovation de l’immo-
communiste (régime autoritaire, stabilité sociale, verticalité
bilier ancien, construction de bâtiments de Haute qualité
des apprentissages).
environnementale (HQE) et un ambitieux programme de
Elle devra à terme lever les dualités qu’elle entretient au
recherche, de développement et d’innovation dans le
stade actuel de sa mutation. Au lieu de copier les occi-
domaine des énergies renouvelables (éolien, hydraulique,
dentaux (les USA étant le modèle n°1) pour mieux leur
captage CO2) et des technologies durables (ressources
ressembler, la Chine ne devrait-elle pas chercher à établir
naturelles).
ses propres modèles, en y intégrant l’héritage de culture
La gestion de l’eau (prévention de la pollution, traitement).
et de traditions épargné par la révolution culturelle ? Une
De plus, 6 programmes majeurs de recherche fonda-
partie de la population semble avoir pris conscience des
mentale ont été définis par le gouvernement, avec pour
dangers encourus par l’identité chinoise (ex. attribution du
thématique les protéines (biologie structurale, fonctions
prix Pritzker 2012 à l’architecte Wang Shu), mais saura-t-
biologiques), les nanotechnologies (nanomatériaux, appli-
elle la protéger ?
cations biomédicales), les mécanismes de reproduction
Plus encore, la Chine pourrait tirer parti de son retard pour
(développement de l’embryon et des organes) et les cel-
orienter directement son développement vers un modèle
lules souches (cellules souches pluripotentes, étude de la
durable et accéder ainsi à une position de leader dans cer-
différenciation).
tains domaines, sans être condamnée à suivre les étapes
Afin d’atteindre le meilleur niveau mondial, la Chine s’ap-
que l’Occident a connu dans son propre cheminement. En
puie sur un système d’attraction de la diaspora chinoise
effet, la stratégie de rattrapage de la Chine ne permet pas
installée à l’étranger (programmes 100 et 1 000 talents),
de résoudre le paradoxe du modèle occidental : consom-
et de talents internationaux ainsi que sur le renforcement
mer plus en utilisant moins d’énergie et en ménageant
de la coopération internationale (recherche active de colla-
l’environnement.
borations internationales et partenariats d’élite). C’est une
Chine à l’écoute du monde, résolument coopérative et
ouverte qui s’affiche : en 2020, le gouvernement compte
attirer 6% des chercheurs et 500 000 étudiants étrangers
dans les laboratoires et universités chinoises.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
3. Développement des grandes villes :
enjeux de développement durable
Par Patrick CREZE, Gilbert ISOARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Arnaud MASSIP, Catherine MOULIN
Le chemin parcouru dans le domaine de l’urbanisme par la
Les hutongs (habitats traditionnels) sont en voie de dispa-
République populaire de Chine depuis son ouverture à l’éco-
rition, à l’exception de quelques îlots voués au tourisme
nomie de marché, à partir de 1976, est spectaculaire. L’éco-
et à la gentrification, comme autour du Temple des lamas
nomie socialiste de marché est aujourd’hui le mélange, spé-
à Pékin. Cet habitat a été sacrifié au profit de nouvelles
cifiquement chinois, d’un libéralisme économique réel et d’un
constructions, plus hautes, permettant de densifier l’habi-
contrôle politique autoritaire. Il en a résulté un développement
tat urbain en centre-ville.
économique sans précédent en trente ans.
On distingue au moins trois périodes de construction suc-
La Chine est passée, pendant cette période, d’une popula-
cessives : des bâtiments peu élevés, vieillissant mal ; des
tion rurale à 80% à une population majoritairement urbaine.
immeubles mieux construits, plus récents, de plus grande
On compte 113 villes de plus de 1 million d’habitants, 11 de
taille mais aux faibles qualités esthétiques ; enfin des bâti-
plus de 4 millions d’habitants2. Tout cela sans « thrombose »
ments modernes et récents, parfois de très grande hau-
de ses grandes agglomérations et le développement anar-
teur, répondant à toutes les normes internationales de
chique d’immenses bidonvilles.
design et de confort.
Mais la révolution urbaine continue, avec 30 millions d’urbains
Au-delà de la densification du centre-ville, des construc-
de plus par an. La notion de développement urbain durable
tions de nouvelles zones résidentielles très denses inter-
prend tout son sens, faisant de la Chine un terrain d’expéri-
viennent en périphérie, au détriment des campagnes, ce
mentation unique avec des défis sociétaux et environnemen-
qui s’observe très bien en avion. Les pékinois les dénom-
taux désormais bien identifiés par l’État/Parti.
ment « cages à oiseaux ».
Un rapport d’étonnement ne saurait traiter en profondeur
La surface moyenne d’un appartement est passée de
le sujet. Tout au plus s’agit-il de le mettre en perspectives,
20 m² dans les années 1980 à 35 m² aujourd’hui. L’objectif
de toucher sa complexité, de l’illustrer par des angles de
est de 85 m². Cette amélioration des standards se traduit
vision complémentaires. Nous nous intéresseront à la ville
par une augmentation des prix, en lien avec le passage, en
de Wuhan, forte de 10 millions d’habitants, qui connaît
20 ans, d’un système d’attribution des logements urbains
avec 10 ans de retard, les mêmes processus urbains que
par l’État à la création d’un véritable marché privé. D’où
Shanghai et Pékin. Elle est une zone pilote depuis 2010
une difficulté à se loger pour les plus pauvres. Le gouver-
pour le développement urbain durable.
nement a lancé en 2010 à cet effet un plan de construction
de 6 millions de logements sociaux de 60 m² chacun dans
Visions croisées
une trentaine de villes.
Le logement : une qualité
de construction en hausse, un modèle
social sous-jacent qui interroge
mouvements sociaux locaux découlant de ces change-
Il ne nous a été possible, ni d’apprécier l’importance des
ments urbains, ni de vérifier les conditions de relogement
des populations concernées, ni leur appréciation de l’évolution de leur qualité de vie.
Nous avons visité les villes de Pékin, de Wuhan et de
Shanghai. Ce fût l’occasion de constater une très grande
hétérogénéité du parc immobilier, allant de quelques rares
traces d’habitat traditionnel aux célèbres architectures
futuristes de Pudong à Shanghai.
2. Ambassade de France, La Chine en chiffre, 2009
- 19 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Les transports, une politique de
rattrapage qui doit rester contrôlée
L’eau, un problème de disponibilité
et de santé publique
La problématique des transports doit s’apprécier à différentes
Plus de la moitié des 660 villes chinoises souffrent de pénu-
échelles.
rie d’eau, touchant environ 160 millions de personnes. La
Au niveau national, les autorités se sont lancées dans un
consommation d’eau par habitant en Chine correspond au
vaste programme de développement des aéroports, des
quart de la moyenne mondiale et l’écart se creuse entre po-
autoroutes et des lignes de TGV. Les villes de Beijing, Nankin,
pulations rurale et urbaine3.
Chongqing et Shanghai seront desservies à brève échéance
Concernant leur qualité, 90% des eaux souterraines et
par TGV, la ligne Beijing-Wuhan devant être inaugurée en
75% des eaux des lacs et rivières sont considérées comme
octobre 2012.
polluées. 278 villes n’ont aucune unité de traitement des eaux
L’observation des problèmes de transport à l’échelle d’une
usées.
ville comme Wuhan est encore plus parlant. L’ensemble de
Devant ce constat, l’État à notablement renforcé4 la régle-
l’agglomération est en travaux. Un réseau de transport inter-
mentation et les contrôles et créé en 2008 un ministère de
urbain est en construction. Une longue ligne de métro verra
l’Environnement.
le jour mi-2012. Avec 30 millions d’habitants et une surface
A Wuhan, ville pilote au niveau national, des actions de res-
d’environ 60 000 km², le grand Wuhan connaît des embou-
tauration de son écosystème ont été engagées : remise en
teillages et une pollution par les gaz d’échappements, alors
circulation de l’eau entre les 6 lacs de l’Est, interdiction for-
même que le taux d’équipement des ménages en voitures
melle de rejet des eaux usées dans les lacs depuis 2006,
n’est pas encore comparable aux pays développés, ni même
les contrôles pouvant aller jusqu’à la fermeture et à la délo-
d’ailleurs à la côte Est de la Chine.
calisation des entreprises polluantes. Ce sont 290 points de
La politique de développement immobilier de Wuhan voit de
pollution qui ont été supprimés. Même si 60% des 39 Gm3
très nombreux quartiers se construire en banlieue, au détri-
d’eaux usées par an ne sont toujours non traités, 12 stations
ment des zones agricoles. Le réseau de transport urbain n’at-
d’épuration ont été mise en place et le plus grand bassin de
teint pas encore ces quartiers neufs et très reculés. L’usage
traitement de boue d’Asie (14 000 m3) a été créé. Les zones
de la voiture est incontournable, créant des engorgements
humides naturelles ont été restaurées par la création de
aux abords des grands axes.
5 parcs de « terres humides » d’une surface de 1 635 km².
Un autre facteur joue à plein : acquérir une automobile est
Des dispositifs de protection des captages ont été mis
un signe de réussite sociale. Un mariage réussi n’a pas lieu
en place, ainsi qu’une station de surveillance.
sans que les jeunes mariés ne possèdent une voiture et un
Les eaux consommées par la population de Wuhan étant
appartement.
des eaux de surface, les installations de traitement de l’eau
La situation de l’automobile et des transports en commun
potable sont particulièrement contrôlées. L’eau apparait
est donc une réelle préoccupation des pouvoirs publics qui
aujourd’hui accessible à tous les habitants pour un coût de
entendent désormais orienter le développement urbain de
l’ordre de 1,9 Yuan/m3 (soit 0,23€/m3), dont 0,8 Yuan/m3
façon à réduire les émissions de CO2. À Wuhan, une limitation
pour le seul traitement des eaux usées.
simultanée de circulation a été mise en place, selon les jours,
Un gros travail de sensibilisation a été également mené
en fonction du chiffre terminal de la plaque d’immatriculation
auprès de la population, ce qui a conduit à une réduction
des véhicules. On joue également sur le tarif des cartes grises
notable des consommations d’eau entre 2006 et 2012. Les
en forte augmentation.
entreprises seraient également conseillées par les services
De nombreuses autres solutions sont à l’étude : meilleure in-
municipaux pour réduire leur consommation.
terconnexion des réseaux de métro, trains intercités et autres
moyens de transports publics.
Malgré cela, la Chine, premier marché automobile mondial,
pourraient rapidement voir souffrir ses grandes villes de l’augmentation du nombre de véhicules en zone urbaine.
3. Chine brune ou Chine verte ? Les dilemmes de l’Etat-parti,
Benoît Vermander, Sciences Po les Presses, 2007
4. Loi sur les ressources en eau de 1988, révisée en 2002 puis en août 2011
- 20 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
L’ensemble des actions menées à Wuhan semblent cohérentes et en phase avec les enjeux. Pour autant, on est
en droit de s’interroger sur la possibilité de répitition d’une
telle expérience sur l’ensemble des autres mégalopoles
chinoises qui, d’après les Nations Unies, vont devoir fournir de l’eau à 340 millions d’habitants supplémentaires de
2005 à 2030 (United Nations, World urbanization prospects : The 2003 revision, New York, Department of
Economic and Social Affairs, Population Division, 2004,
p. 181.).
Les déchets : des pratiques
historiques désastreuses
à réformer, une réglementation
sans effet, un enjeu sanitaire
majeur
« En Chine, plus de 90% des déchets industriels ne sont pas
recyclés », Chen Jialong, professeur à l’Institut d’ingénierie
civile de Pékin. Des milliards de tonnes de déchets sont stoc-
L’énergie : entre contingences
du moment, pollution et stratégie
d’avenir
kés dans des déchetteries sauvages et illégales qui polluent
Conséquence d’une croissance rapide et axée sur l’indus-
et ne traite légalement que 5% de ses déchets industriels,
trie, la consommation énergétique chinoise a très forte-
1% seulement étant recyclés.
ment augmenté au cours des années 1990. La Chine,
Il en va de même pour les déchets ménagers : la collecte des
pays le plus peuplé au monde, est également le premier
ordures ménagères est bien opérationnelle, mais ces déchets
consommateur d’énergie et le plus gros utilisateur de
finissent souvent dans des décharges sauvages, avec le
charbon (qui représente 70% de l’origine de l’énergie
même effet polluants sur les sols et les nappes phréatiques.
consommée, le pétrole 20%). En 2009, les Chinois ont
Au niveau des déchets industriels, il semble qu’une filière de
consommé 2 252 G TEP, soit 4% de plus que les USA
retraitement cherche à se mettre en place, mais qu’elle peine
dont les habitants consomment pourtant, individuelle-
à convaincre par le surcoût qu’elle impose aux entrepreneurs.
ment, 5 fois plus d’énergie que les Chinois. Il s’agit-là
Au niveau des déchets ménagers, deux voies de progrès
de combustibles polluants notamment générateurs de
sont à l’étude et un débat anime le pays quant au traitement
CO2, ce qui fait de la Chine le premier émetteur mondial
final des déchets : faut-il les enfouir ou les incinérer ? L’en-
durablement la terre et les nappes phréatiques. Ce phénomène a été accéléré par le gigantesque plan de relance de
l’économie de 2010 : la Chine est un immense chantier qui
engloutit 40% du ciment et de l’acier produits dans le monde
de gaz à effet de serre.
fouissement demande de la surface, l’incinération des ins-
L’efficacité énergétique du pays a augmenté plus vite qu’ail-
tallations techniques très au point pour ne pas augmenter le
leurs mais, en 2007, il fallait toujours 50% d’énergie de plus
niveau de pollution des zones urbaines. Le gouvernement n’a
que la moyenne mondiale pour produire un dollar de PIB.
pas encore tranché la question et a même lancé une consul-
Même si elle développe le nucléaire et ses ressources
tation nationale en juin 2011 en réponse aux contestations
d’énergie non fossile (hydroélectrique, solaire, biomasse)
des populations locales au sujet des projets d’incinérateurs.
et si elle travaille sur les projets de captation du CO2
Concernant la collecte, le vaste complexe de Binhai, près
produit, la Chine doit aujourd’hui faire face à un niveau impor-
de Tianjin à l’Est de Pékin, a mis en place un système
tant de pollution induite ayant un effet sur l’environnement et
pneumatique de ramassage des ordures ménagères à
ses populations.
hauteur de 2 000 t par jour. Adossé à une centrale d’incinération, cela permet d’envisager la production d’énergie
Les Chinois font de gros efforts pour maîtriser l’énergie
consommée par les bâtiments, tant résidentiels que tertiaires.
De nouvelles normes de construction ont été produites. Leur
à hauteur de 146 MW.
Enseignements et perspectives
bonne mise en œuvre est vérifiée. Cette démarche d’écoconstruction, réponse la plus censée au défi énergétique,
Le modèle économico-politique unique de la Chine lui a per-
s’impose sur l’ensemble du territoire pour des raisons diffé-
mis de réaliser un rattrapage considérable, même s’il reste
rentes : au nord les hivers sont très rigoureux, au sud les étés
encore des marges importantes de progrès par rapport aux
sont très chauds. Le nombre de bâtiments mal isolés reste
pays occidentaux, et notamment les Etats-Unis auxquels la
important pourtant la Banque mondiale soutient la démarche.
Chine se compare toujours. Pour autant, ce modèle ne tient
- 21 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
que grâce à un taux de croissance économique important,
qui permet aux populations de voir leur situation personnelle
continuer à s’améliorer et ainsi de maintenir une stabilité
sociale.
Les questions d’environnement et de santé publique, y compris par leurs possibles effets sociaux, sont au cœur de la
soutenabilité de ce modèle. Or, le développement des zones
urbaines, indispensable pour appuyer et accompagner
le développement économique, concentre les difficultés.
Des axes de progrès ont été identifiés, qui passent par l’innovation et les changements de comportement. La conscience
des élites est réelle au niveau national. Pour autant, on doit
s’interroger sur la capacité du gouvernement à imposer
ses vues. Il lui revient de trouver le difficile équilibre entre,
d’une part, le renforcement rapide des réglementations et
leur mise en œuvre, et, d’autre part, le maintien d’un niveau
de développement économique important.
- 22 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
4. Stratégie de développement des TIC en Chine
Par Olivier AUDOUIN, Thomas Emmanuel GERARD, Marc SOULAS, Jean-Michel TANGUY
D’un point de vue européen, les chiffres associés à la Chine
entre autres : l’Académie d’Ingénierie de Chine (CAE), la Fon-
laissent rarement indifférent. C’est encore une fois le cas
dation Nationale des Sciences Naturelles (NFSC), ou encore
avec les technologies de l’information et de la communica-
l’Administration d’État pour les Sciences, les Technologies et
tion (TIC). Rien que sur l’infrastructure internet, l’objectif de
les Industries de Défense (SATIND).
l’Etat chinois de couvrir 100% du territoire en fibre optique
d’ici 20145 représente 300 milliards de dollars d’investisse-
Les priorités en matière de recherche, développement
ment ! Les usages sont à la hauteur de cette politique gouver-
et innovation sont transposées en grandes orientations,
nementale : déjà près de 25% des internautes mondiaux sont
objectifs et actions, au sein de plans pluriannuels. La
chinois . Mais en réalité, cette masse d’internautes chinois ne
Chine en est actuellement à son 12ème plan quinquennal
représente ‘que’ 30% de la population chinoise7. Et parmi
pour la Science et la Technologie9, qui couvre la période
eux, 38% surfent sur internet à partir d’un Smartphone, no-
2011-2015.
6
tamment dans les zones rurales8. Ce qui laisse augurer du
potentiel de développement des filières TIC chinoises. Sans
Il convient de noter que les TIC y sont très présents puisque
compter leur conquête d’autres marchés à l’international.
3 des 11 grandes orientations quinquennales concernent
ce secteur :
Comme d’autres secteurs, les technologies de l’information
• Les puces et processeurs électroniques
et de la communication sont fortement marquées par l’omni-
• La production de circuits intégrés, avec visées sur le mar-
présence de l’Etat chinois, qui favorise l’émergence de filières,
puis de champions nationaux et mondiaux. La recherche pu-
ché international
• Le réseau mobile de communication à haut débit.
blique est au service des filières industrielles, liant les intérêts
publics et privés. L’objectif de la Chine ? Être ‘Numéro 1’. C’est
La Chine parvient ainsi à donner une impulsion décisive sur
annoncé et assumé. Pour cela, la Chine cherche à conquérir
l’industrie chinoise des TIC, en se fondant sur des percées
son indépendance technologique et mise sur une propriété
technologiques et une innovation propre, et en portant une
intellectuelle domestique.
attention toute particulière aux droits de propriété intellectuelle associés.
La stratégie politique de la Chine
en matière de TIC
AEn Chine, le Conseil des Affaires de l’Etat est le principal
organe administratif et politique du pays. Il lui appartient de
définir la politique nationale et étrangère et de préparer le plan
et le budget de l’Etat. A ce titre, il joue également un rôle central dans la définition de la stratégie de recherche.
5. http://thenextweb.com/asia/2011/03/04/entire-china-on-fiber-opticsin-3-years/
6.« Déploiement numérique en Chine : le réseau Internet et la téléphonie mobile » Ambassade de France en Chine, 25 janvier 2011
Pour mener à bien cette tâche, le Conseil des Affaires d’Etat
s’appuie en premier lieu sur le Ministère de la Science et de la
Technologie (MOST), mais aussi sur le Ministère de l’Industrie
et des Technologies de l’Information (MIIT) et l’Académie des
Sciences de Chine (CAS). D’autres structures sont sollicitées,
- 23 -
7.http://www.internetworldstats.com/asia/cn.htm En 2010, on comptabilise 420 millions d’internautes en Chine, soit 31,6% de la population.
8.http://thenextweb.com/asia/2012/03/14/38-of-chinas-internet-population-are-mobile-only-users-says-report/
9.« Le 12eme plan quinquennal pour la Science et la Technologie »,
Science et Technologie en Chine, n°1, mars 2012, Ambassade
de France en Chine - service pour la science et le technologie
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
De fait, parmi les 7 industries émergentes et stratégiques énu-
Sa force ? 12% de ses bénéfices sont réinvestis dans
mérées par le 12eme plan quinquennal, le secteur des « tech-
la R&D. HUAWEI emploie 62 000 « chercheurs » - dont
nologies de l’information et de la communication » est cité en
75% sont détenteurs d’un mastère et plus - au sein de
bonne place : en deuxième position, juste après le secteur
23 centres de R&D, dont 8 en Chine et 5 aux USA.
des « économies d’énergie et protection de l’environnement ».
L’entreprise a également mis en place 36 centres de forma-
En déclinant plus avant la stratégie chinoise, on comptabilise
tion à ses métiers, produits et services, dont 5 en Afrique :
11 grands projets quinquennaux qui concernent les TIC.
12 000 stagiaires sont formés sur ce continent.
Comme évoqué plus haut, le Ministère des Sciences et Tech-
Le premier marché de HUAWEI est intérieur, mais l’entreprise
nologies (MOST), joue un rôle clé dans la mise en œuvre
est aujourd’hui fortement tournée vers l’international. Son
du plan quinquennal. Un de ses programmes phares est le
premier marché extérieur est l’Europe. Et même si l’accès au
programme TORCH10 pour l’innovation, qui a pour objectif
marché américain est plus complexe du fait des lois de sureté
d’accompagner le développement industriel des produits
nationale en vigueur aux USA, cela n’empêche pas la jeune
de haute technologie. La mise en œuvre de ce programme
entreprise d’afficher ses ambitions : HUAWEI est déterminée
repose sur des moyens diversifiés : parcs technologiques,
à occuper le premier rang mondial dans les plus brefs délais.
soutien aux sociétés innovantes, incubateurs…
Autre filière intéressante : l’optique, dont l’activité industrielle
54 parcs technologiques ont été créés en Chine dans le
et de recherche se concentre près de Wuhan, grosse ville du
cadre de ce programme. Les ¾ travaillent sur des techno-
centre du pays. On retrouve au sein de La Vallée de l’Optique
logies liées à l’Information et la Communication. Les parcs
(Optic Valley) toute une suite d’entreprises spécialisées
ont deux objectifs : d’une part, faciliter le développement
dans les composants opto-électroniques et la fibre optique,
des entreprises domestiques et soutenir leur développement
dont certaines occupent aussi les premiers rangs mondiaux.
international, d’autre part attirer des entreprises et investis-
C’est notamment le cas de FiberHome, spécialisée dans la
seurs étrangers. C’est le MOST qui fixe le cadre général de
production de fibre optique. Comme souvent observé lors de
fonctionnement des parcs, et les provinces qui sont chargées
notre séjour chinois, il n’existe pas de séparation stricte entre
de la réglementation locale.
le laboratoire public en optoélectronique et le centre de R&D
relevant de la filière industrielle. Les deux entités partagent les
L’industrie chinoise des TIC :
une couverture amont-aval
mêmes locaux et il est difficile de déterminer où s’arrête l’un
et où commence l’autre.
En 25 ans, la stratégie chinoise a permis de faire émerger des
leaders mondiaux des TIC : Lenovo (ordinateurs), ZTE (équipements télécoms), Baidu (moteur de recherche), Suntech
(énergie solaire), Huawei (équipements télécoms), Huagong
Tech11 12(laser optique)…
Prenons l’exemple de HUAWEI, leader chinois des équipements de télécommunications, qui occupe le 2eme rang mondial. HUAWEI13 est fournisseur de réseaux pour les opérateurs télécom (B2B), et propose par ailleurs une gamme de
smartphones et tablettes (B2C). L’entreprise intègre toutes
les composantes métiers des Télécoms : des composants
aux terminaux en passant par les équipements réseaux
fixes, mobiles et IP, travaillant de fait à la convergence de
ces 3 technologies.
10. « Le programme TORCH pour l’innovation », Ambassade de France
en Chine
11. http://www.chinadaily.com.cn/m/hubei/2011-03/14/
content_12176403.htm
12. Huagong Laser, working with the national laser key laboratory, is
building the Laser Processing National Engineering Research Center.
It will produce high-powered laser devices and complete sets of laser
processing system equipments. It has the highest level of laser technology to be found in China. Huagong Image is China’s biggest production base for comprehensive laser anti-counterfeit serial products.
It was designated as an anti-counterfeit products manufacturer by the
Ministry of Foreign Affairs, General Administration of Customs, State
Tobacco Monopoly Bureau and the Ministry of Public Security
13. En quelques chiffres, HUAWEI, entreprise fondée en 1987, c’est
aujourd’hui : 140 000 salariés dans le monde, dont 65% à l’étranger
et 6700 en France, 45 des 50 plus grands clients mondiaux d’équipements de télécommunications - soit 1/3 de la population mondiale
utilisant sa technologie - et un chiffre d’affaires de plus de 32 milliards
de dollars pour 2011
- 24 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Mais cette volonté de rompre avec une dépendance techno-
En Asie, un internaute sur deux est chinois, sur la planète un
logique vis à vis de l’extérieur du pays se heurte parfois à la
sur quatre. En l’espace d’un an, le nombre d’internautes en
réalité des marchés. Prenons le cas de certains composants,
Chine a augmenté de 73 millions.
qui continuent à être fabriqués en dehors de Chine. Chaque
année, la Chine est contrainte d’importer des semi-conduc-
Le centre de gestion du réseau de recherche CERNET, au
teurs pour un montant équivalent à ses importations de pé-
moyen de démonstrations multimedia spectaculaires, nous
trole. Mais ne doutons pas que le prochain plan quinquennal
a permis d’appréhender les objectifs de la Chine liés au nou-
va chercher à remédier à cette situation.
veau protocole Internet IPv6.
L’infrastructure de recherche
universitaire en matière de TIC :
focus sur l’université de Tsinghua
De quoi s’agit-il ? d’adresses IP de nouvelles génération qui
ouvrent la porte à une ère radicalement nouvelle de l’Internet,
notamment à l’internet des objets. Le protocole IPv6 règlerait, selon nos interlocuteurs, les problèmes d’épuisement
d’adresse dans le réseau mondial (potentiel de 2 puissance
L’Université de Tsinghua rassemble une quantité impression-
128 au lieu des 2 puissance 23 de l’IPV4 actuel) et améliore
nante de laboratoires de recherche de tout premier plan en
la sécurité (lutte contre le hacking) en permettant au routeur
Chine en matière de technologies de l’Information et de la
d’identifier non seulement le destinataire mais aussi l’expédi-
communication. En premier lieu, le Laboratoire National des
teur d’une requête.
Sciences et Technologies de l’Information, mais aussi trois
laboratoires d’états clefs et nombre de centres de recherches
L’Asie a été la première région du monde à être confrontée à
nationaux d’ingénierie, dont le CNGI China Next Generation
un problème d’épuisement d’adresses IP, sous l’effet conju-
Internet qui réalise des recherches sur l’Internet du futur et la
gué de la croissance des internautes et du volume restreint
sécurité des réseaux. Le CNGI abrite le Centre de gestion du
d’adresses qui leur était possible d’obtenir dans le partage
réseau de recherche - CERNET (l’équivalent de RENATER en
initial des adresses, contrôlé par les USA. C’est donc tout
France, reliant plus de 200 universités et centre de recherche
naturel que la Chine ait adopté et milité pour un nouveau
répartis dans 25 villes Chinoises).
protocole.
La recherche au sein de l’Université de Tsinghua est de bon
Pour autant, certains auditeurs familiers du domaine ont été
niveau, dans la mouvance des thématiques faisant l’objet
surpris par le discours de nos interlocuteurs, présentant la
de fortes activités de recherche dans la communauté inter-
Chine comme ayant joué un rôle dans la genèse du proto-
nationale. Les liens avec l’industrie semblent forts, bien que
cole. En effet, IPv6 est un protocole mis au point dans les
moins intimes que ceux observés dans la vallée de l’optique
années 90 par Cisco et Nokia. IPv6 a peiné à se déployer du
de Wuhan. L’université de Tsinghua revendique 30% de bre-
fait de difficultés opérationnelles et économiques de migra-
vets déposés conjointement avec un industriel. Mais selon
tion depuis IPv4 vers IPv6, mais aussi parce qu’il existe des
un échange avec Li Chong, directeur du laboratoire sur les
alternatives pour résoudre le nombre plus réduit d’adressage
technologies réseau et la sécurité de l’information, la négocia-
en IPv4.
tion d’accords universités-entreprises en matière de propriété
intellectuelle se révèle être aussi complexe qu’en Europe.
Le développement d’internet en
Chine : focus sur la technologie
IPv6
Le déploiement en Chine du réseau Internet et de la téléphonie
mobile est jugé très stratégique d’un enjeu national. La Chine
comptait fin décembre 2010 457 millions d’internautes14.
- 25 -
14. Chiffres publiés par le China Internet Network Information Center
(CNNIC)
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Il nous a semblé pouvoir lire en filigrane de ce discours, la stra-
gie est à rapprocher de l’activisme de la recherche publique et
tégie du gouvernement chinois en matière d’internet : profiter
privée pour déposer des brevets et créer ainsi un socle solide
d’une rupture technologique sur un standard pour rebattre les
de propriété intellectuelle domestique. L’IPv6 est un exemple
cartes de la compétition mondiale sur Internet. Cela signifie en
flagrant, dont nous avons listé les tenants et aboutissants.
particulier reprendre l’ascendant sur les Américains, en étant
les premiers à massivement implanter la nouvelle mouture du
Le revers de la planification, c’est la situation des PME.
protocole IP, partant d’une situation à fin 2011 où 0,26% des
Certes, certaines start-ups bénéficient des incubateurs, des
adresses IPv6 mondiales sont chinoises .
parcs technologiques (loyers gratuits et infrastructures de
15
qualité) ou encore d’une fiscalité avantageuse, mais l’accès
L’intérêt est double : d’une part en basculant massivement
au financement bancaire reste difficile. De fait, les PME du
sur IPv6 avant les autres, une barrière technologique en faveur
secteur TIC sont principalement auto-financées. L’esprit d’en-
des équipements chinois existera pour le marché domestique
trepreneuriat souffle sur la Chine mais il ne souffle pas pour
et, dans un second temps, en pariant sur une généralisation
tous dans le même sens : pour certains privilégiés, c’est vent
de l’IPv6 sur le plan mondial, les équipements chinois auront
de dos, pour d’autres c’est vent de face.
pris une précieuse longueur d’avance16.
De fait, la question de la qualité de l’écosystème de l’innovaLe réseau CERNET fonctionne d’ores et déjà en IPv6. Nous
tion reste ouverte. Est-ce que la planification permet l’inno-
avons aussi constaté que des chercheurs de l’université
vation de rupture ? Cela ne semble pas être le cas dans les
de Tsinghua contribuent à des projets de standardisation
pays planificateurs. La Chine inventera-t-elle, comme elle l’a
de l’IPv6 en lien avec l’IETF (organisme de standardisation de
fait avec le ‘socialisme de marché’, une ‘innovation de rupture
l’Internet), en particulier sur les questions de « cohabitation »
planifiée’ ? A suivre.
entre IPv4 et IPv6 .
17
Enfin, au-delà de l’observation, quel bilan peut tirer la France
Pour conclure, l’exemple de l’IPv6 nous parait emblématique
des collaborations avec la Chine dans le champ des TIC19.
d’une constance stratégique de la Chine en matière de TIC
Citons par exemple, dans le domaine numérique, l’accord
qui est l’instrumentalisation des standards à des fins à la
de coopération IPv6 entre le ministère chinois de l’informa-
fois de compétitivité des industriels locaux sur son marché
tion et le ministère français de l’industrie20, ou encore l’accord
domestique et de conquête du marché mondial. Dans un
de développement sur les TIC entre la société 6WIND et
autre secteur des TIC, celui du cloud computing, on constate
la CAS21. Ces partenariats conduisent-ils à un réel bénéfice
ainsi un fort activisme de la Chine sur la normalisation, avec
pour la France. Il semble qu’il y ait matière ici pour un second
ici d’énormes enjeux sur l’hébergement des données et
voyage d’étude…
des applications mondiales .
18
Conclusion : Forces et faiblesses
du modèle chinois sur les TIC
Il est indéniable que le modèle chinois s’est révélé très efficace pour créer des champions de rang mondial. HUAWEI
est passé en moins de 20 ans, d’équipementier télécom à
2eme groupe mondial. Et il est très probable que nous verrons,
dans les années à venir, émerger d’autres champions chinois.
15. http://french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/7688106.html
16.Communiqué de presse rapporté par le quotidien du peuple http://
french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/7688106.html
17.http://tools.ietf.org/html/rfc5747
Autre fait remarquable : certaines entreprises sont parvenues
à maîtriser l’ensemble de la filière amont-aval et conquérir ainsi leur indépendance technologique. C’est encore une fois le
cas de HUAWEI qui intègre toutes les composantes métiers
des Telecoms, des composants aux terminaux. Cette straté-
18. http://www.afnor.org/groupe/espace-presse/les-communiques-depresse/2012/avril-2012/cloud-computing-faire-face-aux-enjeux-geostrategiques-grace-a-une-norme-internationale
19. « Déploiement numérique en Chine : le réseau Internet et la téléphonie mobile » Ambassade de France en Chine , 25 janvier 2011
20. Mai 2005
21. 2005
- 26 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
5. La planification de la recherche et de l’innovation
et ses acteurs
Par Dominique BERRY, Jean-François CERVEL, Hélène LUCAS, Stéphane ROY
La planification et ses acteurs
La planification est le mode d’action économique privilégié
dans les pays communistes. La Chine, à la suite de l’Union
soviétique, a développé depuis la prise de pouvoir par Mao
Tse Toung, une politique économique rythmée par une série
de plans quinquennaux. Dix plans quinquennaux se sont ainsi succédé entre 1953 et 2005, compte tenu d’une période
intermédiaire floue entre 1962 et 1966 (échec du « grand
bond en avant »). Depuis 2005, ces plans sont qualifiés de
« Guides quinquennaux ». Elaborés dans le cadre de commissions à différents niveaux, national, provincial et local et
par grands secteurs, ils font l’objet de cycles de préparation
(trois ans) et de cycles de suivi (trois ans).
Le 12eme Guide quinquennal couvre la période 2011-2015.
Il a été adopté par le gouvernement chinois en mars 2011.
Ses objectifs principaux sont la lutte contre les inégalités,
la croissance durable, l’augmentation de la consommation
avec notamment le développement d’un système de protection sociale. Il traduit une volonté de la Chine de rééquilibrer
son économie notamment pour ce qui concerne le rapport
entre investissements et consommation, entre croissance
urbaine côtière et le développement des territoires intérieurs.
La recherche, le développement et l’innovation font partie des
priorités de la Chine et sont considérés comme un moteur
de l’économie, un moyen de relever les défis auxquels est
confronté le pays, ainsi qu’un outil de rayonnement international. Après avoir été « l’atelier du monde », la Chine ambitionne de devenir « le laboratoire du monde », en mettant en
avant le développement d’une économie de la connaissance
et en investissant des moyens considérables dans la R&D
(augmentation du budget de R&D de 20% par an depuis plus
de 10 ans, augmentation de 1,5 fois le personnel impliqué
dans la R&D en dix ans).
- 27 -
Modalités de planification
de la recherche et de l’innovation
La stratégie nationale de recherche est élaborée sous l’autorité du Conseil des affaires d’Etat, en lien avec la Commission nationale du développement et des réformes (NDRC), et
avec le ministère de la Science et de la Technologie (MoST),
le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information
(MIIT), le ministère de l’Education (MoE), les académies (avec
un rôle prépondérant de la Académie des sciences de Chine,
CAS, et de l’Académie d’ingénierie de Chine, CAE), la Fondation nationale des sciences naturelles (NSFC) et l’Administration d’Etat pour la science, la technologie et l’industrie de
défense nationale (SASTIND).
De l’élaboration de la stratégie nationale de recherche découlent une série de plans à long, moyen et court terme, dont
le Plan à moyen long terme sur le Développement Scientifique et Technologique (2006-2020), la feuille de route de la
CAS (2010-2050) et les plans quinquennaux du MoST.
Le Plan à moyen long terme sur le développement scientifique et technologique (2006-2020) s’appuie sur 16 « mégaprojets ». Il s’appuie sur la poursuite des investissements en
R&D pour favoriser l’innovation « indigène », et sur l’appui
à la « co-innovation » (résultats d’efforts de recherche
communs entre chercheurs chinois et étrangers) et à
la « re-innovation » (amélioration des techniques importées
de l’étranger). Il est accompagné d’une série de mesures
législatives, en particulier la loi sur les brevets du 1er février
2010 encadrant la diffusion des inventions à l’étranger.
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
L’élaboration du XIIeme plan quinquennal du MOST (2011-
• l’encouragement à la recherche et à l’innovation régionale
2015) a impliqué plus de 2000 experts pendant 2 ans, et a
pour soutenir le développement économique de la pro-
été approuvé par la Conférence nationale des sciences et de
la technologie. Il est basé sur quatre principes directeurs :
• la mise en œuvre d’une innovation indigène
• une progression importante dans un ensemble de do-
vince, la coordination des transferts de technologie
• la mise à disposition de fonds pour les institutions S&T
locales
• la coordination de la coopération internationale en S&T.
maine prioritaires
• le soutien du développement actuel
Des moyens financiers importants sont consacrés à la
• le positionnement stratégique dans les domaines à fort
science et technologie et à la R&D, tant au niveau national
potentiel. Il se décline en domaines stratégiques prioritaires
que régional et local. Sur la période 1991-2008, la dépense
(5), en domaines prioritaires (11 domaines, 68 thèmes),
totale des gouvernements nationaux et locaux pour la S&T
projets frontières (27 dans 8 domaines), projets majeurs
a été multipliée par 16, passant de 16 milliards de yuans à
(16), projets de recherche fondamentale (18) et projets
258 milliards de yuans (soit environ 27,4 milliards €). Depuis
essentiels de recherche (4).
2007, le pourcentage du budget S&T régional dépasse 50%
Mise en œuvre de la stratégie
nationale de recherche
et d’innovation
La mise en œuvre de la stratégie de recherche et d’innovation
s’appuie sur des programmes nationaux dont : le programme
973 de recherche fondamentale, le programme de la NFSC,
le Key Basic Research programme, le National Hi-Tech R&D
programme (863), le National Key Technologies R&D programme, les National Major S&T Projects et le programme
Torch lancé en août 1988…
Ces programmes sont déclinés et mis en œuvre au niveau
régional par des structures territoriales, répliques de celles du
gouvernement central. Chaque province dispose d’une commission du développement et de la réforme liée à la NDRC,
du budget total. En 2010, le budget chinois de R&D s’élevait
à 1,75% du PIB, avec l’objectif d’atteindre 2,2% en 2015 et
2,5% en 2020. Le budget central favorise les programmes
nationaux, les universités et les entreprises d’Etat, ainsi que
les grands équipements de recherche. Le budget local de
R&D provient principalement des entreprises, des banques,
du gouvernement central et local et de l’étranger et complète
les fonds nationaux attribués dans chaque région.
Des lois et règlements, au niveau national et régional, fournissent un cadre juridique à la politique de R&D (Science and
technology progress law, loi sur le transfert des résultats de la
recherche, loi sur l’éducation, loi sur les compétences professionnelles, loi sur les PME, incitations fiscales pour les entreprises et les chercheurs…).
Bilan et interrogations
d’un organe de développement de la S&T lié au MoST, d’un
organe chargé de l’enseignement lié au MoE, etc. Les pro-
Malgré la complexité du système et le recouvrement appa-
vinces et les municipalités relevant directement de l’autorité
rent des plans, des domaines et des projets identifiés, la dé-
centrale sont dotées d’un département S&T ou d’un bureau
marche de planification semble découler d’une vision précise
S&T équivalent au MOST local. Les fonctions principales des
et pragmatique déclinée en objectifs opérationnels auxquels
départements régionaux pour la S&T sont :
sont alloués des moyens financiers et humains importants.
• la mise en œuvre au niveau local des stratégies, lois et
Les objectifs fixés par les plans selon une approche top-
règlements nationaux relatifs à la S&T, et l’élaboration de
down, relevant encore souvent d’une logique d’ingénierie de
réglementations et lois locales dans ce secteur
rattrapage dans des domaines industriels, semblent atteints
• la planification du développement scientifique et technolo-
dans différents secteurs, certains même avec de l’avance.
gique de la province ou de la municipalité (villes-Provinces)
Le volontarisme politique mis en œuvre par la planification
• en collaboration avec les ministères compétents, la coordi-
se traduit par des résultats spectaculaires dans des sec-
nation de la réalisation des programmes nationaux
• le pilotage régional de la réforme institutionnelle en S&T
teurs comme le spatial (évènement symbolique du premier
« taïkonaute » chinois), les super-calculateurs, le train à
- 28 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
grande vitesse, le riz hybride…et par une progression indis-
que nous connaissons, incitations fiscales notamment dans
cutable des résultats quantitatifs notamment en termes de
le cadre des zones high-tech, incubateurs, capital-risque,
publications scientifiques. La capacité de l’Etat à revoir sa
pépinières... C’est sans doute à l’échelle territoriale que ce
stratégie, identifier de nouvelles priorités et mettre en place
processus bottom-up se coordonne avec le système planifié
des moyens conséquents (e.g. en matière de formation,
top-down, permettant la souplesse nécessaire à l’adaptation
l’identification de l’inadéquation du système d’enseignement
au marché.
à la créativité, l’envoi massif à l’étranger d’étudiants chinois)
paraît également être un atout considérable pour s’adapter
aux nouveaux enjeux.
La troisième porte sur les conséquences sociétales de la
planification en matière de recherche et d’innovation, peu
L’accélération du développement scientifique et technolo-
abordées lors de notre séjour. Quid de la culture de com-
gique de la Chine au long des trente dernières années té-
pétition inculquée dès le plus jeune âge, de l’adaptation des
moigne de l’efficacité de la planification de la recherche et
recherches aux besoins de la société chinoise, etc… ?
de l’innovation et de sa déclinaison aux niveaux national,
régional et local, comparable à celle d’un rouleau compres-
Enfin, la question de l’exercice du pouvoir dans un système
seur. Compte tenu de la brièveté de notre séjour en Chine, et
de ce type piloté à tous les niveaux par le Parti commu-
malgré le nombre et la qualité des rencontres et des visites
niste chinois se pose évidemment. Les événements récents
réalisées, il serait présomptueux de notre part de nous livrer à
concernant l’agglomération de Chongqing en portent
une analyse critique du système de planification. Nous nous
témoignage.
bornerons donc à énoncer quelques-unes des questions qui
se posent à nous.
La première concerne l’analyse du rapport coût-efficacité du
système mis en place. Nous ne disposons pas d’éléments
fiables sur les moyens financiers mobilisés pour conduire ces
politiques pas plus que de documents d’évaluation permettant de porter un jugement objectif et complet.
La deuxième porte sur l’articulation entre le niveau central et
le niveau territorial. Plus fondamentalement, la question est
posée de la relation entre un mécanisme étatique descendant - même s’il est compensé par une forte décentralisation territoriale - et un besoin d’initiative pour porter l’innovation, plus particulièrement dans le cadre de la dynamique
d’innovation indigène ayant pour objectif de favoriser le
développement local de produits de haute technologie. La
multiplication des zones économiques cherchant à attirer les
investisseurs, notamment étrangers, témoigne de la compétition, sinon la concurrence, entre les provinces. On constate
que les politiques sont mises en œuvre par des structures
publiques ou para-publiques dont les responsables sont des
fonctionnaires nommés, préoccupés par leur logique de carrière. Mais on constate également que sont développées des
politiques d’incitation à l’innovation pour susciter et soutenir
l’initiative. Elles utilisent des outils très semblables à ceux
- 29 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
6. Les stratégies de recherche et d’innovation
nationales, provinciales et municipales :
articulation des niveaux d’autorité
Par Carole COUVERT, Véronique DEBISSCHOP, Sacha KALLENBACH, Krzysztof KOZLOWSKI
Organisation générale
La Chine est divisée en 22 (ou 23) provinces, 5 régions autonomes et 4 municipalités relevant de l’autorité centrale, Pékin,
Shanghai, Tianjin et Chonggin et deux régions administratives
spéciales. A leur tour les provinces et régions autonomes sont
divisées en départements autonomes, districts, districts autonomes et municipalités. Les districts, districts autonomes
et municipalités sont divisées en cantons, cantons peuplés
d’ethnies minoritaires et bourgs.
Les élus des provinces, régions autonomes et municipalités
relevant de l’autorité centrale siègent à l’assemblée nationale
populaire qui se réunit une fois par an et qui nomme le conseil
des affaires d’Etat, c’est-à-dire le gouvernement, qui lui rend
compte. La constitution donne pouvoir au conseil d’Etat de
« diriger de façon unifiée et dans tout le pays le travail des
organes administratifs locaux de tous les échelons, délimiter
concrètement les fonctions et pouvoirs qui se répartissent
entre les organes administratifs centraux, les provinces, les
régions autonomes et les municipalités relevant directement
du pouvoir central ». Autrement dit, les administrations locales
sont des services déconcentrés de l’Etat.
Les différents échelons de l’Etat, des provinces et des municipalités chinoises interviennent dans la mise en œuvre de la
politique de recherche et d’innovation dont le cadre général
est donné au travers des plans quinquennaux.
Le rôle de l’Etat central
dans l’élaboration des stratégies
de recherche et d’innovation
Au niveau de l’Etat deux entités distinctes interviennent dans
l’élaboration de la stratégie de recherche et d’innovation.
D’une part, l’académie des sciences chinoises (CAS) qui
est à la fois impliquée dans l’élaboration de la politique de
recherche et un opérateur dépendant directement du conseil
des affaires d’Etat. D’autre part, le ministère de la science et
de la technologie (MOST) travaille également sur la politique
de recherche et intervient pour sa mise en œuvre nationale en
s’appuyant sur ses services déconcentrés dans les provinces
et municipalités. Ainsi l’on constate que la CAS a élaboré une
feuille de route 2010-2050 et le MOST un plan moyen longterme sur le développement scientifique et technologique
2006-2020 décliné ensuite en plans quinquennaux. Dans
une logique de réflexion qui n’exclut pas une stratégie au profit d’une autre, ces démarches semblent se compléter et s’alimenter mutuellement. La première est basée exclusivement
sur le critère d’excellence alors que la deuxième prend également en compte la dimension d’aménagement du territoire.
Un autre opérateur national qui joue un rôle important pour le
financement de la recherche est la National natural science
foundation of China (NSFC) créée en 1986 et qui dépend
également directement du conseil des affaires d’Etat. Elle
intervient pour le financement de la recherche fondamentale
par le biais d’appels à projets compétitifs attribués après une
évaluation indépendante sur critères d’excellence. Elle gère
les fonds qui viennent financer les programmes de recherche
des laboratoires du CAS et des universités.
- 30 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Les échelons locaux
le dispositif Torch et une fiscalité avantageuse pour les entre-
Les provinces disposent d’un département de la science et
soutenues par la municipalité figurent par exemple le Chinese
prises de haute technologie et les PME. Parmi les institutions
de la technologie (S&T) lié au MoST, de même, les municipalités relevant directement de l’autorité centrale disposent d’une
commission S&T. Pour l’élaboration des plans quinquennaux
une vaste concertation est engagée qui permet aux échelons locaux de faire remonter leurs propositions et problématiques. Les provinces et municipalités peuvent ensuite
human genome center (3 millions de Yuans contre 50 à
60 millions de Yuans pour l’Etat), l’université Jiao Tong,
un fond de China materialia LLC entreprise de conseil,
l’Institut Pasteur de Shanghai.
Réflexion
rédiger leur propre plan quinquennal qui décline les priorités
nationales (http://www.apcoworldwide.com/content/pdfs/
On note que le développement de la recherche et de l’inno-
chinas_12th_five-year_plan.pdf.). Lors de notre visite nous
vation n’a pas obéi jusqu’à présent à une logique d’amé-
avons constaté une forte implication des gouvernements lo-
nagement du territoire, engendrant des déséquilibres entre
caux en soutien des politiques nationales de recherche et une
les zones côtières et l’intérieur du pays. Chose à laquelle le
véritable prise d’initiative pour tout ce qui touche à la valorisa-
gouvernement semble vouloir remédier dans ce douzième
tion de la recherche, le transfert de technologie et la création
plan quinquennal avec l’injonction «Go West !» qui vise à
de parcs technologiques. Ce qui est cohérent avec l’inscrip-
implanter des activités dans les régions moins développées
tion du soutien à la recherche et développement locaux au
de l’intérieur. La force du système déconcentré est l’impor-
douzième plan quinquennal.
tante cohérence des dispositifs aux différents échelons du
territoire. Le cadrage national avec de multiples programmes
Exemples
dont les approches peuvent paraitre redondantes mais qui
Wuhan east Lake high technology development
zone
et laisse le champ aux gouvernements locaux pour dévelop-
permettent de répondre à une grande variété de situations
Dans la province de Hubei un grand projet de réalisation
d’un parc de haute technologie est en cours de réalisation
à Wuhan. Ce parc, comme deux autres de la province, est
reconnu au niveau national dans le cadre du programme
TORCH et bénéficie d’investissements à parité entre les autorités centrales et locales. On note aussi l’existence de 15
autres parcs gérés par la province. Parmi les initiatives qui
ont retenu notre attention figure un incubateur d’entreprises
qui soutien les projets dès la phase de maturation. La province intervient par des aides au créateur d’entreprise pour
le financement de la recherche fondamentale et appliquée de
son équipe mais aussi à titre individuel par le biais d’un accès
gratuit au logement.
per celles qui sont le plus adaptées au tissu socio-économique de leur territoire mais aussi de prendre leur propres
initiatives tant qu’elles ne sont pas en opposition avec les lois
nationales. On peut cependant s’interroger sur les limites de
cette organisation de type déconcentrée par rapport à une
véritable décentralisation, jusqu’où la créativité des pouvoirs
locaux s’exprime-t-elle ? N’est elle pas soumise à une forme
d’autocensure quand elle s’éloigne trop des prises de position communément admises ? Cette impression est renforcée par le constat de la présence d’un représentant du parti
communiste dans la direction de chaque instance territoriale
qui vient doubler les liens administratifs qui relient les services
déconcentrés à l’Etat central. Il y a donc deux relais d’information et de décision parallèles vers les plus hautes sphères
de l’Etat. Cela peut permettre un contrôle légal et financier
accru mais aussi constituer un frein au développement d’ini-
Municipalité de Shanghai
La municipalité de Shanghai a développé une palette de me-
tiatives originales qui ne seraient pas dictées d’en haut.
sures pour accompagner le développement de la recherche
et des entreprises innovantes. Sa commission de sciences
et technologie soutient la recherche dans les universités, les
chercheurs à titre individuel, vraisemblablement dans le cadre
des programmes Talents ou des variantes, et les incubateurs.
Elle a aussi mis en place des aides aux PME qui entrent dans
- 31 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
7. Le soutien à l’innovation :
structures et programmes
Par Eric BERNARD, Joël JACQUET, Amaury JOURDAN, Xavier GRISON
De « l’usine du monde »
au « laboratoire du monde »
Structures et programmes
En Chine, le soutien à la recherche et l’innovation fait l’objet
de programmes y concourent plus ou moins directement,
d’une politique ambitieuse et constante depuis l’ouverture de
Pour le soutien à l’innovation, si beaucoup d’organismes et
la colonne vertébrale semble être constituée par le MOST
1978 avec plusieurs ajustements stratégiques :
(Ministry Of Science & Technology) et son programme
• 1978 : « la R&T est la première force productive »
863 des hautes technologies clés (détails en annexe).
• 1985 : « la R&T doit être orientée vers le développement
National R&D Programs
socio-économique »
TORCH (détails en annexe) qui s’appuie sur le programme
• 1995 : « stratégie de revitalisation du pays au travers
du développement de la science et de l’éducation »
• 1999 : « développer la high tech et son industrialisation »
Industry
• 2006 : « Innovation indigène, un pays orienté vers
l’innovation »
Torch Program
Funding
Les principaux programmes nationaux de soutien à l’innovation ont été lancés dans les années 80 (1983 : programme
863, Key Tech
des technologies clés, 1986 : programme 863 de développement des hautes technologies, 1988 : programme TORCH
de soutien à l’industrialisation des hautes technologies) et
complétés par un volet plus orienté recherche fondamentale
dans les années 1990 (1997 : programme 973 de soutien à
Government
Basic
NSF, 973
Applied Experiments &
Focus Research Research Development
Products Technical
Development Services
la recherche fondamentale).
Le « virage » vers un développement basé sur la haute tech-
Ces programmes déploient une palette complète de « bonnes
nologie n’est donc pas récent et fait partie d’une stratégie
pratiques » expérimentées dans les pays développés pour
initiée depuis près de 30 ans, encadrée par une planifica-
soutenir l’innovation : zones de haute technologie, avantages
tion rigoureuse. On note toutefois une accélération de cette
fiscaux pour les entreprises qui font de la R&D, labellisation de
préoccupation depuis le XIeme plan quinquennal (2006), où
projets, de centres de recherche et d’universités, incubateurs
l’innovation est présentée comme une stratégie incontour-
de start-up, puis accélérateurs par garantie bancaire pendant
nable pour espérer maintenir en Chine une croissance forte,
leur phase de croissance…
garante d’un développement paisible et pérenne.
- 32 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
La co-innovation vient compléter cette palette : il s’agit de
développer des recherches en collaborations soit avec
les entreprises étrangères présentes en Chine, soit avec
des laboratoires. Des mesures protectionnistes rendent ce
dispositif très efficace, en termes de propriété intellectuelle.
Les chinois sont décidés à tout tenter pour réussir leur pari
de l’innovation indigène. Les échecs partiels ne leur font pas
forcément peur : c’est initier le processus qui leur importe. Ils
corrigeront leurs plans en fonction des résultats observés et
de leurs spécificités propres.
Cette politique, bien qu’impulsée par le gouvernement
central, est fortement relayée et animée au niveau des
provinces et des municipalités. Une concurrence forte existe
entre les provinces, ce qui peut amener à des duplications
de moyens ou de zones technologiques sur un même
sujet. Cette redondance semble faire partie de la démarche
« d’expérimentation » qui caractérise souvent les actions
gouvernementales chinoises. Le gaspillage éventuel de
ressources budgétaires n’est pas une préoccupation majeure
pour l’instant, bien que cette politique ait conduit les provinces
à un fort endettement (qui s’élève au total à 30 à 50% du PIB)
et que l’efficacité soit souvent controversée.
La structure et les programmes de soutien à l’innovation
apparaissent donc comme un mélange de planification très
cadrée et d’autonomie dans la mise en œuvre au niveau
local, le tout porté par des investissements très importants
sur une longue durée.
Le MOST vient de publier le XIIeme plan pour la science
et la technologie (2011-2015), qui s’inscrit dans le plan à
15 ans 2006-2020. Ce XIIeme plan a pour principal objectif
de parachever le développement de la Chine comme un
grand pays d’innovation. Des objectifs ambitieux sont fixés
pour 2015 : 2,2% du PIB en dépenses de R&D (1,75% en
2010 après 1% en 2000), 5eme rang de citations mondiales
d’articles scientifique (8eme rang en 2010),…
Six axes stratégiques sont mis en avant, dont trois s’adressent
directement au soutien à l’innovation :
• Les « industries émergentes d’importance stratégique »
• Les technologies clés pour la modernisation de l’industrie
• Le renforcement des structures et des politiques d’innovation.
Enfin, l’innovation en Chine est fortement relayée par les
acteurs industriels, qui contribuent pour 70% à la R&D (contre
environ 50% en France), et nouent volontiers des partenariats
publics/privés en matière d’innovation (par exemple l’arrivée
de Huawei dans l’ «Optical Valley» à Wuhan). L’État y
contribue via des réductions d’impôts sur la R&D, majorées
lorsqu’il s’agit d’innovation «High Tech», en plus d’autres
initiatives telles que les zones «High Tech» et «Science
Parks» groupant universités, PMEs et grands groupes. Il est
à noter qu’une bourse «High Tech» est également en place
et accueille, entre autres, les entreprises de croissance qui
ont profité de l’incubation du programme Torch. De même
Innofund, organisme public de capitaux à risques, permet
le soutien des PME les plus prometteuses. Les entreprises
étrangères, souvent en association à parité avec une société
chinoise pour avoir accès aux marchés régulés, profitent de
ces avantages pour la R&D produite localement.
Même si, en moyenne, la part réservée à la R&D dans les
sociétés (<1% du chiffre d’affaire) reste très faible comparée
à celle que l’on a en Europe ou aux Etats-Unis (2,7% en
moyenne pour les entreprises françaises), des résultats sont
déjà visibles : l’export de haute technologie est aujourd’hui
à un niveau estimé à 500 B$ et certains groupes industriels
chinois se hissent dans la cour des grands de la high-tech :
Huawei, par exemple, est devenu en 25 ans N°2 mondial des
composants et systèmes Telecom.
- 33 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Points remarquables
Avertissement : en cohérence avec les limites de l’exercice
de « carnet de voyage », les éléments ci-après sont à
considérer comme des sujets d’interrogation et non comme
des affirmations validées.
Un dispositif complet et cohérent,
s’appuyant sur les forces spécifiques
de la Chine
La Chine a bien compris ce dont l’Europe commence à
peine à prendre conscience : l’innovation en elle-même n’est
absolument pas suffisante : il faut avoir les usines à coté des
laboratoires pour en tirer profit et pour inscrire l’innovation
dans la durée. Et donc les incitations à la production locale
sont tout aussi développées et efficaces que celles à la R&D,
même si elles sont moins évoquées (ou pas chiffrées, en raison
peut-être de la crainte d’éventuelles contestations, assez
improbables, à l’OMC) : défiscalisation, aide à l’investissement,
à l’établissement du siège,…
Par ailleurs, au moins dans certains secteurs choisis, la Chine
essaye, de façon très pertinente, de tirer le meilleur profit de
son immense marché intérieur, sur lequel elle peut agir (par
réglementation, normes, incitations,… ou simplement du fait
des goûts locaux), afin de constituer une base qui permet
aux entreprises locales de rentabiliser leurs investissements
(et R&D), avant de s’attaquer au marché mondial.
Le gouvernement n’hésite pas à solliciter (programme
des 1 000 talents) une ressource particulière à la Chine : la
diaspora scientifique chinoise. Il cherche également à attirer
l’élite universitaire étrangère pour contribuer à l’éducation
scientifique, celle-ci ayant une place importante dans
l’accompagnement de la stratégie d’innovation indigène
sans que la Chine ait pu, à ce jour, devenir autosuffisante sur
le sujet.
Enfin, il est remarquable que la Chine a su analyser et retenir les
meilleures pratiques proposées par les sociétés américaines
et européennes, en les adaptant à leur modèle de société.
Un fort accompagnement législatif
et règlementaire
Les différents instruments et programmes font l’objet de lois
spécifiques et entrainent des répercussions importantes sur
des lois plus générales comme la propriété intellectuelle, les
contrats ou le soutien aux PME.
La Chine veut jouer un rôle de plus en plus important dans
l’élaboration des normes : l’implication des laboratoires de
recherche dans les normes nationales voire internationales est
citée avec fierté, au même titre que les publications.
Concernant la propriété intellectuelle, remaniée en profondeur
depuis 2009/2010, il est intéressant de noter une spécificité
chinoise, à savoir l’existence, au-delà du brevet d’invention
similaire au brevet européen, d’un « brevet d’utilité », plus
accessible que ce dernier, et qui vise à protéger un progrès
plus incrémental dans l’industrialisation d’un produit.
L’association de normes et d’une politique de propriété
intellectuelle ambitieuse au niveau national constitue, en Chine
comme d’ailleurs aux USA, un élément protecteur important
pour l’industrie locale.
L’innovation indigène : une opportunité
à ne pas négliger par les groupes
internationaux
Implanter de la R&D en Chine (comme en Inde ou des pays
similaires), est souvent tiré par deux besoins : adapter les
produits aux spécificités du marché local (normes, goûts,…)
et adapter l’industrialisation au modèle de coût du pays
(s’adapter en particulier à une main d’œuvre moins chère).
Cette démarche d’implantation de R&D, outre le fait quelle
devienne incontournable sous la pression des autorités
chinoises, peut révéler d’heureuses surprises comme
réapprendre à faire simple et moins cher. Ce type d’innovation
indigène devient une opportunité pour la maison mère, qui
importe alors de l’innovation de Chine.
Beaucoup d’entreprises occidentales sont donc de plus en
plus confrontées au dilemme du transfert de technologie :
« jouer le jeu » du développement de R&D en Chine pour
accéder à un marché nécessaire à leur croissance, ou
conserver le modèle précédent, orienté « transfert de
production » ou la R&D locale est limitée à de l’optimisation
industrielle ou de l’adaptation au marché.
Des zones de flou et des faiblesses
Les données de financement sont difficiles à consolider :
combinaison d’une certaine opacité et d’une grande
complexité (niveau national, régional, financement à la fois
par les structures et par les programme, répartition publique/
privé difficile même avec les entreprises). Il est admis que le
modèle chinois demande une croissance supérieure à 5%
(voire 7 à 8% pour certains), pour se maintenir, ce qui montre
une certaine « perte en ligne » des investissements et aussi
la nécessité d’une redistribution organisée pour préserver
la paix sociale.
Il y a de l’argent, des prototypes, des grands équipements,
mais il y a un chaînon manquant : le savoir faire de fond
(le pourquoi des choses, la recherche fondamentale) et la
maturité, qui constituent la base indispensable à une innovation
- 34 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
de 1ere ligne. En particulier la créativité et l’entreprenariat, deux
qualités essentielles à une économie de haute technologie, sont
encore trop peu présentes en Chine. Ils ne sont pas forcément
favorisées par des système d’éducation et de société très
dirigés, et dépendent encore beaucoup des programmes
d’incitation pour attirer les entreprises occidentales.
Certaines opérations peuvent parfois se perdre dans des
méandres plus mercantiles. Le développement de certaines
zones économiques et technologiques, derrière une
façade officielle de soutien à l’innovation, peut apparaitre
comme de grandes opérations immobilières (construction
BTP et négoce). Tant que la finalité guide l’action ce
n’est pas grave, mais attention à la création de bulles ou
de « villes technologiques désertes ». Ce risque ne peut pas
être écarté, même si le volontarisme affiché et les moyens
mobilisés arrivent à créer un effet d’entraînement (peur pour
les entreprises de ne pas être « là où tout le monde sera »)
à partir d’à peu près rien. Notre visite du BIOLAKE à coté
de Wuhan montre que la nouvelle stratégie du «Go West», et
le développement des grandes cités du centre ne sont pas
exemptes de risques.
Le pilotage d’une politique par planification quinquennale et
objectifs chiffrés associés permet de mesurer l’avancement,
mais peut induire des comportements contreproductifs.
Chacune de nos visites a donné lieu à la présentation
d’indicateurs chiffrés accompagnée d’une naturelle fierté
d’avoir atteint sinon dépassé les objectifs assignés à l’institution.
Cette course à la quantité (nombre de publications, nombre
de dépôts de brevet, nombre de chercheur,…) peut conduire,
si elle n’est pas contrôlée, à passer à coté de l’amélioration
de la qualité et du fond. La délicate alchimie de l’innovation
ne peut malheureusement (ou heureusement ?) pas se réduire
à la tenue d’indicateurs, si pertinents soient-ils. Au niveau
de la recherche, cette course se traduit par la publication
d’articles dans des revues à faible facteur d’impact, ce qui
confirme une qualité moindre des travaux. La compétition
forte entre chercheurs, qui vient en partie des différences de
salaires substantielles entre les chercheurs réputés et ceux
qui le seraient moins, conduit à une augmentation sensible
des cas de plagiat détectés dans les publications.
Synthèse
La Chine s’est fixé des objectifs ambitieux en matière
d’innovation et mobilise pour cela des moyens très
importants. L’état central, relayé efficacement à l’échelon des
provinces et en connivence avec le monde industriel, déploie
à marche forcée un écosystème propice à l’innovation depuis
la formation supérieure, jusqu’aux entreprises high tech en
passant par un réseau d’institut de recherche et de zones
technologiques et industrielles.
- 35 -
L’enjeu de la Chine dans les 10 à 15 ans est de passer d’une
logique de quantité (nombre de brevets déposés, nombre
de zones de haute technologie,…), à une logique de qualité.
L’innovation de rang mondial nécessite une maturité qui
demande non seulement des moyens, mais aussi du temps.
et des catalyseurs pour faire « prendre la mayonnaise ».
Il s’agit, en termes d’innovation, de passer à une culture de
« pionnier », à l’image du voisin coréen qui a connu le même
questionnement et a su y arriver ces dix dernières années.
La gouvernance actuelle de la Chine basée sur la planification
est particulièrement efficace dans une phase de rattrapage.
La transition vers une économie de « première ligne » est plus
difficile, la France s’y essaye depuis plus de trente ans avec
une réussite plus que relative.
La Chine a bien noté que son avantage décisif, le coût de
la main d’œuvre, allait s’estomper, car celui-ci augmente
régulièrement (il y a de la marge par rapport à l’Europe, mais les
autres pays asiatiques sont devenus meilleur marché). Elle doit
donc changer de modèle. En particulier, dans les domaines
plus high-tech, le poids de la main d’œuvre est assez faible
dans le produit final. En revanche, l’environnement (universités
au niveau, infrastructure, aides à l’investissement et à la R&D)
devient primordial : la Chine construit donc cet écosystème.
La Chine avance avec détermination et succès, il lui reste
10 à 15 ans de croissance forte22 avant de devoir orienter
massivement ses ressources vers les « besoins sociaux »
(retraite, couverture santé, déclin démographique…) et devoir
relâcher l’investissement étatique sur la R&D.
La question pour l’Europe est plus son manque de dynamisme
et d’investissement sur l’avenir, en particulier dans le secteur
privé, que la menace de la Chine. La crise de la dette ne peut
être une excuse pour ne rien faire, d’autant que des atouts
existent (qualité de l’éducation et des infrastructures) et que les
faiblesses peuvent être combattues (absence de soutien à la
localisation des productions, ce qui entraîne la désertification
industrielle, et, avec un décalage de quelques années,
la délocalisation de la R&D, qui peut suivre celle des usines).
Par ailleurs, notre voyage en Chine a montré, qu’à l’image
des Etats-Unis, les règles du commerce mondial n’excluent
pas des mécanismes de protection de marché qui favorisent
l’émergence d’entreprises innovantes de taille mondiale.
22. La balance commerciale de la Chine, très excédentaire jusqu’à présent,
sera négative en 2012 sous l’effet d’une part de la crise de la dette mondiale qui tend à freiner les exportations et d’autre part de l’augmentation
des importations (matières premières, pétrole, produits agricoles..). L’augmentation du niveau de vie de la Chine tend à accentuer cette dégradation.
Pour maintenir un niveau de croissance de l’ordre de 7 à 8% nécessaire
au maintien de la paix sociale, la chine doit s’appuyer sur une augmentation
de sa consommation interne
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Annexes
> Programme TORCH23
Le programme TORCH, lancé en août 1988, est un programme du Ministère des Sciences et Technologies (MOST)
en Chine en soutien à l’innovation. Ce programme a pour objectif de développer l’industrie des produits de hautes technologies en vue en particulier de leur exportation et internationalisation. La mise en œuvre du programme repose sur
des moyens diversifiés tels que les parcs technologiques nationaux ou les incubateurs.
Les parcs technologiques ont joué un rôle important dans le développement de la communauté de Science et Technologie (S&T) chinoise. Ces parcs technologiques permettent aux sociétés S&T de coopérer et interagir en les plaçant
à proximité l’une de l’autre. Après la création de 26 parcs technologiques rentrant dans le cadre de ce programme en
1991, leur nombre était de 56 en 2009, s’appuyant sur 34 parcs informatiques, 169 centres spécialisés et 1 400 lieux
supports à la production. En 2010, 27 parcs supplémentaires ont rejoint le programme, et 5 autres ont été labellisés en
2011, portant le nombre de parcs technologiques nationaux à 88. A ces parcs nationaux s’ajoutent quelques 400 zones
de hautes technologies provinciales et municipales qui peuvent être promues au rang national par le Centre TORCH suite
à une évaluation de leur force d’innovation.
C’est le MOST via le programme TORCH qui fixe le cadre général de fonctionnement au niveau national, alors que les
provinces sont chargées de la mise en place de la réglementation locale. Les parcs visent d’une part à faciliter le développement des entreprises domestiques, et à les aider à l’exportation, et d’autre part à attirer des entreprises étrangères
et des investissements étrangers.
Les entreprises installées dans les parcs bénéficient d’un système d’allègement fiscal avantageux. Ces avantages fiscaux sont aussi valables pour les industries étrangères s’implantant sur les parcs. Leur imposition est moindre si les productions sont exportées. De plus, elles peuvent bénéficier d’aides à l’obtention de crédit, et des taux d’intérêt aménagés.
La labellisation accordée par le Ministère dans le cadre de ce programme joue un rôle essentiel, comme c’est le cas pour
d’autres programmes du MOST. Les projets labellisés bénéficient du soutien très important des provinces ou d’autres
niveaux régionaux ainsi que des banques. Ce programme est mis en œuvre par le Centre TORCH - organe opérationnel
du MQST. Il est relayé au niveau provincial par les bureaux pour la science et la technologie, chacun étant dirigé par un
directeur de pôle.
En mai 2006, le Centre TORCH a intégré le centre de développement de l’industrie des hautes technologies, Innovation
Fund For Technology Based Firms ou Innofund et le China Technology Market Management & Promotion Center, faisant
désormais de ce centre le seul organisme chargé de piloter le programme.
Activités
Les domaines scientifiques prioritaires du programme TORCH sont :
• l’électronique et l’informatique (circuits intégrés...)
• les biotechnologies et technologie médicale
• les nouveaux matériaux (matériaux superdurs, batteries...)
• les machines-outils intégrées (mécaniques, électriques et optiques)
• les nouvelles énergies et l’efficacité énergétique (photovoltaïque...)
• la protection de l’environnement
23. Extrait de la note SST-PK-11-026v2 du Service pour la science et la Technologie de l’Ambassade de France en Chine
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
> Programme 863 (hautes technologies)24
Le programme 8638 est destiné à promouvoir la recherche appliquée et le développement des hautes technologies.
Il ambitionne de permettre à la Chine d’être une société « orienté vers innovation » à l’horizon 2020 et de devenir un leader
mondial en sciences et technologies à l’horizon 2050.
Les objectifs du programme sont :
• le développement des technologies nécessaires à la construction de l’infrastructure d’information de la Chine
• le développement de technologies dans les domaines de la biologie, l’agriculture et la pharmacie. Il vise à améliorer de
manière significative la capacité chinoise en R&D
• la maîtrise des nouveaux matériaux ainsi que des technologies industrielles avancées pour relancer la compétitivité industrielle. Le programme 863 accordera ainsi une attention particulière aux nano-technologies,
nouveaux matériaux, ainsi qu’aux technologies relatives à l’aéronautique
• la réalisation de percées technologiques dans les domaines clés de la protection de l’environnement, du développement au niveau des ressources et de l’énergie.
Avec la mise en œuvre du Programme 863, la Chine s’est dotée d’une stratégie équilibrée - de développement
des hautes technologies adaptée à sa situation. La Chine a également formé des équipes travaillant dans les secteurs
de pointe, équipes qui ont acquis au niveau international et ont réalisé des percées dans des technologies clés.
Ce programme a permis d’augmenter considérablement le potentiel chinois en matière de hautes technologies, comme
l’illustre le projet de supercalculateur Tianhe-19, le supercalculateur le plus rapide au monde.
Domaines prioritaires dans la recherche et l’exploitation
1. Technologie d’information
2. Biotechnologie et médecine
3. Nouveaux matériaux
4. Fabrication avancée
5. Nouvelle technologie d’énergie
6. Ressource et environnement
7. Technologie marine
8. Agriculture moderne
9. Nouvelle technologie de transport
10. Observation terrestre et technologie de navigation
24. Extrait de la note SST-PK-11-111v3 du Service pour la science et la Technologie de l’Ambassade de France en Chine
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
8. Brain drain, brain gain
Par Jérôme COPPALLE, Hubert DUAULT, Olivier FOHANNO, Nathaly MERMET
Contexte historique
relancer les traditions anciennes de liens et d’échanges avec
La Chine a développé depuis près de deux siècles une tra-
Etats-Unis. Les objectifs d’une telle politique sont clairement
dition d’expatriation de ses étudiants à l’étranger. Les destinations ont évolué au gré des évolutions politiques intérieures
et des relations diplomatiques. Ainsi à la fin du 19eme siècle
ce sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et
l’Allemagne qui ont été privilégiés. Rappelons notamment
que Zhou Enlai et Deng Xiaoping ont fait partie du programme
des ouvriers-étudiants partis en France en 1920. Bien entendu durant les années 50 et 60, le flux s’est orienté vers
les pays du bloc soviétique.
A la fin de l’ère Mao, l’un des résultats des effets combinés de
l’isolement progressif de la Chine et des excès de la Révolution Culturelle est que les systèmes éducatif et universitaire se
sont fortement détériorés. Les critères de sélection et d’évaluation des étudiants ne sont plus adaptés, les élites universitaires ont été déportées dans les campagnes ou décimées
et le Parti Communiste chinois (PCC) réalise pleinement la
nécessité d’une remise à niveau rapide du système. Notamment pour répondre aux besoins en main d’œuvre qualifiée
et en compétences technologiques nécessaires à la mise en
œuvre du programme des quatre modernisations : Agricul-
les universités occidentales, et en tout premier lieu avec les
définis :
• Avoir accès aux meilleurs instituts des pays développés et
former ses futures élites au contact des champs les plus
avancés du savoir et des technologies occidentales, en
vue de réussir la modernisation du pays
• Acquérir les profils qui permettront à la Chine d’assurer son
statut au sein de la communauté scientifique, technologique et universitaire internationale
• Former les cerveaux qui favoriseront l’acquisition et le développement des compétences technologiques et permettront de réduire la dépendance de la Chine à l’égard des
technologies importées.
Dès 1978, des accords diplomatiques ont autorisé la mobilité de 500 étudiants, strictement sélectionnés, vers des
universités américaines, puis britanniques, canadiennes et
australiennes. En 1980, seuls quelques uns étaient revenus en Chine, provoquant des interrogations sur cette politique. Celle-ci a néanmoins été entérinée de nouveau par
le Premier ministre (1980-1987) puis Premier secrétaire
du Parti (1987-1989), Zhao Ziyang, qui la qualifiait de «storing
ture, Industrie, Défense Nationale, Sciences et Technologies.
of brain power overseas» : la République populaire de Chine
Une stratégie « Brain drain, brain
gain » reposant sur 3 piliers
dans l’attente sur le long terme d’un retour sur investissent
décidait d’assumer une courte séquence de brain drain,
par le biais du brain gain.
Cette stratégie d’envoi d’étudiants, de chercheurs et d’ensei-
Alors que la mobilité sortante des étudiants et des scienti-
gnants à l’étranger sera renforcée à partir des années 1990
fiques chinois a été interprétée comme un effet de l’ouver-
avec la décentralisation de la gouvernance de l’enseignement
ture de l’Empire du milieu, il s’agit en réalité d’une stratégie
supérieur chinois, mais avec le maintien d’un pilotage stra-
construite au plus haut-niveau, partie intégrante de la straté-
tégique central du niveau des étudiants sélectionnés et des
gie de développement économique du PCC afin de renforcer
disciplines scientifiques et techniques concernées. En 2004,
le potentiel intellectuel du pays (Brain gain).
343 126 Chinois étudient à l’étranger (25% aux USA, 22%
Malgré les risques tout à fait assumés de ne voir revenir
au Japon, 23% au Royaume Uni).
qu’une minorité des étudiants (Brain drain), Deng Xiaoping
Le second pilier de cette stratégie a été l’évolution du marché
accepte en 1978 la proposition de l’université de Tsinghua de
du travail aujourd’hui favorable au retour de la diaspora.
- 38 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
En effet, les opportunités d’emplois dans les entreprises
Néanmoins, le milieu chinois de la recherche reste dominé
d’État chinoises correspondant peu aux compétences ac-
par des logiques de pouvoir, de séniorité et de guanxi (au
quises à l’étranger, le gouvernement a incité la diaspora à
sens de cloisonnement, piston et copinage) ce système,
la création d’entreprises innovantes de hautes technologies
doublé du poids de la tradition confucéenne du respect des
selon les standards occidentaux (huiguo chuangye). Citons la
coutumes et de la hiérarchie, empêche les jeunes et les retur-
création, à partir de 1995, de zones de développement exclu-
nees de développer une pensée originale, non-conformiste.
sives, situées à proximité des grandes universités (exemple
Les haigui sont perçus par leurs collègues restés en Chine
Pékin, Tsinghua et Jiatong universités) et bénéficiant de prêts
comme des concurrents dangereux menaçant de leur faire
à taux préférentiels ou de mesures fiscales incitatives. 150
perdre la face en publiant des recherches de meilleure qualité
zones de ce type étaient recensées en 2009, abritant plus de
et surtout en critiquant leurs travaux dans le cadre du débat
8 000 entreprises, et rassemblant quelques 20 000 Chinois
d’idées, encore mal accepté dans l’Université chinoise.
de retour de l’étranger (returnees ou haigui : tortues de mer,
signifiant tortues nées sur terre, qui ont grandi dans la mer et
sont rentrées sur leur plage natale pour pondre leurs œufs).
Ces entreprises favorisent le transfert des compétences et
des technologies de haut niveau acquises à l’étranger vers
l’économie domestique. Leur rôle dans la politique industrielle
chinoise est de favoriser la montée en gamme de l’économie chinoise. Ce programme est à l’origine de nombreuses
success stories d’entreprises chinoises, aujourd’hui cotées
au NASDAQ telles que sohu.com et baidu.com, moteurs de
recherche chinois, par exemple.
Au-delà : une démarche
d’attractivité pour les entreprises
innovantes à travers différents
dispositifs
Exemple : l’incubateur Advance
BioChina (ABC) de l’Institut Pasteur
de Shanghaï
Au début du XXIeme siècle, la priorité a été portée sur le retour
Conçu pour améliorer la santé publique chinoise, l’incuba-
d’universitaires et chercheurs de haut niveau dans la com-
teur Advance BioChina à Shanghai s’ouvre aux sociétés
munauté universitaire chinoise, afin d’améliorer le rang des
de biotechnologies de tous les pays, dans l’objectif d’attirer
universités chinoises au niveau international.
les compétences et savoir-faire du monde entier.
En 2008, le gouvernement a lancé le Plan des 1 000 Talents
Fondé en mars 2011 par l’Institut Pasteur de Shanghai (IPS),
(qianren jihua) pour faire revenir les cerveaux chinois de l’étran-
institut de recherche à but non lucratif créé en 2004 par
ger. En 2010, 1 143 scientifiques ont bénéficié de ce plan très
l’Académie des Sciences de Chine, l’Institut Pasteur et
exigeant. Les moyens mis en œuvre sont importants : salaire
le Gouvernement Municipal de Shanghai, l’incubateur-
égal à celui versé à l’étranger, poste de direction dans un ins-
accélérateur biotech «Advance BioChina» a vocation à être
titut de recherche, fond de recherche alloué de 1,5 millions
le partenaire chinois des meilleures entreprises internatio-
de dollars, incitations fiscales, logement, visas sans équiva-
nales du secteur biotechnologique (d’Europe et des Etats-
lent pour les Chinois de nationalité étrangère. Le Plan des
unis essentiellement, et, plus proches, de Singapour et Hong
100 Talents de l’Académie chinoise des sciences est encore
Kong) en leur favorisant l’accès à la Chine et à ses marchés.
plus sélectif et généreux. De nombreux programmes homo-
Il s’agit donc là d’offrir un terrain propice à l’innovation afin
logues ont été développés au niveau régional.
d’attirer sur place les idées nouvelles, les envies de créer
Ces programmes, mais aussi le différentiel de croissance
et d’innover…et pour ce faire « les cerveaux » (brain drain).
entre la Chine et l’Occident, sont à l’origine du retournement de tendance en faveur de l’attractivité des universités
« Le type de sociétés qui nous intéressent sont des socié-
chinoises, le nombre annuel des returnees qui s’établissait
tés déjà matures qui ont à la fois un ou plusieurs produits en
à moins de 10 000 en 2 000, s’établissait à 42 000 en 2006
phase clinique - ou proche - et qui ont une pensée straté-
et 108 000 en 2009. Ces scientifiques ont vocation à occu-
gique pour la Chine » précise Ralf Altmeyer, Directeur Général
per des positions de dirigeants dans les universités chinoises
de l’IPS et co-fondateur de l’incubateur Advance BioChina.
pour introduire de nouvelles méthodes d’enseignement,
En effet, le secteur des biotechnologies est actuellement en
rénover les curriculas et encourager la publication dans
pleine transformation en Chine et s’avère très stratégique,
des revues de standards internationaux.
avec la présence d’investisseurs locaux en capital risque très
- 39 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
actifs à l’échelle internationale. Aussi les sociétés disposant
cela peut permettre d’améliorer rapidement et efficacement
d’un portefeuille de produits sélectifs dans le domaine des
la qualité de la recherche, les problèmes ne manquent pas :
maladies infectieuses, sur le volet diagnostic ou thérapeu-
la plupart ont déjà été mentionnés, mais il faut y ajouter le très
tique, seront-elles accueillies à bras ouverts par ABC. Le
important différentiel salarial qui accentue les tensions.
développement de la fabrication de vaccins est, notamment,
Au delà de leur savoir-faire, de leur connaissance d’un mode
très attendu.
de fonctionnement et de méthodes de travail différents, une
part importante de la valeur ajoutée des returnees est liée
Un modèle de joint ventures
aux réseaux qu’ils amènent avec eux. Dans une période
L’objectif affiché par Advance BioChina est d’accueillir et dé-
des perspectives de coopération immédiate avec un large
velopper jusqu’à 25 entreprises d’ici 5 ans sous forme de joint
ventures localisées à Shanghai. Très concrètement, les entreprises pourront disposer d’environ 5 000 m2 alloués à l’incubateur au sein d’un nouveau bâtiment de 16 000 m2 de l’Institut Pasteur de Shanghaï situé en plein centre de la ville tout
en étant pourvu de tous les équipements et plates-formes
nécessaires. Les laboratoires P3 sont installés nécessairement en banlieue, mais toutes les infrastructures d’accueil
et d’hébergement ainsi que les laboratoires P2 se trouvent
au cœur de Shanghai. Le budget alloué au développement
de chaque entreprise sera de l’ordre de 1,5 à 3 millions
d’euros afin de les amener à l’étape ultérieure de développe-
où la coopération scientifique est indispensable, ils offrent
spectre d’équipes scientifiques étrangères. Cela permet
également de mettre plus facilement en place des échanges
d’étudiants avec les universités ou centres de recherche dont
les returnees sont issus. De plus, lorsque les liens qu’ils entretenaient avec les entreprises internationales demeurent, le
centre de gravité de la recherche partenariale bascule alors
vers la Chine. Tout ceci concourt à améliorer non seulement la
quantité mais également la qualité de la propriété intellectuelle
chinoise. Il en résulte également la création de start-ups issus
de travaux de recherche et d’innovation dont une partie a été
menée à l’étranger avant le retour en Chine. Ceci est d’autant
plus vrai que de nombreux returnees ont étudié puis enseigné
ment de leurs produits.
dans un environnement anglo-saxon où la création de start-
Une dizaine d’entreprises sont d’ores et déjà sur les rangs.
Depuis plus de 30 ans, la Chine a mis en place une politique
Les critères de l’incubateur-accélérateur pour leur intégration
sont, d’une part, d’avoir un programme de recherche lié à
l’amélioration de la santé publique en Chine, et, d’autre part,
d’avoir la volonté de loger les droits de propriété industrielle
dans la joint-venture. Ces deux critères sont fondamentaux,
puisqu’il s’agit pour Advance BioChina, et donc l’Institut Pasteur de Shanghai, d’être co-titulaire des droits d’exploitation
avec la société incubée, afin de partager les royalties au sein
de la joint venture. S’ajoutent aussi des critères sur l’intérêt
scientifique du projet pour la santé publique, l’acceptation de
localiser la propriété intellectuelle en Chine et l’intérêt du marché, des critères de qualité habituels passés au crible d’un
conseil d’investissement, constitué conjointement par ABC et
ups est la norme.
volontariste pour tirer profit du flux d’étudiants poursuivant
leurs études à l’étranger. Cette politique a parfois été fortement remise en cause en interne en raison du taux de retour
très faible des étudiants les premières années. Pourtant, les
difficultés rencontrées par de nombreux pays, l’importante
croissance économique que connait la Chine et les efforts
consentis en faveur de la recherche et de l’innovation, apparaissent comme autant de facteurs permettant d’attirer les
talents, qu’ils soient d’origine chinoise ou étrangère. On peut
cependant s’interroger sur les effets à long terme de cette
politique dans un pays non-démocratique. En effet, faciliter
les études d’une partie de son élite intellectuelle dans des
pays aux systèmes politiques très différents de celui de la
ses investisseurs.
Chine, constitue une vraie prise de risque. Ceci est d’autant
Notre perception
et nos questionnements
tie importante de leur carrière à l’étranger en adoptant parfois
plus vrai lorsqu’il s’agit de scientifiques qui ont passé une parla nationalité de leur pays d’accueil. Lorsqu’ils reviennent en
Chine, ils n’abandonnent évidemment pas la liberté, y compris politique à laquelle ils sont habitués et qui font désormais
La liberté offerte aux scientifiques pour monter leur propre la-
partie intégrante de leur mode de pensée et d’action.
boratoire avec des moyens importants est certainement une
des fortes motivations de leur retour en Chine. Pour autant, si
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
9. Les grandes universités de recherche en Chine :
ambitions et spécificités
Par Lotfi BEL HADJ, Jean-Pierre PECHMEGRE - CAMINADE, Jean-Patrick THIOLLET, Bruno WIART
Il aurait été prétentieux de présenter les universités chinoises
de contrats avec les entreprises pour 37% (en forte progres-
hors de leur contexte politique, historique et géographique,
sion), ainsi que d’autres sources mineures. Les instituts de
voire hors du contexte économique libéral qui marque le dé-
recherche présents à l’intérieur des universités constituent
siècle. Plutôt que de partir sur une énumération
les premiers « capteurs » de crédits d’équipe par opposition
sans fin des stratégies - souvent très différentes dans le détail -
aux crédits attribués individuellement aux enseignants. Ces
des milliers d’universités chinoises, nous analyserons les
instituts drainent, au sein de ce budget, près de 9 milliards
ambitions et spécificités du système universitaire dans
de Yuans. Ils regroupent 91 000 personnes, dont notamment
son ensemble.
63 000 doctorants.
La Chine possède un système universitaire en pleine expan-
Un regard sur le système éducatif chinois - et sur l’université
sion et au cœur de nombreuses réformes depuis plus de
tout particulièrement - provoque un sentiment mélangé d’ad-
15 ans. L’État souhaite en faire l’un des meilleurs systèmes
miration et d’inquiétude. Les réformes amorcées en 1986 et
universitaires mondiaux et s’en donne les moyens. De nom-
poursuivies tout au long des années 90 semblent avoir porté
breux accords avec les universités de toutes les nationalités
leurs fruits. Les trois meilleures universités du pays, l’Universi-
sont mis en place, et des plans de réforme sont lancés afin
té de Pékin, l’Université Tsinghua à Pékin et l’Université Fudan
que d’ici à 2020, plus de 100 universités chinoises atteignent
à Shanghai peuvent désormais rivaliser avec les grandes uni-
les premières parties du classement mondial.
versités américaines et européennes.
La Chine a le plus important système éducatif du monde,
Aujourd’hui, la visite d’un campus universitaire, la simple re-
celui qui enregistre la croissance la plus rapide, 2 263 univer-
vue d’un site Web, le nombre de partenaires étrangers figu-
sités regroupent 31 millions d’étudiants. Le nombre des ins-
rant sur les brochures institutionnelles, apparaissent comme
criptions a plus que quadruplé de 2001 à 2011. Le système
autant de signes de bouleversements majeurs. Les grandes
est contrôlé par l’Etat. Toutes les universités dépendent soit
réformes se sont attachées à plusieurs objectifs : augmen-
de la commission d’enseignement d’état, soit de ministères
ter la capacité d’accueil des universités; créer des pôles et
ou peuvent dépendre des provinces ou de régions auto-
des disciplines d’excellence ; internationaliser les formations ;
nomes… Il existe aussi quelques universités privées (Beyan
former les ressources humaines nécessaires au développe-
à Pékin et Sanda à Shanghai), les dernières nées l’étant dans
ment du pays.
le cadre de collaborations internationales comme l’université
Néanmoins de nombreuses lacunes subsistent tant sur
sino-américaine de Shanghai fondée en 2011 par la New
les plans culturel que politique et financier.
but du XXI
eme
York University et l’East China Normal University qui devrait
ouvrir ses portes à l’automne 2013.
Le budget consolidé de R&D dans le dispositif universitaire
est actuellement de 47 milliards de Yuans, environ 6 fois celui
de 2000. Ce budget est constitué de fonds publics à 56%,
- 41 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Le grand défi : accueillir et former
20% des étudiants de la planète
L’université chinoise compte aujourd’hui 23 millions d’inscrits,
ce qui constitue le plus grand réservoir d’étudiants du monde.
L’accès à l’université reste cependant très sélectif puisque
seulement les 3/5 des presque 9 millions de candidats au
gaokao sont admis. Grâce à une politique d’incitation à la
création de places supplémentaires et de concentration des
plus petites universités à partir de 1999, la capacité d’accueil
a été considérablement augmentée. Alors qu’en 1994, seulement 7% d’une classe d’âge pouvait s’inscrire à l’université, ce taux est passé à 17% en 2006 puis à 26% en 2011.
Les objectifs fixés par le gouvernement pour 2020 visent
la moyenne actuelle des pays de la zone OCDE, soit 45%
à 50 % d’une classe d’âge.
Au sein de l’université, les étudiants admis en licence privilégient les domaines en lien avec le monde du travail. 39%
des étudiants chinois sont inscrits dans un cursus d’ingénieur, les autres se répartissant entre sciences (12%), langues
et littérature étrangères (15%), le management s’élevant à
26%. Le plus faible nombre d’inscrits se trouve en agriculture, philosophie et histoire. L’université essaye de s’adapter
aux contraintes extérieures de l’ouverture internationale et de
l’adhésion à l’OMC, et à la contrainte intérieure de formation
d’une nouvelle génération de cadres du public et du privé capables de gérer les transformations économiques, politiques
et sociales en cours.
Une internationalisation à marche
forcée qui commence à porter
ses fruits
Plus récemment l’accent a été mis sur le retour des meilleurs
talents de l’étranger vers l’université chinoise afin de structurer la recherche par une armature de laboratoires de classe
internationale. Ainsi de véritables ponts d’or ont été proposés
aux enseignants chinois diplômés à l’étranger sous un format « à l’américaine » (« mille talents » sous forme de CDD
sur projets). L’année dernière, 1 143 scientifiques et professionnels de haut niveau ont travaillé en Chine dans le cadre
de ce programme.
Dans ce contexte, leur rôle a été d’œuvrer au rapprochement
avec les universités étrangères. Ils constituent des intermédiaires, mais aussi des passeurs de cultures, rendant ainsi
possibles les liens entre des réalités culturelles très différentes.
Environ 135 000 étudiants chinois sont ainsi revenus en Chine
après leurs études à l’étranger en 2010, en hausse de 24,7%
par rapport à 2009. Au total plus de 632 000 Chinois, près
d’un tiers de ceux qui ont fait leurs études à l’étranger, sont
revenus en Chine depuis 1978.
Enfin, le pouvoir chinois a enclenché l’étape suivante qui
consiste à installer des satellites d’universités occidentales sur
son propre territoire. Des efforts sont notamment faits pour
recruter et accueillir des chercheurs étrangers de qualité. L’intérêt des responsables des universités chinoises rencontre
celui des établissements étrangers qui souhaitent s’implanter
en Chine. Nombreux sont en effet les MBA ouverts par les
universités du monde anglophone qui compensent ainsi en
partie la baisse des candidatures issues du monde asiatique
constatée en occident depuis 2002. Se posera néanmoins la
question de l’adaptation des enseignants chinois à des systèmes éducatifs étrangers assez différents.
Une concurrence effrénée
à tous les niveaux
L’extraordinaire effort réalisé en matière de coopération internationale a pris dès le tournant des années 1990 la forme
La concurrence entre établissements est très rude. Ainsi
d’échanges d’étudiants, de signatures d’accords avec des
Fudan et Jiaotong se livrent une dispute acharnée pour atti-
universités étrangères, d’ouverture de Masters spécialisés
rer les jeunes étudiants soumis, dès leur plus jeune âge, à la
avec l’apport pédagogique de partenaires étrangers, d’ou-
pression du gaokao, l’examen d’admission à l’université, et
verture de cours en anglais, d’une augmentation massive
qui exige une forte capacité de mémorisation; puis, à l’uni-
du nombre d’heures consacrées à l’enseignement de l’an-
versité, dans la prospection d’un travail, après avoir obtenu
glais. L’envoi d’étudiants chinois à l’étranger ne ralentit pas
leur diplôme.
puisqu’encore aujourd’hui plus de 1,27millions d’entre eux en
profitent, même si ce nombre a diminué au début des an-
Pour remédier à ce problème le gouvernement teste depuis
nées 2000. 285 000 d’entre eux ont commencé leurs études
2001 un nouveau système qui autoriserait les univrsités de re-
à l’étranger en 2010 (+24% par rapport à 2009).
cruter des étudiants à partir de critères fixés par elles-seules.
- 42 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
En tant que complément du gaokao, le recrutement libre a
scientifiques Nature et Science et le nombre de chercheurs
déjà démontré sa vitalité ces dernières années en permettant
répertoriés dans deux bases de données d’articles scienti-
d’accueillir plus d’étudiants talentueux dans les universités
fiques (sciences humaines et sciences pures).
chinoises. Les études montrent que les étudiants recrutés par
cette voie obtiennent généralement de meilleurs résultats que
Alors que les universités chinoises étaient jusqu’à présent
les autres, en dépit de scores souvent inférieurs à l’Examen
ignorées à l’étranger et rarement associées aux réflexions sur
d’entrée national.
les réformes éducatives et de la recherche, l’écho du classement de Jiao Tong a été considérable. Arrivé bientôt à sa
Toutefois, la décentralisation du processus de sélection des
4eme édition, il a été largement commenté, critiqué, contesté,
élèves génère aussi des inquiétudes, en particulier par les op-
notamment dans les pays qui, comme la France, ne figurent
portunités de corruption qu’elle pourrait permettre. Le minis-
pas dans le top 30 : des classements concurrents sont mis
tère de l’Education a donc déclaré que le pourcentage d’étu-
en place, des universités revisitent leur plan stratégique,
diants admis par recrutement libre ne devrait pas dépasser
etc…. Ne pouvant pas encore prétendre à des positions éle-
5% du total, ce qui en soi pourrait être un frein à la sélection
vées pour ses universités, la Chine se fraye une place dans le
d’éléments brillants.
marché international de l’enseignement et de la recherche en
essayant de dicter les normes.
En recherche, l’attribution de grants est organisée sous le
format US de bourses solitaires, c’est-à-dire sans encourager le développement d’actions collaboratives entre universités. La contre-productivité de cette concurrence féroce ne
posait pas trop de problèmes tant que les moyens alloués
étaient globalement supérieurs à la capacité des équipes de
recherche à les dépenser. Mais le coût de plus en plus élevé
des réformes et le retour des « mille talents » risquent de forcer les individualités à s’unir. A l’inverse la mentalité individualiste des chercheurs chinois se traduit par une absence de
la notion d’équipe de recherche au niveau d’un laboratoire.
Ce niveau de compétition rend les conditions de travail peu
attractives pour des chercheurs étrangers habitués à plus de
réactivité collective au niveau de l’équipe.
Une université sous contraintes
politiques et financières
L’université répond encore difficilement aux défis posés par
le développement économique et l’ouverture, et les causes
sont à rechercher à plusieurs niveaux. Réalisée en un temps
record, cette réforme ambitieuse n’a pas pris en compte
le temps de réaction et d’adaptation au changement de la
part de l’administration des universités et des enseignants
eux-mêmes. L’organisation interne et le système de prise
de décision n’ont pas encore complètement assimilé ces
grandes mutations et le parti communiste continue de jouer
un rôle déterminant dans les orientations stratégiques et
les programmes.
En parallèle, le classement académique des universités mondiales ou « classement de Shanghaï », sans préjuger de sa
Une autre contrainte qui semble avoir été sous-estimée est la
pertinence, a libéré cet esprit de compétition au niveau in-
contrainte financière. Pour mener à bien toutes ces réformes,
ternational. Son but initial était de comparer les universités
l’Etat chinois a engagé dès les années 1990 un important
chinoises avec les meilleures universités mondiales.
mouvement de décentralisation avec une autonomisation
financière des universités. Autrefois financée exclusivement
Pour répondre à la demande du président de l’université Jiao
par l’Etat l’université assurait des études quasi gratuites,
Tong qui souhaitait pouvoir envoyer ses étudiants dans les
héritage de sa double origine impériale et colonialiste. Au-
meilleures universités, le professeur Nian Cai Lu, un chimiste
jourd’hui, l’Etat ne peut pas faire face aux nouveaux besoins
travaillant pour cette université, établit un premier classe-
et oblige donc l’université à trouver d’autres ressources
ment en 2003. Faute de moyens et ne disposant que de
(frais de scolarité, appel au secteur privé, développement
deux collaborateurs, il va alors au plus simple, ne prenant en
d’activités lucratives, mécénat...). Sa contribution au budget
compte que des données accessibles par Internet et jugées
des grandes universités nationales est ainsi passée de 75%
objectives : nombre de prix Nobel et médailles Fields (pour
en 1995 à 47% en 2002, puis à 32% en 2010.
les mathématiques), le nombre de chercheurs les plus cités
dans leur discipline, nombre de publications dans les revues
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Ainsi l’Université de Beijing, le plus prestigieux établissement
d’enseignement supérieur, a lancé en 2010 une campagne
de collecte de fonds pour l’aider à réaliser ses projets de
développement à long-terme. La collecte de fonds n’était
pas une nouveauté pour elle, déjà en 2003, elle avait lancé
des campagnes, y compris aux Etats-Unis, pour recueillir
l’argent pour un fonds anti-SRAS dont les profits ont été
versés aux hôpitaux qui lui sont rattachés. L’Université Fudan
de Shanghai aurait aussi récolté plus de 300 millions de yuans
(43 millions de $), il y a trois ans pour son centenaire.
Néanmoins, la question se pose de savoir si, avec l’introduction de frais de scolarité élevés et en l’absence de mécanismes efficaces de bourses de mérite, l’université peut
être assurée de recruter un nombre suffisant d’élèves tout
en gardant une sélectivité fondée sur la qualité et sur l’excellence et en évitant non seulement l’écueil de la corruption
et des prébendes mais également celui des protestations
populaires parfois vigoureuses en Chine.
Enfin, ces changements quantitatifs occultent l’absence
de réflexion sur la qualité de l’enseignement, malgré les
annonces des deux derniers plans quinquennaux, aucune
réforme pédagogique n’a été mise en œuvre, l’enseignement
étant toujours centré sur la réussite aux examens et la restitution d’énoncés théoriques. L’état semble vouloir cantonner
l’Université dans un rôle d’apprentissage technique au service direct de la croissance économique. Dans un système
aux racines confucianistes où l’autorité et la parole de l’enseignant ne sont jamais remises en cause, peu d’efforts sont
réalisés pour développer chez l’étudiant la pensée autonome,
la capacité critique, l’esprit libre, curieux et indépendant, le
goût de la connaissance, de la découverte. Le passage à une
société innovante et créative sur le plan technologique exige
Des universités d’élite aux racines
historiques
Le 12 octobre 2009, neuf universités chinoises, parmi lesquelles les élitistes Université de Beijing et Université Tsinghua,
ont créé le groupe du C9 afin de structurer l’enseignement
supérieur chinois de haut niveau. Ces neufs établissements
ont signé des accords de coopération renforcée en formation des diplômés, l’élaboration d’un catalogue de cours, ainsi
que la création d’un réseau éducatif permettant le partage de
conférences et déjà surnommé la “Ivy League Chinoise”. Ces
universités chinoises sont les neuf premières du « programme
985 » dont l’ambition était d’élever une trentaine d’universités d’élite, sélectionnées et financées par le gouvernement
chinois, à un rang mondial.
Les 9 universités concernées sont l’université de Pékin, l’université Tsinghua, l’université du Zhejiang, l’université de Fudan, l’université Jiao Tong de Shanghai, l’université Jiaotong
de Xi’an, l’université de Nanjing, l’institut de technologie de
Harbin et l’université des sciences et technologies de Chine
(USTC) de Hefei. Elles représentent 3% des chercheurs
du pays, mais reçoivent 10% des dépenses de recherche
et produisent 20% des articles publiés dans des revues
nationales et 30% des citations.
Certaines d’entre elles ont fait l’objet de restructurations et/
ou d’associations « lourdes » liées à l’aménagement politique
du territoire: l’Université de Jiaotong éclatée dès les années
20 entre Shanghai et Xi’an, la création de l’Université des
Sciences et Technologies de Chine placée sous le contrôle
de l’Académie des Sciences (CAS).
le développement de savoir-faire techniques mais aussi d’une
capacité à résoudre des questions juridiques, éthiques et
sociales complexes. On peut également noter que l’accompagnement du corps enseignants aux nouvelles approches
pédagogiques apportées par les réformes ne semble pas
être au centre des préoccupations, créant ainsi un risque de
décalage entre la volonté politique et son application sur le
terrain.
- 44 -
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Conclusion :
les universités chinoises : en route
vers le sommet ?
est tombée à la 71eme place. Parmi les universités asiatiques,
l’université de Beijing est au 4eme rang et Tsinghua, au 8eme.
Une combinaison de facteurs détermine le classement, les
résultats de recherche, l’environnement d’étude, la réputation
« Dans les années à venir, la Chine va inévitablement grimper
et les débouchés internationaux.
dans le classement des universités.»
Le boom économique de la Chine a intensifié l’investisseCette déclaration de Phil Baty, rédacteur du Higher Education
ment en recherche et développement, et le nombre de pu-
World University Rankings du Times, est dans la même veine
blications des universités a plus que décuplé en huit ans.
que l’optimisme affiché par la Chine quant à sa possibilité
Cependant, la qualité de l’éducation et de la recherche
d’avoir des universités de classe mondiale. Il reste toutefois
dans les établissements universitaires chinois semble ne
des obstacles à surmonter.
pas avoir suivi le même effort. Le nombre d’articles dans
les publications en anglais faisant autorité a baissé mal-
En 2010, les universités de la partie continentale de Chine ont
gré le grand nombre d’articles publiés en Chine. Il semble
connu une glissade dans le classement mondial du Times.
que ceux-ci ne soient pas encore suffisamment bons pour
L’université de Beijing a perdu 10 places par rapport à l’année
attirer durablement l’attention internationale.
dernière, se classant au 49eme rang, et l’université Tsinghua
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
10. La culture chinoise, l’éducation et la science
Par François CHEVOIR, Azar KHALATBARI, Eric POSTAIRE, Claire RIOUX
Croissance à deux chiffres, chômage à 4%, trente millions
dans les autres matières scientifiques), en plus du chinois et
d’étudiants dont les trois quarts en filière scientifique et tech-
de l’anglais. Ainsi l’éducation constitue un véritable marché,
nique - de quoi faire pâlir d’envie les économies occidentales.
ainsi qu’un vecteur de disparités entre régions rurales et ur-
La recherche scientifique, financée à 70% par le secteur privé,
baines, mais aussi entre écoles d’une même ville tant sur la
semble être le moteur de la prospérité. Et d’ores et déjà le
qualité de l’enseignement, les équipements, les enseignants
pays s’engage dans la multiplication de pôles scientifiques gi-
ou la variété des établissements publics et privés.
gantesques, à l’image de celui de Wuhan. Pourtant, certaines
Nous avons eu le privilège de pouvoir échanger sur ces
spécificités culturelles pourraient, à terme, limiter ce dévelop-
sujets avec le professeur Liu Enshan spécialiste de la didac-
pement frénétique…
tique des sciences à l’Université Normale de Pékin (Beijing
Normal University) qui s’apparente aux anciennes Ecoles
L’information paraît anecdotique, et pourtant : Monsieur He
Normales de formation de professeurs, en France, les IUFM
Yi, président d’Essilor Chine développe un produit spécifique
- Institut Universitaire de formation des maîtres. Liu Enshan
au pays, des verres progressifs adaptés aux enfants. Habi-
déplore les disparités entre les écoles : « à côté des établisse-
tuellement ce type de correction ne s’adresse qu’aux adultes
ments très bien équipés, il y a des écoles où les enfants sont
ayant dépassé la quarantaine. « En Chine, les enfants passent
70 par classe » précise-t-il.
de longues journées à recopier et apprendre par cœur les
idéogrammes… C’est un travail long et fastidieux qui com-
Pourtant la Chine, désormais seconde économie mondiale,
mence dès le plus jeune âge et se poursuit durant toute la
a tout à fait conscience de ces dysfonctionnements et les
scolarité jusqu’au fameux Gaokao, le redouté concours d’en-
dirigeants du pays considèrent tous l’éducation comme une
trée à l’Université ». Répétition, apprentissage et recopiage à
priorité stratégique nationale. Les deux objectifs majeurs sont:
un rythme soutenu, et sans doute aussi l’abus de télévision,
d’une part de former une population plus qualifiée qui maî-
détériorent la vue des enfants et en dit long sur l’éducation des
trise un socle commun de compétences et de connaissances
petits Chinois : travail, assiduité, persévérance, obéissance…
et comprenne les enjeux scientifiques, techniques et écono-
Des valeurs ancrées dans la civilisation chinoise.
miques à venir. D’autre part, de disposer d’une élite ayant un
En effet, la pensée confucéenne accorde une importance cru-
esprit plus critique et ouvert, capable de créativité, d’inventivité
ciale à l’éducation : les hommes, égaux à la naissance, sont
et d’innovation. Pour cela a été élaboré un plan de réforme et
perfectibles. Chacun peut donc se cultiver puisque « seule
de rénovation du système éducatif sur 2010-2020, qui doit
l’éducation dépasse tout le reste ». L’école se caractérise par
aussi répondre aux exigences croissantes de la population en
un enseignement transmissif fort (apprentissage par cœur,
termes de qualité d’éducation :
respect de la parole du maître, difficulté à accepter le question-
• Améliorer la qualité de l’enseignement obligatoire de base
nement et le doute, répétition) et un parcours scolaire sélectif
partout, y compris pour les migrants et les régions reculées
ponctué d’examens et de concours. Le système de sélection
• Changer les pratiques pédagogiques en favorisant l’expé-
est exacerbé par une compétition entre établissements et ce,
rimentation, la recherche, la compréhension et le raisonne-
dès la maternelle. Les familles chinoises cherchent à donner
ment
à leur enfant les meilleures conditions d’apprentissage, n’hésitant pas à consacrer une part importante du budget familial
dans des cours complémentaires et les frais de scolarité dans
un établissement réputé. Le classement des établissements
est fondé sur le niveau en mathématiques (éventuellement
• Prendre en compte l’épanouissement de l’élève sur le plan
culturel et physique
• Augmenter le niveau des enseignants notamment en
sciences
• Garantir à tous l’accès aux études supérieures.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Ceci représente une véritable rupture dans un paysage édu-
ou du moins, tels grand et petit, subtil et grossier, vide et plein.
catif en mutation. Ces changements d’habitude induits par
Cette vision a toutefois été largement réfutée27.
ces nouveaux modes d’apprentissage, ne manquent pas de
susciter des réticences dans le corps professoral et chez les
Selon François Jullien28 (6), ces écarts peuvent s’interpréter
parents. Malgré tout, un chemin important a été parcouru : le
dans les racines de la pensée chinoise : l’immanence chinoise
système éducatif chinois a réalisé des avancées significatives :
en regard de la transcendance occidentale. L’idéal (le vrai de
scolarisation de plus de 99,2% des élèves de 6 ans, taux d’illet-
la science, le juste de la politique, le beau de l’art) prend dans
trisme voisin de 5% , plus des trois quarts des enfants pour-
la culture chinoise une forme bien différente de celle liée à
suivent leurs études durant les 9 ans de la scolarité obligatoire,
notre héritage platonicien. Le doute, condition nécessaire à la
les écoles préélémentaires accueillent presque 45% des élèves
science, est synonyme d’égarement pour l’intellectuel chinois.
de moins de 6 ans. La ville de Shanghai a même été classée
Celui-ci ne recherche pas l’originalité. Plutôt que je pense
première dans les évaluations PISA 2009.
que…, il dira j’ai entendu dire que… C’est ainsi que Le sage
Le but de la réforme de 2000 est principalement de rompre
est sans idées: il cherche à englober tous les points de vue
avec l’enseignement traditionnel, même si l’entreprise paraît
dans le sien. Plutôt que de connaissance - globale, objective,
très difficile. Ainsi, est préconisée une attitude positive et
rationnelle, autorisant une rupture entre l’objet et le sujet, et de
scientifique dans l’apprentissage. Les sujets abordés doivent
là facteur d’innovation - il faudrait parler de connivence locale,
désormais établir un lien avec la vie quotidienne. De même,
subjective, informelle, qui se vit dans la durée et dans la com-
là où la sélection d’une élite était de mise, il est maintenant
plicité du compagnonnage.
conseillé d’encourager tous les étudiants. Cependant, Liu
Enshan insiste sur le fait qu’il faut commencer par changer
Ainsi, Wang Fuzhi29, éminent penseur du XVIIe siècle, nous ré-
le comportement des professeurs.
vèle une pensée qui traite des réalités sensibles et d’une nature
imprécise et fluctuante, à l’inverse de la philosophie occiden-
Comment introduire auprès des jeunes chinois ce désir d’ap-
tale où la discussion argumentée et l’absence de toute contra-
prendre pour apprendre, cette inventivité indispensable à l’es-
diction constituent le moyen de toute recherche des choses
prit critique et au goût de l’innovation? Difficile dans un pays où
vraies, stables et identiques à elles-mêmes. « Doit-on dire que,
persiste un très fort rapport de subordination entre le maître et
dans la vie d’un homme, le jeune et le vieux sont deux êtres
l’élève. Le véritable enjeu n’est-t-il pas alors de donner l’envie,
différents ? C’est une transformation graduelle, sans limite
le goût d’apprendre en changeant la pédagogie et en incluant
tranchée ». Dans une nature où n’existent que des conti-
dans l’apprentissage une partie « vivante » pour que le plaisir
nuités sans rupture, les opposés et même les contraires se
soit également au rendez-vous25 ? La science et la technologie
complètent et ne font qu’un. C’est le lien entre les opposés
étaient fortement développées dans la Chine ancienne et mé-
qui est fécond, c’est en lui que réside ce qu’il y a de plus subtil
diévale (mathématiques, astronomie, géographie, construction
au monde.
mécanique, armement…).
Classer, développer des instruments, observer de façon pré-
Wang Fuzhi affirme l’irrégularité et la transformation continue
cise des phénomènes et faire des expériences sont des pra-
de toutes choses : « Il y a des choses auxquelles nous pou-
tiques très développées en Chine. Pourtant, le défaut d’une
vons parvenir par la réflexion, d’autres que nous pouvons
vision globale des lois de la nature et d’une démarche de mo-
connaître par l’étude : ce sont des notions et des principes.
délisation/mathématisation des hypothèses expérimentales
ont pu conduire à une rupture au moment de la Renaissance26.
Le facteur linguistique a parfois été mis en avant comme
obstacle à la modernité scientifique, en particulier par Michel
Granet au début du XXeme siècle. En chinois, de nombreux
mots peuvent prendre, suivant leur place dans la phrase et
leur contexte, des fonctions nominale, verbale (active, passive,
causative, putative), adjective ou adverbiale. Le raisonnement
par exclusion et distinction radicale est inconnu des chinois.
Le chinois, en vertu de sa constitution, ne peut avoir de préfixe
privatifs : il privilégie dans ses raisonnements les termes qui
s’accordent, s’opposent sans s’exclure ou comportent du plus
- 47 -
25. Georges Charpak, Pierre Léna et Yves Quéré, L’enfant et la Science :
L’aventure de La main à la pâte, 2005
26. Joseph Needham, La science chinoise et l’Occident, Seuil, 1973.
27. Karine Chemla, Penser sur la science avec les mathématiques de la
Chine ancienne, in La pensée en Chine aujourd’hui sous la direction d’Anne
Cheng, Gallimard (2007)
Christoph Harbsmaeir, Language and Logic, in Science and Civilization in
China, édité par Joseph Needham, Cambridge University Press,1998
28. Nicolas Martin et Antoine Spire, Chine, la dissidence de François Jullien,
suivi de dialogues avec François Jullien, Seuil, 2011
29. Jacques Gernet, Modernité de Wang Fuzhi, in La pensée en Chine aujourd’hui, sous la direction d’Anne Cheng, Gallimard, 2007
Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Mais les choses et les êtres eux-mêmes échappent à nos
terrain, d’échanges de céréales à différents tarifs ou encore de
réflexions et à nos études » « Entre Ciel et Terre, il n’est rien
la détermination des volumes de contenants… de quoi alimen-
qui soit parfaitement régulier. Il n’y a que les choses faites par
ter des thèses très controversées. Il a été suggéré que la Chine
l’Homme qui soient de ce genre (cercles au compas, rec-
n’avait pas développé la capacité d’abstraction indispensable
tangles à l’équerre), il n’y a jamais rien eu de tel dans les êtres
aux mathématiques. Pour Karine Chemla, il s’agit là de raison-
crées par la nature ». Cette coexistence de l’ordre et du hasard
nements centrés sur la logique occidentale : la capacité d’abs-
s’explique selon lui par un principe spontané d’organisation,
traction existe bel et bien, mais elle prend des chemins sur-
inhérent aux énergies Yin et Yang.
prenants qui échappent à une lecture superficielle et rapide de
Wang Fuzhi recourt aux termes de « répartition et dosage,
la pensée chinoise. Cependant, pour l’historien Joseph Need-
fusion, nouage, écoulement, arrêt » qui évoquent la biologie
ham, la logique hypothético-déductive de la pensée grecque
contemporaine. « Il n’est pas vrai qu’il y ait un avant et un après.
que l’on retrouve dans l’approche occidentale des sciences,
Dans l’absence de toute orientation temporelle ou spatiale du
n’existe pas en Chine… Or, cette construction intellectuelle,
chaos dans lequel le principe d’organisation dirige les énergies,
en formulant des hypothèses et en les soumettant à l’épreuve
le commencement est aussi la fin, le créé est aussi l’origine du
des faits, autorise un esprit critique, indispensable à la pratique
créé, ce qui est au repos est aussi ce qui circule, ce qui sépare
scientifique.
est aussi ce qui unit ». Wang Fuzhi cherche aussi à découvrir dans la nature des modes de fonctionnement ayant une
Est-ce la raison de la faiblesse de la recherche fondamentale
application générale, en accord avec une tradition des mathé-
chinoise ? Parmi les laboratoires visités, de l’opto-électronique
matiques chinoises. A la différence des mathématiques eucli-
à la génomique, nous avons pu observer que les chinois fa-
diennes fondées sur des déductions à partir d’axiomes, elles
briquent, décryptent et produisent beaucoup mais inventent
tirent parti de l’existence de situations isomorphes, justiciables
peu. Or l’enjeu est immense. Pour que perdure la croissance, il
du même type de manipulations numériques. Cette caracté-
faut des innovations de rupture, ce qui nécessite un peu d’irré-
ristique rappelle ce qui prévaut en mathématiques modernes :
vérence face à l’ordre établi, un vent de liberté que plusieurs
le formalisme rend possible la mise en rapport d’objets visible-
décennies de révolution culturelle ont empêché de souffler. En
ment sans lien entre eux. L’idée que des phénomènes entière-
l’absence de cet indispensable frémissement d’inventivité, la
ment différents puissent se fonder sur des concepts communs
Chine risque d’épuiser son potentiel de croissance.
est aujourd’hui couramment admise dans les sciences.
Les autorités chinoises en sont conscientes et cherchent à
améliorer l’inventivité et l’esprit critique. La méthode à l’œuvre
L’historien des sciences Joseph Needham avait conclu que
est celle qui a fait ses preuves à travers toutes les contrées
la pensée chinoise adoptait une approche très différente
du monde. C’est en s’ouvrant que la Chine va combler ses
pour aborder les sciences. Jusqu’au début du XXeme siècle,
lacunes. Les programmes 100 talents et 1 000 talents ten-
l’enseignement des mathématiques en Chine s’effectuait par
tent de faire revenir au pays des Chinois formés à la pensée
l’apprentissage « par cœur » d’une série de comptines dont
occidentale. A leur contact et sous leur direction, étudiants et
les sonorités et les rimes constituaient une méthode mnémo-
jeunes chercheurs pourront acquérir une vision différente de la
technique pour effectuer un calcul ou résoudre une équation.
pratique scientifique. Encouragés à s’établir au pays, ces amé-
Cette approche remonte à plusieurs siècles avant notre ère.
ricains ou européens d’origine chinoise apportent l’ouverture
Un travail de traduction et de commentaire a été proposé par
d’esprit nécessaire. Parallèlement, les jeunes chinois prennent
Karine Chemla et son collègue Guo Shushun, de l’académie
de plus en plus le chemin de l’étranger. Finalement, c’est le
des sciences de Chine30.
mélange des mentalités et des approches qui est le meilleur
La comparaison des « Neuf chapitres sur l’art mathématique »,
garant de l’inventivité. La Chine souffre de l’isolement qu’elle a
un classique de la Chine ancienne, avec les « Eléments d’Eu-
connu au XXeme siècle durant plusieurs décennies. Aujourd’hui,
clide» montre deux visions très différentes des mathématiques.
cette période est bien révolue et les mesures d’encourage-
L’ouvrage d’Euclide est fondé sur des postulats, des axiomes
ment pour accueillir les étudiants et les chercheurs étrangers
et des propositions à la base de la pensée scientifique occi-
sont de véritables appels au métissage des pensées.
dentale. « Les neuf chapitres » proposent un ensemble de recettes pratiques pour mener à bien un problème de partage de
Nous remercions chaleureusement Pierre Léna, membre
de l’académie et co-fondateurs de l’association « la main à
30. Karine Chemla et Guo Shuchun, Les Neuf Chapitres, le classique mathématique de la Chine ancienne et ses commentaires, Dunod, 2004.
la pâte » pour sa relecture.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
11. Les entreprises françaises en Chine :
quels enjeux ?
Par Nathalie ALAZARD-TOUX, Frédéric BERNARD, Corinne BOREL, Eric BRIDOT
Depuis son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001, la Chine a supprimé de nombreuses barrières douanières et a ouvert son marché aux entreprises
étrangères qui n’ont plus systématiquement l’obligation de
La chine : un développement
rapide qui encourage
l’investissement étrange
devenir partenaire d’une société locale pour s’installer.
Cette nouvelle opportunité permet aux entreprises fran-
La Chine a, ces dernières années, encouragé les implan-
çaises de se développer sur le sol chinois dans de nombreux
tations de sociétés étrangères par différentes mesures
secteurs.
incitatives.
La chine : un enjeu de marche
et de compétitivité
Sur le plan des structures, la forme la plus couramment utilisée était la Joint Venture (JV : Equity JV ou cooperative JV),
entreprise où les capitaux sont partagés avec une société
chinoise. L’inconvénient principal est qu’elle oblige de parta-
Avec plus de 1,3 milliard d’individus, et une croissance qui
ger les bénéfices, les pouvoirs et la stratégie. Autre possibi-
avoisine ses dernières années 10% par an, la Chine est en
lité, l’implantation d’un bureau de représentation, mais son
pleine expansion économique et industrielle. Grâce à sa ba-
champ d’activité est très limité puisqu’aucune activité com-
lance commerciale, excédentaire jusqu’en 2010, la demande
merciale ne peut être exercée en son nom propre. L’implan-
intérieure ne cesse de progresser sous l’impulsion du gouver-
tation aujourd’hui la plus utilisée est la Wolly Foreign Owned
nement, elle représente aujourd’hui un tiers du PIB. Le revenu
Entreprise (WFOE), une société à responsabilité limitée où les
moyen par habitant continue de s’accroitre à un rythme sou-
capitaux sont détenus à 100% par une société étrangère.
tenu. Ces éléments font du marché intérieur chinois un des
Néanmoins, nous le verrons plus loin, avoir des associés
plus attractifs pour les entreprises étrangères tant par son
chinois peut aider au développement de l’entreprise.
volume que par sa dynamique.
Pour les entreprises françaises, le premier enjeu stratégique
Sur le plan fiscal, la Chine a adopté une réforme importante
est clairement l’accès à ce marché et le développement sur le
en 2007, en fixant un taux unique d’imposition à 25% pour
marché mondial grâce à la croissance chinoise.
les revenus d’entreprises chinoises et étrangères. Des taux
préférentiels ont également été mis en place : 20% pour
En outre, quelle que soit la région d’implantation et malgré
les petites entreprises à petits revenus, 15% pour celles
l’augmentation régulière des salaires (10 à 13% par an), le
ayant une activité technologique de pointe.
coût de la main d’œuvre reste encore « bon marché ». Le
pays présente pour les entreprises étrangères qui s’y implantent des avantages pour le maintien de leur compétitivité
et demeure donc un bon relais de croissance en étant une
« base » d’exportation qui profitent de coûts encore très bas.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Les enjeux pour les entreprises
francaises en Chine
Recruter et fidéliser un personnel
qualifié
Compréhension de et intégration dans
l’environnement chinois
Pour les entreprises françaises et plus généralement étrangères se pose le problème du recrutement et de la fidélisation
du personnel qualifié (techniciens et ingénieurs).
S’implanter en Chine nécessite pour une entreprise française,
Le personnel ayant une qualification correspondant aux stan-
de comprendre l’environnement chinois afin d’y réussir son
dards des entreprises européennes et américaines est en ef-
intégration. Nos rencontres sur le terrain avec les acteurs
fet insuffisant à satisfaire une demande en hausse constante.
français implantés sur le territoire [4] nous ont permis d’iden-
C’est une ressource rare et recherchée. La conséquence est
tifier certains facteurs clés.
une véritable surenchère sur les rémunérations et un turnover des ressources humaines qui peut atteindre suivant les
L’importance du système décisionnel
administratif et politique :
secteurs et les sociétés plus de 30%, « la phase la plus critique de l’année étant sans doute la période du nouvel an
chinois et la vague de démissions sans préavis qui l’accom-
Les Guanxi (relations) ont une importance extrême dans le
pagne » [4]. Trouver de bonnes filières de recrutement et fidé-
monde des affaires en Chine et forment une des dynamiques
liser le personnel sont donc de première importance pour les
majeures dans la société. Elles font partie intégrante du lan-
sociétés françaises présentes sur le territoire.
gage des affaires. Toute affaire conclue dans la société passe
La fidélisation du personnel passe par une politique de res-
inévitablement par les dynamiques de guanxi, que ce soit
sources humaines très développée et un soin particulier
pour les firmes locales ou pour les investisseurs étrangers.
au management [4] : veille sur l’évolution des salaires pour
« Aucune entreprise ne peut véritablement réussir à moins
rester proche du marché, mise en place d’avantages en
qu’elle ne possède un large réseau de guanxi » [5]. Consti-
nature, conduite irréprochable sur le plan du droit du travail,
tuer ce réseau est donc un véritable enjeu pour les sociétés
plans de carrières visibles et règles de fonctionnement claires,
françaises, certaines y arrivent grâce au charisme de leur diri-
teambuilding. Pour compléter cette liste, les entreprises pro-
geants (exemple de Mérieux [4]) d’autres via des partenariats,
posent également aux plus jeunes des formations diplômantes
des entreprises amies ou des clients grands groupes déjà
à l’étranger, notamment pour les postes d’ingénieur ou de
implantés [4].
chercheur, formations conditionnées à l’obligation de rester
2 ou 3 ans dans l’entreprise après le retour en Chine.
La compréhension du marché chinois :
Il est essentiel de saisir les spécificités du marché chinois,
par exemple DPCA (Dongfeng Peugeot Citroën Automobile)
S’implanter en Chine
un investissement de long terme
adapte son offre aux clients locaux qui préfèrent des véhicules tri-corps avec coffre [4]. Bon nombre d’entreprises fran-
Si la Chine est un pays porteur, les barrières sont souvent
çaises implantées en Chine ont d’ailleurs mis en place une
nombreuses avant d’obtenir un réel « retour sur investisse-
entité de R&D afin de comprendre ce marché (DPCA a mis
ment » : langue et culture, formation des employés, pouvoirs
en place une entité technique de 650 personnes dédiée à ce
publics, nationaux et régionaux.
type d’activité [6]).
Le recours aux JVs, surtout au début de l’implantation peut
s’avérer intéressant, car il facilite les relations avec l’adminis-
Le choix du lieu d’implantation :
tration et la compréhension du contexte : politique, fiscal, juri-
Il est essentiel pour tenir compte des stratégies et objectifs
dique et également social (lien avec les employés en cas de
mis en œuvre localement par les provinces, qui bénéficient
crise). La JV était dans les années 80 la seule forme juridique
d’une autonomie et de moyens financiers importants. Ainsi,
autorisée pour accueillir des investissements et participations
par exemple la province du HUBEI HUNAN possède des
étrangères. La part des entreprises non chinoises dans la JV
axes stratégiques forts dans les domaines de l’automobile,
était limitée. La loi récemment modifiée permet de détenir
des biotechnologies et du développement durable.
plus de 50% voir 100% des participations, selon le caractère
stratégique des produits.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Certaines sociétés ont fait le choix de ne pas créer de JV pour
Certaines entreprises gardent le leadership en restant sur
garder leur indépendance et ont développé en interne les res-
le marché du luxe à destination des populations les plus ai-
sources nécessaires pour connaître le marché et faciliter les
sées : parfums, mode, alcool, vins, voiture haut de gamme,
relations avec les autorités.
etc. Ce marché est aujourd’hui en pleine explosion. L’indus-
D’autres, comme les équipementiers automobiles s’im-
trie agro-alimentaire française se focalise sur les produits
plantent en Chine en s’appuyant sur leurs clients déjà pré-
innovants.
sents (constructeurs), avec toutefois un risque d’une dépen-
D’autres, comme l’industrie de la santé (Institut Pasteur,
dance limitant l’accès à d’autres clients.
groupes pharmaceutiques) développent leur savoir-faire en
s’appuyant sur les spécificités chinoises (maladies indigènes,
Enjeu stratégique sur le long
terme : le risque de perdre
le leadership ?
nouvelles molécules issues de la médecine chinoise,...).
S’agissant des secteurs de haute technologie, le maintien du
leadership est délicat. L’avance des entreprises occidentales
ne cesse de se réduire (ex : Huawei, 2ème mondial en équipe-
Après avoir été « l’atelier du monde », la Chine ambitionne de
ments de télécommunication ; premier avion chinois en cours
devenir à horizon 2020 « le laboratoire du monde » et de faire
de construction par COMAC, futur N°3 mondial).
évoluer l’industrie nationale vers des secteurs de haute tech-
Dans ce contexte, la gestion de la propriété intellectuelle
nologie à grande valeur ajoutée dans les domaines touchant
nécessite une attention particulière. En Chine, de nombreux
à la protection de l’environnement, aux technologies de l’in-
produits sont copiés (en 2010, 43 000 procès en civil sur des
formation-communication, à la biologie et aux biotechnolo-
questions de propriété intellectuelle). Les brevets (rarement
gies, aux énergies nouvelles, aux équipements avancés, aux
d’innovation) en forte croissante, déposés par les entreprises
nouveaux matériaux et au véhicule électrique. La stratégie
ou laboratoires chinois, peuvent être de vrais freins pour les
plan quinquen-
entreprises françaises. Un des moyens pour les entreprises
nal ([1] [2]), est de développer sur ces secteurs une politique
de se protéger et de garder la maîtrise de leurs produits est
industrielle long terme indigène et innovante. Pour y parvenir,
de n’implanter en Chine qu’une partie des composants ou
le pays met en œuvre des moyens colossaux et de multiples
des systèmes complets qu’elles commercialisent.
actions de rattrapage, et cherche à attirer les leaders indus-
La protection intellectuelle et du savoir-faire des entreprises
triels mondiaux des domaines visés.
françaises est un élément d’autant plus important que celles-
chinoise, clairement affichée dans son 12
eme
ci implantent aujourd’hui non seulement des usines de pro• En s’installant en Chine, les entreprises françaises accè-
duction mais aussi des centres de R&D. L’objectif principal de
dent au premier marché mondial potentiel ou en devenir,
ces centres est d’adapter leurs produits aux besoins spéci-
un passage parfois incontournable pour un développement
fiques du marché chinois. S’agissant de produits de standard
des activités. C’est particulièrement le cas pour le secteur
international, les entreprises ne développent la R&D que sur
aéronautique. Selon Muriel Duthon directrice zone Asie de
certains éléments, leur permettant de garder la maîtrise de
Safran, « la Chine sera dans quelques années le premier
l’ensemble.
acteur aérien mondial en terme de développement industriel, de capacités aéroportuaires ou en nombre d’avions en
Pour conclure, une entreprise qui souhaite avoir sa place
activité. A terme ce pays va peser 20% du marché aéronau-
parmi les leaders mondiaux de son secteur ne peut ignorer
tique mondial ».
le marché chinois, le plus grand marché mondial. Mais l’im-
• En s’installant en Chine, elles participent aussi au déve-
plantation durable des entreprises françaises sur le territoire
loppement des capacités technologiques des entreprises
chinois nécessite de bien comprendre l’environnement dans
chinoises. En s’associant aux entreprises locales, en for-
lequel elles évoluent, de réfléchir à la stratégie d’implantation,
mant les techniciens et ingénieurs, elles contribuent à déve-
aux alliances éventuelles. La Chine est un grand marché,
lopper un tissu industriel indigène, partenaire de croissance
mais aussi un pays qui ambitionne de maîtriser les secteurs
et de développement à moyen terme, mais en même temps
de haute technologie dont il a besoin et d’accroitre la valeur
potentiel futur concurrent. La question peut alors se poser
ajoutée de son industrie, une position qui pose la question du
pour certaines entreprises françaises du maintien à terme
maintien du leadership pour certaines entreprises françaises
de leur position sur le marché mondial.
de haute technologie. Le maintien d’un haut niveau d’innovation fait sans doute partie de la réponse.
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Carnets du voyage d’études à Pékin, Wuhan et Shanghai Cycle national 2011-2012
Sources d’information :
Le présent rapport d’étonnement est basé sur les rencontres effectuées au cours du voyage
d’étude IHEST en Chine du 24 mars au 3 Avril 2012, les documentations et présentations rappelés
ci dessous :
[1] Brochure Science et technologie en Chine de l’ambassade de France en Chine N°1 Mars 2012
[2] : Rapport de l’Ambassade de France en Chine : Gouvernance et financement de la recherche : structure et tendances
(Chine) : SST-PK-12-015v3 9 février 2012
[3] : Présentation économie chinoise et secteur de l’énergie Cyril Rousseau Ambassade de France le 26 mars 2012
[4] : rencontre de responsables de l’industrie Française installés en chine :
• Maxime PICAT, directeur du centre de production de PSA à Wuhan
• Vincent BRUNEAU, ACOME
• Pierre VIALETTES, EADS
• Cheng LI, ELECTRICFIL Automotive
• Alexis LIAUD, SAFRAN group (SAGEM / Sécurité)
• Jean Luc DOUBLET : Groupe Safran
• Bernard PORA, ROQUETTE
• Stéphane RAINSARD, ST microélectronics
• Antoine BLOCH, Mérieux Medicare
• Pascal RICKLIN, Axelera
[5] : LUO, 2007, « Guanxi and business », ASIA-PACIFIC BUSINESS SERIES - Vol.5 2nd Edition, p.1
[6] : Dossier presse PSA en chine mars 2006
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Annexes
Liste des auditeurs du cycle national 2011 / 2012
Promotion Christiane Desroches Noblecourt
Mme Nathalie Alazard-Toux, directrice, direction Economie et Veille, IFP Energies nouvelles
M. Olivier Audouin, directeur des affaires externes, Alcatel-Lucent Bell Labs France
M. Lotfi Bel-Hadj, président, fonds LBH Développement
M. Eric Bernard, directeur de la stratégie, direction générale technique, Dassault Aviation
M. Frédéric Bernard, directeur général adjoint, UMC santé Prévoyance
M. Dominique Berry, directeur adjoint, département systèmes biologiques, CIRAD
Mme Corinne Borel, adjointe au directeur, direction des sciences de la matière, CEA
M. Eric Bridot, directeur technique Recherche et Technologie, division Safran Electronics,
Sagem Défense Sécurité
M. Jean-François Cervel, inspecteur général de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche,
ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative
M. François Chevoir,
directeur adjoint, laboratoire Navier, Institut français des sciences et technologies
des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR)
M. Jérôme Coppalle, adjoint au sous-directeur de l’innovation, direction générale de l’enseignement
et de la recherche, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche,
de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire
Mme Carole Couvert, présidente du groupe CFE-CGC, Conseil Economique Social et Environnemental
M. Patrick Creze, directeur, adjoint au délégué, Délégation interministérielle à l’Aménagement
du territoire et à l’Attractivité régionale (DATAR)
Mme Véronique Debisschop, directrice de l’Action régionale, de l’Enseignement supérieur et de l’Europe,
direction générale, INRA
M. Hubert Duault, directeur général, Paris Développement
M. Olivier Fohanno, commissaire divisionnaire, chef de la mission pour la politique de l’innovation
et des partenariats technologiques, service des technologies et des systèmes
d’information de la sécurité intérieure, direction générale de la police nationale,
ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration
M. Thomas Emmanuel Gérard, fondateur et gérant, SUSTENN
M. Xavier Grison, Mme Françoise Guégot, responsable du pôle matériaux et composants, direction générale de l’armement,
ministère de la Défense et des Anciens Combattants
députée de Seine-Maritime
M. Gilbert Isoard, président de R3D3 ; directeur du Collège des Hautes Etudes de l’Environnement
et du Développement Durable-Méditerranée (CHEDD Méditerranée)
M. Joël Jacquet, délégué à la recherche et aux relations industrielles, campus de Metz, Supelec
M. Romain Jeantet, professeur, Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires,
horticoles et du paysage, Agrocampus Ouest
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Annexes
Mme Sacha Kallenbach, inspectrice générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche ;
ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative
Mme Azar Khalatbari, journaliste, chef de rubrique, département Presse, Sciences et Avenir
M. Krzysztof Kozlowski,
directeur, Telekomunikacja Polska, Orange Labs (Pologne)
M. Philippe Le Moing-Surzur,
sous-directeur des études et des projets, direction des systèmes d’information
et de communication, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités
territoriales et de l’Immigration
Mme Cécile Lestienne, directrice de la rédaction, Arts Magazine
Mme Hélène Lucas, chef du département de génétique et d’amélioration des plantes, INRA
Mme Sestna Machure, proviseure, lycée Albert Einstein, Académie de Versailles
M. Arnaud Massip, administrateur adjoint, section des activités économiques du Conseil économique,
social et environnemental
Mme Malika Meddahi, membre de l’équipe de coordination de l’opération du grand collisionneur
de hadrons, adjointe du chef de projet des injecteurs du LHC, CERN
Mme Nathaly Mermet, journaliste, correspondante, Biotech Info
Mme Catherine Moulin, directrice santé et environnement, SFR
M. Jean-Pierre Pechmegre-Caminade,
chargé de mission partenariats, direction générale,
Synchrotron SOLEIL
M. Eric Postaire, chargé de mission auprès des Secrétaires perpétuels, Académie des sciences
M. Ramesh Pyndiah, responsable du département signal et communications, Telecom Bretagne
Mme Catherine Rabbe, adjointe au chef de programme Aval du cycle actuel, direction de l’énergie nucléaire,
CEA
Mme Claire Rioux, inspecteur de l’Education nationale, Académie Orléans-Tours, ministère
de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie Associative
Mme Anne Rizand, directrice régionale Auvergne-Limousin, Cemagref
M. Walter Roest, responsable des secteurs géosciences et écosystèmes profonds, direction
de la prospective et de la stratégie scientifique, Ifremer
M. Stéphane Roy, adjoint au chef du service environnement et procédés innovants, BRGM
M. Marc Soulas, chef de la division criminalistique, ingénierie et numérique, Institut de recherche
criminelle de la Gendarmerie nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer,
des Collectivités territoriales et de l’Immigration
M. Jean-Michel Tanguy, directeur de projet, direction de la recherche et de l’innovation du Commissariat
général au développement durable, ministère de l’Ecologie, du Développement
durable, des Transports et du Logement
M. Jean-Patrick Thiollet, chef du pôle rayonnement en charge des affaires publiques et des relations
institutionnelles, Marine nationale, ministère de la Défense et des anciens combattants
M. Bruno Wiart, ingénieur en chef système, logiciel et systèmes d’information critiques,
direction technique, Thales Alenia Space
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