Le 15 juin 1916 : premier passage à l`heure d`été

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Le 15 juin 1916 : premier passage à l`heure d`été
Pas-de-Calais le Département
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Le 15 juin 1916 : premier passage à l’heure d’été
Le 15 juin 2016
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http://www.archivespasdecalais.fr/var/satellites/storage/images/mediatheque/archives/images/chroniques-de-la-guerre/a-l-ecoute-des-temoins/1916/16-06-15_heure-legale/831413-1-fr
)
Convaincu que la victoire sera aussi tributaire des moyens de production des belligérants et que la guerre crée l’obligation impérative de ne
négliger aucune source d'économie, le député André Honnorat propose le vote d'une loi avançant d'une heure l'heure légale en été
(jusqu’au 1er (premier) octobre) pendant la durée de la guerre.
Cette mesure a déjà été adoptée en Allemagne et en Autriche le 30 avril 1916, puis au Royaume-Uni le 21 mai 1916 ; ses résultats confortent le
député dans son souhait de l’appliquer en France pour réduire les consommations publiques et privées en électricité, charbon, gaz et pétrole.
L’article du Temps diffusé dans les colonnes de la France du Nord reprend les témoignages de quelques correspondants expliquant la raison de
leur adhésion ou de leur désaccord avec ce projet.
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L’avance de l'heure légale
On lit dans le "Temps" :
Nous avons annoncé que la proposition de M. (Monsieur) Honnorat tendant à avancer l’heure légale
pendant la durée de la guerre, a été adoptée à l’unanimité par la commission de l’Instruction publique à
la Chambre. Avant que la proposition soit discutée au Parlement, nous croyons intéressant de résumer
les arguments pour ou contre le projet de M. (Monsieur) Honnorat présentés par nos lecteurs.
M. (Monsieur) H. M… fait observer que l’application de la loi serait des plus aisées. La journée précédant
cette application sera écourtée d’une heure ; elle finira à 23 heures et non à 24 heures. Les personnes
non endormies à ce moment-là n’auront qu’à avancer montres et pendules d’une heure. Celles qui ne
seront pas couchées (sic) feront le lendemain matin la même opération, et la question sera réglée,
puisque les jours qui suivront auront vingt-quatre heures, comme par le passé. Aucune habitude à
changer. On n’aura pas, en réalité, à perdre une heure de sommeil ou à se lever plus tôt. Admettons
qu’une puissance mystérieuse ou une main invisible, pendant que tout le monde dort, avance d’une
heure les montres et les pendules françaises ; le lendemain, il n’y aura pas mille personnes sur quarante
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millions pour s’en apercevoir ! Ajoutons que cette réforme, par hasard, ne coûtera rien à personne et
aura l’avantage de nous procurer la jouissance gratuite d’une heure supplémentaire du beau soleil de
France.
À ces arguments, d’autres lecteurs répondent, partageant sur ce point l’avis de M. (Monsieur) Stanislas
Meunier :
"La réforme sera comme un cautère sur une jambe de bois. On s’éclaire parce qu’il fait nuit, et non pas
parce que les horloges marquent telle ou telle heure. Qu’est-ce que la mesure prise changerait au cours
du soleil ? Le soleil se lève à Paris une heure plus tard qu’à Berlin ; il s’y couche une heure plus tard,
par conséquent nous aurons toujours une heure de soleil quand Berlin sera dans la nuit."
La riposte vient pour ainsi dire toute seule :
"Il ne s’agit pas, nous dit un autre correspondant, de considérer la question au point de vue
astronomique. Si j’ai bien compris le projet de M. (Monsieur) Honnorat, il s’agit d’une mesure provisoire
destinée à nous faire faire des économies de charbon et de pétrole. Je ne vois pas ce qui s’opposerait à
une expérience facile à faire. L’idée de M. (Monsieur) Honnorat, d’ailleurs, doit avoir du bon, puisqu’on
annonce qu’en Allemagne l’avance de l’heure légale vient d’être réalisée. Le soleil se lève et se couche
sans souci de nos conventions horaires ; la question est, pour nous, d’utiliser sa lumière le plus
largement possible, voilà tout."
Mais une troisième observation nous est suggérée :
"Nous voulons l’unité d’action sur l’unité de front. Or, ne serait-il pas bon d’avoir en quelque sorte
l’unité d’heure entre alliés ? Et avant tout chose, ne serait-il pas à craindre que les efforts faits dans ce
sens, pour un front qui va de Nieuport à Riga, en passant par l’Isonzo et Salonique, ne soient difficiles à
réaliser ? Ne doit-on pas redouter que l’avance de l’heure légale n’apporte, sur notre propre secteur
occidental, des troubles regrettables dans l’exécution des ordres ? Les plus petits détails peuvent
prendre soudain tant d’importance !"
Nous nous bornons pour aujourd’hui à cette analyse des nombreuses considérations qui nous sont
fournies à propos du projet de M. (Monsieur) Honnorat. On voit que la question n’est pas simple. Mais
tout le monde est d’accord qu’elle doit être résolue au mieux des intérêts nationaux P. Z.
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La France du Nord, mercredi 12 avril 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/94.
Adoptée à l’unanimité par la commission de l’Instruction publique à la Chambre, cette proposition de changement d'heure suscite pourtant de
vives réactions de la part de ses adversaires. Avec un accueil plus que modéré à la Chambre des députés, son adoption est très discutée mais
toutes les oppositions n'ont pas raison de l'adhésion à son projet : le Parlement votera la loi le 19 mars 1917 par 291 voix contre 177 après de
longs débats puisque le "test" avait été instauré en 1916.
Ce changement d'heure, qui devait s'appliquer pour un temps limité afin de réduire la crise et assainir l'économie française cruellement touchée
par la guerre, ne verra sa pratique abandonnée qu’en 1940 pour être de nouveau reprise en 1976 lors de la crise pétrolière, sous le gouvernement
de Valéry Giscard d'Estaing.
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L'avance de l'heure
La commission sénatoriale chargée d’examiner le projet de modification de l’heure légale a fini, après
de longues tergiversations, par se rallier à la réforme défendue énergiquement devant elle par M.
Painlevé. Les derniers arguments étaient d’ailleurs caducs, du moment que presque tous les États de
l’Europe, les neutres comme les belligérants, s’étaient rangés au système de l’heure d’été. Nous nous
trouvons depuis quelques jours en retard de deux heures sur l’Italie, d’une heure sur l’Angleterre, de
sorte que l’heure réelle finit par avoir un air paradoxal. Nul ne prétend que l’économie ainsi réalisée
aura des conséquences extraordinaires et la commission du Sénat invite un peu ironiquement le
gouvernement à ne pas négliger les autres économies possibles dans tous les services publics : mais une
économie, même modeste, n’est pas à dédaigner, surtout quand elle est effective et qu’elle ne coûte rien
à personne, pas même un effort individuel. Déjà en Angleterre on en a constaté l’effet utile après la
première semaine d’expérience. La commission a fixé le 1er (premier) octobre pour le retour à l’heure
normale, comme on l’a fait dans les autres pays. Rien de plus juste. Tout permet donc d’espérer que le
Sénat pourra dès mardi adopter la réforme et qu’elle pourra ainsi entrer en vigueur avant d’avoir
complètement perdu sa raison d’être, ce que les lenteurs parlementaires commençaient à faire craindre.
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Le Télégramme, mardi 6 juin 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/25.
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L'heure légale
C’est chose faite. L’heure légale est modifiée. "Ainsi, a dit M. (Monsieur) Painlevé, se produira un
décalage de toute la vie sociale".
Le sort en est donc jeté. Nous vieillirons d’une heure incessamment. Le décret paraîtra aujourd’hui au
"Journal officiel", et dans la nuit du 14 au 15 juin prochain, à minuit, toutes les horloges publiques
seront avancées d’une heure.
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La Croix du Pas-de-Calais, dimanche 11 juin 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.
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