l`otc n`intéressait plus pfizer
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automedic-labo.qxp 31/10/06 13:26 Page 33 AUTOMÉDICATION d o s s i e r 59 L’OTC N’INTÉRESSAIT PLUS PFIZER Pfizer annonçait officiellement, le 26 juin, le rachat de sa division OTC par son compatriote Johnson&Johnson. Pour 16,6 milliards de dollars, c’est une affaire en or pour les deux acteurs. Explications. —————— intéresser le premier laboratoire pharmaceutique mondial, qui a annoncé sa volonté de se séparer de sa division Pfizer Consumer Healthcare en février dernier. La lutte a été âpre chez ses concurrents qui préfèrent jouer la diversification. En lice : les britanniques GSK et Reckitt Benckiser, l’allemand Bayer et l’américain J&J, qui a remporté la mise en forçant son offre, y ajoutant près de 2 milliards de plus que les offres initiales de ses adversaires. Pari gagnant pour J&J qui, malgré la somme à débourser, va pouvoir engranger des économies d’échelle non négligeables. Une façon pour l’Américain de consolider sa position de leader OTC en étoffant son portefeuille de marques. Arrivent ainsi dans son escarcelle les crèmes Neutrogena®, les patchs de sevrage tabagique Nicorette®, les bains de bouche Hextril® et Listerine®, l’expectorant Actifed®, le laxatif Microlax®, Sudafed®, Neosporin®, etc. DR C ’est presque par hasard que Pfizer faisait partie du trio de tête mondial dans le secteur OTC. Les rachats de Warner-Lambert en 1999 et de Pharmacia en 2002 lui ont permis de gagner 3,8 % des parts de marché OTC dans le monde en 2005… juste derrière les 4 % de Johnson&Johnson. Mais ce secteur de faible croissance, moins risqué, ne semblait pas Consolation. Un pipeline qui devrait entraîner une croissance de 40 % pour la division OTC de J&J et consoler le laboratoire américain de n’avoir pu racheter le fabriquant d’implant Guidant il y a quelques mois, perdant face à Boston Scientific. Cela prouve d’ailleurs son choix pour la diversification dans des secteurs moins coûteux en R&D, quitte à ce que la rentabilité soit faible par rapport aux médicaments de prescription. Ce n’est pas un 4 44 N OV E M B R E 20 0 6 _ P H A R M AC E U T I Q U ES automedic-labo.qxp 31/10/06 13:26 Page 34 AUTOMÉDICATION d o s s i e r 61 444 hasard s’il a fait, en quelques années, l’acquisition de RoC (racheté au groupe LVMH en 1993), Neutrogena® (en 1994), Biafine® (en rachetant Biapharm en 2004) et du groupe Vendôme (en mars dernier). Autre avantage : J&J évite avec ces produits toute confrontation avec les génériqueurs qui, à l’image du canadien Apotex dans l’affaire Plavix®, ont décidément la dent dure. Doper la R&D. Ce choix semble être aussi celui de GSK, grand perdant de la bataille pour le rachat de Pfizer Consumer Healthcare, qui vient de s’offrir une petite consolation en rachetant l’américain CNS, spécialiste de l’OTC, pour 588 millions de dollars. Reckitt Bensicker, de son côté, a fait main basse sur Boots Healthcare fin 2005 et Bayer sur la division OTC de Roche. Pfizer choisit donc de se concentrer sur les médicaments de prescription, secteur dans lequel il excelle puisqu’il en est le numéro un mondial et va utiliser l’argent mis sur la table par J&J pour doper sa R&D et racheter produits et technologies afin d’étoffer son pipeline. Il va également utiliser une grande partie de la somme pour accroître son plan de rachat d’actions qui devrait le porter à 18 milliards de dollars sur trois ans. Pfizer se refuse à tout autre commentaire tant que la vente de sa division automédication n’est pas finalisée. ■ M. M Sur un marché français atone, Merck MF tire son épingle du jeu toujours dans une optique de forte croissance ». Autrement dit, mieux vaut ne pas quitter Merck MF des yeux. L’évolution de la division du groupe allemand en dit long. Rachat des laboratoires Monot en 1996, des Laboratoires Richelet en 2002, année où il prend le nom de Merck Michel du Peloux, président Médication Familiale, création de sa filiale Laboratoires Médiflor en 2005… Meilleur réseau officinal. « Les Laboratoires Médiflor développent ce qu’on défend à l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable : une automédication responsable non remboursée et parfois même prescrite. Le produit Mildac®, en phytothérapie, est le seul antidépresseur ayant une AMM et n’étant pas remboursé. La grande différence avec d’autres laboratoires, c’est que nous annonçons au médecin que c’est un produit d’automédication et que nous offrons d’autres services d’éducation autour ». Une stratégie payante qui n’attend plus que le développement du marché de l’automédication en France pour devenir florissante. « Le potentiel de la France est évident. Reste un grand travail d’éducation et de responsabilisation à développer, c’est l’essence même de notre métier pharmaceutique, d’autant que nous bénéficions du meilleur réseau officinal ». Là où le bât blesse : les contraintes réglementaires qui rendent tout développement économique difficile. « Il faut actionner plusieurs leviers », martèle le Dr Michel du Peloux. D’abord en développant un accès contrôlé et encadré par les officinaux du médicament DR Le groupe allemand Merck KGaA est présent sur les marchés des médicaments de prescription, les génériques et la médication familiale. Sa division OTC France continue sa progression dans un marché pourtant stagnant. « Prenons les dates qui ont marqué Merck Médication Familiale : en 1996, nous réalisions 33 millions d’euros ; en 2002, le chiffre d’affaires était de 79 millions ; nous arriverons à 100 millions pour 2006 », souligne Michel du Peloux, président de Merck MF. Les chiffres parlent d’euxmêmes, la firme sait tirer son épingle du jeu sur un marché qui, au mieux, stagne, voire décline. Une réussite que son président attribue à trois atouts principaux. D’abord une mission claire de développer des produits innovants et sûrs, avec une définition large de l’automédication, la capacité de ses équipes à « coller » aux attentes des clients que sont les pharmaciens, les médecins et les consommateurs, et l’innovation. « Merck MF a toujours lancé beaucoup de produits sur des marchés en croissance correspondant très fortement à des besoins des patients et des prescripteurs. Nous avons ainsi créé le marché des probiotiques avec des produits comme ceux de la gamme Bion®. Résultat, le chiffre d’affaires progresse grâce à une subtile combinaison : une croissance interne organique avec un portefeuille de produits en expansion constante, l’innovation par les partenariats et la capacité à déceler l’occasion à ne pas manquer en termes de rachats ». Si rien n’est dévoilé quant aux projets à venir, Michel du Peloux sourit : « nous sommes d’automédication. « Et si nous ne le faisons pas, nous allons mettre la France dans la même situation que le Portugal ou l’Italie, où les grandes surfaces le font à notre place ». Autre levier à court terme : des actions proactives menées par le gouvernement avec une vraie politique de l’automédication. Là encore, le rapport Coulomb est attendu impatiemment, tout comme les décisions de Xavier Bertrand après lecture de ce document. « Cette politique doit être axée sur quelques points majeurs : déconnecter la notion de SMRI de l’automédication, mettre en place des campagnes vers les consommateurs comme cela s’est vu pour les génériques, assouplir et adapter la réglementation quant à la publicité, les déremboursements et la protection du nom des marques, instaurer une pédagogie sur les prix pour qu’un médicament OTC puisse afficher son juste prix ». Autant de leviers défendus par l’Afipa, dont Michel du Peloux en est le vice-président, et que l’industrie pharmaceutique espère bien retrouver en substance dans les propositions du rapport d’Alain Coulomb pour le développement du marché de l’automédication en France. M. M. N OV E M B R E 20 0 6 _ P H A R M AC E U T I Q U ES automedic-labo.qxp 31/10/06 13:26 Page 35 AUTOMÉDICATION d o s s i e r 63 VINCENT COTARD, GSK GRAND PUBLIC « UN FORT POTENTIEL DE CROISSANCE » DR La diversification semble être le maître-mot chez GlaxoSmithKline. De l’automédication au médicament éthique, en passant par l’hygiène buccodentaire, le marché hospitalier et le secteur des biotechnologies, le laboratoire britannique est sur tous les fronts. L’OTC y figure en bonne place. que cela fait 20 ans qu’on se demande pourquoi il ne décolle pas. Dans d’autres pays avec des environnements et des réglementations peu comparables, le marché OTC est plus important qu’en France en termes de poids dans l’univers pharmaceutique. Pourquoi serions-nous systématiquement en retard ? Mais la donne est en train de changer, le gouvernement affiche des signes d’une volonté politique, un besoin économique se développe. Le système change mais nous ne savons médicaments en officine et d’autres produits dans un circuit de grande distribution, comme les dentifrices. Nous sommes toujours dans une stratégie de croissance, numéro un incontestable en hygiène buccodentaire, alors même que nous étions numéro trois il y a trois ans. En effet, nous avons enregistré une progression de 50 % de notre chiffre d’affaires en quatre ans, avec le même portefeuille. GSK est un acteur important dans un environnement OTC qui change beaucoup, notamment avec les déremboursements et avec notre place de leader en sevrage tabagique. Quant à notre chiffre d’affaires, nous tablons sur une hausse de 9 % à la fin 2006. Notre activité de croissance est forte, ce que vous avez pu constater avec le rachat de CNS. Le marché français est-il intéressant ? > L’OTC en France est un marché à fort potentiel de croissance. Il est vrai DR DR La stratégie de GSK Grand Public est-elle à la diversification ? > Nous sommes spécialisés en médication familiale avec des pas encore ce qu’il va devenir. Alors, chacun selon sa stratégie et sa vision du marché, essaie de se placer. Qu’attendez-vous du groupe de travail sur l’automédication, et des pouvoirs publics ? > J’en attends un soutien par la simplification de ce marché. Actuellement, le contexte est compliqué, avec des produits remboursés ou pas selon qu’ils sont prescrits ou pas, avec des produits qu’on dérembourse et qui s’ajoutent au peu d’espace derrière le comptoir, avec le pharmacien à qui l’on veut donner un rôle important mais pas toujours avec les moyens nécessaires… Ensuite, ce sera aux autres acteurs de travailler ensemble pour le développer et mieux communiquer, mais ce travail de simplification est entre les mains du gouvernement. Les mesures qui obligent les patients à obtenir une ordonnance de leur médecin pour arrêter de fumer compliquent le système et ne sont pas cohérentes avec le souhait d’amplifier le rôle de pharmacien conseil, d’orienter davantage les patients vers le pharmacien, de pousser les industriels à mieux communiquer sur ses produits, à jouer l’innovation… J’espère que le rapport va souligner le potentiel du marché et initier des changements dans notre façon de travailler. Qu’il permette aux pharmaciens de jouer ce rôle clé, parce qu’ils en ont envie et qu’ils en sont tout à fait capables. Mais il faut nous donner de nouvelles règles pour jouer, comme celles concernant la publicité, la protection des données. Pfizer a choisi de se recentrer sur les médicaments de prescription, d’autres comme GSK préfèrent se diversifier. Comment expliquer ces différences de stratégie ? > Nous avons une stratégie sur le long terme. Chaque fois que GSK a eu l’opportunité de se développer, il l’a fait de manière pertinente en termes de produits et en termes financiers, de façon à avoir un retour sur investissement et en choisissant des objectifs qu’il peut atteindre. Son développement sur le marché de l’automédication est en parfaite cohérence avec son projet d’entreprise et les acquisitions faites dans les années 1990 et 2000. Nous sommes dans un univers concurrentiel et capitalistique et nous avons des comptes à rendre. PROPOS RECUEILLIS PAR MÉLANIE MAZIÈRE N OV E M B R E 20 0 6 _ P H A R M AC E U T I Q U ES