Millefeuille de Nouri Bouzid, un appel à la vie

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Millefeuille de Nouri Bouzid, un appel à la vie
Millefeuille de Nouri Bouzid, un appel à la vie
Le dernier opus du réalisateur tunisien entame sa 5ème semaine de projection en Tunisie
Millefeuille est un film crucial dans l’histoire du cinéma tunisien à plus d’un titre, indique
Hamza Marzouk pour L'Économiste maghrébin.
D’abord, Nouri Bouzid, âgé de 68 ans, est au sommet de son art. En cette étape de son
parcours, les attentes du spectateur sont grandes. Ensuite, le film - dont Euromed
Audiovisuel a réalisé un making of en mars 2012 - actualise le sujet du port du voile, en le
plaçant dans le contexte post-révolutionnaire, après avoir été banni sous la dictature de Ben
Ali.
Millefeuille, dernier opus de Nouri Bouzid, longtemps attendu après l’annulation de la
première projection aux Journées Cinématographiques de Carthage, semble livrer ses
secrets à partir du titre [arabe du film Manmoutech],signifiant Je ne mourrai pas : un appel à
la vie, à la résistance et à l’émancipation. Manmoutech est aussi le titre d’un poème qu’a
écrit le réalisateur en prison dans les années 70, à l’époque où il faisait partie du mouvement
de gauche Perspectives, interdit sous Bourguiba.
Le film arrive à point nommé vu le contexte sociopolitique agité en Tunisie, où tous les
acquis, notamment ceux des femmes, sont remis en question. Nouri Bouzid ne peut rester
insensible à ce paysage politique et ce film n’est que l’entreprise artistique qu’il mène contre
les projets obscurantistes, et ce, depuis 1986, date de la sortie de son premier longmétrage L’homme de cendres, véritable croisade contre les tabous de la société tunisienne.
Dans cet opus, le réalisateur tunisien a mis en situation ses héroïnes, Aïcha et Zeineb, tout
de go, à savoir lors du 14 janvier au sit-in de La Kasbah. Mais ne nous leurrons pas, le sujet
traité n’est pas la révolution. Le sujet principal est bien le port du voile.
Le traitement intervient par le biais d’Aïcha qui s’efforce de se refaire une vertu après avoir
été abandonnée par son amant et Zeineb, que sa famille veut emmitoufler dans un voile
pour plaire à son fiancé, jeune homme d’apparence peu recommandable.
Nouri Bouzid n'intervient que rarement dans ses films en tant qu’acteur. Cependant, il
incarne dans ce film le personnage du vieil accordéoniste non voyant qui déambule. Sa
présence ponctue la narration et anticipe parfois sa fin tragique. Curieux et intrigant, ce
personnage incite le spectateur à se poser plusieurs questions : la mort est-elle la fin de la
sagesse ? Est-ce la fin de l’euphorie ? L’objet de l’accordéon brisé retrouvé par Zeineb en
mime l’idée.
Le film respire la révolution, pourtant Nouri Bouzid n’expose pas une image triomphante,
mais plutôt un portrait désenchanté : Zeineb agressée par son frère, l’intégriste libéré de
prison grâce au vent de la révolution, les salafistes qui prennent pour cible « les libertés
personnelles ». Et pourtant, une scène de danse qui réunit les deux jeunes esquisse une
brèche d’espoir.
Source : L'Économiste maghrébin
Photo : Millefeuille - Page Facebook