Je n`ai pas pu sauver
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Je n`ai pas pu sauver
- DÉCRYPTAGE SUR LE VIF - Alexis Vervelle Je n’ai pas pu sauver ma boîte de la faillite… Contexte économique et politique défavorable, désintérêt du public pour son marché, actionnaires qui verrouillent ses décisions… Alexis Vervelle ne bénéficiait vraiment d’aucun atout pour réussir à sauver son entreprise de la faillite. Un évènement choquant mais dont il a su sortir grandi. M ême les start-ups les plus prometteuses ne sont pas invincibles… Il a suffi que le marché se lasse subitement des coffrets cadeaux pour que l’entreprise en croissance d’Alexis Vervelle entame son chemin vers la liquidation judiciaire. Le jeune entrepreneur venait pourtant de lever plus d’un million d’euros auprès d’investisseurs. À peine un an plus tard, l’entreprise ne valait plus rien. 34 DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE Un avenir sans nuage à l’horizon Tout juste diplômé en 2005, Alexis Vervelle se lance sur un marché en plein boom : les coffrets cadeaux. Il crée dans la foulée l’agence Weekendtour et se spécialise sur la production de coffrets week-ends à thème en partenariat avec les offices de tourisme. À partir de là, tout s’enchaîne, les galères, certes, mais surtout les succès. Weekendtour surfe sur un marché ultra plébiscité par le public. Consécration pour la start-up : ses coffrets cadeaux se retrouvent vite sur les linéaires des supermarchés et elle réalise son premier million de chiffre d’affaires en 18 mois. Mais le succès a un prix, et en l’occurrence celui des frais de logistique qui augmentent. L’entrepreneur se retrouve contraint de faire une levée de fonds pour financer le BFR et booster la forte croissance, qui semble alors s’installer pour longtemps. Aidé par un leveur MAI 2013 | N°40 - DÉCRYPTAGE SUR LE VIF - d’eux-mêmes. L’entrepreneur trouve alors un groupe désireux d’acquérir l’expertise de la start-up et acceptant de la racheter pour un euro symbolique. Mais l’hypothèse Le ciel s’assombrit… Encouragé par ses financeurs, ne plaît guère aux investisseurs qui Alexis Vervelle investit à tour de font jouer leur droit de véto. Les fibras. « Nous avions enfin les moy- nanciers font traîner les négociaens de nos ambitions. » explique-t- tions avec le groupe durant 4 mois. il. « À partir de là, nous embauchons Lorsqu’ils donnent finalement leur 10 personnes, nous déménageons, accord pour cession, Weekendtour nous faisons de lourds investisse- est dans un tel état que le groupe ments en informatique et communi- n’est plus intéressé. Il faut préciser cation. ». L’entreprise se structure qu’entre-temps a éclaté le Prinet se diversifie en lançant une cen- temps arabe et que l’acquéreur potrale de réservation de séjours. Et tentiel est justement spécialisé sur soudain, deux mois après la levée les séjours en Tunisie et Égypte… de fonds, le marché s’écroule. Face à tant de circonstances aggraL’entrepreneur explique que le cof- vantes, Alexis Vervelle ne peut rien fret cadeau subit alors « une crise faire. La plupart de ses concurrents de désamour du public, déçu par la se sont d’ailleurs cassé la figure quelques mois avant. qualité des prestations L’entrepreneur éteint de certains éditeurs de les compteurs de l’encoffrets. ». À cela vient treprise, soulagé. s’ajouter l’éclatement « Lorsque tout s’arrête de la crise économique de 2009. Les ménages, ENTREPRISES après avoir tout essayé, soucieux de faire des ont déposé le on ressent d’abord un économies, boudent des bilan en 2012 apaisement. On souffle. On se dit que la soufdépenses annexes, france est derrière. » telles que le coffret caSource INSEE deau. Le chif-fre d’affaires de Weekendtour La remise en baisse brutalement, contrairement question… puis le rebond ! à ses charges qui, elles, explosent ! L’entrepreneur passe ensuite par « Mais nous y croyions plus que différents stades : après avoir détout ! Nous venions de faire la levée passé le choc, il ressent une forte de fonds, nous avions un business colère. Colère contre les autres, plan à tenir, nous ne pouvions pas mais surtout contre lui-même. Il nous arrêter là. Nous brûlions du passe ensuite par une grande pécash et notre trésorerie commen- riode d’analyse. Puis vient la phase çait sérieusement à fondre. » ra- d’acceptation. « Le processus est conte l’entrepreneur. Puis c’est la très similaire à une rupture amouclaque ultime : les réseaux de reuse. À la fin, on se sent être un grande distribution, un à un, dé- homme nouveau, plus fort, grandi de cident de supprimer les boxs de la cette expérience. J’ai fini par me start-up de leurs linéaires pour se rendre compte que ce n’était pas un centrer sur des produits plus ren- échec, mais plutôt une série de succès : réaliser 5 millions de chiffre tables pour eux. d’affaires, construire une équipe solide, signer son premier contrat avec Pris dans la tempête Janvier 2011, commence la gestion la grande distribution, convaincre de crise. Alexis Vervelle adopte un des investisseurs... ». D’un tempéton franc et transparent face à ses rament énergique et volontaire, il 12 salariés. Beaucoup partent rebondit vite. Sa « thérapie », il la de fonds, il réussit à mobiliser 1,1 million d’euros de capital auprès de deux fonds. 59 780 MAI 2013 | N°40 PAROLE D’EXPERTS PAR DIMITRI PIVOT Président de l’association Secondsouffle.org Transformer l’échec en capital expérience A près un échec entrepreneurial, pour rebondir et créer de nouveau une entreprise, il faut être prêt psychologiquement. Cela passe par la réalisation d’une introspection visant à bien comprendre les raisons de l’échec et les erreurs qui ont été faites. Il faut réussir à identifier ses points faibles et ses points forts. Il est bon d’en parler, d’accepter de se mettre à nu. Lorsqu’on comprend clairement quelles ont été les erreurs commises, une chose est sûre, c’est qu’on ne les refera plus lorsqu’on montera un nouveau projet. Avoir connu des difficultés dans son entreprise représente un vrai capital pour qui se sent la force de rebondir. Ce n’est pas parce qu’une personne a commis une erreur qu’elle est incompétente. Au contraire, elle est riche d’une expérience précieuse qu’il faut valoriser. l fait en créant le blog « Le gang des entrepreneurs » racontant son histoire et délivrant des conseils. Aujourd’hui, en entrepreneur insatiable, il travaille sur plusieurs projets et notamment à l’international. Son aventure lui aura en effet appris qu’il vaut mieux « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Après avoir connu un échec, l’entrepreneur est bien parti pour connaître plusieurs succès ! l DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE 35