6 L`ALLIANCE AU SINAÏ ET LE DON DE LA LOI Ex 19-24

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6 L`ALLIANCE AU SINAÏ ET LE DON DE LA LOI Ex 19-24
fr. Didier van HECKE, GB GSA, Le Pentateuque, 2014/2015.
6 L'ALLIANCE AU SINAÏ ET LE DON DE LA LOI
Ex 19-24
INTRODUCTION
C’est le « troisième mois après leur sortie d’Egypte » (Ex 19,1) que les fils d’Israël arrivent au Sinaï.
Ils en repartiront « la seconde année, au second mois, le vingtième jour du mois » (Nb 10,11) soit au
terme d’un séjour de 12 mois. Les 59 chapitres de cet ensemble constituent une unité théologique où
les passages narratifs sont peu nombreux. À part Ex 24 et Ex 32-34, tout le reste est formé de codes, de
lois et de prescriptions morales et cultuelles, présentés comme des instructions données à Moïse au
Sinaï.
Le Sinaï (ou Horeb pour le Deutéronome) est plus qu’une simple étape. C’est le lieu par excellence de
la rencontre entre Dieu et son peuple, c’est là que va être scellée l’Alliance Sainte qui va régir les
relations entre les deux :
11
Et ce jour-là, vous vous êtes approchés, vous vous êtes tenus debout au pied de la montagne: elle
était en feu, embrasée jusqu'en plein ciel, dans les ténèbres des nuages et de la nuit épaisse. 12Et le
SEIGNEUR vous a parlé du milieu du feu : une voix parlait, et vous l'entendiez, mais vous
n'aperceviez aucune forme, il n'y avait rien d'autre que la voix. 13Il vous a communiqué son alliance,
les dix paroles qu'il vous a ordonné de mettre en pratique, et il les a écrites sur deux tables de pierre
(Dt 4,11-13).
Les chapitres 19 à 24 du livre de l'Exode forment un ensemble dont on peut facilement mettre en
évidence quatre sections :
1 La théophanie et la préparation de l’Alliance : Ex 19,1-25.
2 Le décalogue et son cadre narratif : Ex 20,1-21.
3 Le code de l’Alliance : Ex 20,22-23,33.
4 La conclusion d’Alliance : Ex 24,1-11
1 LA THÉOPHANIE ET LA PRÉPARATION DE L'ALLIANCE (Ex 19,1-25)
11 L'arrivée au Sinaï (19,1-2)
1
Le troisième mois après leur sortie du pays d'Egypte, aujourd'hui même, les fils d'Israël arrivèrent au
désert du Sinaï. 2Ils partirent de Refidim, arrivèrent au désert du Sinaï et campèrent dans le désert. —
Israël campa ici, face à la montagne.
Ces deux premiers versets décrivent l'arrivée des fils d'Israël au désert du Sinaï, face à la montagne.
Or, dans la Bible, la montagne évoque souvent le mystère d'une présence divine, imposante mais
protectrice. Et, l'expérience que va faire Moïse sur cette montagne est fondatrice, non seulement pour
l'histoire de l'Alliance, mais pour notre propre expérience spirituelle.
Dans l'Écriture, la montagne est aussi gravie par Élie, par Jésus et ses disciples, par des foules qui
viennent y recevoir la Parole qui donne sens. Elle est descendue avec élan pour communiquer une
Bonne Nouvelle. On ne monte jamais sur la montagne sans prendre le risque de la rencontre. C'est ce
qui arrive à Moïse, à plusieurs reprises. À chaque fois, il se tient devant la présence divine avec ses
questions et ses hésitations. Et le Dieu vivant lui dévoile le secret de son être : sa puissance créatrice
est source même de liberté.
12 La proposition d'Alliance (19,3-8)
Dès l'arrivée des fils d'Israël au Sinaï, le Seigneur appelle Moïse et se présente lui-même dans un
discours dont la forme est particulièrement solennelle :
3mais
Moïse monta vers Dieu. Le SEIGNEUR l'appela de la montagne en disant : « Tu diras ceci à la
maison de Jacob et tu transmettras cet enseignement aux fils d'Israël :
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Puis, il commence par rappeler ses bienfaits accordés aux fils d'Israël (au passé) :
4
Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait à l'Égypte,
comment je vous ai portés sur des ailes d'aigle
et vous ai fait arriver jusqu'à moi.
Vient ensuite la proposition d'Alliance exprimée au présent :
5
Et maintenant, si vous entendez ma voix et gardez mon alliance,
Il s'agit bien d'ouvrir les oreilles de son cœur pour entendre la voix du Seigneur. Puis suivent trois
expressions qui déclarent ce qu'Israël va devenir (au futur) s'il garde l'Alliance. C'est la promesse d'un
statut particulier :
vous serez
puisque
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et vous serez
ma part personnelle
c'est à moi
pour moi
parmi tous les peuples
qu'appartient toute la terre un royaume sacerdotal et une nation sainte.
Israël est d'abord placé dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres peuples et par rapport
à Dieu. C'est ensuite le peuple tout entier qui est institué royaume sacerdotal (plus que de prêtres), où
tous, hommes et femmes, sans distinction de classes ou de familles, exercent une fonction sacerdotale.
Ce peuple constitue une nation sainte, ainsi mise à part, séparée, appartenant à Dieu, constituée peuple
de Dieu pour le servir et proclamer ses louanges du milieu des nations.
La suite du récit rapporte ensuite la réponse du peuple au discours de Moïse (vv. 7-8) :
7
Moïse vint ; il appela les anciens du peuple et leur exposa toutes ces paroles,
ce que le SEIGNEUR lui avait ordonné.
8
Tout le peuple répondit, unanime:
" Tout ce que le SEIGNEUR a dit, nous le mettrons en pratique."
Et Moïse rapporta au SEIGNEUR les paroles du peuple.
(cf Jean 2,
Ici, la loi est d’abord une voix : « si vous écoutez ma voix ». La Loi est voix de Dieu, parole de Dieu.
Elle n’a rien d’une contrainte impersonnelle, elle s’inscrit dans le jeu des relations entre Dieu et son
peuple. Le commandement, c’est la voix de Dieu et le garder, c’est écouter Dieu lui-même.
L’expression « garder l’alliance », « garder la berit », signifie bien l’obligation, voire le contenu de
l’obligation, la loi qui renvoie au décalogue que Dieu prononcera en Ex 20,1ss.
13 Préparation à la théophanie (19,9-15)
Dieu demande à Moïse de préparer le peuple à sa manifestation. Cette préparation est celle qui est
requise pour toute fête. L'espace sacré est délimité pour le distinguer de l'espace profane (v. 12).
La théophanie aura lieu au "troisième jour" (cf. Jean 2,1).
Ces différents éléments sont importants et sont à comprendre comme une affirmation symbolique de
l'altérité de Dieu, la reconnaissance de celle-ci étant le préalable à toute relation authentique avec Dieu.
14 La théophanie (19,16-20)
16Or,
le troisième jour quand vint le matin, il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la
montagne et la voix d'un cor très puissant ; dans le camp, tout le peuple trembla. 17Moïse fit sortir le
peuple à la rencontre de Dieu hors du camp, et ils se tinrent tout en bas de la montagne. 18Le mont
Sinaï n'était que fumée, parce que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa fumée monta,
comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne trembla violemment. 19La voix du cor
s'amplifia : Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre. 20Le SEIGNEUR descendit sur
le mont Sinaï, au sommet de la montagne, et le SEIGNEUR appela Moïse au sommet de la montagne.
Moïse monta.
Le décor théophanique qui accompagne l’apparition divine est tout à fait conventionnel : celui de
l’orage avec la triade classique « voix, éclairs, nuée ». Nous sommes sans doute ici en présence d’un
motif emprunté au patrimoine commun de l’histoire des religions où le tonnerre est souvent présenté
comme la voix de la divinité qui veut impressionner, voire terrifier et révéler ainsi sa majesté et sa
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puissance. Le récit assure ce sacré avec ses expressions traditionnelles, mais il va les dépasser en les
transformant radicalement.
Ici, l’orage n’est plus perçu comme une divinité personnifiant une force de la nature. Il est simplement
le décor, l’accompagnement de la manifestation de Dieu. C’est bien la voix qui arrache, en quelque
sorte, Dieu au sacré impersonnel. La théophanie atteint son point culminant dans le dialogue entre
Dieu et Moïse (v. 19b). À Moïse qui parle, Dieu répond par la voix du tonnerre et donc bien par une
parole. La voix de Dieu ouvre et inaugure ici un dialogue interpersonnel. Bien plus, ce Dieu toutpuissant qui se manifeste dans l’éclat du tonnerre et dans les éclairs, semble laisser l’initiative à
l’homme, puisqu’il ne fait que répondre à Moïse. Impressionnante, l’apparition n’a rien de terrifiant
puisque la divinité se met à l’écoute de l’homme.
2 LA CHARTE DE L'ALLIANCE : LES DIX PAROLES (Ex 20,1-17)
Lorsqu'on parle aujourd'hui de commandements, on entend spontanément ordres, interdits, loi, morale
et donc obéissance et désobéissance, autrement dit quelque chose d'assez insupportable ! Et quand
j'étais petit, affichée sur la porte du confessionnel, il y avait la liste des dix commandements censés
nous aider à nous confesser… "J'ai manqué de respect à mes parents"… ect
21 Présentation du Décalogue
L’expression « les dix commandements » est l’expression courante, connue et populaire utilisée pour
désigner le décalogue. C’est la tradition chrétienne qui a popularisé cette traduction inexacte, devenue
l’expression courante. Pourtant, on ne la retrouve nulle part dans la Bible. Par contre, on retrouve la
mention de « dix paroles » dans les trois passages suivants :
Ex 34,28 : « Il écrivit sur les tables les paroles de l’alliance, les dix paroles ».
Dt 4,13 : « Il vous a communiqué son alliance, les dix paroles qu’il vous a ordonné de mettre en
pratique, et il les a écrite sur deux tables de pierre ».
Dt 10,4 : « Et il a écrit sur les tables, de la même écriture que la première fois, les dix paroles que le
Seigneur avait proclamées pour vous ».
Ces trois passages évoquent le décalogue tel qu’il est rapporté en Ex 20 et en Dt 5. Il y est donc
question de « paroles » et non de « commandements » ! En hébreu, le mot « parole » vient de la racine
dabar. Il faudrait donc redécouvrir le sens de ce texte qui, avant de donner des commandements,
propose des paroles qui sont des paroles de vie et de bonheur :
« Celles-ci sont comme le sel de la vie, ce qui lui donne saveur. Ils ne sont pas de l’ordre de l’avoir
(une morale), ni du devoir (faire le bien), ni, à fortiori, des interdits (à respecter), mais de l’être et de
la parole. Être plus, être meilleur, être pleinement humain, parler à autrui pour qu’il vive, comme moi,
et qu’il me donne la vie en retour, que lui aussi m’offre le monde par sa parole : voilà ce dont traitent
les commandements. Ils ne parlent pas tant du bien à faire que de la bonté à vivre. La seule
philosophie qu’ils prônent est une éthique ; elle consiste à regarder le monde, à le connaître, à le
construire en ayant sous les yeux une seule règle : la vie d’autrui, déclinée en dix paroles »1.
La tradition biblique a conservé deux recensions du Décalogue (Ex 20,2-17 et Dt 5,6-21) dont les
différences sont relativement peu importantes. La partie centrale du texte, qui correspond aux deux
seuls commandements positifs du Décalogue (le sabbat et les parents), diffère sensiblement dans les
deux versions (Ex 20,8-12 // Dt 5,12-16). Le début des deux textes est rigoureusement identique (Ex
20,2-7 // Dt 5,6-11) alors qu'il n'existe que des différences de détail à la fin (Ex 20,13-17 // Dt 5,1721). Dt 5 dépend sans doute d’Ex 20, les deux textes ayant encore été remaniés ultérieurement.
Le décalogue peut aisément se structurer en trois parties :
1- Les paroles concernant la relation à Dieu : versets 2-7
2- Les paroles liant la relation à Dieu à la relation au prochain : versets 8-12
3- Les paroles concernant la relation au prochain : versets 13-17
1
OUAKNIN M.A., Les dix commandements, Seuil, Paris, 1999, 9.
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22 Le Décalogue : un projet de libération
“C’est moi le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude” (Ex
20,2).
Lorsque Dieu prend la parole pour s'adresser à Moïse, c'est d'abord pour lui rappeler qu'il est Celui qui
l'a fait sortir d'Egypte. Ce préambule est un élément essentiel du Décalogue et il est considéré comme
la 1ère parole pour les Juifs. En l’oubliant, on en fait une simple loi naturelle, détachée de son contexte
de révélation. Il intègre le noyau le plus fondamental de la confession de foi d’Israël à savoir la sortie
d’Égypte comme événement fondateur d’Israël. C’est à l’intérieur de cette foi et de cet événement
qu’Israël a compris et interprété le Décalogue : une Loi qui vaut pour tous les fidèles de YHWH.
Le préambule associe le don de la Loi à la sortie d’Égypte en un seul événement. L’un éclaire l’autre
et vice-versa. Le Décalogue dégage la signification de la sortie d’Égypte sous forme de loi pour
qu’Israël vive l’Exode tout au long de sa vie.
Le préambule montre que ce don des 10 paroles, don de la grâce, s’inscrit dans une histoire de salut
qui apparaîtra peu à peu comme une histoire d’amour.
221 C’est moi le Seigneur ton Dieu
Cette formule du préambule met en lumière l’initiative de Dieu : c’est Dieu qui prend la parole. Il y a
là un surgissement soudain de Dieu qui se présente lui-même, pour dire qui il est. Il explicite ce qu’il a
commencé de dire au moment de la révélation de son nom en Ex 3,15. Les lois qu’il va donner auront
donc quelque chose à voir avec la révélation de ce qu'il est.
Cette révélation inaugure un face à face : si Dieu parle, c’est qu’il s’adresse à une personne. Le “JE”
appelle un “TU”. Le “je” du v. 2 appelle le “tu” des versets suivants. Israël est institué partenaire de
Dieu. C’est l’inauguration d’un dialogue avec le peuple. La révélation s’adresse d’abord au peuple :
avant d’être un code de morale personnelle, le Décalogue est la charte fondamentale du peuple de
l’Alliance. C’est là une donnée première. C’est au peuple que Dieu s’adresse.
Cette interpellation suppose la liberté de choix. C’est pourquoi, le Décalogue ne peut venir qu’après la
sortie d’Égypte, une fois qu’Israël est passé de la servitude à la liberté. Le Décalogue se situe entre
deux partenaires libres et responsables mais non égaux. Dieu propose et même impose et Israël doit
choisir… Mais il est toujours libre de refuser son adhésion. Il n’y a de parole adressée qu’à quelqu’un
de responsable et de libre.
222 Qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude
Cette formule stéréotypée revient 124 fois dans l’Ancien Testament dont 83 avec le verbe sortir et 41
avec le verbe monter. Cette phrase exprime sans doute sous forme hymnique et confessionnelle la foi
la plus ancienne d’Israël. Elle présente l’événement de l’Exode comme la référence fondamentale sur
les plans historique, religieux et moral :
Au plan historique, l’Exode est le 1er événement de l’histoire d’Israël. C’est un événement unique
puisqu’il a fait de quelques groupes humains un peuple.
Au plan religieux, l’Exode est l’événement qui fonde l’autorité de YHWH sur son peuple. C’est le
moment où YHWH s’impose à Israël comme son seul Dieu.
Au plan moral, l’Exode apparaît comme la source, la cause exemplaire et la motivation de tout l’agir
d’Israël.
L’Exode est :
- L’événement clé,
- L’événement fondateur d’Israël dans un double sens :
Il fonde l’existence d’Israël,
Il fonde les exigences de Dieu.
Dieu peut commander parce qu’il sauve et parce qu’il continue de sauver. Dieu manifeste ce qu’il a été
hier et ce qu’il est aujourd’hui, un aujourd’hui qui s’étale dans l’histoire. À chaque instant : “Je suis
YHWH, ton libérateur”. En raison de cette implication personnelle de Dieu dans l’Exode, cet
événement demeure à jamais pour les générations suivantes un événement contemporain. Dieu
apparaît comme celui qui donne l’existence dans la liberté.
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223 Une Loi pour un peuple libre
Dieu n’exige rien avant d’avoir donné. Sans cet acte libérateur, Israël n’existerait pas. Il est devenu
peuple en devenant peuple de Dieu. La déclaration du préambule nous fait sentir le climat et la
manière de comprendre les dix paroles. Dieu exige pour pouvoir continuer de donner.
Les paroles s’adressent à une communauté qu’il a libérée et qui lui doit son existence de peuple libre.
Elles sont un moyen pour le peuple de s’approprier jour après jour cette œuvre de libération. Dieu est
celui qui sans cesse libère son peuple. Ces paroles n’ont pas d’autre finalité que s’approprier cette
libération.
Tant qu’Israël vit selon les exigences fondamentales, il demeure le peuple de YHWH. Ces exigences
lui sont communiquées pour faire l’apprentissage d’une vraie liberté. Les esclaves n’ont pas de loi et
sont totalement soumis aux exigences arbitraires de leurs maîtres. La Loi est faite pour des hommes
libres. Elle est garante de la liberté. Le don de la Loi implique donc la reconnaissance par Dieu d’un
partenaire libre et responsable.
La loi n’apparaît donc que dans un moment second.
La loi est toujours proposée à la liberté.
La loi est génératrice de liberté. Son but est de faire vivre à Israël une expérience de liberté.
L’Exode est une norme dynamique pour le peuple toujours en voie de libération. Il est le critère décisif
de la moralité. Chaque génération doit réinterpréter cet événement fondateur dans sa situation présente.
La morale est toujours créatrice ; elle n’est jamais répétitive.
Chaque "parole" va constituer une manière de vivre la libération et le Décalogue créé un espace où
vivre une existence libre et responsable.
Israël n’a jamais considéré le Décalogue comme un fardeau mais comme un présent, un don, une
occasion de rendre grâce.
23 Commentaire rabbinique de quelques paroles
Je vais reprendre ici quelques points du commentaire des dix paroles que Marc-Alain Ouaknin, rabbin
et directeur du Centre d’études juives Aleph à Paris 2 , fait dans son ouvrage : « Les dix
commandements ».
1ère parole (v. 2) : « fais exister l’infini »
Dans la tradition juive, la première parole est le préambule (v. 2). L’homme qui entend les dix paroles
est sorti de l’esclavage d’Egypte, et ce n’est donc pas pour devenir esclave ailleurs. Son Dieu est celui
de la libération. Cette première parole invite ainsi chacun à être novateur dans l’action, à inventer de
nouvelles formes de vie. Prendre un chemin de liberté, c'est faire un effort constant d'affranchissement
de tout ce qui empêche d'être soi. C'est prendre le risque de devenir soi !!! Être libre, c'est prendre des
risques !
Chacun a ainsi une responsabilité quant à l’Infini. Il s’agit d’apprendre à regarder chaque fois le
monde avec un regard neuf, qui rend leur éclat et leur importance aux gestes les plus simples et les
plus insignifiants, qui rend la vie plus savoureuse et plus féconde. Il s'agit de regarder et de vivre sa vie
à partir de l'Infini.
2ème parole (vv. 3-6) : « un Dieu qui répond »
M.A. Ouaknin insiste ici pour redire que la force de la Torah ne réside pas dans son contenu qu'on
retrouve ailleurs. Pour lui, c'est la transmission de la Torah de génération en génération, c'est le lien
généalogique unissant les pères aux fils, qui est original. Et il relève que le mot pierre, ébèn en hébreu,
contient les deux mots de père éb - abba et de fils bèn.
Pour lui ensuite, le sens de cette parole "tu n'auras pas d'autres dieux – élohim" est "si tu veux penser à
Dieu, tu ne peux le faire qu'en épelant quatre consonnes sans voyelle". Sans voyelle, le mot est
imprononçable. C'est ainsi la seule manière de concevoir Dieu : en demeurant dans le silence ! Dans le
2
M.A. OUAKNIN, Les dix commandements, Seuil, Paris, 1999.
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tétragramme, le présent est toujours futurisé. Nous sommes ainsi appelés par Lui à la liberté et à la
responsabilité, à être libres pour devenir responsables.
Tu n'auras pas d'autres dieux ou plus littéralement, tu n'iras pas chercher un dieu qui est autre, étranger
et qui ne répond pas quand tu l'invoques.
3ème parole (v. 7) : « refuser l’indifférence »
Littéralement, on peut traduire ainsi cette parole : "Tu ne porteras pas le nom de Dieu en vain". Le mot
hébreu pour dire en vain est shavé, dont la racine signifie identique, sans différence.
On pourrait commenter ainsi : « ne construis pas ton projet d’existence, ta promesse, ton éthique, de
telle sorte qu’ils soient semblables à ceux d’un autre et que ta vie soit vaine. Ne donne pas une
interprétation conforme de la vie, du monde ou de Dieu, affirme ta différence ».
Martin Buber ne dit pas autre chose : « La tradition est la plus noble des libertés pour la génération
qui l’assume avec la conscience claire de sa signification, mais elle est aussi l’esclavage le plus
misérable pour celui qui en recueille l’héritage par simple paresse d’esprit ».
Être libre, ce n’est pas faire ce que l’on veut, mais exprimer au maximum ses possibilités pour apporter
au monde ce que chacun d’entre nous est seul à pouvoir lui apporter. Voilà ce qui donne sens à notre
existence. C'est cette idée qu'exprime Rabbi Zousya peu avant sa mort : "Dans l'autre monde, on ne me
demandera pas : pourquoi n'as-tu pas été Moïse ? On me demandera : pourquoi n'as-tu pas été
Zousya ?".
4ème parole (vv. 8-11) : « souviens-toi de ton futur »
Se souvenir du Sabbat invite à sortir de l’habitude et des voies toutes tracées. L’habitude, c’est le
chemin où le pied me conduit sans que la tête ait besoin de lui dire où aller. Dans la marche, le corps
fonctionne tout seul sans le cerveau.
S’égarer, trouver de nouveaux chemins : souviens-toi de ton futur, de ta capacité à engendrer du
nouveau, à percevoir encore le monde comme au moment de sa création ! Tel est le sens du Sabbat !
5ème parole (v. 12) : « apprends la gratitude »
Rabbi Tarphon avait une vieille maman. Chaque fois qu’elle voulait se coucher, il s’agenouillait de
telle sorte qu’elle puisse se servir de lui pour monter sur son lit. Et elle faisait de même pour
descendre. Un jour à la maison d’étude, il se vante de son action. Ses collègues lui rétorquent : « tu
n’es pas encore parvenu à la moitié du respect que tu lui dois ». Autrement dit, l’honneur dû aux
parents est infini !
Cette cinquième parole pourrait se résumer ainsi : apprends à offrir de ton temps à l’autre, sans même
attendre sa vieillesse. Il est souvent si facile d’offrir des objets inutiles pour ceux qui les reçoivent.
Mais le temps ? On passe ainsi à côté d’une chose fondamentale : « aimer c’est donner ce que l’on a
pas ». Formule énigmatique de Lacan, qui prend toute sa force dans le contexte de ce commandement.
6ème parole (v. 13) : « JE SUIS ou l’unique qu’il est interdit de tuer »
Ce sixième commandement est un plaidoyer pour le visage : il invite à reconnaître la dignité de tout
homme dans son infinie particularité, son infinie différence. Aucun visage n’est pareil à un autre. Cette
différence ne signifie pas repli sur soi, mais ouverture, écoute, responsabilité. Autrui est une question
infinie pour moi du simple fait qu’il existe, que je voie son visage. Tous les systèmes risquent
d’effacer les visages de noyer les individus dans l’indifférencié et l’impersonnel.
7ème parole (v. 14) : « être capable d'entendre la parole de filiation »
En mettant en rapport la seconde et la septième parole, nous pouvons dire que l'adultère implique une
absence de réponse, c'est-à-dire de communication, une absence aussi de responsabilité. Le fondement
de l'adultère, c'est que la parole ne passe plus dans la relation entre l'homme et la femme. La rupture de
la communication rend chacun étranger à l'autre. Elle rend impossible la réponse à la question que lui
pose l'autre.
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8ème parole (v. 15) : « ne pas s’accrocher
aux seins »
Selon Rachi, l’interdit du vol ne concerne pas le vol des objets mais le vol des âmes ! Tu ne voleras
pas l’âme de quelqu’un signifie « tu ne voleras pas ce qui fait la transcendance spécifique d’autrui, la
manière d’écouter, de regarder, de sentir qui lui est propre ». Ce commandement veut donc dire : « tu
ne voleras pas ce qui fait la personnalité d’autrui, son originalité, ce qui lui permet d’être lui-même ».
Être, c’est être soi-même. Voler l’âme, c’est voler l’existence de quelqu’un, ne pas la laisser être ellemême !
9ème parole (v. 16) : « comment aimer son prochain comme soi-même ? »
Selon les maîtres de la tradition, le sens de cette parole pourrait s’énoncer ainsi : « N’utilise pas la
parole pour faire souffrir l’autre ». Et selon Maïmonide, trois choses sanctionnent l’homme et lui
interdisent d’avoir part au monde futur : l’idolâtrie, l’inceste et le meurtre. Mais, disent les maîtres, il y
a pire que ces trois choses, c’est la médisance : utiliser la parole pour faire souffrir l’autre ou en disant
du mal est pire que commettre un meurtre, un inceste ou l’idolâtrie !!!!!
10ème parole (v. 17) : « ne crois pas que l’autre t’a volé ton origine »
« Tu aimeras pour ton prochain » devrait se dire : « Tu respecteras l’instabilité existentielle de l’autre,
qui te rappelle la tienne, ta propre instabilité ». Ce n’est pas parce que l’autre est instable, qu’il
change, qu’on ne doit plus l’aimer. On doit l’aimer parce qu’il est autre. « Tu aimeras ton autre » :
voilà ce que dit le commandement. L’homme n’est pas comme un objet, il n’est pas un objet : il est
mouvant, il est changeant et malgré cela on doit l’aimer.
24 Le Décalogue dans le Nouveau Testament
Dans la liturgie juive synagogale, le Décalogue a sa place à la prière du matin et du soir. Or il semble
que Jésus ne lui accorde pas la même importance : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : tu
ne commettras pas de meurtre…. et moi je vous dis… » (Mt 5,21.27.33). Voir aussi Mt 19,18ss ; Mc
7,10 ; 10,19 ; Lc 18,20 ; Rm 13,8ss.
Ni Jésus, ni la primitive Église ne citent le Décalogue comme un tout : ils puisent dedans comme dans
d’autres textes de l’Ancien Testament. Alors, Jésus prend-il ses distances par rapport au monde juif de
son temps ? Les citations de Jésus sont libres et les antithèses du Sermon sur la montagne marquent sa
volonté et sa demande d’aller au-delà de ces commandements (Mt 5).
Dans la péricope du jeune homme riche (Mt 19,16ss), Jésus cite les commandements. Il confirme leur
valeur d’orientation morale fondamentale, mais pour lui, ce n’est pas cela qui est décisif. Il demande le
renoncement aux richesses. Au-delà de la question formulée de manière juridique, Jésus demande un
engagement de tout l’homme. On comprend qu’il ne s’intéresse guère au décalogue dans son
ensemble : il interroge sur l’intention qu’il y a derrière. D’où la préférence de Jésus pour d’autres
textes de l’Ancien Testament :
« Quel est le premier des commandements ? Jésus répondit :… Ecoute Israël, Le Seigneur notre Dieu
est l’unique Seigneur, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… Voici le second : tu aimeras
ton prochain comme toi-même » (Mc 12,28-32 > Dt 6,4ss et Lv 19,18).
Conclusion
* Le Décalogue ouvre une histoire
Destiné à guider Israël dans l’usage de sa liberté, le Décalogue ouvre une histoire. Il est né dans
l’histoire et il inaugure une histoire de liberté. Parole de Dieu, il a une portée dynamique. En un sens,
cette parole créé l’histoire car elle travaille avec la collaboration libre de l’homme à réunir le peuple
autour de la Parole.
* La grâce précède toujours la Loi
Il s'agit de placer la Loi à sa juste place dans l’expérience religieuse. La Loi ne peut être érigée en
absolu (ce qui serait une perversion du donné révélé). Elle ne peut se présenter comme la condition de
la grâce. La grâce est toujours première et gratuite et la Loi est un moyen de s’approprier la grâce. Ce
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qui demeure toujours premier : la grâce, le salut et la libération. La miséricorde divine précède
l’engagement de l’homme.
* Le Décalogue est révélation
Le Décalogue n’est pas d’abord une loi naturelle qui vaudrait pour tous les hommes. Il entre comme
élément intégrant de l’expérience du croyant. Il trace une manière de vivre la foi.
Parole révélée et parole révélante, le Décalogue s’inscrit à l’intérieur de l’itinéraire de la foi. Il n’a de
sens que pour celui qui accepte de jouer son existence sur l’absolu de Dieu qui se manifeste dans
l’histoire.
Les dix paroles du Décalogue désignent également un sens interdit : « ne retourne pas à l’esclavage
d’Egypte ». Cet esclavage, ce n’est pas seulement les travaux forcés en Egypte. Il se détaille en
servitudes multiples : idolâtrie, mépris de l’autorité parentale, non-respect de la vie humaine, de
l’amour, de la propriété d’autrui, de « l’autre ». Dans tous ces domaines, la liberté ne peut se dicter.
Elle est à faire. Plutôt que d’énoncer la manière dont le peuple, libéré de la servitude d’Egypte, peut
maintenant vivre en liberté, Dieu dit à quel moment cette liberté cesserait d’exister.
Le Décalogue « trace ainsi une frontière et délimite, par l’extérieur, l’espace positif de ce qui peut être
fait. Mais en revanche, il ne légifère pas, ne prescrit pas, à propos de ce qui est permis. La sphère des
actes justes est remise à la liberté de l’initiative humaine »3.
L’interdit définit le mal à éviter. À travers lui, c’est la garantie d’une morale ouverte, créatrice,
responsable qui est posée. L’œuvre suprême de la Loi n’est-elle pas précisément de garantir la liberté
dont elle est dispensatrice4 ?
3 LE CODE DE L'ALLIANCE (Ex 20,22-23,19)
À l'initiative gratuite de Dieu, qui a fait sortir le peuple d'Égypte, répond l'engagement du peuple dans
l'Alliance qui passe par son acceptation des différentes lois éthiques et cultuelles regroupées dans le
code de l'Alliance de Ex 20,22-23,19. La lecture de ces pages est peu exaltante même si elle peut
parfois prêter à sourire :
22Et
quand des hommes s'empoigneront et heurteront une femme enceinte, et que l'enfant naîtra sans
que malheur arrive, il faudra indemniser comme l'imposera le mari de la femme et payer par
arbitrage. 23Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, 24œil pour œil, dent pour dent, main pour
main, pied pour pied, 25brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure.
(Ex 21,22-25)
28Et
quand un bœuf frappera mortellement de la corne un homme ou une femme, le bœuf sera lapidé,
et on n'en mangera pas la chair, mais le propriétaire du bœuf sera quitte. 29Par contre, si le bœuf avait
déjà auparavant l'habitude de frapper, que son propriétaire, après avertissement, ne l'ait pas surveillé,
et qu'il ait causé la mort d'un homme ou d'une femme, le bœuf sera lapidé, mais son propriétaire, lui
aussi, sera mis à mort. (Ex 21,28-29)
Les codes de loi occupent cependant une place essentielle dans la tradition biblique parce qu'un peuple
doit se donner un certain nombre de règles de conduite pour résoudre ses conflits. Dans l'antiquité, ils
sont à la fois une garantie de liberté contre l'arbitraire des souverains et un rempart à l'anarchie. Une
grande part de ces lois concerne la protection des plus faibles : Ex 22,20-23,9. Lisons juste les lois en
faveur des pauvres en Ex 22,20-26 :
20Tu
n'exploiteras ni n'opprimeras l'émigré, car vous avez été des émigrés au pays d'Egypte. 21Vous
ne maltraiterez aucune veuve ni aucun orphelin. 22Si tu le maltraites, et s'il crie vers moi, j'entendrai
son cri, 23ma colère s'enflammera, je vous tuerai par l'épée, vos femmes seront veuves, et vos fils
orphelins. 24Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au malheureux qui est avec toi, tu n'agiras pas avec
lui comme un usurier ; vous ne lui imposerez pas d'intérêt. 25Si tu prends en gage le manteau de ton
prochain, tu le lui rendras pour le coucher du soleil, 26car c'est là sa seule couverture, le manteau qui
protège sa peau. Dans quoi se coucherait-il ? Et s'il arrivait qu'il crie vers moi, je l'entendrais, car je
3
4
A.M. PELLETIER, Lectures bibliques, Paris, 1995, 129.
Voir R.S. SIRAT, Loi et liberté et E. LEVINAS, Liberté et commandement, dans M. TAPIERO (dir.), Les Dix Paroles, Paris, 1995, 513-525 et 527-538.
50
fr. Didier van HECKE, GB GSA, Le Pentateuque, 2014/2015.
suis compatissant, moi. (Ex 22,20-26)
Trois traits théologiques caractérisent l'ensemble de ce texte législatif :
1- Dieu est celui qui lie son sort à celui des pauvres. Le verset 24 met en parallèle le peuple de Dieu
("mon" peuple) et le malheureux (le pauvre). Le peuple des pauvres est ainsi présenté comme le peuple
de Dieu par excellence. Le v. 26 amplifie cette idée : Dieu se fait protecteur du pauvre.
2- La Loi affirme fortement la solidarité existant entre les israélites d'une part et les immigrés (v. 20) et
les pauvres (v. 25) d'autre part. Le v. 20 invite les israélites à se remémorer leur passé d'émigrés : en
affirmant le lien unissant le destin d'Israël à celui des émigrés, la Loi renverse les apparences et les
évidences de la société. La hiérarchie sociale est contestée au nom même de Dieu. L'émigré comme le
pauvre sont des proches, des prochains et la Loi invite à redécouvrir cette proximité et les obligations
qu'elle créé.
3- L'articulation proposée par le code de l'Alliance entre lois cultuelles et lois éthiques a un sens
théologique. Les deux sont réunies dans un même ensemble et ne vont pas les unes sans les autres.
Rendre un culte à Dieu consiste aussi à honorer la dimension éthique de la Loi en prenant soin de
l'émigré, du pauvre, de la veuve. La relation qui existe entre Dieu et son peuple ne se résume pas au
domaine cultuel ou à des pratiques religieuses. Cette relation embrasse toutes les dimensions de
l'existence, et tous les temps de la vie.
4 L'ALLIANCE : UNE CATEGORIE FONDAMENTALE
L'Alliance est une notion centrale de la Bible au point que, dans la tradition chrétienne, "Alliance" est
le terme même qui désigne l'Ecriture Sainte. Le mot "Testament" utilisé pour désigner la Bible
Hébraïque (Ancien Testament) ou les textes canoniques chrétiens (Nouveau Testament) est le décalque
du mot latin "testamentum". Ce mot traduit le terme grec "diathèké", lui-même renvoyant au mot
hébreu "berît". Ce dernier se traduit en français par alliance, serment ou engagement. On pourrait donc
parler des livres de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance.
Il faut souligner l'originalité de la perspective biblique qui conçoit l'idée d'une alliance entre Dieu et les
hommes. Celle-ci ne se retrouve guère en dehors d'Israël. Dans la Bible, ni Dieu, ni son peuple
n'existent et n'agissent sans tenir compte l'un de l'autre. Dieu et l'homme sont partenaires. L'idée d'une
alliance entre Dieu et l'Homme, et non d'une simple relation, est peut être "la contribution la plus
originale de la pensée hébraïque à l'histoire religieuse de l'humanité"5.
L'initiative de l'Alliance revient à Dieu lui-même. Elle appelle une réponse du peuple, réponse dont le
contenu consiste à écouter la voix de Dieu et à mettre en pratique les lois et commandements exposés à
partir d'Ex 20. L'Alliance est donc le don gratuit de Dieu qui noue une relation avec un peuple
particulier, don gratuit appelant la réponse du peuple exprimée par le respect de la Loi divine.
Cette notion d'Alliance se réfère à la vie du peuple et cherche à l'influencer. Elle donne à Israël un
moyen de comprendre son histoire. Elle explique la prospérité comme réalisation des promesses et les
catastrophes comme des punitions ou des avertissements, l'Exil comme une conséquence de la
violation de l'Alliance. Dans cette perspective, elle est souvent utilisée de manière rétroactive : le récit
de l'Alliance au Sinaï dit en réalité ce que l'on comprend de l'Alliance au VIIe siècle ou même plus tard
au moment de l'Exil.
CONCLUSION
Au terme de cette rencontre, il est temps pour nous de redescendre maintenant de la montagne. Oui,
dans l'Écriture, qui nous promène d'une montagne à l'autre, ce n'est pas seulement de Moïse ou de
Jésus dont il s'agit, mais de chacun, appelé à revisiter ces lieux saints qui lui sont proches.
Quand la confusion nous habite et que nous ne savons plus bien où nous en sommes, quand les
activités nous font perdre la visée, il n'y a pas d'autre chemin à prendre que celui qui nous ramène à
l'Exode, jusque sur la montagne du don.
Et puis, alors redescendons et reprenons la route !!!
5
André NEHER, L'essence du prophétisme, Paris, 1983, 111.
51
fr. Didier van HECKE, GB GSA, Le Pentateuque, 2014/2015.
Servitude, passage, épreuve (nous ne l'avons qu'évoqué), alliance et don de la Loi sont les quatre
grandes paroles du livre de l'Exode. Elles font de l'Exode un chemin universel d'humanité, le
déploiement d'une quête, la recherche d'un bonheur.
Ce livre dénonce la servitude humaine quelle qu'elle soit. Elle est le malheur absolu.
Il dit toute l'œuvre de libération que l'homme peut entreprendre avec l'aide de Dieu.
Il concentre dans l'événement du passage de la Mer toutes les expériences humaines de
passage, des plus anodines aux plus décisives.
Il s'attarde sur la place et la fonction de l'épreuve dans une vie : ni goût de l'exploit, ni
exaltation de la souffrance, mais apprentissage de la vie commune et de la découverte de la
proximité de Dieu.
Il se clôt par le don le plus grand, celui qui doit permettre aux hommes de vivre en paix avec
leurs semblables. La Loi est le ciment du peuple, son âme, et Dieu, alors, demeure avec lui.
Mais le peuple écoutera-t-il ? Question qui franchit la clôture du livre et déborde sur toute la Bible.
Combien de fois il oubliera et il reviendra… Chaque redécouverte de la Loi sera pour lui une
renaissance.
Plan
INTRODUCTION ............................................................................................................................................. 43
1 LA THÉOPHANIE ET LA PRÉPARATION DE L'ALLIANCE (Ex 19,1-25) ..................................... 43
11 L'arrivée au Sinaï (19,1-2) ............................................................................................................................... 43
12 La proposition d'Alliance (19,3-8)................................................................................................................ 43
13 Préparation à la théophanie (19,9-15) ....................................................................................................... 44
14 La théophanie (19,16-20) ................................................................................................................................ 44
2 LA CHARTE DE L'ALLIANCE : LES DIX PAROLES (Ex 20,1-17) .................................................... 45
21 Présentation du Décalogue ............................................................................................................................. 45
22 Le Décalogue : un projet de libération ........................................................................................................ 46
221 C’est moi le Seigneur ton Dieu .................................................................................................................................. 46
222 Qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude ................................................................. 46
223 Une Loi pour un peuple libre .................................................................................................................................... 47
23 Commentaire rabbinique de quelques paroles ....................................................................................... 47
1ère parole (v. 2) : « fais exister l’infini » ........................................................................................................................ 47
2ème parole (vv. 3-6) : « un Dieu qui répond » ............................................................................................................. 47
3ème parole (v. 7) : « refuser l’indifférence » ................................................................................................................ 48
4ème parole (vv. 8-11) : « souviens-toi de ton futur » ............................................................................................... 48
5ème parole (v. 12) : « apprends la gratitude » ............................................................................................................ 48
6ème parole (v. 13) : « JE SUIS ou l’unique qu’il est interdit de tuer » ................................................................ 48
7ème parole (v. 14) : « être capable d'entendre la parole de filiation » .............................................................. 48
8ème parole (v. 15) : « ne pas s’accrocher aux seins » ............................................................................................... 49
9ème parole (v. 16) : « comment aimer son prochain comme soi-même ? » .................................................... 49
10ème parole (v. 17) : « ne crois pas que l’autre t’a volé ton origine » ............................................................... 49
24 Le Décalogue dans le Nouveau Testament ................................................................................................ 49
Conclusion ................................................................................................................................................................... 49
3 LE CODE DE L'ALLIANCE (Ex 20,22-23,19) ....................................................................................... 50
4 L'ALLIANCE : UNE CATEGORIE FONDAMENTALE ........................................................................... 51
CONCLUSION ................................................................................................................................................... 51
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