newsletter –juin 2016

Transcription

newsletter –juin 2016
NEWSLETTER – JUIN 2016
DROIT IMMOBILIER
LDTR – Restrictions à la vente d’un logement à son locataire
Par votation populaire du 5 juin 2016, les Genevois ont refusé par une majorité de 51.8% une
modification de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation
(LDTR) visant à permettre à des locataires de longue date d’accéder à la propriété de leur
appartement. La présente newsletter entend fournir un bref rappel du contexte de cette votation et
des restrictions imposées par la LDTR en matière d’aliénation des appartements locatifs situés dans
le canton de Genève.
I.
CONTEXTE DE LA VOTATION
La LDTR est une loi cantonale genevoise qui a pour but
la préservation de l’habitat et des conditions de vie
existants. Cette loi prévoit notamment des restrictions
quant à l’aliénation des appartements destinés à la
location.
La modification législative soumise à votation avait
pour objectif d’autoriser, à certaines conditions, la
vente d’un appartement au locataire qui l’occupe et
ainsi supprimer l’actuel art. 39 al. 3 LDTR devenu
impraticable au fil du temps.
Cette disposition, dans sa teneur actuelle, prévoit
qu’un locataire peut être autorisé à acquérir son
logement si (i) le locataire en question occupe
effectivement son logement depuis au moins 3 ans, (ii)
60% des locataires de l’immeuble acceptent
formellement cette acquisition et (iii) les locataires
restants obtiennent la garantie de ne pas être
contraints d’acheter leur appartement ou de partir.
Bon nombre d’autorisations ont été accordées sur
cette base jusqu’à ce que les tribunaux durcissent la
situation en ajoutant une condition supplémentaire :
l’intérêt privé devait en plus être prépondérant par
rapport à l’intérêt public consistant à garder des
appartements sur le marché locatif. Alors même que
les conditions de l’art. 39 al. 3 LDTR étaient réunies, il
convenait ainsi au propriétaire et/ou au locataire de
démontrer que leur intérêt privé à la vente prime
l’intérêt public au maintien de l’affectation locative de
l’appartement.
Dans la pratique, tant les tribunaux cantonaux que le
Tribunal fédéral ont largement limité la portée de l’art.
39 al. 3 LDTR en niant quasi systématiquement la
NEWSLETTER | JUIN 2016
prépondérance de l’intérêt privé par rapport à l’intérêt
public de la préservation du parc immobilier de
logements locatifs.
Cette jurisprudence a eu un impact considérable sur la
pratique du Département de l’aménagement, du
logement et de l’énergie (DALE) dans la délivrance des
autorisations de vente.
C’est dans ce contexte que le Grand Conseil a adopté
le 13 novembre 2015 un projet de loi modifiant la
LDTR. Cette modification prévoyait le droit des
locataires d’accéder à la propriété de leur
appartement à condition notamment que le locataire
ait effectivement occupé son appartement depuis au
moins 5 ans et le prix de vente ne dépasse pas CHF
6'900.- le mètre carré.
L’ASLOCA et le Rassemblement pour une politique
sociale du logement ont lancé un référendum contre
cette modification législative, ce qui a amené les
Genevois à se prononcer le 5 juin 2016 et à rejeter
cette modification de la LDTR.
Les restrictions en matière de vente d’un logement à
son locataire sont dès lors maintenues. Il est donc
essentiel pour les propriétaires de connaître leur
étendue à l’aune de la jurisprudence récente du
Tribunal fédéral.
II.
RESTRICTIONS
EN
MATIÈRE
D’ALIÉNATION
DES
APPARTEMENTS LOCATIFS
A.
Principe
La vente d’appartements situés à Genève et tombant
dans le champ d’application de la LDTR est soumise à
autorisation du DALE.
La LDTR vise spécifiquement les appartements à usage
d’habitation, jusqu’alors offerts en location dans la
mesure où l’appartement entre, en raison de son loyer
ou de son type, dans une catégorie de logements où
sévit la pénurie (taux des logements vacants inférieur
à 2% du parc immobilier par catégorie). En pratique,
cela signifie qu’une très large majorité des
appartements locatifs sont visés, étant précisé que
pour l’année 2016 (à l’instar des années précédentes),
le Conseil d’Etat a arrêté que les appartements de 1 à
7 pièces se trouvent dans un état de pénurie.
B.
Motifs d’autorisation
Selon les dispositions actuelles de la LDTR, la vente
d’un appartement locatif doit être autorisée lorsqu’il
(i) a été, dès sa construction, soumis au régime de la
propriété par étages ou à une autre forme de
propriété analogue, (ii) était, le 30 mars 1985, soumis
au régime de la propriété par étages ou à une autre
forme de propriété analogue et qu’il avait déjà été
cédé de manière individualisée, (iii) n’a jamais été loué
et (iv) a fait une fois au moins l’objet d’une
autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR.
L’objet de la votation du 5 juin 2016 s’inscrivait dans
ce cadre dans la mesure où la loi entendait ajouter à
cette liste l’acquisition par un locataire de
l’appartement qu’il occupe comme nouveau cas de
vente autorisée.
C.
Motifs de refus
Lorsqu’un cas de vente autorisée ne se présente pas,
le DALE doit procéder à une pesée des intérêts entre
l’intérêt privé de l’acquéreur d’acheter (ou du
propriétaire de vendre) le logement et l’intérêt public
du maintien, en période de pénurie, de l’affectation
locative de l’appartement loué. Le DALE refuse
l’autorisation lorsque l’intérêt public prime l’intérêt
privé, ce qui, dans la pratique, est souvent le cas.
Les seules exceptions prévues par le règlement
d’application de la LDTR où l’intérêt privé est présumé
l’emporter sont les ventes intervenues pour que le
propriétaire puisse (i) liquider son régime matrimonial
ou une succession, (ii) satisfaire à un plan de
désendettement ou (iii) prendre un nouveau domicile
en dehors du canton de Genève.
D.
Vente d’un logement à son locataire
L’autorisation de vendre un logement à son locataire
peut se fonder tant sur les motifs généraux
d’autorisation (cf. Supra II B) que sur les critères
uniquement applicables à la vente au locataire en
place (cf. principes exposés sous Supra I). Dans ce
dernier cas et comme nous l’avons indiqué, la
jurisprudence actuelle démontre que le DALE et les
tribunaux nient quasi systématiquement la
NEWSLETTER | JUIN 2016
prépondérance de l’intérêt privé du locataire ou du
propriétaire par rapport à l’intérêt public de la
protection du parc locatif.
Les tribunaux considèrent en effet qu’un intérêt de
pure convenance du locataire (par exemple obtenir le
droit de disposer librement de son appartement afin
d’en jouir durablement ou d’en disposer pour cause de
mort), n’est pas prépondérant face à l’intérêt public
compte tenu de la pénurie notoire sévissant dans le
canton de Genève.
Un arrêt récent du Tribunal fédéral mérite d’être cité
dans ce contexte (1C_68/2015). En effet, le Tribunal
fédéral a annulé un refus du DALE d’autoriser une
vente d’un appartement à son locataire au motif que
l’intérêt privé de l’acquéreur primait l’intérêt public de
la préservation du parc immobilier locatif. Le Tribunal
fédéral précise que « (…) l’autorité ne peut se
contenter d’évoquer de manière générale la nécessité
de maintenir le logement dans le régime locatif, sans
quoi une autorisation de vente ne serait pratiquement
jamais possible (…) ». En l’occurrence, le Tribunal
fédéral a relevé que le locataire en question (i)
occupait son logement depuis plus de six ans, (ii)
établissait sa volonté de l’occuper sur le long terme,
(iii) acquérait l’appartement à un prix inférieur à celui
du marché et (iv) payait des frais pour l’acquisition de
son logement qui lui revenaient finalement moins cher
que le montant des loyers.
Cet arrêt du Tribunal fédéral assouplit quelque peu la
jurisprudence stricte rendue jusqu’alors en matière de
vente d’appartements aux locataires en place.
III.
CONCLUSIONS
A Genève, la LDTR est considérée par certains comme
la bête noire de l’immobilier.
Faisant suite à de nombreuses décisions judiciaires,
tant au niveau cantonal que fédéral, le DALE a élaboré
des pratiques qui sont issues d’une interprétation très
restrictive de la loi.
Obtenir une autorisation sur la base de l’exception
prévue à l’art. 39 al. 3 LDTR se révèle ainsi
extrêmement difficile en pratique, malgré un
assouplissement récent de la jurisprudence.
La LDTR a connu une longue série de votes,
notamment sur la question de la vente
d’appartements aux locataires en place. Plusieurs
projets de loi visant à réformer encore la LDTR ont
déjà été déposés.
Il est donc certain que les Genevois seront amenés à
voter à nouveau sur cette loi à l’avenir.
2
Le contenu de cette newsletter est de nature générale et ne peut en aucune manière être assimilée à un avis juridique ou
fiscal. Si vous souhaitez obtenir un avis sur un état de fait particulier, n’hésitez pas à contacter l’un des avocats suivants :
CONTACT
JNC AVOCATS
STÉPHANE JORIS
ANIL NAIR
PAOLO CAVARGNA
Boulevard des Philosophes 9
1205 Genève
T : +41 (0)22 566 12 90
F : +41 (0)22 566 12 89
[email protected]
www.jncavocats.ch
Associé
Associé
Associé
[email protected]
[email protected]
[email protected]
NEWSLETTER | JUIN 2016
3

Documents pareils