Le financement d`Eurotunnel

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Le financement d`Eurotunnel
Le financement d’Eurotunnel
Économie et gestion de la construction Habib Hjiej Maël Robin Hao Wang Mercredi 17 janvier 2007
Plan
n Construction et début d’exploitation : 86 – 95 n Les restructurations : 1995 – 2004 n La solution de la dernière chance : 2004 ­ ?
Construction et début
d’exploitation : 1986 - 1995
Historique du projet
n Tentatives en 1802 et 1882 1800m de galeries creusées n 1975 : tentative mais cessation des travaux (choc pétrolier et élections UK)
Historique du projet
n 1980 : Thatcher: « Not a single penny » (doctrine politique British Tel et Airways) n 1982 : Étude de faisabilité préconise un tunnel n 1984 : Rapport de faisabilité financière (rapport des 5 banques BNP, LCL, Indosuez, National Westminster Bank, Midland Bank) à complètement bafoué
Choix du concessionnaire
n Eurotunnel choisi parmi 4 projets. n 70% Constructeurs : § § § § § n Bouygues, Dumez, SPIE Batignolles Société Auxiliaire d’entreprises, Balfour Beatty, Taylor Beatty. 30% : Les 5 banques
Technique du financement de projet
n Financement d’une unité viable techniquement… … capable de générer suffisamment de cash flow… … pour assurer le service de la dette… …la rémunération du capital… … et la couverture des risques opératoires. n Pas de recours aux actionnaires en dehors du projet. à En contrepartie, la banque s’octroie des droits supplémentaires et une meilleure rémunération. n Fort endettement dû à une volonté politique ici 80% de dette et 20% de fonds propres : ratio mal adapté n Répartition de chacun des risques à celui qui est le mieux à même de les supporter.
Extraits du cours de l’ENPC
n Travaux à prix ferme. n Détermination de la date de fin des travaux. n Pénalités de retard pour dépassement du délai de réalisation (versées par le constructeur au concédant).
Le contrat de construction :
Un conflit d’intérêt
n Contrat attribué sans transparence (contrat privé) n Contrat avec soi­même !!! n Contrat prétendument clé en main : ­> En fait, un financement de projet inabouti. n 3 types qui posent problème: n n n n Travaux en dépenses contrôlées: Eurotunnel paye le prix de revient+16.6% 13.2MdsF­>21MdsF Forfaits de 6.8 et 4.8MdsF qui sont passés à 12 et 6 MdsF Matériel roulant: 2.45MdsF­>7MdsF Coûts supplémentaires: n 70% Eurotunnel n 30% constructeurs
Le contrat de financement :
des avantages pour les banques
n Conventions de crédit très attrayantes pour les banques. n Durée élevée de la concession : 55 ans (actionnaire si 30 ans perte de 0.81 %) n Droit de substitution (force de négociation) n Ratios de sécurité élevés
Introduction en bourse
n Placement privé auprès d’institutionnels : 2 MdsF n Introduction publique en bourse en novembre 1987 (malgré krach boursier octobre 1987): 7.7 MdsF
Les difficultés de construction :
de 47 Mds F à 76,6 Mds F
n Roche moins favorable que prévu: adaptation du matériel + retards n « Retards rattrapables moyennant les mesures appropriées » mais mesures et surcoût non précisés aux actionnaires n Système d’aération oublié !!! Trains à 160km/h 50°c n Un an de retard : q q q n Coûts dus aux réajustements Coûts financiers Coûts main d’œuvre Malgré cela, en 90, indemnités de retard plafonnées!!! Rames : normes gouvernementales imposent des changements coûteux
Augmentations de capital
n 1990: effet d’annonce jonction des 2 forages 6MdsF n Mai 94: effet d’annonce ouverture d’Eurotunnel 7MdsF n Juin 94: ouverture d’Eurotunnel
Les difficultés d’exploitation
n Les Ferrys font du dumping et se rattrapent sur le duty free (ils perdent cet avantage seulement en 1999). n Trafic passagers insuffisant. n Coûts d’exploitation plus élevés que prévu. n Incendie en 96 : réparation de novembre 96 à mai 97 26 mai 94: 72.85 MdsF de dettes!
n Cascade des paiements
n Avec le cash dégagé on paie par ordre de priorité: q Frais d’exploitation n n Intérêts de la dette senior Principal de la dette senior q q Intérêts de la dette junior Principal de la dette junior § Rémunération du capital
Le cours de bourse :
actionnaires mal informés, ventes à découvert
Restructuration de la dette :
de 1995 à 2004
Pourquoi une restructuration
n La situation réalisée n’est pas celle qui avait été prévue : n Dépassement des coûts de construction. n Retard dans l’exploitation. n Recettes d’exploitation très inférieures aux niveaux espérés. n Le risque de construction a disparu. n Eurotunnel ne peut faire face à sa charge d’intérêts.
Restructuration en deux étapes
n 1998 : n n n Substitution d’une dette financière à la dette bancaire. Utilisation de titres hybrides. 2000­2002 : n n Réorganisation de la dette bancaire. Diminution de la part de titres hybrides.
État de la dette en 1995
n Dette bancaire d’un montant de ~11 Mds € Dette senior
540m € Prêt BEI/CECA 189m € Dette junior 10.200m € Restructuration de 1998
n n Réduction de la dette junior. Émission de titres hybrides : n n n n Obligations remboursables en actions (ORA) Avances à taux révisable Obligations participantes Mise en place du système des avances de stabilisation. Avant
Dette junior Total Après 10,2Mds € 10,2Mds € Dette junior 5,045Mds € ORA 1,359Mds € Av. Révi. 2,049Mds € PLN 1,637Mds € Total 10,09Mds € Obligations remboursables en actions
n Émission le 7 avril 1998 de 645m d’ORA. n Portent intérêt à 4,45% l’an. n Doivent être remboursées (par conversion en actions) avant 31/12/2003.
Avances à taux révisable
n Correspondent à un crédit à taux révisable qui peut être converti en obligations. n Portent intérêt au taux de rendement brut des emprunts d’état majoré de : n n n 50 pdb jusqu’en 2006 puis de 150 pdb après. Remboursables avant 2050.
Obligations participantes (PLN)
n Émises le 7 avril 1998 pour un montant de 1,6Mds €. n Versement : n Coupon fixe de 1% jusqu’à leur amortissement total. n Coupon variable après 2006 : 30% du cash flow disponible après charges financières. n Remboursement avant 2040 (par anticipation ou par rachat sur le marché).
Avances de stabilisation
n Mise en place d’une période de stabilisation jusqu’en 2006. n Possibilité de tirage tous les 6 mois pour payer les intérêts qui ne peuvent être honorés en numéraire. n Montant plafonné. n Après 2006 : paiement des intérêts de ce crédits à taux Euribor + 125 pdb. n Amortissement entre 2018 et 2026 sauf remboursement anticipé.
Conséquences de cette première
restructuration.
n Pas d’amélioration de l’endettement. n Les flux de trésorerie vont en intégralité aux créanciers (soit en charges financières soit en puisant dans les fonds propres). n Permet le paiement de la dette par les fonds propres ce qui n’est pas normalement possible. n Une clause interdit le versement de dividendes avant 2006. n Évaluation de recettes encore exagérée.
1999 : échec de la restructuration
n Février 1999 : rachat de 206m € de PLN et 2m € de stab avec 67m € de cash. n Mai 1999 : augmentation de capital n n n n Remboursement de 188m d’ORA. Augmentation de capital de 396m €. Émission de 40m € d’avances de stabilisation. Octobre 1999 : augmentation de capital. n Émission de 250m d’actions pour racheter : q q q n 294m € d’avances révisables 161m € de PLN 24m € d’avances de stabilisation Implique le paiement en cash de 216,2m €.
Enseignements
n Slogan « effacement de créance » est faux : les créances transformées en quasi­fonds propres sont effectivement remboursées par les augmentations de capital. n Utilisation de la crédulité et de la fidélité des actionnaires.
Les opérations FLF de 2000-2002
n FLF (Fixed Link Finance) : opération complexe de titrisation de dette. n But : q Rehaussement de crédit. q Simplification de la structure de la dette. q Réaliser pour Eurotunnel un bénéfice sur le paiement des intérêts.
Opération FLF1 : novembre 2000
n La dette junior bancaire qui comportait neuf tranches de priorités diverses devient une dette junior à trois tranches. n Priorités de remboursement et taux différents. n Amortissement entre 2007 et 2025. n L’opération est en faveur d’Eurotunnel grâce à une décote sur le prix de sa dette et les meilleurs taux obtenus par le rehaussement. n Néanmoins, l’opération coûte 94m €.
Opération FLF2 : juillet 2002
n n Création d’une nouvelle dette junior de 1.082m € (Tiers 1A). But : n Rachat anticipé de 580m € d’ORA. n Rachat de 908m € d’avances révisables. n Réduction des avances de stabilisation de 364m €. n Coût du montage financier : 32m €. n Implique l’émission d’obligations garanties par un assureur.
Bilan des FLF
n Réélaboration des structures de crédit. n Simplification de la structure de dette junior qui devient dans les faits exclusivement obligataire. n Réduction de la part des titres hybrides et remboursement complet des ORA.
Structure de financement en 2004
Millions d’euros
Dette senior Dette junior Dette senior 343 Prêt BEI/CECA 189 Tiers 1A Total 532 1082 T1 791 T2 1304 T3 2595 Titres hybrides PLN Millions d’Euros 4690 1258 Stab. 819 Ob. À tx. Révis. 678 9059 Bilan de la restructuration
n Le qualificatif de scandale financier est approprié. n Les fonds propres d’une infrastructure ne doivent pas servir aux paiements des charges financières. n L’ingénierie financière a rendu incompréhensible la structure de financement d’Eurotunnel … …l’exploitation bien que rentable est maintenant en situation virtuelle de cessation de paiement. n Désinformation financière aux actionnaires.
La solution de la dernière chance
le plan 2006
Le nouveau plan de restructuration
n Pourquoi faut­il un 2 ème plan? ­> Sinon risque de liquidation n Proposé par le PDG du groupe. n Élaboré par Goldman Sachs/ Macquarie/ Barclays et approuvé par les créanciers bancaires et obligataires. n Étape décisive pour sauver Eurotunnel: ­> Passe par la création d’une nouvelle entité : Groupe Eurotunnel.
Deuxième Plan de restructuration
n
Principe de cette restructuration:
q Ramener l’endettement à un niveau compatible avec
les performances de l’exploitation.
q
Désengagement vis-à-vis de la plupart des anciens
créanciers.
q
Financement soutenu par des investisseurs ayant une
politique de long terme.
q
Offrir aux actionnaires de réelles perspectives.
Restructuration de l’endettement
Endettement actuel(millions d'euros)
Dette senior
532
Tiers 1A (FLF2)
1082
Dette Junior
--Tier 1
791
--Tier 2
1304
--Tier 3
2595
Dette subordonnée:
--PLN
1258
--Stabs
819
--Resetts
678
9059
Dette restructurée(millions d' euros)
Nouvelle Dette Senior
2646
Tier 1A (FLF2)
1082
Dette Mezzanine
512
4240
Restructuration de l’endettement
Émission de titres hybrides.
n Tout d’abord quelques notions financières: q q q OPE : offre publique d’échange (utilisation fréquente en fusion acquisition). Bons de souscription. Obligations convertibles. ­>Ces opérations présentent des avantages face à l’augmentation de capital.
Émission de titres hybrides
n
Émission de 1,46 Mds € de titres hybrides cotés,
subordonnés et convertibles en actions de la nouvelle
société :
q
Proposés à certains créanciers (dettes junior Tier 3)
en échange de leurs créances actuelles.
q
Soit remboursables en espèces :
q cash flows disponibles
q endettement supplémentaire
q augmentation de capital.
Émission de titres hybrides
§ Sans opposition possible des détenteurs jusqu’à 40% de
l’ émission et au-delà pour la totalité de l’émission.
§ avec une prime de remboursement
§ Soit convertible obligatoirement en actions pour la partie
non remboursée :
§ 50% convertibles au bout de 3 ans
§ 25% convertibles au bout de 4 ans
§ 25% convertibles au bout de 5 ans
Émission de titres hybrides
n Aucune dilution pendant 3 ans, puis limitée entre 0 et 87% par 2 mesures : n Remboursement ou rachat de titres hybrides. n Bons de Souscription d’Actions gratuits attribués aux actionnaires ayant suivi l’OPE. n Donnent droit à des intérêts annuels de 6% majorés de 3% dans la limite de la trésorerie disponible.
Offre Publique d’Échange
n Permettant aux actionnaires d’Eurotunnel de rejoindre la nouvelle société. n Lancée en France et au Royaume­Uni. n Une unité Eurotunnel = une action Groupe Eurotunnel + attribution gratuite de bons de souscription + avantages tarifaires sur les navettes + droit de vote double pour ceux inscrits pendant une durée de deux ans n Possibilité de regroupement des actions (1/40)
Allocation des cash flows disponibles
l l Service de la dette: <220 millions € par an (contre 450 millions € par an aujourd’hui) Marge prévisionnelle pour 2007­2009 : entre 33% et 35%
Cette restructuration peut-elle réussir ?
n
Elle a reçu l’approbation des créanciers bancaires et
obligataires.
n
Tout dépend maintenant des petits actionnaires (2/3 des
FP) qui décident ou non de participer à l’OPE.
n
Peur de la dilution de capital :
“ Il nous faut des garanties que nous conserverons
deux tiers du capital dans 3 ans.”
n
Jacques Gounon:
“un équilibre optimal entre actionnaires et créanciers. ”
Conclusion
n Un mauvais financement initial… n Une restructuration financière qui se trompe d’objectif… n Une tentative de la dernière chance qui ressemble étrangement aux erreurs du passé…