Paris, le 8 décembre 2011 Mme Carine Favier
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Paris, le 8 décembre 2011 Mme Carine Favier
Paris, le 8 décembre 2011 Mme Carine Favier Présidente du Planning Familial 4, square St Irénée, 75011 Paris Mme Favier, Ecologie et féminisme partagent bien des points communs. Parce que là où il y domination, de l’humain sur la nature, des hommes sur les femmes, il y a déséquilibres, inégalités, et danger. Ce n’est pas en la matière un léger retard que nous avons à rattraper, mais une mutation majeure qu’il faut proposer à la société. Les propositions du Planning Familial contribueront, j’en suis certaine, à cette mutation. C’est pourquoi je les fait miennes. Vous trouverez ci‐dessous mes réponses détaillées à vos propositions. Au plaisir d’en discuter avec vous, Eva Joly 1. Ministère des droits des femmes En 2007, Nicolas Hulot a mis en lumière le caractère transversal de la protection de l’environnement, et a imposé aux candidats à l’élection la création d’un Ministère aux pouvoirs élargis, pouvant agir sur de nombreuses politiques publiques. En 2012, je veux contribuer à convaincre les Français que la lutte pour les droits des femmes est transversale, et qu’elle nécessite un Ministère dédié, chargé de défendre ces droits et de « sexuer » toutes les statistiques et les politiques. La journée mondiale de lutte contre le sida, la semaine dernière, a ainsi été l’occasion de montrer l’inquiétante augmentation de la part des femmes dans les nouvelles infections. Je dis donc oui à un Ministère des droits des femmes mais, à l’image de ce qu’il est advenu de l’environnement depuis 2007, je sais que ce n’est qu’un début et certainement pas un aboutissement. Parité en politique et dans la fonction publique, égalité salariale, lutte contre les temps partiels subis, retraites… Mes engagements en faveur des femmes seront nombreux et j’attends de mes concurrents qu’ils soient jugés sur la globalité de leur programme en faveur des droits des femmes, pas seulement sur la création d’un Ministère qui peut malheureusement devenir une coquille vide. 2. Egal accès à l’information et à la contraception sur tout le territoire La maîtrise de la fécondité est un enjeu majeur pour l'autonomie des femmes dans nos sociétés inégalitaires. C’est pourquoi je souhaite renforcer l’information et l’accès à la contraception. Cela doit se faire évidemment au plus près des citoyens, et je soutiens donc votre volonté de mettre en place des réseaux de territoire qui s’appuient sur les structures existantes comme les centres de planification ou les EICCF. Je souhaite aussi aller plus loin. Alors que leur sexualité reste une question souvent taboue, et que la contraception demeure encore une « affaire de filles », l’éducation à la sexualité doit devenir une réalité dès 2012. Prenons aussi l’exemple la médecine scolaire. Cette dernière est en déperdition, sans moyens et sans orientation claire ! Des collèges et des lycées ne disposent plus d'aucune infirmerie. Je crois au contraire qu'il faut renforcer la médecine scolaire, lui donner plus de moyens et mieux valoriser les professionnels qui y travaillent, pour en faire un levier d'accès aux soins et, surtout, à la prévention et à l'information, notamment dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive. Les adolescentes et les adolescents doivent pouvoir y trouver un lieu où l'on peut discuter et écouter sans crainte du jugement, et avoir accès à une information fiable. Je suis favorable au développement de l'offre de « Pass contraception » pour les jeunes. 3. Avortement Avec la tarification à l’acte et la loi HPST, le gouvernement réussit à faire ce dont les commandos anti‐IVG ont toujours rêvé. Des centres IVG ferment et les délais pour un IVG augmentent à tel point que vous être obligé, au Planning Familial, d’envoyer des femmes se faire avorter aux Pays‐Bas. C’est pour dénoncer cette situation que je me suis rendue samedi 24 septembre, aux côtés de nombreuses associations, à la manifestation de soutien à la Maternité des Lilas. Il y a beaucoup à faire pour inverser cette tendance et défendre le droit des femmes à disposer de leur corps : assurer un accueil de proximité, revaloriser l'acte d'IVG, appliquer l’obligation faite aux hôpitaux publics d’accueillir des centres d’orthogénie, soutenir les associations de défense des droits des femmes… Leurs combats sont les miens. La clause de conscience relève d'une décision personnel de certains médecins mais les patientes ont des droits. Il appartient aux agences régionales de santé de faire appliquer la loi et l'obligation de soin. Les patientes ne peuvent être otages des convictions de membres du corps médical. 4. Maternité et proximité La logique de concentration, je la refuse. Elle désorganise les services, déstructure les équipes et faire perdre les compétences et savoir‐faire collectivement acquis. J'ai d'ailleurs pu la constater lors de ma visite au début de cette année au service pédiatrique de l'Hôpital Trousseau, menacé d'un regroupement refusé par des personnels soucieux de conserver leur savoir‐faire. Je refuse la concentration des maternités, je ne veux pas d’usines à bébé. Je veux des lieux de proximité où les femmes peuvent faire de l’accouchement une expérience humaine, où elles peuvent être écoutées et décider. A l’image de la Maternité des Lilas. Pour le gouvernement, on peut traiter un patient comme une pièce d’auto dans une usine. On peut gagner en productivité, on peut faire des économies d’échelle. Mais c’est en prenant le temps de l’écoute aujourd’hui qu’on évite les dépenses de demain, c’est en préparant les futures mamans qu’on évite des complications à l’accouchement. 5. Éducation à la sexualité Nous vivons dans une société qui opprime les femmes ET les hommes en les enfermant dans des rôles genrés, bien cloisonnés, et qui seraient complémentaires. La vérité, c’est que ces rôles attribués empêchent l’autonomie de chacune et de chacun et qu’il est temps de les déconstruire. C’est pourquoi la lutte contre les stéréotypes sexistes est primordiale. Et c’est pourquoi je regrette que l’éducation à la sexualité, pour les garçons et les filles, n’ait pas été mise en place. La loi de 2001 a posé des bases mais il faut aller plus loin que sa simple application : trois séances par an d'éducation à la sexualité ne suffiront pas. Il faut impérativement intégrer la réflexion aux questions de genre et de sa construction. Je souhaite que les chefs d'établissements aient la possibilité de faire appel à des intervenants extérieurs compétents, comme le Planning Familial par exemple, qui ont l'expérience de ce genre de formations. 6. Violence faites aux femmes Au pays des droits de l'homme, les droits des femmes sont tous les jours bafoués, violentés. Les propos qui ont suivi l’affaire DSK ont été odieux : la violence sexuelle a été banalisée et justifiée. Et dire que la lutte contre les violences faites aux femmes était grande cause nationale en 2010… 2012 doit être l’année d’une loi cadre pour lutter contre les violences faites aux femmes. Une loi qui permettra d’augmenter le nombre de logements d'urgence pour les femmes victimes de violence. Une loi qui conduire à la formation des personnels de justice, de police ou encore de gendarmerie à la prise en charge des femmes victimes. Une loi qui sera complétée par une campagne de sensibilisation sur la violence conjugale, visant les victimes et l’entourage, pour favoriser la déclaration des violences. 7. Politique familiale Ma conception de la famille, ce n’est pas la femme à la maison et l’homme au boulot. Ma conception de la République, ce n’est pas l’ordre moral. Tout comme l’Etat n’a pas à favoriser ou interdire des religions qui respectent le vivre ensemble, je me méfie de son implication sur les modèles familiaux. Comment accepter par exemple qu’il traite différemment les couples ou les parents selon leur orientation sexuelle. Je suis évidemment favorable au mariage homosexuel et à l’adoption pour tous. 8. Associations Une démocratie vivante va bien au‐delà des bancs de l’Assemblée nationale. Elle associe les citoyens et garantit des contre‐pouvoirs. Les écologistes ont de nombreuses propositions pour enrichir la démocratie : réforme des commissions du débat public, referendum citoyen mais aussi développement de l’économie sociale et solidaire et du secteur associatif. Donner les moyens aux associations de jouer ce rôle, et en particulier celles qui agissent pour aider les femmes, et la conséquence logique de cet envie de démocratie. 9. Parité et réforme des collectivités La réforme territoriale a de nombreux défauts, parmi lesquels de faire reculer la parité avec la création du conseiller territorial. Elle doit être abrogée. Je souhaite aller plus loin concernant la partie en politique. Tout en renforçant la parité de candidatures aux élections, je veux aller vers la parité de résultat. Tout parti qui n'aura pas à minima 40% de femmes parmi ses représentant‐es élu‐es verra son financement public diminué. 10. International En matière de coopération internationale, je souhaite que l'égalité et les droits des femmes soient un axe à part entière des politiques d'aide publique au développement (comme c'est le cas au Danemark ou en Finlande). Il faut plus que jamais financer les programmes qui ont un impact direct sur l'émancipation des femmes (eau, éducation, santé) et intégrer un volet dans tous les autres programmes : énergie, environnement, agriculture en agissant sur le recrutement des personnels, sur la formation et sur la consultation. La France doit aussi d'avantage soutenir les ONG de terrain dans ce domaine. Dans les négociations internationales, je souhaite que la France affirme plus clairement encore son attachement à la reconnaissance des droit sexuels et reproductifs. Elle doit s'impliquer d'avantage auprès de l'ONU Femme et de l'ONU sida pour faire avancer ses positions dans ce domaine.