1 - Equideow

Transcription

1 - Equideow
Prologue
21juillet,-356av.J-C
Lejourdelanaissanced’AlexandreleGrandeutlieuunautreévénementàl’incidence
profondesurl’humanité.L’unedesSeptmerveillesdumonde,letempled’Artémisà
Éphèsedansl’actuelleTurquie,futincendiéetentièrementravagéparundénommé
Érostrate.Souslatorture,ilavouaqu’ilcherchaitàtoutprixlagloire,lacélébrité,et
n’avaitpasd’autremoyend’yparvenir.Ilfutconduitdevantlajustice,sousleregardplein
dehaineetdedégoûtdupeuple.
Maissilesjugesetlafouleavaientétémoinsaveuglésparlacolère,ilsauraientremarqué
laSybille,éclairéedanslanuitparlesdernièresflammesdesruinesdutemple.Lavieille
femmeauxyeuxrévulsés,agitéedeconvulsions,poussaitdescrisdélirantsannonçantune
transeprophétique.Unprêtresurvivantdel’incendierecueillitsonoracle,avantqu’ellene
tombedansunesorted’anéantissementquidureraitplusieursjours.Ilgravaparlasuite
surunetablettedecuivrelesproposdelaSybille.Celle-ciprononçad’unevoixsemblant
provenirdel’Olympedesdieux:
Grandeestlacolèred’Artémis,filledeZeus.Elleauraitpunielle-mêmelemortel
sacrilèged’uneflèched’argentenpleincœur,siunouvragepressantnelaretenaitau
loin.Ladéesseveilleencemoment-mêmesurl’accouchementdel’enfantquifera
respecterlesdieuxsurtoutl’empireterrestre.Artémis,déessedelachasse,delanature
sauvageetdesanimaux,déessedessages-femmesetdéesse-constellationdelaGrande
Ourse,décrocheuneétoiledelaconstellationduCentaureetl’offreàl’enfantpour
guidersaglorieusedestinée.Ilseraainsisouslaprotectiondel’êtremythique,mihommemi-cheval,liantsadestinéeàChironetauxchevaux.
Maiscetaffrontd’Érostratenepeutsereproduire.Plusjamaisleshommesnedevrontse
mesurerauxdieux.Lafoliedesgrandeursetlagloiresontdesfaiblesseshumainesqui
nepeuventnuireànouveauauroyaumedesdieux,nimêmeauxautreshommes.
Artémisajoutealorsunautrepouvoiràl’étoile:siparmalheur,sonporteurdevait
succomberàladémenceoulafureur,sisonambitionexcédaitlamesure,alorsl’étoilele
mèneraitàsaperte.
Tantqu’ilgarderacetteétoile,nulnepourral’abattre.Tantqu’ilresterahumbleet
honnêtedanssesactes,tantqu’ilgarderamesureetsagesse,ilserainvincible.Maiss’il
faillit,ilseraconsuméparlacolèredeZeus.
Aumêmemoment,l’enfantquideviendraitAlexandreleGrand,l’undesplusgrands
conquérantsdumonde,poussasonpremiercri.
LareineOlympias,prêtressedeZeusetambitieuseépousedePhilippeIIdeMacédoine,
entenditautraversdesdouleursdel’accouchementl’oracled’Artémiscommeunprésage.
Malgrél’épuisement,unsourirevictorieuxsedessinasurseslèvres:quellemèrenerêve
paspoursonenfantd’unedestinéeexceptionnelle?Avecl’aidedesdieux,elleferaittout
pouréduquerAlexandreetl’éleveraurangquiluiétaitdévolu,ilaccompliraitsespropres
rêvesdepuissanceetdegloirepourl’éternité.Ellenecroyaitpasàlamiseengardedela
Sybille.SiAlexandredevaitbénéficierdelaprotectiondesdieux,pourquoidevrait-il
montrermesureetréserve?Ilseraitleplusgranddeshommes,meneurd’arméeset
vénéréjusqu’àlanuitdestemps.
Lorsquelasage-femmeconfialenouveau-néàsamère,Olympiaslepritdanssesbraset
l’enlaçatendrement.Ellesentitalorsunpicaucreuxdesoncou.Prenantdurecul,elle
aperçutuneétoilemordoréedanslepoingserrédesonenfant.Ellepritalorsconscience
dupouvoirdecetobjet,quidevaitnereveniràpersonned’autrequ’Alexandre.Pensant
quel’oracleluiétaituniquementdestiné,ellecrûtquepersonned’autreneconnaissait
l’existencedel’étoile.Sasage-femmecependant,avaitvul’étoiled’Artémis;ellene
pouvaitprendrelerisquequecesecretsoitdivulgué.L’imprudenteaccoucheuse
succombademanièrefulguranteàsarencontreaveclesserpentsd’Olympias,avec
lesquelscelle-ciavaitcoutumededormir.L’étoiled’Artémis,filleetmessagèredeZeus,
seraitlamarquesecrètedel’offrandedesdieuxpourrendreAlexandreinvincibleet
immortel…
Unsecondtempled’ArtémisfutbâtiaumilieuduIVesiècleav.J.-C.surlemêmeplan.Le
templeserapilléparlesOstrogothsen263,puisbrûléparleschrétiensen
401.L’empereurJustinienachèveradeledémantelerenprélevantunepartiedeses
colonnespourlepalaisimpérialdeConstantinople.Justinienchercheralongtempsà
comprendrelesensdesproposgravéssurlatablettedecuivrescelléesurl’unedespierres
decolonne,commetantd’hommesaprèslui.Quin’auraitrêvédeposséderpourlui
l’étoiledesdieuxtout-puissants?Ilgarderal’oraclegravédanssonpalais,enroulédans
unimmensetapisbyzantin,cachédanssagrandebibliothèqueavectoussesautres
trésors.
Lehasard,ouledestin,fitqu’AlexandrepassaparÉphèsel’annéedeses23ans,et
proposamêmed’aideràreconstruireletempleendonnantdel’orauxGrecs.Maisla
populationapeuréerefusasonoffre,etilcontinuasaroute,n’ayantjamaispuposerles
yeuxsurlaplaquedecuivrescelléesurl’unedescolonnesduNaos,lecœursacrédu
temple.
-1LeRéseau
-«FuirBabylonedanslessables,suivrelasource,leslarmesdivinesd’orblanc,lesang
surletempledepierredeZeus»…ProfesseurTemudjin,silederniercavalierdel’armée
d’AlexandreleGrandaconfiélefragmentdel’étoileàdesprêtresd’untempledeZeus,
celanepeutpascorrespondreautracétopographiquedesesdéplacementstelquenous
l’avonsreconstitué.En-326etjusqu’aupartagedel’empireentresesgénéraux,dansles
annéesquiontsuivilamortd’Alexandreen-323àBabylone,nousneretrouvonsaucune
tracehistoriquenigéographiquedetemplesdédiésàZeusdanslazonedélimitée.Ou
alorsilfaudraitdesannéespourdécouvrirsouslessablesdesdésertsdesvestigestelsque
ceuxdeJérashenJordanie!
-John,letempledeZeusàJérashestromain,pasgrec,commetantderuines
postérieuresàAlexandreditesgréco-romaines,répondpatiemmentleprofesseur.
-Jesaisbien,professeur,maisjecommenceàdésespérer.Hannibalpossèdequatredes
cinqfragmentsdusceaud’AlexandreleGrand,etjecroisqu’onnetrouverapasledernier
fragmentavantlui…
LesmembresduRéseau,épuisésparleursrecherchesintenses,semblentcomplètement
accablésparlesconclusionsdeJohn.C’estalorsqu’unevoixfémininebriselelourd
silence:
-Professeur?
-OuiLeyla?
-Reprenonsdepuisledébut.Noussommescertainsquelecavalier,encoremunidu
fragment,atraverséledésertsyrienverslesud-ouestàpartirdeBabylone,sansatteindre
nilamerMéditerranéenilaMerrouge.Lazonederecherchesselimitedoncaux
territoirescomprisentrelesuddelaSyrie,lenord-ouestdel’ArabieSaouditeetla
Jordanie.Poursurvivredanscescontréesdésertiques,ilanécessairementdûsuivrela
pistedel’eau,recherchantlesrarespuitsetoasissouventséparésdeplusieursjoursde
marche.Ilyasûrementrencontrédestribusnomades,transportantleurspropres
croyancesenmêmetempsqueleurscaravanes,d’unecitélointaineàl’autre.Serait-il
envisageablequelecavalier,égaréenterresinconnues,aitpurencontrerles
représentantsd’uneautredivinitéqu’ilauraitassimiléeàZeus?
-Leylatuesgéniale!s’écrieSalonqa.Lescaravanestransportaientàcetteépoque«les
larmesdivinesd’orblanc»,l’encensprécieuxvenudel’actuelsultanatd’Omanà
destinationdel’ÉgypteetdelaMésopotamie.Lesrichesnabatéensavaientlemonopole
delaroutedel’encens,cepeuplenomadedontlenomvientde«nabat»quisignifie
«source».Ilsexcellaientdanslestechniquesquipermettentdetrouver,stockeretcacher
l’eaudansledésert.
-Queldieuvénéraient-ils?intervientPablo.Est-cequ’ilyauntempleouunestatuepar
là-basd’unZeuslocal?
-LedieusuprêmeétaitDhû-Shara,ledieudelamontagne,répondJohn.Lesnabatéens
n’avaientpasdereprésentationhumaniséedeleursdieux,maissurleslieuxconsidérés
commesacrés,ilsdressaientdespierresrectangulaireslevéesappelées«bétyles»,
littéralement«demeuresdivines».Dansleurscérémonies,lestreizeprêtresaspergeaient
lebétyleaveclesangdel’animalsacrifié.Cequiexpliquerait«lesangsurletemplede
pierredeZeus».
-EtleprincipallieudecultesesituaitàPétra,enJordanie,complèteLeylaenfrémissant
d’excitation.Pétra,siteclasséaupatrimoinemondialdel’UNESCO,la«roche»degrès
doréetvermeiloùlesnabatéensstockaientleursrichesses.Unecitécachéedansun
dédaledefaillesgranitiques,inaccessible,horsdesvoiesnaturellesdepassage,entourée
debuttes-refugesauxparoisvertigineusesetdevalléesetdéfilésétroitsquilarendaient
imprenable…
-JevousenvoielesplansdePétra,faitJohn.SilacérémonieducultedeDhû-Sharase
situaitausommetdelamontagne,laprocessiondesprêtresetfidèlesrapportaitlebétyle
etlesinnombrablesoffrandesautemplesituédanslavillebasse,làoùj’aiinscritune
flèche.Sinosdéductionssontcorrectes,ilyadeforteschancesquelefragmentdusceau
soitencorelà.ProfesseurTemudjin,prévenezvitelesmembresdel’UNESCOdeprotéger
l’accèsautemple!
Àcemoment,levisageduprofesseurTemudjin,unhommepourtantsidifficileà
ébranler,montredessignesdedésarroi.Illèveunemainpourfairesigneauxmembresdu
Réseaudefairesilence,tandisquesesyeuxsedirigentailleurs.Auboutd’untempsqui
leursembleinterminable,ilannonce:
-Onvientdemesignalerunflashd’informationterrible.Uneséried’explosionsd’origine
inconnuevientderavagerunegrandepartiedesruinesdePétra.Jesuisdésolé…
Aumêmemoment,uneconversationalieudanslescieux:
-Bontravail.Lasommeconvenuevientd’êtreviréesurlecompteindiqué.
Lesyeuxbleusdel’hommeseplissentdesatisfactiontandisqu’ilraccrocheavecson
interlocuteursursontéléphonesatellite.Unsourirediaboliquesedessinesurleslèvresde
JohnFitzgeraldHannibal,tandisquesonjetprivésurvolelaJordanie.Ilcaressedubout
del’indexunmorceaudemétalmordorétriangulaire,uniquecontenud’unemallette
renforcéecapablederésisteràl’impactd’unmissiledernièregénération.Qu’importela
valeurd’unsitehistoriqueclasséàl’UNESCOpuisquesadestructionapermisaux
archéologuescorrompusdesaFondation«HannibalHumanHistory»derécupérerle
dernierfragmentdel’étoiled’AlexandreleGrand.Plusriennipersonnenel’empêchera
désormaisderéalisersonprojet…
-2Bavière,Allemagne
Alorsquesonjetamorceenfinsadescente,Hannibalguetteparlafenêtrelestoursdeson
château,Schattental,«levaldel’ombre»,bâtissechargéed’histoirequiappartenait
précédemmentàundescendantdelafamilledeLouisIIdeBavière,rachetéeune
coquettesommeparlaHannibalCorp.pourlatransformerenlaboratoire.Enfin,lejet
s’engagedanslavalléeencaisséeentredeuxmontagnes,endirectiond’unchâteaude
l’époqueromantique,àl’architectureéclectique:destyleroman,maisagrémenté
d’élémentsnéo-gothiquesetbyzantins.Lechâteauestnichéaucœurd’uneforêtde
grandspinsnoirs,entouréd’unimmensejardinenescalierauxmultiplesfontaines.Surle
flancdroitdel’immensechâteausesitueuneconstructionenboisetenpierre,qui
s’apparenteàunevastegrange,maisdontleplafondestbienplushautquecellesqu’on
peuttrouverenmontagne.Autourdecetteconstruction,l’herbeverdoyanten’estpas
coupée,maiselleestirrégulièreetprésentedeszonesdetrous,indiquantprobablementla
présenced’animaux,confirméeparlaprésencedeclôturesélectriques.Bienqu’exempte
detoutevieàcemoment-là,cettezoneavisiblementconnudestravauxpouraccueillir
desanimaux.Audosduchâteau,setrouveunsombrebâtimentenpierre,fermé,qui
ressembleàlagrangemaisquisembletoutaussivide.
Ensurplombduchâteau,unepisted’atterrissagejureaveclepaysage,construitepour
supporterlesallers-retoursdesemployésdelaHannibalCorp.etdeHanniballui-même.
Tandisquesessbiresaccourentpourl’accueillir,Hannibalpatientetranquillementau
sommetdel’escalierdujet,profitantdel’airhumideetpur,etdel’odeurmélangéede
sève,demousseetd’herbesicaractéristiquedelaBavière.Ilrevientcependantviteàla
réalitélorsqu’unevibrationàsonpoignetl’avertitdel’arrivéed’unmessage.Ilconsulte
l’écrandesamontreconnectée,surlequelapparaîtunephotodeNadjaavecsononcleet
satantedevantl’aéroportdeVladivostokenRussie.
«Bontravail,Filipe.»répond-il.
Hannibalsedirigealorsversl’entréeduchâteau,uneespècedepont-levisautomatiséqui
donneaccèsàunimmensehallàl’architecturegothique.Desgargouillesmenaçantes
surveillentl’entréedesvisiteurs,tandisqueleurspasrésonnentsouslehautplafond.Ses
piedspleinsdeterresalissentuntapisbyzantinquirecouvreentièrementlesol,récupéré
lorsd’unedesesexpéditionsàl’ancienneConstantinoplesurlestracesd’Alexandre.Des
chaisesvideslelongdesmursattendentdesinvitésinexistants,deslustresdecristal
pendentlelongducheminquedessinentlespiliersenarcdecercle,pouréclairerune
piècequinebénéficieplusdelalumièrenaturelledesanciensvitraux,remplacéspardes
vitresopaquesblindées.
Hannibalempruntealorsunescalierquidescendencolimaçonsousleniveaudusol,
faiblementéclairépardesampoulesencastréesdanslemur,etpénètrealorsdansunsas
desécuritéquipossèdeunetripleprotection.D’abord,Hannibalimprimel’empreintede
sonindexdroit,puistapeuncodesuruneinterfacedigitale,etenfinclamed’unevoix
distincte:
«JohnFitzgeraldHannibal»
Laportesedéverrouillelentementetlaisseplaceàuncouloircirculairequifaitletourde
l’escaliercentral.Hannibalmarcheàtoutehâtelelongducouloir,suivideprèsparunde
sesgorillesencostumenoir,dépasseunepremièrepièceimmenserecouverted’écrans,
danslaquelletroisemployéssurveillentattentivementlesfaitsetgestesdechaque
personnevivantdanslechâteau,ainsiquechaquepièceetlesalentoursduchâteaugrâce
auxdizainesdecamérasinstalléespartout.Legroupecontinuelelongducouloir
circulaire,etarriveauniveaud’unedeuxièmesalleentièrementvitréequiressembleàun
laboratoire.Partout,destablesetdumatérielchirurgicalentailleXXL,desgensenblouse
blancheetmasqueschirurgicauxquis’affairent,deséprouvettes,desmicroscopes,des
ordinateurs,despanneauxavecdesschémasdegénomesetdesflèchesquirelientdes
équations.Sansmêmeunregardpourcetteactivitélaborantine,Hannibalarrivantau
boutducouloir,seretourneetlegardes’arrêteetsepositionnedosàlui,pourluilaisser
sonintimité.
Àsagauche,l’escaliers’enfonceversundeuxièmeniveaudesous-sol,etenfacedelui,
uneportesemblableàcelled’uncoffre-fort,auxmultiplespistonsetverrouillages
mécaniques,etmunied’unepoignéeenformedegouvernail.Hannibals’approchealors,
évitantsoigneusementundespavésdusolaucentredupassage.Ilsortlacléenformede
croixà18pointsdesoussachemise,attachéeàunechaînedeplatine,etl’insèredansla
serrureaucentredelapoignée.Puisilsaisitlarouedecombinaisonducoffre-fort,et
tandisquesongardeattendpatiemment,Hannibaleffectuelecoded’ouvertureen
tournantlegouvernaildegaucheetdedroite.Lescliquetisretentissentdéjàdansle
couloir,laissantlahâted’Hannibaltransparaître.
Lentementetavecunchuintementsourd,laportecèdeetcoulisse,ouvrantlepassagesur
unepetitesallecirculaireauxreliefsmétalliques.Aucentre,unemachinecylindriqueavec
ausommetunplateauenpierrevolcaniquenoiredontlescontourssontéclairésparune
doucelumièredoréeetquipossèdeensoncentreunmotifcreuxenformed’étoileàcinq
branches.Toutautourdelamachinesesituentdespromontoiresélectroniques
surmontéspardesclochesenverrequiabritentdesprésentoirspasplusgrosqu’une
main.
Hannibalcontournealorslamachinecentralepourserapprocherdupromontoireaufond
delapièce,etfaitcoulisserunpetitleviersurlecôtédel’objet,quidécouvrealorsunpavé
numérique.
Sesdoigtstapentàtoutevitesseuncodequipermetenfinderévélerl’intérieurdela
cloche:unpetittroutriangulaire,danslequelilintroduitlecinquièmeetdernier
fragmentdel’étoilequ’ilvientd’extrairedelamallette.Ils’adressealorsaugarde,lavoix
tremblanted’excitation:
-Christian,duchampagne.
Tandisqu’ilreculeetquesamainseserresurlapoignéedelamallettevide,laclochese
refermelentement.Enentendantlecliquetisdeverrouillage,ilpoussealorsunsoupirde
satisfaction:
-Toutestenfinprêt.
-3Quelqu’untoqueàlaportedubureauoùHannibalrelitencoreunefoislatablettede
cuivredérobéeautrésordel’empereurJustinien.Doit-ilsefierauxdivagationsd’une
vieillefolledel’Antiquité,etprendresesmisesengardeausérieux?Non,sûrementpas,
sedit-illorsquelesbruitsàlaportes’amplifientavecinsistance.Hannibalsedécideà
répondreetreposeaveccolèrelatablettesurl’amasdeschémasetdeplansquirecouvrent
sonbureau.
-Quoi?!Qu’ya-t-ilencore??
-Monsieur,ilest19h.
Hannibalavaitfaillioublierl’heure.S’extirpantdesonfauteuilencuirbrun,ilrange
rapidementlamassedepapierssurlebureauovaleenchênemassifquitrôneaumilieude
lapièce,éteintlapetitelampeàpiedàl’angledesdeuxmursd’étagèresrempliesdelivres
etsuitsoninterlocuteurenrefermantsoigneusementlagrandeporteauxarmatures
métalliques.Dévalantlesescaliersdelatourderrièresonsbire,ilnefaitmêmeplus
attentionauxmeurtrières,auxpierresirrégulièresquicomposentlesmursdecettetour,
auxmarquesdutempssurlesmarchesdontlesbordssontlissesàforcedepassages.Ilne
pensequ’àunechose,l’accomplissementdetoutescesannéesdetravail,derecherche,de
combat,deviolence.
Cependant,Hannibals’efforcedefairelevidedanssatête,carilsaitquequandtropde
penséesaccaparentsonesprit,quandilestsoucieuxouanxieux,l’animalleressent
immédiatementetneselaissepasapprocher.Lafindel’escaliers’ouvresurunegrande
sallederéceptionornéed’unefresquedeplafondinspiréedelachapelleSixtine,quise
prolongesurlesmurs,lelongdesarcadesjusqu’ausoldemarbreblanc.Lescommodes,
tablesetchaisesd’uneautreépoquetrônentfièrement,inutilisésdepuisplusieursannées.
LespasdeHannibalrésonnentsurlemarbretandisqu’ilsedirigeversl’escaliercentral.
-Christian,vavérifierquetoutestprêtdehors.
Àl’écoutedecetordre,leconcernéseprécipiteparlaportedufond,protégéecomme
touteslesautresparuncode.Christianpénètrealorsdanslebâtimentàl’arrièreabritant
ungrandmanègeenbois,remplidesableocre,reliéàuncouloirquimèneàunestalle,
surl’autreflancduchâteau,celuidedroite.Toutestenordre,rienn’aétédérangé,
Christiannedétectenullemenace,niintérieureniextérieure.
Arrivéaudeuxièmesous-sol,Hannibalouvreuneénièmeportequidonnesurune
immensesalledelasurfaceduchâteau,ausolterreuxgarnid’herbe.Surlesmurssont
projetésdesdécorsdenatureetdeforêtmontagneuse,etlongdeceux-cicourentdesfils
électriquesmagnétisésparlesbonssoinsdesestechniciens.Sil’ons’enapproche,ils
repoussentautomatiquementtouteformeouobjetensensinverse.Unhumainse
sentiraitforcémentprisonnierd’untelsubterfuge,malgrélaprésenced’arbustesetde
fleursplantéspar-cipar-làdansl’immensepièce.Lalumièrequiyrègnesemblenaturelle
maisunpeublafarde,celled’unjourgrisetnuageux.
Hannibalrécupèreunlicolaccrochéàuncrochetplantéaudosdel’escalieretsiffle,
espérantainsiattirerl’attentiondesacible.Àcetinstant,unbruitdesabotsretentitsous
leplafonddepierre,etHannibaldistinguepeuàpeulasilhouetted’unchevalparmiles
arbres.Surgitalorsunétalonpresqueadulte,entièrementnoiravecunetâcheblanchesur
lefront.Unspécimenàlaforceetl’élégancefascinantes.Sescrinsnoirsquis’agitentau
rythmedesongaloptombentparfaitement,sesmusclesroulentsousunpelageluisant
sansirrégularités,etsesyeuxbrillantsfixentl’arrivantavecunedéterminationsans
pareille.
-Bucéphale,viensàmoi,appelleHannibaldansunmurmure.
Tandisquel’animals’approchedoucement,Hannibaltendlesdeuxbrasenavantet
présentelelicolaucheval,commesignedepaixetdebienveillance.Bucéphales’arrête
alors,méfiant,détectantlespenséesquifusentdanslatêtedeHannibaletsanervosité
sous-jacente,percevantlapressionetlahâtedel’hommeenfacedelui.Hannibal
s’approchepasàpas,maisàchaquefoisqu’ilavancelechevalrecule,semettantàpiaffer.
Hannibalessaied’évitertoutmouvementbrusqueetdeseconcentrerpouravoirl’airle
pluscalmeetleplusavenantpossible,maissanssuccès.Bucéphalecontinueàreculer,fait
despetitscerclessurlui-même,ettamponnelesolàrépétitionavecsessabots.Les
oreillesplaquéesenarrière,laqueuefouettantl’air,ilcèdeàl’inquiétudeaufuretà
mesurequelapatienced’Hannibals’estompe.Cemauditétalonsembleimpossibleà
dominer,maisHannibaltenteunedernièreapproche.Ilfaitvolteface,faitsemblantde
s’éloigner,cequisemblerassurerBucéphale.L’hommefaitdeuxpasendirectionde
l’escalier,glisselelicollelongdesonbrasentenantfermementlalonge,puisseretourne
brusquementpoursauterets’accrocheràl’encolureducheval.
HannibaltentealorsdeglisserlemuseaudeBucéphaledanslamuseroledulicol,mais
l’étalonfurieuxsecabre,jetantainsiHannibalausol.Ilpartensuiteaugalopseréfugier
parmilesarbres,loindel’hommeauxmanœuvresfourbes.
Hannibal,frustréetencolèrecommerarement,jettederagelelicolparterre,faitdemitouretpartchercherlaseulepersonnecapabledemaîtriserl’animal,SergueïTkachev,
celuiquiluiavaitenseignél’équitationlorsqu’ilétaitenfant,ilyasilongtemps…
-4Sergueï,interrompupendantsalecturedanssachambreenhautd’unedestoursdu
château,obéitinstantanémentàl’injonctiondeHannibal.Ilsaitqu’iln’apaslechoix,que
plusviteilauraaccomplisamissionauprèsde«l’héritier»,plusviteilpourrarentrer
chezluietretrouversafilleetlessiens.Ilserrelesdentsenrepensantausermentqu’il
avaitprêtéaupèredeHannibalavantsamort,ilrevoitcejouràMoscouoùl’héritierétait
venuluifairel’annoncedeladisparitiondesonpère,etenfincecoupdefil,laconiqueet
impérieux,quileconviaitàretournerauPaysbasque,ceterriblelieudel’accident…
Sergueïavaittoujoursétéunhommedesilenceetd’honneur.Pourtantlesermentqu’il
avaitprêtéàHannibalpère,detoujoursprotégeretservirsonfils,luicoûtelourdement.Il
seconsoleenpensantqu’aumoins,safilleNadjaestdésormaisensécuritéauprèsdeson
oncleetsatante.
SergueïseretrouveainsiencompagniedeHannibal,aumêmeendroitoùcelui-ciessuyait
uncuisantéchecquelquesminutesplustôt.Sansmontreraucunsignedesurprise,
Sergueïobservelonguementlejardinartificiel,avantderepérerlasilhouetted’unétalon
noir,terrédansunbosquet.SergueïdemandealorsàHannibaldereculerjusqu’àse
retrouverdosaumurdel’escalier.Ilprendlelicoletsedirigeverslesbruitsde
halètementsinquietsderrièrelaprotectionillusoiredesarbres.Ilmarchedoucement,
prendsontemps,inspireetexpireprofondémentpourrégularisersarespiration.
Ilaperçoitl’étalonnoir,campésursesquatrejambesentredeuxhêtres,alerteetméfiant.
C’estlapremièrefoisqueHanniball’autoriseàvoirl’animal,carjusqu’àmaintenant,il
avaittoujoursréussiàlemaîtriserseul.Ils’étaitefforcédeparticiperaudébourragedu
poulain,ilavaitprissoindel’habitueràsaprésence,etlejeuneétalonacceptait
désormaisdeselaissermeneraupréouaumanège,detravaillersamusculature
maintenuenlonge.Maisaujourd’hui,l’étatd’espritdeHannibalinquiétaittropBucéphale
pourquecelui-cilelaisses’approcher.
Sergueïdécouvrepeuàpeucettecréaturemagnifique,illuminéeparlalumièrefroidedu
sous-sol.C’estleplusbeauchevalqu’ilaitjamaisvu,auxproportionsparfaites,aupoil
luisantetauxcrinssoyeux,auregardbrillantd’intelligenceetdedétermination.Une
monturepuissante,fière,courageuse,dignedesgrandsroisguerriersdupassé,commeon
lesadmiresousformed’antiquesstatues.Symétrique,sansdéfautapparent,presquetrop
même,cetétalondégagequelquechosed’étrange,d’irréelpresque.Sergueïsesent
envahirparunmalaise,cesentimentdérangeantd’erreur,l’impressionquecechevaln’a
rienàfaireici.Ilcontrastetellementavecsonenvironnementqu’ondiraituncalque,un
acteursurunfondvert.Maislechuchoteurn’apaslechoixniletempsdes’interroger
pluslonguement,samissionétantd’obéiràHannibaletdeluiamenerlecheval.
Sergueïcomprendinstinctivementl’enviedefuirdel’étalon,oudecombattresilafuiteest
impossible.Ildécidedeluimontrerqu’iln’estpasundangeretqu’ilnelepousserapas
danssesretranchements.Sergueïs’avancedoucementpoursignifieràl’étalonsaprésence
visuellementsansl’envahir,puiss’arrêteetl’appellepaisiblement.Bucéphale,intrigué,se
metalorsàtrottinerenarcdecercle,têtebaissée,toutenrestantàunedistance
respectabledeSergueï.Uneoreillepointéeverslechuchoteur,ilmesurealorsledegréde
réceptivitédel’homme,quisemetdeprofil,demanièreànepasregarderlechevalmais
sanssemettrededos.Ilchuchote,ajustantsonattitudeàsesparoles,desmotsrussesaux
sonoritésgraves,rauquesmaissurunetonalitéapaisanteetlechevaldresselesdeux
oreilles,attentifàlalitanie:
-Bucéphale,jeneteveuxaucunmal.Observe,ressens,jen’envahispastonterritoire,jete
respectecommejetedemandedemerespecter,tupeuxveniràmoientouteconfiance.
Petitàpetit,ilsentquelechevalsedétend,quesacuriositél’emportesursaméfiance.
Bucéphalefaitunpremierpas,puisundeuxième,puisunautreetencoreunautre,
jusqu’àrejoindreSergueïquiattendpatiemment.Alorsilsouffledoucementparles
naseaux,avantdeposersonchanfreincontrel’épauledeSergueï.Celui-cilecaresse,le
remerciepoursaconfiance.Ilprendalorslentementlelicoldansunemainettendl’autre
versl’encoluredeBucéphale,pourlerassureretleféliciter,enfilantensuitelelicolautour
delatêteducheval.
SergueïretourneversHannibal,tenantBucéphaleenlonge,enespérantquecelui-cine
fassepasdemalaucheval,carilsaitquelacolèreetlafoliequ’iladéceléeschezcet
hommepeuventlemeneràdesombrescomportementsenverslesautres,hommeset
chevaux,commeilapulemontrerdanslepassé.Unefoisàsonniveau,Hannibal
interpelleSergueï:
-Garde-leencoreunpeu,jen’aipasenviequ’ilreparteànouveau,etsuismoi.
SergueïacquiesceetmarcheàlasuitedeHannibal,quisediriged’unpasrapide…versle
mur!Interloqué,SergueïcontinueàsuivreHannibalsansvraimentcomprendre.
Hannibalarrivealorsauniveaudumur,etappuiesurunedesespierresirrégulières.La
pierres’enfoncedequelquescentimètres,déclenchantl’ouvertured’unpassagesecret.Il
s’agitdel’accèsàunascenseurpouvantaccueilliraumoinsvingtpersonnes,etdans
lequels’engageHannibalavecSergueïàsasuite,tenanttoujourslalongedeBucéphale.
Unedouceodeurd’huilesessentiellesenvahitalorsl’espacetandisquelesportesse
refermentetqueHannibaltritureunpetitpanneaudecontrôledel’ascenseur,quitient
plusdumonte-chargehigh-techqu’autrechose.L’odeursembleapaiserBucéphale,qui
tiqueàchaqueirrégularitésonoredel’ascenseur,etmêmeSergueïetHannibalse
détendentaufuretàmesurequ’ilsremontentverslasurface.
Unecourtesonnerieretentit,etlesportess’ouvrentsurl’intérieurdelabergerie,quise
révèleêtreenréalitéunegrandestalle,commeledécouvreSergueïavecsurprise.Lesol
estrecouvertd’unesciurebeigeimmaculée,lesmursenboissontcirés,iln’ypasunetoile
d’araignée,pasuninsecte.Hannibalouvrelaporteextérieuredelastalle,reprendàce
moment-làlalongedesmainsdeSergueïsansluidemandersonavis,ettraînelechevalà
sasuite.Bucéphaleréalisequ’ilestsouslejougdeHannibalettiresursonlicol,mais
Sergueïparvientàlerassurerdelavoixetàlefaireavancer.
Ledernierrayondesoleildisparaîtpeuàpeudelavallée,n’éclairantplusquelacrêtedes
montagesduflancouest.Quelquesminutess’écoulentalors,témoinsdusilencedestrois
êtresquiattendentpatiemmentsansmêmesejeterunregard.Lorsqueledernierrayon
meurt,HannibaltireBucéphaleversluietavanced’unpasdécidédansleprédésormais
sombre.
SergueïnecomprendpaslemanègedeHannibal:pourquoilaprésenced’unpréartificiel
ausous-solalorsquelechâteaupossèdeundomaineimmense?Pourquoinefairesortir
Bucéphalequelorsquelesoleilquittelavallée?Undéclicsefaitalorsdanssoncerveau:
ilavaittrouvéquelalumièredusous-solétaitsombre,maisparcequesil’onypouvait
avoirl’illusiondesetrouverdanslanature,c’étaitunenaturesanssoleil!Hannibalfaisait
toutpourquelalumièredusoleiln’atteignejamaisBucéphale…Faisantlelienavecla
premièrerencontreentreAlexandreleGrandetsamonture,Sergueïsentdesfrissons
courirlelongdesoncorps.Commelechevalmythiqued’Alexandre,l’étalonsenomme
Bucéphale,etHannibalsecomporteavecluicommesic’étaitlevrai:parcraintede
l’effrayeràcausedesonombre,illetientàl’écartdetouteslessituationsdangereuses.
SergueïsedemandealorscommentHannibalenestvenuàcepoint.S’ilsavaitquela
passionpourleconquérantétaitnéedanslajeunessedeHannibal,elles’étaittransformée
enobsession,enfolie.Terrasséparcettedécouverte,ilredoutelesplansdel’hommeen
facedelui:iln’yaplusdelimitesàsaparanoïaetaussiàsonambitiondévorante.
LorsqueHannibaldéfaitlelicoldeBucéphale,l’étalonimpatients’élancedroitdevant
dansungalopeffréné,poussantdeshennissementssonores,ruantderagelorsqu’ilatteint
leslimitesélectrifiéesdupré,secabrantcommepourdéfierceluiquil’empêchedequitter
saprison.HannibalseretourneversSergueï,leregardhantéetunrictusamerauxlèvres:
-Tuascompris.Tuvasdevoirtravailleravecmoijusqu’àcequenousarrivionsenfinà
réglerceléger…souci.Nouscommençonsdemain.
AinsiHannibalveutcontrôleretdominerl’étalon,etiln’yparvientpasseul.Comme
Bucéphale,Sergueïvoudraitsecabrerderage,fuirsaprison,maisilsaitqu’iln’enfera
rien,jamaisilneprendralerisquequel’hommeenfacedeluines’enprenneàNadjaet
auxsiens.
-5BureauduProfesseurTemudjin,Universitéd’OulanBator,Mongolie
Nadjafrottesesyeuxfiévreux.MêmependantletrajetenavionentreVladivostoket
OulanBator,ellen’apasréussiàtrouverlesommeil.Elleestobnubiléeparl’idéede
retrouversonpère,Sergueïlechuchoteur,prisdanslesgriffesdeHannibal.Ellene
pouvaitcompterquesurelle-même,maiscommentunejeunefillerusse,seuleetsans
ressources,pouvaitdevinerdansquelendroitduvastemondel’inaccessibleHanniballes
cachait,luietl’étalonZaldia?
-Reprendsunpeudethé,Nadja.Ets’ilteplaît,force-toiàmangerunpeu,insisteSalonqa
enrapprochantuneassiettedebeignets.
Lajeunefilleétouffeunsanglotenrepoussantletasdefeuillesqu’elleacrayonnées
malhabilement,enpuisantdanslamémoiredecemomentterribleoùelles’était
retrouvéeprisonnièredanslasalledecontrôleduchâteaudeHannibal,auPaysbasque.
-Ilyavaittellementd’écrans,d’images,desons.J’avaissipeur,jenemesouvienspasde
toutcequej’aivuetentendusurcesécrans,jesuisdésolée,je…
LeprofesseurTemudjinluisouritavecbienveillanceenrassemblantlesfeuillets,pourles
transmettreàunjeunehommeattablédevantunepalettegraphique:
-Cesinformationssontvraimentprécieuses,Nadja.NotrecamaradeKushivacontinuerà
modélisertesdessinsetnousallonslesexploiternumériquement.Lescompétencesde
KushiettouslesautresmembresduRéseauvontnousaideràavancer.Jeteproposedete
reposerunpeu.
-Jenepeuxpas!sedésoleNadjaenfourrageantdanssatignasserousse.Monpèreesten
danger,quandHannibalaurafinideseservirdeluietdeZaldia,ils’endébarrassera
commed’unevieillechaussette!
-Tunepourraspasl’aidersituescomplètementépuisée,affirmeSalonqad’unton
péremptoire.Vienst’allongersurlecanapédanslapièced’àcôté,situt’endorsjete
réveilleraidansvingtminutes.
Vaincue,NadjaserelèvedesonsiègepouremprunterlepasàSalonqa,quandunevoixde
filleénergique,surgitd’undesécransd’ordinateur:
-Attendez!J’aiunesuperidée!
TouslesregardssetournentversLeyla,envidéoconférenceauCaire,enÉgypte.Surun
autreécran,levisagedeJohnmontreuneattentionaccrue.L’amoureuxaméricainde
Leylaconnaitbienles«superidées»desabouled’énergieetdespontanéité,quise
révèlent–parfois–devéritablesidéesdegénie!
-JepourraisluifaireunBaiserSucré!
LesautresmembresduRéseau,présentsréellementouvirtuellementdanslebureaudu
professeurTemudjin,semblentstupéfaits.DansleMassachussetts,Battushigdemande:
-Leyla,tuveuxembrasserNadja?
-Maisnon!Ausalondebeautédematante,quis’appelle«BaiserSucré»,quandune
clienteestterroriséeparuneépilation,onluifaituneséanced’hypnose!Laclientese
relaxecomplètementetselaissefaire,etsouventelleracontesavieousessecretslesplus
inavouablesdanslemoindredétail!Matanteditquejesuisextrêmementdouéeet…
-Jen’aiaucuneenviederacontermavie!protesteNadja.
-Jepeuxguidertamémoirephotographiqueetauditive,Nadja,etfairedessortes
«d’arrêtssurimage»sélectifspourquetoninconscientdécrivecequetuasvusurles
écrans.Toncerveauaenregistrédestonnesd’informationsquandtuétaisdanscettesalle
decontrôle,ellessontstockéesdanslesprofondeursdetoninconscientetjepourraisles
faireressurgir.Professeur,vouspourrezorienterlesquestionsettoi,Kushi,tupourras
compléterlesmodélisationsquetuasfaitesàpartirdescroquisdeNadjaavectousles
nouveauxdétails?
KushilanceunregardinterrogateurauprofesseurTemudjin,quihochelatêteensigne
d’assentiment.
-AlorssiNadjaacceptedemefaireconfianceetmelaissel’hypnotiser,vousn’aurezplus
qu’àallerchercherlecanapé!
Nadjasembletoutefragile,touteégaréeàcemoment.Sonregards’accrocheàceluidu
professeurcommeàunebouéedesauvetage,etlaconfiancequ’elleylitfaittomberses
dernièresdéfenses.Ellehaussedoucementlesépaules:
-Sic’estlemeilleurmoyenpourretrouvermonpère,alorstantpispourlerisqueque
j’avouemessecretsinavouables!
SalonqaposeunecouverturesurNadja,étenduesurlecanapé.Àl’autreboutdumonde,
Leylaseconcentre,lesyeuxmi-clos,larespirationralentie.Sidanslaviedetouslesjours
elledéborded’énergieetd’initiatives,elleestaussicapabled’uneintenseconcentration.
-Jesuisprête,murmureNadja.
AlorsLeylacommencelaséanced’hypnose,d’unevoixlenteetgrave…
-Tarespirationestdeplusenplusprofonde.Tusuisenespritletrajetdel’airquigonfle
tonventre,tacagethoracique,lehautdetapoitrine.Puistusouffleslentementparles
narines,vidantl’airduhautdetapoitrinejusqu’àtonventre.Toncorpspèsedeplusen
pluslourd,testensionsserelâchentl’uneaprèsl’autre,desorteilsjusqu’auboutdes
doigts.Maintenanttonvisageserelâche,l’arrièredetoncrâne,tanuque,ettoutlelongde
tacolonnevertébrale.Touttoncorpsestmaintenantdétendu…
LeylavérifielarespirationlenteetrégulièredeNadja,avantd’aborderlaphasede
relaxationdel’esprit.
-Nadja,jet’invitemaintenantàtefocalisersurunsouvenirpositif,agréable.Unbain
dansunemerchaude,unebaladeàchevaldanslesherbeshautes,lesapplaudissements
dupublicaprèsunnumérodecirquequetuasparticulièrementréussi…
UnsourireheureuxsedessinealorssurlevisagedeNadja,elleressembleàunetoute
petitefille,confianteetradieuse.Ellemurmured’unevoixd’enfant:
-J’airéussi,papa!Jesuisgrande,moi.J’aimontéletigreetonasautédanslerondde
feuetj’aipaseupeur!
Leylasouritàsontour,attendrie,maisreprendsavoixprofessionnellepourinciterNadja
àquitterlesouveniragréableetladirigerdanslepostedecontrôledeHannibalauPays
basque:
-Maintenanttuesdanslasalleavectouslesécrans.Tun’aspaspeur,tusaisquetuvas
ressortirdecettesalle.Lesécranss’allumentl’unaprèsl’autre.Choisisceuxaveclaforêt,
làoùilyal’étalonnoir,desbâtimentsoupeut-êtreunchâteau…
Auboutdequelquesinstants,Nadjaparleavecsavoixnormale:
-Desgrandssapinssombres,denses.Unevalléeprofonde,encaisséedanslamontagne.
Aucreux,unchâteaucarréavecquatretours.Desgrandsjardins.Desgensquiparlent,je
necomprendspascequ’ilsdisent.
Dansl’oreillettedeLeyla,Salonqademande:
-Est-cequ’ellepeutrépétercequelesgensdisent?Jepourraisrepérerlalanguedonc
peut-êtrelepays?
LeylahochelatêteensilenceetsolliciteNadja.Lefrontdelajeunefilleseplissesous
l’effort,etàgrandepeineellerestituedessonoritésgutturales.
-Trèsprobablementdel’allemand!faitSalonqa.Faisluimaintenantdécrirelechâteau
plusendétailsitupeux.
Peuàpeu,uneimageseprécisesurl’écrandeKushi,suiviedeprèspartouslesmembres
duRéseau.LavoixdeNadjaestdeplusenplusfaible,l’épuisementlagagneetLeyla
proposeauprofesseurTemudjindelasortirdel’étathypnotiques’ilpensequ’ilsont
suffisammentd’informations.Àcetinstant,Johns’écrie:
-Jecroisquejeconnaiscetendroit!Undemesvieuxoncleshabitaitausudde
l’Allemagneetquandj’étaisenfantnousallionsfaireduskietdelarandonnéedansles
montagnesdeBavière.Cetteforêt,cechâteaucachédanslavallée,jecroisquejelesdéjà
vus!
TandisqueJohnselancedanssessouvenirséveillés,leprofesseurTemudjinfaitsigneà
Leylade«libérer»Nadja.Leylalasortdoucementdesonétatdetranse,etNadja
marmonne,avantdesombrerdansunsommeiltrèsviteemplideronflements:
-Jesuisuntoutpetitpeufatiguée…
Johnenvoiesurlesécransunecartedel’Europe,avecunzoomsurlazoneoùsesituele
châteauenBavière,ainsiquelalocalisationdelarésidencedésormaisinhabitéeduvieil
oncle:
-Ceseranotrecampdebase,c’estàvingtminutesàpiedduchâteau.Rendez-vousà
l’aéroportdeMunich.Jevousenvoielesbilletsd’avion!
-6Bavière,châteaudeHannibal
-Nooon!Owen,non!
Hannibals’arracheàcecauchemarrécurrent,lecœurbattantlachamadeetlecorps
ruisselantdetranspiration.Ilseredressebrusquementsursonfauteuil,claquedesmains
pourmonteraumaximuml’intensitédeslumièresdanssonbureau,commesielles
pouvaientchasserlefantômed’Owensurgidel’enfancepourletourmenter.
-Quandmelaisseras-tuenpaix?hurle-t-ilenprojetanttoutcequiluipasseàportéede
main,documents,presse-papier,livres,carafeetverred’eau.
Maislesfantômesdupassésontlàpourvoustorturer,vousrappelersansrelâchevotre
bassesseetvotreculpabilité.Mêmelerepentirnepeutlesapaiser,riennepeutles
empêcherdereveniràlacharge,ilsontl’éternitépoureux…
-T’esmêmepascap!semoquel’enfantbrunauxétrangesyeuxvairons.
Owenseretourneverssongrandfrère,lesourireauxlèvresetsesgrandsyeuxbleus
brillantsdedéfi:
-Jeseraibientôtplusfortquetoi,c’estSergueïquil’adit.Tuvasvoirsijesuiscap!
Ilsoufflepourécarterunemèchedesescheveuxblonds,etdécidederavalersapeur.Son
grandfrèreluiimposerégulièrementdenouveauxdéfispourlepousseràdevenirtoujours
meilleur.Danslacarrière,lesobstaclessontplushauts,plusnombreux,etOwenredoute
l’échec.Maiscommeàchaquefois,ilrefusededécevoirsongrandfrère,doncilempoigne
lesrênesdesonponeyConnemaraetluiflanqueungrandcoupdetalonsdanslesflancs.
Leponeys’envoleaugalop,droitsurlespremièresbarres.
-Ya!Ya!crieOwenpourencouragersamonture.
Lespremiersobstaclespassenttoutseuls:leponeydresséparSergueïTkachev,
l’instructeurd’équitationemployéparsonpère,n’apprécieguèrela«caresse»destalons
maisilaunbontempérament,ilestgénéreuxdansl’effortetpossèdeunebelledétenteau
sautd’obstacle.Ilapleineconfiancedanslepetithomme,ilaimesoncontact.Maiscette
fois,leparcoursalégèrementchangésurlacarrière.Ilyad’avantaged’obstacles,ilssont
deplusenplushauts,pluslarges.Ilcommenceàs’essouffler.Levirageesttropserré,il
dérapeenvoulantchangerdepiedtropvite,serééquilibre.
Dansladiagonale,unesériedetroisverticaux,puisunmurettoutprès,tropprès,unoxer
carré.LeConnemaraseréceptionneaprèslemur,serassembleets’élancepourfranchir
l’obstacle.Maissesantérieurstouchentlespremièresbarresquitombenten
s’entrechoquant.Owens’accrocheauxrênes,tirecommeunforcenécommepouraider
sonchevalàseredresser.Ilnefaitenfaitquel’entraveretleponeyenroulesonencolure
avantdefairepanacheetdetomberenroulantsurlui-mêmecommeunsoleil.Ilse
redresseavecdifficulté,lesmembresprisdanslesbarresd’obstacleemmêléescommeun
jeudeMikado,sedégage.Ilnesentpluslepoidsdesoncavaliersursondos.Inquiet,
égaré,iltournoiesurlui-même,reprendsonsouffleenessayantdecomprendrepourquoi
aprèslachute,lepetithommeneserelèvepas,nerevientpasgrimpersursondos.Ilreste
étenduausolentrelesbarresetundeschandeliersrenversés,satêtedécrivantunangle
inhabituelaveclerestedesoncorps.Etpourtant,sesyeuxsontgrandouvertsetilya
toujoursunsouriresurseslèvres.
-Nooon!Owen,non!
L’enfantbrunestpenchéaudessusdesonpetitfrère,illesecouecommeunpantin
désarticuléensanglotantcommeunfou.LeConnemaras’estrapproché,ilpousselecorps
d’Owendesonboutdenezenémettantdeshennissementsd’appeldésespérés.Hannibal
luidonnedescoupsdepoingviolentssurlatêteenhurlant:
-Va-t’en!Jetedéteste,c’estdetafaute,salebête!
Lessouvenirsensuitesontamortisparunvoilesombre,lourd,horrible.Lesclaquements
répétésdufusildechasseprovenantdesécuries.LeurpèrequigifleHannibalàl’enfaire
saignerdunezetquineluiadresseraplusjamaislaparole.Leurmèrequineserelèvera
jamaisdesonchagrin,Owenétaitsonfilspréféré,alorsquel’autrelaglaçaitavecson
regardbicolore.Lapensionpourgarçonsaunorddel’Angleterrevécuecommeunexil
punitif,définitif,lesilence,ledéni,lasolitudeetlescauchemars…
Etpuisilyaeuceprofesseurd’histoireàl’université,quiarabrouéunélèvequise
moquaitdesyeuxdépareillésd’Hannibal.Ilaexpliquélesprincipesphysiologiquesde
l’hétérochromie,longtempsconsidéréecommelesignedistinctifdessorciersnantisdela
«doublevue»,quipermettaitdevoirplusloinquelessimplesmortels.Puisilaparlé
d’AlexandreleGrand,réputéavoireudesyeuxvairons.Expliquantquel’undesplus
grandsconquérantdumondeavaitpudépasserlapeursuperstitieusedesautres,sapeur
àlui,dépasserl’anomaliephysique,etqu’ensedifférenciantiln’avaitfaitquegagnerle
respectdetous,leprofesseuravaitralluméunelumièredanslesténèbresqui
engloutissaientHannibal.
Lapassionetl’identificationàcegrandstratègeetconquérantavaientprisàcemoment
précisracinedanssonexistence.Ilcommençaàfairesesrecherchessurl’histoire
d’AlexandreleGrand,tentantderassemblerlemaximumd’informationspour
comprendrecethomme.Plusilensavait,plusildevaitensavoir:lafascinationde
Hannibaln’avaitplusdelimites.Aprèslafindesesétudesdelanguesancienneset
d’histoiredescivilisations,saspécialisationenhistoiredelaGrèce,périodeclassiqueet
hellénistique(préetpost-conquêtesd’Alexandre),ilacréélafondationHannibalHuman
Historyetacommencéàfouillerlesquatrecoinsdumondepourrechercheretcollecter
toutcequipouvaitavoirtraitaugrandconquérant.
Hannibalrespireprofondément,desserresespoingsauxjointuresblanchiesparla
tensionetdel’index,replaceàtraverssapaupièrelalentillecoloréeenbleusursonœil
marron.Ilsedirigeverslasalledejacuzzipourchasserlesimagesobsédantes,toujours
lesmêmes,quilehantentdepuistantd’années.Ilenestdevenuinsomniaque,prenantdes
repostrèsbrefsdanslajournée.Impossiblepourluides’abandonnerdanslesbras
supposésréconfortantsdusommeil,ilnepeutsepermettreaucunevulnérabilité,aucune
faille.Jamais.
-7Sansmêmeêtreguidéparunelonge,Zaldial’étalonAndalouenchaînedescerclesaux
troisalluresavecgrâceautourdeSergueï,lechuchoteurquil’asauvédel’élevageoùil
étaitodieusementmaltraité.Sergueïl’arecueilli,asoignésesblessuresetsacolère,lui
apprislerespectetlaconfiance.Seslongscrinssebalancentaurythmedesadémarche,
sesmusclessedéroulentetfontluiresarobecommedel’argentsouslalumièredel’aube.
Sesoreillessontdresséesenavant,attentivesauxmodulationsdelavoixdel’homme,qui
maintenantluidemandederalentirpuisdevenirverslui.Ilobéitaussitôt,déposeson
boutdenezdanslamaintendue,souffle,heureuxderecevoirfélicitationsetcaresses.
Puisl’hommeluimurmuredesparolesqu’ilnesaittraduire,maisilcomprendqu’ilva
expérimenterquelquechosedenouveau,etqu’ildoitcontinueràfaireconfianceàson
compagnonhumain.
-Vouspouvezvenirmaintenant,ditSergueïàhautevoix.
Zaldiaredresselatête,ilaentendulefroissementdel’herbehumidederosée,ilhume
l’odeurd’unautrehomme,lareconnaîtnonsansdépit.Sesoreillessecouchentenarrière,
sonsouffles’accélère,sesmusclesseraidissent.S’ilétaittigre,ilgronderaitentreses
dentspourmanifestersonmécontentement,ilfeuleraitsurunetonalitédemenace.Mais
Sergueïluichuchoteencoredesmots,insiste,etilfinitparaccepterdelaisserl’hommeà
l’odeuraigremêléedepeurserapprocher,entrerdanssonterritoire,passersamainle
longdesonencolure,leflatter.Iln’apascroisésonregard,masquéparunbandeaunoir.
LamaindeSergueïmassesonfront,l’incitantàserelâcher,àresterenplace,abandonner
sesdéfenses,Ilrechigne,maislaissepourtantl’hommelepalper,caressersondos,sa
croupe,serapprocherdesonflanc.Sergueïlesfélicitetousdeux,vientsepositionnerà
côtédel’homme,l’aideàsehissersurledosdeZaldia.PourSergueï,ilacceptedenepas
bouger,ils’habituepeuàpeuaupoidssursondos,aucontactdesjambeslelongdeses
flancs,ilacceptelacaressesursonencoluresansregimber.QuandSergueïs’écarte,recule
lentementpours’immobiliserquelquespasplusloin,illuilanceunregardinterrogateur:
doit-ilselaisserguiderparceluiquiestsursondos?
-Allez,ditcalmementSergueï.
Unelégèrepressionsursesflancs,unmouvementsursondospourlemettreenavant,et
Zaldiaeffectuequelquespas,cherchantàrejoindrelasécuritédelaprésencedeSergueï.
Maiscederniersepositionnedeprofil,commes’ilsedésintéressaitducheval.Perplexe,
Zaldias’arrête,attendunindice,uneindicationpoursavoircequ’onattenddelui.Ilsent
alorslessollicitationsdemouvementdelapartdel’autrehomme,ilreconnaitlademande
d’avancer,labasculedupoidsducorpsquiindiqueladirectionoùaller,etsans
oppositiondelapartdeSergueï,ildécidederépondreauxsollicitations.Ilmarche,les
sensenalerte,effectueunedemi-volte,marcheencercle,régulièrement,attentifmais
déjàmoinstendu.Àchaquefoisqu’ilrépondcorrectementàunedemande,ilreçoitune
caresse,etilcommenceàsedécontracter.Maintenantiltrotte,lentement,ilreprendle
cercle,puisallongelégèrementletrot,régulier,enharmonieaveclebalancementdeplus
ensoupleducorpssursondos.IlperçoitsurlecôtéducercleSergueïdansuneattitude
approbatrice,ilramènesonattentionsurl’autre,quiluidemandedechangerd’allure.
D’unefouléesouple,ilprendlegalop.Ilressentunecrispationsursondos,s’inquiète,
accélère,maistrèsvitelacrispationdisparaît,lepoidsrepartversl’arrière,chercheà
accompagnerlemouvementduchevalplutôtquedelebrusquer,alorsilseremetaupetit
galop,régulier.Ilécouteetrépondauxdemandes,ralentit,changedemain,amplifieson
galop,tourneencoreetencore,puisenfinralentitetàlademandedesoncavalieret
s’arrête.
-Bien,ilcommenceàvousfaireconfiance.Nevousraidissezpas,sinonvousallezle
déstabiliser.Leplussouvent,cen’estpaslafauteduchevals’ilyaunaccident,maiscelle
ducavalier,quisecrispeetfaitalorsuneerreuravecsonpartenaire.
Sergueïmetalorsenplacedeuxchandeliersaucentredumanège,etposeunebarreausol
entrelesdeux.
Zaldiacomprendalorsqu’ilsvontdevoirfranchirensemblecetteembûche,etaprès
l’incitationdesoncavalier,amorcealorsundoubléaupasdanslalongueurendirection
delabarre.L’hommesursondos,lesmainsposéesautourdesongarrot,serresesjambes
autourdesesflancscommes’ilavaitpeurqu’ildévie.MaistoutsepassebienetSergueï
leurdemandealorsderecommencerautrot,puisaugalop.Ilsrepassentaupas.Sergueï
montealorslabarred’unequarantainedecentimètres,transformantlabarreausolen
véritableobstacle,facileépreuvepourlepuissantétalon.
Lesoufflerauquedesoncavalierarrivejusqu’auxoreillesducheval,quisecrispeet
renâcle.
-Doucement,vouspouvezlefaire,lâcherprise,faireuneconfianceaveugleàvotrecheval,
fairecorpsavecluiàlamanièred’uncentaure…ilsuffitdevouslaisseraller,murmurele
chuchoteuràcôtédel’étalon.C’estladernièreépreuve.
Zaldiacomprendalorsquel’obstaclen’estpaspourlui,maispourl’hommesursondos.
Amorçantuntourdepiste,ilpasseautrot,puisaugalop,etcommenceunecourbepour
seplacerdansl’axedel’obstacle.Àl’approchedelabarre,sesfouléesrégulièresl’amènent
àprendreunélanparfait,maislorsquesessabotsdécollentdusol,ilsentlapaniquede
soncavalier,quiattrapeviolemmentsacrinière,sepencheau-dessusdesonencolure
pournepastomberetserresespiedsdetoutessesforcesautourdesonventre.Àla
réception,l’hommeestincapabledelâcherlacrinièreetdedesserrerlaprisedeses
jambes.MaisSergueïencourageànouveaulecouple:
-Aupas.Faitesluiconfiance.Ilnevousdécevrapas,ilestcapableetvousaussi.Sivous
nepouvezpassuivresesmouvementssansluiimposervotrepeur,vousn’yarriverez
jamais.
Peuàpeu,ilsentsoncavalierrelâchersestensions.Lesminutess’écoulent,etquand
enfinlapressionlégèredesmolletsluiindiquequelecavalierestprêtàrecommencer
l’épreuve,Zaldiaprendlegalop.Ilsedirigeversl’obstacle,maiscettefois,ilsentqueles
chosessontdifférentes.Soncavalieraccompagnesouplementsesmouvements,regardant
auloinendirectiondelabarre.Sesjambes,bienqueprésentes,nesefontpaspressantes
autourdesesflancs.Sesmainsontlâchésacrinière.LorsqueZaldiaprendappuipour
s’envoler,soncavalier,lesbrasécartés,commeunaigleau-dessusduciel,faitcorpsavec
lui.Ilaccompagnesongeste,voleavecluiau-dessusdelabarre,prenantunelongue
inspiration.LessabotsavantdeZaldiatouchentenfinlesol,aprèsuninstantquiasemblé
durerplusieursdizainesdesecondes,etréceptionnéendouceur,lecavaliernes’affaisse
pasmaisaucontrairecontinueàsuivresamonture.
Zaldiaralentitpeuàpeu,s’arrêtantquelquesmètresplusloin.Brusquement,l’hommesur
sondoss’affaleenavant,enlacesonencolure,legratifie.Ilsentsachaleur,l’odeurde
l’hommen’estpluschargéedecrainte,ilselaissefaireetattendpatiemmentlaprochaine
demande.
Sergueïsemetalorsàapplaudir,sortantlechevaletlecavalierdecemomentdegrâce
suspendudansletemps.Alorslecavaliermetpiedàterre,retirelebandeauquilui
masquaitlesyeux,avantdepartirdansunimmenseéclatderirevictorieux:
-J’airéussi,grâceàvous,Sergueï!
-Vousêtesenfinprêt,vousn’avezplusbesoindemoi.AlorsZaldiaetmoipouvons
repartir,commevousl’avezpromis.
-LejetestprêtàramenerZaldiaenRussiedanslaminute.Maisvous,Sergueï,vousallez
devoirpatienterencoreunpeu.Jeveuxquevoussoyezlàquandjechevaucherai
Bucéphale!
-8Bavière,maisonduvieiloncledeJohn.
Àl’aéroportdeMunich,lessixjeunesgenssesontaussitôtreconnusd’aprèsles
vidéoconférences.Ilssedévisagent,troublésdedécouvrirlesdifférencesphysiquesentre
cequ’ilsavaientaperçusurleursécrans,imaginé,etcequ’ilsvoientpourdevrai.Plus
grandoupluspetit,unecertaineassurancecorporelleounon,uneeaudetoilettequi
souligneuntraitdecaractèreinattendu,unaccessoireouunvêtementinsolite.Maisils
gardentleursremarquespoureux,carmalgrélesduréesdevoletleséventuelsdécalages
horaires,ilssonttousconcentréssurlemêmebut:empêcherHannibald’accéderàla
toute-puissanceabsolue.
Letaxi-minibusquilesaemmenésdepuisl’aéroportlesadéposésà500mètresde
l’entréedelamaisonduvieiloncledécédédeJohn,ilsdoiventfinirlecheminàpiedavec
leursbagagessurunsentierenvahiparlavégétationforestière.Ilsdécouvrentaudétour
d’unruisseauauxeauxcristallines,danscequiavaitdûêtreuneclairière,unesolide
bâtisseenpierresauxrefletsnuancésdebeige,roseetocre.Letoitenardoiserésiste
vaillammentàlapressiondesbranchesd’arbresquiontprisleursaises.Laterrasseaux
dallesoctogonalestailléesdanslamêmepierrequelamaison,aellelaissépousserde
l’herbedanssesjointures.Partoutlanatureareprissesdroitsmaislesmursdelamaison
ontrésisté.
-Jevousprésentenotrecampdebase,ditJohnenouvrantlalourdeported’entrée.
L’intérieursentlerenfermé.Ilsouvrentlesfenêtresetvoletspourrafraîchirl’airambiant.
Touslesmeublessontrecouvertsdedrapsblancs,visionquiappuiel’impressionqu’icile
tempss’estfigé.Unepièceestréservéeaumatérieldeskietderandonnée,pourtousles
âges,etJohnsouritenretrouvantsesskisd’enfance.Battushig,lui,installeetbranchele
matérielinformatiquesurlagrandetableenboisdelasalleàmanger,capabled’accueillir
unevingtainedepersonnes.C’estautourdecettetablequelesjeunesgensserassemblent.
-Bien,annonceBattushig.Maintenant,ilnousfauttrouverlemoyendepénétrerdansle
châteauetrécupérerl’étoile,etconnaîtreendétaillesplansdeHannibalpourpouvoirles
déjouer.
-J’aimeraisaussivoircebelétalonnoir,intervientPablo.
-OK,trancheSalonqa.Maisd’abord,ilfauttrouverunmoyend’entrer.
-Hannibalnelaisserajamaisuntelendroitsanssurveillancenisécurité,ilyades
caméraspartout,sinonjen’auraisjamaispudécouvrircetendroit.Sansparlerdespièges,
descodesquidoiventverrouillertouteslesportes…déclareNadja.
-Maiscommentonvafaire??C’estunevraieforteresse…annonceanxieusementLeyla
-Jevaistenterd’infiltreretdecontrôlerlesystèmeinformatiqueduchâteau,réfléchit
Battushig.Quandj’auraidésactivélessécuritésquiprotègentsûrementl’accèsàl’étoile,
onpourrapénétreràl’intérieurduchâteauets’enemparer.Jepensequejepourrais
arriverànouscréerunefenêtredequelquesminutesenpiratantlesystème,maisaprèsje
supposequelesystèmededéfensedeHannibalvaréagiretjenesaispascombiende
tempsonaura…
-Donne-moijusteassezdetempspourquejepuissem’introduiredanslasalledes
commandes,etprendrelerelai,ditJohn.Jemaintiendrailescamérasdesurveillanceet
vousguideraipourgérerlasortie.
-Vousêtesfous!s’emporteLeyla.Vousnepensezqu’àl’informatique,qu’estcequevous
faitesdesgardesarmésdansetautourduchâteau?S’iln’yaplusdecaméraspoursavoir
oùilssetrouvent,etdoncpourpasserentrelesmaillesdeleurfilet,ilsneferontqu’une
bouchéedenous!
-Etsij’introduisaisnosproprescaméras?demandealorsPablo.J’airamenémespetits
drones,jemesuisditqu’onpourraitenavoirbesoin…Etj’aieuraisonapparemment!
ajoute-t-ildansunsourire.
-Bonalorssijerésume,ditLeylaavecimpatience,Pablolancelesdrones,Battushig
piratelesystèmededéfenseduchâteau,nousonrentredanslechâteauenslalomant
entrelesgardes,Johnvadanslasalledescommandesetlesautresdanslasalledel’étoile,
Battushignousguidepourdésactiverlesprotectionsdel’étoile,onlarécupère,etJohn
s’assurequ’onressortenentierduchâteau.Vousavezpenséàlamanièredeneutraliser
Hannibaldanstoutça?
-Etmonpère?intervientNadja.PasquestiondelaisserentrelesmainsdeHannibal!
Pabloserrelespoings,lacruautéd’Hannibalestsanslimites.Ilestplusquejamais
déterminéàanéantircemonstre.Nadjaquantàelle,ravaleunelarmeàl’évocationdeson
père.Elleessaiedenepasperdreespoir,maiselleapeurd’arrivertroptardetde
découvrirqu’unmalheurestarrivé.
-Jeveuxyaller,déclare-t-ellefroidement.Jeveuxêtresurplace,délivrermonpèreet
regarderHannibaldanslesyeuxlorsqu’onleneutraliseraenfin.Avecmestalents
d’acrobatedecirque,jepensequejepeuxgrimpersurunedestoursetentrerparune
fenêtre.Jetrouveraimonpère,etsûrementdesinformationsquivousserontutiles.
-Jet’accompagne,affirmeJohn.Jeconnaisbiencetteforêt,jepourrainousguiderà
traverslesarbres,jepensequenousn’avonspasbesoindeplusdevingtminutes.
-Moiaussi,déclarefermementLeyla.
-Trèsbien,faitSalonqa.PendantqueBattushigs’infiltreradanslessystèmesdesécurité,
jeresteraiicipourvousguider.
-Etmoi,dèsquelesdronessontarrivés,jevousrejoinsetjem’occupederetrouvercet
étalonnoir,rajoutePablo.
Unevoixs’élèvealorsd’undesordinateurs:
-Etnous?Qu’est-cequ’onpeutfairepourvousaider?
LesmembresduRéseau,impatients,montrentleurvolontédeparticiperàceraid.
-Jevaisvousdonneruncodeàrentrerdansvotreordinateurquivaouvriruneboîtede
dialogue,celledel’intranetduchâteau,etvousenverreztousdesmessagesàcetteboîte.
Sivousêtresuffisammentnombreux,vouspourrezm’aideràfairedisjoncterlesystème,
répondBattushig.
-Etsivousrepérezquoiquecesoit,jeseraivotrerelai!renchéritSalonqa.
Johnsortalorsdesagrossevaliseunéquipementdigned’ungrouped’interventiondela
CIA:camérasminiaturesavecattachefrontale,écransdevisionnages,oreillettesavec
micro,lampestorches,tournevisdecrochetage,grappinsetpetitscompasàlapointede
diamantpourdécouperleverre.Sousleregardsurprisdesautres,ildéclareavecun
sourire:
-J’étaispassionnéd’espionnagequandj’étaisplusjeune.Cesaccessoiresrisquentdenous
êtreplusqu’utiles!
-9-Lesdronesdécollent,déclarePablo.
Sesdoigtspianotentsurdesboutonstrèscomplexes,dignesd’untableaudebordd’avion.
SalonqaetBattushigattendentavecuneimpatiencemêléed’anxiété,lesyeuxrivéssurles
écransdecontrôledesdronesetsurcelui,remplidecodes,deBattushig.Àtraversles
camérasdesdrones,ilsvoientdéfilerlepaysageàviveallure,cimesdespinsnoirs,vallées
verdoyantes,desgrandesmassesvertesparseméesdereliefs.
-Vousenêtesoù?demandeSalonqaàJohn.
-Onyestpresque,j’aperçoislaclairièreàquelquesdizainesdemètres.Onresteàcouvert
desarbresenattendantvotretopdépart.
Enfin,audétourd’unedesmontagnes,surgitenfinl’imageduchâteaudeSchattental,
bâtissetiréedesplusgrandscontesdefées.MaisceseraitplutôtlechâteaudeBarbebleuequeceluiduprincecharmant…Arrivésàlalisièredelaforêt,Leyla,JohnetNadja
surveillentgrâceàundesécransminiaturesdeJohnlaprogressiondesdrones.Ébahie,
Leylas’exclame:
-Whoaaaah,qu’est-cequec’estbeau!C’esttellementmieuxvud’enhaut!
Ellearrêteimmédiatementdeparler,fusilléeduregardparsescamaradesqu’elleavait
interrompusdansleurintenseconcentration.
-Ons’approche,jevaisfaireuntourderepérage,déclarePablo.
-Jereconnaislesfontaines!s’exclameNadja.Etlà,lebâtimentsombresurlecôtéetles
barrières!Lasalledel’étoileestensous-sol,maisjenesaispasoùexactement.
-Ehbienonvaplonger!s’exclamePablo.
D’uncoup,ilbalancelesjoysticksversl’avant,etlepublicseretrouveenhautd’ungrand
huitquipiqueunetêtedroitverslesol.
-Jevaisvomir…seplaintSalonqa
-OnyestpresqueSalonqa,répondtendrementBattushig,pianotantàtoutevitessesur
sonclavier.Encorequelquesdizainesdemètresetceserabon!LesamisduRéseau,je
viensdevousenvoyerlecode,faiteschauffervosclaviers!
Pendantcetemps,Hannibal,ànouveauretranchédanssonbureau,consultelesplans
éparpilléssurlatableenboismassif.L’étoileàcinqbranches,casséeencinqmorceaux
triangulairesàlabaseirrégulière,estdessinéesuruneimmensefeuilletechniqueoùse
chevauchentflèches,équations,légendesetannotations.Hannibalattrapealorsune
deuxièmefeuille,avecuneautreétoileauxdimensionségales,maisenunseulmorceau,
commesilepuzzleavaitétéreconstitué.Lesannotations,différentes,indiquentla
procéduredefabrication.
Unbruitstridentsefaitalorsentendre:lasirèned’alarmeestdéclenchée,alertant
Hannibalquisedressebrusquementetsortencourantdelapièce.Sessbires,éparpillés
dansetautourduchâteau,seprécipitenttousversl’escaliercentralpourrejoindreleur
chefetrecevoirsesordres.L’espritenalerte,Hannibalarriveaurez-de-chausséeethurle:
-Christian,enfermeSergueïdanssachambre,ilnedoitpassurtoutpasenprofiterpour
s’échapper!
HannibalnepouvantprendrelerisquequeleoulesintrusrencontrentSergueïet
découvrentcequisetrameausous-sol,courtàlasalledescommandes,oùonlui
annonce:
-L’intranetsubituneattaqueetdesdronesvolantsontpénétrélepérimètredesécurité,
Monsieur.
-Détruis-les,abruti!luirépondHannibalencriantpourcouvrirlebruitdelasirène,les
yeuxcrispésetlabouchedéforméeparlacolère.
Letechnicienenfacedeluisemetàpianoteràtoutevitessesurletableaudebordetla
sirènes’arrêtealors.
-Là!annonceletechnicienentendantlebrasversundesécransdecontrôle.
Hannibalfixealorsl’écran,quimontreunedescamérasextérieures,etaperçoitlesdrones
quitombentpeuàpeucommedesmouchesdansunetracedefumée.Unsouriresatisfait
sedessinesurseslèvres,maisilnefautpasperdredetemps,sonousesassaillants
pourraientfrapperàtoutmomentetildisposedepeudetempspourtoutpréparerencas
d’intrusion.
-Restezici,etverrouilleztouslesaccès!Allezchercherceuxquisontencoredanslelabo
etenfermez-vousdanslasalledescommandes.
Hannibalseprécipitealorsdansverslefondducouloir,déverrouillel’entréeenformede
gouvernailets’engouffredanslasalledel’étoile.
-10Alorsquelesdronesavaientpresqueatteintlestoursduchâteau,ungrésillementsefait
entendre,etunedescamérassebrouillejusqu’àextinctiontotale.Pablo,necomprenant
pascequ’ilarrive,désynchronisesesdronesetutilisel’und’entreeuxpourregarder
l’endroitoùsetrouvaitceluiquivenaitdeperdrelecontact.
Sousleregardpaniquédugroupe,lepremierdrone,enfeu,amorceunechutelenteen
directiond’undesmursdelabâtisse,laissantunetracedefuméesursonpassage.C’est
alorsqu’undeuxième,puisuntroisième,puisunquatrièmegrésillementsefontentendre,
etunparun,lesécransdesdroness’éteignent.Lescinqdronessesontfaitcarboniser
commedesmoustiquessousl’effetdesrayonsd’unelampebleue.
Souslechoc,aucundesjeunesn’osedireunmot.Envahisparladéceptionpuisparla
peur,l’échecdeleuruniqueplansemblenelaisseraucunespoiràlaréussitedeleur
mission.Àcemoment-là,derage,Pabloselèveetjettelesmanettesausol,laissant
échapperuncripleindefureur.
Leyla,NadjaetJohn,assissurlaterrefraîcheàlalimitedelaclairièreduchâteaude
Schattental,restenteuxaussifigésparl’incidentquivientdeseproduire.Silesystèmede
défensedeHannibalaréagiaussirapidement,c’estqu’ils’estrenducomptedeleur
tentatived’intrusionetqu’ildoitêtreentraindeprendredesmesurespourcontreattaquer,voiredefuir,etalorstoutechancedel’arrêterseraitperdue.
NadjaserredanssapochelepetitcompasdonnéparJohn,etbonditalorshorsdelaforêt
encriantàsesdeuxcamarades,encoretropsouslechocpourfaireunseulgeste:
-Jevaisescaladerlatour!Jevaisallercherchermonpèreavantqu’ilnesoittroptard!Je
vousretrouverai!
Nadjas’élanceendirectionduchâteau,etdécidedepasserparletoitdubâtimentsombre
àl’arrièredelabâtisse.Lorsqu’ellearriveenfinauniveaudumur,ellenepeuts’empêcher
delancerunregardtristeverslalisièredesarbres,oùsesdeuxamis,démunis,sonten
proieàl’inquiétudeetl’indécision.
EllesortlegrappindeJohn,enroulelacordeencerclesqu’elletientfermementdanssa
maingauche.Ellelancelapieuvredemétalversleciel,désirantatteindreletoitdece
petitbâtiment.Unbruitmétalliquesefaitentendre,puisunbruitderaclure.Nadjaserre
lesdents,espérantquelegrappins’accrocheàunrelief.Enfin,lebruits’arrêteaprèsun
chocsourd:Nadjatirealorslacordepours’assurerdelasoliditédesaprise.Après
quelquessecondesdedoute,elledécidedeselancer.Elleattrapefermementlacordeet
imprimeunlégerbalancierdegaucheàdroite,pouraidersesmembresàs’agripper.Elle
monteunpremierpied,puisundeuxième,etellecontinuesonascensionversletoit.Ses
piedstapentàunrythmerapidelelongdubois,tandisqu’ellesedemandel’utilitédece
bâtiment,quisembleassezrécent.Quandonpossèdeunchâteauaussigrand,pourquoi
avoirbesoindeconstruireencoreuneénormeextension,enboisenplus.
Alorsqu’ellearrivepresqueautoit,elleaperçoitdespetitesvitresopaquesquicourentle
longdesmurs,commepournelaisserfiltrerqu’uneinfimelumière.Toujourssuspendue
d’unemain,ellesortlecompasàlapointedediamantdesapochepourfaireuntroudans
leverre.Ellerangelecompasettapecontrelecercledessinésurleverre,quitombeà
l’intérieurdubâtiment,sansfairedebruit.
-Vousvoyezcequejevois?demandeNadjadanslemicrodesonoreillette.
-Unmanège!C’estsûrquelechevaldoitêtredanslesparages.Ondiraitquequelqu’un
estpassérécemment,ilyadestracesdesabotsdanslesableetunobstacletrôneau
centre,répondPablo.OK,continueàgrimper,Nadja!
Lajeunefillesehissealorssurletoit,décrochesongrappinetlèvelatêteversleciel.
-Lavache,c’esthautquandmême,pense-t-elleàvoixhaute,hésitante.
-Tupeuxlefaire,larassureSalonqavial’oreillette,rappelle-toilecirque!
Avecunenouvelledétermination,Nadjalancelegrappinverslecheminderonde,situé
surlasailliedelamuraille,derrièrelescréneaux.Legrappins’accrocheparfaitement
entredeuxmerlons,etaprèsavoiraffermisaprise,ellereprendsonascension.Unefois
arrivéeaucheminderonde,illuifautdésormaisatteindreunedestours.Ellechoisitalors
cellesituéeàsagauche,ets’aidantdesmeurtrièresdanslesquellesellepeutfaufilerses
petitspiedsetsesfinesmains,ellegrimpecommeunearaignéelelongdumurcirculaire.
Arrivéepresqueausommet,n’ayantaperçuautraversdesmeurtrièresquedesescaliers
oudespiècesabandonnéesdanslenoir,elledésespèrepeuàpeudetrouversonpèredans
cettetour.Auniveaud’unefenêtrelaisséeouverte,probablementparoublioupar
empressement,elledécouvreunevastepièceaveccommeseulmobilierunbureau,un
confortablefauteuilencuir,unelampeàpiedetuneimmensebibliothèquelelongdes
murs.
-CedoitêtrelebureaudeHannibal,entre,ilyasûrementquelquechosed’intéressant!
luienjointSalonqa,avidedecomprendreenfincequ’ilsetramedanslechâteau.
Nadjahésiteuninstant.Ellevoulaitd’abordretrouversonpère,c’étaitlaprioritéetc’est
pourçaqu’elleétaitpartieseuledevant,abandonnantsesamis.
-Là,ilyauntrucbrillantsurlebureau!annonceJohn.
Lacuriositéetlasolidaritél’emportentchezNadja,quidécidedepénétreràl’intérieur.
Unefoislesdeuxpiedsausol,elledécouvrepeuàpeul’endroitdanslequelelledébarque,
etvoitalorsdansuncoinledébutd’unescalierenruine,condamné,quinemène
probablementnullepart:sonpèren’estpaspasdanscettetour.Elles’approchedu
bureau,ettouslesjeunesdécouvrentenmêmetempslamystérieuseplaquedecuivre,
gravéeengrec,poséesurlebureaudeHannibal.
-Nadja,tupeuxlatenirdevanttoi,jevaislatraduire,demandeSalonqa,plissantlesyeux
devantsonécran.Ellecommencealorsàlireàvoixhautepourtoutlemondel’oracledela
Sybille.
-«…Tantqu’ilgarderacetteétoile,nulnepourral’abattre.Tantqu’ilresterahumbleet
honnêtedanssesactes,tantqu’ilgarderamesureetsagesse,ilserainvincible.Maiss’il
faillit,ilseraconsuméparlacolèredeZeus».
-Vouspensezqueçaparledel’étoile,dontHannibalpossèdelescinqfragments?
demandeNadjadansunfrisson.
-Probablement,répondBattushig,lafondationHannibalHumanHistoryapassédes
annéesàrassemblerdescentainesd’objetsrelatifsàAlexandreleGrand.Maisjedoute
queHannibalaitprislesmisesengardedelaSybilleausérieux.J’avouequ’ilmériterait
pourtantdesefairefoudroyerparZeus!
-Bon,jepeuxrepartir?rappelleNadja.
-Oui,essaieuneautretour!luirépondSalonqa.
Nadjarepartalors,s’extirpedubureauenpassantparlafenêtre,accrochelegrappinet
descendenrappellelongdelatour.Ellecourtensuitelelongducheminderondepour
atteindreladeuxièmetourdumurdufondetcommenceàl’escaladervigoureusement…
-11Unevoixdéterminées’élèvealorsdanslaforêtjouxtantlechâteaudeSchattental:
-John,pasquestionderesterplantéslààrienfaire.Sionnepeutpasentrerdansle
châteauparl’entréeprincipale,nienescaladantlestourscommeNadja,alorsonva
trouverunautreaccès.Suis-moi!
Sansluilaisserletempsdeprotester,Leylas’estdéjàélancéeaupasdecoursedansla
forêt,surlestracesdeNadja.
JohnretientLeylasouslecouvertdesarbres,avantdes’approcherprudemmentdu
manège.Ilrepèreuneportetransversale,qu’ilfaitglissersurlecôté.Ilsentrentainsi
furtivementdansdestribunessurplombantlesoldumanègedésert.Ilsrestentlà,saisis
parlapénombreetlesilenceduvastelocal,quandLeylatireJohnparlamancheenlui
montrantladirectionopposéeauxtribunes.Surunedesparoisenboissedécoupeune
largeethauteplaquemétallique.Lecouplesautedestribunesdanslesableimmaculéet
sedirigeverscetteplaquedemétal.Ilscherchentunepoignéeouunmécanisme
permettantdeladéplacer,lapoussent,tententdelafaireglissersurlecoté,maislalourde
plaquesemblescelléedanslemurdebois.C’estalorsquedansl’oreilletteretentitlavoix
deSalonqa:
-John,àhauteurdetonépauledroite,ilmesemblequeleboisaunaspectlégèrement
plusclair.Regardes’iln’yapaslàunetrappeouquelquechoselà-dessous.
Eneffet,quandilposesamainsurlazoneboisplusclair,Johnsentlaparois’enfonceret
glissersurlecôtépourdévoilerunboitiermétalliquesemblableàceuxdesdigicodes:10
chiffresetunetouchedevalidation.
-Euh…quelqu’unconnaîtlacombinaisonpourouvrir?demandeLeyla.
-Cetteporteestindépendanteduréseaucentral,sedésoleBattushig.Jenepeuxpasla
contrôler.Commencezparessayerlessériessimplesàquatrechiffres.Lesplusfréquentes
sont:1234-0000-1111-5555-2222-etc.
-Non,répondJohnaprèsd’infructueusestentatives.
-OK,alorsessaielesalignementsenfonctiondupavénumérique:2580–0852,puis
colonnedroite,puiscolonnegauche.
-Toujourspas.
-Essayeceluiquej’utilisepourmoncodePIN:5683,tenteLeyla.C’est«LOVE»sion
traduitentexte.
Maisdevantcespremierséchecs,Battushigserembrunit.
-Riennenousgarantitqu’ils’agissed’uncodeàquatrechiffres…
Salonqaintervientalors:
-EtsionessayaitladatedenaissancedeHannibal?Narcissiquecommeilest,ilyade
forteschancesquelecodeserapporteàlui-même.
Hélas,lacombinaisonnefonctionnepasnonplus.C’estalorsqueleprofesseurTemudjin
intervient:
-Salonqa,tufaisbiendesoulignerlecôtéobsessionneldeHannibal.Tentezlecode
suivant:«2107356».
JohnetLeyla,sidérés,entendentunesériedecliquetis,puislalourdeplaquedemétal
s’enfonceetsedécalesurlecôté,dévoilantl’intérieurd’unesortedemonte-charge
moderne.
-Bravoprofesseur!s’écrieSalonqa.Commentavez-vousfaitpourtrouver?
-C’estladatedenaissanced’AlexandreleGrand:le21juillet,en–356.LeylaetJohn,
soyezprudentss’ilvousplaît.
Unefoislaportedumonte-chargerefermée,JohnetLeylarespirentleseffluvesrelaxants
deshuilesessentiellesenmêmetempsqueleplanchers’enfoncelentementdanslesol.
-Pourvuqu’onn’atterrissepasdansunefosserempliedeserpents…murmureLeyla.
Maisquandlebruitsourddelaportedumonte-chargequis’ouvreànouveaulesavertit
deleurarrivée,cenesontpasdesserpentsquilesaccueillent,maisdeschantsd’oiseaux
sereinsdansunenatureparfaite.Unelumièredecielvoilérègnedanscejardininattendu,
découpantlescontoursd’unevégétationluxuriante.Hésitants,ilsfontquelquespassur
unsolmousseux,souple,attentifsauxsignesd’uneprésencehumainemenaçante…
-Quetuesbeau!s’écriesoudainLeyla.
-Eum…est-cebienlemomentetlelieu?bredouilleJohn,embarrassé.
-Jeneparlepasdetoi!Regarde-le,lui,maisquellesplendeur!
Àquelquesmètresd’euxsedresseunbelétalonnoir,quilesobserveavecplusdecuriosité
quedeméfiance.Ilsemblelas,pousseunhennissementd’unetristesseàfendrelecœur.
Leylafouilledanssespoches,trouvelesachetdesucrequ’elleaprisdansl’avion.Ellele
déchire,versesoncontenudanslecreuxdesapaume,qu’elletendversl’étalonen
murmurant:
-John,tunebougessurtoutpas.Ettoi,viensmonbeau,viensprendreunefriandisechez
mamanLeyla,viens…
L’odeurdeceshumainsestrassurantetoutcommeleurattitude,lavoixdouceet
chantonnantel’attire,etilneluifautquequelquesinstantspoursedécideràs’approcher,
etcueillirdanslamaintenduelescristauxsucrés,lécherlapaumeoùlegoûtdesucrese
mêleàceluiduseldelapeau.Leylaoseunecaresselégèresursonfront,sontoupet,puis
sursonencolure,toutencontinuantdeluiparler:
-Quefais-tutoutseuldanscesous-solmonpauvre?Pourquoitecache-t-ondansce
jardinartificielalorsquetudevraisgaloperdehorsentouteliberté,commeAmira,ma
princessed’Égypte.Elleettoiferiezunsibeaucouple,tusais…
Pendantcetemps,descoupsrépétésrésonnentsurlescarreauxdelafenêtred’unedes
toursduchâteau:
-Père!Ouvre-moi!
ÀtraverslavitresedessinelevisageincréduledeSergueï.Uncourtinstants’écouleavant
qu’ilneseréveilledesastupéfactionetqu’ilcoureàlafenêtrepouraccueillirdansses
brasl’acrobatesuspendueau-dessusduvide.
-Nadja!Tuesfolled’êtrevenuejusqu’ici,jetecroyaisensécuritéenRussie!
-Tucroyaisquej’allaistelaisserenproieàcemonstredeHannibal?Allez,sortonsd’iciet
fuyonsauplusvite,ajoute-t-elleenquittantl’étreintedesbrasdesonpèrepourretourner
àl’embrasuredelafenêtre.
-Attends,Nadja,tudoisd’abordsavoircertaineschoses…
-12C’estcommesiunedigueserompaitd’uncoupchezcethommesimuet,sisecret.Les
motsdéferlent,Sergueïracontel’histoiredesapremièrerencontreaveclafamille
HannibalauPaysbasque,letragiqueaccidentquiafaitdisparaîtrelepetitfrèresi
prometteuretdétruitl’équilibredesmembresdelafamille,lesermentaupèredeJohn
FitzgeraldHannibalavantsamort,lademandeinattenduedesannéesplustardde
réapprendreàHannibalàmonteràchevalouplutôtàdominerleschevaux,ladécouverte
delafolieprogressivequis’étaitemparéedeluiaupointdes’identifieràAlexandrele
Grand,denommerl’étalonnoirretenudanslessous-solsBucéphalecommelecheval
légendaireduconquérant,sonchoixdenelaissersortirlechevalaupréextérieurqu’une
foisquelesrayonsdusoleilontquittél’étroitevallée.
Dansl’oreillettedeNadja,lesvoixdesmembresduRéseau,estomaquésparles
révélationsdeSergueï,cascadentensombresinterrogations,avantdeconvergerversune
conclusiondérangeante:
Ilyaplusde2400ans,Bucéphale,l’étalonréputéindomptable,necraignaitqu’une
choseaumonde:sonombre.Alexandre,quialorsavaitàpeinedouzeans,l’avait
intuitivementcompris.Ill’enfourchaetaprèsunrudecombatdecesdeuxvolontés
inflexibles,ilparvintàletournerfaceausoleilpourfairedisparaîtrel’ombreetl’apaiser.
Bucéphaleétaitl’undeseschevauxquin’obéissentqu’àunseulmaître,etilacceptadese
laissermenerparlejeunegarçonpuisdel’accompagnerfidèlementlelongdesesannées
deconquête.Hannibal,lui,paruneincapacitéàfaireconfianceauxchevauxetunesorte
decraintesuperstitieusequel’étalonnoirqu’ilavaitégalementnomméBucéphalepuisse
échapperàsoncontrôle,avaitchoisidel’empêcherderencontrerlemoindrerayonde
soleil.
HannibalsepréparedoncbienàchevauchersonBucéphale,enportantl’étoile
reconstituéed’AlexandreleGrand,pouratteindrelepouvoirabsoluetl’immortalité.Et
nulnesaitcequecethommedéjàsipuissantdanslesdomaineséconomiques,politiques
etscientifiques,maisàl’étatmentalvisiblementaltéré,pourraitfairedecettetoutepuissance…
LeprofesseurTemudjintented’apaiserlesesprits:
-Soyonsconcrets.Vousaveztrouvél’étalon,maispasl’étoile.Doncl’urgenceestde
localiseretdéroberl’étoile.
-Noussommeslesplusprochesducœurduchâteau,ditJohn.Leylaetmoiallons
chercherl’étoile.
-Jeparsenrenfort,intervientalorsPablo.Avantlecrashdesdrones,j’aiaperçusurleurs
camérascequiressembleàunebouched’aérationauniveaudessoubassementsdu
château.Jevaisessayerd’entrerparlà.BattushigetSalonqa,jecomptesurvotre
surveillancepourmeprévenirencasd’embûchesoudemauvaisesrencontres.
QuantàSergueï,maintenantqueZaldiaestrentréenRussieetqu’ilaretrouvésafille,il
désirepartirauplusviteduchâteau.Nadjahésite,elleaatteintsonbutdedélivrerson
père,ellen’aaucunbénéficeàrestericipluslongtemps.Maiscesjeunesetleprofesseur
Temudjin,sontdevenuscommeunedeuxièmefamille,va-t-ellelesabandonneralors
qu’ilscourentdegrandsrisquesàleurtour?
PendantqueNadjaetSergueïsortentduchâteauenrepassantparlafenêtreetlacorde,
Leylaquitteàregretl’étalonnoirpourgrimperavecJohndansl’escaliercentral.
Pablo,lui,estdéjàpartiaupasdecourseàtraverslespins,déterminéàmeneràbienla
missionqu’ils’estdonnée.Ilatantderancœurenversceluiquiafroidementet
gratuitementtirésursajument,Tormenta,qu’ilajurédeledétruire.CesgensduRéseau
luiparaissenttroppacifiques,troptrouillards,iliraseuletassumeraentièrementson
acte…
-13Pabloaatteintlabordurebasseduchâteau.Ildégagelavégétationàl’aidedesonfacón,
legrandcoutelasquelesgauchosargentinsgardentdansleurdos,glissédansunelarge
ceinture.Ildéfaitensuitelegrillagequil’obstrue,puiss’introduitenrampantdansun
conduitétroit,obscurethumide,quis’enfonceenpenteraidedanslesol.Ilcalculequ’il
doitsetrouveràunniveauinférieuràceluidusous-solcontenantlejardinartificieloù
l’étalonnoirestparqué.Plusilavance,plusuneodeurd’antiseptiqueluiagresseles
narines.Levoilàauboutduconduit.Derrièrelegrillage,danscettelumièredecrépuscule
artificielle,ildistingueencontrebasdesplacardsfermésetdesétagèresempliesde
matérielmédical:gazes,compresses,bandages,flacons,tubuluresensachées.Ilécoute
attentivementchaquebruit,recherchantlaprésencedegardes.Rien,justedelégersbruits
mécaniques,régulierscommedesbattementsdecœur.Laréserveestvideetlavoie
semblelibre.Ildéfaitsilencieusementlegrillage,puisselaisseglissertelunserpentdans
laréserveencontrebas.
Laporten’estpasverrouillée.Illapoussesilencieusementd’unemain,l’autreseserre
contrelemanchedesoncouteau.Lebruitmécaniques’amplifie.Ilarpentelecouloir,
pénètredanscequiressembleàuneécuriesouterraine.Danslesstallesindividuelles,des
jumentsàdifférentesétapesdegestationsontallongées,inertes.Pourtantellesrespirent.
Ellessontreliéesàdesperfusions,àdesmachinesquimesurentleursfonctions
biologiques.Aulieud’unnomdejumentsurl’entréedelastalle,ilyajustedeschiffreset
desgraphiques.
UnprofondmalaiseenvahitPablo,iltentedelechasserenpoursuivantsonexploration.Il
entredansunvastelaboratoire,désert.Toutestvisiblementrestéenplan,commesile
laboratoireavaitétéévacuéprécipitammentparlesemployés.Pablo,lesnerfsàcran,
parcourtduregardlelocal,etnepeuts’empêcherdepousseruncrid’horreuretdedégoût
endécouvrantlesaquariumsinsérésdanslesmurs,etsurtoutleurcontenu:deschevaux
inertesàdifférentsstadesdedéveloppement,del’embryonaunouveau-né,flottantsdans
duliquidetranslucide.
-Quelqu’unpeutm’expliquercequejevois?demande-t-ildanssonmicrod’unevoix
altéréeparlechocdecettevisionmacabre.
Unlongmoments’écouleavantquelavoixduprofesseurTemudjinneparvienneaux
oreillesdesmembresduRéseau.
-Jecrainsquecesoientdeséchantillonsd’expériencesdegéniegénétique…
-Professeur,s’indignePablo,jesaisquelegéniegénétiquepeutmodifierunetomatepour
laconserverpluslongtemps,ourendrelesojaOGMplusrésistantauxherbicides,mais
là!Hannibalfaitdesexpériencesgénétiquessurdesbébéschevaux?
Salonqaditalorsd’unevoixblanche:
-Des«bébés»quiseressemblenttous…Professeur,est-cequecepourraitêtredes…
échantillons…detentativesdeclonage?
LesmembresduRéseauécoutentavecunebouleaucreuxduventrelesexplicationsdu
professeursurlatechniqueduclonageanimal.Onprélèveunmorceaudepeaudu
donneuradulte,pourenextrairelesfibroplastes,quicontiennenttouslesgènesde
l’animaldonneur.Ilssontensuiteconservésdansdel’azoteliquide,dansunesortede
«cryo-banque».
Del’autrecôté,unovocyte,oufuturovule,estprélevésurunejument,vivante…ouàla
sortiedel’abattoir.Onremplacesonnoyaud’ADNparceluid’unfibroplastedécongelé
pourcréerunembryon.Celafonctionneunefoissur2.500tentatives.Après7joursde
culture,lejeuneembryonesttransférédansl’utérusd’unemèreporteuse.11moisplus
tard,lamèredonneranaissanceàunpoulaincloné,porteurdetouslesgènesdel’animal
donneur.Maiscesgestationssontbienplusfragilesqu’unegestationclassique,et
l’avancéescientifiqueauniveauduclonaged’animauxnepermetpasencorehélasd’éviter
untauxdemortalitéde95%chezlesembryonsetlesfœtus.
-Donc,résumeSalonqaens’accrochantauxchiffresetaurationnelpouréviterdecéderà
sesémotions,sileclonageréussit,lepoulainseralejumeauparfaitdudonneur,mêmes’il
naîtbeaucoupplustard.
Pabloestenproieàunvertigeintérieurimpossibleàcontenir.Entrelavisiondes
«ratés»flottantdanslesaquariumsetlesjumentsparquéeslààlamanièrederatsde
laboratoire,renfermantdansleurventrequisaitquelsmonstresexpérimentauxcrééspar
Hannibal,safureuretsondégoûtlesubmergent.Ilquitteprécipitammentlelaboratoire
pourcontinueràrechercherHannibal.Ilaencoreplusderaisondevouloirluirégler
définitivementsonsort!
Pablodébouchesurunenouvelleporte.Lesmainstremblantesderage,ill’ouvre.Unfroid
glaciall’assaille.C’estunepiècefrigorifique,auxmursentièrementnus.Salonqal’informe
quecettepièceestinvisibleauréseaudecamérasduchâteau,etqu’ilsnepourront
l’avertirencasdedanger.Pabloserrelesdentsets’enfoncedanslasalle,soufflantdes
nuagesdebuéeparlesnarines.Derrièreuneépaissevitresedresseuneétrange…
sculpture.Battushig,lesyeuxexorbitésdevantl’écransurlequelilsuitlesimages
transmisesparlacaméradePablo,saisitlebrasdeSalonqaetleserreàluifairemal.
Battushigpenseauchevaldeglace,àlaressemblanceinouïeentrela«sculpture»etce
chevaltombéavecsoncavalier,unsoldatd’AlexandreleGrand,dansunprécipiceen
Mongolie,etconservédanslaglacedepuisprèsde2400ans.Hannibalavaitàl’époque
contournéleséquipesgouvernementalesdeMongoliechargéesdel’étudierpourle
rapatrierenavionfrigorifiqueauxÉtats-Unisdanssasociétéspécialiséeen
cryogénisation,laHannibalCorp.Nuln’aplusjamaisentenduparlerdecettedécouverte
depuis.SicechevalétaitlevéritableBucéphale,etsiHannibalavaitréussiàpréleverun
fragmentexploitabledel’ADNduchevaldeglace,aurait-ilréussiàcréerunclonede
Bucéphale?
SalonqaparvientenfinàdétacherlesdoigtsdeBattushigdesonbras,ellesecoueson
compagnoncommetransforméenstatueluiaussi:
-Qu’est-cequ’ilya?Ondiraitquetuasvuunfantôme!
-Tunecroispassibiendire,répond-ilauboutd’unmoment.Lechevaldeglace,celuiqui
avaitchutédanslacrevasseenMongolieaveclecavalierd’Alexandre,jesuissûrquec’est
lui!
-14LesmembresduRéseaurestentpétrifiésdevantl’imagedelastatuedeglace,comprenant
qu’ils’agitdeBucéphale,leBucéphaled’origine.Danslesaquariums,dansleventredes
jumentsallongées,cesontdesclonesdeBucéphale,etl’étalonnoircachédanslejardin
artificieldusous-solseraituncloneabouti,parfait!
Unealarmestridenteretentitsoudaindanslechâteau,probablementdéclenchéepar
l’augmentationdelatempératuredanslapiècefrigorifiquedueàl’ouvertureprolongéede
laporte.
-Sorsdelà,Pablo!s’écrieSalonqa.Onperdlecontrôledescaméras,pasquestionquetu
tombesnez-à-nezaveclesgardesdeHannibal.
Lejeunehommeobéitcommeunautomate.Ilrefermelaporteetrecule,étourdipartout
cequ’ilvientdecomprendredesexpériencesdeclonagedeHannibal.Unequestionle
taraude:s’ilavaitaccèsàcesmoyensetàcettemaîtrisedanslamanipulationgénétique,
pourrait-ilre-créersajumentTormenta,àpartirdesonADN,sielledevaitsuccomberà
sesblessures?
JohnetLeylaontgrimpéquatreàquatrelesmarchesdel’escaliermenantdujardin
artificielàl’étagesupérieur.Deuxdestroisportessontverrouillées,ladernière,avecsa
poignéeenformedegouvernail,estgrandeouverte.Lesoreillesagacéesparlebruitde
l’alarme,ilscommuniquentpargestes.Plaquésdechaquecôtédelaporte,ilssedonnent
lesignalpourentrerenmêmetempsdanslapièce,quiserévèledéserte.Fascinés,ils
s’approchentdel’appareilcylindriquecomplexequisiègeensoncentre.Toutautourdela
machinesesituentdespromontoiresélectroniquessurmontéspardesclochesenverre
quiabritentdesprésentoirspasplusgrosqu’unemain,maisquisontvides.Aucentrede
lamachine,ilsdécouvrentuneétoileàcinqbranches,entière,enmétalmordoré,gravée
delettresgrecquesetdesymbolesexactementcommesurlesreproductions
informatiquesproduitesparBattushig.John,prudent,observeattentivementlamachine.
Ilcraintunsystèmedeprotectionfatalautourdel’étoile.Leyla,elle,passedirectementà
l’acteenempoignantl’étoileàmainsnues.EllecrieàJohn:
-Vite,onvarejoindrelesautresàl’extérieur!
L’alarmecessebrusquement.JohnretientdejustesseLeylaetlaplaquesurlecôtéavant
qu’ellenefranchisselaportedelasalledel’étoile,verslaquelletroisgardesarmésse
précipitent.Ilspensentqu’ilssontfichus,maislepremierdessbiresmarchesurlepetit
pavésituéenfacedelaporte,déclenchantl’ouvertured’unefossequiemportedansses
tréfondslesgardessurpris.Descrisdedétresseproviennentdesprofondeurs,maisJohn
etLeylachoisissentdelesignoreretdefoncerverslasortie,enévitantscrupuleusement
lesbordsdelafosse.
Dansleursoreillettes,oùtoutsons’étaitinterrompudepuisledéclenchementdelasirène,
lavoiximpérieusedeBattushiggrésilledésagréablementavantdedeveniraudible:
-Àtous,objectifatteint,sortezimmédiatement!
SalonqaposesubitementunequestioninsoliteàBattushig,quibataillepourmaintenirla
communicationaveclesmembresduRéseau:
-Situpouvaisgarderlesceaudetoutepuissancerienquepourtoi,qu’est-cequetuen
ferais?
MaisBattushig,troppréoccupéparsoncombatinformatique,necapterien.Leregardde
Salonqasevoilealors.Ellesaitcequ’elleferaitsielleétaitconfrontéeàcechoix.Elle
refuseraitdeposséderl’étoileetsespouvoirs,illuiestimpossibledes’imaginer
immortelleetseuleàjamais.Ellepréfèresavourerlemomentprésentetpeut-êtrebienle
futur,avecBattushig…
CettepenséeestdecourteduréecaralorsqueJohnetLeylacourentpourlesrejoindre,
Leylatrébuchesuruneracinesaillanteetpousseuncridedouleurenvacillantsursa
chevilletordue.ElletombebrutalementfaceausoletJohnsuspendsacoursepourl’aider
àserelever.Leylaserrelesdentspournepascrierquandelleprendappuisursacheville.
Johnglissesonbrassousl’épauledelajeunefillepourl’aideràmarcher,maisLeylale
repousseetmontredudoigtquelquechosequiluitentrelesrochersetlesaiguillesde
pins.L’étoile,qu’ellealâchéeparréflexepouramortirsachute,gîtenpleindemorceaux
auréolésdepoudreblanchâtre.Johntentedelesramasserpourlesglisserdanslaposte
desachemise,maisLeylas’approchedeluienboitillant:
-Laissetomber,John.Cen’étaitpaslavéritableétoile…unesimplecopieencompositeou
enplâtrepeint.Hannibalnousabieneus.
Johnseredresseatterré:
-Vousavezentendus,tous?Hannibalasûrementlesceauaveclui,ilacherchéànous
éloignerduchâteau.Ilfautyretourneretl’empêcherdeseservirdel’étoile!
AlorsqueBattushigabandonnesonordinateurpourseprécipiterverslechâteau,Salonqa
leretientfermement:
-Sansvouloirt’offenser,tuesloindefairelepoidsphysiquementcontreHannibal.Si
vousvoulezbienm’aider,toiicietKushienMongolie,jecroisquej’aiuneidée.Celledela
dernièrechance…
-15Dehorslecielestentraindes’assombrir.Leyla,quel’entorseàsachevillerendinutile
dansledomainedelavitesse,harangueJohn:
-Laisse-moietcours.Silanuittombebientôt,HannibaletBucéphalepourronts’enfuiret
disparaîtrecommedescafardsdansunejarred’olivesnoires.
Pablo,lesoufflecourt,criedanssonmicro:
-Unlieusansombres…lejardinsouterrainestvide…foncezaumanège!
MaisquandPabloatteintlemanège,bientôtrejointparJohn,ilestdéjàtroptard.
HannibalestjuchésurledosduclonedeBucéphale,immobileaucentredumanègeoù
l’éclairageannulelesombres,commes’illesattendait.
-Vousvoilàenfin…laisse-t-iltomberavecunemorguebouffiedevanitétandisque
BattushigetSalonqaentrentàleurtourdanslemanège.
Hanniballeurannoncealorsqu’ilauraitputousleséliminer,maisqu’ilapréféréles
réunirafinqu’ilsassistentàsontriomphe,maintenantqu’ilasoumisl’étalonetl’étoileà
savolonté.AlorsquePablopousseunhurlementderageensortsonfaćondesonétuiet
sepréparantàcourirverslecentredumanège,Salonqasejettedevantluipourleretenir:
-Non!Nefaispasça!John,aide-moi!
Hannibalritdurementtandisquesesyeuxvaironslancentdeséclairsdejubilation.Il
entrouvresachemise,branditlesceaud’AlexandreleGrandretenuparuncordonen
directionduciel.Ilnevoitpaslasilhouetteseglisserderrièrelui.Ilnecomprendpas
pourquoiBucéphalesecabresubitement,pourquoiunepuissantelumièreinondelesable
delacarrièredevantlui,pourquoicetteombredechevalfaitmined’attaquerson
Bucéphale,pourquoicederniercèdeàlapaniqueetsedébatcontrelamainquienserre
lesrênes,contreleséperonsquilabourentsanspitiésesflancs.Hannibalhurlede
frustration,frappel’étalonaffoléaveclamatraquetélescopiquequ’ilavaitglisséedanssa
botte,laissantsursoncorpsdeszébruressanguinolentes.Ilignorelessupplicationsde
Sergueï,surgidanslemanègeavecNadja,pourqu’ilcessedefrapperl’étalon.Au
contraire,ilredoubledeviolence,pasquestiondecédersiprèsdubut!
Foudepeuretdedouleur,Bucéphalesedébat,désarçonnesonbourreaudecavalieret
s’enfuitauplusloindecetteombremaléfiquequil’attaque.AumomentoùHannibal
touchelesol,unesorted’ondeélectriquesembleletransperceretils’enflammecomme
unarbresecfrappéparlafoudre.
Tandisquelesjeunesgensmédusésobserventlescendresfumantesausoldumanège,à
quelquespasdeBattushig,Sergueïs’emploieàcalmeretrassurerl’étalon.Battushigparle
commes’ilétaittoutseul,leregardperduauloinetleprojecteurholographiqueminiature
pendantauboutdesamain:
-«Siparmalheur,leporteurdel’étoiledevaitsuccomberàladémenceoulafureur,si
sonambitionexcédaitlamesure,alorsl’étoilelemèneraitàsaperte.»Laprophéties’est
réalisée…pardonne-nous,Bucéphale…
Salonqaavaiteuuneformidableintuition.ToutescesprécautionsprisesparHannibal
pourqueleclonedeBucéphalenevoiejamaislesoleil,c’étaitlepointfaibleparlequel
atteindreHannibal.Nepouvantcréerlesoleil,ilsontcréépuisprojeté,àpartirdes
imagescaméradeBucéphale,uneombreholographiqueanimée,celled’unpuissant
étalon-miroirattaquantBucéphale.Enbrisantl’harmoniequeHannibalavaitréussià
instaureravecsamonture,ilsl’ontpousséàrévélersafolieetsadémesure.
-16Épilogue
Sergueïafiniderassemblerleursaffaireshorsdelamaisonquiaservidecampdebase.
Aumomentoùilrefermelaporte,ilcroitentendreunhennissementd’adieu,auloin.Il
saitqu’ilgarderalongtempsdanssamémoirel’échodespasdeBucéphales’éloignant
danslaforêtplongéedansl’obscurité.Quedeviendracetétalonexceptionnel,si
indomptable,sifier,livréàlui-mêmedanslanature?Nulnelesaurajamais…
Rassemblésenamontduval,àunedistancedesécuritérespectableduchâteau,les
adolescentsrespectentunsilenceinstinctif,celuidurecueillementavantunactedéfinitif.
Lechâteauetsonhorriblecontenusontprêtsàêtredétruits.Depuisqueleuremployeura
disparu,lessbiresdeHannibaln’ontpasdemandéleurresteetontpréférés’enfuir.Les
jumentslibéréesdanslavasteforêt,ilneleurresteplusqu’àappuyersurleboutondela
commandepourdéclencherlaséried’explosifsenligne.Maisavantderefermerlapage
surlesecretdeHannibaletd’AlexandreleGrand,illeurresteuneterriblequestionà
résoudre:quefairedescinqfragmentsd’étoile,queNadjaaramassésdanslemanège
aprèsqueBucéphaleapiétinéetbriséànouveaul’étoile?
Johnprendlaparoleenpremier:
-Chacund’entrenoussecharged’unfragmentet,commelescavaliersdePtolémée,
l’emmènepourlecacherdansunendroitqu’ilnerévéleraàpersonne,pasmêmeaux
quatreautres.C’estlemeilleurmoyenpourquelesecretnefiltrejamais.
UnlourdsilencesuitlapropositiondeJohn.Chacunsaitqu’ilaraison,etqueceuxqui
prendrontlaresponsabilitéd’unfragmentdevrontenassumerlefardeaupourlerestant
deleurexistence.Battushigbriselesilenced’untongrave:
-Jepensequechacund’entrenousl’aexpérimentéouintimementressenti.Latentation
delatoute-puissanceetdel’immortalitéesttropgrandemalgrélesmeilleuresintentions
dumonde.Sinousrestonsencontact,sinouscherchonsànousrevoir,j’ignoreceque
nousserionscapablesdenousfairemutuellementsubirpourreforgerlesceauet
s’appropriersapuissance…
-Cequisignifiequenousnenousreverronsplusjamais,déduitSalonqa.
-Euh…intervientLeylaavecunserrementdanslagorge,ilyacinqfragmentsetonest
six.Alorsqui…?
Spontanément,sixmainsselèventdeconcert.Maisaprèsuncourtinstant,Leylacherche
lesyeuxdeJohn,etBattushigceuxdeSalonqa.Pabloseréjouitcyniquementd’être
célibataire,etNadjaréalisebrusquementqu’ellenepourraplusrevoirsonpère.Lechoix
estimpossible!
***
Salled’embarquement,aéroportdeMunich.
LeprofesseurTemudjins’avanceàlarencontredesjeunesgenséprouvés,serre
longuementlamaindeSergueïetéchangequelquesparoleschuchotéesaveclui.Ilsse
tournentalorsverslesadolescentsavecdesyeuxpleinsd’affectionetdecompréhension:
-Ceserontlesdeuxvieuxcélibatairesquiprendrontenchargeunfragmentchacun.Leyla
etJohn,SalonqaetBattushig,votreamourdoitpasseravanttout…
-Père?bredouilleNadja,égarée.SiPabloprendunfragment,lesamoureuxenemportent
unchacun,leprofesseurettoilesdeuxderniers,jenepourraiplusjamaist’approcher?
-Connais-tuunhommeplusmuetquetonpère?répondSergueïavecunepointede
malicedanslavoix.
Nadjaéclateensanglotsetcourtseréfugierdanslesbrastendus.
Aumomentoùl’annonced’embarquementretentitdansl’aéroport,leprofesseur
Temudjinenlaceaffectueusementchacundesaventuriersdusceauperdu:
-Adieumesamis.Vousavezprislabonnedécision,mêmesileprixàpayerestquevous
vivrezaveclepoidsdecesecretetnevousreverrezjamais.Jevoussouhaiteàtousunevie
longue,heureuseetsagecommecelledePtolémée…
MémoiresdePtoléméeSôter1er,roid’Egypte,vers-285avantJC
…JedérobaiàAlexandrelesceaudupouvoiretenbrisaichaquebrancheavecmon
épée.Cinqcavaliersdeconfiancefurentchargésd’emporterunebranchedel’étoilele
plusloinpossible,afinquenulnepuisselesrassemblerànouveau.Lecinquième
cavalier,monmeilleurlieutenant,enfourchaBucéphale…etpartitàsontourversl’un
desconfinsdumonde.
…Alexandrenefutplusjamaislemême.Nousabandonnâmeslaconquêtedel’Indeet
rentrâmes.AlexandresuccombadefièvresdesmaraisàBabylone,justeavantses
trente-troisans.
…Jeviensdefêtermes80ans,etdemalongueexistence,jenerevisjamaisaucundes
cinqcavaliers.Lemondeestbientropvastepourqu’unseulprétendelegouverner,sans
risquerdel’anéantir.JeprieZeusetAmonquenul,jusqu’àlafindestemps,neréunisse
ànouveaulescinqfragmentsdusceaud’AlexandreleGrand…
FIN
Sicettehistoirevousaplu,venezdèsàprésentretrouverBucéphaleetdécouvrirles
autreschevauxlégendairessurwww.equideow.com
Auteurdel’histoiredesChevauxLégendaires:ChristineFrasseto
©2015Owlient.AllRightsReserved.

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