Le refus de l`astreinte et le privilège de l`admi
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Le refus de l`astreinte et le privilège de l`admi
M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH SOMMES-NOUS EN 1913 ? REMARQUES CONSTERNEES SUR UNE ERREUR DE SIECLE (∗) Le refus de l’astreinte et le privilège de l’administration de ne pas respecter l’autorité de chose jugée Note sous C.S.A. 11 mars 1999, Commune rurale de Tounfit c/ Attaoui Michel ROUSSET Professeur Emérite Faculté de droit de Grenoble Mohammed Amine BENABDALLAH Professeur à l’Université Mohammed V Rabat-Souissi Le protectorat français a posé au Maroc les bases d’une justice administrative limitée mais fondée sur des principes qui étaient ceux de la métropole, principes étroitement liés au contexte historique qui a entouré la construction du système administratif français ; parmi ceux-ci il en est un qui nous intéresse aujourd’hui : Il s’agit du « vieux principe de l’impossible contrainte sur l’administration » (1). L’Etat Puissance Publique ne pouvait pas admettre en effet que ses décisions même illégales soient paralysées par l’intervention du juge. On peut imaginer que les rédacteurs des dahirs de 1913 ne se souciaient pas non plus de faire plier les décisions des agents publics devant l’autorité de la chose jugée ; la contestation de ces décisions étaient interdites, sauf la possibilité de réclamer au juge une indemnité réparatrice du préjudice qu’elles auraient pu causer, et c’est, comme on pourra le voir à travers l’arrêt récemment rendu le 11 mars 1999, la solution qui, à notre grand étonnement, a été retenue par la Cour suprême, et qui, en elle-même, constitue un véritable problème. Etat Puissance Publique, Makhzen tout puissant, tel est le fondement de ce vieux principe qui, en France comme au Maroc, a eu pour conséquence de réduire trop souvent l’autorité de la chose jugée à une référence purement verbale sans effet pratique dès lors que l’administration refusait d’y déférer. Les plus célèbres juristes de l’époque, Gaston Jèze en 1913 et, plus tard, Joseph Barthélemy, dénonçaient cependant les conséquences de ce principe. Solutions injustifiables pour l’un, tandis que l’autre montrait la contradiction entre la pureté du principe et les « lacunes pratiques » qu’il engendrait (2). Et il a fallu attendre la fin du siècle pour que le législateur fasse plier la jurisprudence en donnant au juge, par la loi du 16 juillet 1980 (3), le pouvoir d’adresser des injonctions à l’administration et de la contraindre à exécuter, au besoin sous astreinte. Cette intervention du législateur était nécessaire du fait que, jusqu’alors, en France, aucun texte ne permettait au juge de prononcer une astreinte contre l’administration. ∗ REMALD n° 31, 2000, p. 127, en collaboration avec le professeur Michel Rousset. B. Pacteau, Contentieux administratif, PUF, 1997, p. 328. 2 Ibid. p. 330. 3 E. Baraduc-Benabent, L’astreinte en matière administrative ( loi du 16 juillet 1980 ), D. 1981, ch. 95 ; P. Bon, Un progrès de l’Etat de droit : la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes en matière administrative et à l’exécution des jugements par la puissance publique, R.D.P. 1981, p. 5 ; J. Tercinet, Vers la fin de l’inexécution des décisions juridictionnelles par l’administration ? A.J.D.A., 1981, p. 3. 1 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH * * * Au Maroc, malgré la disparition du protectorat, la situation était très voisine car le « vieux principe » subsistait. L’article 8 du D.O.J. s’était transformé en article 25 du code de procédure civile, et la Cour suprême, même avec des règles générales sur l’exécution forcée des jugements contenues dans ce code appliqué dans la procédure contentieuse administrative, n’avait pas imaginé qu’elle pourrait chercher le moyen d’obliger l’administration à exécuter les décisions revêtues de l’autorité de la chose jugée. Au plus, elle se bornait à fulminer contre l’administration des formules vengeresses selon lesquelles « la méconnaissance des jugements et arrêts passés en force de chose jugée et revêtus de la formule exécutoire constitue, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, un excès de pouvoir pour violation des lois fondamentales, d’organisation et de procédure judiciaires au respect desquelles l’ordre public est au premier chef attaché » (4). C’étaient des paroles sans aucun effet. L’expérience a démontré que l’administration ne s’en souciait guère. Les inexécutions n’ont pas diminué pour autant et il suffit de lire les journaux, de fréquenter les avocats pour s’en convaincre ! Et cependant, qui peut contester le fait qu’il y a une contradiction absolue entre l’existence d’une juridiction et l’inexécution de ses décisions ? Dans un Etat qui veut être un Etat de droit, est-il concevable que force reste à l’arbitraire, et que l’administration puisse par son inertie, son mauvais vouloir, réduire à néant les décisions de justice ? C’est ce que la Cour suprême semblait avoir parfaitement compris en confirmant la décision du Tribunal administratif de Rabat prononçant une condamnation sous astreinte de l’administration de façon à l’obliger à exécuter le jugement rendu contre elle (5). En elle-même, cette solution était limitée (6). Une administration qui refuse l’exécution d’une décision judiciaire est déjà hors la loi ; et, bien consciente que même si une astreinte est prononcée contre elle, c’est le Trésor public qui va s’en acquitter, autrement dit le contribuable, elle va persister dans son entêtement, persuadée que dans le pire des cas, l’astreinte planera sans finalement s’abattre sur personne de précis. Pour être clair, l’astreinte contre l’administration ne peut être efficace que si en fin de parcours, il y a une poursuite sérieuse contre le responsable administratif qui a été à l’origine du problème et a entraîné la condamnation de l’administration à l’astreinte. Sinon, elle n’a même pas l’effet d’un épouvantail à moineaux. 4 C.S.A., 9 juillet 1959, Guerra, R. p. 59. C.S.A, 25 septembre 1997, Agent judiciaire c/ héritiers El Achiri, cette Revue, n° 23, 1998, p. 139. 6 M.A. Benabdallah, L’astreinte contre l’administration, note sous T.A., Rabat, 6 mars 1997, Héritiers El Achiri, cette Revue n° 20-21, 1997, p. 243. 5 2 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH * * * Néanmoins, profitant de cette avancée et bien convaincu du caractère illusoire de l’astreinte contre l’administration, le Tribunal administratif de Meknès, estimant à juste titre que derrière un refus il y a un et un seul responsable et non l’administration dans sa globalité, prononça l’astreinte contre le poursuivi personnellement (7). Cette imagination bien courageuse suscita les éloges des commentateurs (8). Elle était en effet à considérer comme le début de la fin de l’arbitraire et de l’Etat de non droit. Aujourd’hui, en plus de l’accord que nous avons déjà exprimé en son temps, et avec le recul, nous réitérons que le Tribunal de Meknès avait tout à fait raison. Voici pourquoi. Si les juridictions de premier degré ont estimé qu’il était possible d’adopter une attitude offensive à l’égard de l’administration, et constructive dans l’interprétation de textes anciens, c’est parce qu’un changement fondamental s’était produit dans l’organisation juridictionnelle, précisément avec la création des tribunaux administratifs. Cette création répond en effet à une volonté politique du regretté Souverain Hassan II tendant à renforcer l’Etat de droit et à améliorer la protection des citoyens contre l’arbitraire ou l’erreur de l’administration. Par ailleurs, la loi les instituant leur donne techniquement les moyens d’agir dans la mesure où il est dit dans article 7 que le code de procédure civile est entièrement applicable devant eux sauf dispositions contraires, donc y compris l’article 448 relatif à l’astreinte. Ceci a pour conséquence logique et nécessaire que le juge administratif ne peut remplir sa mission qu’à la condition d’abandonner ce mythe d’un autre âge, ce privilège « injustifiable » de l’administration qui ne peut subsister que par l’attachement mimétique à l’ordre juridique qui lui a donné naissance alors même que ses créateurs français l’ont abandonné (9) ! C’est ce qu’avaient parfaitement compris ces juges perspicaces, inventifs et courageux, prêts à servir le droit et cela d’autant plus qu’étant à l’écoute des citoyens, ils constatent quotidiennement les effets du mépris de la justice dont témoigne la désinvolture de l’administration à l’égard de la chose jugée. Dans le jugement El Achiri, précité, du Tribunal administratif de Rabat, on peut lire : 7 T.A., Meknès, Ordonnance de référé, 3 avril 1998, Attaoui et 23 juin 1998, Ismaïli Alaoui, cette Revue, n° 27, 1999, p. 116 8 M. Rousset, Le prononcé de l’astreinte à titre personnel : un moyen dissuasif propre à obtenir le respect des décisions de justice rendues cotre l’administration, cette Revue, n° 27, 1999, p. 105 ; M.A. Benabdallah, L’astreinte contre le responsable administratif opposant le refus d’une décision de justice contre l’administration, cette Revue, n° 27, 1999, p. 111 9 R. Debbasch, Le juge administratif et l’injonction : la fin d’un tabou, J.C.P., 1996 - I - 3924. 3 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH « Attendu qu’il n’existe aucun texte juridique qui exempte l’administration de la condamnation à l’astreinte dans le cas de son refus d’exécuter un jugement prononcé à son encontre ayant pour objet le fait d’accomplir une obligation de faire ou celui de contrevenir à une obligation de ne pas faire, l’incompétence soulevée par l’agent judiciaire doit être écartée » * * * C’est à partir de ce jugement pionnier, que le Tribunal administratif de Meknès, se voulant plus efficace, a déféré à la demande du requérant en prononçant l’astreinte contre le responsable administratif, et non l’administration. En fait, dans cette solution, il n’y avait rien de choquant, car de même que l’on pouvait soutenir qu’aucune disposition législative ne s’opposait à condamner l’administration à l’astreinte, il n’y avait non plus aucune disposition qui s’opposait à la prononcer contre l’auteur du refus d’exécution personnellement responsable. L’article 448 du Code de procédure civile ne distingue pas entre l’administration et le responsable, il parle du poursuivi. Si l’on veut être positif, pour consolider l’Etat de droit, on peut aller dans le sens de l’interprétation du Tribunal administratif de Meknès. Mais la Cour suprême ne l’a pas vu ainsi. En appel, elle a infirmé la solution qui, selon nous, était de nature à mettre fin une fois pour toute à l’inexécution des décisions de justice par l’administration. Avec l’astreinte personnelle, ce problème allait disparaître. La crainte du responsable de l’inexécution d’être personnellement condamné allait être le début de la sagesse ! Mais, rien n’y fit ! La Cour suprême ne semble pas avoir donné son importance à l’esprit du discours royal du 8 mai 1990. Pis encore ! Dans l’arrêt qui nous retient, elle a contredit même la position qu’elle avait adoptée dans l’arrêt précité du 25 septembre 1997, Agent judiciaire c/ Héritiers El Achiri et dans lequel elle avait admis l’astreinte contre l’administration. C’est pourquoi, à la lecture de sa décision, notre étonnement s’accroît dans la mesure où, d’une part, elle n’est pas fondée en droit et, d’autre part, elle repose sur un raisonnement complètement erroné. Outre le fait qu’elle a à tort accepté l’appel de la Commune de Tounfit alors qu’en réalité, l’ordonnance du Président du Tribunal de Meknès concernait le Président de la Commune personnellement responsable de l’inexécution et nommément désigné (10), la Cour suprême s’est contentée d’affirmer qu’il n’était pas possible d’obliger le président du conseil communal à exécuter la décision du tribunal par la voie de l’astreinte « tant que la juridiction administrative s’est bornée à annuler son acte en le considérant entaché d’excès de pouvoir ». C’est sans doute irrévérencieux, mais, compte tenu de l’estime que nous avons pour les juges de la Cour suprême, il faut bien le dire ! Il s’agit là de ce que l’on appelle l’argument d’autorité qui n’a rien à voir avec un argument juridique ! 10 Sur ce point, voir, dans ce numéro, la note de notre collègue M. Antari. 4 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH Où est le texte qui interdirait au président du Tribunal administratif saisi en référé d’utiliser l’article 448 du Code de procédure civile ? Et que fait alors la Cour suprême de son arrêt du 25 septembre 1997, Agent judiciaire c/ Héritiers El Achiri, dans lequel elle avait admis l’astreinte contre l’administration ? Si seulement, elle avait dit dans le nouvel arrêt que l’astreinte personnelle n’était pas à retenir en laissant entendre que contre l’administration elle était possible, on aurait compris ; mais le comble c’est qu’elle s’est évertuée à être purement et simplement « hors sujet » ! Qui plus est, elle a suivi un raisonnement absolument erroné. Lorsqu’elle expose que le prononcé de l’astreinte « a été rendu dans le cadre d’un recours en annulation où le juge administratif se contente d’annuler l’acte incriminé sans le remplacer par un autre acte… » ; la Cour semble insinuer que le prononcé de l’astreinte est équivalent à la prise par le juge d’une décision qui se substituerait à la décision annulée, ce qui n’est pas le cas ! La réalité est que l’astreinte a été prononcée en vertu de l’article 19 de la loi 41/90 instituant les tribunaux administratifs, dans une ordonnance de référé du Président du Tribunal adressée au Président du Conseil communal de Tounfit. Relisons le passage qui est on ne peut plus clair : « En ce qui concerne le fond : La détermination d’une astreinte pour l’exécution du jugement administratif n° 18 du 1er juin 1995, dossier d’annulation n° 94/40 consistant en la somme de 500 Dirhams pour tout jour de retard à compter de la notification du présent ordre, et ce contre le poursuivi personnellement en faveur du requérant ». Relevons en passant qu’il s’agit d’une affaire qui remonte à 1994-1995, et en 1999, soit quatre ans, l’exécution n’était toujours pas réalisée !…Sans commentaire ! Enfin, le dernier attendu est particulièrement affligeant. Il nous ramène à 1913. Le juge estime que le malheureux agent illégalement révoqué, qui, après quatre années d’angoisse, n’a pu obtenir satisfaction du fait du refus du président de la commune de le réintégrer, n’a qu’à engager une nouvelle action en justice. Il reste à l’intéressé, ajoute imperturbablement le juge, « le droit de recourir à la justice administrative, et après présentation du procès verbal constatant le refus d’exécution, de demander réparation du préjudice résultant du comportement fautif relatif aux activités des personnes de droit public susceptibles de préjudicier aux intérêts privés » ! Et voilà le requérant livré pieds et poings liés à une plaisanterie de très mauvais goût, puisque devant un nouveau refus d’exécuter, des frais supplémentaires et un appel abusif de l’administration, le tout étalé sur quelques autres années de procédure, il se trouvera à son point de départ. Au bout d’une dizaine d’années, le jour où l’on aura pitié de son état, on le dédommagera, mais sans jamais exécuter le jugement. Le président, finalement victorieux, non point du requérant mais en réalité de la justice et du bon sens, se sera alors payé une illégalité dont il se délectera aux frais du Trésor public et la justice, en fait, la grande perdante, aura fait plusieurs pas en arrière ! Si c’est ainsi que l’on conçoit l’Etat de droit, avouons qu’il est difficile de dormir la conscience tranquille ! * 5 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH * * Optimiste par nature, nous avons, il y a peu de temps, célébré les mérites de la justice administrative marocaine pièce-maîtresse de l’Etat de droit (11). Pour mieux assurer la démonstration, nous nous sommes appuyés sur le rôle éminemment positif de la jurisprudence des nouveaux tribunaux administratifs non seulement sur le plan quantitatif, mais aussi qualitatif, grâce à des décisions constructives et audacieuses permettant de valoriser la jurisprudence libérale développée par la Cour suprême depuis sa création (12). C’était à coup sur minimiser les réflexes conservateurs, pour ne pas dire rétrogrades, d’une institution qui, malgré quelques arrêts où elle a accompli des avancées très appréciables, n’a peut-être pas encore compris qu’il fallait abandonner des vieilleries remontant au début du siècle. Coup sur coup, en effet, comme s’il s’agissait d’une stratégie bien réfléchie, la haute juridiction a rendu deux décisions qui vont à contre-courant du changement voulu par la plus haute autorité de l’Etat - qu’on relise le discours royal du 8 mai 1990 -, et qui sont en contradiction avec la jurisprudence antérieure, manifestant ainsi une sorte de penchant irrépressible à la régression jurisprudentielle qui, répétons-le, contraste avec les progrès que l’on ne saurait lui dénier. La décision du 11 mars 1999, objet de ce commentaire, est en contradiction avec celle de 1997, Agent judiciaire c/ El Achiri, en ce sens que, tout simplement, elle l’a ignorée. Quant à la décision du 19 juin 1997, Ministre de l’Intérieur c/ Bizarkane, elle est en contradiction flagrante avec deux arrêts de la même Cour suprême, l’un rendu le 18 février 1963, William Wall, et l’autre, le 8 août 1966, Aït Aflah et Aït Lahcen (13), en vertu desquels le recours pour excès de pouvoir existe de plein droit sauf si un texte l’exclut expressément, ce qui naturellement ne pouvait pas être le cas des textes antérieurs à 1957. Mais ceci n’a pas empêché la Cour suprême de considérer quarante ans plus tard, et dans un climat de réforme favorable à toute création bienfaisante, que le recours pour excès de pouvoir pouvait être exclu. 11 M. Rousset, La justice et l’Etat de droit au Maroc, « Mondes et culture », Revue de l’Académie des sciences d’Outre Mer, séance du 15 octobre 1999, à paraître. 12 Quarante ans de justice administrative, cette Revue, Thèmes actuels, n° 14, 1997, M. A. Benabdallah, Bref regard sur la Cour suprême à l’occasion de son quarantième anniversaire, p. 9 ; M. Rousset, La justice administrative est-elle prête à affronter les défis du vingt et unième siècle ? p. 15. M ; Antari, Le droit jurisprudentiel et les justiciables, p. 37. 13 M. Antari, Le recours pour excès de pouvoir dans un Etat de droit, note sous C.S.A. 19 juin 1997, ministre de l’intérieur c/ Bizarkane, cette Revue n° 27, 1999, p. 99; M. Rousset, note sur l’arrêt de la Cour suprême du 19 juin 1997, ministre de l’intérieur c/ Bizarkane excluant certains actes administratifs du recours pour excès de pouvoir, cette Revue n° 28, 1999, p. 121; M.A. Benabdallah, Sur une « régression jurisprudentielle » : l’exclusion de certains actes administratifs du recours pour excès de pouvoir, note sous C.SA. 19 juin 1997, ministre de l’intérieur c/ Bizarkane, même Revue, p. 125. 6 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH C’est à croire que dans un mouvement iconoclaste, la Cour suprême s’ingénie à détruire toutes ses œuvres d’art et tout ce que jusque-là elle a fait de bien. Vivement qu’elle s’arrête ! * * * Aujourd’hui les choses sont claires : la volonté du Roi et de l’ensemble de la société, sans exception, ce qui oblige toutes les instances de l’Etat à s’inscrire dans ce cadre, est de faire en sorte que la loi l’emporte sur l’arbitraire tout particulièrement de l’administration. Il appartient au juge, à tous les juges, mais spécialement à ceux qui relèvent de la justice administrative, d’être à l’avant-garde de ce combat pour l’Etat de droit. Il n’est donc plus possible de se réfugier derrière des arguties, des principes anachroniques, pour faire obstacle au progrès du droit. La création des tribunaux administratifs a donné un souffle nouveau à la justice administrative qui doit demeurer l’institution essentielle de l’Etat de droit et qui ne peut être efficace que si ses décisions ne peuvent en aucune façon être désobéies par l’administration. L’astreinte personnelle est un moyen d’en finir avec le problème une fois pour toute. Notre souhait est que, si dans quelques années, on désire enseigner dans les facultés de droit les cas d’inexécution des décisions de justice par la puissance publique, on soit amené à faire de l’histoire ancienne plutôt que l’étude de la jurisprudence toute fraîche et récente. Pour la réalisation d’un tel vœu, la Cour suprême se doit de jouer le premier rôle. On ne comprendrait donc pas que par une jurisprudence attachée à des idées obsolètes, à la lettre de textes bientôt centenaires, plus qu’à l’esprit de justice induit par la loi contemporaine et la volonté de tous, elle s’obstine à étouffer le renouveau de la justice administrative, un renouveau auquel tout le monde aspire ! * * * C.S.A. 11 mars 1999, Commune rurale de Tounfit c/ Mohamed Attaoui « Quant au fond Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et du contenu de l’ordonnance dont l’annulation est demandée que le requérant, contre lequel l’appel est formulé, Mohamed Attaoui, s’est présenté par mémoire du 16 mars 1998 soutenant qu’un jugement avait été rendu en sa faveur par le tribunal administratif de Meknès, dossier 40/94, annulant l’acte administratif le révoquant de son poste, que le président du conseil communal dont l’acte fut annulé avait refusé d’adhérer audit jugement ; et que, par suite, il a demandé la condamnation de la partie contre laquelle le jugement devait être exécuté en tant que président du conseil rural à une astreinte de mille 7 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH dirhams par jour de retard, et qu’après le manquement du poursuivi, le juge des référés a émis son ordonnance, objet de l’appel, fixant l’astreinte à cinq cents dirhams par jour de retard contre le poursuivi personnellement. Attendu que l’appelant soutient que le litige n’existe pas entre lui et le bénéficiaire du jugement, mais entre ce dernier et le conseil communal en tant que personne morale, qu’il revenait au juge de prononcer l’astreinte contre celui-ci en tant que se refusant à l’exécution et que l’ordonnance ne concerne pas une faute personnelle commise par l’appelant, le président du conseil. Après délibération, conformément à la loi, Attendu que le jugement émis par le tribunal administratif de Meknès dans le dossier 40/94 prononçant l’annulation de l’acte administratif révoquant le requérant Mohamed Attaoui de son poste d’agent du conseil rural de Tounfit et que le jugement objet de l’appel, appuyé par une astreinte fixée au montant de cinq cents dirhams, a été rendu dans le cadre d’un recours en annulation où le juge administratif se contente d’annuler l’acte incriminé sans le remplacer par un autre acte, contrairement a ce qui a lieu dans le recours de pleine juridiction. Et attendu que si la commune rurale dont l’acte révoquant le requérant a été annulé, s’est refusée à l’exécution du jugement cité en dépit du fait que l’intéressé ait pris des mesures procédurales tendant à l’obliger à exécuter, il n’est pas possible de l’obliger à exécuter par la voie de l’astreinte tant que la juridiction administrative s’est bornée à annuler son acte en le considérant entaché d’excès de pouvoir ; il reste à l’intéressé le droit de recourir à la justice administrative, et après présentation du procès verbal constatant le refus d’exécution, de demander réparation du préjudice résultant du comportement relatif aux activités des personnes de droit public susceptibles de préjudicier aux intérêts privés. Annulation du jugement ». 8 M. ROUSSET& M. A. BENABDALLAH