La chasse aux passifs est-elle ouverte ? Le run
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La chasse aux passifs est-elle ouverte ? Le run
l’Enass Ecole nationale d’assurances La chasse aux passifs est-elle ouverte ? Le run-off à l’aube de Solvabilité II Fabienne LEROY Ecole nationale d'assurances « Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses, mais adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières. » Sun Tzu, L’Art de la Guerre Résumé De nombreuses entreprises se sont construites autour du Run-off d‟assurance non-vie ces trente dernières années, en particulier au Royaume-Uni. Elles travaillent essentiellement à partir de provisions techniques, constituées par les compagnies d‟assurance et de réassurance pour faire face à leurs engagements à l‟égard des (ré)assurés. Elles s‟intéressent plus particulièrement aux branches à déroulement long où les provisions sont plus importantes et plus volatiles. L‟objectif principal de ces entreprises spécialisées est de réduire le volume des engagements afin de dégager du résultat. Les services proposés sont multiples : achat de provisions et des actifs qui y sont associés, gestion de sinistres optimisée, audit de portefeuilles, recouvrement de créances auprès de réassureurs ou de rétrocessionnaires lorsqu‟il y a eu transfert de risques vers ces derniers. Ces entreprises cherchent aujourd‟hui à se développer en Europe continentale. Elles considèrent la France comme un marché potentiel, mais difficile à pénétrer. Seuls les grands groupes d‟assurance et de réassurance français traitent spécifiquement la question de leur Run-off. Ils ont pour la plupart créé une structure dédiée. Les autres entreprises gèrent leurs provisions techniques indifféremment, qu‟elles soient ou non afférentes à des contrats encore objet de souscription active. La mise en place progressive de la Directive Solvabilité II pourrait changer la donne. Elle pose une grille d‟analyse des risques plus fine, qui passe par une segmentation des affaires, et devrait conduire les compagnies à identifier la part de leurs provisions qui relèvent de catégories de contrats aujourd‟hui en Run-off. Elle instaure par ailleurs un nouveau mode d‟évaluation des provisions techniques qui tient compte des produits financiers générés par le placement de ces provisions et réduit la marge de prudence traditionnellement prévue par les acteurs français. Elle change enfin radicalement la détermination du capital de solvabilité qui considérera notamment le risque de provisionnement ainsi que le risque de contrepartie à l‟égard des protections de réassurance. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 3 sur 129 Ce nouvel environnement règlementaire incitera les acteurs français à intégrer la dimension du Run-off dans leurs provisions. Le coût et la qualité de gestion seront analysés. Le montant de capital à mobiliser sera mis en exergue. Différentes options stratégiques s‟offriront alors, qui pourront passer par : la mise en place d‟une nouvelle organisation, le recours aux entreprises spécialisées en gestion de Run-off, la souscription de protections de réassurance rétroactives. Les créances sur les réassureurs sont elles aussi à apprécier sous un nouvel angle. Il s‟agit de limiter le risque de contrepartie qu‟elles génèrent. Les compagnies d‟assurance peuvent s‟engager vers une gestion plus suivie et proactive de la relation contractuelle qu‟elles nouent au long terme avec leurs réassureurs. Mots clefs : Provisions – Réassurance – Run-off – Schemes of arrangement - Solvabilité II – Transferts Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 4 sur 129 Abstract Many companies have been built around the non-life Run-off over the past thirty years, especially in the United Kingdom. They work primarily from technical reserves made by (re)insurance companies to meet their commitments to (re)insureds. They are particularly interested in long tail contracts which are larger and more volatile. The main aim of these specialized companies is to reduce the amount of commitments in order to generate income. Services provided are multiple : purchase of liabilities and corresponding assets, enhanced claims management, portfolio audit, debts collection from reinsurers or retrocessionaires when risk transfers occurred towards them. These companies look forward to spreading out in continental Europe. They consider France as a potential market but find it quite tough to pierce. Only upper groups of French (re)insurers specifically deal with Run-off. They have mostly created a dedicated structure. Other companies are managing their technical liabilities in the same way whether relating to contracts still being subscribed or not. The gradual introduction of the Solvency II Directive could make a real change. It poses a more detailed risk analysis through business segmentation and would lead companies to identify part of their liabilities coming under Run-off contracts. It also establishes a new method of technical liabilities valuation taking into account financial income generated by liabilities placement. The safety margin usually forecast by French actors will be reduced. Finally it fully changes the solvency capital determination that will expressly integrate reserve and counterparty risks in respect of reinsurance protections. This new regulatory environment will encourage French insurers to consider the Run-off dimension of their contracts. The cost and quality management will be analyzed. The amount of capital to be mobilized will be highlighted. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 5 sur 129 Various strategic options will then be offered, such as : a new organization implementation, outsourcing to Run-off management specialized companies, retroactive reinsurance protections purchase. Debts on reinsurers have also to be appreciated under a new perspective. This involves the counterparty risk they generate. Insurance companies can implement a proactive management strategy for long-term contractual relationship with their reinsurers. Key words : Liabilities - Reinsurance - Run-off – Schemes of arrangement - Solvency II – Transfers Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 6 sur 129 A mes fils, jeunes écoliers pour qui l’organisation d’un MBA n’a plus de secret. Les congés sacrifiés seront rattrapés. Remerciements Un grand merci aux professionnels qui ont accepté le principe de l‟interview. Le Run-off est un sujet peu traité dans les ouvrages, même spécialisés. Bien plus que les informations glanées sur Internet, ce sont les retours d‟expérience qui ont nourri cette thèse professionnelle. Merci également à Denis Proust qui m‟a orientée vers les acteurs de ce marché. Merci enfin à mes collègues Jean-Luc Vélot et Anthony Derien pour le temps passé à la lecture des ébauches de cette thèse et pour leurs conseils avisés. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 7 sur 129 Table des matières Pour une approche plus précise et détaillée du sujet, la version électronique du présent document comporte de nombreux liens hypertextes qui renvoient vers la source de l’information. Ces liens sont actifs au 1er mars 2011, leur pérennité ultérieure ne peut être assurée. RESUME 3 ABSTRACT 5 REMERCIEMENTS 7 TABLE DES MATIERES 8 INTRODUCTION 10 PREMIERE PARTIE – LE MARCHE DU RUN-OFF 20 CHAPITRE 1 – DIVERSITE DES INTERVENANTS 21 SECTION 1.1 – UN MONDE DE REASSUREURS ? 21 SECTION 1.2 – UN MONDE D‟INVESTISSEURS 25 CHAPITRE 2 – LES PROVISIONS TECHNIQUES COMME MATIERE PREMIERE DE L’ACTIVITE 31 SECTION 2.1 – RICHESSES CACHEES DES BRANCHES A DEROULEMENT LONG 31 SECTION 2.2 - DE L‟ESTIMATION CHIFFREE A LA REALITE D‟UN MARCHE 37 DEUXIEME PARTIE –OPTIONS STRATEGIQUES SUR LE RUN-OFF D’ASSURANCE43 CHAPITRE 1 – NOUVELLE APPROCHE DES PROVISIONS TECHNIQUES SOUS SOLVABILITE II 44 SECTION 1.1 – JUSTE VALEUR ET RISQUE DE RESERVE 44 SECTION 1.2 – L‟IDENTIFICATION DE PORTEFEUILLES 48 CHAPITRE 2 – GERER LE PASSE POUR PRIVILEGIER LES PORTEFEUILLES ACTIFS 52 SECTION 2.1 – S‟ORGANISER, DELEGUER, TRANSFERER ? 52 SECTION 2.2 – SE REASSURER 56 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 8 sur 129 TROISIEME PARTIE – LE RUN-OFF DES CESSIONS DE REASSURANCE 63 CHAPITRE 1 – REASSUREURS, PORTEURS DE RISQUE AU LONG TERME 64 SECTION 1.2 – LA REASSURANCE COMME RISQUE DE CONTREPARTIE 64 SECTION 1.2 – LA GESTION PROACTIVE DES CREANCES DE REASSURANCE 68 CHAPITRE 2 – QUAND LES REASSUREURS SE DESENGAGENT 71 SECTION 2.1 – L‟INTERET DE LA MAITRISE DES SCHEMES OF ARRANGEMENT 71 SECTION 2.2 – SPECIFICITES DES TRANSFERTS DE PORTEFEUILLE EN REASSURANCE 75 CONCLUSION 80 INTERVIEWS 81 BIBLIOGRAPHIE 126 ABREVIATIONS 129 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 9 sur 129 Introduction Introduction « Les chasseurs de passifs attendent leur or »1, ainsi titrait l‟Argus de l‟Assurance du 18 novembre 2005 au sujet d‟un article consacré à l‟industrie du Run-off en France. Cinq ans plus tard, au vu du faible nombre d‟opérations réalisées, force est de constater qu‟ils l‟attendent encore. Si l‟on en croit le nombre de conférences organisées sur le Run-off au niveau international, ce sujet suscite pourtant toujours l‟attention. Que signifie cette expression qui ne se prête à aucune traduction pertinente en français ? Les sociétés PricewaterhouseCoopers LLP (PwC)2 et KPMG3 qui consacrent chaque année une étude au Run-off, s‟interrogeaient encore en 2010 sur sa définition. Selon l‟étude KPMG, la compréhension de l‟expression va de la simple notion de cessation de relations d‟affaires, jusqu‟à la notion de désengagement de polices éteintes. L‟étude PwC constate quant à elle une relative homogénéité des réponses du panel d‟assureurs interrogés sur les trois dernières années : pour 82% d‟entre eux, le Run-off renvoie aux lignes de contrats qui ne sont plus souscrits. En France, le Run-off ne correspond ni à une catégorie juridique, ni à une activité spécifique. Dans le cadre de la présente thèse professionnelle, l‟expression s‟entend au sens large. Elle désigne les portefeuilles qui ne font plus l‟objet de souscription active, mais aussi la véritable industrie qui s‟est développée ces dernières années au niveau international, autour d‟une gestion optimisée de portefeuilles inactifs. Les discussions menées autour de cette étude ont révélé des approches très contrastées du Run-off en France. Elles vont du désintérêt total à une vision prospective du traitement de Argus de l‟Assurance, 18 novembre 2005, disponible sur le site Internet http://www.argusdelassurance.com « Unlocking value in run-off - A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe » 2010 PwC 3 « The KPMG Run-off survey non-life insurance » Octobre 2010 pour le Royaume Uni & Run-Off survey 2010 pour l‟Allemagne, la Suisse et l‟Autriche 1 2 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 10 sur 129 Introduction ces affaires sous le nouvel environnement Solvabilité II4. Cet angle d‟approche a été choisi en s‟intéressant exclusivement aux branches non-vie qui constituent le cœur de cible des sociétés spécialisées. Les professionnels du secteur se situent essentiellement Outre-Manche. Il s‟agit de prestataires de services en gestion de sinistres, audit, recouvrement de créances mais aussi et surtout d‟investisseurs prêts à acquérir des portefeuilles en Run-off. Leur performance est paradoxalement révélée par l‟épuisement progressif du volume d‟engagements d‟assurance non-vie en Run-off au Royaume Uni (hors situations d‟insolvabilité). En 2008, ils représentaient 19,7 milliards de livres sterlings contre 13,4 en 20095. Cette baisse est à tempérer dans la mesure où les montants très élevés communiqués pour l‟année 2008 étaient impactés par la faiblesse de la livre sterling par rapport au dollar. La remontée de la livre sterling en 2009 a contribué à la diminution du niveau des provisions. Elle reste cependant représentative du fait que l‟extraction de valeur passe par l‟accélération de la finalisation des dossiers sinistres. En toute logique, les acteurs britanniques cherchent donc de nouveaux terrains de conquête et se tournent vers l‟Europe continentale. PwC affirme que les assureurs continentaux commencent à considérer le Run-off comme une partie spécifique du cycle d‟assurance pour les branches non-vie. Il est vrai que les grands groupes ont déjà engagé des actions en la matière depuis plusieurs années. Cette thèse s‟adresse donc aux autres compagnies, confrontées à la mise en place d‟un nouveau régime prudentiel qui pose une grille de lecture des risques plus fine et les amène à passer en revue l‟ensemble de leurs engagements. Dans son étude 2010 « Unlocking value in Run-off », le groupe PwC estime le marché européen du Run-off à 205 milliards d‟euros pour l‟assurance non-vie. La part pour la France et le Benelux serait de 34 milliards d‟euros. Ce chiffre, extrapolé par PwC à partir de données disponibles pour d‟autres pays, est tenu comme largement surestimé par les professionnels français de l‟assurance. Peut-on d‟ailleurs considérer le Run-off comme un « marché » ? 4 Directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II)) 5 «The KPMG Run-off survey : non life insurance» - KPMG UK - octobre 2010 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 11 sur 129 Introduction Le terme étant polysémique, retenons l‟acception suivante pour l‟appliquer au Run-off : « Un marché se définit grâce à une homogénéité de comportements : un produit répondant à des besoins similaires sera acheté à travers un même réseau de distribution, avec les mêmes prescripteurs. Un marché n'est pas un secteur économique, c’est plutôt un créneau, la base d’un métier dans lequel l’entreprise exercera une certaine compétence industrielle, commerciale ou de services ; c’est l’endroit où s’exerce la concurrence. »6. Si nous transposons cette définition du marché à celui du Run-off : Le « produit » est constitué par les provisions techniques inscrites au bilan des compagnies d‟assurance ou de réassurance, en représentation de leurs engagements envers les assurés ou les cédantes7. Il s‟agit plus particulièrement de la partie de ces provisions relevant de contrats qui ne font plus l‟objet de souscription active de la part de la compagnie considérée. Les « besoins » sont ceux des compagnies d‟assurance ou de réassurance désireuses d‟alléger leur bilan de cette partie de provisions techniques Les « entreprises » qui exploitent le créneau sont les chasseurs de passifs évoqués plus haut. C‟est-à-dire des acteurs spécialisés dans le traitement des provisions techniques relevant d‟engagements en Run-off. La « compétence » développée consiste à extraire la valeur de ces provisions techniques. Il s‟agit essentiellement d‟accélérer le règlement des sinistres qui font l‟objet du provisionnement, ce qui diminue les coûts de gestion et génère potentiellement des bonis de liquidation lorsque le montant de règlement des sinistres s‟avère inférieur au montant anticipé dans l‟évaluation initiale. Parmi les nombreuses opérations réalisées autour du Run-off, la plus importante et la plus caractéristique est la création de la société Equitas en 1996. Qualifiée de structure de défaisance, Equitas était chargée de réassurer les « Names » du Lloyds8 au titre de leurs souscriptions dans les branches non-vie pour les exercices 1992 et antérieurs. Ces exercices étaient, entre autres, fortement exposés au risque amiante. La création d‟Equitas participait à un véritable plan de sauvetage du marché des Lloyds. En 2006, Equitas a 6 Pascal Quiry et Yann Le Fur - Glossaire disponible sur le site Internet http://www.vernimmen.net Terme consacré en réassurance désignant une compagnie d‟assurance qui se protège en réassurance 8 Membres du marché d‟assurance du Lloyd‟s de Londres qui souscrivent en engageant leur patrimoine. Uniques apporteurs de capitaux du Lloyd‟s jusqu‟en 1994. 7 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 12 sur 129 Introduction conclu un accord de réassurance rétroactive avec National Indemnity Company, membre du groupe Berkshire Hathaway. En 2009, les juridictions anglaises ont approuvé le transfert des engagements des Names vers Equitas Insurance Limited. Ce transfert a déclenché la mise en jeu d‟une couverture de réassurance supplémentaire par le groupe Berkshire Hathaway. Les sinistres sont gérés par la société Resolute Management Services Limited, anciennement Equitas Management Services Limited. De nombreux outils du Run-Off se retrouvent dans l‟opération Equitas : création d‟une structure ad hoc, réassurance rétroactive, transfert de portefeuille, gestion dans une entité dédiée. Ce type d‟opération est relativement étranger aux compagnies d‟assurance françaises. De façon générale et à juste titre pour leurs assurés, les compagnies françaises ne reconnaissent pas les provisions techniques comme un « produit » à vendre. Elles ont cependant toute latitude pour faire appel au marché du Run-off sur des opérations ponctuelles et ciblées, visant à leur permettre de se recentrer sur leur cœur de métier. Elles peuvent également s‟inspirer des compétences développées par les acteurs du Run-off pour les déployer elles-mêmes sur leurs propres engagements. D‟autant que certains de leurs cocontractants n‟hésitent pas à utiliser ces techniques : les réassureurs disposent souvent de services dédiés à la gestion de leur Run-off. Les provisions techniques représentent la matière première du marché du Run-off. Elles matérialisent surtout l‟ensemble des engagements pris par les compagnies à l‟égard de leurs assurés. Leur constitution est nécessaire du fait de l‟inversion du cycle de production en assurance. L‟assureur se distingue en effet des autres entrepreneurs en ce qu‟il perçoit sa rémunération (la prime d‟assurance) avant d‟avoir réalisé son hypothétique prestation (le règlement de l‟indemnité en cas de réalisation du sinistre). En tant que dettes à l‟égard des assurés, les provisions techniques sont inscrites au passif du bilan. Pour illustrer leur importance en France, retenons qu‟à fin 2009 le poste provisions de l‟ensemble des organismes d‟assurance et de réassurance contrôlés par l‟Autorité de contrôle prudentiel s‟élevait à 1338 milliards d‟euros, soit 73.5% du passif total du bilan agrégé (toutes branches confondues).9 9 Rapport annuel 2009 de l'Autorité de contrôle prudentiel Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 13 sur 129 Introduction En assurance non-vie, la plus importante de ces provisions est la « provision pour sinistres à payer ». Le code des assurances la définit comme la « valeur estimative des dépenses en principal et en frais, tant internes qu'externes, nécessaires au règlement de tous les sinistres survenus et non payés, y compris les capitaux constitutifs des rentes non encore mises à la charge de l'entreprise »10. Pour les branches dites à déroulement court, telles que les branches dommages aux biens, il s‟agit essentiellement d‟engagements à payer pour l‟année en cours. Les dégâts matériels des branches dommages aux biens sont souvent constatés rapidement par l‟assuré et sont relativement faciles à vérifier. Leur évaluation se fait par ailleurs sur des critères moins subjectifs qu‟en matière de dommages corporels. Ces dommages matériels peuvent donc être réglés assez rapidement par l‟assureur. Cela explique que les provisions pour sinistres à payer sont relativement peu importantes en la matière. Pour les branches dites à déroulement long, comme en assurance Responsabilité Civile, tant l‟identification que le règlement des sinistres peut prendre plusieurs années. Pour les dommages corporels, il faudra attendre l‟état de consolidation11 de la victime pour déterminer le montant du sinistre. La victime peut par ailleurs toujours solliciter une indemnisation complémentaire en cas d‟aggravation de son préjudice. Les provisions pour sinistres à payer sont donc plus importantes pour les branches à déroulement long, du fait du décalage entre le moment où la prime est perçue et le moment où le sinistre est payé. Prenons, à titre d‟exemple, le pourcentage des provisions pour sinistres à payer sur les primes acquises du groupe Macif en 200912 : il est de 335% en Responsabilité Civile Automobile contre seulement 13% en Dommages Automobile. Ce ratio, certes influencé par le comportement de sinistralité et de croissance des primes, donne une idée du nombre d‟années nécessaires à la compagnie pour régler les sinistres après perception de la prime. Ce sont les provisions de ces branches à déroulement long qui intéressent le plus le marché du Run-off. Celui-ci joue à la fois sur la durée de liquidation des sinistres et sur la marge de prudence prise au moment du provisionnement, en la réajustant. Les provisions techniques sont aujourd‟hui constituées de façon prudente mais leur mode de détermination est peu encadré. Cela peut laisser place à une certaine pratique de 10 Article R331-6 du code des assurances Définition de la consolidation donnée par la Commission de réflexion sur la doctrine et la méthodologie de l'évaluation du dommage corporel : « C'est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ». 12 Rapport annuel 2009 - Ventilation des produits et des charges des opérations techniques non-vie par catégorie. 11 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 14 sur 129 Introduction pilotage des résultats par les provisions. En effet, les provisions techniques sont considérées comme une charge pour l‟établissement du résultat. Baisser le montant de cette charge revient mécaniquement à augmenter le résultat. Sur les exercices comptables récents, des compagnies d‟assurance ont ainsi réalisé d‟importants montants de boni de liquidation en diminuant leurs provisions techniques. Ces bonis ont pu compenser la baisse du rendement de leurs placements financiers du fait de la crise financière de 2008. Ces dernières années les compagnies d‟assurance ont mobilisé leurs efforts pour l‟optimisation de la gestion des sinistres. Des économies de frais de gestion sont réalisées grâce à la mise en place d‟une organisation adaptée, disposant d‟un système d‟information performant. Il en est ainsi, que le portefeuille concerné soit encore actif ou non. Mais pour les portefeuilles en Run-off se pose la question de l‟opportunité de la migration des dossiers dans les nouveaux systèmes d‟information : faut-il engager des coûts à ce titre alors même que la relation commerciale est rompue ? Se pose également la question du maintien des compétences humaines sur ces portefeuilles qui ne font plus l‟objet de souscription active. Le nouvel environnement règlementaire posé par la Directive Solvabilité II et les normes comptables internationales IFRS13 réforment progressivement mais profondément le monde de l‟assurance. Les postes du bilan y sont évalués à leur valeur de marché plutôt qu‟à leur valeur historique ; cette valeur de marché est censée représenter au mieux la valeur économique de l‟entreprise. En matière de provisions techniques, si le principe de prudence reste inscrit dans la Directive14, la détermination de leur montant y est plus encadrée que dans le régime actuel. Les marges excessives de prudence n‟auront plus lieu d‟être et la pratique de pilotage des résultats par les provisions devrait tendre à disparaître. Ce ne sont plus les provisions, mais les fonds propres eux-mêmes qui serviront d‟amortisseurs en cas de dégradation des résultats de la compagnie. La Directive précise par ailleurs que « la valeur des provisions techniques devrait correspondre au montant qu'une autre entreprise d'assurance ou de réassurance (entreprise de référence) serait 13 International Financial Reporting Standards élaborées par l‟International Accounting Standards Board 14 « Les provisions techniques sont calculées d'une manière prudente, fiable et objective », article 76 point 4 de la Directive 2009/138/CE Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 15 sur 129 Introduction probablement amenée à demander pour reprendre et honorer les engagements sous-jacents d'assurance et de réassurance »15. Des transactions de ce type sont observées sur le marché du Run-off. Des sociétés spécialisées se proposent effectivement d‟acheter des portefeuilles d‟engagements passés. Ce sont alors à la fois les provisions et les actifs associés de la compagnie qui sont vendus. Ces transactions ne sont pas assez nombreuses et sont trop spécifiques pour servir de référentiel. Les prix de marché n‟étant pas directement observables, la Directive a détaillé d‟autres techniques d‟évaluation des provisions. Les compagnies qui s‟intéressent aux portefeuilles en Run-off devront s‟adapter à ces nouvelles techniques de provisionnement. Elles ne remettent toutefois pas en cause leur expertise en matière de gestion optimisée et dynamique des sinistres, qui consiste surtout à accélérer le règlement des dossiers. Un des principaux outils utilisés à ce titre par les professionnels du Run-off est la commutation : ce vocable désigne le rachat de son engagement d‟assurance ou de réassurance par le porteur du risque. En contrepartie d‟une somme d‟argent, le bénéficiaire de la garantie d‟assurance ou de réassurance libère le preneur de risque de ses obligations. L‟activité de commutation s‟est pleinement développée ces dernières années. Le contexte de crise financière a orienté l‟intérêt des créanciers pour ce type d‟opération à deux titres : Obtention immédiate de liquidités. Réduction du risque de contrepartie, c‟est-à-dire du risque que le débiteur fasse défaut. Le maniement dynamique de cet outil permet d‟accélérer la liquidation d‟un portefeuille de sinistres. Il est surtout pratiqué sur des contrats de réassurance, car plus facile à utiliser entre professionnels du secteur. Mais d‟autres outils sont à disposition des compagnies qui souhaitent s‟engager vers une gestion proactive de leurs passifs : transferts de portefeuilles, gestion déléguée, etc. 15 Point 55 du Préambule de la Directive 2009/138/CE Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 16 sur 129 Introduction La présente étude a été construite autour des constats et problématiques suivants : Sous l‟environnement Solvabilité II, le Capital de Solvabilité Requis (SCR) sera bien supérieur à la marge de solvabilité requise sous le régime prudentiel actuel. Au vu des premiers résultats de la dernière étude quantitative d‟impact (QIS5), les mutuelles du GEMA considèrent par exemple que le SCR pourrait représenter près du double de la marge de solvabilité actuellement exigée16. La Directive Solvabilité II se traduit également par une nette diminution des provisions techniques en assurance non-vie. Mais le niveau du SCR étant en partie assis sur le niveau de provisionnement, alléger encore le bilan d‟une partie des provisions techniques relevant du Run-off peut-il être considéré comme une des solutions à envisager pour passer le « cap » Solvabilité II ? Analyser le poids que représentent ces provisions en termes d‟allocation de capital est fondamental pour la détermination de la stratégie future de l‟entreprise. La mise en place d‟un système de gouvernance efficace17, garantissant comme l‟impose la Directive « une gestion saine et prudente de l‟activité » passe par un système de gestion des risques élargi. L‟évaluation interne des risques et de la solvabilité (l‟ORSA) passe d‟abord par une cartographie exhaustive des différents risques. Faut-il considérer les engagements en Run-off comme source de risque opérationnel spécifique pour l‟entreprise ? La perte de compétences humaines sur certaines branches dont les provisions restent à gérer, le laisse penser. L‟ensemble des professionnels de l‟assurance doit s‟approprier la notion de provisionnement technique telle que nouvellement définie par la Directive Solvabilité II. Actuellement l‟aspect actuariel prime, au détriment parfois des autres disciplines. L‟instauration d‟un mode de gestion proactif des sinistres et des provisions peut-il contribuer au décloisonnement des fonctions au sein de l‟entreprise ? La présente thèse professionnelle tente d‟apporter des réponses à ces nouvelles problématiques à la lumière des techniques mises en place dans le cadre de l‟industrie du Run-off. Elle se propose d‟identifier les axes d‟amélioration, ou les pistes de réflexion 16 17 Lettre Actualité du GEMA janvier 2011 Articles 41 à 49 de la Directive 2009/138/CE Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 17 sur 129 Introduction générées par ces techniques, qui pourraient être transposés aux compagnies d‟assurance non-vie classiques. L‟industrie du Run-off a su optimiser deux types de processus, l‟un de gestion permettant de réduire la durée de liquidation des sinistres, l‟autre dit de « sortie de Run-off » permettant de se libérer définitivement de certains engagements. Ces processus sont aujourd‟hui à analyser dans le contexte du nouvel environnement règlementaire posé par la Directive Solvabilité II. L‟avantage de cette industrie est que sa taille réduite a permis la constitution d‟équipes pluridisciplinaires habituées à passer de questions d‟ordre assurantiel et juridique, aux questions d‟ordre financier et actuariel. Une telle interdisciplinarité ne peut que faciliter le passage à Solvabilité II qui tend à améliorer la communication au sein de l‟entreprise en matière de connaissance et de gestion des risques. Le Run-off, pourtant tourné par nature vers le passé, peut servir à initier une culture d‟entreprise commune, orientée vers les futures normes prudentielles. L‟enjeu est de démontrer l‟intérêt que les compagnies d‟assurance françaises pourraient trouver à utiliser les outils issus des techniques de Run-off afin de gérer activement les souscriptions passées, dans une optique d‟optimisation du SCR. S‟inspirer des pratiques de gestion de Run-off en assurance « active » génère d‟autres séries d‟interrogations : Qui sont les acteurs de ce marché ? S‟intéressent-ils aux passifs des compagnies françaises ? En quoi une gestion dynamique des portefeuilles inactifs pourrait s‟avérer profitable aux compagnies d‟assurance françaises ? Vont-elles y être contraintes par le nouveau contexte prudentiel « Solvabilité II » ? Les compagnies d‟assurance ont-elles intérêt à s‟intéresser aux techniques de gestion de Run-off utilisées par leurs réassureurs ? Ont-elles intérêt à être plus proactives sur la gestion de leurs créances sur les réassureurs ? Ces questions serviront de fil conducteur à la présente étude. Nous nous intéresserons dans un premier temps au marché du Run-off, en nous penchant sur ses acteurs et sur la matière première à partir de laquelle ils travaillent, à savoir les provisions techniques. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 18 sur 129 Introduction A la lumière de cette analyse, nous développerons les stratégies que les assureurs peuvent mettre en place pour gérer leurs engagements passés dans le nouvel environnement règlementaire posé par la Directive Solvabilité II. Nous rappellerons enfin les stratégies que les réassureurs ont eux-mêmes pu développer en la matière, en les appréciant sous l‟angle du risque de contrepartie généré chez l‟assureur. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 19 sur 129 Première partie – Le marché du Run-Off Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 20 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Chapitre 1 – Diversité des intervenants Le Run-off a des frontières mal définies : secteur d‟activité à part entière, il se décline aussi dans les départements de compagnies encore actives sur le plan de la souscription. Section 1.1 – Un monde de réassureurs ? Lorsqu‟une compagnie cesse de souscrire de nouveaux contrats mais assume ses engagements, elle est dite « en Run-off». Cette situation ne doit pas être confondue avec celle d‟insolvabilité. Une entreprise solvable peut décider d‟arrêter son activité pour répondre aux exigences stratégiques du groupe auquel elle appartient. A titre d‟exemple, voici les raisons invoquées par le groupe Markel lorsqu‟il décida de mettre le réassureur Corifrance en Run-off en 2004, avant de le céder au groupe Fairfax : «Notre décision de vendre l’affaire n’est pas en lien avec le management ou les employés qui ont aidé Corifrance à produire de bons résultats techniques pour Markel. Cependant la structure Corifrance est trop petite et ne correspond pas au modèle d’entreprise de Markel ». Un autre exemple, plus récent, avec la mise en Run-off en 2010 du réassureur Glacier Re (fondé en 2004 en Suisse). Le Président Directeur Général de cette compagnie indique alors : « This unfortunate step will best achieve our investors’ objectives within a reasonable time frame. Glacier Re’s current excess capital and high liquidity will allow the Company to meet its valid obligations while simultaneously returning the excess capital to shareholders over the course of this process »18. A l‟annonce de la mise en Run-off, la société de notation AM Best a certes dégradé la note de solidité financière de Glacier Re mais pour la laisser au niveau B++ qui est un niveau encore « sécurisé ». Glacier Re a ensuite été vendue début 2011 à la compagnie Catalina Holdings (Bermuda) Ltd, spécialisée dans l‟achat et la gestion de portefeuilles en Run-off. 18 Communiqué de presse de Glacier Re du 27 août 2010 Traduction libre : « Cette étape malheureuse devrait permettre d‟atteindre au mieux les objectifs de nos investisseurs en un temps raisonnable. La surcapitalisation de Glacier Re et sa forte liquidité vont permettre à la compagnie de remplir ses obligations tout en libérant le surplus de capital pour les actionnaires tout au long du processus ». Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 21 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Les réassureurs sont par nature plus exposés aux sinistres d‟ampleur exceptionnelle : délivrer une protection de réassurance en cas de survenance de ce type de sinistres constitue leur cœur de métier. Il est difficile de conserver un niveau de rentabilité acceptable lorsque les catastrophes s‟enchaînent. L‟acte terroriste de septembre 2001 contre le World Trade Center, moins de deux ans après les tempêtes Lothar et Martin de 1999, a ainsi fortement touché le secteur. C‟est une des raisons de la mise en Run-off de Gerling Re fin 2002. Sixième acteur mondial en réassurance, ce groupe bénéficiait jusqu‟en 2001 d‟une excellente appréciation de sa solidité financière par les agences de notation. Il était d‟ailleurs encore noté BBB par Standard & Poor‟s au moment de sa mise en Run-off (cf. Interview de M. Bünger en annexe). Ces événements catastrophiques ont également contribué à la mise en Run-off de la société AXA Re. Le phénomène de mise en Run-off « solvable » survient plus souvent chez les réassureurs que chez les assureurs. Surtout lorsque la réassurance n‟est qu‟une activité parmi d‟autres au sein d‟un groupe. En droit français, le code des assurances prévoit que l'agrément administratif peut être retiré aux entreprises d‟assurance ou de réassurance par l'Autorité de contrôle prudentiel en cas d'absence prolongée d'activité19. Le retrait total de l'agrément administratif d'une entreprise d'assurance emporte par ailleurs de plein droit la dissolution de l‟entreprise20. Pour les entreprises étrangères, cela passe par la liquidation de l'actif et du passif du bilan spécial de ses opérations en France. Dans les deux cas, une liquidation judiciaire soumise au régime spécial prévu par le code est ouverte. Il est intéressant de relever que, si l‟entreprise de réassurance peut se voir retirer son agrément pour défaut d‟activité, elle n‟est pas concernée par la sanction relative à la dissolution de l‟entreprise. « Le réassureur ne pourra plus signer de nouveaux traités, mais continuera à gérer les anciens. Autrement dit, il est uniquement 21 mis en Run-off » précise un commissaire contrôleur . Les phénomènes de concentration ont par ailleurs été très importants ces dernières années, tant en assurance qu‟en réassurance. Au sein des portefeuilles transférés figurent des provisions qui relèvent de contrats ne faisant plus l‟objet de souscription active. D‟autres 19 Article L325-1 du code des assurances Article L326-2 du code des assurances 21 VAUCHER Marc « L'an 1 de l'application de la directive », l‟Argus de l‟assurance, 04 septembre 2009 20 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 22 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off affaires en cours au moment du rapprochement des deux compagnies, seront mises en Runoff dans la mesure où elles ne correspondent pas à la stratégie de l‟acquéreur. Le groupe AXA a ainsi créé AXA Liabilities Managers pour s‟occuper du Run-off de sa société de réassurance AXA Re mais aussi de celui d‟autres sociétés acquises au fil du temps (Cf. Interview de M. Charmoy en annexe). La situation de Run-off ne s‟applique pas nécessairement à l‟ensemble de la société. Dès lors qu‟une entreprise cesse de souscrire une ligne de risque pour un portefeuille identifié, celui-ci est dit en Run-off. Certaines affaires en Run-off sont isolées pour faire l‟objet d‟un traitement spécifique, au niveau du provisionnement et de la gestion des sinistres. Ce sont par exemple les contrats potentiellement affectés par des sinistres dits latents. « Les sinistres latents sont des sinistres survenant en nombre important, dont la déclaration est tardive relativement à la date d’exposition au fait générateur et dont la dangerosité a été sousestimée à la date de souscription (évolution de la législation, avancées scientifiques, etc. »22 Il s‟agit typiquement des risques amiante, pollution et sanitaires, dits APH en anglais pour Asbestos, Pollution et Health Hazards. Ces risques comportent une forte part d‟incertitude. En pratique, les efforts des réassureurs sont d‟abord concentrés sur les contrats exposés à des sinistres APH souscrits il y a plusieurs dizaines d‟années. Le continent américain est principalement concerné. De nombreux réassureurs actifs, qui ont constitué des équipes spécialisées en gestion de Run-off, leur confient en priorité la gestion de ces risques. C‟est le cas de l‟équipe « Run-off & Commutations» rattachée au service sinistre chez Partner Re (cf. Interview de M. Guerin en annexe). C‟est également le cas chez Scor Global P&C avec le service « Sinistres & Commutations ». Le rapport annuel 2009 du groupe Scor décrit fort bien les moyens et objectifs poursuivis dans la mise en place d‟une organisation consacrée au Run-off : « En 2009, le Groupe a poursuivi sa politique active de commutation de ses contrats et des portefeuilles, entamée en 2003, avec pour principaux objectifs de réduire la volatilité des provisions pour sinistres, d'alléger la charge administrative liée à ces portefeuilles, en particulier les plus anciens, et de permettre la libération du capital adossé à ces portefeuilles. »23 22 PARTRAT, Christian, dir., Provisionnement technique en Assurance non-vie, Economica Paris 2007 p.334 Rapport financier 2009 de la société européenne Scor - Document de référence déposé auprès de l‟Autorité des marchés financiers le 3 mars 2010 sous le numéro D.10-0085 23 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 23 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Le principal moyen utilisé par les réassureurs pour accélérer le règlement de leurs passifs est en effet la commutation qui, de leur point de vue, présente les avantages suivants : Réduction de l‟aléa juridique inhérent à la gestion des sinistres. Economie de frais de gestion (comptable et sinistre). Fin d‟une relation contractuelle parfois conflictuelle avec la cédante. En France, les secteurs de l‟assurance et de la réassurance organisent des temps de rencontres annuelles entre professionnels : rencontres de l‟AMRAE24, de REAVIE25 ou encore les Rendez-vous de Septembre26. Le secteur du Run-Off fait de même à l‟échelle internationale. Ces événements attirent essentiellement des Réassureurs qui cherchent à mener à bien des opérations de commutation. Des représentants de grands groupes tels que Munich Re, Swiss Re, Scor, Gen Re et Partner Re y participent. Il s‟agit notamment des « Rendez-vous » organisés par le groupe Randall & Quilter (R&Q) à trois époques de l‟année, sur trois sites différents : Dans le New Jersey, en octobre A Norwich, en juin : événement le plus ancien qui regroupait trois cent quatre participants en 2010, dont onze français A Cologne, en avril : événement destiné à l‟Europe Continentale et organisé en partenariat avec Globale Re qui regroupait cent vingt-huit participants en 2010, dont huit français. Un des arguments commerciaux avancé par les organisateurs pour attirer les participants est le suivant : Un aller/retour à Cologne peut éviter au réassureur d‟avoir à voyager à travers dix ou quinze pays pour négocier. Au-delà de l‟aspect négociation de commutation, c‟est également l‟aspect constitution de réseaux qui est mis en avant : « the event will also give ideal networking opportunities for delegates to broaden their range of contacts in this fast-moving market. »27 Ces événements sont présentés comme une opportunité de réduire les expositions, les frais de gestion et de permettre les recouvrements de créances. Nous retrouvons assez peu de noms de cédantes dans les listings de participants. Les compagnies AXA, Allianz, QBE, Association pour le management des risques et des assurances de l‟entreprise Rendez-vous annuel international des assureurs et réassureurs vie et de personnes 26 Rassemblement des principaux acteurs du marché mondial de la Réassurance 27 Traduction libre « L‟événement donnera également aux participants des opportunités idéales de constitution de réseaux dans ce marché qui évolue très rapidement ». 24 25 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 24 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off RSA, XL Insurance, Zurich Insurance et La Réunion Aérienne avaient cependant envoyé des représentants en 2010 (Cf. Interview de M. Ozanne en annexe). Au programme du rendez-vous 2010 du New Jersey, s‟inscrivait un jeu interactif visant à discuter des questions clefs soulevées lors de la mise en Run-off d‟une société et à examiner les trois options offertes, à savoir : Vendre, Gérer, ou Externaliser. Les éléments à prendre en considération étaient : la gestion des passifs, les commutations, la gestion sinistre, la réassurance, la résolution des litiges, les ressources humaines, les ressources informatiques, l‟environnement règlementaire, les frais de gestion. Les montants d‟engagements concernés doivent en effet être resitués dans l‟environnement global de l‟entreprise pour être appréhendés au mieux. L‟idée des organisateurs était ensuite de reprendre le même exercice mais cette fois en se positionnant trois à cinq ans plus tard. La stratégie de Run-off se veut effectivement évolutive. Elle est à adapter en fonction des engagements restant à gérer parmi ceux identifiés comme entrant dans le périmètre du Run-off. Au bout d‟un certain temps, l‟activité se tarie d‟elle-même. Certains acteurs ayant su développer des compétences en gestion de Run-off cherchent à croître à partir de portefeuilles externes. Le réassureur Globale Re s'est ainsi associé à R&Q. Globale Re apporte sa technique et son expérience du marché continental, R& Q se propose d‟investir en rachetant des portefeuilles. Section 1.2 – Un monde d’investisseurs Du début de la décennie 1990 au début de la décennie 2010 De nombreux assureurs ont cessé de souscrire sur le marché anglais au début des années 1990. Le nombre d‟acheteurs potentiels de portefeuille était alors encore relativement faible et la détérioration constante de la sinistralité sur certains risques à développement long tels que l‟amiante, maintenait un niveau de prix bas. Les acquisitions étaient le plus souvent réalisées dans une volonté de restructuration, afin de relancer l‟activité de l‟acheteur. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 25 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Les opérations d‟investissement de « pur » Run-off ont commencé en 1992 avec l‟exemple de l‟achat par R&Q de Ludgate Insurance Company Limited dont le portefeuille était constitué de contrats d‟assurance et de réassurance. Cette acquisition a été réalisée indépendamment de toute volonté de relance de la souscription, dans le simple but de gérer au mieux le portefeuille de sinistres. Les prix sont restés relativement bas jusqu‟au début des années 2000, avec des achats le plus souvent effectués à moins de 50% de la valeur comptable. Les compagnies concernées par le Run-off ont ensuite régulièrement renforcé la maîtrise de leurs engagements en améliorant la gestion des sinistres. Elles ont également utilisé plus fréquemment des outils de sorties d‟engagements tels que les commutations (dossier par dossier) ou des procédures collectives avec les procédures anglaises dites de « Schemes of arrangement » (Cf. Troisième partie Section 2.1). Les retours sur investissements générés par l‟achat de ces compagnies en Run-off ont attiré de nouveaux acteurs. Les prix d‟acquisition ont commencé à augmenter lorsque le nombre d‟investisseurs potentiels a excédé le nombre de vendeurs potentiels. Les investisseurs ont alors de moins en moins financé leurs achats sur leurs capitaux propres et ont eu recours aux emprunts. Sur la période 2007 - 2008, les candidats à l‟acquisition de portefeuilles d‟assurance ou de réassurance en Run-off étaient bien plus nombreux que les vendeurs de portefeuilles. Les prix d‟achat sur cette période ont été exceptionnellement hauts. Le soudain engouement des investisseurs pour ce marché pouvait s‟expliquer par le manque de retour sur investissements des autres secteurs et la supposée maîtrise de portefeuilles essentiellement composés de sinistres déjà survenus. En pleine crise financière, face à un avenir incertain, ces investisseurs ont choisi de se tourner vers des souscriptions passées. Les bons résultats obtenus rapidement par certains acheteurs avaient de quoi allécher les investisseurs. Pour reprendre l‟exemple exposé dans l‟interview de M. Charmoy : lorsqu‟une société achète pour une valeur de 85 une autre société dont les provisions s‟élèvent à 100 mais qu‟elle estime à 80, elle peut décider de faire ressortir 15 de profit immédiatement. Dégager de la rentabilité sur les exercices ultérieurs se révèle cependant difficile par la suite. Il semble intuitivement plus cohérent de sortir le résultat au fur et à mesure de la gestion du portefeuille, jusqu‟à épuisement des engagements. Nul ne peut en Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 26 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off effet prédire l‟avenir. Un niveau de provision prudent reste toujours nécessaire, y compris sur des portefeuilles en Run-off. Le schéma ci-après montre l‟évolution dans le temps du prix d‟achat de sociétés en Runoff. Le nombre de transactions observées sur le marché a considérablement baissé en 2009, et surtout en 2010. Cela reflète les conséquences de la crise financière et la difficulté pour les acquéreurs à obtenir un financement à des conditions intéressantes. Après la période faste des années 2007 et 2008, les prix de vente ont baissé pour être ramenés la plupart du temps sous la valeur comptable des entreprises cédées. Cette diminution du niveau des prix n‟incite pas à la vente. Ce qui réduit également le nombre de transactions observées. Côté vendeur, la cession de portefeuille en Run-off correspond pourtant aujourd‟hui de nouveau à une véritable réflexion stratégique en termes d‟allocation de capital ou de réduction de coûts de gestion. Sur ce marché, le choix de l‟acquéreur n‟est d‟ailleurs pas forcément uniquement dicté par le niveau de prix qu‟il propose : sa réputation compte également car elle peut rejaillir sur celle du vendeur. Cette réputation est nécessairement Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 27 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off altérée dès lors que l‟acheteur potentiel commence à être connu sur le marché pour ses manœuvres parfois dilatoires en matière de règlements de sinistres. Côté acquéreur, l‟achat d‟un portefeuille en Run-off passe nécessairement par une analyse poussée de ce portefeuille. Les éléments suivants sont entre autres passés au crible : risques couverts, adéquation du niveau de provisionnement, aggravation potentielle de la sinistralité, qualité de la réassurance, portefeuille d'actifs investis, expérience des équipes, volatilité… Un véritable phénomène de concentration est observé sur le marché du Run-off. Beaucoup d‟acteurs se montrent encore intéressés par l‟achat de portefeuilles en Run-off, mais d‟après les spécialistes, seul un faible nombre reste crédible sur les transactions d‟importance. Deux profils d‟investisseurs coexistent : Celui qui obtient son retour sur investissement en assumant le Run-off et en gérant les sinistres sur la durée. Celui qui souhaite rapidement clôturer le portefeuille pour dégager une plus-value. Dans les deux cas, le but ultime est de faire un bon retour sur investissement. Pour l‟acheteur spécialisé, bien équipé, les portefeuilles en Run-off sont intéressants car non corrélés avec les autres risques. Mais il s‟agit d‟un marché très spécifique, où il est difficile pour acheteur et vendeur de s‟entendre sur le prix. Les professionnels du secteur s‟accordent à dire que de nouveaux intervenants peineraient à trouver place aujourd‟hui sur ce marché. Les acteurs Les prestataires de service s‟intéressant au Run-off sont nombreux. En revanche, le nombre d‟investisseurs potentiels est restreint. Le groupe anglais R&Q est le plus ancien. Depuis sa formation en 1992, il a acquis un nombre significatif de compagnies d‟assurance en Run-off. Il regroupe actuellement une dizaine de compagnies aux Etats-Unis et en Europe et gère environ 3,4 milliards de livres sterling de provisions pour sinistres. R&Q a acheté le réassureur français La Licorne S.A. au groupe MAAF en avril 2010 pour 3,2 millions de livres sterling. Ce premier Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 28 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off investissement sur le marché français a été réalisé pour un montant inférieur à la valeur de l‟actif net et a généré pour R&Q un gain d‟acquisition28 de 0,9 million de livres sterling. La Licorne, en Run-off depuis 1991, était principalement engagée sur des affaires relevant de la branche Responsabilité Civile Automobile. R&Q a réalisé ce rachat en partenariat avec la société Globale Re dont le siège social est en Allemagne mais qui dispose d‟un bureau à Paris (Cf interview de M. Bünger). Dans ce partenariat stratégique, R&Q fournit le capital et devient l‟unique porteur de risque. Globale Re constitue un contact local commercial privilégié qui participe aux négociations et gère le Run-off après la transaction. R&Q a précisé au sujet de l‟acquisition de La Licorne que cet achat illustre ses progrès dans la saisine d‟« opportunités significatives qui existent en Europe du fait de la mise en place de Solvabilité II. »29 Le groupe R&Q comprend plusieurs sociétés de prestation de services spécialisées en gestion de Run-off, parmi lesquelles R&Q Insurance Services Ltd (anciennement Cavell) ou encore R&Q Quest Management Services Ltd (anciennement Quest). Le principal concurrent historique de R&Q est le groupe Enstar, coté au NASDAQ30. Il résulte de la fusion avec Castlewood Holdings Limited et a été établi pour acquérir des portefeuilles d‟assurance et de réassurance en Run-off et fournir des services de gestion ainsi que de consulting au secteur. L‟objectif annoncé du groupe est de devenir leader sur le marché international de libération de capital en matière de Run-off. Pour ce faire, il cherche à maximiser sa croissance en termes de valeur nette comptable, en poursuivant une logique d‟acquisition. La stratégie du groupe est décrite dans son rapport annuel 200931. Elle repose globalement sur : La consolidation de sa position de leadership sur le marché du Run-off en utilisant et en promouvant l'expérience et les relations de ses équipes séniors. Une gestion efficace des sinistres qui passe par l‟analyse poussée de leur validité. Une politique de commutation des engagements pris et des protections de réassurance. 28 Goodwill on bargain purchase Randall & Quilter Investment Holdings plc - Interim Report and Financial Statements - 30 June 2010 30 « National Association of Securities Dealers Automated Quotations » aux Etats Unis 31 Rapport disponible à l‟adresse internet suivante : http://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1363829/000095012310020752/w77398e10vk.htm#102 29 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 29 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Une approche très disciplinée des pratiques d‟acquisition, de gestion et de réassurance. Une gestion prudente de ses actifs qui vise notamment à corréler la maturité et la durée de son portefeuille d‟actifs au profil de ses engagements inscrits au passif. Un troisième acteur, plus récent, prend de plus en plus d‟ampleur. La société anglaise Tawa Plc se considère comme « une plate-forme de consolidation des métiers du Runoff ». Elle appartient pour l‟essentiel à des groupes français. Elle est détenue à 71% par le groupe Artémis (qui a pour maison mère la société Financière Pinault) et à 5% par le groupe AXA32. Créée en 2001, elle est cotée depuis 2008 sur l'Alternative Investment Market de la Bourse de Londres. Le groupe Artémis présente ainsi les « lignes de force » de Tawa : « En premier lieu, Tawa acquiert et gère des portefeuilles ou des compagnies d’assurance qui n’émettent plus de nouvelles polices. En second lieu, Tawa est, au travers de sa filiale PRO, l’un des principaux prestataires de services mondiaux spécialisés dans le secteur du Run-off, mais également un prestataire de services à destination de compagnies d’assurances actives ou de syndicats du Lloyd’s. Enfin, Tawa agit comme incubateur pour des initiatives ou des projets susceptibles de répondre à des besoins spécifiques du marché. »33 En septembre 2009, Tawa s‟est effectivement porté acquéreur du groupe de sociétés PRO (comprenant notamment PRO Insurance Solutions) pour 41,3 millions d‟euros. Ces sociétés appartenaient au groupe de réassurance Swiss Re depuis 1996. La vente de PRO par Swiss Re peut s‟expliquer à la fois par la volonté de ces derniers de se recentrer sur leur cœur de métier et par l‟intérêt suscité par PRO sur le marché. Tawa a considéré cette acquisition comme étant en ligne avec le développement de son portefeuille diversifié d‟affaires en Run-off. Comme le précise M. Heitlinger dans son interview, PRO est un prestataire de service. Il assume la gestion des portefeuilles en Run-off du groupe Tawa et propose ses services aux autres compagnies du marché. D‟autres groupes plus importants mais diversifiés interviennent sur ce marché comme Fairfax (dont fait partie la société Riverstone), Capita, ou encore Berkshire Hathaway. 32 Données collectées sur le site http://www.tawaplc.com/Investor_Relations/Shareholders/ au 08 janvier 2011 33 Selon site internet du groupe Artémis http://www.groupeartemis.com/fr/p4/p4_5_1.htm Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 30 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Les investisseurs restent cependant peu présents en France. L‟exemple donné de l‟acquisition de La Licorne par R&Q est celui d‟un portefeuille de réassurance, beaucoup plus facile à transférer à ce type d‟acteurs qu‟un portefeuille d‟assurance qui nécessite des agréments spécifiques par branche d‟activité. Chapitre 2 – Les provisions techniques comme matière première de l’activité Les provisions techniques constituent le nerf de la guerre sur le marché du Run-off. Plus la date de règlement ultime du sinistre est éloignée de la date du provisionnement, plus l‟évaluation de ce sinistre s‟avère délicate et le réajustement de cette évaluation envisageable. Section 2.1 – Richesses cachées des branches à déroulement long Provisionnement Indépendamment des éléments de fonds propres destinés à couvrir la marge de solvabilité minium exigée par les autorités de contrôle, ces dernières exigent également un niveau de provisions techniques suffisant pour couvrir les engagements de la société. Les provisions techniques inscrites au passif du bilan des sociétés d‟assurance non-vie sont diverses. Elles comprennent : Des provisions liées à la valeur des placements, telles que la provision pour dépréciation durable, la provision pour risque d‟exigibilité et la réserve de Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 31 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off capitalisation. Ces provisions enregistrent respectivement les plus ou moins-values latentes ou réalisées. La provision d‟égalisation, qui agit comme une provision de sécurité pour certains types de risques. Les provisions pour primes et sinistres. La provision pour sinistre à payer est la provision la plus importante en termes de volumétrie. La constitution de cette provision est une exigence règlementaire européenne imposée aux compagnies d‟assurance et de réassurance. Comme les autres provisions techniques, elle doit être suffisante pour le règlement intégral des engagements vis-à-vis des assurés ou de l‟entreprise réassurée. Le code des assurances français définit la provision pour sinistres à payer comme la « valeur estimative des dépenses en principal et en frais, tant internes qu'externes, nécessaires au règlement de tous les sinistres survenus et non payés, y compris les capitaux constitutifs des rentes non encore mises à la charge de l'entreprise ; » 34 Cette provision est calculée exercice par exercice selon le principe d‟une évaluation dossier par dossier. Le montant restant à régler sur chaque dossier sinistre encore ouvert est évalué par le gestionnaire en charge du dossier. Il est complété, à titre de chargement, par une évaluation des charges de gestion qui doit être suffisante pour liquider tous les sinistres. Elle est également complétée d‟une estimation du coût des sinistres survenus mais non déclarés. Ces estimations sont en général réalisées par un actuaire. Les sinistres survenus mais non déclarés sont désignés en anglais sous l‟expression IBNR35. Ils sont particulièrement importants dans les branches à déroulement long. Article R331-6 4°) applicable aux compagnies d‟assurance et article R331-36 applicable aux compagnies de réassurance 35 Incurred But Not Reported 34 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 32 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off La provision pour sinistres à payer doit être calculée pour son montant brut, sans tenir compte ni des recours à exercer contre d‟éventuels tiers responsables, ni des recouvrements à percevoir au titre de contrats de réassurance. Ils font tous deux l'objet d'une évaluation comptable distincte. Le placement des provisions génère des produits financiers importants pour les compagnies d‟assurance. Ces dernières ne peuvent cependant pas en tenir compte pour baisser leur niveau de provisionnement dans le cadre du régime actuel. En effet, sauf cas particuliers, l‟escompte des provisions n‟est pas autorisé. Par dérogation au principe de l‟évaluation dossier par dossier, l'entreprise d‟assurance peut, avec l'accord des autorités de contrôle, utiliser des méthodes statistiques pour l'estimation des sinistres survenus au cours des deux derniers exercices. Dans le cadre de la méthode dossier par dossier, le gestionnaire se projette dans l‟avenir pour estimer l‟évolution du sinistre. Les méthodes statistiques utilisées par l‟actuaire reposent en revanche essentiellement sur l‟analyse de la sinistralité historique. Ces méthodes statistiques ont évolué ces dernières années. Les actuaires ont désormais recours à des méthodes stochastiques36 pour tenter de mesurer l‟incertitude générée par l‟utilisation de méthodes statistiques déterministes37. Certaines branches d‟assurance bénéficient par ailleurs de règles spécifiques. Il s‟agit des garanties décennales d'assurance construction et des opérations d'assurance des véhicules terrestres à moteur pour les sinistres matériels. Pour ces dernières, s‟agissant de sinistres de masse de montant relativement peu important, l‟utilisation du coût moyen des sinistres et des cadences de règlement observés au cours des exercices antérieurs est suffisante. Pour les premières au contraire, les spécificités techniques propres à l‟assurance construction nécessitent un traitement particulier, avec l‟établissement d‟une provision pour sinistres non encore manifestés38. 36 « Adjectif synonyme, en mathématique, d'aléatoire, qui caractérise des calculs, des processus, des équations différentielles et qui indique que le phénomène étudié n'est pas déterministe et fait intervenir des probabilités » Lexique Vernimmen 37 Les classiques méthodes « Chain ladder » sont des méthodes déterministes. Elles s‟appliquent sur des triangles de paiements de sinistres ou de charge cumulés et sont fondées sur l‟utilisation de cadence de règlement supposées constantes. 38 Article A331-21 du code des assurances Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 33 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Les branches d‟assurance non-vie sont susceptibles de générer des paiements sous forme de rentes. Il s‟agit, par exemple, de rentes indemnitaires versées aux victimes d‟accidents de la circulation. Le provisionnement de ces rentes n‟est pas pris en considération dans le cadre de la provision pour sinistres à payer car il fait l‟objet d‟un provisionnement spécifique sous la forme d‟une provision mathématique de rentes. La valeur actuelle des engagements de l'assureur doit être calculée. Un barème de provisionnement39 s‟impose alors aux compagnies d‟assurance. Il est constitué : Du montant de l‟arrérage40 de rente versé à la victime. D‟une table de mortalité prédéfinie qui sert à estimer le temps durant lequel les arrérages seront versés à la victime. D‟un taux d‟actualisation maximum qui sert à estimer les profits financiers qui pourront être générés par le placement de la provision (plus le taux d‟actualisation est faible, plus la provision est importante). Provisions et durée des engagements Au-delà des quelques cas spécifiques évoqués plus haut, le législateur n‟a pas jugé bon de retenir un traitement différencié des provisions selon la durée estimée de règlement du sinistre. La volatilité de la provision dépendra pourtant en partie de cette durée. Il est plus difficile d‟évaluer les montants à long terme car les sinistres sont alors exposés plus longtemps aux facteurs externes tels que les modifications de jurisprudence, les évolutions législatives ou règlementaires, le poids de l‟inflation, etc. Dans le cadre de la quatrième étude quantitative d‟impact (QIS4) de la Directive Solvabilité II, l‟Autorité de contrôle française a émis des orientations nationales complémentaires aux spécifications techniques européennes41. Elle a, entre autres, communiqué des durées moyennes de règlement de sinistres par branche, comme suit : 39 Article A331-10 du code des assurances Somme d'argent versée périodiquement à la personne bénéficiaire d'une rente 41 ACAM ONC QIS4 mai 2008 40 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 34 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Ces moyennes, déterminées pour les besoins du QIS4, ont été établies à partir des données du marché tous sinistres confondus. En pratique, le règlement d‟un sinistre Responsabilité Civile Automobile ayant généré des préjudices corporels lourds à une victime mineure au moment de l‟accident, pourra prendre plusieurs décennies. Les actuaires adaptent normalement les méthodes statistiques à la durée de liquidation, à la branche concernée et au type de sinistre. Encore faut-il que lesdits sinistres puissent être identifiés et soient suffisamment nombreux pour justifier un traitement particulier. Les sociétés spécialisées dans le Run-off ont pu, à ce titre, développer une expertise particulière. L‟évaluation des sinistres latents peut notamment être réalisée avec des méthodes spécifiques, comme par exemple pour le calcul des IBNR des sinistres liés à l‟amiante. Mais l‟évaluation des provisions techniques comporte toujours une part d‟incertitude. Les provisions techniques peuvent notamment se révéler insuffisantes. La Directive Solvabilité II prend ce risque en considération. Il est délicat de déterminer la part des provisions techniques qui découlent de contrats qui ne font plus l‟objet de souscription active. Les systèmes d‟information des compagnies d‟assurance n‟ont pas été conçus pour permettre une extraction fine des provisions techniques afférentes à des contrats inactifs. Une telle démarche d‟identification est pourtant intéressante, en particulier sur les branches à déroulement long. Elle permet de vérifier l‟adéquation entre les ressources humaines et le stock de provisions relevant de contrats qui n‟intéressent plus le développement commercial de l‟entreprise. En revanche, ce stock de provisions en Run-off n‟a que peu d‟impact sur le niveau de capital à mobiliser sous l‟environnement prudentiel actuel décrit ci-après. Cet Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 35 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off environnement changera dans les deux ans qui viennent avec la mise en place de Solvabilité II. (Voir Deuxième partie Section 1.1). Marge de solvabilité sous l’environnement prudentiel actuel Le système de solvabilité aujourd‟hui en vigueur en France a été mis en place par plusieurs Directives Européennes. Il consiste à déterminer en premier lieu le besoin de marge de solvabilité et à vérifier ensuite les éléments constitutifs de la marge de solvabilité qui couvriront ce besoin. Les modalités de calcul posées par le code des assurances42 sont assez simples. L'exigence minimale de marge de solvabilité est déterminée, soit par rapport au montant annuel des primes, soit par rapport à la charge moyenne annuelle des sinistres. L‟exigence minimale de marge est égale au plus élevé des résultats obtenus par application de ces deux méthodes. Ces calculs renvoient aux deux étapes fondamentales dans la vie d‟une société. Dès sa création, l‟entreprise génère des primes mais n‟a pas encore de sinistres à charge. A l‟arrêt de sa souscription, date de sa mise en Run-off, l‟entreprise ne perçoit plus de primes mais doit assumer les engagements souscrits. Les entreprises d‟assurance non-vie gérant des portefeuilles en Run-off ne génèrent plus de primes et sont concernées par la méthode de calcul par rapport aux sinistres, selon la formule suivante : Calcul fondé sur la moyenne des sinistres43 des 3 derniers exercices : (26% des sinistres de la 1ère tranche 44 + 23% des sinistres au-delà) x taux de rétention Pour les branches d‟assurance de responsabilité civile, du fait de leur déroulement long, les sinistres, provisions et recours sont majorés de 50 %. Le taux de rétention correspond au rapport existant, pour les trois derniers exercices, entre le montant des sinistres demeurant à la charge de l'entreprise après cession en réassurance 42 Article R334-5 du code des assurances Charge brute de réassurance : sinistres + provisions - recours 44 Actuellement 40.300.000 euros 43 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 36 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off et le montant des sinistres, bruts de réassurance. Ce rapport, qui tient compte du transfert de risque opéré par la réassurance, ne peut être inférieur à 50 %. Plus le montant de provisions est important, plus le besoin en marge de solvabilité augmente. Cela parait justifié en ce que les provisions sont représentatives des engagements de l‟entreprise vis-à-vis des tiers. Il y a toutefois un paradoxe dans la mesure où un assureur qui se montrerait imprudent dans son provisionnement, verrait son besoin de marge de solvabilité diminuer. Cet effet ne sera pas gommé par la Directive Solvabilité II qui impose d‟ailleurs de limiter tout excès de prudence dans le provisionnement. Indépendamment de la marge de solvabilité requise, le code des assurances prévoit également la constitution de fonds de garantie, dont le montant est là aussi plus important lorsqu‟il s‟agit de branches à déroulement long comme l‟assurance Responsabilité Civile45. Les entreprises entièrement dédiées au Run-off sont soumises à cette exigence de fonds de garantie minimal. Section 2.2 - De l’estimation chiffrée à la réalité d’un marché Dans son étude 2010 « Unlocking value in run-off »46, le groupe PwC estime que les engagements en Run-off pèsent environ 34 milliards d‟euros pour la France et le Benelux. Ce montant est considéré comme surestimé par les professionnels français du Run-off qui le comparent aux 3,5 milliards de provisions restant à gérer au sein d‟AXA LM, censé être l‟acteur le plus important du marché en termes de volume de provisions. Les précisions suivantes ont été obtenues auprès de PwC : le montant applicable pour la France serait de 19 milliards d‟euros, tant pour les portefeuilles d‟assurance que de réassurance. Leurs 45 Article R334-7 du code des assurances “Unlocking value in run-off - A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe” 2010 PricewaterhouseCoopers LLP 46 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 37 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off estimations sont fondées sur les données publiques en matière de provisions afférentes aux engagements en Run-off des compagnies européennes les plus importantes, par territoire. Ces informations ont été extrapolées pour couvrir chaque territoire plus largement en considérant, entre autres choses, le montant cumulé des primes souscrites et le loss ratio moyen47. Trente-six compagnies françaises ont répondu à l‟enquête de PwC mais elles n‟étaient pas directement interrogées sur le montant de leurs engagements en Run-off. Une telle question se serait très certainement avérée inutile car les compagnies françaises ne communiquent pas en la matière. Les rapports financiers annuels des compagnies françaises permettent seulement de déterminer le montant global de provisions techniques du marché. L‟essentiel de ces provisions est généré par les compagnies d‟assurance vie et de capitalisation. Elles s‟élevaient à environ 128,4 milliards d‟euros fin 2009 pour les assureurs non-vie contrôlés par l‟Autorité de contrôle prudentiel48. Le graphique ci-après montre l‟évolution des provisions techniques pour les sociétés d‟assurance dommages sur les neuf dernières années selon les données de la FFSA49. Il est impossible d‟établir avec précision la part de ces provisions techniques qui serait relative aux affaires en Run-off portées par les compagnies d‟assurance françaises. En 2005, un journaliste spécialisé indiquait « Les assureurs avouent au mieux que les affaires "en sommeil" ne 47 Coût des sinistres / primes encaissées Rapport annuel 2009 de l'Autorité de contrôle prudentiel 49 Données pour l‟ensemble des sociétés d‟assurances françaises et étrangères opérant en France, le montant mentionné pour 2009 est une estimation au 1er juin 2010 48 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 38 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off représentent pas plus de 1 % ou 2 % de leur portefeuille courant. »50, Parmi les éléments que les entreprises d‟assurance doivent fournir à l‟Autorité de contrôle prudentiel, figure un état d‟analyse des comptes relatif aux résultats techniques par contrat. Cet état pourrait constituer un indicateur sur le volume de provisions afférent aux affaires en Run-off.51 Il détaille en effet à la fois les montants de primes, les provisions pour sinistres à payer et les prévisions de recours à encaisser par catégorie de contrats.52 Pour une société qui aurait cessé toute souscription dans la branche construction, cet état permet ainsi d‟appréhender rapidement le volume de sinistres relevant de ce Run-off. Mais les autres catégories de contrats retenues ne sont pas assez fines pour pouvoir apprécier le volume d‟affaires potentiellement en Run-off. La catégorie Responsabilité Civile Générale (RCG) est, par exemple, particulièrement large. Elle peut aussi bien viser la RCG d‟un particulier couverte dans le cadre de sa police multirisque habitation, que la Responsabilité Civile Exploitation d‟un grand groupe industriel responsabilité ou encore médicale la d‟un chirurgien en obstétrique. Deux raisons principales peuvent être avancées pour tenter d‟expliquer l‟absence de données chiffrées sur le montant de provisions relevant d‟affaires en Run-off : La grande majorité des compagnies ne voit pas l‟intérêt qu‟elles pourraient trouver à tenter d‟identifier les sinistres concernés. Ils sont gérés comme les autres, avec ni Argus de l‟Assurance, « Les chasseurs de passifs attendent leur or », 18 novembre 2005 Article Annexe A344-10 du code des assurances ETAT C1 52 Dommages corporels / Automobile / Dommages aux biens / Catastrophes naturelles / Responsabilité civile générale / Protection juridique, assistance et pertes pécuniaires diverses / Transports / Construction / Crédit et caution 50 51 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 39 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off plus ni moins de pro-activité. Ces compagnies entendent assumer leurs engagements jusqu‟au bout. Le terme Run-off évoque, pour beaucoup, les défaillances des compagnies sur le marché anglais au début des années 1990. Il souffre d‟une mauvaise réputation étant associé à une notion d‟instabilité financière. Cette deuxième raison renvoie à d‟autres éléments avancés par les professionnels français du Run-off, toujours par comparaison au marché anglais. La règlementation trop figée du marché français est ainsi souvent dénoncée pour expliquer une gestion statique des engagements en Run-off. Le marché anglais est effectivement beaucoup plus souple, voire même inventif, en termes de procédures. L‟aspect culturel est également souvent mis en avant : les anglais se montreraient par nature beaucoup plus pragmatiques que les français, n‟hésitant pas à se défaire de tout ce qui ne relève plus de leur cœur de métier. Les compagnies françaises n‟affichent aujourd‟hui aucune volonté de s‟engager dans un processus d‟identification de la part de Run-off au sein de leurs provisions techniques. Les acteurs du Run-off avaient pourtant cru au début des années 2000 que la mise en place du régime règlementaire Solvabilité II changerait la donne. En effet, le niveau du SCR augmente considérablement pour les compagnies d‟assurance non-vie par rapport au niveau de marge de solvabilité du régime actuel. Dans la formule dite standard proposée par la Directive (par opposition au développement d‟un modèle interne propre à la compagnie), un besoin de capital est associé au sous module « risque de réserve » : ce besoin de capital varie avec le niveau de provisionnement. Intuitivement, baisser le niveau de provisionnement semblait donc une solution à envisager. Rejoignant la Directive Solvabilité II, les nouvelles normes internationales comptables dites IFRS réduiront par ailleurs la possibilité aujourd‟hui laissée aux entreprises d‟assurance de lisser leurs résultats sur plusieurs exercices par le jeu des provisions techniques. La Directive, dont le projet a été formellement initié dès 2004, n‟entrera cependant en vigueur que le 31 décembre 2012, avec la possibilité de mettre en place des phases transitoires qui pourraient durer jusqu‟à dix ans pour la mise aux normes en matière de calcul de l‟exigence de capital cible53. 53 Proposition de Directive Omnibus 2 janvier 2011 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 40 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off Les normes IFRS peinent également à se mettre en place. La première phase d‟application de la norme IFRS 4, (applicable aux passifs d‟assurance depuis 2005 pour les entreprises européennes cotées), laisse les assureurs comptabiliser leurs passifs techniques selon les règles classiques en vigueur. A partir de la deuxième phase d‟application, les entreprises devront évaluer leurs passifs en cohérence avec les valeurs observées sur le marché. Le projet de norme a été publié54 mais elle ne sera pas adoptée avant 2013 / 2014. Par ailleurs, outre l‟aspect culturel évoqué plus haut et les freins règlementaires, le marché du Run-off n‟est plus aussi attractif qu‟au début des années 2000 pour les vendeurs potentiels. Les sociétés spécialisées en gestion de Run-off ont en effet comme les autres été impactées par la crise financière initiée en 2007 et surtout elles sont, elles aussi, concernées par Solvabilité II. L‟exemple suivant est communiqué par la société AXA Liabilities Managers sur son site internet : Un portefeuille de 100 millions d‟euros de réserves brutes en réassurance non-vie demande aujourd‟hui entre 0 et 3 millions d‟euros de capital55. Avec les spécifications techniques communiquées par l‟EIOPA (anciennement CEIOPS) 56 pour le QIS557, le SCR sera significativement plus élevé pour ce même portefeuille car plusieurs facteurs de risques sont à prendre en considération. Le module le plus important sera ici le risque de réserve. (Cf. Deuxième partie Section2.2) Dans l‟exemple donné par AXA LM, le SCR atteint 25 millions d‟euros, voire même 30 millions s‟il s‟agit d‟une entité légale dédiée autonome. Acquérir un portefeuille en Run-off génère donc pour ces compagnies spécialisées une charge en capital qu‟elles répercuteront nécessairement sur le prix d‟achat proposé. Pour ces compagnies un capital élevé signifiera aussi une exigence de taux de retour sur capitaux plus difficile à atteindre. Elles devraient donc en théorie également se montrer plus sélectives. 54 Exposure draft ED/2010/8 corrigé au 02 août 2010 Les minima des fonds de garantie pour les structures légales autonomes ont cependant été augmentés début 2010 : 3,2 millions d‟euros pour les entreprises de réassurance / 3,5 millions d‟euros pour les entreprises pratiquant l‟assurance Responsabilité Civile 56 EIOPA (Autorité européenne des assurances et des retraites professionnelles) ex CEIOPS (Comité européen des contrôleurs de l'assurance et des pensions professionnelles) Organisme qui regroupe les représentants des autorités de contrôle des États membres de l‟Union européenne et de l‟Espace Economique Européen 57 EIOPA - Quantitative impact study 5 - Technical specifications 55 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 41 sur 129 Première partie - Le marché du Run-Off La première partie de notre étude tend à confirmer que la France ne représente pas un véritable marché pour les professionnels du Run-off. Ces derniers travaillent plus efficacement à partir d‟engagements de réassurance que d‟assurance. Or, l‟important volume de provisions techniques est essentiellement constitué d‟engagement d‟assurance en France . Les conditions aujourd‟hui proposées par les investisseurs ne sont par ailleurs pas suffisamment attractives pour susciter à elles seules un choix opportuniste de cession de portefeuille. Les prestataires de service sont quant à eux confrontés à des freins de nature culturelle et surtout, à l‟absence de prise en compte du Run-off dans les stratégies de gestion mises en place. Sur ce dernier point, le choix d‟organisation opéré par certains réassureurs est pourtant riche d‟enseignements. Traiter au sein d‟une cellule dédiée des sinistres potentiellement sujets à dérive et relevant de caractéristiques communes, permet de les gérer efficacement. Les compétences humaines sont alors préservées et entretenues, même dans un contexte de Run-off. La volatilité inhérente aux branches d‟assurance à déroulement long mérite que les assureurs s‟organisent à leur tour. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 42 sur 129 Deuxième partie –Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 43 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance L‟enquête menée en 2010 par PwC58 révèle que 90% des sociétés sondées déclarent avoir mis en place une stratégie pour la gestion de leurs engagements en Run-off. Elles étaient 70% dans le cadre de leur enquête menée en 2008. Il est probable que cette évolution soit en lien avec l‟appropriation progressive des nouveaux concepts posés par la Directive Solvabilité II. Cette enquête est menée auprès d‟un panel restreint de 500 personnes en Europe, elle ne reflèterait pas nécessairement la même évolution si elle était réalisée exclusivement en France. Chapitre 1 – Nouvelle approche des provisions techniques sous Solvabilité II Section 1.1 – Juste valeur et risque de réserve Juste valeur : Le projet Solvabilité II a soulevé de nombreux débats entre les entreprises d‟assurance, les organismes de contrôle et les instances européennes. La question des provisions techniques est celle qui a généré le plus de discordes. L‟objectif de départ était de mettre en place un système de provisionnement prudent, fiable et objectif. Ce point qui fait consensus est d‟ailleurs inscrit dans la Directive59. Mais pour ne pas multiplier les jeux de comptes, l‟Europe a tenté d‟aligner le traitement prudentiel des provisions techniques sous Solvabilité II et leur traitement comptable sous les normes IFRS. “Unlocking value in run-off - A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe” 2010 PricewaterhouseCoopers LLP 59 Article 76 de Directive 2009/138/CE 58 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 44 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance La Directive a alors repris la notion de juste valeur (fair value) qui renvoie à une valeur de marché, telle que prônée par la norme IFRS4 en cours d‟élaboration. « La valeur des provisions techniques correspond au montant actuel que les entreprises d'assurance et de réassurance devraient payer si elles transféraient sur le champ leurs engagements d'assurance et de réassurance à une autre entreprise d'assurance ou de réassurance. 60 Or, le nombre de transactions enregistrées en matière de cessions de portefeuilles est trop faible, les acteurs trop restreints et le type d‟opération trop spécifique pour servir de référence de valeur de marché. La Directive dispose donc par ailleurs que « la valeur des 61 provisions techniques est égale à la somme de la meilleure estimation et de la marge de risque ». . La meilleure estimation (plus souvent utilisée dans sa forme anglaise Best Estimate) correspond à « la moyenne pondérée par leur probabilité des flux de trésorerie futurs, compte tenu de la valeur temporelle de l'argent (valeur actuelle attendue des flux de trésorerie futurs), estimée sur la base de la courbe des taux sans risque pertinents. » Les flux de trésorerie dont il est question sont essentiellement constitués par les paiements de sinistres et des frais afférents à leur gestion. La Directive et la norme IFRS 4 se rejoignent sur le principe de l‟actualisation de ces flux. Ce principe d‟escompte des provisions techniques n‟est pas autorisé sous le régime prudentiel actuel. Les mesures d‟exécution de la Directive définiront les méthodes actuarielles et statistiques ainsi que la courbe des taux sans risque à utiliser pour le calcul du Best Estimate. Les spécifications techniques communiquées à ce sujet par l‟EIOPA ont fait l‟objet de vastes débats et ont évolué dans le temps. 60 61 Point 2 de l‟article 76 de la Directive 2009/138/CE Article 77 de la Directive 2009/138/CE Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 45 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance La marge de risque est quant à elle déterminée en fonction du « coût que représente la mobilisation d'un montant de fonds propres éligibles égal au capital de solvabilité requis nécessaire pour faire face aux engagements d'assurance et de réassurance pendant toute la durée de ceux-ci. » Elle constitue donc une marge de prudence établie dans une optique de transfert des provisions à un tiers. Il s‟agit de déterminer le coût que représenterait pour ce tiers l‟immobilisation du capital, pour couvrir les exigences règlementaires jusqu‟à la fin des engagements. Les méthodes et hypothèses à utiliser pour calculer la marge de risque seront elles aussi définies dans le cadre des mesures d‟exécution de la Directive. Pour les études quantitatives d‟impact menées par l‟EIOPA, le niveau retenu concernant le coût que représente la mobilisation du capital est de 6%, pour toutes les entreprises. Les autres spécifications techniques communiquées sur la marge de risque par l‟EIOPA, notamment pour la détermination du montant de fonds propres nécessaire, conduisent à un calcul particulièrement difficile à réaliser. Sous le prochain environnement prudentiel, il faudra au préalable calculer le SCR pour pouvoir calculer la marge de risque. Le niveau de provisionnement dépendra donc en partie du SCR. La Directive avait pourtant vocation à harmoniser la base de calcul des provisions techniques au sein de la Communauté européenne, « pour une meilleure comparabilité et une plus grande transparence ». 62 (Cf. Interview de M. Derien en annexe). Avec les spécifications techniques retenues dans le QIS463, les provisions techniques ont diminué en moyenne de 20% pour les assureurs non-vie. Cette forte baisse s‟explique surtout par l‟escompte des provisions. Plus les engagements sont de longue durée, plus la baisse est importante. Même s‟il est encore trop tôt pour la quantifier, le QIS5 confirme cette diminution des provisions techniques en assurance non-vie, qui s‟appliquera également aux engagements relevant de contrats en Run-off. L‟analyse du risque de réserve associé à ces engagements en Run-off pourra toutefois inciter les compagnies d‟assurance à mettre en place un plan stratégique pour accélérer la réduction du montant des provisions. 62 63 Point 53 du Préambule de la Directive 2009/138/CE EIOPA - Quantitative impact study 4 - Technical specifications Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 46 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Risque de réserve : Le SCR est composé de plusieurs modules, dont le risque de souscription qui engage le plus de capital puisqu‟il constitue le cœur de métier de l‟assureur. Il s‟agit de refléter l‟incertitude qui pèse sur les résultats futurs de l‟entreprise, tant au regard de ses engagements d‟assurance existants, qu‟au regard du portefeuille susceptible d‟être souscrit dans les douze mois. Dans la formule standard, le risque de souscription en non-vie est calculé à partir d‟une combinaison d‟exigences de capital applicables à plusieurs sousmodules parmi lesquels : Le risque de réserve qui résulte « de fluctuations affectant la date de survenance, la fréquence et la gravité des événements assurés, ainsi que la date et le montant des règlements de sinistres » Le risque de catastrophe qui résulte « de l’incertitude importante, liée aux événements extrêmes ou exceptionnels, qui pèse sur les hypothèses retenues en matière de prix et de 64 provisionnement » . 64 Article 105 de la Directive 2009/138/CE Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 47 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Le risque de réserve vise à vérifier que le capital de l‟entreprise est suffisant pour faire face à la volatilité des provisions. Cette volatilité est d‟autant plus importante que le déroulement du sinistre est long. Elle trouve plusieurs sources : Le règlement final des sinistres peut s‟avérer supérieur aux évaluations prises en considération dans le montant des provisions. Le développement des sinistres ne correspondra pas nécessairement à celui anticipé pour le provisionnement, notamment sur la vitesse de règlement. Les engagements relevant de contrats en Run-off peuvent s‟avérer plus volatiles lorsque l‟entreprise d‟assurance ne met pas en œuvre une stratégie adaptée pour en assurer la gestion. D‟où l‟intérêt d‟identifier ces portefeuilles. Dans le contexte prudentiel actuel, les entreprises tiennent déjà compte de la volatilité et considèrent leurs engagements jusqu‟à leur extinction. Sous Solvabilité II, le risque de réserve retient seulement un horizon d‟un an mais il sera considéré avec plus d‟attention car une part de capital y est clairement associée. Section 1.2 – L’identification de portefeuilles Segmentation des provisions techniques : La Directive dispose que pour le calcul de leurs provisions techniques, les entreprises d‟assurance doivent segmenter leurs engagements d‟assurance en groupes de risques homogènes. Elles doivent au moins les segmenter par ligne d‟activité 65 afin de conserver une certaine cohérence entre les données utilisées. A défaut, les hypothèses actuarielles tirées de ces données ne seraient pas appropriées. L‟EIOPA a retenu les douze lignes d‟activité suivantes pour les engagements d‟assurance non-vie : Accidents du travail / Assistance / Crédit et caution / Frais médicaux / Incendie et autres dommages / Maritime, aviation et transport / Perte de revenus / Protection juridique / RC automobile / RC générale / Risques divers / Véhicules terrestres à moteur et autres66. 65 66 Article 80 de la Directive 2009/138/CE EIOPA Final Advice Technical Provisions Segmentation Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 48 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Cette segmentation ne doit pas être réalisée en fonction de la forme juridique du contrat mais en fonction de l‟objet de la couverture. Elle n‟est donc pas forcément en lien avec les segmentations règlementaires ou comptables aujourd‟hui applicables. Il est, par exemple, surprenant de constater que les rentes indemnitaires versées aux tiers victimes indemnisés dans le cadre d‟un contrat d‟assurance non-vie (RC Automobile ou RC Générale) sont considérées comme des engagements d‟assurance vie.67 Une segmentation plus fine, propre à chaque compagnie, visant à regrouper des risques homogènes est par ailleurs nécessaire. Les groupes de risques homogènes sont constitués d‟engagements d‟assurance qui font l‟objet d‟une gestion commune et qui relèvent de mêmes caractéristiques. Il s‟agit, par exemple, d‟engagements pris sous une même politique de souscription, ou sur un même profil d‟assurés, ou bénéficiant d‟un mode de règlement identique des sinistres, ou encore une typologie similaire de frais de gestion, etc. Au sein d‟un même groupe, les risques doivent être suffisamment proches pour permettre un provisionnement cohérent. Les systèmes d‟informations des compagnies d‟assurance ne sont pas toujours adaptés à ce niveau de segmentation, qui peut nécessiter de scinder les garanties d‟un même contrat. Ils devront nécessairement évoluer, ce qui donnera l‟opportunité aux compagnies d‟assurance d‟identifier les provisions relevant de contrats en Run-off. Des groupes de risques cohérents pourront être constitués. Cela consiste au sein d‟une ligne d‟affaire donnée, à former des groupes spécifiques pour des contrats qui ne font plus aujourd‟hui l‟objet de souscription active et à affiner ces groupes en fonction de l‟homogénéité des engagements. Gestion des sinistres : La gestion des sinistres participe pleinement à la connaissance technique d‟une ligne d‟affaires. C‟est d‟ailleurs l‟observation de la dérive des sinistres sur une branche donnée qui peut conduire un assureur à cesser de souscrire sur cette branche. Difficile alors pour les services support d‟obtenir des actions de formation continue et de rester dans le circuit d‟information, ne serait-ce que pour participer aux réunions marchés pourtant riches d‟enseignement. Difficile également de conserver et de recruter des profils de spécialistes pour la gestion des sinistres passés. La compagnie risque alors de perdre son savoir-faire 67 TP.1.13 des spécifications techniques du QIS5 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 49 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance technique sur ces affaires qui n‟intéressent plus son développement. Cela génèrera nécessairement un impact négatif sur la gestion courante des sinistres, surtout sur les branches à déroulement long. Cet impact peut se traduire, par exemple, par : l‟absence d‟exercice systématique de recours contre les tiers responsables, des actions judiciaires qui se prolongent inutilement et génèrent des frais, des transactions insatisfaisantes, etc. Les deux exemples ci-dessous concernent des contrats qui ont pour caractéristique commune d‟être des assurances obligatoires, à déroulement long, particulièrement techniques. Dans les deux cas, le niveau de sinistralité a découragé nombre d‟assureurs non spécialisés qui ont cessé toute souscription. L‟assurance construction, tout d‟abord. Ce secteur compte aujourd‟hui peu d‟acteurs. Les trois principaux, SMABTP, AXA et Allianz représentent plus de 60% du marché. Mais par le passé de nombreux assureurs sont intervenus sur ce risque très technique. Le Run-off de ces engagements est spécifique de par sa durée : les deux principales polices, Dommages-Ouvrages et RC décennale sont d‟une durée de 10 ans. La multiplicité des intervenants à l‟acte de construction favorise les possibilités de recours contre les responsables des sinistres. Ces recours nécessitent un suivi régulier et une expérience des dossiers. La société Acré spécialisée dans le Run-off construction annonce ainsi obtenir un taux de recours de 30% à 40% supérieur à la moyenne du marché (Cf. Interview de Mmes Mamane et Benazera en annexe). L‟assurance responsabilité médicale est un autre exemple intéressant. Un récent rapport qualifie l‟offre en la matière de « réduite et cloisonnée »68. Quinze sociétés seulement sont présentes sur ce marché, elles sont encore moins nombreuses si nous considérons uniquement les professions à risques. Les deux premières sociétés représentent 83% des primes pour l‟assurance des chirurgiens et 78% des primes pour l‟assurance des anesthésistes réanimateurs. Rapport de Gilles Johanet sur l‟assurance responsabilité civile des professionnels de santé remis le 24 février 2011 au Ministre du Travail, de l‟Emploi et de la Santé 68 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 50 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance La société SHAM, spécialisée en assurance de responsabilité médicale, indique qu‟il peut s‟écouler jusqu‟à une vingtaine d‟années entre la connaissance du sinistre et la détermination précise de son coût. L‟appréciation de la responsabilité de l‟assuré est délicate. Et au-delà de cet aspect, le montant de l‟indemnité ne peut pas être établi avant la consolidation de l‟état de la victime. SHAM estime par ailleurs que sur cent réclamations qui lui sont présentées en RC médicale, seulement vingt à trente feront l‟objet d‟une indemnisation. Elle souligne que l‟indemnisation sera réalisée à un montant plus important que celui initialement prévu mais qu‟elle pallie l‟imprécision de cette évaluation initiale des dossiers pris séparément, par une mutualisation de l‟ensemble des réclamations. SHAM enregistre plusieurs milliers de réclamations par an. Impossible de transposer sa logique de provisionnement à un assureur ayant décidé de ne plus souscrire en RC médicale. Encore moins dans le contexte Best Estimate de Solvabilité II. Les assureurs se sont progressivement désintéressés de cette activité et les acteurs qui restent sont pour la plupart spécialisés. Tant l‟assurance construction que l‟assurance médicale nécessitent une gestion de sinistres par des spécialistes de formation juridique. Dans les deux cas, le fondement de la responsabilité de l‟assuré fait l‟objet de textes législatifs et règlementaires nombreux et complexes et d‟une jurisprudence évolutive qui nécessite une analyse approfondie. Dans les deux cas également, ces juristes doivent être encadrés et bénéficier d‟outils de suivi et de reporting adaptés pour éviter toute judiciarisation excessive des dossiers. En fonction de la taille des portefeuilles, des structures de gestion de ce type peuvent s‟avérer trop lourdes et d‟autres solutions peuvent alors être envisagées. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 51 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Chapitre 2 – Gérer le passé pour privilégier les portefeuilles actifs Les professionnels interrogés au titre de la présente thèse professionnelle s‟accordent à dire que les compagnies d‟assurance françaises travaillent peu sur le sujet de leur Run-off. Le seul contre-exemple donné de façon récurrente est celui de la création d‟AXA Liabilities Managers en 2001. Mais cette compagnie s‟est surtout concentrée sur le Run-off des engagements de réassurance du groupe AXA. Elle s‟est par ailleurs tournée vers l‟acquisition de passifs externes avec la réalisation d‟une transaction sur un portefeuille de réassurance69. Section 2.1 – S’organiser, Déléguer, Transférer ? Les chapitres qui précèdent brossent le contexte dans lequel s‟inscrit la réflexion sur les engagements en Run-off : Mobilisation de capital pour le risque de réserve sous Solvabilité II. Extraction de valeur « naturelle » avec le nouveau concept de provisionnement. Marché de cession de passifs de moins en moins favorable aux cessionnaires. Mise en exergue du risque opérationnel. La maîtrise du risque opérationnel lié aux engagements en Run-off peut être l‟un des premiers objectifs que s‟assigne une entreprise qui souhaite mettre en place un management stratégique de ce type d‟engagements. Les solutions pour y parvenir sont multiples. Les deux grandes catégories que sont une gestion interne versus des solutions externes, se déclinent elles-mêmes en plusieurs sous- 69 Acquisition de la société de réassurance allemande BF Rückversicherung en 2009 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 52 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance catégories de solutions. Leur choix dépendra de multiples facteurs liés à l‟entreprise ellemême : analyse des ressources humaines internes, politique générale de provisionnement et de gestion des sinistres, risque de réputation sur ces anciens contrats, protection de réassurance en place, etc. Organisation interne : L‟organisation interne renvoie au concept plus général d‟optimisation de la gestion des sinistres. A travers le ratio combiné70, le coût de la gestion des sinistres participe à la vision de la performance financière de l‟entreprise. Les efforts des compagnies portent d‟autant plus sur sa réduction en temps de crise. Une structure adaptée permet une réduction naturelle de ces coûts en traitant dans la masse les sinistres simples et à déroulement court, et en constituant des équipes dédiées pour les sinistres complexes nécessitant des compétences pointues. Les engagements en Run-off des branches à déroulement long relèvent de cette dernière catégorie et peuvent donc nécessiter la création de structure ad hoc. Cette gestion ad hoc est pertinente dans une organisation mature où la fonction sinistres a été structurée et segmentée selon la complexité des dossiers pour permettre une gestion proactive. L‟optimisation de cette gestion passe par un système d‟information performant qui ne peut que bénéficier à la gestion des sinistres relevant d‟engagements en Run-off : moins de gestion papier, des systèmes d‟alerte pour les recours, un rattachement du sinistre au contrat de base etc. Des actions ponctuelles d‟audit de portefeuilles sinistres menées par des prestataires externes peuvent avantageusement compléter une gestion de Run-off interne. Il s‟agit d‟identifier les dossiers concernés et de vérifier que le niveau de provisionnement est adéquat. Les outils d‟alerte pourront ensuite inciter les gestionnaires à une revue régulière de ces dossiers. En fonction des objectifs fixés, les procédures de transactions amiables pourront être privilégiées par rapport aux procédures judiciaires réputées longues, donc coûteuses en termes de frais de gestion. 70 Ratio combiné = (Coût des sinistres + Frais de gestion) / Volume de primes Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 53 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance L‟enquête71 menée en 2010 par la revue “Run-off & Restructuring” auprès de fournisseurs de service intervenant dans le domaine du Run-off indique que les services externalisés les plus demandés sont les audits et inspections (17%) suivis par les services en matière de commutations (15%) et de recouvrements de créances (15% également). Les regroupements de compagnies observés sur le marché72 pourraient générer des solutions naturelles en termes de gestion de sinistres : la segmentation des risques évoquée plus haut bénéficie alors plus facilement d‟une volumétrie satisfaisante et de fortes économies d‟échelle peuvent être réalisées en termes de frais de gestion. L‟éventail de compétences est également plus large. Le concept est d‟autant plus intéressant pour les engagements en Run-off que le lien commercial est gommé. Cela facilite la mise en place d‟une politique commune de gestion respectant la réputation des différentes entreprises tout en réglant les sinistres de façon proactive. Solutions externes : Deux catégories de solutions externes sont à envisager selon que l‟entreprise souhaite ou non rester porteur du risque sur ses provisions en Run-off. La délégation de gestion est un bon outil lorsque l‟entreprise ne dispose plus en interne des compétences nécessaires ou des systèmes d‟informations adéquats sur un groupe de risques homogènes qu‟elle a cessé de souscrire parfois depuis plusieurs années. L‟assureur conclu un contrat de gestion avec un tiers, en vertu duquel ce dernier règle les sinistres auprès des assurés ou tiers victimes. Au sens juridique, le terme délégation n‟est pas forcément approprié. Il peut s‟agir d‟un contrat de sous-traitance, d‟entreprise ou encore de mandat. La qualification du contrat dépendra de l‟étendue des obligations du tiers gestionnaire. Sa rédaction devra être précise et complète non seulement sur les aspects rémunération et durée mais aussi sur l‟exacte étendue des pouvoirs du tiers gestionnaire. Pour être efficace, la délégation doit faire l‟objet de reportings poussés, au-delà des éléments comptables, pour permettre une réelle analyse de l‟état d‟avancement de la gestion. Le but est alors de finaliser les dossiers avec célérité sans porter atteinte à la 71 Run-Off & Restructuring n°35 Winter 2010 “Mixed emotions” Regroupements dans le cadre de Sociétés de Groupe d‟Assurance Mutuelle notamment, telles que Covéa ou Sferen 72 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 54 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance réputation de l‟entreprise qui reste porteur du risque. Cette délégation permet à l‟entreprise de se concentrer sur son cœur de métier. Le transfert de portefeuille est une solution plus radicale car irréversible. Le code des assurances prévoit une procédure spécifique73. Les assurés et les créanciers sont informés de sa mise en œuvre par un avis publié au Journal officiel de la République française. Ils disposent d‟un délai de deux mois à compter de la parution de l‟avis pour formuler leurs éventuelles observations. À l‟expiration de ce délai, le Comité des entreprises d‟assurance (CEA) se prononce sur l‟opération. La publication de la décision au Journal officiel rend le transfert opposable aux tiers. Treize opérations de transferts ont été approuvées par le CEA en 2010 contre 17 en 2009. La tendance actuelle n‟est donc pas à la multiplication de ce type d‟opération. La plupart de ces transferts ont par ailleurs été réalisés au sein d‟un même groupe et près de la moitié visait un transfert total de portefeuille. Il s‟agit pourtant d‟un outil intéressant. Le frein essentiel se situe du côté des entreprises susceptibles d‟accepter les portefeuilles. Les investisseurs évoqués en première partie ne sont pas habilités à se positionner en la matière lorsqu‟ils ne bénéficient pas d‟un agrément pour pratiquer l‟assurance. Ils sont d‟ailleurs plutôt intéressés par des portefeuilles d‟acceptations en réassurance qui permettent d‟utiliser la technique de la commutation. De plus, la gestion des sinistres est facilitée lorsqu‟elle intervient dans une relation de proximité avec les assurés, ce qui limite fortement les cessions à des acteurs situés hors de France. Le transfert d‟un portefeuille en Run-off à une entreprise d‟assurance française ne soulève quant à lui pas de difficulté majeure. Il s‟avère être une stratégie gagnante pour les deux parties lorsque l‟entreprise qui reçoit le portefeuille dispose elle-même d‟un portefeuille important sur ce même groupe de risques homogènes. Outre les économies d‟échelles réalisées, le fait que l‟entreprise soit encore active dans la souscription de ces risques lui confère une meilleure maîtrise des engagements. L‟opération comporte le plus souvent un transfert des protections de réassurance associées au passif mais ce transfert n‟est pas systématique. Seul le principe de transmission universelle de patrimoine peut être considéré comme emportant transfert des protections de réassurance passées. Il faudra donc analyser au cas par cas le régime juridique de l‟opération pour définir s‟il convient ou non d‟obtenir l‟accord express des réassureurs. 73 Articles L324-1 et suivants du code des assurances Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 55 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Sur le plan fiscal, il convient de souligner qu‟en 2009 la Cour de Justice de l‟Union Européenne a considéré la cession à titre onéreux d‟un portefeuille de contrats de réassurance vie par le groupe Swiss Re comme étant soumis de plein droit à la TVA.74 Mais en 2010 l‟administration fiscale française s‟est prononcée comme suit 75 : « Les transferts de contrats d’assurance (…) se traduisent à la fois par des transferts d’actif et de passif, le cessionnaire des contrats reprenant, avec l’accord des assurés, les droits et les obligations y attachés. De tels transferts doivent donc être qualifiés de transfert d’une universalité partielle au sens des articles 19 et 29 de la directive déjà citée qui autorisent les Etats membres à considérer qu’à l’occasion de la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens ni prestation de services n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Dès lors, les prestations de services effectuées à l’occasion des transferts de contrats d’assurance ou de réassurance bénéficient de la dispense de TVA prévue à l’article 257 bis du CGI. » Une opération de transfert de portefeuilles entre entreprises françaises ne devrait donc pas être soumise à la TVA, à condition qu‟elle emporte le transfert des actifs et passifs corrélatifs. L‟audit des provisions contribuera à l‟établissement du prix de cession du portefeuille, tout comme l‟audit des créances sur les réassureurs et du risque de défaut de ces réassureurs. Section 2.2 – Se réassurer La réassurance peut également constituer un excellent outil de sortie de Run-off. En droit français, la réassurance est simplement définie comme l‟activité qui consiste à accepter des risques d‟assurances cédés par une entreprise d'assurance ou de réassurance (il s‟agit alors de rétrocession).76. A l‟aide de la réassurance, l‟assureur limite sa probabilité de ruine c‟est-à-dire le risque que ses pertes n‟excèdent ses fonds propres. La réassurance permet en pratique à l‟assureur d‟éviter des pertes trop importantes, notamment en cas de survenance d‟un événement de grande ampleur telle une tempête, ou encore un sinistre sériel en responsabilité civile. 74 Arrêt du 22 octobre 2009 - Cas C-242/08 Rescrit fiscal 2010/02 (TCA) 76 1er alinéa de l'article L310-1-1 du code des assurances 75 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 56 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance La France représente le cinquième marché des cessions en réassurance dans le monde.77 Comme dans le reste du monde, le taux de cession en réassurance non-vie y est beaucoup plus important que le taux de réassurance fortes cession en vie. De disparités sont par ailleurs observées suivant les branches concernées. Réassurance classique et marge de solvabilité L'exigence minimale de marge de solvabilité déterminée dans le cadre du système règlementaire actuel tient compte du transfert de risque opéré par la réassurance. Pour les entreprises d‟assurance de dommages (non-vie), le rapport existant pour les trois derniers exercices entre le montant des sinistres demeurant à la charge de l'entreprise après cession en réassurance et le montant des sinistres brut de réassurance, vient réduire le montant de marge de solvabilité exigée. Ce ratio de réassurance ne peut toutefois pas être inférieur à 50 %, ce qui limite la prise en considération de la réassurance dans le calcul de la marge de solvabilité. Il favorise par ailleurs essentiellement la réassurance dite proportionnelle. La réassurance est dite proportionnelle lorsque l‟assureur cède les primes d‟assurance qu‟il a perçues, et les sinistres qu‟il doit régler, dans une même proportion. La réassurance est dite non-proportionnelle lorsque la prime versée au réassureur est déterminée par rapport au risque pris par ce dernier sur le montant estimé de sinistralité qui lui sera cédée. Elle permet notamment de transférer aux réassureurs une partie de la charge d‟événements d‟ampleur exceptionnelle, comme les tempêtes par exemple. Sur les marchés d‟assurance non-vie matures comme celui de la France, la réassurance non proportionnelle est plus souvent utilisée que la réassurance proportionnelle, source d‟hémorragie des primes. 77 « Perspectives du marché de la réassurance en France » François Vilnet, Président de l'Apref, septembre 2010 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 57 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance La réassurance, en tant que technique d‟atténuation du risque, permet également d‟ajuster le calcul du SCR dans le futur régime prudentiel Solvabilité II. Les méthodes et hypothèses à utiliser seront définies dans le cadre de mesures d‟exécution devant être arrêtées par la Commission européenne, mais il est établi que la limite de prise en compte de 50% n‟a plus lieu d‟être. Dans les différentes études quantitatives d‟impact, le besoin en capital au titre du risque de primes et de réserve a été déterminé à l‟aide de coefficients appliqués aux primes et au Best Estimate nets de réassurance. Dans une volonté de simplification, la formule standard favorise donc toujours la réassurance proportionnelle. Le QIS5 a en partie pris en compte une forme spécifique de réassurance non-proportionnelle : les traités78 en excédent de sinistres dans lesquels le réassureur intervient au-delà d‟un seuil de sinistralité, sans lien avec la prime perçue par l‟assureur. Pour affiner la prise en considération de la réassurance, la mise en place d‟un modèle interne (total ou partiel) s‟avère encore toutefois nécessaire. A défaut de ressources informatiques suffisantes, de nombreuses entreprises partent de la sinistralité historique pour appliquer la réassurance en excédent de sinistre et prévoient le futur à partir des triangles de développement de sinistralité. Pour une vision plus fine, il faut partir de la sinistralité brute de réassurance, l‟extrapoler puis appliquer la réassurance. (Cf. Interview de M. Derien en annexe). Réassurance alternative à caractère rétrospectif Comme l‟assurance, la réassurance s‟intéresse le plus souvent à la sinistralité future. En France, les traités de réassurance non-vie sont aujourd‟hui généralement souscrits pour une durée ferme et couvrent les sinistres qui surviendront au cours de cette période. Il est également possible de couvrir les sinistres qui se rattachent aux risques souscrits au cours de ladite période, notamment dans les branches construction et transport. 78 Le terme « traités » renvoie à la notion de réassurance « obligatoire » (par opposition à la réassurance « facultative ») : la cédante est obligée de céder les primes des risques qui entrent dans le périmètre du contrat de réassurance défini lors de sa souscription et le réassureur est obligé d‟accepter les risques en question. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 58 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Mais la réassurance peut également, sous certaines conditions, s‟intéresser aux sinistres survenus dans le passé. Le groupe Berkshire Hathaway a réalisé de nombreuses opérations de réassurance rétroactive. Lorsque son PDG et fondateur, Warren Buffet, explique aux actionnaires l‟opération de réassurance rétroactive effectuée dans le cadre du dossier Equitas79, il en donne d‟abord une définition très simple : « a policy that protects an insurer against losses that have already happened, but whose cost is not yet known »80. Selon lui, les procédures comptables pour les transactions rétroactives ne sont ni bien connues, ni intuitives. Warren Buffet dresse alors l‟opération en quelques grandes lignes, mais sans insister. L‟opération de réassurance rétroactive de la société Equitas s‟est déroulée en plusieurs étapes : National Indemnity Company, filiale anglaise du groupe, a fourni une protection de réassurance d‟USD 5,7 milliards à Equitas. Elle a reçu tout l'actif d'Equitas à titre de prime, moins GBP 172 millions. Elle a également reçu une contribution de GBP 72 millions du Lloyd's. Le transfert des engagements des Names vers Equitas Insurance Limited a été judiciairement approuvé en 2009. Ce transfert a déclenché la mise en jeu d‟une couverture de réassurance supplémentaire d‟USD 1.3 milliards, en contrepartie d‟une prime et d‟une contribution additionnelles. Au début de l‟opération, ni profit ni perte ne sont enregistrés côté réassureur. Des pertes techniques surviennent ensuite annuellement, via les charges différées sur les engagements de réassurance amorties chaque année. Warren Buffet indique à ses actionnaires que le plus important à retenir (côté réassureur) est que les contrats d‟assurance rétroactive produisent toujours une perte au niveau du résultat technique. L‟opération s‟avérant profitable uniquement si les produits financiers générés par le cash reçu excèdent ces pertes techniques. Dans une interview de 2006, il précisait au sujet de l‟opération Equitas qu‟il espérait un profit mais n‟en avait pas la certitude, comme pour n‟importe quel autre contrat d‟assurance.81 79 Berkshire Hathaway Inc. Shareholder letter 2006 Traduction libre : « un contrat qui protège une cédante contre des sinistres qui sont déjà survenus mais dont le coût n’est pas encore connu » 81 Interview de Warren Buffett en 2006 par P. Thal Larsen & A. Felsted du Financial Times, au sujet de l‟accord entre Berkshire Hathaway & Equitas. 80 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 59 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance Les traités de réassurance à caractère rétrospectifs prennent des appellations variées qui ne renvoient pas toujours à la même réalité technique. Avec le Loss Portfolio Transfer (LPT) la cédante transfère au réassureur les sinistres à payer, dits « en suspens », résultant de ses engagements passés. Elle lui verse en contrepartie une prime déterminée en fonction de la valeur actuelle de ses provisions techniques pour sinistres à payer. Il s‟agit donc de prendre en considération l‟aspect règlement dans le temps des sinistres, pour évaluer les profits financiers générés par le placement des provisions. Sur ce type de traités, le risque est essentiellement constitué par la possible inadéquation de la vitesse de règlement des sinistres, à la vitesse anticipée lors de l‟escompte des provisions. Les LPT fonctionnent aujourd‟hui le plus souvent en combinaison avec un autre type de réassurance rétroactive : l‟Adverse Development Cover, ADC. Le risque couvert est ici un risque technique constitué par la possible inadéquation du montant de règlement ultime des sinistres, au règlement anticipé lors de l‟établissement des réserves. Ces formes de réassurances ne sont pas nouvelles, elles ont été largement expérimentées sur les marchés anglo-saxons pour faciliter des opérations de fusion / acquisition. Elles sont mises en avant avec l‟arrivée de Solvabilité II. Les réassureurs les présentent comme une réponse au traitement de la volatilité des provisions82. Elles sont particulièrement indiquées pour les branches en Run-off qui n‟intéressent plus le développement de l‟assureur. La réassurance rétrospective relève toutefois de la catégorie particulière de la réassurance « finite » définie ci-dessous, qui fait l‟objet d‟une attention particulière de la part des autorités de contrôle. La diversité de son traitement comptable peut effectivement conduire à un manque de transparence du bilan et des résultats de l‟entreprise. Le code des assurances français la présente comme suit83. (La Directive Solvabilité II comporte une définition similaire84.) « La réassurance financière limitée (dite " réassurance finite ") désigne la réassurance en vertu de laquelle la perte maximale potentielle du réassureur, découlant d'un transfert significatif à la fois des risques liés à la souscription et des risques liés à l'échéance des paiements, excède, à concurrence d'un montant important mais limité, les primes dues par la cédante sur toute la durée du contrat. Cette réassurance présente en outre l'une au moins des deux caractéristiques suivantes : 1° Elle prend en compte explicitement la valeur temporelle de l'argent ; 82 « Retrospective reinsurance Minimise reserve risk and obtain risk capital relief » Munich Re 2007 Article L310-1-1 du code des assurances 84 Article 210 de la Directive 2009/138/CE 83 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 60 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance 2° Elle prévoit un partage contractuel qui vise à lisser dans le temps les répercussions économiques du risque réassuré en vue d'atteindre un niveau déterminé de transfert de risque. » L‟autorité de contrôle française a émis une recommandation au sujet de la réassurance finite en 200885. Elle précise que les états d‟analyse des comptes relatifs à la réassurance86 sont insuffisants pour apprécier les clauses atypiques telles que le caractère rétrospectif du traité. Parmi les critères servant d‟indice pour la qualification de réassurance finite figurent à la fois le caractère rétrospectif du traité et le fait qu‟il couvre plusieurs exercices de souscription. L‟appréciation de ces traités par l‟autorité de contrôle passe par une analyse approfondie des motivations de la cédante. Pour la prise en compte de la réassurance finite dans le ratio de réassurance applicable en matière de calcul de marge de solvabilité, l'Autorité de contrôle se fonde sur le transfert de risque effectif.87 L‟idée de regrouper des sinistres à forte inflation ou difficiles à estimer à l‟ultime, au sein d‟une structure de réassurance dédiée, a déjà été évoquée sur le marché mais n‟a pas rencontré le succès escompté (Cf. Interview de M. Nessi). Cela peut s‟expliquer par le souhait des compagnies de ne pas mutualiser ces risques avec leurs concurrents. L‟idée peut toutefois être reprise au sein des regroupements de compagnies observés sur le marché ces dernières années. La deuxième partie de notre étude tend à démontrer l‟intérêt pour les assureurs de s‟engager dans une démarche d‟identification de leurs engagements en Run-off. L‟évaluation du capital mobilisé au titre de ces engagements dans le contexte Solvabilité II peut ensuite orienter la compagnie vers différentes options stratégiques. Ces options sont multiples. De la mise en place d‟une organisation interne dédiée, à la délégation de gestion ou au transfert de portefeuille, elles permettent toutes de mieux maîtriser le risque opérationnel potentiel que génère une gestion non différenciée de certains de ces Recommandation sur les éléments à communiquer à l‟Autorité sur les traités de réassurance et opérations à transfert de risque limité dits « finite », disponible sur le site http://www.acam-france.fr/reassurance_finite/ 86 Etat C8 Description du plan de réassurance / Etat C9 Dispersion des réassureurs et simulations d'événements 87 Article R323-1-1 du code des assurances 85 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 61 sur 129 Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance engagements. La réassurance constitue une autre alternative : ce mode de transfert de risque pourtant très classique se prête à la mise en place de structures innovantes. Pour être appréciée au plus juste, l‟économie générée par l‟assureur sur ses fonds propres grâce à la réassurance doit être mise en parallèle avec le risque de contrepartie généré par ces protections de réassurance. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 62 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 63 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance La première partie de cette étude évoquait la gestion du Run-off chez les réassureurs. Cette troisième partie traite des liens contractuels entre assureurs (qualifiés de cédantes) et réassureurs, et précise la notion de risque de contrepartie pour la décliner dans un univers anglo-saxon pour le moins inventif. Chapitre 1 – Réassureurs, porteurs de risque au long terme Section 1.2 – La réassurance comme risque de contrepartie « Dans tous les cas où l'assureur se réassure contre les risques qu'il a assurés (…), il reste seul responsable vis-à-vis de l'assuré »88. Les provisions techniques sont enregistrées au passif du bilan pour leur montant brut de réassurance. Les créances sur les réassureurs sont quant à elles prises en compte à l‟actif. Ce principe reste le même sous le nouvel environnement règlementaire Solvabilité II. Le montant de créances est toutefois admis différemment. Solvabilité I : Les dépôts Depuis fin 2008, les provisions relatives aux affaires cédées à un réassureur ayant son siège social au sein de l'Espace Economique Européen (EEE) peuvent être représentées sans condition par une créance sur cette entreprise89. Avant cette date, la créance était admise par l‟Autorité de contrôle uniquement si elle faisait l‟objet d‟une garantie. C‟est encore le cas aujourd‟hui pour les réassureurs dont le siège social se situe en dehors de l‟EEE. La garantie en question doit alors respecter 88 89 Article L111-3 du code des assurances Article R332-3-3 du code des assurances Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 64 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance certaines formes90. Le nantissement de compte-titres91, plus souvent désigné sous l‟appellation « dépôt titres », est la garantie de référence. Le réassureur ouvre alors un compte bancaire en France sur lequel il place des titres financiers pour un montant qui correspond à sa part dans les sinistres en suspens qui affectent le traité de réassurance. Le compte est nanti au bénéfice de la cédante qui pourra éventuellement réaliser le nantissement après mise en demeure infructueuse du réassureur de régler les sinistres dus. Le « dépôt espèces » qui se traduit par un transfert de somme d‟argent, est également accepté par l‟Autorité de contrôle. Sa forme juridique n‟est pas clairement définie mais s‟analyse généralement comme un transfert de propriété au bénéfice de la cédante. Cette dernière verse des intérêts au réassureur en contrepartie du dépôt. La lettre de crédit peut également servir de garantie mais dans des conditions assez strictement définies. 92 Les cédantes françaises restent attachées au principe des dépôts, y compris pour les réassureurs de l‟EEE. La liberté contractuelle est alors de mise. L‟intérêt de ces dépôts n‟est plus de faire valoir une créance mais de se protéger du risque de contrepartie que représentent les réassureurs. Ces derniers sont de moins en moins réceptifs à cet argument, notamment lorsque leur marge de solvabilité est importante. Les dépôts ont par ailleurs été considérés comme un frein au développement du marché de la réassurance en Europe en ce qu‟ils génèrent le gel d‟importantes sommes d‟argent. Sur les branches à déroulement long, obtenir des garanties du réassureur paraît pourtant prudent, voire nécessaire. Solvabilité II : Risque de contrepartie Le nouveau régime prudentiel tient compte du risque de contrepartie généré par les réassureurs, à la fois à l‟actif dans le calcul de la créance sur les réassureurs et au passif, dans le calcul du SCR. Les créances sur les réassureurs sont ajustées à la baisse pour prendre en considération les pertes probables en cas de défaut « attendu » des réassureurs93. La moyenne des pertes 90 Article R 332-17 du code des assurances Etabli selon les dispositions de l‟article L 211-20 du code monétaire et financier 92 Article A332-1 du code des assurances 93 Article 81 de la Directive 2009/138/CE 91 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 65 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance probables sur l‟ensemble des créances sur les réassureurs est prise en compte. Les mesures d‟application de la Directive définiront les méthodes à retenir. L‟EIOPA propose dans le QIS5 une formule d‟ajustement qui nécessite d‟estimer la probabilité de défaut des réassureurs avec une vision à l‟ultime, c'est-à-dire jusqu‟à la fin de leurs engagements. Les paramètres fournis définissent un taux de recouvrement et une probabilité de défaut en fonction de la notation du réassureur. Cet ajustement du montant de créances sur les réassureurs est complété par la prise en compte du risque de contrepartie dans le calcul du SCR94. Le module risque de contrepartie doit refléter les pertes que pourrait entraîner le défaut ou la détérioration de la qualité de crédit « inattendue » des réassureurs sur les douze mois à venir. Il ne s‟agit plus ici d‟une vision à l‟ultime des engagements, mais de la mesure des fonds propres permettant d'éviter une faillite sur l‟année à venir avec une probabilité de 1/200. Les dépôts, décriés sous le régime prudentiel actuel, sont reconnus comme permettant une réduction du risque de contrepartie95. L‟EIOPA a également proposé d‟intégrer la notation du réassureur dans la base de calcul du risque de contrepartie. Plus la notation du réassureur est faible, plus sa probabilité de défaut retenue dans le cadre des projets de calculs prudentiels européens est importante. Les agences de notation ont pourtant récemment fait l‟objet de vives critiques et la Commission européenne a lancé fin 2010 une « consultation sur les mesures futures à adopter à l‟égard des agences de notation de crédit ». «De l’avis général, les agences de notation de crédit ont échoué, d’une part, à refléter suffisamment tôt la dégradation des conditions du marché dans leurs notations de crédit et, d’autre 94 95 Article 105 point 6 de la Directive 2009/138/CE SCR.6.38.EIOPA - Quantitative impact study 5 - Technical specifications Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 66 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance part, à adapter à temps leurs notations de crédit alors que la crise sur le marché s’était aggravée96 » La question du maintien de la relation contractuelle cédante – réassureur sur les branches à déroulement long doit se poser en cas de baisse de notation. Certains contrats prévoient une « downgrading clause », qui permet à la cédante de résilier son contrat de réassurance en cas de baisse de la notation du réassureur d‟un ou plusieurs rangs. Ces clauses sont décriées par les réassureurs et nombre de financiers pour leur effet pro-cyclique : Effectivement, la résiliation des contrats ne peut qu‟aggraver le changement de situation défavorable reflétée par la baisse de notation. Par ailleurs, pour la cédante, l‟intérêt de ces clauses est à relativiser : La résiliation n‟est ouverte que pendant la durée du contrat (douze mois le plus souvent). La downgrading clause est donc un outil à réserver aux branches à déroulement court. Pour conserver le même niveau de couverture, la résiliation conduit la cédante à souscrire auprès d‟un nouveau réassureur. Il peut cependant s‟avérer difficile de trouver un réassureur disposant en cours d‟année des capacités de souscription nécessaires. La prime récupérée au prorata temporis auprès du réassureur « dégradé » ne suffira par ailleurs pas nécessairement à régler le montant de la nouvelle prime. En particulier sur les couvertures de type événements naturels où la période de risque varie en fonction des saisons. La liberté contractuelle laisse ici place à toutes les options : il serait par exemple envisageable de prévoir ab initio la constitution d‟une garantie déterminée en fonction des provisions pour sinistres à payer et des IBNR dès lors que le réassureur descend à un certain seuil de notation. La seule contrainte sera alors de solliciter la mise en jeu de la garantie contractuelle avant toute déclaration d‟insolvabilité. La notation est un outil d‟analyse parmi d‟autres. Elle permet de prendre en considération un risque mais ne suffit pas à s‟en prémunir. Une autre solution à envisager est celle de la rupture anticipée négociée dès la conclusion du contrat. Cela se traduit par exemple par des clauses de rachat en matière de traitement des rentes sur les traités couvrant la branche Responsabilité Civile. Des clauses dites de « clean-cut » 96 Règlement (CE) n°1060/2009 sur les agences de notation de crédit Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 67 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance peuvent également être prévues : elles conduisent à une commutation globale du contrat après un nombre d‟années pré-définies. Section 1.2 – La gestion proactive des créances de réassurance La commutation peut être définie comme “a process where the future value of an unpaid claim(s) and associated expenses is “current valued”, taking into account financial and non-financial aspects, to accelerate 97 payment and close the case(s).” . La première partie de cette étude précisait l‟intérêt que trouvent les réassureurs à utiliser cette technique pour se libérer de certains engagements. Il faut souligner que l‟opération ne peut aboutir sans l‟accord express des cédantes. Les éléments qui suivent sont des éléments de persuasion pour ces dernières, plus ou moins pertinents en fonction de leurs besoins au moment de la proposition de commutation : Obtention immédiate de liquidités, particulièrement intéressante en période de crise financière. Réduction des coûts de gestion en matière d‟établissement de comptes de réassurance et de suivi de la contrepartie. Fin d‟une relation contractuelle éventuellement conflictuelle avec le réassureur. Réduction du risque de contrepartie posé par le réassureur dont la solidité financière a pu être amoindrie depuis la conclusion du contrat. Ce dernier point est à prendre avec précaution dans le cadre de la Directive Solvabilité II car si le risque de contrepartie est réduit, le risque de souscription peut quant à lui augmenter en proportion plus importante. La cédante perd effectivement l‟effet transfert de risque et voit son risque de provisionnement augmenter. Le montant versé par le réassureur à la cédante dans le cadre d‟une commutation est un montant totalement négociable. La base de calcul est constituée par la part des provisions Lee R. Steeneck « Commutations of claims » 1998 Traduction libre : « l‟opération par laquelle la valeur future de sinistre(s) à payer et des frais associés est actualisée en prenant en considération des facteurs financiers et non financiers afin d‟accélérer le règlement et clore le(s) dossier(s) » 97 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 68 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance pour sinistres à payer (les « suspens ») de la cédante qui est à la charge du réassureur. Les soldes restant dus sont bien entendu également retenus. Le réassureur peut demander une réduction de ce montant s‟il prouve que la cédante est trop prudente dans son provisionnement. La cédante peut quant à elle démontrer qu‟il convient au contraire de réévaluer ce montant à la hausse en produisant un montant d‟IBNER (incurred but not enough reported). Ce peut être le cas par exemple si un changement défavorable de jurisprudence intervient dans la branche considérée et n‟a pas encore pu être répercuté sur le provisionnement. Un montant d‟IBNYR (incurred but not yet reported) peut également être produit par la cédante pour les sinistres dits « tardifs » qui sont survenus, mais dont la cédante n‟a pas encore connaissance. Tant la provision pour sinistre à payer, que les IBNER et les IBNYR comportent une part d‟incertitude. Il est fortement recommandé à la cédante de procéder à une analyse actuarielle ciblée pour négocier au mieux l‟opération de commutation. Le montant ainsi déterminé sera en général actualisé pour tenir compte du fait que la cédante perçoit une somme d‟argent avant d‟avoir à régler le sinistre original, somme d‟argent dont elle peut attendre des produits financiers. Pour les commutations importantes, le réassureur souhaitera procéder à un audit du portefeuille sinistre, avant d‟entamer les négociations sur le prix. Une alternative moins courante est également envisageable, qui évite à la cédante de renoncer au transfert de risque opéré. Elle consiste à remplacer la protection d‟un réassureur aujourd‟hui prêt à se libérer de ses engagements, par celle proposée par un autre réassureur disposant d‟une meilleure solidité financière. Cette solution aura l‟avantage de réduire le risque de contrepartie de la cédante, sans augmenter son risque de provisionnement. Une convention de novation est généralement utilisée pour formaliser le nouvel accord tripartite intervenu entre l‟ancien réassureur, la cédante et le nouveau réassureur. Ce contrat s‟analyse comme une novation par changement de débiteur ou délégation parfaite en droit français98 : le débiteur (réassureur initial) donne au créancier (la cédante) un autre débiteur (le nouveau réassureur) qui s'oblige envers le créancier. La délégation est dite parfaite car la cédante déclare expressément qu'elle entend décharger le 98 Articles 1271 et suivants du code civil Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 69 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance réassureur initial. Il convient de veiller à traiter le cas des éventuels dépôts de garantie, en subordonnant la mainlevée des garanties sur l‟ancien réassureur à la constitution de nouvelles garanties par le nouveau réassureur. Un même contrat de réassurance est généralement souscrit par plusieurs réassureurs à hauteur de participation différente. Un réassureur qui participe à un traité peut trouver intérêt à reprendre les engagements d‟un autre réassureur, il percevra en contrepartie une somme d‟argent. Celle-ci aura l‟avantage d‟être mieux corrélée au risque que la prime de réassurance initialement perçue. Qu‟il s‟agisse de commutation ou, dans une moindre mesure, de novation, la cédante peut tout à fait être initiatrice de l‟opération. Dans les deux cas, il faudra veiller à spécifier clairement le périmètre des contrats concernés en les listant de façon exhaustive et détaillée. L‟appréciation du risque de contrepartie dans Solvabilité II, devrait conduire les cédantes à s‟orienter vers une gestion proactive de leurs créances sur les réassureurs. La notation des réassureurs historiques devra en particulier être prise en considération. Elle pèsera en effet à la fois sur le montant de la créance admise à l‟actif du bilan et sur le module risque de contrepartie dans le SCR. La cédante se doit bien sûr également de suivre attentivement toute procédure collective d‟insolvabilité, afin de faire valoir sa créance sur les réassureurs éventuellement en difficulté. Ce suivi est parfois délicat car ces procédures peuvent être mises en œuvre dans de le cadre de régimes juridiques très différents du droit français. La liquidation judiciaire du réassureur suédois Återförsäkring AB Luap (anciennement Folksam) a ainsi mobilisé de nombreuses ressources humaines au sein des sociétés d‟assurance et de courtage en réassurance. Il est également envisageable d‟instaurer ab initio une rupture de lien contractuel au bout d‟un certain nombre d‟années. Les clauses dites de « cut-off » prévoient ainsi que le contrat fera l‟objet d‟une commutation à une date prédéfinie dont le prix sera fixé en fonction d‟éléments prédéterminés, comme un certain pourcentage des sinistres en suspens. Les clauses rentes fonctionnant avec une méthode dite « de rachat » précisent de la même façon que le réassureur sera libéré à l‟ouverture de la rente en réglant sa part du capital constitutif. Cette méthode a été largement plébiscitée par les réassureurs ces dernières Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 70 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance années. Ils ont offert des conditions tarifaires plus avantageuses sur les contrats qui retenaient la méthode du rachat de rente. Chapitre 2 – Quand les réassureurs se désengagent Section 2.1 – L’intérêt de la maîtrise des Schemes of arrangement Le marché de la réassurance est par nature international. En intervenant dans le monde entier, les réassureurs peuvent mutualiser efficacement leurs risques. Les cédantes françaises font donc appel à des réassureurs d‟horizons différents, soumis à des lois étrangères. Se réassurer sur des branches à déroulement long implique d‟entrer en relation contractuelle avec des réassureurs sur la même durée que celle de liquidation des sinistres d‟assurance directe. Or, les contrats de réassurance portant sur des engagements très importants, le risque est le plus souvent réparti entre plusieurs réassureurs. Cela multiplie les co-contractants à suivre sur la durée. Sur les engagements les plus anciens qui font encore aujourd‟hui l‟objet de comptes de réassurance, les participations des réassureurs pouvaient être inférieures à 1%. Les pools de souscription étaient fréquents, notamment au Royaume-Uni, rendant parfois difficile l‟identification des réassureurs porteurs du risque. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 71 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance Le marché de la réassurance s‟est très fortement concentré ces trente dernières années. « Les cinq premiers réassureurs mondiaux mobilisent aujourd’hui 47% du marché actuel contre 17% il y a 99 trente ans » . Cette concentration s‟est faite via des disparitions de sociétés après mises en liquidations judiciaires, des cessions de compagnies et surtout des transferts de portefeuilles. Les cédantes doivent intégrer ces modifications dans leurs bases de données pour garder la trace de leurs réassureurs débiteurs. Les réassureurs ont par ailleurs largement utilisé les techniques de gestion de Run-off qui consistent pour l‟essentiel à commuter leurs engagements. La procédure dite de Scheme of arrangement, applicable au Royaume-Uni, mérite une attention particulière. Elle peut contraindre les cédantes à accepter le principe de commutation alors même que l‟entreprise concernée est parfaitement solvable. Soixante-deux « Schemes of arrangement » (SOA) solvables ont été validés ces dix dernières années. Plusieurs de ces SOA concernaient des pools de regroupaient engagements souscription et donc les de plusieurs compagnies : au total ce sont les engagements de plus d‟une centaine de porteurs de risques solvables qui ont été traités sur cette période. Etablie à l‟origine pour liquider les engagements d‟entreprises insolvables, elle est aujourd‟hui plus fréquemment utilisée par des sociétés d‟assurance ou de réassurance solvables. Un Scheme of arrangement est une procédure de droit anglais100 qui lie la compagnie qui le met en place et l‟ensemble de ses créanciers. Elle peut être utilisée indifféremment par des assureurs ou des réassureurs mais n‟est pas spécifique à ce secteur d‟activité. L‟accord de l‟autorité de contrôle britannique (la FSA) n‟est d‟ailleurs pas formellement requis. La 99 « Concentration au sommet pour la réassurance mondiale », L’Argus de l’assurance, 15 septembre 2010 UK Companies Act 2006 Part 26 100 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 72 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance FSA souhaite cependant être consultée lors de la mise en place du Scheme101. Elle précise veiller au respect des droits des créanciers, surtout lorsqu‟il s‟agit d‟assurés personnes physiques. Les créanciers ayant le statut de compagnies d‟assurance ou de réassurance sont quant à eux présumés maîtriser la procédure. Par ailleurs, la FSA ne s‟opposera pas à la mise en place d‟un Scheme of arrangement au seul prétexte de la solvabilité de l‟entreprise, dès lors que cette dernière prouve que les créanciers ne seront pas moins bien traités que si la gestion du Run-off s‟était poursuivie normalement. La FSA considère enfin que, sauf circonstances exceptionnelles, les affaires doivent être en Run-off depuis au moins cinq ans pour que la mise en place d‟un Scheme soit justifiée. La procédure de Scheme of arrangement se déroule en plusieurs étapes : 1. Requête judiciaire pour l‟organisation d‟une réunion de créanciers. Les créanciers peuvent être répartis entre plusieurs catégories pour les besoins du vote et être ainsi amenés à voter séparément. Les catégories doivent être composées de créanciers dont les droits ne diffèrent pas au point de ne pas pouvoir se rejoindre autour d‟un intérêt commun.102 2. Réunion de créanciers. Pour être favorable, le vote doit obtenir la majorité des voix en nombre, ces voix devant représenter au moins 75% en valeur de chaque classe de créanciers présents et votant. Le quorum de 75% est calculé sur la valeur des créances des participants au vote et non sur la valeur des créances de l‟ensemble des créanciers. D‟où l‟intérêt pour les cédantes de participer au vote. Le vote par procuration est admis. 3. Requête judiciaire pour validation du Scheme Si le Scheme est validé, il s‟impose aux créanciers, qu‟ils aient ou non participé au vote. Une date limite de déclaration des créances est souvent fixée, elle intervient en général trois à six mois après la fin du Scheme. Les créanciers sont invités à déclarer non seulement le montant des soldes qui leur sont dus mais aussi le montant des provisions pour sinistres à payer et des IBNR. L‟établissement du montant de la créance à déclarer est une étape clef pour la cédante. Cette commutation forcée intervient parfois des dizaines 101 102 FSA process guide to decision making on Schemes of Arrangement for insurance firms Sovereign Life Assurance Co. v. Dodd [1892] 2 Queen‟s Bench 573 CA Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 73 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance d‟années avant le règlement ultime du sinistre auquel la cédante devra faire face seule. La cédante qui ne déclare pas sa créance en temps voulu perd l‟intégralité de cette créance. Elle a tout intérêt à produire un montant de créance le plus documenté possible et à tenir compte de tout contexte défavorable à l‟évolution des sinistres dans le montant d‟IBNR déclaré. Les difficultés posées par les Schemes aux cédantes françaises sont multiples : Les documents, intégralement établis en anglais, sont adressés à la compagnie (ou à son courtier) sans précision du département concerné et ne parviennent pas toujours aux services cessions de réassurance. L‟adresse elle-même peut être obsolète. Les réunions de créanciers ont lieu en Grande-Bretagne. Les affaires concernées ne sont pas identifiées pour la cédante. Le corps du Scheme détaille uniquement son champ d‟application global, parfois sur plusieurs pages : périodes de souscriptions spécifiques, via des agences de souscription spécifiques, pour des branches d‟affaires spécifiques… La mise en place des Schemes est réputée coûteuse, ce qui en limite en partie l‟usage. Leur utilisation a par ailleurs été moins fréquente ces trois dernières années en raison d‟une incertitude juridique qui a commencé à peser autour de leur validité après leur remise en cause par des créanciers. Cette incertitude a commencé en 2005 avec le premier jugement refusant de valider un Scheme of arrangement solvable. Ce Scheme concernait la British Aviation Insurance Company Limited. Il lui a été reproché de ne pas avoir distingué les créanciers avec IBNR des autres créanciers pour l‟établissement du vote. Leurs intérêts ne sont pas les mêmes. Les créanciers avec IBNR ne pourront pas percevoir dans le cadre du Scheme un montant correspondant exactement au montant qu‟ils auraient obtenu si le Scheme n‟avait pas eu lieu. En effet, le montant de leur créance fait encore seulement l‟objet d‟une estimation au moment de la mise en place du Scheme. Par la suite, des Schemes portant uniquement sur des engagements de réassurance ont cependant été validés103 : les cédantes sont censées être compétentes en matière d‟IBNR. 103 Par exemple le Solvent Scheme of Arrangement de Great Lakes Reinsurance (UK) Plc, du groupe Munich Re Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 74 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance Le Scheme mis en place par The Scottish Lion Insurance Company Limited, (société solvable mais en Run-off depuis 1994), a quant à lui fait l‟objet d‟une action judiciaire initiée par des créanciers américains. En première instance, le juge a soulevé la question de l‟opportunité de mettre en place un Scheme lorsque la compagnie concernée est solvable et ne fait pas l‟objet de difficultés particulières. En appel104, la Cour a considéré que l‟existence d‟un problème peut effectivement favoriser la validation du Scheme, mais ne constitue pas une condition sine qua non. Cette décision favorable à la mise en place des Schemes of arrangement pourrait relancer la dynamique de ce secteur. Il faut noter que Scottish Lion a été achetée en avril 2010 par National Indemnity, filiale du groupe Berkshire Hathaway. Alors que ce groupe est plutôt réputé pour mener à terme les Run-off des compagnies achetées, il n‟a pas exclu la possibilité de poursuivre le Scheme de Scottish Lion. Un portefeuille ne peut être liquidé au Royaume Uni dans le cadre d‟un Scheme que s‟il a des liens avec cet Etat. Il n‟est pas nécessaire que le siège social de la compagnie soit enregistré au Royaume-Uni. Par exemple, le fait que la compagnie ait souscrit via une agence qui y était implantée s‟avère suffisant. Un portefeuille souscrit hors du Royaume Uni mais qui y serait transféré par la suite peut lui aussi faire l‟objet d‟un Scheme of arrangement. Section 2.2 – Spécificités des transferts de portefeuille en réassurance Une opération de transfert de portefeuille consiste pour un (ré)assureur porteur de risques, à transmettre des contrats de (ré)assurance, avec les droits et obligations qui y sont attachés, à un autre porteur de risque. Une Directive visant à instaurer un cadre prudentiel pour les activités de réassurance exercées dans la Communauté européenne a été publiée en 2005105. Cette Directive 104 105 Inner House of the Scottish Court, janvier 2010 Directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 75 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance instaure, entre autres, le principe d‟agrément administratif unique pour les réassureurs européens. L'agrément, octroyé par l‟Etat membre d‟origine du réassureur est valable dans l'ensemble de l'Union Européenne. La Directive précise que les dispositions régissant les transferts de portefeuille devraient être conformes à ce principe d‟agrément unique et devraient s'appliquer à différents types de transferts de portefeuille entre des entreprises de réassurance. Sont cités : les transferts de portefeuilles résultant de fusions entre des entreprises de réassurance ou d'autres opérations relevant du droit des sociétés et les transferts de portefeuilles de sinistres à payer lors d'une liquidation de sinistres vers une autre entreprise de réassurance. La Directive dispose106 : «…chaque État membre autorise les entreprises de réassurance ayant leur siège social sur son territoire à transférer tout ou partie de leur portefeuille de contrats, y compris ceux souscrits en régime d'établissement ou en libre prestation de services, à un cessionnaire établi dans la Communauté, si les autorités compétentes de l'État membre d'origine du cessionnaire attestent que celui-ci possède, compte tenu du transfert, la marge de solvabilité nécessaire…» Les transferts de portefeuille étaient possibles dans certains pays européens, dont le Royaume Uni et la France, avant même l‟instauration de cette Directive. Ce texte ajoute cependant un certain formalisme et rend légitime l‟opération en instaurant une condition : l‟entreprise qui reçoit le portefeuille doit continuer de remplir les conditions de solvabilité au sens de la Directive une fois le transfert effectué. En revanche, la Directive ne règle pas les questions d‟opposabilité du transfert pour lesquelles il convient de se référer aux droits nationaux. La Directive réassurance n‟a été transposée que courant 2008 en France107. Depuis, le code des assurances108 prévoit expressément que les entreprises de réassurance ayant leur siège social en France et leurs succursales peuvent être autorisées à transférer leur portefeuille à une entreprise de réassurance ou d'assurance ayant son siège social dans l'Espace Economique Européen et à leurs succursales établies sur ce même territoire. Cette nouvelle procédure est placée sous le contrôle du Comité des Entreprises d‟Assurance, organisme de l‟ACP. Lors de sa présentation109, il a été précisé qu‟elle n‟empêche pas les transferts de portefeuille effectués sur une base contractuelle. La procédure de transfert inscrite au code 106 Article 18 de la Directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005 Ordonnance n°2008-556 du 13 juin 2008 & décret n°2008-1154 du 7 novembre 2008 108 Article L324-1-2 du code des assurances & Article R324-1 du code des assurances 109 Rapport au Président de la République relatif à l‟ordonnance n° 2008-556 107 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 76 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance des assurances s‟avère donc tout à la fois inopposable aux cédantes et facultative pour le réassureur… Un commissaire contrôleur indique à ce sujet « Cela nous permet d'être informés et d'anticiper les problèmes. Mais cet accord ne suffit pas, puisqu'il ne rend pas le transfert opposable aux cédantes, et c'est là que se situe l'ambiguïté. Le réassureur doit donc ensuite négocier traité par traité le transfert auprès des cédantes» 110 (Cf. Interview de Mme Atig et de M. Colomines en annexe). Lorsque la procédure est soumise à l‟approbation de l‟ACP, cette dernière vérifie simplement auprès des autorités de contrôle de l'Etat où l‟entreprise qui reprend le portefeuille a son siège social, que cette entreprise conservera un niveau de marge de solvabilité adéquat après réception du portefeuille. L‟ACP ne s‟intéresse pas aux motivations du transfert. Le réassureur doit informer les cédantes de sa demande d‟autorisation par un avis publié au Journal officiel. Les cédantes ont alors deux mois pour présenter leurs observations. Aucun avis n‟a encore été publié à ce jour dans la mesure où ces dispositions du code des assurances concernent uniquement les entreprises de réassurance ayant leur siège social en France et elles sont fort peu nombreuses. Au Royaume Uni les règles relatives aux transferts de portefeuilles sont radicalement différentes de celles retenues en France. La procédure est la même pour les contrats d‟assurance que pour les contrats de réassurance111. Elle concerne tout réassureur britannique souhaitant transférer ses contrats, y compris ceux conclus avec une cédante étrangère. Il s‟agit d‟une procédure judiciaire, ce qui peut faciliter la reconnaissance du transfert dans les autres pays. La FSA, autorité de contrôle britannique, est impliquée dès la demande de transfert et suit l‟intégralité de la procédure mais c‟est la Cour qui se prononce. La décision se prend à la lumière d‟un rapport établi par un expert indépendant, agréé par la FSA. Le consentement des (ré)assurés n‟est pas requis. Ils sont avisés à la fois directement et par voie d‟annonce légale. Ils ont la possibilité de soulever des objections devant la Cour. A titre d‟exemple, des arguments relatifs à la baisse du niveau de solvabilité n‟ont pas été retenus par la Cour112 dès lors que le niveau minimum de solvabilité requis restait atteint. Par ailleurs, la Cour peut valider ou rejeter le transfert mais elle ne peut pas moduler la forme retenue par l‟entreprise qui le propose. VAUCHER Marc « L'an 1 de l'application de la directive », l‟Argus de l‟assurance, 04 septembre 2009 Propos de Marc Vaucher recueillis dans le cadre d‟une interview pour l‟Argus de l‟Assurance publiée le 04 septembre 2009 111 Part VII Financial Services and Markets Act 2000 112 Norwich Union Linked Life Assurance Ltd & Others [2004] EWHC 2802 (Ch), 1er décembre 2004 110 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 77 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance L‟Allemagne a mis en place des règles relatives aux transferts de portefeuilles de contrats de réassurance à l‟occasion de la transposition de la Directive en 2007113. Comme la procédure britannique, la procédure allemande ne nécessite pas de recueillir l‟accord préalable des cédantes. La BaFin, autorité de contrôle allemande, doit en revanche valider le transfert. La société allemande Deutsche Rückversicherung AG (DRAG) a profité de cette nouvelle procédure dès 2007 pour transférer deux portefeuilles de contrats de réassurance à sa filiale britannique Deutsche Rück UK Reinsurance (DRUK). Un solvent Scheme of arrangement a ensuite été mis en place, à la fois pour le portefeuille de contrats de réassurance souscrit par DRUK à Londres et pour les deux portefeuilles transférés par DRAG. Cet exemple démontre qu‟une cédante est susceptible d‟être confrontée à la mise en place d‟un Scheme of arrangement pour toutes ses cessions en réassurance et pas seulement celles effectuées auprès de réassureurs britanniques. Les contrats de réassurance souscrits en France contiennent souvent une clause permettant à la cédante de résilier de façon anticipée le contrat si le réassureur venait à transférer ses engagements. Cette clause s‟avère toutefois inutile lorsque le transfert survient après la date d‟expiration du contrat, car il continue de produire effet jusqu‟au règlement ultime des sinistres qui y sont affectés. D‟autres clauses exigent des réassureurs qu‟ils préviennent les cédantes avant d‟initier la procédure de transfert, leur communiquent la liste des affaires concernées, ou encore prévoient une indemnité pour les frais de gestion engendrés. S‟agissant de contrats entre professionnels, la liberté contractuelle reste de mise. D‟autant plus que le contrat de réassurance fait par essence partie de ces contrats que l‟on dit conclus intuitu personae, c‟est-à-dire en fonction de la personne co-contractante. La question de l‟opposabilité des transferts aux cédantes reste ouverte : à analyser au cas par cas en fonction du pays d‟origine du réassureur, de la forme du transfert et du contrat concerné. Lorsque le transfert n‟est pas opposable à la cédante mais que cette dernière en accepte le principe, il est formalisé par une convention tripartite indépendante du contrat d‟origine. Cette convention est régularisée par le réassureur d‟origine, le nouveau réassureur et la cédante. La gestion du transfert est alors plus lourde pour le réassureur qui doit établir autant de conventions qu‟il a de cédantes. Mais elle est plus transparente vis-àvis de la cédante qui peut alors veiller à préserver ses intérêts, au regard notamment du 113 Section 121f para 1 Versicherungsaufsichtsgesetz “VAG” Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 78 sur 129 Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance transfert des garanties associées aux contrats de réassurance (telles que les nantissements de compte-titres). En droit français, ce type de convention peut s‟analyser comme une délégation parfaite par changement de débiteur. Indépendamment de l‟utilisation des techniques dites de Schemes of arrangement ou de transfert de portefeuille, poursuivre une relation contractuelle avec un réassureur dont tous les engagements sont en Run-off peut s‟avérer contraignant pour une cédante. Ces sociétés peuvent en effet parfois être tentées de retarder le règlement des soldes dus en réclamant toujours plus de justificatifs ou en contestant l‟interprétation des contrats. Nous sommes là dans tout le paradoxe du monde du Run-off : du règlement accéléré aux manœuvres parfois à la limite du dilatoire chez certains acteurs heureusement peu nombreux. Face à cette incertitude, la cédante a tout intérêt à mettre en place une gestion proactive de ses créances sur les réassureurs. Elle peut aussi s‟inspirer des bonnes pratiques des réassureurs actifs mais s‟intéressant à leurs engagements en Run-off, pour les adapter à ses propres engagements. Cette dernière partie démontre que les créances sur les réassureurs nécessitent un suivi régulier et technique. La solidité générale du secteur ne doit pas masquer le risque de contrepartie généré par les réassureurs. Les spécificités internationales des procédures mises en place font d‟ailleurs courir aux cédantes un risque de perte de créance sur des réassureurs solvables. Les solutions qui consistent à réduire la durée du lien contractuel avec les réassureurs sont donc à considérer avec attention, d‟autant que leur impact tarifaire sur les traités est souvent intéressant. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 79 sur 129 Interviews Conclusion La chasse aux passifs est bien ouverte. Elle intéresse cependant moins les entreprises spécialisées en Run-off, que les assureurs eux-mêmes. L‟identification et l‟analyse fine de l‟ensemble de leurs engagements deviennent incontournables sous le nouveau régime prudentiel. Ces démarches s‟inscrivent dans un cadre plus général d‟optimisation des fonctions sinistres et provisionnement au sein des entreprises. Cette thèse professionnelle s‟est uniquement intéressée aux engagements d‟assurance nonvie. Les développements consacrés aux cessions de réassurance sont néanmoins pleinement transposables à l‟assurance vie. Outre la gestion du risque de contrepartie présenté par les créances sur les réassureurs, les solutions alternatives proposées par ces derniers sont particulièrement intéressantes à examiner. Les transferts de risque opérés sur le stock de provisions en cours permettront à certains assureurs de passer le cap de Solvabilité II. La mise en exergue des résultats dégagés par chaque branche d‟activité pourrait par ailleurs inciter des entreprises à cesser la souscription de lignes de risques considérées non rentables, tant en assurance vie qu‟en assurance non-vie. Avant de s‟intéresser à ce potentiel renouveau d‟affaires, les acteurs spécialisés du Run-off doivent eux aussi s‟organiser pour répondre aux exigences de capital posées par Solvabilité II. La formule standard proposée par la Directive n‟est pas adaptée aux particularités de leurs portefeuilles inactifs. Le développement de modèles internes devrait aujourd‟hui constituer une de leurs priorités. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 80 sur 129 Interviews Interviews Ralph Bünger - Globale Re Maya Atig et Jean-Pierre Colomines - CEA Christian Ozanne - La Réunion Aérienne Philip Heitlinger - Pro Insurance Solutions Limited Pierre Guerin - Partner Re Jean-Marie Nessi - Nessi Consulting Jocelyne Mamane et Sylvia Benazera - ACRé SAS Anthony Derien - CBP Jacques Charmoy - AXA Liabilities Managers Maurice Truffert - Maurice Truffert Consulting Florimon Delalande – BNP Paribas Assurance Noël Bugnet - KPMG Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 81 sur 129 Interviews Ralph Bünger Directeur Général France Globale Rückversicherungs-AG Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 08 février 2010 Pourquoi le réassureur Gerling a-t-il été mis en run-off ? Gerling Globale a cessé de souscrire fin 2002. A cette époque, Gerling Globale a en effet souffert beaucoup de pertes, comme d‟ailleurs tout le marché de la réassurance. Ces pertes étaient surtout dues au World Trade Center qui a coûté à Gerling Globale au niveau mondial quelques 700 millions d‟euros au brut. Il y avait par ailleurs déjà eu les tempêtes de 1999 qui n‟ont pas seulement affecté la France (850 millions de francs pour Gerling Globale), mais aussi d‟autres pays européens. La crise financière a également joué un rôle car en 1999-2000, les marchés financiers ont été très fortement affectés, obligeant assureurs et réassureurs à amortir leurs actifs. Ces trois éléments cumulés ont fait que presque toutes les sociétés ont été obligées de recapitaliser. Munich Re par exemple a procédé à une augmentation de capital de l‟ordre de 3 milliards d‟euros. Le groupe Gerling appartenait alors encore à 70% à la famille Gerling. Deutsche Bank était entrée en tant qu‟actionnaire à hauteur de 30%. Une augmentation de capital fut nécessaire en 2002. La famille Gerling a sorti 500 millions, Deutsche Bank a donné 300 millions. Cela s‟est avéré insuffisant mais la famille Gerling a déclaré ne plus avoir les moyens. Gerling Globale a donc été obligée de chercher des partenaires mais en réassurance, en 2002, il n‟y avait pas de partenaires. Les marchés étaient vides, les investisseurs avaient perdu énormément d‟argent sur les marchés financiers. Des sociétés auraient aimé acheter Gerling mais n‟avaient pas les fonds disponibles. A cela s‟ajoute un incident : la Scor qui était intéressée a demandé une exclusivité au mois de juin 2002 pour trois mois. Au bout des trois mois, Scor n‟était pas en position d‟acheter. L‟annonce fut faite au marché deux jours après le rendez-vous de Monte Carlo. Cela fut non seulement une perte de temps mais cela a également entraîné une dégradation du rating : Gerling Globale a perdu un cran de notation quand Scor s‟est déclarée intéressée et un autre cran de notation quand finalement Scor a décliné. Le rating A était descendu à BBB+ et à cette époque on pensait être en dehors du marché avec un rating B, même s‟il s‟agissait d‟un triple B. Cela s‟est d‟ailleurs avéré faux car la Scor a ensuite souscrit pendant plusieurs années avec un rating BB. L‟annonce au marché que Gerling Globale se retirait en tant que réassureur pour ses activités non-vie fut faite lors du rendez-vous de Baden-Baden en octobre 2002. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 82 sur 129 Interviews Plusieurs sociétés ont souhaité acheter le run-off de Gerling Globale mais les conditions n‟étaient pas satisfaisantes. Vendre ce run-off en 2002-2003 aurait probablement généré une augmentation de 10 à 30% sur les réserves existantes. Comment le run-off s’est-il organisé, notamment en France ? Le groupe Gerling fut l‟un des seuls grands acteurs du marché français de la réassurance à avoir cessé de souscrire et à gérer son run-off. Il s‟agissait d‟un très important run-off. Le portefeuille français n‟était pas mauvais et a permis de dégager des bénéfices à terme. Fin 2002, nous connaissions à peine l‟expression run-off et nous ne maîtrisions pas le système de commutations. Les six premiers mois, nous nous sommes surtout battus avec des problèmes de personnel. La réaction du personnel face à la situation de run-off fut en effet avant tout la fuite. Pour les anglais, le run-off est pourtant un métier comme un autre qui nécessite des techniciens, des actuaires, des comptables, des négociateurs, des financiers etc. On y fait un travail honnête, qui fait partie intégrante du monde de la réassurance. D‟ailleurs, chaque fois qu‟un réassureur résilie un traité, ce traité est considéré comme étant en run-off. En France ces affaires résiliées sont gérées avec les affaires actives et traitées de la même façon, notamment au niveau commercial. Avant 2002, nous n‟avions jamais remis en question un compte de réassurance, nous analysions certes les sinistres mais trop superficiellement. Combien de pénalités Badinter avons-nous payé alors qu‟elles n‟auraient pas dues être intégrées à la charge sinistre ? Nous n‟intervenions pas car cela n‟aurait pas été de « bon ton ». A partir du moment où vous devenez un réassureur en run-off, vous n‟avez plus de revenus, vous ne percevez plus de primes. Vous estimez alors avoir le temps et le devoir de vérifier attentivement les comptes. Le côté commercial est terminé : vous n‟avez plus « à faire de fleurs » aux cédantes. C‟est la grande différence avec un réassureur qui continue de souscrire et qui doit gérer son run-off à côté de son activité courante. Nous nous sommes alors rendu compte qu‟il y avait beaucoup d‟argent à économiser car sans mauvaise volonté de la part de la Cédante, beaucoup de postes non couverts sont présentés dans les comptes. En réassurance, vous pouvez gérer le run-off de manière passive, c„est à dire que vous continuez simplement à enregistrer les comptes, à vérifier les sinistres et à payer lorsque vous êtes d‟accord. Vous pouvez aussi gérer le run-off de manière active, c‟est-à-dire rechercher la finalisation rapide des engagements. C‟est la stratégie que nous avons retenue en nous orientant assez rapidement vers des propositions de commutations. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 83 sur 129 Interviews Comment s’est passé cette gestion active de run-off sur le marché français ? Le marché français avait alors beaucoup d‟a priori négatifs sur le run-off. L‟expérience du run-off de NRG, un des grands réassureurs du marché français, avait laissé un très mauvais souvenir. Lorsqu‟une cédante souscrit une protection de réassurance, elle n‟entend évidemment pas rester sans couverture au bout de quelques années. Nous avions toujours été un réassureur de grande continuité mais tout réassureur en run-off pose la question de son assise financière. Il n‟a plus de primes mais prend à sa charge toutes les dégradations de sinistres. Par exemple, les sinistres de la branche automobile ont traversé une phase de grande dégradation à partir des années 2000 en France. Jusqu'à ces deux dernières années, nous n‟avons subi que des dégradations pour les affaires sur lesquelles nous participions. Les réassureurs en activité ont quant à eux pu compenser par de fortes augmentations tarifaires. En 2003, les couvertures automobile en excédent de sinistres avaient augmenté d‟environ 50% et l‟année suivante elles ont une nouvelle fois augmenté de l‟ordre de 40 à 50%, soit pratiquement un doublement des primes. En réassurance, vous ne recevez jamais le juste prix : vous avez seulement la possibilité de réajuster le tir. Pour Gerling Globale, le marché français est finalement le marché sur lequel la finalisation du run-off a progressé le plus régulièrement. Les taux de commutation furent par ailleurs plus élevés en France de (80 à 85%) qu‟en Allemagne (de 50 à 70%) du fait des dépôts de garantie dont bénéficiaient les cédantes. J‟ai travaillé pendant 40 ans dans la réassurance, dont 25 ans sur le marché français et j‟ai toujours veillé à procéder correctement. Si nous avions vendu en 2002, cela se serait passé autrement. La particularité est que j‟ai construit ce portefeuille pendant 20 ans et que je suis resté aussi pour le défaire. Je connaissais les affaires et les personnes, une relation de confiance avait pu s‟instaurer. Dès les premières commutations, les acteurs du marché français ont vu que cela se passait de manière correcte. Par ailleurs, j‟avais 61 ans lorsque la décision de mise en run-off a été prise et je ne pensais pas rester au bureau de Paris au-delà de 65 ans. Les cédantes ont alors été confrontées à l‟idée de devoir prendre contact directement avec le porteur de risques à Cologne après mon départ. Cela a certainement facilité le processus de commutation. Nous sommes partis d‟environ 300 millions de réserves, aujourd‟hui il nous en reste entre 5 à 8 millions. La dernière affaire importante vient d‟être réglée, nous négocions depuis 4 ans. Vous commencez toujours par les grandes affaires sur lesquelles vous avez un certain champ de négociation puis à la fin vous arrivez à un fond de petites affaires de moins de 10.000 euros. Le travail de négociation est presque aussi compliqué sur ces petites affaires, vous bataillez pour payer quelques milliers d‟euros de moins. La gestion de run-off n‟est rentable que lorsque ce run-off est suffisamment important. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 84 sur 129 Interviews Quel avenir pour Globale Reinsurance Company ? Nous avons eu l‟idée d‟utiliser l‟expérience acquise dans la gestion de notre run-off pour offrir des prestations de service en la matière au marché. Le scheme of arrangement que nous avons mené pour nos affaires en lien avec le marché anglais a ainsi été mis en place non seulement pour nous-même mais aussi pour démontrer à nos clients que l‟on pouvait utiliser ces schemes pour des affaires transfrontalières. Le coût de mise en place d‟un scheme est très élevé, il faut donc que le portefeuille ait un volume important. L‟intérêt de la mise en place d‟un scheme réside sans doute dans le fait que beaucoup de cédantes ne déclarent pas leur créance. Le travail d‟identification et d‟information auprès de ces cédantes est pourtant colossal. Mais ce type de solution n‟est pas directement transposable à la France car cela ne peut fonctionner avec un portefeuille étranger que s‟il a suffisamment de liens avec la Grande Bretagne (affaires britanniques, affaires internationales acceptées via courtier anglais, portefeuille transféré vers une structure juridique britannique comme dans le cas de Deutsche Ruck). En tant que prestataire de service nous pouvons vous libérer totalement de la gestion du portefeuille mais vous continuez à être le porteur de risques. Il n‟est pas certain que ce type de gestion génère le plus de résultat. L‟intérêt c‟est aussi de disposer du portefeuille, de commuter non seulement dynamiquement mais aussi agressivement et globalement. En France, nous gérons par exemple les affaires du réassureur la Licorne qui a cessé de souscrire en 1991. La société Globale Re s‟est associée fin 2008 avec la société Randall & Quilter Investment Holdings plc (R&Q). Nous avions en effet été sollicités à plusieurs reprises pour acheter une société ou un portefeuille mais nous n‟avons pas les fonds et le contrôle allemand ne nous le permet pas dans la mesure où nous avons déjà nos propres engagements à gérer. R&Q a les moyens de racheter, c‟est d‟ailleurs leur stratégie mais ils ne peuvent pas forcément gérer derrière. D‟où notre partenariat : nous apportons à R&Q un portefeuille en run-off, R&Q l‟achète et nous le gérons. Leur souhait est d‟étendre leurs activités au Continent114. Nos activités de prestations de service s‟effectuent dans la même structure juridique que nos activités de gestion de run-off. Nous fonctionnons actuellement avec deux planifications : la première si nous continuons avec nos propres affaires uniquement, la seconde avec nos affaires de prestation de services. Tout dépendra du nombre d‟affaires réalisé. L‟an dernier nous avons généré un million d‟euros de chiffres d‟affaires en prestations de service. 114 NB : R&Q a acheté le portefeuille de la Licorne géré par Global Re en avril 2010 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 85 sur 129 Interviews En tout état de cause, nous avons certainement œuvré pour l‟amélioration de la réputation du run-off en France. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 86 sur 129 Interviews Maya Atig – Secrétaire Générale Jean-Pierre Colomines – Correspondant CEA Comité des Entreprises d’Assurance 115 Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 19 février 2010 Dans le cadre de l’examen des demandes de transferts de portefeuille, tenez-vous compte du fait que le portefeuille soit en run-off ? Sur le plan juridique les transferts de portefeuille en run-off sont traités de la même manière que les transferts de portefeuilles actifs et s‟effectuent dans le cadre des dispositions de l‟article L324-1 du code des assurances. Dans un premier temps, un avis est publié au JO pour permettre aux assurés et créanciers de formuler leurs remarques pendant un délai de deux mois. Nous nous assurons que la société cessionnaire dispose d‟une marge de solvabilité suffisante. Nous nous assurons également que compte tenu de la reprise de ce portefeuille, la société cessionnaire continuera à couvrir ses engagements règlementés et sa marge de solvabilité. A l‟expiration du délai de deux mois, la décision approuvant le transfert est publiée au JO et rend l‟opération opposable aux tiers. Les assurés peuvent résilier leurs contrats dans le délai d‟un mois suivant la publication. Nous n‟isolons pas le cas des portefeuilles en run-off. Nous employons simplement une expression spécifique qui est celle de « transfert de contrats pour liquidation ». Le fait que le portefeuille soit transféré à l’étranger vous alerte-t-il ? Notamment au regard de la possibilité de Schemes of Arrangement en Grande Bretagne ? Dans le cadre des dispositions prévues dans ce que nous appelons le passeport européen, le principe de base est que le transfert de portefeuille est approuvé par l‟autorité de contrôle de la cédante. Si la cédante est une société française souhaitant transférer son portefeuille à une société britannique, nous demandons aux autorités de contrôle britanniques de fournir un certificat de solvabilité de l‟entreprise cessionnaire. Pour nous, juridiquement, cela s‟inscrit dans le cadre définit dans le code des assurances. Nous n‟avons jamais reçu de retour négatif de tiers lésé par ce type d‟opération, ni même de commentaires. 115 Fusionné dans l’Autorité de Contrôle Prudentiel par ordonnance publiée au Journal Officiel le 22 janvier 2010 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 87 sur 129 Interviews Observez-vous plus de demandes de transferts de portefeuille ces deux dernières années ? Nous avons effectivement observé plusieurs demandes liées à des réorganisations internes. Dix-sept opérations ont été approuvées en 2009, dont trois transferts intégraux et quatorze transferts partiels qui correspondent souvent à des opérations de restructuration intra groupe. Concernant les transferts de portefeuille en run-off, nous avons eu une demande du groupe Generali. En l‟occurrence c‟était la reprise du portefeuille d‟une petite société en run-off qui s‟appelait AM Prudence. Cette société d‟assurance dommages avait cessé d‟effectuer des activités de souscription depuis 1996. Ses agréments étaient devenus caducs, elle se contentait de gérer les sinistres en suspens. Pour simplifier la gestion du groupe, Generali a décidé de mettre un terme définitif à l‟activité de cette société en transférant le portefeuille de run-off d‟AM Prudence à Generali IARD. Mais ces opérations concernant les portefeuilles en run-off sont assez peu nombreuses. Pour délivrer l’accord, tenez-vous compte de l’environnement général de la société concernée par le transfert ou simplement de la solvabilité des parties ? Nous vérifions la solvabilité des sociétés concernées. Dans le cas d‟une opération de restructuration interne, dans la mesure où il s‟agit d‟une simplification de l‟organigramme opérationnel, nous en prenons simplement acte. En assurance vie, nous regardons si les droits des assurés les plus anciens sont bien maintenus dans le transfert. L‟entreprise présente le cadre dans lequel elle effectue l‟opération mais sans donner de prévision d‟activité contrairement aux demandes d‟agréments. Le pouvoir des autorités prudentielles est encadré : nous agissons pour le renforcement de la solvabilité et pour la protection des assurés. Ces deux concepts ne nous autorisent pas à prendre des décisions de pure opportunité, ni même à nous interroger sur la pertinence des décisions. Sauf si l‟un des deux concepts est mis en cause. Nous agirons par exemple si le transfert se traduit par une baisse très significative de la couverture des engagements ou de la couverture de la marge. Quel est le rôle de l’ACAM dans la procédure actuelle? L‟autorité décisionnelle jusqu‟à présent était le CEA. Nous instruisions cependant les dossiers en liaison étroite avec l‟ACAM. L‟ACAM était sollicitée pour un avis technique, non prévu explicitement par les textes mais rendu nécessaire en ce qu‟elle dispose des données prudentielles. Le Président et le Secrétaire Général de l‟ACAM étaient d‟ailleurs membres de droit du CEA. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 88 sur 129 Interviews Les difficultés importantes se signalent en général très en amont. Le système de contrôle des assurances par entreprise fait que l‟entreprise aura évoqué le sujet avec la brigade de contrôle. Quid de l’opposabilité des transferts de portefeuille d’entreprises de réassurance ? Pour ce qui concerne les transferts de portefeuille entre sociétés spécialisées en réassurance, il n‟y a pas d‟opposabilité. Ce point n‟est pas prévu par la Directive réassurance de 2005. Jusqu‟à présent nous n‟avons pas eu à instruire de dossier de transfert entre sociétés spécialisées en réassurance. Lorsque le cas se présentera, l‟autorité compétente vérifiera conformément aux textes si l‟entreprise cessionnaire dispose d‟une marge de solvabilité suffisante. Elle publiera au JO un avis permettant aux créanciers et aux sociétés réassurées de présenter des remarques pendant deux mois. Il s‟agit d‟une simple faculté accordée aux entreprises de réassurance de soumettre leur opération au suivi de l‟ACP. Elles peuvent effectuer ce transfert de gré à gré. Le rôle de l‟autorité compétente est assez restreint. D‟autant que l‟article L324-1-2 prévoit expressément que le réassureur aura l‟obligation d‟informer les entreprises réassurées du transfert. Il n‟y a pas publication d‟accord au JO. Cette publication se conçoit en effet comme une mesure de protection du particulier. Le réassureur ayant pour clients des professionnels, cette question de protection par le biais de la publicité légale ne se pose pas. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 89 sur 129 Interviews Christian Ozanne La Réunion Aérienne (LRA) Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 02 juin 2010 Pouvez-vous nous dire deux mots sur LRA ? LRA est un GIE116 aviation dont la création officielle date de 1977. Il a notamment pour membres Generali Assurances I.A.R.D., Groupama transport, Gsinda (Groupe SCOR) et La Mutuelle du Mans Assurances I.A.R.D. J‟ai rejoint LRA en septembre 2007 pour m‟occuper spécifiquement du run-off de ses cessions en réassurance. J‟ai été recruté par Michel Beauchesne et François Asseline. La réassurance « vivante » de l‟année en cours et de l‟année précédente restait de la responsabilité de Pascal Onfray. Pourquoi la création d’un poste de haut niveau dédié aux « anciennes » cessions en réassurance ? La protection en réassurance de LRA a longtemps été caractérisée par de très nombreuses cessions en réassurance facultative, en plus des traditionnelles cessions sous forme de traités de réassurance. Ces protections étaient placées par de multiples courtiers, auprès de nombreux réassureurs. Nous avons aujourd‟hui en informatique à peu près 370.000 lignes qui se décomposent en : Environ 40.000 lignes relatives aux traités de réassurance. Chaque ligne représentant la participation d‟un réassureur, sur un traité et un exercice donné. Nous bénéficions d‟un traité monde entier en Quote-Part ainsi que de traités régionaux ou spécialisés (risques de guerre notamment), qui ont été placés auprès de nombreux réassureurs avec des participations relativement réduites Environ 330.000 lignes relatives aux contrats de réassurance facultative. Chaque ligne représentant la participation d‟un réassureur sur un risque et un exercice donné. Nous comptons en moyenne cinq lignes par facultative placée, notre fichier représente donc à peu près 66.000 facultatives. Nous recensons par ailleurs entre 10.000 à 17.000 lignes par an pour les années 1990, ce qui représentait à peu près 2.000 à 3.500 facultatives par an. Nos fichiers informatiques comprennent environ 2.300 noms de réassureurs (dont les syndicats des Lloyd‟s), nous avons travaillé avec 1.850 d‟entre eux : certains ont aujourd‟hui disparu, soit du fait de procédures collectives de liquidation, soit du fait de cessions de sociétés. Il s‟est avéré nécessaire de « nettoyer » ce passé afin d‟optimiser nos récupération de créances en réassurance. 116 Groupement d‟Intérêt Economique Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 90 sur 129 Interviews Votre intervention sur la récupération des créances réassurance de LRA se veut-elle proactive ? Les cas les plus sensibles font l‟objet d‟un suivi proactif. Cela s‟avère indispensable pour être réglé de nos créances. De par notre activité, nous bénéficions en effet rarement de garanties de type dépôts, qu‟il s‟agisse de dépôts espèces, de nantissement ou de lettres de crédits. Devant le refus du « successeur » d‟un de nos réassureurs à reconnaître les comptes produits, nous avons été amené à mettre en œuvre une procédure d‟arbitrage. Pour donner un autre exemple moins extrême, nous avons également attentivement suivi la liquidation judiciaire du réassureur suédois Folksam. Nous avons su faire valoir le montant de notre créance auprès de la société londonienne de gestion Re Cov AB. Il s‟agissait pour nous d‟une créance très importante de l‟ordre de 2.000.000 d‟USD. Par ailleurs, de façon plus générale, nous n‟hésitons pas lorsque c‟est possible à faire valoir nos postes IBNR, même s‟ils ne sont pas nécessairement établis par le service actuariat. Mais dans l‟ensemble nos créances restent d‟un montant relativement peu élevé. La difficulté de recouvrement tient essentiellement au fait que ces créances sont très dispersées. Que pensez-vous des procédures anglaises de Schemes of Arrangement (SOA) ? Avant mon arrivée au sein de LRA, nous avons laissé passer des dates limites de déclaration de créance sur certaines de ces procédures. Les créances ont alors dues être passées en comptes de pertes et profits. J‟étais au départ relativement hostile à ces procédures. J‟ai finalement changé d‟opinion car dès lors que vous suivez la procédure, vous pouvez récupérer votre créance dans un laps de temps raisonnable. Ce qui n‟est souvent pas le cas avec les sociétés de gestion de run-off. Quelles sont vos relations avec ces sociétés de management de run-off ? LRA a beaucoup de petites créances, entre 5.000 et 50.000 USD. Cet ordre de grandeur n‟intéresse pas les sociétés de gestion de run-off « traditionnelles ». Elles ne se déplacent que pour des créances qui se chiffrent en plusieurs centaines de milliers d‟USD. Seuls des regroupements de nos créances pourraient potentiellement les intéresser. Je rencontre ces sociétés dans les rendez-vous annuels comme ceux de Norwich ou de Cologne, organisés par des sociétés comme R&Q et sponsorisés par des sociétés comme PwC. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 91 sur 129 Interviews Les tarifs proposés par ces sociétés de gestion de run-off restent assez opaques. Il faut entrer assez loin en discussion pour commencer à évoquer la question. Nous sommes bien sûr également confrontés à ces sociétés dans le cadre de nos démarches de récupération de créance. Elles ont fortement tendance à surenchérir en termes de demandes de justificatifs : copie des slips de souscription, des comptes, des avis de sinistres, des justificatifs de paiement du sinistre original etc… C‟est dans leur mode même de fonctionnement que de chercher à minimiser et à ralentir les règlements. Mais il y a d‟autres acteurs sur ce marché comme les « chasseurs de primes » qui travaillent selon le principe du « no cure, no pay ». Ils parviennent à maximiser la possibilité de paiement de la créance notamment grâce à leurs connaissances dans le milieu. Il s‟agit d‟un véritable fonctionnement par réseau. Leurs tarifs ont l‟avantage d‟être annoncés d‟emblée mais sont très élevés : ils peuvent se payer jusqu‟à 50% sur le montant de créance récupérée. Pensez-vous pouvoir transposer votre savoir-faire sur les affaires souscrites par LRA en souscription directe ? Nous y avons pensé pour certains vieux sinistres, en dehors des cas spécifiques comme l‟asbestos, la RC produits et la pollution. Cela nous éviterait des frais de gestion. Mais la partie récupération de créance en réassurance m‟occupe à plein temps pour le moment. Avez-vous envisagé des solutions de réassurance rétroactive pour faire face à la défaillance de vos réassureurs ? Non, mais nous avons un cas de prise de cautionnement sur un réassureur américain en run-off. LRA avait acheté une caution à Londres. Le réassureur est aujourd‟hui en liquidation et la garantie caution est amenée à jouer. Par ailleurs, nous fonctionnons aujourd‟hui avec une liste de sécurité pour nous guider dans le choix de nos réassureurs et les placements en réassurance facultative doivent être soumis au Président du GIE. Nous avons également réduit le nombre d‟intermédiaires et amélioré notre système d‟enregistrement de nos protections. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 92 sur 129 Interviews Philip Heitlinger Business Development Pro Insurance Solutions Limited Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 21 juin 2010 Pouvez-vous nous présenter votre activité ? Je travaille pour la société Pro Insurance Solutions qui depuis novembre 2009 est filiale du groupe Tawa, société d‟investissement qui achète des portefeuilles en run-off. Pro est un prestataire de service. Nous fournissons des services aux sociétés en run-off mais aussi aux autres sociétés d‟assurance et de réassurance qui ont des problèmes avec le marché international. Nous sommes assez focalisés sur le marché de Londres mais nous essayons d‟offrir des services au marché européen continental. Je suis responsable de ce marché notamment car je parle français et allemand. Pour le run-off, il est très souvent question de définitions. Sur le marché de Londres, ce qui est en run-off est très clair car beaucoup d‟entités arrêtent de souscrire d‟un jour à l‟autre. Ces entités sont alors en run-off. Pour le marché européen continental, c‟est plus flou car il y a beaucoup de portefeuilles non actifs qui ne sont pas classés comme étant en run-off. Il s‟agit par exemple des souscriptions des branches RC médicale ou RC décennale. Beaucoup d‟assureurs ont cessé de souscrire dans ces branches mais ne gèrent pas ces portefeuilles comme étant en run-off. Sûrement car le run-off porte une connotation péjorative d‟insolvabilité. Les sociétés françaises devraient reconnaître qu‟elles ont un problème avec ces portefeuilles non actifs. Il y a beaucoup de potentiel dans ces portefeuilles. Quelles sont les solutions de gestion de run-off proposées par Pro ? Il s‟agit certes de solution de gestion de sinistres, mais pas seulement. Run-off est un terme anglo-saxon beaucoup plus large. Il s‟agit de toute la gamme d‟activité d‟une compagnie d‟assurance, gestion de sinistre mais aussi recouvrement de créances en réassurance par exemple. Il est important pour nous de couvrir les deux côtés du bilan. Le marché de la réassurance qui existait dans les années soixante-dix / quatre-vingt était un marché très étendu. Beaucoup d‟acteurs de ces années là ont disparu pour des raisons diverses. Certaines sociétés ont fait faillite, d‟autres ont fusionné. Il y a un problème de recouvrement des créances auprès de ces acteurs. La gestion de Scheme of Arrangement (SOA) constitue aussi une partie importante de notre activité. Nous avons fait des SOA pour le pool WFUM (Willis Faber Underwriting Management) ou encore le pool GLM avec les Mutuelles du Mans. Nous préparons actuellement le SOA pour le pool English & American qui est en run-off depuis 1993. Mais le SOA est une solution appropriée pour les portefeuilles de réassurance qui ont une Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 93 sur 129 Interviews connexion suffisante avec l‟Angleterre. En théorie on pourrait transférer un portefeuille français d‟assurance vers une filiale britannique et ainsi créer de façon artificielle le lien. Mais l‟autorité de contrôle britannique, la FSA, n‟en accepterait sans doute pas le principe. Les SOA sont plutôt adaptés aux portefeuilles de réassurance ou aux portefeuilles de grands risques comme les portefeuilles de « surplus lines » aux Etats-Unis. Sous quelle forme juridique la société Pro intervient-elle en recouvrement de créance réassurance? Nous pouvons être mandaté pour effectuer tout un programme de commutation avec des réassureurs qui se trouvent en run-off. Le recouvrement se fait alors par l‟intermédiaire de rachat d‟engagements. Nous avons également la possibilité d‟acheter les créances. Par exemple, pour les contrats de réassurance placés auprès de réassureurs insolvables tel que New Cap Re en Australie ou HIH ou d‟autres réassureurs. Cela permet à la cédante de vraiment faire le « write-off » de cette dette : de recouvrir une somme d‟argent et de s‟en débarrasser au bilan. Cela n‟est pas uniquement borné aux sociétés de réassurance insolvables. Il y a pas mal de sociétés de réassurance qui se trouvent en run-off comme par exemple Globale Ruck qui était dans le temps un des réassureurs majeurs du marché européens. Les cédantes peuvent nous céder la valeur économique de leurs créances. Il s‟agit d‟une cession de créance, l‟accord du réassureur débiteur concerné n‟est pas requis. Nous prenons en charge le travail de négociation avec ce réassureur. Le prix est établit en fonction de plusieurs éléments. Nous avons tout un réseau de contacts dans le monde du courtage et des réassureurs en run-off. Nous avons surtout beaucoup d‟expérience pour négocier des deals de commutations. Nous sommes en effet prestataire de services dans ce domaine depuis 1993. Nous prenons en compte plusieurs facteurs : la nature des contrats de réassurance concernés, la nature des sinistres (s‟ils donnent ou non lieu à litiges), l‟éventuelle possibilité de demander un facteur IBNR. C‟est un mélange de facteurs techniques, juridiques et de facteurs émanant de notre expérience. Les solutions de commutation utilisées en réassurance peuvent-elles également être utilisées en assurance directe ? Sur les grands risques c‟est envisageable même si cela ne se fait pas aujourd‟hui, sauf aux Etats-Unis. Les incertitudes qui existent sur le marché de l‟assurance, notamment avec l‟expérience d‟AIG, démontrent que le risque de contrepartie existe aussi dans le cadre de polices d‟assurance. Il y a lieu de convaincre les assurés qu‟il vaut mieux parfois arriver à un accord de commutation. Aux Etats-Unis, les grandes sociétés commerciales, de productions sont beaucoup plus disposées à négocier en ce sens. Cela commence à se faire en Grande Bretagne. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 94 sur 129 Interviews Quelle est votre expérience de l’approche du marché français ? Nous avons eu plus de succès avec le marché de Londres qu‟avec le marché français. Beaucoup de cédantes ont des problèmes de recouvrement de créances de réassurance. Ces problèmes sont délicats à aborder avec un tiers et les assureurs français sont assez conservateurs. C‟est d‟ailleurs la même chose en Allemagne. Les assureurs préfèrent ne pas évoquer ces questions, ils souhaitent les régler avec leurs propres ressources. Nous avons toutefois réalisé des transactions en France. Nous sommes par ailleurs en discussion avec plusieurs sociétés françaises et nous estimons qu‟il y a beaucoup de potentiel. Certaines cédantes commencent à nous écouter et à comprendre que nous offrons de la valeur ajoutée surtout avec l‟avènement de Solvabilité II : les dettes qui trainent depuis un certain temps génèrent une charge sur le capital. Cela deviendra prochainement une question économique, qu‟il faudra résoudre un jour ou l‟autre. Solvabilité II est donc devenu un véritable argument de vente pour une société telle que la vôtre ? Nous utilisons cet argument mais nous sommes confrontés au conservatisme des assureurs. Nous estimons que Solvabilité II génèrera des opportunités sur les portefeuilles de run-off qui attirent une charge de capital assez élevée. Il devrait y avoir des possibilités d‟achat de portefeuilles en run-off. C‟est une théorie qui est également soutenue par les récentes études de PwC & KPMG. Trouver le bon interlocuteur constitue un défi. Il faut vraiment attirer l‟attention du Directeur Financier, ce qui est difficile. Nous nous devons également de discuter de façon intensive avec les sociétés de courtage d‟assurance et de réassurance comme les groupes Marsh et Aon. Ces sociétés ont également intérêt à travailler dans le sens d‟un apurement des soldes. L‟attitude traditionnelle envers les portefeuilles en run-off est de les garder comme « matelas de sécurité », une réserve utilisable pour assainir les résultats. Avec Solvabilité II, cette philosophie de matelas n‟est plus possible. Des réserves appartenant à un portefeuille volatile génèrent une charge sur le capital. Dans ce contexte, les sociétés devront trouver des solutions, comme la vente de portefeuilles ou la prise de protections de réassurance. Beaucoup de sociétés vont attendre le dernier moment. La fin de l‟année prochaine devrait être mouvementée pour nous. Nous anticipons beaucoup d‟activité fin 2011, début 2012. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 95 sur 129 Interviews Pierre Guerin Run-off & Commutations Manager Partner Re Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 19 août 2010 Quelle est la place du run-off chez Partner Re ? Partner Re est depuis longtemps favorable à des opérations de run-off proactives. Nous avons une expérience assez riche en la matière. Il s‟agit d‟opérations portant essentiellement sur nos propres engagements au regard des acceptations en réassurance. Partner Re estime devoir gérer proactivement les risques qu‟elle assume et mène par conséquent une politique de commutation comme trait permanent de son activité. Cette politique est mise en place via un pôle de compétence qui correspond en termes opérationnels à l‟entité spécifique dont je m‟occupe. Comment est constituée cette entité dédiée que vous dirigez? Aujourd‟hui l‟entité est constituée de trois personnes ayant en moyenne 25 ans d‟expérience dans la fonction. Nous sommes polyvalents sur le plan juridique, comptable et de la connaissance des risques. Nous sommes rattachés à l‟unité Sinistres, qui comprend 17 personnes à Paris. Il s‟agit en effet d‟une activité dérivée de la gestion de sinistres avec des sinistres complexes. Il est notamment important de procéder à des audits chez les clients. Les risques concernés sont particulièrement sensibles aux facteurs humains, en matière judiciaire par exemple. L‟équipe dédiée est par ailleurs en interaction complète avec les actuaires pour l‟actualisation des réserves. Une des caractéristiques de Partner Re est que sauf opération avec faible impact sur le bilan, c'est-à-dire quelques milliers de dollars, il y a toujours un actuaire associé à toutes les étapes. Quels sont ces risques cibles ? L‟équipe s‟occupe des risques dits difficiles, à savoir des risques à long terme porteurs de forte incertitude quant à leurs coûts futurs tel que l‟amiante, la pollution, le « Health Hazard ». L‟objectif est de réduire ces coûts futurs mais cet objectif n‟est pas quantifié. Notamment en raison de la taille assez réduite du portefeuille concerné. Partner Re était en effet à l‟origine un réassureur surtout spécialisé dans le risque « catastrophe » à déroulement Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 96 sur 129 Interviews court. Les sociétés rachetées au fur et à mesure n‟avaient pas non plus de run-off très important. En début d‟année, nous ciblons les clients potentiels à démarcher dans le portefeuille qui nous est alloué. Cela correspond à environ 12 sociétés par membre de l‟équipe dédiée. Nous représentons notre société dans le cadre de l‟IntAP (The International Alliance of Asbestos & Pollution Reinsurers). Cette association compte trente-quatre sociétés européennes membres. Nous avons également vocation à assister à tous les événements concernant les « marchés » où se pratique la négociation de commutation. Il s‟agit des Rendez-vous Commutations de Cologne et de Norwich organisés par R&Q et Globale Re, du Rendezvous organisé par AIRROC et R&Q dans le New Jersey et du séminaire organisé à Stockholm par Compre. Le problème du run-off est intimement lié à la zone Nord-Américaine et à la Grande Bretagne. Les Etats-Unis à cause de l‟amiante, la Grande Bretagne à cause de la structure du marché de Londres. Le marché de Londres, jusqu‟aux années 1990, était un marché où des sociétés de très petite taille ou de taille moyenne prenaient d‟énormes engagements aux Etats-Unis sur des grands risques. Il y a encore énormément de pools de souscription à l‟heure actuelle, environ 300 sont en run-off sur le marché de Londres. Il y en a eu jusqu‟à plus de 460. La gestion de ces pools génère d‟énormes coûts et encore beaucoup d‟activité sur le marché de Londres. Lors du rendez-vous de Norwich, il s‟agit essentiellement d‟essayer de trouver une commutation avec ces acteurs à l‟avenir incertain. D‟autre part, structurellement, le marché de Londres génère un fort besoin de cash. Plus que sur le marché français par exemple. Quid des demandes de commutations émanant des cédantes ? Concernant les commutations recherchées par nos clients, nous avons une organisation qui n‟est pas centrée sur l‟unité dédiée. Ces demandes sont gérées à travers des process impliquant les entités classiques (comptables, souscripteurs, actuaires). L‟entité dédiée peut toutefois prendre le dossier en mains au cas par cas. Certaines cédantes présentent des demandes de commutations globales. Ce sont alors des opérations compliquées qui posent des difficultés d‟identification. La définition du périmètre de négociation peut prendre plusieurs mois. Les compagnies françaises participent peu aux rendez-vous marchés de commutation. La présence d‟un grand groupe dans ce type d‟événements ne signifie d‟ailleurs pas forcément que ce groupe a engagé une gestion proactive globale de ses cessions en réassurance. Cela peut simplement signifier que ce groupe souhaite liquider une partie très ciblée de son portefeuille sur des affaires anciennes. L‟intérêt étant alors de récupérer du Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 97 sur 129 Interviews cash mais aussi de réduire les coûts de gestion comptable liés au maintien de la protection de réassurance. La commutation n‟est pas une opération classique de réassurance, elle est très spécifique. En droit anglais, par exemple, il ne s‟agit pas d‟une opération d‟ « utmost good faith ». Les motivations de l‟interlocuteur ne sont pas nécessairement connues. Nous trouvons souvent des informations utiles dans les bilans des sociétés, même si cela reste rare en France. Quels sont vos interlocuteurs ? Ils sont nombreux, dispersés géographiquement et émanent de sociétés de formes variées. Les grands groupes ont leurs propres équipes de run-off, surtout pour les compagnies anglo-saxonnes. Pour les autres ce sont les départements cessions. Nous avons aussi fréquemment affaire aux sociétés spécialisées en run-off. Quel regard portez-vous sur les sociétés qui se spécialisent aujourd’hui dans le Runoff ? De grands groupes après avoir formé des spécialistes à la matière, s‟intéressent à ce marché. Partner Re préfère pour le moment conserver une gestion holistique. La commutation a l‟avantage d‟être faite sur mesure et en face à face. Elle est relativement facile à organiser, les contrats sont assez standards. Pour les sociétés spécialisées, comme sur tout marché, il faut vérifier la fiabilité et l‟offre. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 98 sur 129 Interviews Jean-Marie Nessi Nessi Consulting (EURL) – Gestion et mesure du risque Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 15 octobre 2010 Vous avez co-fondé la société NessPa Holding avec M. Eric Paire en 2005. Cette société n’est plus en activité, quel est votre retour d’expérience en la matière ? Nous avons eu tort d‟avoir raison trop tôt. A l‟origine de la création de cette société se trouve l‟idée qu‟un assureur ou un réassureur qui a dans ses passifs un portefeuille de réassurance acceptée s‟expose à un risque de dérive de ses réserves et par conséquent à une annonce publique négative, avec un impact potentiel sur son cours de bourse. La solution proposée permettait aux (ré)assureurs de transformer leur passif enregistré en une participation dans une autre société qui enregistrait la totalité du dit passif. Les (ré)assureurs n‟avaient alors à enregistrer que leur quote-part du résultat de la société. Ils n‟avaient pas à afficher la détérioration des réserves à 100%. Il s‟agissait pour résumer de mettre en place sur le Continent, une structure fondée sur les mêmes principes que la structure de réassurance Equitas mise en place en 1996 en Angleterre pour la reprise des engagements des Lloyd‟s sur les affaires antérieures à 1993. Pourquoi la solution proposée n’a-t-elle pas rencontré le succès espéré ? Notre proposition est intervenue dans un contexte de bons résultats techniques d‟assurance. Le « run-off » constituait dès lors un élément de pilotage du résultat d‟assurance de la compagnie. Notre solution aurait conduit à renoncer à cet élément de pilotage. Nous avions par ailleurs sous-estimé le fait que chaque dirigeant de compagnie est convaincu d‟avoir le meilleur système de réservation et est peu enclin à participer avec d‟autres compagnies à une « mutuelle » de réassurance de run-off. Le projet originel ayant eu des difficultés à décoller, nous avons changé de stratégie pour proposer à ces mêmes compagnies de racheter leur run-off. Il s‟agissait alors de réaliser en cache la valeur intrinsèque du portefeuille en run-off via une opération de titrisation. Nous avons eu plus de succès avec cette proposition. Nous avons réalisé huit études, huit pricings de portefeuille avec moyens de financement ou d‟auto financement. Mais seule la valorisation du passif intéressait finalement les (ré)assureurs. Une fois le pricing donné, ces acteurs nous indiquaient ne plus être en position de vente. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 99 sur 129 Interviews Pourquoi les sociétés avaient-elles besoin de connaître la valeur de leur passif ? Notre proposition est intervenue au moment où s‟initiait le changement de règles comptables. Nous sommes passé d‟un principe de comptabilité en valeur d‟acquisition et en valeur de passif non escompté, aux principes posés par les normes IFRS dans lesquels les actifs et les passifs sont en valeur de marché, avec par conséquent des passifs non escomptés. Il était dès lors important pour les compagnies de connaître la valorisation de leur passif mais ces compagnies souhaitaient le garder car la Directive Solvabilité II poussait parallèlement à la recherche de fonds propres « cachés ». Après deux ans de travail, nous n‟avions plus les moyens financiers de travailler à fonds perdus, nous avons effectué quelques opérations de valorisation puis nous avons fermé la société. Et avec l’arrivée des normes prudentielles Solvabilité II ? Avec la mise en place des normes prudentielles Solvabilité II, chaque « endroit » d‟incertitude est lié à une cause de volatilité du résultat et génère donc une charge en capital de marge. Cette charge est proportionnelle à la cause de volatilité. Toutes les poches qui sont sous réservées vont être cause de volatilité qui va se dérouler d‟année en année. Le modèle standard intègre cet élément : au calcul du best-estimate s‟ajoute une marge correspondante qui doit être rémunérée à hauteur de 6% du capital mis en face des passifs. Cela correspond exactement à ce que nous avions vendu lors de nos opérations de pricing, mais établi cette fois dans un cadre règlementaire. Quel est votre vision de l’avenir du run-off ? Le terme de run-off est mal choisi dans la mesure où il cela renvoie simplement à l‟arrêt de souscription dans une branche donnée. Mais la réponse est positive en ce qui concerne la cession de passif qui a un avenir en tant qu‟outil d‟arbitrage du besoin de marge de solvabilité. Une société qui a un passif chez elle pour des opérations souscrites une quinzaine d‟années auparavant a plutôt intérêt à s‟en débarrasser car cela lui coûte en charge de capital des sommes extrêmement importantes. Ce capital pourrait être utilisé pour la réalisation de nouvelles opérations. La prise de conscience des interactions des différentes mesures de Solvabilité II entre elles devrait générer une réflexion stratégique du capital management sur l‟allocation du capital sur telles ou telles affaires. La conclusion pourrait alors être de décider de ne faire que du run-off ou au contraire de se débarrasser des passif anciens. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 100 sur 129 Interviews La profession a d‟ailleurs besoin de ce marché de cession de passif. Les règles posées par les normes IFRS renvoient en effet à une évaluation en valeur de marché du passif. Les entreprises qui ne pourraient pas se référer à un « marché » du passif seraient obligées de faire ce que l‟on appelle du « mark to model », c'est-à-dire de faire appel à des tiers pour valoriser leur passif en valeur de marché. Seriez-vous prêts à vous investir de nouveau dans ce secteur d’activité ? Oui sur la valorisation du passif et la recherche de l‟acquéreur, mais moyennant un ordre de mission concret d‟une société qui a réellement décidé de se débarrasser de son passif. Le marché de la valorisation et de l‟intermédiation de la cession du run-off coexiste avec le marché des sociétés acheteuses. Une petite dizaine d‟acquéreurs potentiels sont toujours là. Il s‟agit de sociétés comme R&Q, AXA LM ou encore Tawa. Le fait de réunir plusieurs passifs leur permettent de négocier des rachats anticipés aux meilleures conditions et donc de créer de la valeur. La société qui a vendu son passif à ces acteurs a une créance à leur encontre. Dans le cadre de Solvabilité II la valorisation de cet actif va être un escompte. Si la société délègue à l‟acheteur la négociation, la gestion, et le rachat mais garde l‟actif qui est dans le passif dans ses comptes, l‟actif devient une sorte de nantissement qui peut garantir l‟acheteur. Mais le nantissement doit être structuré de façon très large, le porteur de risque peut manager l‟actif mais cet actif est « déposé » chez le vendeur. Ne peut-on pas envisager un simple transfert de portefeuille ? La règlementation française est assez rigide au niveau des transferts de portefeuille (et non de passifs). Les règles sont plus souples en Angleterre. Que pensez-vous de la position de la société AXA LM sur le marché du run-off ? Lors de la création à laquelle j‟ai participé, le but était de racheter des run-offs. Mais pour être sur le marché du run-off en tant que tel, il ne faut pas être dans une position de concurrence avec ses clients. Une grosse partie du run-off du groupe a été gérée, l‟activité est à présent transférée en Angleterre où ce type de gestion est plus facile. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 101 sur 129 Interviews Que pensez-vous de la place des commutations sur ce marché ? La technique de commutation renvoie avant tout à des techniques de négociation, cet aspect est plus important que l‟aspect technique. Lorsque la cédante vend son passif au brut de réassurance, l‟acheteur a tout intérêt à commuter. Si la cédante vend ce qu‟elle a au bilan au net de réassurance, l‟acheteur va gérer pour compte la récupération en réassurance et le bénéfice de la réassurance va se diluer dans des problèmes organisationnels. Que pensez-vous de la communication récente de certains réassureurs au sujet des programmes de réassurance rétrospective ? Avec la Directive Solvabilité II, les assureurs vont être obligés d‟extérioriser leurs bonis. Ce type de réassurance pourrait s‟avérer illégal s‟il s‟agissait de permettre aux assureurs soumis aux règles prudentielles et comptables actuelles de contourner la taxation sur ces bonis avec des passifs revenant sous forme de participations aux bénéfices étalées dans le temps. Avec Solvabilité II, le secteur de l’assurance devient-il essentiellement un métier d’actuaires ? Le point central porte sur les réserves. Nous passons d‟un univers déterministe où l‟on demande aux compagnies de donner un chiffre, dont on sait qu‟il est faux, à un univers stochastique où l‟on demande aux compagnies de donner un chiffre et, comme il est faux, de donner au mieux un intervalle de confiance ou au pire de décrire la courbe que suit la courbe de distribution de ce chiffre. On ne dit plus : « mes réserves sont de x euros » mais : « mes réserves à x euros sont suffisantes avec une probabilité de x % » sachant que Solvabilité II demande ce qu‟il faut pour que cela soit suffisant avec une probabilité de 99.5%. Plus le calcul est faux au niveau de la distribution, plus cela coûtera cher en capital. Passer à un univers stochastique ne peux se faire sans actuaires ou statisticiens Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 102 sur 129 Interviews Jocelyne Mamane - Présidente Sylvia Benazera - Directeur sinistre ACRé SAS Run Off Assurance & Réassurance Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 28 octobre 2010 Depuis combien de temps votre société existe-t-elle et qui sont vos concurrents ? Notre société, totalement indépendante, a été créée en février 2001. L‟idée principale était d‟adapter à l‟assurance des méthodologies de gestion de run-off qui à l‟époque n‟existaient qu‟en réassurance. Nous n‟avons pas vraiment d‟équivalent sur le marché français : il n‟y a pas d‟autre société indépendante travaillant en gestion de run-off de portefeuilles d‟assurance construction. Gérez-vous des sinistres à déroulement long sur d’autres branches que l’assurance construction ? Des compagnies nous ont légué leur entier portefeuille d‟assurance construction en run-off car elles ne sont plus actives sur cette branche. Nous gérons les sinistres, ainsi que l‟impact de ces sinistres dans les comptes de réassurance (récupération des fonds / justification du montant des réserves). Nous travaillons à partir de polices Dommages Ouvrages, mais pas seulement. Pour les bureaux d‟études techniques, les architectes, les maîtres d‟œuvre, ce sont des polices de responsabilité professionnelle, avec un volet décennal mais aussi des garanties contractuelles ou quasi délictuelles. Nous gérons par ailleurs également des polices Responsabilité civile décennale des entreprises, Responsabilité civile des avocats et Responsabilité civile des notaires. Qui sont vos clients ? Depuis la création de notre société, nous avons travaillé pour douze compagnies d‟assurance différentes dans la délégation de la gestion de leurs portefeuilles « inactifs », sur des garanties décennales pour lesquelles il y avait potentiellement encore des déclarations de sinistres. La majorité de nos clients sont européens, hors France, pour des portefeuilles d‟assurance français. Nous avons un gros client français mais dans le cadre d‟une liquidation code des assurances La culture anglo-saxonne est de se séparer des portefeuilles qui s‟éloignent de leur cœur de métier et de les laisser aux spécialistes. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 103 sur 129 Interviews La culture française est totalement différente, les portefeuilles inactifs restent le plus souvent gérés jusqu‟à terme au sein de la compagnie. Il y a une dizaine d‟années nous aurions pu expliquer le manque d‟intérêt pour le run-off par le fait qu‟il n‟est pas évident d‟en cerner le périmètre. Mais cela relève sûrement également des impératifs commerciaux et sociaux auxquels sont exposées les compagnies : se séparer de la gestion de run-off, c‟est réduire en partie la charge de travail. Quel est l’intérêt pour les compagnies d’assurance de vous confier la gestion de leurs sinistres ? Cela leur permet de se désengager le plus rapidement possible d‟une partie de leur portefeuille aujourd‟hui inactif, qui représente un poids mort dans leur bilan. Nos méthodes de gestion sont très pro-actives. Au début nous observons une grosse masse de sinistres. Les résultats de l‟audit conduisent dès la première année à une bonne réduction du fait de reprise de dossiers « oubliés » par le gestionnaire « historique » ou l‟avocat. (Il faut savoir que les avocats n‟interviennent quasiment jamais auprès de leurs clients pour les aviser du fait qu‟ils peuvent clôturer leurs dossiers.) A la fin, ne restent que quelques très gros dossiers contentieux que nous analysons de près avec notre réseau d‟avocats. Ces analyses nous permettent d‟optimiser nos choix de gestion sur d‟autres dossiers. Chaque dossier fait l‟objet d‟un suivi spécifique et régulier, quelque soit sa taille. Nous privilégions toujours la transaction, nous ne cherchons pas à obtenir des décisions de principe au judiciaire. Nous restons dans la voie judiciaire uniquement lorsque nous estimons que la procédure est susceptible de générer un bénéfice économique. Notre taux de recours est par ailleurs bien supérieur à la moyenne. Nous sommes particulièrement bien outillés sur le plan informatique avec un système d‟alertes : Un premier système d‟alerte consiste à prévoir et à motiver le temps de révision maximum du dossier, avec remontée automatique si le dossier n‟est pas revu à temps. Un deuxième système d‟alerte intervient en matière de procédure. Nous ne laissons pas la procédure aux seules mains des avocats. Nous suivons de près tous les délais. Nous ne sommes pas freinés par l‟aspect relation commerciale que doit par contre prendre en considération tout assureur dans le cadre de sa gestion classique de sinistre. Cinq gestionnaires dans notre compagnie représentent l‟équivalent en compagnies d‟assurance d‟environ huit gestionnaires, notamment grâce à nos méthodes d‟interaction avec notre réseau d‟avocats. Pour donner une synthèse chiffrée de notre activité : sur une base de 20.800 sinistres en 2002 tous clients confondus à l‟époque, aujourd‟hui il en reste 239. Avec un résultat Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 104 sur 129 Interviews technique de pratiquement 20.000.000 d‟euros de boni par rapport à la réserve initiale à la date de reprise chez nous, net de règlement. Quels sont vos interlocuteurs en termes de reporting ? Nos interlocuteurs émanent le plus souvent de la direction financière, parfois des directions métiers. Les compagnies françaises nous demandent des éléments d‟ordre purement comptable afin d‟alimenter leurs comptes de résultat et bilans. Les compagnies anglo-saxonnes ont des outils et une méthodologie de reporting plus développés qui permettent une analyse poussée tant des résultats, que des compétences, que de l‟avancement des clôtures. Comment êtes-vous rémunérés ? Nous sommes rémunérés sous forme d‟honoraires sur la gestion des portefeuilles. Si dans le bilan d‟une compagnie un portefeuille donné représente 100 et que nous estimons par exemple pouvoir le liquider à hauteur de 70, le différentiel de 30 servira à la fois à notre rémunération et au dégagement d‟un boni sur les résultats. Souhaitez-vous un développement sur le marché français ? Nous sommes prêts à nous développer en France et nous communiquons en ce sens. Mais notre appréciation de ce marché est que la délégation de gestion n‟est aujourd‟hui envisagée par les compagnies françaises que pour des portefeuilles actifs et des petits sinistres. Dans le domaine du run-off, nous estimons qu‟il vaut mieux attaquer le marché par des cessions de portefeuilles. Nous travaillons donc avec des compagnies qui ont la capacité et la volonté de racheter des portefeuilles sur le marché français. Nous avons la réputation d‟être efficaces et de parfaitement maîtriser la gestion de sinistres en France. Ces compagnies sont donc prêtes à nous confier la délégation de gestion du portefeuille racheté. La cession de portefeuille d’assurances vous semble-t-elle aisément réalisable au regard du droit français ? Nous avons une expérience réussie en la matière. Après huit années de gestion pour quatre de nos clients, l‟un d‟eux a racheté le portefeuille résiduel des trois autres. S‟agissant de co-assurance, la cession n‟a pas donné lieu à une information des assurés (qui gardent pour seul interlocuteur l‟apériteur de la police d‟assurance). Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 105 sur 129 Interviews Hors co-assurance, cela génère beaucoup de formalisme mais reste tout à fait réalisable. Quels sont les acteurs de la reprise de portefeuille ? Nous travaillons avec des sociétés telles que Pro Insurance Solutions. Il existe aussi des compagnies européennes elles-mêmes en run-off, mais adossées à de grands groupes, notamment à de grands noms de la réassurance qui conservent cette structure de run-off afin d‟absorber des portefeuilles. Il y a aujourd‟hui plus de repreneurs de portefeuilles que de vendeurs potentiels. Considérez-vous le nouveau cadre règlementaire Solvabilité II comme une opportunité de développement sur le marché français ? Si vous nous aviez posé la question il y a 3 ans, nous vous aurions répondu positivement sans hésiter. Aujourd‟hui nous sommes plus réservés sur le sujet. Nous n‟avons pas observé d‟évolution des mentalités en la matière. Seule l‟Autorité de Contrôle Prudentiel pourrait être à l‟origine de ce développement, en exigeant notamment un audit complet du provisionnement pour certaines branches. Lorsque nous récupérons un portefeuille, nous consacrons les six premiers mois à un audit complet. Cela permet d‟ajuster au plus près les montants enregistrés au bilan. Indépendamment de votre activité de gestion de sinistres avez-vous des activités d’audit simple ? Effectivement, nous pouvons effectuer un audit sans mandat de gestion associé. Nous intervenons alors le plus souvent à la demande de sociétés qui souhaitent racheter le portefeuille. Nous pouvons également intervenir sur des portefeuilles dont la délégation est confiée à un autre prestataire. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 106 sur 129 Interviews Anthony Derien Actuaire – Docteur en science de gestion CBP Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 02 décembre 2010 L’application de la Directive Solvabilité II permet-elle plus de consensus autour de la valorisation d’un passif donné ? Dans le contexte Solvabilité II, les différents éléments du bilan sont évalués en valeur de marché, lorsque celle-ci existe. Pour les passifs qui ne sont pas réplicables (échangeables sur un marché), on trouve un substitut et on retient la somme du Best Estimate (valeur actuelle probable des flux de trésorerie futurs) et de la Risk Margin (rémunération du capital au regard des provisions d‟une branche considérée). Il pourra toujours y avoir divergences d‟appréciation du Best Estimate, mais il faut surtout souligner que la Risk Margin est spécifique à la compagnie d‟assurance concernée. En effet, si le taux aujourd‟hui retenu pour la Risk Margin est de 6% pour tous, le montant du capital sur lequel il s‟applique diffère d‟une compagnie à l‟autre. Il dépend de la composition du portefeuille de la compagnie, avec prise en compte de la diversification. Le montant des provisions et la vitesse de règlement des sinistres ont-elles une incidence directe sur le niveau de fonds propre requis ? Plus le Best Estimate est faible, plus le besoin de capital au titre du risque de provisionnement est faible dans la formule standard. Régler plus vite, à montant égal, augmente par contre légèrement le Best Estimate car l‟effet escompte est moins important, et augmente par conséquent le besoin de capital au titre du provisionnement. Ce sont des effets mécaniques mais qui sont à mettre en perspective avec les bonis / malis de liquidation généralement associés avec l‟accélération des règlements. L‟accélération des règlements sera doute être mieux valorisée avec un modèle interne qu‟avec la formule standard, puisque cette accélération conduira à réduire la volatilité. La durée des passifs d’assurance non-vie est-elle prise en compte par la Directive Solvabilité II ? Les provisions techniques sont actualisées, c'est-à-dire ajustées en fonction de la « valeur temps » de l‟argent. L‟escompte des provisions était interdit sous le régime prudentiel de Solvabilité I. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 107 sur 129 Interviews L‟escompte initialement prévu pour l‟application de Directive était fait via une courbe des taux sans risque. Le QIS5 introduit une nouveauté en ce qu‟il intègre une prime d‟illiquidité en plus du taux d‟escompte utilisé en fonction des passifs étudiés. Cette prise en compte d‟une prime d‟illiquidité réduit le montant du Best Estimate. Elle renvoie à un grand thème de la gestion des compagnies d‟assurances : la gestion actifpassif, jusqu‟ici peu abordée par Solvabilité II. Mais la durée des passifs pose question au niveau même de l‟évaluation du coût probable des engagements. Prendre en considération et anticiper les bonis / malis parait intuitif et justifié mais s‟avère délicat sur une période de 5, 10, 20 ans. Cela nécessite beaucoup d‟hypothèses économiques, une anticipation des comportements futurs et de l‟évolution de l‟environnement juridique. Le régulateur pourrait avoir une appréciation différente de celle retenue par la compagnie sur certaines de ces hypothèses. La nature des branches d’assurance non-vie est est-elle prise en compte par la Directive Solvabilité II dans le cadre du provisionnement ? Le régulateur impose une méthode commune à toutes les branches, comme si toutes ces branches avaient le même comportement. Pour la calibration du risque de réserve, les différentes études quantitatives d‟impact ont retenu des coefficients de volatilité différents selon les branches concernées. Ce paramètre varie donc en fonction de la branche. Mais très souvent ce sont à la fois les paramètres et les comportements qui diffèrent entre les provisions. Il faut par ailleurs souligner qu‟il s‟agit d‟une approche sur un horizon de un an. Horizon à un an mais on continue de provisionner à l’ultime ? Le Best Estimate prend bien en compte l‟estimation de tous les règlements futurs à l‟ultime vus à aujourd‟hui. Mais entre la provision au 1er janvier et la provision au 31 décembre, le règlement peut évoluer. C‟est cet écart que le régulateur demande à voir représenter en fonds propres. Mise à part le cas particulier des retraites, pourquoi le régulateur restreint-il l’utilisation des actions également en regard des engagements pris sur des branches à déroulement long ? Selon certaines analyses financières, les actions ont en moyenne annuelle un rendement de 8% à long terme. Mais aujourd‟hui l‟horizon de supervision proposé par le CEIOPS pour la solvabilité est d‟un an. A court terme, l‟évolution des actions est disparate et peu connaitre de très fortes amplitudes (la crise de l‟été 2008 en est un exemple) et requiert à ce titre d‟immobiliser du capital. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 108 sur 129 Interviews Par ailleurs, la durée moyenne d‟une branche comme la RC automobile reste beaucoup plus courte que la duration d‟un passif en retraite. Le poids global des provisions qui sont réglées sur une longue durée reste relativement faible par rapport aux provisions totales. Aujourd‟hui, il n‟y a pas de réelle vision au sein de la compagnie sur la réallocation des coûts de besoins en capitaux par branche d‟activité puisque les besoins en capitaux sont déterminés par facteur de risques et non selon les risques eux-mêmes. Il n‟y a pas de vision fine permettant d‟identifier les actifs investis selon que la branche est à déroulement long ou court. Comment la réassurance est-elle prise en compte sur les passifs ? Le calcul des provisions doit être effectué au brut et au net de la réassurance. Les mécanismes de transfert de risque sont donc pris en compte. Or, aujourd‟hui tout le monde s‟accorde à dire que Solvabilité II ne prend en compte que de manière imparfaite ce qui est lié à la réassurance non proportionnelle. Le QIS 5 a introduit une petite amélioration sur la prise en compte de la réassurance non proportionnelle mais cette amélioration ne concerne que le risque de prime. Le risque de provisionnement est toujours calculé « à l‟ancienne », avec prise en compte des provisions nettes. L‟effet de seuil n‟est donc pris en compte que de manière imparfaite. La plupart des compagnies d‟assurance de petite et moyenne taille sont contraintes d‟utiliser une méthode imparfaite du fait du manque de moyens informatiques. Elles partent de la sinistralité historique, appliquent leurs traités de réassurance en excédent de sinistre et essaient de prédire le futur sur la base du passé à partir des triangles de développement de sinistralité. Il faudrait partir de la sinistralité brute de réassurance, l‟extrapoler puis appliquer la réassurance. Cette méthode plus « sophistiquée » donne une vision beaucoup plus fine mais nécessite des moyens informatiques conséquents. La nouvelle valorisation des provisions techniques aura-t-elle un impact fiscal ? Les règles prudentielles prennent de manière imparfaite la fiscalité en considération (voir les orientations nationales complémentaires du QIS5 élaborées par l‟ACP). La directive Solvabilité II ne fait pas exception. Le calcul de la charge d‟impôt s‟effectue à partir des états comptables. L‟administration fiscale n‟a pas encore répondu à la problématique de la réintégration des excédents de provisions dans les fonds propres. A suivre donc, notamment avec l‟implémentation des nouvelles normes comptables IFRS. Néanmoins depuis la réalisation du QIS4, il est demandé à toutes les compagnies européennes de considérer que l‟excédent des provisions comptables sur les Best Estimates seront considérés comme des fonds propres et ne seront pas taxés. Cette demande a été faite uniquement dans un but de comparabilité et ne préfigure pas la décision de l‟administration fiscale en 2013. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 109 sur 129 Interviews L’approche Solvabilité II prend-elle en compte l’expertise des compagnies d’assurance ? Pour intégrer l‟expertise d‟une compagnie d‟assurance, on se base sur un historique de données. Un nouvel acteur, par nature sans base de données, devra prendre les paramètres imposés par la formule standard. Ce nouvel acteur sera donc pénalisé par rapport à une compagnie avec expérience qui elle, bénéficie d‟un niveau de volatilité plus faible que la formule standard. Au-delà du coût de mise en place du modèle interne, le manque d‟expérience pourrait poser problème au niveau de la validation de ce modèle interne par le régulateur. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 110 sur 129 Interviews Jacques Charmoy Head of Technical Global Operations AXA Liabilities Managers Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 07 décembre 2010 Pourquoi une structure spécialisée au sein du groupe AXA ? Le groupe AXA a intégré de nombreuses sociétés dans le cadre de sa croissance externe. Pour des raisons d‟ordre stratégique, certaines activités émanant de ces sociétés n‟ont pas été poursuivies. Ce passé a d‟abord été géré de façon disséminée dans le groupe. La création d‟AXA LM en 2001 s‟explique par le besoin de centraliser la gestion de ce runoff. Le groupe avait par ailleurs décidé de se désinvestir de sa société de réassurance AXA Ré. Volonté de désinvestissement déclenchée par le World Trade Center et concrétisée en 2006 lors de la vente à d‟AXA Re au réassureur Paris Re (aujourd‟hui intégré dans Partner Re). AXA LM est un acteur important du marché du run-off qui a été amené à gérer à peu près 9 milliards d‟euros de passif au global. AXA LM est également un acteur important en termes de ressources humaines. La société a compté jusqu‟à 350 salariés. Au fur et à mesure de la gestion, les passifs se sont épuisés. Actuellement AXA LM en gère encore à peu près 3.5 milliards. La société compte aujourd‟hui environ 200 salariés. L‟activité baisse et la décision a été prise de recentrer les activités opérationnelles autour de 3 zones géographiques : un pôle situé aux Etats-Unis, un autre situé en Angleterre et un troisième situé en Suisse. L‟activité opérationnelle de Paris est progressivement transférée dans ces 3 pôles. Qu’est-ce qu’un portefeuille en run-off ? Quand un assureur décide d‟arrêter de souscrire de nouveaux risques, on dit qu‟il est en « run-off ». Des assureurs ou des réassureurs ont perçu des primes et se sont engagés en contrepartie à régler des sinistres. Le jour où ces (ré)assureurs cessent de percevoir de nouvelles primes, une grande partie des sinistres rattachés aux primes déjà perçues peut avoir été déclarée et réglée mais des sinistres sont sans doute encore en cours d‟évaluation ou de règlement. Certains de ces sinistres font l‟objet de litiges. Le (ré)assureur a constitué des provisions appelées réserves pour régler ces sinistres sur la durée, jusqu‟à ce que le portefeuille soit épuisé. Les réserves sont constituées de ce qui a été déclaré par les assurés aux assureurs et des frais de gestion. L‟assureur est souvent amené à mettre des réserves complémentaires sous forme d‟IBNR (Incurred But Not Reported) c'est-à-dire des réserves qui couvriront des sinistres non encore connus du (ré)assureur mais qui pourraient être déclarées par la suite. Ces réserves sont ajustées au fil du temps, en fonction des nouvelles déclarations et des règlements effectués. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 111 sur 129 Interviews Des techniques actuarielles permettent de calculer un développement de sinistralité soit en fonction de l‟expérience passée, soit en fonction des polices souscrites et des garanties accordées. Les réserves sont relativement faciles à déterminer pour des branches à déroulement court, c'est-à-dire pour des garanties de dommages matériels. L‟opération est beaucoup plus délicate pour les branches à déroulement long, c'est-à-dire pour des garanties de responsabilité civile, des garanties financières, de caution, de construction ou en encore d‟assurance vie. Certains sinistres déclarés ne font jamais fait l‟objet de réclamation, ces réserves dites « dormantes » constituent un surplus de réserve. A l‟inverse, le nombre de déclarations peut être plus élevé que ce qui avait été envisagé dans le passé. La préoccupation d‟un gestionnaire de run-off est de savoir si les réserves sont suffisantes pour gérer et liquider l‟ensemble du portefeuille. La société AXA LM a-t-elle déjà procédé à l’achat de passifs externes au groupe ? L‟épuisement du portefeuille en gestion, bien que souhaité, pose problème pour le maintien de l‟activité du gestionnaire de run-off. Jusqu‟à présent, le groupe confiait très régulièrement la gestion de nouveaux portefeuilles à AXA LM. A partir de 2008, la décision a été prise de rechercher à l‟extérieur des portefeuilles à acquérir afin d‟en extraire de la valeur. L‟équipe développement se charge donc de rechercher sur le marché des portefeuilles en run-off à vendre. A ce jour AXA LM a acquis deux portefeuilles allemands : BF Rück et une partie du portefeuille d‟un pool d‟assurance/réassurance. Comment évaluer un portefeuille en run-off ? L‟équipe acquisition d‟AXA LM est à même d‟apprécier, à un moment donné, le montant des réserves qui devrait être associé à un portefeuille. Il convient également d‟apprécier le montant des créances sur les réassureurs associées à ce portefeuille. Au-delà des éléments techniques, les produits financiers sur le placement des réserves sont également pris en considération et tempérés par les risques de placement. Cette appréciation s‟entend jusqu‟à l‟ultime, c'est-à-dire jusqu‟à ce que tout soit terminé. Si le portefeuille est considéré comme « sur-réservé » un prix est communiqué au vendeur, si le portefeuille est considéré comme « sous-réservé » la reprise du portefeuille est effectuée moyennant paiement d‟un prix par le vendeur. L’évaluation passe-t-elle par un audit dossier par dossier ? Un portefeuille pouvant contenir plusieurs milliers de polices, un audit dossier par dossier s‟avère impossible à mener en pratique. Les dossiers les plus importants sont par contre bien sûr étudiés. L‟opération de « due diligence » consiste en un audit très serré des risques Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 112 sur 129 Interviews techniques mais aussi des risques financiers et des systèmes d‟information. Toute l‟activité de la société est passée au crible et analysée avant d‟émettre une proposition d‟acquisition. Pensez-vous que la nouvelle approche prudentielle des provisions techniques par la directive Solvabilité II génèrera plus d’homogénéité dans l’appréciation des provisions ? Solvabilité II ne résoudra pas tout. Un Best Estimate reste un Best Estimate. Chaque actuaire aura toujours sa propre appréciation, que ce soit au sens de la comptabilité technique ou au sens de Solvabilité II. Solvabilité II donne des pistes pour faire des calculs d‟appréciation de risque et effectivement, si tout le monde utilise les mêmes formules à partir des mêmes données, normalement on devrait obtenir des résultats assez proches Mais ce n‟est pas parce que les résultats sont homogènes qu‟ils sont justes et qu‟ils reflèterons l‟avenir On se fait toujours rattraper par de nouveaux risques, de nouveaux scénarios non envisagés. L’appréciation d’un portefeuille passe-t-elle nécessairement par des actuaires ? Nos actuaires ont une vision spécialisée run-off. Dans la cadre d‟une activité classique en cours, le rôle principal de l‟actuaire est de savoir quelle partie de prime provisionner pour les sinistres à venir. Dans le cadre du run-off, la connaissance du développement de la sinistralité est beaucoup plus fine et réelle que sur une police qui vient d‟être émise. On peut travailler à partir d‟éléments matériels beaucoup plus concrets, à partir de la connaissances des « cycles » (plus ou moins bonnes années), de la connaissances des acteurs. L‟appréciation des portefeuilles est effectuée dans un environnement concurrentiel. Il faut proposer le meilleur prix mais qui permette de générer un résultat économique satisfaisant. Certaines acquisitions semblent avoir été réalisées à très hauts prix sur le marché ces dernières années ? Certaines acquisitions se sont faites à des prix que nous n‟aurions pas acceptés. Mais chaque société à sa façon de procéder et ensuite de générer du résultat. Par ailleurs, une société qui se positionne pour acquérir un portefeuille avec les mêmes caractéristiques que son propre portefeuille est en meilleure position. La gestion sera dupliquée mais ses frais de gestion ne seront pas augmentés. Certaines sociétés de gestion de run-off ont par le passé généré des résultats extrêmement intéressants, qui ont attiré d‟autres acteurs. Beaucoup de sociétés ont ensuite arrêté cette activité car elles n‟obtenaient pas les mêmes résultats que leurs concurrents. Prenons un exemple où une société A avec 100 de provisionnement est achetée 90 par une société B qui estime pouvoir s‟en sortir avec 80. La société B peut décider de faire ressortir Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 113 sur 129 Interviews ces 10 de profit aussitôt, sous forme de dividendes ou de réduction de capital. Mais cela laisse très peu de marche de manœuvre pour les années qui suivent. Pour perdurer dans cette activité il faut d‟abord acquérir à de bonnes conditions (ce qui est de plus en plus difficile) et gérer au plus près. Une fois que le portefeuille est acquis, quels sont les leviers de création de valeur ? AXA LM joue sur plusieurs leviers de création de valeur : La gestion des sinistres. Il s‟agit notamment d‟analyser les réclamations et de les confronter aux conditions contractuelles. Il s‟agit également de privilégier les transactions. Régler un sinistre pour un montant moindre que celui des provisions constituées pour ce sinistre, génère automatiquement un boni. Il n‟est pas forcément nécessaire de faire ressortir immédiatement ce boni, il peut être conservé pour bénéficier de plus de marge de manœuvre sur le reste du portefeuille. La réassurance cédée. Les créances sur réassureurs constituent une part importante des actifs d‟une compagnie en run-off. Il s‟agit d‟analyser le risque d‟insolvabilité, immédiate ou à venir, du réassureur, notamment lorsqu‟il a cessé ses activités. Il s‟agit également d‟anticiper les éventuelles difficultés à venir au regard de l‟ensemble de la relation contractuelle avec un réassureur donné. Ces créances peuvent être immédiatement valorisées en proposant des commutations : une somme d‟argent est alors perçue qui génèrera des produits financiers et devra permettre au global de régler tous les sinistres qu‟aurait dû régler le réassureur. La réassurance acceptée. Il est possible d‟approcher les cédantes pour leur proposer de commuter le portefeuille cédé. La gestion actif passif. Les placements financiers doivent être le reflet des engagements techniques Il convient de disposer des devises nécessaires au règlement des sinistres dans le monde entier pour éviter le risque de change ; Il convient également de provisionner nos engagements à venir de façon congruente, c'est-à-dire dans les monnaies de règlement des sinistres. Il convient également d‟adapter la duration des placements financiers à la durée des engagements et aux périodes anticipées de règlement des sinistres. L’optimisation de bilan. Il s‟agit d‟analyser les bilans et de générer des économies sur la gestion de ces bilans. Il peut s‟agir de crédits d‟impôts à utiliser ou encore de provisions pour créances douteuses à libérer. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 114 sur 129 Interviews L’acquisition d’un portefeuille d’assurance vous semble-t-elle envisageable ? Il est possible d‟acquérir des portefeuilles d‟assurance en run-off. Certains de nos concurrents le font comme les sociétés Enstar, Tawa, Randall & Quilter. Nous préférons acquérir des portefeuilles de réassurance qui sont plus aisés à liquider. S‟agissant de relations contractuelles entre professionnels, les autorités de contrôle sont moins intéressées. Est-il envisageable d’acquérir un portefeuille identifié sans acquérir la compagnie qui le détient ? Il est possible de transférer un portefeuille d‟une compagnie à une autre compagnie. On transfère alors non seulement les affaires, mais aussi tous les actifs associés à ces affaires. Cela nécessite que ces actifs soient cantonnés et transférables. Cela ne pose pas de difficultés particulières, mais c‟est parfois un peu compliqué dans la mise en application. Les autorités de tutelle supervisent cela de près, il faut reporter ce que l‟on fait et obtenir un accord préalable. Comment créer de la valeur à partir d’une commutation ? Une commutation consiste à racheter une police d‟assurance ou un contrat de réassurance. Il s‟agit le plus souvent d‟un rachat de contrat de réassurance. Pour l‟assuré ou la cédante, la créance à venir (qui se trouve à l‟actif du bilan) est instantanément valorisée par la commutation, via un paiement cash. Le niveau de provisionnement à l‟actif reste le même puisque calculé au brut de réassurance. Lorsqu‟un réassureur cesse son activité, il cherche en général à accélérer la liquidation de son portefeuille à de bonnes conditions de façon à pouvoir extraire le maximum de valorisation de son portefeuille. Il propose alors des commutations aux cédantes. Il développe un argumentaire en précisant que les sinistres seront discutés de façon beaucoup plus stricte que dans un cadre commercial classique. Le process se déroule en quatre phases : Définition du périmètre de la commutation. Le nombre de contrats et les branches d‟activités concernées sont identifiés et le plus souvent listés. Réconciliation financière. Chaque partie annonce le montant associé à ces contrats dans ses livres. Montant global mais souvent également contrat par contrat. Certains retards de traitement peuvent alors être observés, parfois du fait d‟intermédiaires. Ces montants visent les réserves pour sinistres en suspens, les comptes courants et d‟autres éléments techniques tels que les dépôts titres ou espèces et les lettres de crédit. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 115 sur 129 Interviews Négociation du prix. La cédante souhaite généralement intégrer des IBNR, parfois une prime de risque pour se libérer de la sécurité du réassureur. Un taux d‟escompte est négocié dans la mesure où le paiement immédiat de sinistres qui seront réglés dans le futur génère des profits financiers. La duration de ce taux d‟escompte (durée sur laquelle il doit s‟appliquer) est également prise en compte. Rédaction de l’accord de commutation. Avec précision des modalités de règlement. Une fois le prix payé, le réassureur se considère comme désengagé. Il faut alors annuler les éléments techniques enregistrés, les remplacer par un paiement forfaitaire et réallouer ce paiement contrat par contrat. Les commutations sont –elles envisageables en assurance ? Le rachat de police est compliqué mais réalisable. Le plus souvent avec un assuré professionnel, de type industriel, qui souhaite valoriser ses anciennes polices d‟assurance. Il s‟agit de « policy buy-back ». Cela se fait en général contrat par contrat, ou série de contrats par série de contrats, sur des polices long terme de type RC. Disposez-vous d’une base tiers puissante ? Notre base tiers est assez complète avec environ 15.000 contreparties enregistrées. Nous avons essayé de conserver l‟historique des compagnies et de décrire les liens capitalistiques en cours. Ce n‟est pas évident à suivre, surtout en cas de cessions partielles de portefeuilles A un instant T il est extrêmement difficile de savoir que tel contrat est lié à telle compagnie. On connaît la compagnie d‟origine, on en garde trace grâce aux éléments financiers qui transitent. Les difficultés d‟identification surgissent lorsque ces éléments financiers ne transitent plus depuis un certain temps. En tant que cédante avez-vous été confrontés à des procédures de Schemes of Arrangement ? Une équipe spécialisée suit nos cessions ainsi que les liquidations et les Schemes y afférent, non seulement pour l‟ensemble d‟AXA LM mais aussi pour l‟ensemble du groupe AXA. Le fait de déclarer ses créances permet de peser dans le cadre du Scheme. Il y a certainement eu des ratés dans le passé mais nous sommes aujourd‟hui extrêmement attentifs à tout cela. En cas de doute, nous préférons déclarer un contrat même s‟il est finalement écarté par le liquidateur. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 116 sur 129 Interviews Ces procédures vous semblent-elles transposables au marché français ? Les acteurs français utilisent peu ces outils anglo-saxons, d‟autant qu‟un lien avec la Grande Bretagne doit être établi pour les utiliser. La mise en place d‟un Scheme est par ailleurs un processus assez lourd et coûteux et qui présente un certain risque en ce qu‟il est soumis au vote des créanciers. Les compagnies françaises travaillent de façon plus traditionnelle en proposant des commutations ou en assumant leur run-off sur la durée. Les transferts de portefeuilles ont été plus utilisés que les Schemes. Des solutions individuelles sont trouvées au sein de chaque entreprise pour la gestion des run-offs : Gestion interne Structure interne spécialisée dans le run-off Vente à une structure spécialisée Délégation de gestion à une structure spécialisée Réassurance sous forme généralement de stop-loss sur des durées extrêmement longues. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 117 sur 129 Interviews Maurice Truffert Consultant - Maurice Truffert Consulting Chargé d’enseignement à l’Université de Paris II, Panthéon Assas Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 13 décembre 2010 Le run-off donne lieu à de nombreuses définitions, qu’en pensez-vous ? Lorsqu‟un contrat d‟assurance ou de réassurance est en run-off, cela signifie qu‟il y a des liens contractuels qui subsistent jusqu‟à ce que tous les suspens soient terminés. Cela peut durer très longtemps. Il y a plusieurs façons d‟aborder le run-off : sur le plan technique ou sur le plan financier, notamment. Le marché français ne semble pas particulièrement organisé en matière de gestion de portefeuilles en Run-off ? Quelques acteurs se sont organisés. Le groupe Sprinks117 avait par exemple créé le Run-Off Club afin de gérer le run-off en réassurance de toutes les compagnies qui participaient au pool d‟assurance/réassurance du groupe. Un autre exemple avec le groupe AXA qui a créé AXA Liabilities-Managers il y a 10 ans. Pouvez-vous évoquer votre expérience professionnelle en matière de Run-off ? Pendant 5 ans dans ma carrière j‟ai géré les sinistres provenant du run-off de réassurance de la CTR et de Corifrance à Paris pour le compte de RiverStone, qui depuis a fermé le bureau de Paris. La société Corifrance a cessé de souscrire en 2004. Le run-off de Corifrance a été vendu par Markel à Fairfax, qui l‟a logé chez Riverstone pour le faire traiter à Paris. La CTR118 a quant à elle cessé de souscrire après les tempêtes Lothar et Martin de 1999. La maison mère Odyssey Re a alors décidé de continuer à souscrire à Paris au nom d‟Odyssey Re, mais sur le capital de la société située à New-York. Une fusion a été réalisée entre la CTR Management et Riverstone, conséquence de l‟unicité de l‟actionnariat. L‟avis de fusion a été publié dans les journaux d‟annonces légales, pour officialiser à l‟égard des cédantes. Il n‟y a donc pas eu besoin de faire signer d‟accord de novation aux cédantes. 117 ICS Assurances, anciennement groupe Sprinks a été mise en liquidation après le retrait de l'ensemble de ses agréments par les autorités de contrôle en juillet 1999 118 La Compagnie Transcontinentale de Réassurance Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 118 sur 129 Interviews A partir de 2002, j‟étais responsable de la gestion du run-off des sinistres des acceptations de la CTR tant pour les traités que pour les facultatives, pour les branches vie et non-vie, et à partir de 2004 du portefeuille des sinistres en run off de Corifrance. La gestion de ces Run-off a-t-elle été profitable ? De bonnes « commutations » ou des rachats des engagements sur les portefeuilles sinistres ont été effectués. Certains de ces rachats / commutations ont-ils fait par la suite l’objet de demandes de réouverture par les cédantes ? Non, dès lors que l‟accord de rachat a été régularisé sans qu‟aucune réserve ne soit émise, il n‟y a aucune raison de le rouvrir. Des rachats avec réouvertures contractuelles existent sur le marché de Londres. Les syndicats des Lloyds, transfèrent au bout de 3 ans, les sinistres en suspens de l‟exercice clos, pour une branche donnée vers l‟année suivante. Les Lloyds travaillent beaucoup en transport et en IARD mais travaillent moins en RC. Il peut arriver que des syndicats Lloyds veulent terminer une année et émettent une proposition de rachat avec des réserves pour certains sinistres -qui sont identifiés dans l‟accord- permettant de rouvrir, en cas de dégradation notoire ces sinistres dénommés. La gestion d’un Run-off de portefeuille passe-t-elle nécessairement par ces propositions de commutations ? Cela dépend des branches. Par exemple, les commutations sont peu fréquentes en France sur la RC automobile. Le temps de liquidation des sinistres est très long, la cédante a donc peu de visibilité. Par ailleurs les cédantes françaises disposent très souvent de garanties de la part des réassureurs : les « dépôts » des provisions pour sinistres en suspens. Pour le portefeuille CTR et Corifrance, nous avons commuté tout ce qu‟il était possible de commuter, en France, et après la fermeture du bureau de Paris, le Run-off a été et est géré par le bureau de Brighton. La CTR avait souscrit un portefeuille important de réassurance facultative dans les années 1990 (comme d‟autres compagnies telles que QBE, CCR, MCR, ou Sorema) avec notamment beaucoup de risques de plate-formes de forage ou de risques d‟exploitation offshore. Des commutations ont été acceptées par les cédantes pour ce type de risque. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 119 sur 129 Interviews Un dialogue peut-il s’engager avec l’assuré dans le cadre de commutations en réassurance facultatives ? Le principe de l‟absence de liens juridiques entre réassureur et assuré vaut aussi bien en réassurance traités, qu‟en réassurance facultative. Il y a toujours deux contrats séparés : un contrat assuré – compagnie d‟assurance et un contrat compagnie d‟assurance – compagnie de réassurance. La seule exception de fait est celle des captives de réassurance de groupes industriels, puisque la captive appartient à l‟assuré. Les autorités de contrôle se sont-elles intéressées à la gestion du Run-off de la CTR ou de Corifrance ? Pas à ma connaissance. S‟agissant de relations contractuelles entre professionnels, l‟ACAM n‟avait pas vraiment à intervenir. Par ailleurs, les cédantes françaises bénéficiant de garanties sous la forme des dépôts ont une certaine liberté face à ces engagements. Pensez-vous que certaines techniques de gestion de Run-off utilisées par les réassureurs soient transposables en assurance directe, avec par exemple des policy buy-back comme équivalant des commutations ? Des rachats de polices d‟assurance directe semblent difficiles à mettre en place. En revanche, les compagnies d‟assurance disposent toujours de la possibilité de transiger pour un sinistre donné. Des compagnies comme AXA utilisent d‟autres techniques de gestion de run-off, comme la titrisation par exemple. De façon plus générale, lorsque l‟augmentation des engagements d‟une compagnie d‟assurance pose question au regard des ratios de marge de solvabilité, il est possible, soit d‟augmenter ses fonds propres soit de baisser ses engagements. Pour baisser les engagements, on peut utiliser la réassurance ou la titrisation. En se réassurant ou en titrisant, la compagnie d‟assurance dégage son haut de bilan. Avec Solvabilité II, la réassurance revient à un de ses objectifs primaire et historique : pallier l‟absence de fonds propres. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 120 sur 129 Interviews Florimond Delalande Comptable Assurance BNP Paribas Assurance Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 15 décembre 2010 Les provisions techniques inscrites au bilan d’une compagnie d’assurance représentent-elles l’ensemble des provisions techniques de cette compagnie ? (Indépendamment des exercices de souscription des polices ou de survenance des sinistres) Effectivement, le bilan est une photographie de la situation de l‟entreprise à une date donnée. Sur des cycles longs les provisions techniques peuvent concerner des sinistres survenus depuis plusieurs années. Les états prudentiels détaillent par contre le déroulé des provisions techniques. Quelles sont les conséquences au bilan d’une baisse des provisions techniques ? Lorsque le niveau des provisions techniques baisse, le résultat global augmente du fait de l‟augmentation du résultat technique. A la fin de l‟année comptable, lorsque l‟on constate le résultat, plusieurs décisions de gestion sont envisageables pour l‟affecter : - Mettre le résultat en réserve (plusieurs types de réserves), ce qui revient à augmenter les capitaux propres - Distribuer le résultat, ce qui peut être considéré comme une réduction des capitaux propres Quelles sont les conséquences d’un provisionnement au plus juste tel que le préconise la Directive solvabilité II ? Le fait de provisionner au plus juste engendre une plus grande volatilité sur le résultat. En flux tendus, le résultat est beaucoup plus réactif à l‟exercice réel des sinistres. Cette plus forte volatilité du résultat est-elle gênante ? Cela impose un niveau de capitaux propres suffisant pour éventuellement venir compenser un mauvais résultat. Un provisionnement très prudent pouvait laisser la possibilité aux compagnies d‟assurance de « piloter les résultats » à partir du poste provisions techniques. Cela peut paraître aberrant sur un plan fiscal mais il s‟agit d‟une spécificité de l‟assurance due au cercle inversé. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 121 sur 129 Interviews Qu’est-ce qu’un boni de liquidation ? Il s‟agit du niveau de « sur-provisionnement ». Il est constaté a posteriori, en comparant les provisions constituées dans le passé aux sinistres effectifs. Prenons un risque court : une provision pour sinistre à payer de 100 est constituée l‟année N, en N+1 on constate que les sinistres ne se sont réalisés qu‟à hauteur de 80, le boni de liquidation est de 20. Une réduction de la marge de prudence dans les provisions, génère d‟abord la constatation de boni sur le plan comptable. Dans ce nouveau contexte de prudence, les bonis de liquidation devraient par la suite être considérablement réduits. Dans l‟environnement Solvabilité II, nous devrions constater plus de mali de liquidation qu‟aujourd‟hui. Le mali ne sera alors plus nécessairement l‟expression d‟une mauvaise gestion. Ces bonis de liquidation sont-ils taxés aujourd’hui ? Oui, il s‟agit de la « taxe sur les bonis », ou plus exactement de la « taxe sur les excédents de liquidation de provision ». Cette taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. L‟impôt différé à l'occasion de l'inscription en comptes de la (sur)provision, n'est payé qu'au moment de la liquidation et constitue un avantage de trésorerie. Pour faire simple, c'est un intérêt de retard. Plus la provision initiale est ancienne, plus la taxe est élevée. La fiscalité va-t-elle évoluer avec la Directive Solvabilité II et les nouvelles normes IFRS ? Les normes comptables ont la particularité d‟être très proches des règles fiscales en France. Mais la fiscalité intervient de façon totalement autonome et n‟a pas vocation à s‟adapter aux évolutions comptables et prudentielles. Beaucoup de règles comptables actuelles sont en fait l‟application de règles fiscales. Le nouveau référentiel IFRS se veut totalement différent. Avec son approche économique, il s‟éloigne des règles fiscales. On tend de plus en plus à la multiplicité des reportings : comptable, fiscal et prudentiel. Ce qui renvoie au système américain. En cas de transfert de portefeuille, les actifs transférés avec les passifs sont-ils identifiés ? L‟actif doit être suffisant pour couvrir le passif et respecter des règles de congruence, mais les actifs ne sont pas nécessairement identifiés comme associés à tel ou tel passif. Un choix doit donc être opéré lors de la négociation relative à un transfert de portefeuille. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 122 sur 129 Interviews Noël Bugnet Associé KPMG Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 17 janvier 2011 Le nouvel environnement Solvency II est-il selon vous susceptible de donner une nouvelle impulsion au marché du Run-off en France? Pas à mon sens. Il est vrai qu‟il y a déjà au moins sept ans que certains professionnels du secteur ont anticipé le fait que l‟allocation du capital rendrait beaucoup plus fluide le marché du Runoff. Dans les faits, la Directive Solvabilité II est plutôt appréhendée dans sa globalité. Le raisonnement de l‟allocation du capital sur la base du Run-off n‟est pas pris en considération. Ceci est essentiellement dû au fait que les Run-off ne sont pas identifiés en tant que tel en France. L’identification de sinistres affectant des branches qui ne font plus l’objet de souscription active ne semble pourtant pas compliqué à réaliser ? Se pose la question de l‟intérêt de l‟identification de ces sinistres : S‟agit-il d‟effectuer une gestion spécifique ? La mise en Run-off d‟une branche ne devrait pas changer pas le mode de gestion des sinistres sur cette branche. La gestion se doit de rester efficace, comme elle doit l‟être également pour les branches « actives ». Une gestion efficace passe par un règlement rapide de l‟ensemble des sinistres. Il n‟y aucune raison d‟attendre d‟être en Run-off pour accélérer le règlement des sinistres. S‟agit-il d‟externaliser via une gestion pour compte ? Cela peut prendre sens dans certaines circonstances, comme par exemple lorsqu‟une entreprise étrangère cesse toute souscription en France. S‟agit-il de « céder » ces sinistres ? Aujourd‟hui le marché de la cession est peu actif, notamment du fait du faible nombre d‟interlocuteurs. La cession d‟un portefeuille sinistre implique par ailleurs de trouver une solution pour les personnes anciennement en charge de ce portefeuille. Certains investisseurs étrangers se disent pourtant prêts à intervenir sur le marché ? Essentiellement sur des engagements de réassurance. Travailler en Business to Business plutôt que face à des assurés change en effet beaucoup la donne. Par ailleurs, reprendre des engagements d‟assurance nécessite d‟avoir obtenu des agréments spécifiques en tant que compagnie d‟assurance. Le marché de l‟assurance est beaucoup plus règlementé que le marché de la réassurance. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 123 sur 129 Interviews Quid de la délégation de gestion ? Il y a du sens à déléguer la gestion de certains sinistres et il y a plusieurs interlocuteurs sur le marché. La société Capita, par exemple, qui travaille aussi bien sur des Run-off que sur des branches actives, ou encore la société Van Ameyde très spécialisée dans la gestion des cartes vertes. Mais ces structures n‟atteignent pas la taille des structures du marché de Londres. Dans la culture anglo-saxonne, il semble beaucoup plus naturel d‟externaliser les éléments qui ne rentrent pas dans le « core business ». Comment intervenez-vous en France dans le cadre de KPMG ? Pour prendre un exemple : Lorsque le groupe Royal Sun Alliance a décidé de cesser de souscrire et de gérer son Runoff, KPMG a trouvé un tiers pour la délégation de gestion et a contrôlé cette gestion. KPMG a effectué un suivi de la gestion de sinistres, a émis des reportings et était en charge de toute la partie « administrative » du Run-off : fiscalité, comptabilité, droit des sociétés, relations avec les autorités de contrôle. Pourquoi sous-traiter auprès de KPMG le contrôle de la délégation de gestion et les aspects reporting ? La sous-traitance vers un tiers indépendant génère un gain de productivité. Nous intervenons en tant que contrôleur de l‟ensemble des opérations. KPMG analyse, préconise et vérifie la mise en œuvre de solutions y compris en termes de bonne gestion. Cela peut par exemple être la mise en œuvre d‟une transaction pour éviter une action judiciaire coûteuse en temps et en frais. Notre rôle est d‟accélérer le processus de règlement. Nous intervenons aussi auprès de réassureurs pour effectuer des audits de portefeuilles. Etes-vous spécialisés dans une branche en particulier ? Nous intervenons aussi bien en assurance vie non-vie qu‟en réassurance vie, non-vie. Nous faisons régulièrement appel à des spécialistes externes. A l‟intérieur de KPMG existe un réseau (hors audit) appelé Insurance Solutions qui regroupe les professionnels en charge de dossiers du type Run-off. Les échanges lors des réunions de réseau montrent que les approches sont totalement différentes d‟un pays à l‟autre. Le marché de Londres, par exemple, permet la procédure très particulière du Solvent Scheme of Arrangement. C‟est un marché beaucoup plus pragmatique que le marché français. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 124 sur 129 Interviews Intervenez-vous également en matière de transfert de portefeuille ? Nous intervenons pour compte. Nous l‟avons fait par exemple sur des dossiers responsabilité civile des notaires. Les dossiers ont été transférés aux Mutuelles du Mans acteur principal du marché. Sur des risques à déroulement aussi long, les compagnies qui ont cessé de souscrire trouvent intérêt à céder leur portefeuille. Vous évoquiez l’intérêt de la mise en place d’un système de contrôle externe, y a-t-il une évolution du marché français en la matière ? Le nombre d‟acteurs est ici aussi extrêmement restreint. Le contrôle reste difficile à admettre par les structures internes. Il s‟agit pourtant avant tout d‟une marque d‟intérêt pour l‟activité contrôlée. Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 125 sur 129 Interviews Bibliographie Ouvrages généraux BARLOW LYDE & GILBERT LLP – Reinsurance Practice and the Law – Informa, édition mise à jour périodiquement PARTRAT C., LECOEUR E., NESSI JM., NISIPARU E., REIZ O., Provisionnement technique en Assurance non-vie Perspectives actuarielles modernes, Economica, 2007 BLONDEAU J., PARTRAT C., La Réassurance Approche technique, Economica, 2003 Etudes et articles « Mixed emotions » - Run-off & Restructuring n°35 - Hiver 2010 « Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer » - Arthur Charpentier - Laurent Devineau - Jean-Marie Nessi - Risques n°83 - Septembre 2010 « Portfolio transfers in Europe » - Run off & restructuring n°34 – Automne 2010 « Schemes after Scottish Lion » - Run off & restructuring n°33 – Eté 2010 « Throwing light on scheme statistics » - Insider Quaterly n°34 – Eté 2010 « Solvent Schemes of Arrangement: The Scottish Lion Mauled » - Insurance and Reinsurance Review - Décembre 2009 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 126 sur 129 Interviews « L'an 1 de l'application de la directive » - L‟Argus de l‟assurance - 04 septembre 2009 « The Solvency II factor » - Insurance day special “run-off perspectives” - Juin 2009 « Trends in the acquisition of insurance companies in run-off » - Insurancedigest Sharing insights on key industry issues – PricewaterhouseCoopers - Février 2009 « Transactions The Buying and Selling Process » - Supplément spécial à la revue Run-off & Restructuring - Hiver 2008 « Le Run-Off toujours dans les starting-blocks » - L‟Argus de l‟assurance – 03 octobre 2008 « Provisionnement des sinistres en assurance de dommages : progresser sur un défi stratégique » - Sigma – Compagnie Suisse de Réassurances - Février 2008 « Retrospective reinsurance – Minimise reserve risk and obtain risk capital relief » Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft - 2007 « La côte du Run-off toujours à la hausse » - La Tribune de l‟assurance - Novembre 2006 « Run-off » Les chasseurs de passifs attendent leur or » - L‟Argus de l‟assurance – 18 novembre 2005 « The run-off phenomenon – Extracting value from discontinued business » - Swiss Reinsurance Company Zurich – 2000 « Le transfert alternative des risques (ART) pour les entreprises : phénomène de mode ou formule idéale pour gérer les risques au IIIe millénaire » - Swiss Re - Sigma n°2/1999 « Commutations of Claims » - A Casualty Actuarial Society Study Note, Lee R. Steeneck 1998 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 127 sur 129 Interviews Rapports « Insurance Portfolio Transfers: Move on and let go » – International Bar Association Insurance Committee Substantive Project - 2010 « Run-off survey 2010 - Run-off in property/casualty insurance and reinsurance in Germany, Switzerland and Austria » - KPMG AG Wirtschaftsprüfungsgesellschaft - 2010 « The KPMG Run-off survey: Non-life insurance » - KPMG LLP - Octobre 2010 « Unlocking value in run-off A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe » PricewaterhouseCoopers LLP - Mars 2010 « Principaux enseignements de la quatrième étude quantitative d‟impact (QIS4) » ACAM - décembre 2008 QIS4 on Solvency II Country Report for France - Septembre 2008 « Principaux enseignements de la troisième étude quantitative d‟impact (QIS3) » - ACAM - Décembre 2007 Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 128 sur 129 Interviews Abréviations ACAM Autorité de Contrôle des - Assurances et des Mutuelles ACP Autorité de Contrôle Prudentiel CEIOPS Comité européen des contrôleurs Committee of European d‟assurance et de pensions Insurance and Occupational professionnelles Pensions Supervisors Autorité européenne de contrôle du European Insurance and secteur des assurances et des Occupational Pensions Authority EIOPA - retraites professionnelles FFSA Fédération Française des Sociétés - d’Assurance GEMA Groupement des Entreprises - Mutuelles d’Assurance Survenus (déclarés) mais pas Incurred But Not Enough suffisamment provisionnés Reported IBNR Survenus mais non déclarés Incurred But Not Reported IBNYR Survenus mais non encore déclarés Incurred But Not Yet Reported IFRS Normes internationales International Financial Reporting d‟information financière Standard LPT Transfert de portefeuille sinistres Loss Portfolio Transfer ORSA Evaluation interne des risques et de Own Risk and Solvency la solvabilité Assessment QIS Etude quantitative d‟impact Quantitative Impact Study SCR Capital de solvabilité requis Solvency Capital Requirement IBNER Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011 Page 129 sur 129 Thèse soutenue en mars 2011 pour l’obtention du MBA Manager d’entreprise d’assurances Sous la direction de : Denis PROUST Président du Jury : François EWALD Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances. L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires : • les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles qu’on peut les observer à l’étranger ; • les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ; • « les travaux de l’Enass », que nous lançons aujourd’hui, sont destinés à faire bénéficier la profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur papier ou même, être édités. Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables. François Ewald Directeur de l’Ecole nationale d’assurances