La chasse aux passifs est-elle ouverte ? Le run

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La chasse aux passifs est-elle ouverte ? Le run
l’Enass
Ecole nationale d’assurances
La chasse aux passifs est-elle ouverte ?
Le run-off à l’aube de Solvabilité II
Fabienne LEROY
Ecole nationale d'assurances
« Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses,
mais adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières. »
Sun Tzu, L’Art de la Guerre
Résumé
De nombreuses entreprises se sont construites autour du Run-off d‟assurance non-vie ces
trente dernières années, en particulier au Royaume-Uni. Elles travaillent essentiellement à
partir de provisions techniques, constituées par les compagnies d‟assurance et de
réassurance pour faire face à leurs engagements à l‟égard des (ré)assurés. Elles
s‟intéressent plus particulièrement aux branches à déroulement long où les provisions sont
plus importantes et plus volatiles. L‟objectif principal de ces entreprises spécialisées est de
réduire le volume des engagements afin de dégager du résultat. Les services proposés sont
multiples : achat de provisions et des actifs qui y sont associés, gestion de sinistres
optimisée, audit de portefeuilles, recouvrement de créances auprès de réassureurs ou de
rétrocessionnaires lorsqu‟il y a eu transfert de risques vers ces derniers.
Ces entreprises cherchent aujourd‟hui à se développer en Europe continentale. Elles
considèrent la France comme un marché potentiel, mais difficile à pénétrer. Seuls les
grands groupes d‟assurance et de réassurance français traitent spécifiquement la question
de leur Run-off. Ils ont pour la plupart créé une structure dédiée. Les autres entreprises
gèrent leurs provisions techniques indifféremment, qu‟elles soient ou non afférentes à des
contrats encore objet de souscription active.
La mise en place progressive de la Directive Solvabilité II pourrait changer la donne. Elle
pose une grille d‟analyse des risques plus fine, qui passe par une segmentation des affaires,
et devrait conduire les compagnies à identifier la part de leurs provisions qui relèvent de
catégories de contrats aujourd‟hui en Run-off. Elle instaure par ailleurs un nouveau mode
d‟évaluation des provisions techniques qui tient compte des produits financiers générés par
le placement de ces provisions et réduit la marge de prudence traditionnellement prévue
par les acteurs français. Elle change enfin radicalement la détermination du capital de
solvabilité qui considérera notamment le risque de provisionnement ainsi que le risque de
contrepartie à l‟égard des protections de réassurance.
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Ce nouvel environnement règlementaire incitera les acteurs français à intégrer la
dimension du Run-off dans leurs provisions. Le coût et la qualité de gestion seront
analysés. Le montant de capital à mobiliser sera mis en exergue.
Différentes options stratégiques s‟offriront alors, qui pourront passer par :
la mise en place d‟une nouvelle organisation,
le recours aux entreprises spécialisées en gestion de Run-off,
la souscription de protections de réassurance rétroactives.
Les créances sur les réassureurs sont elles aussi à apprécier sous un nouvel angle. Il s‟agit
de limiter le risque de contrepartie qu‟elles génèrent. Les compagnies d‟assurance peuvent
s‟engager vers une gestion plus suivie et proactive de la relation contractuelle qu‟elles
nouent au long terme avec leurs réassureurs.
Mots clefs :
Provisions – Réassurance – Run-off – Schemes of arrangement - Solvabilité II – Transferts
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Abstract
Many companies have been built around the non-life Run-off over the past thirty years,
especially in the United Kingdom. They work primarily from technical reserves made by
(re)insurance companies to meet their commitments to (re)insureds. They are particularly
interested in long tail contracts which are larger and more volatile. The main aim of these
specialized companies is to reduce the amount of commitments in order to generate
income. Services provided are multiple : purchase of liabilities and corresponding assets,
enhanced claims management, portfolio audit, debts collection from reinsurers or
retrocessionaires when risk transfers occurred towards them.
These companies look forward to spreading out in continental Europe. They consider
France as a potential market but find it quite tough to pierce. Only upper groups of French
(re)insurers specifically deal with Run-off. They have mostly created a dedicated structure.
Other companies are managing their technical liabilities in the same way whether relating
to contracts still being subscribed or not.
The gradual introduction of the Solvency II Directive could make a real change. It poses a
more detailed risk analysis through business segmentation and would lead companies to
identify part of their liabilities coming under Run-off contracts. It also establishes a new
method of technical liabilities valuation taking into account financial income generated by
liabilities placement. The safety margin usually forecast by French actors will be reduced.
Finally it fully changes the solvency capital determination that will expressly integrate
reserve and counterparty risks in respect of reinsurance protections.
This new regulatory environment will encourage French insurers to consider the Run-off
dimension of their contracts. The cost and quality management will be analyzed. The
amount of capital to be mobilized will be highlighted.
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Various strategic options will then be offered, such as :
a new organization implementation,
outsourcing to Run-off management specialized companies,
retroactive reinsurance protections purchase.
Debts on reinsurers have also to be appreciated under a new perspective. This involves the
counterparty risk they generate. Insurance companies can implement a proactive
management strategy for long-term contractual relationship with their reinsurers.
Key words :
Liabilities - Reinsurance - Run-off – Schemes of arrangement - Solvency II – Transfers
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A mes fils, jeunes écoliers pour qui l’organisation d’un MBA n’a plus de secret.
Les congés sacrifiés seront rattrapés.
Remerciements
Un grand merci aux professionnels qui ont accepté le principe de l‟interview. Le Run-off
est un sujet peu traité dans les ouvrages, même spécialisés. Bien plus que les informations
glanées sur Internet, ce sont les retours d‟expérience qui ont nourri cette thèse
professionnelle.
Merci également à Denis Proust qui m‟a orientée vers les acteurs de ce marché.
Merci enfin à mes collègues Jean-Luc Vélot et Anthony Derien pour le temps passé à la
lecture des ébauches de cette thèse et pour leurs conseils avisés.
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Table des matières
Pour une approche plus précise et détaillée du sujet, la version électronique du présent document comporte
de nombreux liens hypertextes qui renvoient vers la source de l’information. Ces liens sont actifs au 1er mars
2011, leur pérennité ultérieure ne peut être assurée.
RESUME
3
ABSTRACT
5
REMERCIEMENTS
7
TABLE DES MATIERES
8
INTRODUCTION
10
PREMIERE PARTIE – LE MARCHE DU RUN-OFF
20
CHAPITRE 1 – DIVERSITE DES INTERVENANTS
21
SECTION 1.1 – UN MONDE DE REASSUREURS ?
21
SECTION 1.2 – UN MONDE D‟INVESTISSEURS
25
CHAPITRE 2 – LES PROVISIONS TECHNIQUES COMME MATIERE PREMIERE DE L’ACTIVITE
31
SECTION 2.1 – RICHESSES CACHEES DES BRANCHES A DEROULEMENT LONG
31
SECTION 2.2 - DE L‟ESTIMATION CHIFFREE A LA REALITE D‟UN MARCHE
37
DEUXIEME PARTIE –OPTIONS STRATEGIQUES SUR LE RUN-OFF D’ASSURANCE43
CHAPITRE 1 – NOUVELLE APPROCHE DES PROVISIONS TECHNIQUES SOUS SOLVABILITE II
44
SECTION 1.1 – JUSTE VALEUR ET RISQUE DE RESERVE
44
SECTION 1.2 – L‟IDENTIFICATION DE PORTEFEUILLES
48
CHAPITRE 2 – GERER LE PASSE POUR PRIVILEGIER LES PORTEFEUILLES ACTIFS
52
SECTION 2.1 – S‟ORGANISER, DELEGUER, TRANSFERER ?
52
SECTION 2.2 – SE REASSURER
56
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TROISIEME PARTIE – LE RUN-OFF DES CESSIONS DE REASSURANCE
63
CHAPITRE 1 – REASSUREURS, PORTEURS DE RISQUE AU LONG TERME
64
SECTION 1.2 – LA REASSURANCE COMME RISQUE DE CONTREPARTIE
64
SECTION 1.2 – LA GESTION PROACTIVE DES CREANCES DE REASSURANCE
68
CHAPITRE 2 – QUAND LES REASSUREURS SE DESENGAGENT
71
SECTION 2.1 – L‟INTERET DE LA MAITRISE DES SCHEMES OF ARRANGEMENT
71
SECTION 2.2 – SPECIFICITES DES TRANSFERTS DE PORTEFEUILLE EN REASSURANCE
75
CONCLUSION
80
INTERVIEWS
81
BIBLIOGRAPHIE
126
ABREVIATIONS
129
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Introduction
Introduction
« Les chasseurs de passifs attendent leur or »1, ainsi titrait l‟Argus de l‟Assurance du 18
novembre 2005 au sujet d‟un article consacré à l‟industrie du Run-off en France. Cinq ans
plus tard, au vu du faible nombre d‟opérations réalisées, force est de constater qu‟ils
l‟attendent encore.
Si l‟on en croit le nombre de conférences organisées sur le Run-off au niveau international,
ce sujet suscite pourtant toujours l‟attention. Que signifie cette expression qui ne se prête à
aucune traduction pertinente en français ?
Les sociétés PricewaterhouseCoopers LLP (PwC)2 et KPMG3 qui consacrent chaque année
une étude au Run-off, s‟interrogeaient encore en 2010 sur sa définition. Selon l‟étude
KPMG, la compréhension de l‟expression va de la simple notion de cessation de relations
d‟affaires, jusqu‟à la notion de désengagement de polices éteintes. L‟étude PwC constate
quant à elle une relative homogénéité des réponses du panel d‟assureurs interrogés sur les
trois dernières années : pour 82% d‟entre eux, le Run-off renvoie aux lignes de contrats qui
ne sont plus souscrits.
En France, le Run-off ne correspond ni à une catégorie juridique, ni à une activité
spécifique. Dans le cadre de la présente thèse professionnelle, l‟expression s‟entend au
sens large. Elle désigne les portefeuilles qui ne font plus l‟objet de souscription active,
mais aussi la véritable industrie qui s‟est développée ces dernières années au niveau
international, autour d‟une gestion optimisée de portefeuilles inactifs.
Les discussions menées autour de cette étude ont révélé des approches très contrastées du
Run-off en France. Elles vont du désintérêt total à une vision prospective du traitement de
Argus de l‟Assurance, 18 novembre 2005, disponible sur le site Internet http://www.argusdelassurance.com
« Unlocking value in run-off - A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe » 2010 PwC
3
« The KPMG Run-off survey non-life insurance » Octobre 2010 pour le Royaume Uni & Run-Off survey
2010 pour l‟Allemagne, la Suisse et l‟Autriche
1
2
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Introduction
ces affaires sous le nouvel environnement Solvabilité II4. Cet angle d‟approche a été choisi
en s‟intéressant exclusivement aux branches non-vie qui constituent le cœur de cible des
sociétés spécialisées.
Les professionnels du secteur se situent essentiellement Outre-Manche. Il s‟agit de
prestataires de services en gestion de sinistres, audit, recouvrement de créances mais aussi
et surtout d‟investisseurs prêts à acquérir des portefeuilles en Run-off. Leur performance
est paradoxalement révélée par l‟épuisement progressif du volume d‟engagements
d‟assurance non-vie en Run-off au Royaume Uni (hors situations d‟insolvabilité). En 2008,
ils représentaient 19,7 milliards de livres sterlings contre 13,4 en 20095. Cette baisse est à
tempérer dans la mesure où les montants très élevés communiqués pour l‟année 2008
étaient impactés par la faiblesse de la livre sterling par rapport au dollar. La remontée de la
livre sterling en 2009 a contribué à la diminution du niveau des provisions. Elle reste
cependant représentative du fait que l‟extraction de valeur passe par l‟accélération de la
finalisation des dossiers sinistres. En toute logique, les acteurs britanniques cherchent donc
de nouveaux terrains de conquête et se tournent vers l‟Europe continentale.
PwC affirme que les assureurs continentaux commencent à considérer le Run-off comme
une partie spécifique du cycle d‟assurance pour les branches non-vie. Il est vrai que les
grands groupes ont déjà engagé des actions en la matière depuis plusieurs années. Cette
thèse s‟adresse donc aux autres compagnies, confrontées à la mise en place d‟un nouveau
régime prudentiel qui pose une grille de lecture des risques plus fine et les amène à passer
en revue l‟ensemble de leurs engagements.
Dans son étude 2010 « Unlocking value in Run-off », le groupe PwC estime le marché
européen du Run-off à 205 milliards d‟euros pour l‟assurance non-vie. La part pour la
France et le Benelux serait de 34 milliards d‟euros. Ce chiffre, extrapolé par PwC à partir
de données disponibles pour d‟autres pays, est tenu comme largement surestimé par les
professionnels français de l‟assurance. Peut-on d‟ailleurs considérer le Run-off comme un
« marché » ?
4
Directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et
leur exercice (solvabilité II))
5
«The KPMG Run-off survey : non life insurance» - KPMG UK - octobre 2010
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Introduction
Le terme étant polysémique, retenons l‟acception suivante pour l‟appliquer au Run-off :
« Un marché se définit grâce à une homogénéité de comportements : un produit répondant à des besoins
similaires sera acheté à travers un même réseau de distribution, avec les mêmes prescripteurs. Un marché
n'est pas un secteur économique, c’est plutôt un créneau, la base d’un métier dans lequel l’entreprise
exercera une certaine compétence industrielle, commerciale ou de services ; c’est l’endroit où s’exerce la
concurrence. »6.
Si nous transposons cette définition du marché à celui du Run-off :
Le « produit » est constitué par les provisions techniques inscrites au bilan des
compagnies d‟assurance ou de réassurance, en représentation de leurs engagements
envers les assurés ou les cédantes7. Il s‟agit plus particulièrement de la partie de ces
provisions relevant de contrats qui ne font plus l‟objet de souscription active de la
part de la compagnie considérée.
Les « besoins » sont ceux des compagnies d‟assurance ou de réassurance désireuses
d‟alléger leur bilan de cette partie de provisions techniques
Les « entreprises » qui exploitent le créneau sont les chasseurs de passifs évoqués
plus haut. C‟est-à-dire des acteurs spécialisés dans le traitement des provisions
techniques relevant d‟engagements en Run-off.
La « compétence » développée consiste à extraire la valeur de ces provisions
techniques. Il s‟agit essentiellement d‟accélérer le règlement des sinistres qui font
l‟objet du provisionnement, ce qui diminue les coûts de gestion et génère
potentiellement des bonis de liquidation lorsque le montant de règlement des sinistres
s‟avère inférieur au montant anticipé dans l‟évaluation initiale.
Parmi les nombreuses opérations réalisées autour du Run-off, la plus importante et la plus
caractéristique est la création de la société Equitas en 1996. Qualifiée de structure de
défaisance, Equitas était chargée de réassurer les « Names » du Lloyds8 au titre de leurs
souscriptions dans les branches non-vie pour les exercices 1992 et antérieurs. Ces
exercices étaient, entre autres, fortement exposés au risque amiante. La création d‟Equitas
participait à un véritable plan de sauvetage du marché des Lloyds. En 2006, Equitas a
6
Pascal Quiry et Yann Le Fur - Glossaire disponible sur le site Internet http://www.vernimmen.net
Terme consacré en réassurance désignant une compagnie d‟assurance qui se protège en réassurance
8
Membres du marché d‟assurance du Lloyd‟s de Londres qui souscrivent en engageant leur patrimoine.
Uniques apporteurs de capitaux du Lloyd‟s jusqu‟en 1994.
7
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Introduction
conclu un accord de réassurance rétroactive avec National Indemnity Company, membre
du groupe Berkshire Hathaway. En 2009, les juridictions anglaises ont approuvé le
transfert des engagements des Names vers Equitas Insurance Limited. Ce transfert a
déclenché la mise en jeu d‟une couverture de réassurance supplémentaire par le groupe
Berkshire Hathaway. Les sinistres sont gérés par la société Resolute Management Services
Limited, anciennement Equitas Management Services Limited.
De nombreux outils du Run-Off se retrouvent dans l‟opération Equitas : création d‟une
structure ad hoc, réassurance rétroactive, transfert de portefeuille, gestion dans une entité
dédiée.
Ce type d‟opération est relativement étranger aux compagnies d‟assurance françaises. De
façon générale et à juste titre pour leurs assurés, les compagnies françaises ne
reconnaissent pas les provisions techniques comme un « produit » à vendre.
Elles ont cependant toute latitude pour faire appel au marché du Run-off sur des opérations
ponctuelles et ciblées, visant à leur permettre de se recentrer sur leur cœur de métier. Elles
peuvent également s‟inspirer des compétences développées par les acteurs du Run-off pour
les déployer elles-mêmes sur leurs propres engagements. D‟autant que certains de leurs cocontractants n‟hésitent pas à utiliser ces techniques : les réassureurs disposent souvent de
services dédiés à la gestion de leur Run-off.
Les provisions techniques représentent la matière première du marché du Run-off. Elles
matérialisent surtout l‟ensemble des engagements pris par les compagnies à l‟égard de
leurs assurés. Leur constitution est nécessaire du fait de l‟inversion du cycle de production
en assurance. L‟assureur se distingue en effet des autres entrepreneurs en ce qu‟il perçoit
sa rémunération (la prime d‟assurance) avant d‟avoir réalisé son hypothétique prestation
(le règlement de l‟indemnité en cas de réalisation du sinistre). En tant que dettes à l‟égard
des assurés, les provisions techniques sont inscrites au passif du bilan. Pour illustrer leur
importance en France, retenons qu‟à fin 2009 le poste provisions de l‟ensemble des
organismes d‟assurance et de réassurance contrôlés par l‟Autorité de contrôle prudentiel
s‟élevait à 1338 milliards d‟euros, soit 73.5% du passif total du bilan agrégé (toutes
branches confondues).9
9
Rapport annuel 2009 de l'Autorité de contrôle prudentiel
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En assurance non-vie, la plus importante de ces provisions est la « provision pour sinistres
à payer ». Le code des assurances la définit comme la « valeur estimative des dépenses en
principal et en frais, tant internes qu'externes, nécessaires au règlement de tous les sinistres survenus et non
payés, y compris les capitaux constitutifs des rentes non encore mises à la charge de l'entreprise »10.
Pour les branches dites à déroulement court, telles que les branches dommages aux biens, il
s‟agit essentiellement d‟engagements à payer pour l‟année en cours. Les dégâts matériels
des branches dommages aux biens sont souvent constatés rapidement par l‟assuré et sont
relativement faciles à vérifier. Leur évaluation se fait par ailleurs sur des critères moins
subjectifs qu‟en matière de dommages corporels. Ces dommages matériels peuvent donc
être réglés assez rapidement par l‟assureur. Cela explique que les provisions pour sinistres
à payer sont relativement peu importantes en la matière.
Pour les branches dites à déroulement long, comme en assurance Responsabilité Civile,
tant l‟identification que le règlement des sinistres peut prendre plusieurs années. Pour les
dommages corporels, il faudra attendre l‟état de consolidation11 de la victime pour
déterminer le montant du sinistre. La victime peut par ailleurs toujours solliciter une
indemnisation complémentaire en cas d‟aggravation de son préjudice. Les provisions pour
sinistres à payer sont donc plus importantes pour les branches à déroulement long, du fait
du décalage entre le moment où la prime est perçue et le moment où le sinistre est payé.
Prenons, à titre d‟exemple, le pourcentage des provisions pour sinistres à payer sur les
primes acquises du groupe Macif en 200912 : il est de 335% en Responsabilité Civile
Automobile contre seulement 13% en Dommages Automobile. Ce ratio, certes influencé
par le comportement de sinistralité et de croissance des primes, donne une idée du nombre
d‟années nécessaires à la compagnie pour régler les sinistres après perception de la prime.
Ce sont les provisions de ces branches à déroulement long qui intéressent le plus le marché
du Run-off. Celui-ci joue à la fois sur la durée de liquidation des sinistres et sur la marge
de prudence prise au moment du provisionnement, en la réajustant.
Les provisions techniques sont aujourd‟hui constituées de façon prudente mais leur mode
de détermination est peu encadré. Cela peut laisser place à une certaine pratique de
10
Article R331-6 du code des assurances
Définition de la consolidation donnée par la Commission de réflexion sur la doctrine et la méthodologie de
l'évaluation du dommage corporel : « C'est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel
qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain
degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ».
12
Rapport annuel 2009 - Ventilation des produits et des charges des opérations techniques non-vie par
catégorie.
11
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Introduction
pilotage des résultats par les provisions. En effet, les provisions techniques sont
considérées comme une charge pour l‟établissement du résultat. Baisser le montant de cette
charge revient mécaniquement à augmenter le résultat. Sur les exercices comptables
récents, des compagnies d‟assurance ont ainsi réalisé d‟importants montants de boni de
liquidation en diminuant leurs provisions techniques. Ces bonis ont pu compenser la baisse
du rendement de leurs placements financiers du fait de la crise financière de 2008.
Ces dernières années les compagnies d‟assurance ont mobilisé leurs efforts pour
l‟optimisation de la gestion des sinistres. Des économies de frais de gestion sont réalisées
grâce à la mise en place d‟une organisation adaptée, disposant d‟un système d‟information
performant. Il en est ainsi, que le portefeuille concerné soit encore actif ou non. Mais pour
les portefeuilles en Run-off se pose la question de l‟opportunité de la migration des
dossiers dans les nouveaux systèmes d‟information : faut-il engager des coûts à ce titre
alors même que la relation commerciale est rompue ? Se pose également la question du
maintien des compétences humaines sur ces portefeuilles qui ne font plus l‟objet de
souscription active.
Le nouvel environnement règlementaire posé par la Directive Solvabilité II et les normes
comptables internationales IFRS13 réforment progressivement mais profondément le
monde de l‟assurance. Les postes du bilan y sont évalués à leur valeur de marché plutôt
qu‟à leur valeur historique ; cette valeur de marché est censée représenter au mieux la
valeur économique de l‟entreprise.
En matière de provisions techniques, si le principe de prudence reste inscrit dans la
Directive14, la détermination de leur montant y est plus encadrée que dans le régime actuel.
Les marges excessives de prudence n‟auront plus lieu d‟être et la pratique de pilotage des
résultats par les provisions devrait tendre à disparaître. Ce ne sont plus les provisions, mais
les fonds propres eux-mêmes qui serviront d‟amortisseurs en cas de dégradation des
résultats de la compagnie.
La Directive précise par ailleurs que « la valeur des provisions techniques devrait correspondre au
montant qu'une autre entreprise d'assurance ou de réassurance (entreprise de référence) serait
13
International Financial Reporting Standards élaborées par l‟International Accounting Standards Board
14
« Les provisions techniques sont calculées d'une manière prudente, fiable et objective », article 76 point 4 de la
Directive 2009/138/CE
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probablement amenée à demander pour reprendre et honorer les engagements sous-jacents d'assurance et
de réassurance »15.
Des transactions de ce type sont observées sur le marché du Run-off. Des sociétés
spécialisées se proposent effectivement d‟acheter des portefeuilles d‟engagements passés.
Ce sont alors à la fois les provisions et les actifs associés de la compagnie qui sont vendus.
Ces transactions ne sont pas assez nombreuses et sont trop spécifiques pour servir de
référentiel. Les prix de marché n‟étant pas directement observables, la Directive a détaillé
d‟autres techniques d‟évaluation des provisions.
Les compagnies qui s‟intéressent aux portefeuilles en Run-off devront s‟adapter à ces
nouvelles techniques de provisionnement. Elles ne remettent toutefois pas en cause leur
expertise en matière de gestion optimisée et dynamique des sinistres, qui consiste surtout à
accélérer le règlement des dossiers.
Un des principaux outils utilisés à ce titre par les professionnels du Run-off est la
commutation : ce vocable désigne le rachat de son engagement d‟assurance ou de
réassurance par le porteur du risque. En contrepartie d‟une somme d‟argent, le bénéficiaire
de la garantie d‟assurance ou de réassurance libère le preneur de risque de ses obligations.
L‟activité de commutation s‟est pleinement développée ces dernières années. Le contexte
de crise financière a orienté l‟intérêt des créanciers pour ce type d‟opération à deux titres :
Obtention immédiate de liquidités.
Réduction du risque de contrepartie, c‟est-à-dire du risque que le débiteur fasse
défaut.
Le maniement dynamique de cet outil permet d‟accélérer la liquidation d‟un portefeuille de
sinistres. Il est surtout pratiqué sur des contrats de réassurance, car plus facile à utiliser
entre professionnels du secteur. Mais d‟autres outils sont à disposition des compagnies qui
souhaitent s‟engager vers une gestion proactive de leurs passifs : transferts de portefeuilles,
gestion déléguée, etc.
15
Point 55 du Préambule de la Directive 2009/138/CE
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Introduction
La présente étude a été construite autour des constats et problématiques suivants :
Sous l‟environnement Solvabilité II, le Capital de Solvabilité Requis (SCR) sera
bien supérieur à la marge de solvabilité requise sous le régime prudentiel actuel. Au
vu des premiers résultats de la dernière étude quantitative d‟impact (QIS5), les
mutuelles du GEMA considèrent par exemple que le SCR pourrait représenter près
du double de la marge de solvabilité actuellement exigée16. La Directive Solvabilité
II se traduit également par une nette diminution des provisions techniques en
assurance non-vie. Mais le niveau du SCR étant en partie assis sur le niveau de
provisionnement, alléger encore le bilan d‟une partie des provisions techniques
relevant du Run-off peut-il être considéré comme une des solutions à envisager
pour passer le « cap » Solvabilité II ? Analyser le poids que représentent ces
provisions en termes d‟allocation de capital est fondamental pour la détermination
de la stratégie future de l‟entreprise.
La mise en place d‟un système de gouvernance efficace17, garantissant comme
l‟impose la Directive « une gestion saine et prudente de l‟activité » passe par un
système de gestion des risques élargi. L‟évaluation interne des risques et de la
solvabilité (l‟ORSA) passe d‟abord par une cartographie exhaustive des différents
risques. Faut-il considérer les engagements en Run-off comme source de risque
opérationnel spécifique pour l‟entreprise ? La perte de compétences humaines sur
certaines branches dont les provisions restent à gérer, le laisse penser.
L‟ensemble des professionnels de l‟assurance doit s‟approprier la notion de
provisionnement technique telle que nouvellement définie par la Directive
Solvabilité II. Actuellement l‟aspect actuariel prime, au détriment parfois des autres
disciplines. L‟instauration d‟un mode de gestion proactif des sinistres et des
provisions peut-il contribuer au décloisonnement des fonctions au sein de
l‟entreprise ?
La présente thèse professionnelle tente d‟apporter des réponses à ces nouvelles
problématiques à la lumière des techniques mises en place dans le cadre de l‟industrie du
Run-off. Elle se propose d‟identifier les axes d‟amélioration, ou les pistes de réflexion
16
17
Lettre Actualité du GEMA janvier 2011
Articles 41 à 49 de la Directive 2009/138/CE
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Introduction
générées par ces techniques, qui pourraient être transposés aux compagnies d‟assurance
non-vie classiques.
L‟industrie du Run-off a su optimiser deux types de processus, l‟un de gestion permettant
de réduire la durée de liquidation des sinistres, l‟autre dit de « sortie de Run-off »
permettant de se libérer définitivement de certains engagements. Ces processus sont
aujourd‟hui à analyser dans le contexte du nouvel environnement règlementaire posé par la
Directive Solvabilité II. L‟avantage de cette industrie est que sa taille réduite a permis la
constitution d‟équipes pluridisciplinaires habituées à passer de questions d‟ordre
assurantiel et juridique, aux questions d‟ordre financier et actuariel. Une telle
interdisciplinarité ne peut que faciliter le passage à Solvabilité II qui tend à améliorer la
communication au sein de l‟entreprise en matière de connaissance et de gestion des
risques. Le Run-off, pourtant tourné par nature vers le passé, peut servir à initier une
culture d‟entreprise commune, orientée vers les futures normes prudentielles.
L‟enjeu est de démontrer l‟intérêt que les compagnies d‟assurance françaises pourraient
trouver à utiliser les outils issus des techniques de Run-off afin de gérer activement les
souscriptions passées, dans une optique d‟optimisation du SCR. S‟inspirer des pratiques de
gestion de Run-off en assurance « active » génère d‟autres séries d‟interrogations :
Qui sont les acteurs de ce marché ? S‟intéressent-ils aux passifs des compagnies
françaises ?
En quoi une gestion dynamique des portefeuilles inactifs pourrait s‟avérer
profitable aux compagnies d‟assurance françaises ? Vont-elles y être contraintes par
le nouveau contexte prudentiel « Solvabilité II » ?
Les compagnies d‟assurance ont-elles intérêt à s‟intéresser aux techniques de
gestion de Run-off utilisées par leurs réassureurs ? Ont-elles intérêt à être plus
proactives sur la gestion de leurs créances sur les réassureurs ?
Ces questions serviront de fil conducteur à la présente étude.
Nous nous intéresserons dans un premier temps au marché du Run-off, en nous penchant
sur ses acteurs et sur la matière première à partir de laquelle ils travaillent, à savoir les
provisions techniques.
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Introduction
A la lumière de cette analyse, nous développerons les stratégies que les assureurs peuvent
mettre en place pour gérer leurs engagements passés dans le nouvel environnement
règlementaire posé par la Directive Solvabilité II.
Nous rappellerons enfin les stratégies que les réassureurs ont eux-mêmes pu développer en
la matière, en les appréciant sous l‟angle du risque de contrepartie généré chez l‟assureur.
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Première partie – Le marché
du Run-Off
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Première partie - Le marché du Run-Off
Chapitre 1 – Diversité des
intervenants
Le Run-off a des frontières mal définies : secteur d‟activité à part entière, il se décline
aussi dans les départements de compagnies encore actives sur le plan de la souscription.
Section 1.1 – Un monde de réassureurs ?
Lorsqu‟une compagnie cesse de souscrire de nouveaux contrats mais assume ses
engagements, elle est dite « en Run-off». Cette situation ne doit pas être confondue avec
celle d‟insolvabilité. Une entreprise solvable peut décider d‟arrêter son activité pour
répondre aux exigences stratégiques du groupe auquel elle appartient. A titre d‟exemple,
voici les raisons invoquées par le groupe Markel lorsqu‟il décida de mettre le réassureur
Corifrance en Run-off en 2004, avant de le céder au groupe Fairfax : «Notre décision de vendre
l’affaire n’est pas en lien avec le management ou les employés qui ont aidé Corifrance à produire de bons
résultats techniques pour Markel. Cependant la structure Corifrance est trop petite et ne correspond pas au
modèle d’entreprise de Markel ». Un autre exemple, plus récent, avec la mise en Run-off en
2010 du réassureur Glacier Re (fondé en 2004 en Suisse). Le Président Directeur Général
de cette compagnie indique alors : « This unfortunate step will best achieve our investors’ objectives
within a reasonable time frame. Glacier Re’s current excess capital and high liquidity will allow the Company
to meet its valid obligations while simultaneously returning the excess capital to shareholders over the course
of this process »18. A l‟annonce de la mise en Run-off, la société de notation AM Best a certes
dégradé la note de solidité financière de Glacier Re mais pour la laisser au niveau B++ qui
est un niveau encore « sécurisé ». Glacier Re a ensuite été vendue début 2011 à la
compagnie Catalina Holdings (Bermuda) Ltd, spécialisée dans l‟achat et la gestion de
portefeuilles en Run-off.
18
Communiqué de presse de Glacier Re du 27 août 2010 Traduction libre : « Cette étape malheureuse devrait
permettre d‟atteindre au mieux les objectifs de nos investisseurs en un temps raisonnable. La surcapitalisation
de Glacier Re et sa forte liquidité vont permettre à la compagnie de remplir ses obligations tout en libérant le
surplus de capital pour les actionnaires tout au long du processus ».
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Première partie - Le marché du Run-Off
Les réassureurs sont par nature plus exposés aux sinistres d‟ampleur exceptionnelle :
délivrer une protection de réassurance en cas de survenance de ce type de sinistres
constitue leur cœur de métier. Il est difficile de conserver un niveau de rentabilité
acceptable lorsque les catastrophes s‟enchaînent. L‟acte terroriste de septembre 2001
contre le World Trade Center, moins de deux ans après les tempêtes Lothar et Martin de
1999, a ainsi fortement touché le secteur. C‟est une des raisons de la mise en Run-off de
Gerling Re fin 2002. Sixième acteur mondial en réassurance, ce groupe bénéficiait
jusqu‟en 2001 d‟une excellente appréciation de sa solidité financière par les agences de
notation. Il était d‟ailleurs encore noté BBB par Standard & Poor‟s au moment de sa mise
en Run-off (cf. Interview de M. Bünger en annexe). Ces événements catastrophiques ont
également contribué à la mise en Run-off de la société AXA Re.
Le phénomène de mise en Run-off « solvable » survient plus souvent chez les réassureurs
que chez les assureurs. Surtout lorsque la réassurance n‟est qu‟une activité parmi d‟autres
au sein d‟un groupe.
En droit français, le code des assurances prévoit que l'agrément administratif peut être
retiré aux entreprises d‟assurance ou de réassurance par l'Autorité de contrôle prudentiel en
cas d'absence prolongée d'activité19. Le retrait total de l'agrément administratif d'une
entreprise d'assurance emporte par ailleurs de plein droit la dissolution de l‟entreprise20.
Pour les entreprises étrangères, cela passe par la liquidation de l'actif et du passif du bilan
spécial de ses opérations en France. Dans les deux cas, une liquidation judiciaire soumise
au régime spécial prévu par le code est ouverte. Il est intéressant de relever que, si
l‟entreprise de réassurance peut se voir retirer son agrément pour défaut d‟activité, elle
n‟est pas concernée par la sanction relative à la dissolution de l‟entreprise. « Le réassureur ne
pourra plus signer de nouveaux traités, mais continuera à gérer les anciens. Autrement dit, il est uniquement
21
mis en Run-off » précise un commissaire contrôleur .
Les phénomènes de concentration ont par ailleurs été très importants ces dernières années,
tant en assurance qu‟en réassurance. Au sein des portefeuilles transférés figurent des
provisions qui relèvent de contrats ne faisant plus l‟objet de souscription active. D‟autres
19
Article L325-1 du code des assurances
Article L326-2 du code des assurances
21
VAUCHER Marc « L'an 1 de l'application de la directive », l‟Argus de l‟assurance, 04 septembre 2009
20
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Première partie - Le marché du Run-Off
affaires en cours au moment du rapprochement des deux compagnies, seront mises en Runoff dans la mesure où elles ne correspondent pas à la stratégie de l‟acquéreur. Le groupe
AXA a ainsi créé AXA Liabilities Managers pour s‟occuper du Run-off de sa société de
réassurance AXA Re mais aussi de celui d‟autres sociétés acquises au fil du temps (Cf.
Interview de M. Charmoy en annexe).
La situation de Run-off ne s‟applique pas nécessairement à l‟ensemble de la société. Dès
lors qu‟une entreprise cesse de souscrire une ligne de risque pour un portefeuille identifié,
celui-ci est dit en Run-off.
Certaines affaires en Run-off sont isolées pour faire l‟objet d‟un traitement spécifique, au
niveau du provisionnement et de la gestion des sinistres. Ce sont par exemple les contrats
potentiellement affectés par des sinistres dits latents.
« Les sinistres latents sont des sinistres survenant en nombre important, dont la déclaration est
tardive relativement à la date d’exposition au fait générateur et dont la dangerosité a été sousestimée à la date de souscription (évolution de la législation, avancées scientifiques, etc. »22
Il s‟agit typiquement des risques amiante, pollution et sanitaires, dits APH en anglais pour
Asbestos, Pollution et Health Hazards. Ces risques comportent une forte part d‟incertitude.
En pratique, les efforts des réassureurs sont d‟abord concentrés sur les contrats exposés à
des sinistres APH souscrits il y a plusieurs dizaines d‟années. Le continent américain est
principalement concerné. De nombreux réassureurs actifs, qui ont constitué des équipes
spécialisées en gestion de Run-off, leur confient en priorité la gestion de ces risques. C‟est
le cas de l‟équipe « Run-off & Commutations» rattachée au service sinistre chez Partner
Re (cf. Interview de M. Guerin en annexe). C‟est également le cas chez Scor Global P&C
avec le service « Sinistres & Commutations ».
Le rapport annuel 2009 du groupe Scor décrit fort bien les moyens et objectifs poursuivis
dans la mise en place d‟une organisation consacrée au Run-off :
« En 2009, le Groupe a poursuivi sa politique active de commutation de ses contrats et des
portefeuilles, entamée en 2003, avec pour principaux objectifs de réduire la volatilité des provisions
pour sinistres, d'alléger la charge administrative liée à ces portefeuilles, en particulier les plus
anciens, et de permettre la libération du capital adossé à ces portefeuilles. »23
22
PARTRAT, Christian, dir., Provisionnement technique en Assurance non-vie, Economica Paris 2007 p.334
Rapport financier 2009 de la société européenne Scor - Document de référence déposé auprès de l‟Autorité
des marchés financiers le 3 mars 2010 sous le numéro D.10-0085
23
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Première partie - Le marché du Run-Off
Le principal moyen utilisé par les réassureurs pour accélérer le règlement de leurs passifs
est en effet la commutation qui, de leur point de vue, présente les avantages suivants :
Réduction de l‟aléa juridique inhérent à la gestion des sinistres.
Economie de frais de gestion (comptable et sinistre).
Fin d‟une relation contractuelle parfois conflictuelle avec la cédante.
En France, les secteurs de l‟assurance et de la réassurance organisent des temps de
rencontres annuelles entre professionnels : rencontres de l‟AMRAE24, de REAVIE25 ou
encore les Rendez-vous de Septembre26. Le secteur du Run-Off fait de même à l‟échelle
internationale. Ces événements attirent essentiellement des Réassureurs qui cherchent à
mener à bien des opérations de commutation. Des représentants de grands groupes tels que
Munich Re, Swiss Re, Scor, Gen Re et Partner Re y participent. Il s‟agit notamment des
« Rendez-vous » organisés par le groupe Randall & Quilter (R&Q) à trois époques de
l‟année, sur trois sites différents :
Dans le New Jersey, en octobre
A Norwich, en juin : événement le plus ancien qui regroupait trois cent quatre
participants en 2010, dont onze français
A Cologne, en avril : événement destiné à l‟Europe Continentale et organisé en
partenariat avec Globale Re qui regroupait cent vingt-huit participants en 2010,
dont huit français. Un des arguments commerciaux avancé par les organisateurs
pour attirer les participants est le suivant : Un aller/retour à Cologne peut éviter au
réassureur d‟avoir à voyager à travers dix ou quinze pays pour négocier. Au-delà de
l‟aspect négociation de commutation, c‟est également l‟aspect constitution de
réseaux qui est mis en avant : « the event will also give ideal networking opportunities for
delegates to broaden their range of contacts in this fast-moving market. »27
Ces événements sont présentés comme une opportunité de réduire les expositions, les frais
de gestion et de permettre les recouvrements de créances. Nous retrouvons assez peu de
noms de cédantes dans les listings de participants. Les compagnies AXA, Allianz, QBE,
Association pour le management des risques et des assurances de l‟entreprise
Rendez-vous annuel international des assureurs et réassureurs vie et de personnes
26
Rassemblement des principaux acteurs du marché mondial de la Réassurance
27
Traduction libre « L‟événement donnera également aux participants des opportunités idéales de
constitution de réseaux dans ce marché qui évolue très rapidement ».
24
25
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Première partie - Le marché du Run-Off
RSA, XL Insurance, Zurich Insurance et La Réunion Aérienne avaient cependant envoyé
des représentants en 2010 (Cf. Interview de M. Ozanne en annexe).
Au programme du rendez-vous 2010 du New Jersey, s‟inscrivait un jeu interactif visant à
discuter des questions clefs soulevées lors de la mise en Run-off d‟une société et à
examiner les trois options offertes, à savoir : Vendre, Gérer, ou Externaliser.
Les éléments à prendre en considération étaient : la gestion des passifs, les commutations,
la gestion sinistre, la réassurance, la résolution des litiges, les ressources humaines, les
ressources informatiques, l‟environnement règlementaire, les frais de gestion. Les
montants d‟engagements concernés doivent en effet être resitués dans l‟environnement
global de l‟entreprise pour être appréhendés au mieux. L‟idée des organisateurs était
ensuite de reprendre le même exercice mais cette fois en se positionnant trois à cinq ans
plus tard. La stratégie de Run-off se veut effectivement évolutive. Elle est à adapter en
fonction des engagements restant à gérer parmi ceux identifiés comme entrant dans le
périmètre du Run-off. Au bout d‟un certain temps, l‟activité se tarie d‟elle-même.
Certains acteurs ayant su développer des compétences en gestion de Run-off cherchent à
croître à partir de portefeuilles externes. Le réassureur Globale Re s'est ainsi associé à
R&Q. Globale Re apporte sa technique et son expérience du marché continental, R& Q se
propose d‟investir en rachetant des portefeuilles.
Section 1.2 – Un monde d’investisseurs
Du début de la décennie 1990 au début de la décennie 2010
De nombreux assureurs ont cessé de souscrire sur le marché anglais au début des années
1990. Le nombre d‟acheteurs potentiels de portefeuille était alors encore relativement
faible et la détérioration constante de la sinistralité sur certains risques à développement
long tels que l‟amiante, maintenait un niveau de prix bas. Les acquisitions étaient le plus
souvent réalisées dans une volonté de restructuration, afin de relancer l‟activité de
l‟acheteur.
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Les opérations d‟investissement de « pur » Run-off ont commencé en 1992 avec l‟exemple
de l‟achat par R&Q de Ludgate Insurance Company Limited dont le portefeuille était
constitué de contrats d‟assurance et de réassurance. Cette acquisition a été réalisée
indépendamment de toute volonté de relance de la souscription, dans le simple but de gérer
au mieux le portefeuille de sinistres. Les prix sont restés relativement bas jusqu‟au début
des années 2000, avec des achats le plus souvent effectués à moins de 50% de la valeur
comptable.
Les compagnies concernées par le Run-off ont ensuite régulièrement renforcé la maîtrise
de leurs engagements en améliorant la gestion des sinistres. Elles ont également utilisé plus
fréquemment des outils de sorties d‟engagements tels que les commutations (dossier par
dossier) ou des procédures collectives avec les procédures anglaises dites de « Schemes of
arrangement » (Cf. Troisième partie Section 2.1). Les retours sur investissements générés
par l‟achat de ces compagnies en Run-off ont attiré de nouveaux acteurs. Les prix
d‟acquisition ont commencé à augmenter lorsque le nombre d‟investisseurs potentiels a
excédé le nombre de vendeurs potentiels. Les investisseurs ont alors de moins en moins
financé leurs achats sur leurs capitaux propres et ont eu recours aux emprunts. Sur la
période 2007 - 2008, les candidats à l‟acquisition de portefeuilles d‟assurance ou de
réassurance en Run-off étaient bien plus nombreux que les vendeurs de portefeuilles. Les
prix d‟achat sur cette période ont été exceptionnellement hauts.
Le soudain engouement des investisseurs pour ce marché pouvait s‟expliquer par le
manque de retour sur investissements des autres secteurs et la supposée maîtrise de
portefeuilles essentiellement composés de sinistres déjà survenus. En pleine crise
financière, face à un avenir incertain, ces investisseurs ont choisi de se tourner vers des
souscriptions passées.
Les bons résultats obtenus rapidement par certains acheteurs avaient de quoi allécher les
investisseurs. Pour reprendre l‟exemple exposé dans l‟interview de M. Charmoy :
lorsqu‟une société achète pour une valeur de 85 une autre société dont les provisions
s‟élèvent à 100 mais qu‟elle estime à 80, elle peut décider de faire ressortir 15 de profit
immédiatement. Dégager de la rentabilité sur les exercices ultérieurs se révèle cependant
difficile par la suite. Il semble intuitivement plus cohérent de sortir le résultat au fur et à
mesure de la gestion du portefeuille, jusqu‟à épuisement des engagements. Nul ne peut en
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effet prédire l‟avenir. Un niveau de provision prudent reste toujours nécessaire, y compris
sur des portefeuilles en Run-off.
Le schéma ci-après montre l‟évolution dans le temps du prix d‟achat de sociétés en Runoff.
Le nombre de transactions observées sur le marché a considérablement baissé en 2009, et
surtout en 2010. Cela reflète les conséquences de la crise financière et la difficulté pour les
acquéreurs à obtenir un financement à des conditions intéressantes. Après la période faste
des années 2007 et 2008, les prix de vente ont baissé pour être ramenés la plupart du temps
sous la valeur comptable des entreprises cédées. Cette diminution du niveau des prix
n‟incite pas à la vente. Ce qui réduit également le nombre de transactions observées.
Côté vendeur, la cession de portefeuille en Run-off correspond pourtant aujourd‟hui de
nouveau à une véritable réflexion stratégique en termes d‟allocation de capital ou de
réduction de coûts de gestion. Sur ce marché, le choix de l‟acquéreur n‟est d‟ailleurs pas
forcément uniquement dicté par le niveau de prix qu‟il propose : sa réputation compte
également car elle peut rejaillir sur celle du vendeur. Cette réputation est nécessairement
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altérée dès lors que l‟acheteur potentiel commence à être connu sur le marché pour ses
manœuvres parfois dilatoires en matière de règlements de sinistres.
Côté acquéreur, l‟achat d‟un portefeuille en Run-off passe nécessairement par une analyse
poussée de ce portefeuille. Les éléments suivants sont entre autres passés au crible : risques
couverts, adéquation du niveau de provisionnement, aggravation potentielle de la
sinistralité, qualité de la réassurance, portefeuille d'actifs investis, expérience des équipes,
volatilité…
Un véritable phénomène de concentration est observé sur le marché du Run-off. Beaucoup
d‟acteurs se montrent encore intéressés par l‟achat de portefeuilles en Run-off, mais
d‟après les spécialistes, seul un faible nombre reste crédible sur les transactions
d‟importance. Deux profils d‟investisseurs coexistent :
Celui qui obtient son retour sur investissement en assumant le Run-off et en gérant
les sinistres sur la durée.
Celui qui souhaite rapidement clôturer le portefeuille pour dégager une plus-value.
Dans les deux cas, le but ultime est de faire un bon retour sur investissement. Pour
l‟acheteur spécialisé, bien équipé, les portefeuilles en Run-off sont intéressants car non
corrélés avec les autres risques. Mais il s‟agit d‟un marché très spécifique, où il est difficile
pour acheteur et vendeur de s‟entendre sur le prix. Les professionnels du secteur
s‟accordent à dire que de nouveaux intervenants peineraient à trouver place aujourd‟hui sur
ce marché.
Les acteurs
Les prestataires de service s‟intéressant au Run-off sont nombreux. En revanche, le nombre
d‟investisseurs potentiels est restreint.
Le groupe anglais R&Q est le plus ancien. Depuis sa formation en 1992, il a acquis un
nombre significatif de compagnies d‟assurance en Run-off. Il regroupe actuellement une
dizaine de compagnies aux Etats-Unis et en Europe et gère environ 3,4 milliards de livres
sterling de provisions pour sinistres. R&Q a acheté le réassureur français La Licorne S.A.
au groupe MAAF en avril 2010 pour 3,2 millions de livres sterling. Ce premier
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investissement sur le marché français a été réalisé pour un montant inférieur à la valeur de
l‟actif net et a généré pour R&Q un gain d‟acquisition28 de 0,9 million de livres sterling. La
Licorne, en Run-off depuis 1991, était principalement engagée sur des affaires relevant de
la branche Responsabilité Civile Automobile. R&Q a réalisé ce rachat en partenariat avec
la société Globale Re dont le siège social est en Allemagne mais qui dispose d‟un bureau à
Paris (Cf interview de M. Bünger). Dans ce partenariat stratégique, R&Q fournit le capital
et devient l‟unique porteur de risque. Globale Re constitue un contact local commercial
privilégié qui participe aux négociations et gère le Run-off après la transaction. R&Q a
précisé au sujet de l‟acquisition de La Licorne que cet achat illustre ses progrès dans la
saisine d‟« opportunités significatives qui existent en Europe du fait de la mise en place de
Solvabilité II. »29 Le groupe R&Q comprend plusieurs sociétés de prestation de services
spécialisées en gestion de Run-off, parmi lesquelles R&Q Insurance Services Ltd
(anciennement Cavell) ou encore R&Q Quest Management Services Ltd (anciennement
Quest).
Le principal concurrent historique de R&Q est le groupe Enstar, coté au NASDAQ30. Il
résulte de la fusion avec Castlewood Holdings Limited et a été établi pour acquérir des
portefeuilles d‟assurance et de réassurance en Run-off et fournir des services de gestion
ainsi que de consulting au secteur. L‟objectif annoncé du groupe est de devenir leader sur
le marché international de libération de capital en matière de Run-off. Pour ce faire, il
cherche à maximiser sa croissance en termes de valeur nette comptable, en poursuivant une
logique d‟acquisition. La stratégie du groupe est décrite dans son rapport annuel 200931.
Elle repose globalement sur :
La consolidation de sa position de leadership sur le marché du Run-off en utilisant
et en promouvant l'expérience et les relations de ses équipes séniors.
Une gestion efficace des sinistres qui passe par l‟analyse poussée de leur validité.
Une politique de commutation des engagements pris et des protections de
réassurance.
28
Goodwill on bargain purchase
Randall & Quilter Investment Holdings plc - Interim Report and Financial Statements - 30 June 2010
30
« National Association of Securities Dealers Automated Quotations » aux Etats Unis
31
Rapport disponible à l‟adresse internet suivante :
http://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1363829/000095012310020752/w77398e10vk.htm#102
29
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Une approche très disciplinée des pratiques d‟acquisition, de gestion et de
réassurance.
Une gestion prudente de ses actifs qui vise notamment à corréler la maturité et la
durée de son portefeuille d‟actifs au profil de ses engagements inscrits au passif.
Un troisième acteur, plus récent, prend de plus en plus d‟ampleur. La société anglaise
Tawa Plc se considère comme « une plate-forme de consolidation des métiers du Runoff ». Elle appartient pour l‟essentiel à des groupes français. Elle est détenue à 71% par le
groupe Artémis (qui a pour maison mère la société Financière Pinault) et à 5% par le
groupe AXA32. Créée en 2001, elle est cotée depuis 2008 sur l'Alternative Investment
Market de la Bourse de Londres. Le groupe Artémis présente ainsi les « lignes de force »
de Tawa :
« En premier lieu, Tawa acquiert et gère des portefeuilles ou des compagnies d’assurance qui
n’émettent plus de nouvelles polices. En second lieu, Tawa est, au travers de sa filiale PRO, l’un
des principaux prestataires de services mondiaux spécialisés dans le secteur du Run-off, mais
également un prestataire de services à destination de compagnies d’assurances actives ou de
syndicats du Lloyd’s. Enfin, Tawa agit comme incubateur pour des initiatives ou des projets
susceptibles de répondre à des besoins spécifiques du marché. »33
En septembre 2009, Tawa s‟est effectivement porté acquéreur du groupe de sociétés PRO
(comprenant notamment PRO Insurance Solutions) pour 41,3 millions d‟euros. Ces
sociétés appartenaient au groupe de réassurance Swiss Re depuis 1996. La vente de PRO
par Swiss Re peut s‟expliquer à la fois par la volonté de ces derniers de se recentrer sur
leur cœur de métier et par l‟intérêt suscité par PRO sur le marché. Tawa a considéré cette
acquisition comme étant en ligne avec le développement de son portefeuille diversifié
d‟affaires en Run-off. Comme le précise M. Heitlinger dans son interview, PRO est un
prestataire de service. Il assume la gestion des portefeuilles en Run-off du groupe Tawa et
propose ses services aux autres compagnies du marché.
D‟autres groupes plus importants mais diversifiés interviennent sur ce marché comme
Fairfax (dont fait partie la société Riverstone), Capita, ou encore Berkshire Hathaway.
32
Données collectées sur le site http://www.tawaplc.com/Investor_Relations/Shareholders/ au 08 janvier
2011
33
Selon site internet du groupe Artémis http://www.groupeartemis.com/fr/p4/p4_5_1.htm
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Les investisseurs restent cependant peu présents en France. L‟exemple donné de
l‟acquisition de La Licorne par R&Q est celui d‟un portefeuille de réassurance, beaucoup
plus facile à transférer à ce type d‟acteurs qu‟un portefeuille d‟assurance qui nécessite des
agréments spécifiques par branche d‟activité.
Chapitre 2 – Les provisions
techniques comme matière
première de l’activité
Les provisions techniques constituent le nerf de la guerre sur le marché du Run-off. Plus la
date de règlement ultime du sinistre est éloignée de la date du provisionnement, plus
l‟évaluation de ce sinistre s‟avère délicate et le réajustement de cette évaluation
envisageable.
Section 2.1 – Richesses cachées des branches à
déroulement long
Provisionnement
Indépendamment des éléments de fonds propres destinés à couvrir la marge de solvabilité
minium exigée par les autorités de contrôle, ces dernières exigent également un niveau de
provisions techniques suffisant pour couvrir les engagements de la société. Les provisions
techniques inscrites au passif du bilan des sociétés d‟assurance non-vie sont diverses. Elles
comprennent :
Des provisions liées à la valeur des placements, telles que la provision pour
dépréciation durable, la provision pour risque d‟exigibilité et la réserve de
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capitalisation. Ces provisions enregistrent respectivement les plus ou moins-values
latentes ou réalisées.
La provision d‟égalisation, qui agit comme une provision de sécurité pour certains
types de risques.
Les provisions pour primes et sinistres.
La provision pour sinistre à payer est la provision la plus importante en termes de
volumétrie. La constitution de cette provision est une exigence règlementaire européenne
imposée aux compagnies d‟assurance et de réassurance. Comme les autres provisions
techniques, elle doit être suffisante pour le règlement intégral des engagements vis-à-vis
des assurés ou de l‟entreprise réassurée.
Le code des assurances français définit la provision pour sinistres à payer comme la « valeur
estimative des dépenses en principal et en frais, tant internes qu'externes, nécessaires au règlement de tous
les sinistres survenus et non payés, y compris les capitaux constitutifs des rentes non encore mises à la
charge de l'entreprise ; » 34
Cette provision est calculée exercice par exercice selon le principe d‟une évaluation dossier
par dossier. Le montant restant à régler sur chaque dossier sinistre encore ouvert est évalué
par le gestionnaire en charge du dossier. Il est complété, à titre de chargement, par une
évaluation des charges de gestion qui doit être suffisante pour liquider tous les sinistres.
Elle est également complétée d‟une estimation du coût des sinistres survenus mais non
déclarés. Ces estimations sont en général réalisées par un actuaire. Les sinistres survenus
mais non déclarés sont désignés en anglais sous l‟expression IBNR35. Ils sont
particulièrement importants dans les branches à déroulement long.
Article R331-6 4°) applicable aux compagnies d‟assurance et article R331-36 applicable aux compagnies
de réassurance
35
Incurred But Not Reported
34
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La provision pour sinistres à payer doit être calculée pour son montant brut, sans tenir
compte ni des recours à exercer contre d‟éventuels tiers responsables, ni des recouvrements
à percevoir au titre de contrats de réassurance. Ils font tous deux l'objet d'une évaluation
comptable distincte.
Le placement des provisions génère des produits financiers importants pour les
compagnies d‟assurance. Ces dernières ne peuvent cependant pas en tenir compte pour
baisser leur niveau de provisionnement dans le cadre du régime actuel. En effet, sauf cas
particuliers, l‟escompte des provisions n‟est pas autorisé.
Par dérogation au principe de l‟évaluation dossier par dossier, l'entreprise d‟assurance peut,
avec l'accord des autorités de contrôle, utiliser des méthodes statistiques pour l'estimation
des sinistres survenus au cours des deux derniers exercices. Dans le cadre de la méthode
dossier par dossier, le gestionnaire se projette dans l‟avenir pour estimer l‟évolution du
sinistre. Les méthodes statistiques utilisées par l‟actuaire reposent en revanche
essentiellement sur l‟analyse de la sinistralité historique. Ces méthodes statistiques ont
évolué ces dernières années. Les actuaires ont désormais recours à des méthodes
stochastiques36 pour tenter de mesurer l‟incertitude générée par l‟utilisation de méthodes
statistiques déterministes37.
Certaines branches d‟assurance bénéficient par ailleurs de règles spécifiques. Il s‟agit des
garanties décennales d'assurance construction et des opérations d'assurance des véhicules
terrestres à moteur pour les sinistres matériels. Pour ces dernières, s‟agissant de sinistres de
masse de montant relativement peu important, l‟utilisation du coût moyen des sinistres et
des cadences de règlement observés au cours des exercices antérieurs est suffisante. Pour
les premières au contraire, les spécificités techniques propres à l‟assurance construction
nécessitent un traitement particulier, avec l‟établissement d‟une provision pour sinistres
non encore manifestés38.
36
« Adjectif synonyme, en mathématique, d'aléatoire, qui caractérise des calculs, des processus, des
équations différentielles et qui indique que le phénomène étudié n'est pas déterministe et fait intervenir des
probabilités » Lexique Vernimmen
37
Les classiques méthodes « Chain ladder » sont des méthodes déterministes. Elles s‟appliquent sur des
triangles de paiements de sinistres ou de charge cumulés et sont fondées sur l‟utilisation de cadence de
règlement supposées constantes.
38
Article A331-21 du code des assurances
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Première partie - Le marché du Run-Off
Les branches d‟assurance non-vie sont susceptibles de générer des paiements sous forme
de rentes. Il s‟agit, par exemple, de rentes indemnitaires versées aux victimes d‟accidents
de la circulation. Le provisionnement de ces rentes n‟est pas pris en considération dans le
cadre de la provision pour sinistres à payer car il fait l‟objet d‟un provisionnement
spécifique sous la forme d‟une provision mathématique de rentes. La valeur actuelle des
engagements de l'assureur doit être calculée. Un barème de provisionnement39 s‟impose
alors aux compagnies d‟assurance. Il est constitué :
Du montant de l‟arrérage40 de rente versé à la victime.
D‟une table de mortalité prédéfinie qui sert à estimer le temps durant lequel les
arrérages seront versés à la victime.
D‟un taux d‟actualisation maximum qui sert à estimer les profits financiers qui
pourront être générés par le placement de la provision (plus le taux d‟actualisation est
faible, plus la provision est importante).
Provisions et durée des engagements
Au-delà des quelques cas spécifiques évoqués plus haut, le législateur n‟a pas jugé bon de
retenir un traitement différencié des provisions selon la durée estimée de règlement du
sinistre. La volatilité de la provision dépendra pourtant en partie de cette durée. Il est plus
difficile d‟évaluer les montants à long terme car les sinistres sont alors exposés plus
longtemps aux facteurs externes tels que les modifications de jurisprudence, les évolutions
législatives ou règlementaires, le poids de l‟inflation, etc.
Dans le cadre de la quatrième étude quantitative d‟impact (QIS4) de la Directive
Solvabilité II, l‟Autorité de contrôle française a émis des orientations nationales
complémentaires aux spécifications techniques européennes41. Elle a, entre autres,
communiqué des durées moyennes de règlement de sinistres par branche, comme suit :
39
Article A331-10 du code des assurances
Somme d'argent versée périodiquement à la personne bénéficiaire d'une rente
41
ACAM ONC QIS4 mai 2008
40
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
Ces moyennes, déterminées pour les besoins du QIS4, ont été établies à partir des données
du marché tous sinistres confondus. En pratique, le règlement d‟un sinistre Responsabilité
Civile Automobile ayant généré des préjudices corporels lourds à une victime mineure au
moment de l‟accident, pourra prendre plusieurs décennies.
Les actuaires adaptent normalement les méthodes statistiques à la durée de liquidation, à la
branche concernée et au type de sinistre. Encore faut-il que lesdits sinistres puissent être
identifiés et soient suffisamment nombreux pour justifier un traitement particulier. Les
sociétés spécialisées dans le Run-off ont pu, à ce titre, développer une expertise
particulière. L‟évaluation des sinistres latents peut notamment être réalisée avec des
méthodes spécifiques, comme par exemple pour le calcul des IBNR des sinistres liés à
l‟amiante. Mais l‟évaluation des provisions techniques comporte toujours une part
d‟incertitude. Les provisions techniques peuvent notamment se révéler insuffisantes. La
Directive Solvabilité II prend ce risque en considération.
Il est délicat de déterminer la part des provisions techniques qui découlent de contrats qui
ne font plus l‟objet de souscription active. Les systèmes d‟information des compagnies
d‟assurance n‟ont pas été conçus pour permettre une extraction fine des provisions
techniques afférentes à des contrats inactifs. Une telle démarche d‟identification est
pourtant intéressante, en particulier sur les branches à déroulement long. Elle permet de
vérifier l‟adéquation entre les ressources humaines et le stock de provisions relevant de
contrats qui n‟intéressent plus le développement commercial de l‟entreprise.
En revanche, ce stock de provisions en Run-off n‟a que peu d‟impact sur le niveau de
capital à mobiliser sous l‟environnement prudentiel actuel décrit ci-après. Cet
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
environnement changera dans les deux ans qui viennent avec la mise en place de
Solvabilité II. (Voir Deuxième partie Section 1.1).
Marge de solvabilité sous l’environnement prudentiel actuel
Le système de solvabilité aujourd‟hui en vigueur en France a été mis en place par plusieurs
Directives Européennes. Il consiste à déterminer en premier lieu le besoin de marge de
solvabilité et à vérifier ensuite les éléments constitutifs de la marge de solvabilité qui
couvriront ce besoin.
Les modalités de calcul posées par le code des assurances42 sont assez simples. L'exigence
minimale de marge de solvabilité est déterminée, soit par rapport au montant annuel des
primes, soit par rapport à la charge moyenne annuelle des sinistres. L‟exigence minimale
de marge est égale au plus élevé des résultats obtenus par application de ces deux
méthodes. Ces calculs renvoient aux deux étapes fondamentales dans la vie d‟une société.
Dès sa création, l‟entreprise génère des primes mais n‟a pas encore de sinistres à charge. A
l‟arrêt de sa souscription, date de sa mise en Run-off, l‟entreprise ne perçoit plus de primes
mais doit assumer les engagements souscrits.
Les entreprises d‟assurance non-vie gérant des portefeuilles en Run-off ne génèrent plus de
primes et sont concernées par la méthode de calcul par rapport aux sinistres, selon la
formule suivante :
Calcul fondé sur la moyenne des sinistres43 des 3 derniers exercices :
(26% des sinistres de la 1ère tranche 44 + 23% des sinistres au-delà) x taux de rétention
Pour les branches d‟assurance de responsabilité civile, du fait de leur déroulement long, les
sinistres, provisions et recours sont majorés de 50 %.
Le taux de rétention correspond au rapport existant, pour les trois derniers exercices, entre
le montant des sinistres demeurant à la charge de l'entreprise après cession en réassurance
42
Article R334-5 du code des assurances
Charge brute de réassurance : sinistres + provisions - recours
44
Actuellement 40.300.000 euros
43
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
et le montant des sinistres, bruts de réassurance. Ce rapport, qui tient compte du transfert
de risque opéré par la réassurance, ne peut être inférieur à 50 %.
Plus le montant de provisions est important, plus le besoin en marge de solvabilité
augmente. Cela parait justifié en ce que les provisions sont représentatives des
engagements de l‟entreprise vis-à-vis des tiers. Il y a toutefois un paradoxe dans la mesure
où un assureur qui se montrerait imprudent dans son provisionnement, verrait son besoin
de marge de solvabilité diminuer. Cet effet ne sera pas gommé par la Directive
Solvabilité II qui impose d‟ailleurs de limiter tout excès de prudence dans le
provisionnement.
Indépendamment de la marge de solvabilité requise, le code des assurances prévoit
également la constitution de fonds de garantie, dont le montant est là aussi plus important
lorsqu‟il s‟agit de branches à déroulement long comme l‟assurance Responsabilité Civile45.
Les entreprises entièrement dédiées au Run-off sont soumises à cette exigence de fonds de
garantie minimal.
Section 2.2 - De l’estimation chiffrée à la réalité
d’un marché
Dans son étude 2010 « Unlocking value in run-off »46, le groupe PwC estime que les
engagements en Run-off pèsent environ 34 milliards d‟euros pour la France et le Benelux.
Ce montant est considéré comme surestimé par les professionnels français du Run-off qui
le comparent aux 3,5 milliards de provisions restant à gérer au sein d‟AXA LM, censé être
l‟acteur le plus important du marché en termes de volume de provisions. Les précisions
suivantes ont été obtenues auprès de PwC : le montant applicable pour la France serait de
19 milliards d‟euros, tant pour les portefeuilles d‟assurance que de réassurance. Leurs
45
Article R334-7 du code des assurances
“Unlocking value in run-off - A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe” 2010
PricewaterhouseCoopers LLP
46
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
estimations sont fondées sur les données publiques en matière de provisions afférentes aux
engagements en Run-off des compagnies européennes les plus importantes, par territoire.
Ces informations ont été extrapolées pour couvrir chaque territoire plus largement en
considérant, entre autres choses, le montant cumulé des primes souscrites et le loss ratio
moyen47. Trente-six compagnies françaises ont répondu à l‟enquête de PwC mais elles
n‟étaient pas directement interrogées sur le montant de leurs engagements en Run-off. Une
telle question se serait très certainement avérée inutile car les compagnies françaises ne
communiquent pas en la matière.
Les rapports financiers annuels des compagnies françaises permettent seulement de
déterminer le montant global de provisions techniques du marché. L‟essentiel de ces
provisions est généré par les compagnies d‟assurance vie et de capitalisation. Elles
s‟élevaient à environ 128,4 milliards d‟euros fin 2009 pour les assureurs non-vie contrôlés
par l‟Autorité de contrôle prudentiel48.
Le graphique ci-après montre l‟évolution des provisions techniques pour les sociétés
d‟assurance dommages sur les neuf dernières
années selon les données de la FFSA49.
Il est impossible d‟établir avec précision la part
de ces provisions techniques qui serait relative
aux affaires en Run-off portées par les
compagnies d‟assurance françaises. En 2005, un
journaliste spécialisé indiquait « Les assureurs
avouent au mieux que les affaires "en sommeil" ne
47
Coût des sinistres / primes encaissées
Rapport annuel 2009 de l'Autorité de contrôle prudentiel
49
Données pour l‟ensemble des sociétés d‟assurances françaises et étrangères opérant en France, le montant
mentionné pour 2009 est une estimation au 1er juin 2010
48
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
représentent pas plus de 1 % ou 2 % de leur portefeuille courant. »50,
Parmi les éléments que les entreprises d‟assurance doivent fournir à l‟Autorité de contrôle
prudentiel, figure un état d‟analyse des comptes relatif aux résultats techniques par contrat.
Cet état pourrait constituer un indicateur sur le volume de provisions afférent aux affaires
en Run-off.51 Il détaille en effet à la fois les montants de primes, les provisions pour
sinistres à payer et les prévisions de recours à encaisser par catégorie de contrats.52 Pour
une société qui aurait cessé toute souscription dans la branche construction, cet état permet
ainsi d‟appréhender rapidement le volume de sinistres relevant de ce Run-off.
Mais les autres catégories de contrats retenues ne sont pas assez fines pour pouvoir
apprécier le volume d‟affaires potentiellement en Run-off.
La catégorie Responsabilité Civile
Générale (RCG) est, par exemple,
particulièrement large. Elle peut
aussi bien viser la RCG d‟un
particulier couverte dans le cadre de
sa police multirisque habitation,
que
la
Responsabilité
Civile
Exploitation d‟un grand groupe
industriel
responsabilité
ou
encore
médicale
la
d‟un
chirurgien en obstétrique.
Deux raisons principales peuvent être avancées pour tenter d‟expliquer l‟absence de
données chiffrées sur le montant de provisions relevant d‟affaires en Run-off :
La grande majorité des compagnies ne voit pas l‟intérêt qu‟elles pourraient trouver à
tenter d‟identifier les sinistres concernés. Ils sont gérés comme les autres, avec ni
Argus de l‟Assurance, « Les chasseurs de passifs attendent leur or », 18 novembre 2005
Article Annexe A344-10 du code des assurances ETAT C1
52
Dommages corporels / Automobile / Dommages aux biens / Catastrophes naturelles / Responsabilité civile
générale / Protection juridique, assistance et pertes pécuniaires diverses / Transports / Construction / Crédit et
caution
50
51
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Première partie - Le marché du Run-Off
plus ni moins de pro-activité. Ces compagnies entendent assumer leurs engagements
jusqu‟au bout.
Le terme Run-off évoque, pour beaucoup, les défaillances des compagnies sur le
marché anglais au début des années 1990. Il souffre d‟une mauvaise réputation étant
associé à une notion d‟instabilité financière.
Cette deuxième raison renvoie à d‟autres éléments avancés par les professionnels français
du Run-off, toujours par comparaison au marché anglais. La règlementation trop figée du
marché français est ainsi souvent dénoncée pour expliquer une gestion statique des
engagements en Run-off. Le marché anglais est effectivement beaucoup plus souple, voire
même inventif, en termes de procédures. L‟aspect culturel est également souvent mis en
avant : les anglais se montreraient par nature beaucoup plus pragmatiques que les français,
n‟hésitant pas à se défaire de tout ce qui ne relève plus de leur cœur de métier.
Les compagnies françaises n‟affichent aujourd‟hui aucune volonté de s‟engager dans un
processus d‟identification de la part de Run-off au sein de leurs provisions techniques. Les
acteurs du Run-off avaient pourtant cru au début des années 2000 que la mise en place du
régime règlementaire Solvabilité II changerait la donne. En effet, le niveau du SCR
augmente considérablement pour les compagnies d‟assurance non-vie par rapport au
niveau de marge de solvabilité du régime actuel. Dans la formule dite standard proposée
par la Directive (par opposition au développement d‟un modèle interne propre à la
compagnie), un besoin de capital est associé au sous module « risque de réserve » : ce
besoin de capital varie avec le niveau de provisionnement. Intuitivement, baisser le niveau
de provisionnement semblait donc une solution à envisager.
Rejoignant la Directive Solvabilité II, les nouvelles normes internationales comptables
dites IFRS réduiront par ailleurs la possibilité aujourd‟hui laissée aux entreprises
d‟assurance de lisser leurs résultats sur plusieurs exercices par le jeu des provisions
techniques.
La Directive, dont le projet a été formellement initié dès 2004, n‟entrera cependant en
vigueur que le 31 décembre 2012, avec la possibilité de mettre en place des phases
transitoires qui pourraient durer jusqu‟à dix ans pour la mise aux normes en matière de
calcul de l‟exigence de capital cible53.
53
Proposition de Directive Omnibus 2 janvier 2011
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
Les normes IFRS peinent également à se mettre en place. La première phase d‟application
de la norme IFRS 4, (applicable aux passifs d‟assurance depuis 2005 pour les entreprises
européennes cotées), laisse les assureurs comptabiliser leurs passifs techniques selon les
règles classiques en vigueur. A partir de la deuxième phase d‟application, les entreprises
devront évaluer leurs passifs en cohérence avec les valeurs observées sur le marché. Le
projet de norme a été publié54 mais elle ne sera pas adoptée avant 2013 / 2014.
Par ailleurs, outre l‟aspect culturel évoqué plus haut et les freins règlementaires, le marché
du Run-off n‟est plus aussi attractif qu‟au début des années 2000 pour les vendeurs
potentiels. Les sociétés spécialisées en gestion de Run-off ont en effet comme les autres été
impactées par la crise financière initiée en 2007 et surtout elles sont, elles aussi, concernées
par Solvabilité II.
L‟exemple suivant est communiqué par la société AXA Liabilities Managers sur son site
internet :
Un portefeuille de 100 millions d‟euros de réserves brutes en réassurance non-vie
demande aujourd‟hui entre 0 et 3 millions d‟euros de capital55.
Avec les spécifications techniques communiquées par l‟EIOPA (anciennement
CEIOPS) 56 pour le QIS557, le SCR sera significativement plus élevé pour ce même
portefeuille car plusieurs facteurs de risques sont à prendre en considération. Le
module le plus important sera ici le risque de réserve. (Cf. Deuxième partie
Section2.2) Dans l‟exemple donné par AXA LM, le SCR atteint 25 millions
d‟euros, voire même 30 millions s‟il s‟agit d‟une entité légale dédiée autonome.
Acquérir un portefeuille en Run-off génère donc pour ces compagnies spécialisées une
charge en capital qu‟elles répercuteront nécessairement sur le prix d‟achat proposé. Pour
ces compagnies un capital élevé signifiera aussi une exigence de taux de retour sur
capitaux plus difficile à atteindre. Elles devraient donc en théorie également se montrer
plus sélectives.
54
Exposure draft ED/2010/8 corrigé au 02 août 2010
Les minima des fonds de garantie pour les structures légales autonomes ont cependant été augmentés début
2010 : 3,2 millions d‟euros pour les entreprises de réassurance / 3,5 millions d‟euros pour les entreprises
pratiquant l‟assurance Responsabilité Civile
56
EIOPA (Autorité européenne des assurances et des retraites professionnelles) ex CEIOPS (Comité
européen des contrôleurs de l'assurance et des pensions professionnelles) Organisme qui regroupe les
représentants des autorités de contrôle des États membres de l‟Union européenne et de l‟Espace Economique
Européen
57
EIOPA - Quantitative impact study 5 - Technical specifications
55
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Première partie - Le marché du Run-Off
La première partie de notre étude tend à confirmer que la France ne représente pas un
véritable marché pour les professionnels du Run-off. Ces derniers travaillent plus
efficacement à partir d‟engagements de réassurance que d‟assurance. Or, l‟important
volume de provisions techniques est essentiellement constitué d‟engagement d‟assurance
en France . Les conditions aujourd‟hui proposées par les investisseurs ne sont par ailleurs
pas suffisamment attractives pour susciter à elles seules un choix opportuniste de cession
de portefeuille. Les prestataires de service sont quant à eux confrontés à des freins de
nature culturelle et surtout, à l‟absence de prise en compte du Run-off dans les stratégies de
gestion mises en place.
Sur ce dernier point, le choix d‟organisation opéré par certains réassureurs est pourtant
riche d‟enseignements. Traiter au sein d‟une cellule dédiée des sinistres potentiellement
sujets à dérive et relevant de caractéristiques communes, permet de les gérer efficacement.
Les compétences humaines sont alors préservées et entretenues, même dans un contexte de
Run-off. La volatilité inhérente aux branches d‟assurance à déroulement long mérite que
les assureurs s‟organisent à leur tour.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie –Options
stratégiques sur le Run-Off
d’assurance
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
L‟enquête menée en 2010 par PwC58 révèle que 90% des sociétés sondées déclarent avoir
mis en place une stratégie pour la gestion de leurs engagements en Run-off. Elles étaient
70% dans le cadre de leur enquête menée en 2008. Il est probable que cette évolution soit
en lien avec l‟appropriation progressive des nouveaux concepts posés par la Directive
Solvabilité II. Cette enquête est menée auprès d‟un panel restreint de 500 personnes en
Europe, elle ne reflèterait pas nécessairement la même évolution si elle était réalisée
exclusivement en France.
Chapitre 1 – Nouvelle approche des
provisions techniques sous
Solvabilité II
Section 1.1 – Juste valeur et risque de réserve
Juste valeur :
Le projet Solvabilité II a soulevé de nombreux débats entre les entreprises d‟assurance, les
organismes de contrôle et les instances européennes. La question des provisions techniques
est celle qui a généré le plus de discordes. L‟objectif de départ était de mettre en place un
système de provisionnement prudent, fiable et objectif. Ce point qui fait consensus est
d‟ailleurs inscrit dans la Directive59. Mais pour ne pas multiplier les jeux de comptes,
l‟Europe a tenté d‟aligner le traitement prudentiel des provisions techniques sous
Solvabilité II et leur traitement comptable sous les normes IFRS.
“Unlocking value in run-off - A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe” 2010
PricewaterhouseCoopers LLP
59
Article 76 de Directive 2009/138/CE
58
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
La Directive a alors repris la notion de juste valeur (fair value) qui renvoie à une valeur de
marché, telle que prônée par la norme IFRS4 en cours d‟élaboration.
« La valeur des provisions techniques correspond au montant actuel que les entreprises
d'assurance et de réassurance devraient payer si elles transféraient sur le champ leurs
engagements d'assurance et de réassurance à une autre entreprise d'assurance ou de
réassurance. 60
Or, le nombre de transactions enregistrées en matière de cessions de portefeuilles est trop
faible, les acteurs trop restreints et le type d‟opération trop spécifique pour servir de
référence de valeur de marché. La Directive dispose donc par ailleurs que « la valeur des
61
provisions techniques est égale à la somme de la meilleure estimation et de la marge de risque ». .
La meilleure estimation (plus souvent utilisée dans sa forme anglaise Best Estimate)
correspond à « la moyenne pondérée par leur probabilité des flux de trésorerie futurs, compte tenu de la
valeur temporelle de l'argent (valeur actuelle attendue des flux de trésorerie futurs), estimée sur la base de la
courbe des taux sans risque pertinents. »
Les flux de trésorerie dont il est question sont essentiellement constitués par les paiements
de sinistres et des frais afférents à leur gestion. La Directive et la norme IFRS 4 se
rejoignent sur le principe de l‟actualisation de ces flux. Ce principe d‟escompte des
provisions techniques n‟est pas autorisé sous le régime prudentiel actuel.
Les mesures d‟exécution de la Directive définiront les méthodes actuarielles et statistiques
ainsi que la courbe des taux sans risque à utiliser pour le calcul du Best Estimate. Les
spécifications techniques communiquées à ce sujet par l‟EIOPA ont fait l‟objet de vastes
débats et ont évolué dans le temps.
60
61
Point 2 de l‟article 76 de la Directive 2009/138/CE
Article 77 de la Directive 2009/138/CE
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
La marge de risque est quant à elle déterminée en fonction du « coût que représente la
mobilisation d'un montant de fonds propres éligibles égal au capital de solvabilité requis nécessaire pour faire
face aux engagements d'assurance et de réassurance pendant toute la durée de ceux-ci. » Elle constitue
donc une marge de prudence établie dans une optique de transfert des provisions à un tiers.
Il s‟agit de déterminer le coût que représenterait pour ce tiers l‟immobilisation du capital,
pour couvrir les exigences règlementaires jusqu‟à la fin des engagements. Les méthodes et
hypothèses à utiliser pour calculer la marge de risque seront elles aussi définies dans le
cadre des mesures d‟exécution de la Directive.
Pour les études quantitatives d‟impact menées par l‟EIOPA, le niveau retenu concernant le
coût que représente la mobilisation du capital est de 6%, pour toutes les entreprises. Les
autres spécifications techniques communiquées sur la marge de risque par l‟EIOPA,
notamment pour la détermination du montant de fonds propres nécessaire, conduisent à un
calcul particulièrement difficile à réaliser.
Sous le prochain environnement prudentiel, il faudra au préalable calculer le SCR pour
pouvoir calculer la marge de risque. Le niveau de provisionnement dépendra donc en partie
du SCR. La Directive avait pourtant vocation à harmoniser la base de calcul des provisions
techniques au sein de la Communauté européenne, « pour une meilleure comparabilité et une plus
grande transparence ».
62
(Cf. Interview de M. Derien en annexe).
Avec les spécifications techniques retenues dans le QIS463, les provisions techniques ont
diminué en moyenne de 20% pour les assureurs non-vie. Cette forte baisse s‟explique
surtout par l‟escompte des provisions. Plus les engagements sont de longue durée, plus la
baisse est importante. Même s‟il est encore trop tôt pour la quantifier, le QIS5 confirme
cette diminution des provisions techniques en assurance non-vie, qui s‟appliquera
également aux engagements relevant de contrats en Run-off. L‟analyse du risque de
réserve associé à ces engagements en Run-off pourra toutefois inciter les compagnies
d‟assurance à mettre en place un plan stratégique pour accélérer la réduction du montant
des provisions.
62
63
Point 53 du Préambule de la Directive 2009/138/CE
EIOPA - Quantitative impact study 4 - Technical specifications
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Risque de réserve :
Le SCR est composé de plusieurs modules, dont le risque de souscription qui engage le
plus de capital puisqu‟il constitue le cœur de métier de l‟assureur. Il s‟agit de refléter
l‟incertitude qui pèse sur les résultats futurs de l‟entreprise, tant au regard de ses
engagements d‟assurance existants, qu‟au regard du portefeuille susceptible d‟être souscrit
dans les douze mois. Dans la formule standard, le risque de souscription en non-vie est
calculé à partir d‟une combinaison d‟exigences de capital applicables à plusieurs sousmodules parmi lesquels :
Le risque de réserve qui résulte « de fluctuations affectant la date de survenance, la fréquence
et la gravité des événements assurés, ainsi que la date et le montant des règlements de sinistres »
Le risque de catastrophe qui résulte « de l’incertitude importante, liée aux événements
extrêmes ou exceptionnels, qui pèse sur les hypothèses retenues en matière de prix et de
64
provisionnement » .
64
Article 105 de la Directive 2009/138/CE
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Le risque de réserve vise à vérifier que le capital de l‟entreprise est suffisant pour faire face
à la volatilité des provisions. Cette volatilité est d‟autant plus importante que le
déroulement du sinistre est long. Elle trouve plusieurs sources :
Le règlement final des sinistres peut s‟avérer supérieur aux évaluations prises en
considération dans le montant des provisions.
Le développement des sinistres ne correspondra pas nécessairement à celui anticipé
pour le provisionnement, notamment sur la vitesse de règlement.
Les engagements relevant de contrats en Run-off peuvent s‟avérer plus volatiles lorsque
l‟entreprise d‟assurance ne met pas en œuvre une stratégie adaptée pour en assurer la
gestion. D‟où l‟intérêt d‟identifier ces portefeuilles.
Dans le contexte prudentiel actuel, les entreprises tiennent déjà compte de la volatilité et
considèrent leurs engagements jusqu‟à leur extinction. Sous Solvabilité II, le risque de
réserve retient seulement un horizon d‟un an mais il sera considéré avec plus d‟attention
car une part de capital y est clairement associée.
Section 1.2 – L’identification de portefeuilles
Segmentation des provisions techniques :
La Directive dispose que pour le calcul de leurs provisions techniques, les entreprises
d‟assurance doivent segmenter leurs engagements d‟assurance en groupes de risques
homogènes. Elles doivent au moins les segmenter par ligne d‟activité 65 afin de conserver
une certaine cohérence entre les données utilisées. A défaut, les hypothèses actuarielles
tirées de ces données ne seraient pas appropriées.
L‟EIOPA a retenu les douze lignes d‟activité suivantes pour les engagements d‟assurance
non-vie : Accidents du travail / Assistance / Crédit et caution / Frais médicaux / Incendie et
autres dommages / Maritime, aviation et transport / Perte de revenus / Protection juridique
/ RC automobile / RC générale / Risques divers / Véhicules terrestres à moteur et autres66.
65
66
Article 80 de la Directive 2009/138/CE
EIOPA Final Advice Technical Provisions Segmentation
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Cette segmentation ne doit pas être réalisée en fonction de la forme juridique du contrat
mais en fonction de l‟objet de la couverture. Elle n‟est donc pas forcément en lien avec les
segmentations règlementaires ou comptables aujourd‟hui applicables.
Il est, par exemple, surprenant de constater que les rentes indemnitaires versées aux tiers
victimes indemnisés dans le cadre d‟un contrat d‟assurance non-vie (RC Automobile ou
RC Générale) sont considérées comme des engagements d‟assurance vie.67
Une segmentation plus fine, propre à chaque compagnie, visant à regrouper des risques
homogènes est par ailleurs nécessaire. Les groupes de risques homogènes sont constitués
d‟engagements d‟assurance qui font l‟objet d‟une gestion commune et qui relèvent de
mêmes caractéristiques. Il s‟agit, par exemple, d‟engagements pris sous une même
politique de souscription, ou sur un même profil d‟assurés, ou bénéficiant d‟un mode de
règlement identique des sinistres, ou encore une typologie similaire de frais de gestion, etc.
Au sein d‟un même groupe, les risques doivent être suffisamment proches pour permettre
un provisionnement cohérent.
Les systèmes d‟informations des compagnies d‟assurance ne sont pas toujours adaptés à ce
niveau de segmentation, qui peut nécessiter de scinder les garanties d‟un même contrat. Ils
devront nécessairement évoluer, ce qui donnera l‟opportunité aux compagnies d‟assurance
d‟identifier les provisions relevant de contrats en Run-off. Des groupes de risques
cohérents pourront être constitués. Cela consiste au sein d‟une ligne d‟affaire donnée, à
former des groupes spécifiques pour des contrats qui ne font plus aujourd‟hui l‟objet de
souscription active et à affiner ces groupes en fonction de l‟homogénéité des engagements.
Gestion des sinistres :
La gestion des sinistres participe pleinement à la connaissance technique d‟une ligne
d‟affaires. C‟est d‟ailleurs l‟observation de la dérive des sinistres sur une branche donnée
qui peut conduire un assureur à cesser de souscrire sur cette branche. Difficile alors pour
les services support d‟obtenir des actions de formation continue et de rester dans le circuit
d‟information, ne serait-ce que pour participer aux réunions marchés pourtant riches
d‟enseignement. Difficile également de conserver et de recruter des profils de spécialistes
pour la gestion des sinistres passés. La compagnie risque alors de perdre son savoir-faire
67
TP.1.13 des spécifications techniques du QIS5
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
technique sur ces affaires qui n‟intéressent plus son développement. Cela génèrera
nécessairement un impact négatif sur la gestion courante des sinistres, surtout sur les
branches à déroulement long. Cet impact peut se traduire, par exemple, par :
l‟absence d‟exercice systématique de recours contre les tiers responsables,
des actions judiciaires qui se prolongent inutilement et génèrent des frais,
des transactions insatisfaisantes, etc.
Les deux exemples ci-dessous concernent des contrats qui ont pour caractéristique
commune d‟être des assurances obligatoires, à déroulement long, particulièrement
techniques. Dans les deux cas, le niveau de sinistralité a découragé nombre d‟assureurs non
spécialisés qui ont cessé toute souscription.
L‟assurance construction, tout d‟abord.
Ce secteur compte aujourd‟hui peu d‟acteurs. Les trois principaux, SMABTP, AXA et
Allianz représentent plus de 60% du marché. Mais par le passé de nombreux assureurs sont
intervenus sur ce risque très technique. Le Run-off de ces engagements est spécifique de
par sa durée : les deux principales polices, Dommages-Ouvrages et RC décennale sont
d‟une durée de 10 ans. La multiplicité des intervenants à l‟acte de construction favorise les
possibilités de recours contre les responsables des sinistres. Ces recours nécessitent un
suivi régulier et une expérience des dossiers. La société Acré spécialisée dans le Run-off
construction annonce ainsi obtenir un taux de recours de 30% à 40% supérieur à la
moyenne du marché (Cf. Interview de Mmes Mamane et Benazera en annexe).
L‟assurance responsabilité médicale est un autre exemple intéressant.
Un récent rapport qualifie l‟offre en la matière de « réduite et cloisonnée »68. Quinze
sociétés seulement sont présentes sur ce marché, elles sont encore moins nombreuses si
nous considérons uniquement les professions à risques. Les deux premières sociétés
représentent 83% des primes pour l‟assurance des chirurgiens et 78% des primes pour
l‟assurance des anesthésistes réanimateurs.
Rapport de Gilles Johanet sur l‟assurance responsabilité civile des professionnels de santé remis le 24
février 2011 au Ministre du Travail, de l‟Emploi et de la Santé
68
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
La
société
SHAM,
spécialisée
en
assurance de responsabilité médicale,
indique qu‟il peut s‟écouler jusqu‟à une
vingtaine d‟années entre la connaissance
du sinistre et la détermination précise de
son
coût.
L‟appréciation
de
la
responsabilité de l‟assuré est délicate. Et
au-delà de cet aspect, le montant de
l‟indemnité ne peut pas être établi avant la
consolidation de l‟état de la victime.
SHAM estime par ailleurs que sur cent
réclamations qui lui sont présentées en RC
médicale, seulement vingt à trente feront
l‟objet d‟une indemnisation. Elle souligne
que l‟indemnisation sera réalisée à un montant plus important que celui initialement prévu
mais qu‟elle pallie l‟imprécision de cette évaluation initiale des dossiers pris séparément,
par une mutualisation de l‟ensemble des réclamations.
SHAM enregistre plusieurs milliers de réclamations par an. Impossible de transposer sa
logique de provisionnement à un assureur ayant décidé de ne plus souscrire en RC
médicale. Encore moins dans le contexte Best Estimate de Solvabilité II.
Les assureurs se sont progressivement désintéressés de cette activité et les acteurs qui
restent sont pour la plupart spécialisés.
Tant l‟assurance construction que l‟assurance médicale nécessitent une gestion de sinistres
par des spécialistes de formation juridique. Dans les deux cas, le fondement de la
responsabilité de l‟assuré fait l‟objet de textes législatifs et règlementaires nombreux et
complexes et d‟une jurisprudence évolutive qui nécessite une analyse approfondie. Dans
les deux cas également, ces juristes doivent être encadrés et bénéficier d‟outils de suivi et
de reporting adaptés pour éviter toute judiciarisation excessive des dossiers. En fonction de
la taille des portefeuilles, des structures de gestion de ce type peuvent s‟avérer trop lourdes
et d‟autres solutions peuvent alors être envisagées.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
Page 51 sur 129
Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Chapitre 2 – Gérer le passé pour
privilégier les portefeuilles actifs
Les professionnels interrogés au titre de la présente thèse professionnelle s‟accordent à dire
que les compagnies d‟assurance françaises travaillent peu sur le sujet de leur Run-off. Le
seul contre-exemple donné de façon récurrente est celui de la création d‟AXA Liabilities
Managers en 2001. Mais cette compagnie s‟est surtout concentrée sur le Run-off des
engagements de réassurance du groupe AXA. Elle s‟est par ailleurs tournée vers
l‟acquisition de passifs externes avec la réalisation d‟une transaction sur un portefeuille de
réassurance69.
Section 2.1 – S’organiser, Déléguer, Transférer ?
Les chapitres qui précèdent brossent le contexte dans lequel s‟inscrit la réflexion sur les
engagements en Run-off :
Mobilisation de capital pour le risque de réserve sous Solvabilité II.
Extraction de valeur « naturelle » avec le nouveau concept de provisionnement.
Marché de cession de passifs de moins en moins favorable aux cessionnaires.
Mise en exergue du risque opérationnel.
La maîtrise du risque opérationnel lié aux engagements en Run-off peut être l‟un des
premiers objectifs que s‟assigne une entreprise qui souhaite mettre en place un
management stratégique de ce type d‟engagements.
Les solutions pour y parvenir sont multiples. Les deux grandes catégories que sont une
gestion interne versus des solutions externes, se déclinent elles-mêmes en plusieurs sous-
69
Acquisition de la société de réassurance allemande BF Rückversicherung en 2009
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
catégories de solutions. Leur choix dépendra de multiples facteurs liés à l‟entreprise ellemême : analyse des ressources humaines internes, politique générale de provisionnement et
de gestion des sinistres, risque de réputation sur ces anciens contrats, protection de
réassurance en place, etc.
Organisation interne :
L‟organisation interne renvoie au concept plus général d‟optimisation de la gestion des
sinistres.
A travers le ratio combiné70, le coût de la gestion des sinistres participe à la vision de la
performance financière de l‟entreprise. Les efforts des compagnies portent d‟autant plus
sur sa réduction en temps de crise. Une structure adaptée permet une réduction naturelle de
ces coûts en traitant dans la masse les sinistres simples et à déroulement court, et en
constituant des équipes dédiées pour les sinistres complexes nécessitant des compétences
pointues. Les engagements en Run-off des branches à déroulement long relèvent de cette
dernière catégorie et peuvent donc nécessiter la création de structure ad hoc. Cette gestion
ad hoc est pertinente dans une organisation mature où la fonction sinistres a été structurée
et segmentée selon la complexité des dossiers pour permettre une gestion proactive.
L‟optimisation de cette gestion passe par un système d‟information performant qui ne peut
que bénéficier à la gestion des sinistres relevant d‟engagements en Run-off : moins de
gestion papier, des systèmes d‟alerte pour les recours, un rattachement du sinistre au
contrat de base etc.
Des actions ponctuelles d‟audit de portefeuilles sinistres menées par des prestataires
externes peuvent avantageusement compléter une gestion de Run-off interne. Il s‟agit
d‟identifier les dossiers concernés et de vérifier que le niveau de provisionnement est
adéquat. Les outils d‟alerte pourront ensuite inciter les gestionnaires à une revue régulière
de ces dossiers. En fonction des objectifs fixés, les procédures de transactions amiables
pourront être privilégiées par rapport aux procédures judiciaires réputées longues, donc
coûteuses en termes de frais de gestion.
70
Ratio combiné = (Coût des sinistres + Frais de gestion) / Volume de primes
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
L‟enquête71 menée en 2010 par la revue “Run-off & Restructuring” auprès de fournisseurs
de service intervenant dans le domaine du Run-off indique que les services externalisés les
plus demandés sont les audits et inspections (17%) suivis par les services en matière de
commutations (15%) et de recouvrements de créances (15% également).
Les regroupements de compagnies observés sur le marché72 pourraient générer des
solutions naturelles en termes de gestion de sinistres : la segmentation des risques évoquée
plus haut bénéficie alors plus facilement d‟une volumétrie satisfaisante et de fortes
économies d‟échelle peuvent être réalisées en termes de frais de gestion. L‟éventail de
compétences est également plus large. Le concept est d‟autant plus intéressant pour les
engagements en Run-off que le lien commercial est gommé. Cela facilite la mise en place
d‟une politique commune de gestion respectant la réputation des différentes entreprises
tout en réglant les sinistres de façon proactive.
Solutions externes :
Deux catégories de solutions externes sont à envisager selon que l‟entreprise souhaite ou
non rester porteur du risque sur ses provisions en Run-off.
La délégation de gestion est un bon outil lorsque l‟entreprise ne dispose plus en interne des
compétences nécessaires ou des systèmes d‟informations adéquats sur un groupe de risques
homogènes qu‟elle a cessé de souscrire parfois depuis plusieurs années.
L‟assureur conclu un contrat de gestion avec un tiers, en vertu duquel ce dernier règle les
sinistres auprès des assurés ou tiers victimes. Au sens juridique, le terme délégation n‟est
pas forcément approprié. Il peut s‟agir d‟un contrat de sous-traitance, d‟entreprise ou
encore de mandat. La qualification du contrat dépendra de l‟étendue des obligations du
tiers gestionnaire. Sa rédaction devra être précise et complète non seulement sur les aspects
rémunération et durée mais aussi sur l‟exacte étendue des pouvoirs du tiers gestionnaire.
Pour être efficace, la délégation doit faire l‟objet de reportings poussés, au-delà des
éléments comptables, pour permettre une réelle analyse de l‟état d‟avancement de la
gestion. Le but est alors de finaliser les dossiers avec célérité sans porter atteinte à la
71
Run-Off & Restructuring n°35 Winter 2010 “Mixed emotions”
Regroupements dans le cadre de Sociétés de Groupe d‟Assurance Mutuelle notamment, telles que Covéa
ou Sferen
72
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
réputation de l‟entreprise qui reste porteur du risque. Cette délégation permet à l‟entreprise
de se concentrer sur son cœur de métier.
Le transfert de portefeuille est une solution plus radicale car irréversible. Le code des
assurances prévoit une procédure spécifique73. Les assurés et les créanciers sont informés
de sa mise en œuvre par un avis publié au Journal officiel de la République française. Ils
disposent d‟un délai de deux mois à compter de la parution de l‟avis pour formuler leurs
éventuelles observations. À l‟expiration de ce délai, le Comité des entreprises d‟assurance
(CEA) se prononce sur l‟opération. La publication de la décision au Journal officiel rend le
transfert opposable aux tiers.
Treize opérations de transferts ont été approuvées par le CEA en 2010 contre 17 en 2009.
La tendance actuelle n‟est donc pas à la multiplication de ce type d‟opération. La plupart
de ces transferts ont par ailleurs été réalisés au sein d‟un même groupe et près de la moitié
visait un transfert total de portefeuille.
Il s‟agit pourtant d‟un outil intéressant. Le frein essentiel se situe du côté des entreprises
susceptibles d‟accepter les portefeuilles. Les investisseurs évoqués en première partie ne
sont pas habilités à se positionner en la matière lorsqu‟ils ne bénéficient pas d‟un agrément
pour pratiquer l‟assurance. Ils sont d‟ailleurs plutôt intéressés par des portefeuilles
d‟acceptations en réassurance qui permettent d‟utiliser la technique de la commutation. De
plus, la gestion des sinistres est facilitée lorsqu‟elle intervient dans une relation de
proximité avec les assurés, ce qui limite fortement les cessions à des acteurs situés hors de
France. Le transfert d‟un portefeuille en Run-off à une entreprise d‟assurance française ne
soulève quant à lui pas de difficulté majeure. Il s‟avère être une stratégie gagnante pour les
deux parties lorsque l‟entreprise qui reçoit le portefeuille dispose elle-même d‟un
portefeuille important sur ce même groupe de risques homogènes. Outre les économies
d‟échelles réalisées, le fait que l‟entreprise soit encore active dans la souscription de ces
risques lui confère une meilleure maîtrise des engagements.
L‟opération comporte le plus souvent un transfert des protections de réassurance associées
au passif mais ce transfert n‟est pas systématique. Seul le principe de transmission
universelle de patrimoine peut être considéré comme emportant transfert des protections de
réassurance passées. Il faudra donc analyser au cas par cas le régime juridique de
l‟opération pour définir s‟il convient ou non d‟obtenir l‟accord express des réassureurs.
73
Articles L324-1 et suivants du code des assurances
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Sur le plan fiscal, il convient de souligner qu‟en 2009 la Cour de Justice de l‟Union
Européenne a considéré la cession à titre onéreux d‟un portefeuille de contrats de
réassurance vie par le groupe Swiss Re comme étant soumis de plein droit à la TVA.74
Mais en 2010 l‟administration fiscale française s‟est prononcée comme suit 75 :
« Les transferts de contrats d’assurance (…) se traduisent à la fois par des transferts d’actif et de
passif, le cessionnaire des contrats reprenant, avec l’accord des assurés, les droits et les
obligations y attachés. De tels transferts doivent donc être qualifiés de transfert d’une universalité
partielle au sens des articles 19 et 29 de la directive déjà citée qui autorisent les Etats membres à
considérer qu’à l’occasion de la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune
livraison de biens ni prestation de services n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la
personne du cédant. Dès lors, les prestations de services effectuées à l’occasion des transferts de
contrats d’assurance ou de réassurance bénéficient de la dispense de TVA prévue à l’article 257
bis du CGI. »
Une opération de transfert de portefeuilles entre entreprises françaises ne devrait donc pas
être soumise à la TVA, à condition qu‟elle emporte le transfert des actifs et passifs
corrélatifs.
L‟audit des provisions contribuera à l‟établissement du prix de cession du portefeuille, tout
comme l‟audit des créances sur les réassureurs et du risque de défaut de ces réassureurs.
Section 2.2 – Se réassurer
La réassurance peut également constituer un excellent outil de sortie de Run-off.
En droit français, la réassurance est simplement définie comme l‟activité qui consiste à
accepter des risques d‟assurances cédés par une entreprise d'assurance ou de réassurance (il
s‟agit alors de rétrocession).76. A l‟aide de la réassurance, l‟assureur limite sa probabilité
de ruine c‟est-à-dire le risque que ses pertes n‟excèdent ses fonds propres. La réassurance
permet en pratique à l‟assureur d‟éviter des pertes trop importantes, notamment en cas de
survenance d‟un événement de grande ampleur telle une tempête, ou encore un sinistre
sériel en responsabilité civile.
74
Arrêt du 22 octobre 2009 - Cas C-242/08
Rescrit fiscal 2010/02 (TCA)
76
1er alinéa de l'article L310-1-1 du code des assurances
75
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
La France représente le cinquième marché des cessions en réassurance dans le monde.77
Comme dans le reste du
monde,
le
taux
de
cession en réassurance
non-vie y est beaucoup
plus important que le
taux
de
réassurance
fortes
cession
en
vie.
De
disparités
sont
par ailleurs observées suivant les branches concernées.
Réassurance classique et marge de solvabilité
L'exigence minimale de marge de solvabilité déterminée dans le cadre du système
règlementaire actuel tient compte du transfert de risque opéré par la réassurance. Pour les
entreprises d‟assurance de dommages (non-vie), le rapport existant pour les trois derniers
exercices entre le montant des sinistres demeurant à la charge de l'entreprise après cession
en réassurance et le montant des sinistres brut de réassurance, vient réduire le montant de
marge de solvabilité exigée. Ce ratio de réassurance ne peut toutefois pas être inférieur à
50 %, ce qui limite la prise en considération de la réassurance dans le calcul de la marge de
solvabilité. Il favorise par ailleurs essentiellement la réassurance dite proportionnelle.
La réassurance est dite proportionnelle lorsque l‟assureur cède les primes d‟assurance qu‟il
a perçues, et les sinistres qu‟il doit régler, dans une même proportion. La réassurance est
dite non-proportionnelle lorsque la prime versée au réassureur est déterminée par rapport
au risque pris par ce dernier sur le montant estimé de sinistralité qui lui sera cédée. Elle
permet notamment de transférer aux réassureurs une partie de la charge d‟événements
d‟ampleur exceptionnelle, comme les tempêtes par exemple. Sur les marchés d‟assurance
non-vie matures comme celui de la France, la réassurance non proportionnelle est plus
souvent utilisée que la réassurance proportionnelle, source d‟hémorragie des primes.
77
« Perspectives du marché de la réassurance en France » François Vilnet, Président de l'Apref, septembre
2010
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
La réassurance, en tant que technique d‟atténuation du risque, permet également d‟ajuster
le calcul du SCR dans le futur régime prudentiel Solvabilité II. Les méthodes et hypothèses
à utiliser seront définies dans le cadre de mesures d‟exécution devant être arrêtées par la
Commission européenne, mais il est établi que la limite de prise en compte de 50% n‟a
plus lieu d‟être.
Dans les différentes études quantitatives d‟impact, le besoin en capital au titre du risque de
primes et de réserve a été déterminé à l‟aide de coefficients appliqués aux primes et au
Best Estimate nets de réassurance. Dans une volonté de simplification, la formule standard
favorise donc toujours la réassurance proportionnelle. Le QIS5 a en partie pris en compte
une forme spécifique de réassurance non-proportionnelle : les traités78 en excédent de
sinistres dans lesquels le réassureur intervient au-delà d‟un seuil de sinistralité, sans lien
avec la prime perçue par l‟assureur. Pour affiner la prise en considération de la
réassurance, la mise en place d‟un modèle interne (total ou partiel) s‟avère encore toutefois
nécessaire. A défaut de ressources informatiques suffisantes, de nombreuses entreprises
partent de la sinistralité historique pour appliquer la réassurance en excédent de sinistre et
prévoient le futur à partir des triangles de développement de sinistralité. Pour une vision
plus fine, il faut partir de la sinistralité brute de réassurance, l‟extrapoler puis appliquer la
réassurance. (Cf. Interview de M. Derien en annexe).
Réassurance alternative à caractère rétrospectif
Comme l‟assurance, la réassurance s‟intéresse le plus souvent à la sinistralité future. En
France, les traités de réassurance non-vie sont aujourd‟hui généralement souscrits pour une
durée ferme et couvrent les sinistres qui surviendront au cours de cette période. Il est
également possible de couvrir les sinistres qui se rattachent aux risques souscrits au cours
de ladite période, notamment dans les branches construction et transport.
78
Le terme « traités » renvoie à la notion de réassurance « obligatoire » (par opposition à la réassurance
« facultative ») : la cédante est obligée de céder les primes des risques qui entrent dans le périmètre du
contrat de réassurance défini lors de sa souscription et le réassureur est obligé d‟accepter les risques en
question.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Mais la réassurance peut également, sous certaines conditions, s‟intéresser aux sinistres
survenus dans le passé. Le groupe Berkshire Hathaway a réalisé de nombreuses opérations
de réassurance rétroactive. Lorsque son PDG et fondateur, Warren Buffet, explique aux
actionnaires l‟opération de réassurance rétroactive effectuée dans le cadre du dossier
Equitas79, il en donne d‟abord une définition très simple : « a policy that protects an insurer
against losses that have already happened, but whose cost is not yet known »80. Selon lui, les
procédures comptables pour les transactions rétroactives ne sont ni bien connues, ni
intuitives. Warren Buffet dresse alors l‟opération en quelques grandes lignes, mais sans
insister.
L‟opération de réassurance rétroactive de la société Equitas s‟est déroulée en plusieurs
étapes :
National Indemnity Company, filiale anglaise du groupe, a fourni une protection de
réassurance d‟USD 5,7 milliards à Equitas. Elle a reçu tout l'actif d'Equitas à titre
de prime, moins GBP 172 millions. Elle a également reçu une contribution de GBP
72 millions du Lloyd's.
Le transfert des engagements des Names vers Equitas Insurance Limited a été
judiciairement approuvé en 2009. Ce transfert a déclenché la mise en jeu d‟une
couverture de réassurance supplémentaire d‟USD 1.3 milliards, en contrepartie
d‟une prime et d‟une contribution additionnelles.
Au début de l‟opération, ni profit ni perte ne sont enregistrés côté réassureur. Des pertes
techniques surviennent ensuite annuellement, via les charges différées sur les engagements
de réassurance amorties chaque année.
Warren Buffet indique à ses actionnaires que le plus important à retenir (côté réassureur)
est que les contrats d‟assurance rétroactive produisent toujours une perte au niveau du
résultat technique. L‟opération s‟avérant profitable uniquement si les produits financiers
générés par le cash reçu excèdent ces pertes techniques. Dans une interview de 2006, il
précisait au sujet de l‟opération Equitas qu‟il espérait un profit mais n‟en avait pas la
certitude, comme pour n‟importe quel autre contrat d‟assurance.81
79
Berkshire Hathaway Inc. Shareholder letter 2006
Traduction libre : « un contrat qui protège une cédante contre des sinistres qui sont déjà survenus mais
dont le coût n’est pas encore connu »
81
Interview de Warren Buffett en 2006 par P. Thal Larsen & A. Felsted du Financial Times, au sujet de
l‟accord entre Berkshire Hathaway & Equitas.
80
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
Les traités de réassurance à caractère rétrospectifs prennent des appellations variées qui ne
renvoient pas toujours à la même réalité technique. Avec le Loss Portfolio Transfer (LPT)
la cédante transfère au réassureur les sinistres à payer, dits « en suspens », résultant de ses
engagements passés. Elle lui verse en contrepartie une prime déterminée en fonction de la
valeur actuelle de ses provisions techniques pour sinistres à payer. Il s‟agit donc de prendre
en considération l‟aspect règlement dans le temps des sinistres, pour évaluer les profits
financiers générés par le placement des provisions. Sur ce type de traités, le risque est
essentiellement constitué par la possible inadéquation de la vitesse de règlement des
sinistres, à la vitesse anticipée lors de l‟escompte des provisions. Les LPT fonctionnent
aujourd‟hui le plus souvent en combinaison avec un autre type de réassurance rétroactive :
l‟Adverse Development Cover, ADC. Le risque couvert est ici un risque technique
constitué par la possible inadéquation du montant de règlement ultime des sinistres, au
règlement anticipé lors de l‟établissement des réserves.
Ces formes de réassurances ne sont pas nouvelles, elles ont été largement expérimentées
sur les marchés anglo-saxons pour faciliter des opérations de fusion / acquisition. Elles
sont mises en avant avec l‟arrivée de Solvabilité II. Les réassureurs les présentent comme
une réponse au traitement de la volatilité des provisions82. Elles sont particulièrement
indiquées pour les branches en Run-off qui n‟intéressent plus le développement de
l‟assureur.
La réassurance rétrospective relève toutefois de la catégorie particulière de la réassurance
« finite » définie ci-dessous, qui fait l‟objet d‟une attention particulière de la part des
autorités de contrôle. La diversité de son traitement comptable peut effectivement conduire
à un manque de transparence du bilan et des résultats de l‟entreprise. Le code des
assurances français la présente comme suit83. (La Directive Solvabilité II comporte une
définition similaire84.)
« La réassurance financière limitée (dite " réassurance finite ") désigne la réassurance en vertu de
laquelle la perte maximale potentielle du réassureur, découlant d'un transfert significatif à la fois
des risques liés à la souscription et des risques liés à l'échéance des paiements, excède, à
concurrence d'un montant important mais limité, les primes dues par la cédante sur toute la durée
du contrat. Cette réassurance présente en outre l'une au moins des deux caractéristiques
suivantes :
1° Elle prend en compte explicitement la valeur temporelle de l'argent ;
82
« Retrospective reinsurance Minimise reserve risk and obtain risk capital relief » Munich Re 2007
Article L310-1-1 du code des assurances
84
Article 210 de la Directive 2009/138/CE
83
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
2° Elle prévoit un partage contractuel qui vise à lisser dans le temps les répercussions
économiques du risque réassuré en vue d'atteindre un niveau déterminé de transfert de risque. »
L‟autorité de contrôle française a émis une recommandation au sujet de la réassurance
finite en 200885. Elle précise que les états d‟analyse des comptes relatifs à la réassurance86
sont insuffisants pour apprécier les clauses atypiques telles que le caractère rétrospectif du
traité. Parmi les critères servant d‟indice pour la qualification de réassurance finite figurent
à la fois le caractère rétrospectif du traité et le fait qu‟il couvre plusieurs exercices de
souscription. L‟appréciation de ces traités par l‟autorité de contrôle passe par une analyse
approfondie des motivations de la cédante. Pour la prise en compte de la réassurance finite
dans le ratio de réassurance applicable en matière de calcul de marge de solvabilité,
l'Autorité de contrôle se fonde sur le transfert de risque effectif.87
L‟idée de regrouper des sinistres à forte inflation ou difficiles à estimer à l‟ultime, au sein
d‟une structure de réassurance dédiée, a déjà été évoquée sur le marché mais n‟a pas
rencontré le succès escompté (Cf. Interview de M. Nessi). Cela peut s‟expliquer par le
souhait des compagnies de ne pas mutualiser ces risques avec leurs concurrents. L‟idée
peut toutefois être reprise au sein des regroupements de compagnies observés sur le
marché ces dernières années.
La deuxième partie de notre étude tend à démontrer l‟intérêt pour les assureurs de
s‟engager dans une démarche d‟identification de leurs engagements en Run-off.
L‟évaluation du capital mobilisé au titre de ces engagements dans le contexte Solvabilité II
peut ensuite orienter la compagnie vers différentes options stratégiques. Ces options sont
multiples. De la mise en place d‟une organisation interne dédiée, à la délégation de gestion
ou au transfert de portefeuille, elles permettent toutes de mieux maîtriser le risque
opérationnel potentiel que génère une gestion non différenciée de certains de ces
Recommandation sur les éléments à communiquer à l‟Autorité sur les traités de réassurance et opérations à
transfert de risque limité dits « finite », disponible sur le site http://www.acam-france.fr/reassurance_finite/
86
Etat C8 Description du plan de réassurance / Etat C9 Dispersion des réassureurs et simulations
d'événements
87
Article R323-1-1 du code des assurances
85
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Deuxième partie – Options stratégiques sur le Run-Off d’assurance
engagements. La réassurance constitue une autre alternative : ce mode de transfert de
risque pourtant très classique se prête à la mise en place de structures innovantes.
Pour être appréciée au plus juste, l‟économie générée par l‟assureur sur ses fonds propres
grâce à la réassurance doit être mise en parallèle avec le risque de contrepartie généré par
ces protections de réassurance.
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Troisième partie – Le Run-Off
des cessions de réassurance
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
La première partie de cette étude évoquait la gestion du Run-off chez les réassureurs. Cette
troisième partie traite des liens contractuels entre assureurs (qualifiés de cédantes) et
réassureurs, et précise la notion de risque de contrepartie pour la décliner dans un univers
anglo-saxon pour le moins inventif.
Chapitre 1 – Réassureurs, porteurs
de risque au long terme
Section 1.2 – La réassurance comme risque de
contrepartie
« Dans tous les cas où l'assureur se réassure contre les risques qu'il a assurés (…), il reste seul
responsable vis-à-vis de l'assuré »88.
Les provisions techniques sont enregistrées au passif du bilan pour leur montant brut de
réassurance. Les créances sur les réassureurs sont quant à elles prises en compte à l‟actif.
Ce principe reste le même sous le nouvel environnement règlementaire Solvabilité II. Le
montant de créances est toutefois admis différemment.
Solvabilité I : Les dépôts
Depuis fin 2008, les provisions relatives aux affaires cédées à un réassureur ayant son
siège social au sein de l'Espace Economique Européen (EEE) peuvent être représentées
sans condition par une créance sur cette entreprise89.
Avant cette date, la créance était admise par l‟Autorité de contrôle uniquement si elle
faisait l‟objet d‟une garantie. C‟est encore le cas aujourd‟hui pour les réassureurs dont le
siège social se situe en dehors de l‟EEE. La garantie en question doit alors respecter
88
89
Article L111-3 du code des assurances
Article R332-3-3 du code des assurances
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
certaines formes90. Le nantissement de compte-titres91, plus souvent désigné sous
l‟appellation « dépôt titres », est la garantie de référence. Le réassureur ouvre alors un
compte bancaire en France sur lequel il place des titres financiers pour un montant qui
correspond à sa part dans les sinistres en suspens qui affectent le traité de réassurance. Le
compte est nanti au bénéfice de la cédante qui pourra éventuellement réaliser le
nantissement après mise en demeure infructueuse du réassureur de régler les sinistres dus.
Le « dépôt espèces » qui se traduit par un transfert de somme d‟argent, est également
accepté par l‟Autorité de contrôle. Sa forme juridique n‟est pas clairement définie mais
s‟analyse généralement comme un transfert de propriété au bénéfice de la cédante. Cette
dernière verse des intérêts au réassureur en contrepartie du dépôt. La lettre de crédit peut
également servir de garantie mais dans des conditions assez strictement définies. 92
Les cédantes françaises restent attachées au principe des dépôts, y compris pour les
réassureurs de l‟EEE. La liberté contractuelle est alors de mise. L‟intérêt de ces dépôts
n‟est plus de faire valoir une créance mais de se protéger du risque de contrepartie que
représentent les réassureurs. Ces derniers sont de moins en moins réceptifs à cet argument,
notamment lorsque leur marge de solvabilité est importante. Les dépôts ont par ailleurs été
considérés comme un frein au développement du marché de la réassurance en Europe en ce
qu‟ils génèrent le gel d‟importantes sommes d‟argent. Sur les branches à déroulement long,
obtenir des garanties du réassureur paraît pourtant prudent, voire nécessaire.
Solvabilité II : Risque de contrepartie
Le nouveau régime prudentiel tient compte du risque de contrepartie généré par les
réassureurs, à la fois à l‟actif dans le calcul de la créance sur les réassureurs et au passif,
dans le calcul du SCR.
Les créances sur les réassureurs sont ajustées à la baisse pour prendre en considération les
pertes probables en cas de défaut « attendu » des réassureurs93. La moyenne des pertes
90
Article R 332-17 du code des assurances
Etabli selon les dispositions de l‟article L 211-20 du code monétaire et financier
92
Article A332-1 du code des assurances
93
Article 81 de la Directive 2009/138/CE
91
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
probables sur l‟ensemble des créances sur les réassureurs est prise en compte. Les mesures
d‟application de la Directive définiront les méthodes à retenir.
L‟EIOPA propose dans le QIS5 une formule d‟ajustement qui nécessite d‟estimer la
probabilité de défaut des réassureurs avec une vision à l‟ultime, c'est-à-dire jusqu‟à la fin
de leurs engagements. Les paramètres fournis définissent un taux de recouvrement et une
probabilité de défaut en fonction de la notation du
réassureur.
Cet ajustement du montant de créances sur les
réassureurs est complété par la prise en compte du
risque de contrepartie dans le calcul du SCR94.
Le module risque de contrepartie doit refléter les
pertes que pourrait entraîner le défaut ou la
détérioration de la qualité de crédit « inattendue »
des réassureurs sur les douze mois à venir. Il ne
s‟agit plus ici d‟une vision à l‟ultime des
engagements, mais de la mesure des fonds propres
permettant d'éviter une faillite sur l‟année à venir
avec une probabilité de 1/200.
Les dépôts, décriés sous le régime prudentiel actuel, sont reconnus comme permettant une
réduction du risque de contrepartie95.
L‟EIOPA a également proposé d‟intégrer la notation du réassureur dans la base de calcul
du risque de contrepartie.
Plus la notation du réassureur est faible, plus sa probabilité de défaut retenue dans le cadre
des projets de calculs prudentiels européens est importante. Les agences de notation ont
pourtant récemment fait l‟objet de vives critiques et la Commission européenne a lancé fin
2010 une « consultation sur les mesures futures à adopter à l‟égard des agences de notation
de crédit ».
«De l’avis général, les agences de notation de crédit ont échoué, d’une part, à refléter
suffisamment tôt la dégradation des conditions du marché dans leurs notations de crédit et, d’autre
94
95
Article 105 point 6 de la Directive 2009/138/CE
SCR.6.38.EIOPA - Quantitative impact study 5 - Technical specifications
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
part, à adapter à temps leurs notations de crédit alors que la crise sur le marché s’était
aggravée96 »
La question du maintien de la relation contractuelle cédante – réassureur sur les branches à
déroulement long doit se poser en cas de baisse de notation. Certains contrats prévoient
une « downgrading clause », qui permet à la cédante de résilier son contrat de réassurance
en cas de baisse de la notation du réassureur d‟un ou plusieurs rangs. Ces clauses sont
décriées par les réassureurs et nombre de financiers pour leur effet pro-cyclique :
Effectivement, la résiliation des contrats ne peut qu‟aggraver le changement de situation
défavorable reflétée par la baisse de notation. Par ailleurs, pour la cédante, l‟intérêt de ces
clauses est à relativiser :
La résiliation n‟est ouverte que pendant la durée du contrat (douze mois le plus
souvent). La downgrading clause est donc un outil à réserver aux branches à
déroulement court.
Pour conserver le même niveau de couverture, la résiliation conduit la cédante à
souscrire auprès d‟un nouveau réassureur. Il peut cependant s‟avérer difficile de
trouver un réassureur disposant en cours d‟année des capacités de souscription
nécessaires. La prime récupérée au prorata temporis auprès du réassureur
« dégradé » ne suffira par ailleurs pas nécessairement à régler le montant de la
nouvelle prime. En particulier sur les couvertures de type événements naturels où la
période de risque varie en fonction des saisons.
La liberté contractuelle laisse ici place à toutes les options : il serait par exemple
envisageable de prévoir ab initio la constitution d‟une garantie déterminée en fonction
des provisions pour sinistres à payer et des IBNR dès lors que le réassureur descend à
un certain seuil de notation. La seule contrainte sera alors de solliciter la mise en jeu de
la garantie contractuelle avant toute déclaration d‟insolvabilité.
La notation est un outil d‟analyse parmi d‟autres. Elle permet de prendre en
considération un risque mais ne suffit pas à s‟en prémunir. Une autre solution à
envisager est celle de la rupture anticipée négociée dès la conclusion du contrat. Cela
se traduit par exemple par des clauses de rachat en matière de traitement des rentes sur
les traités couvrant la branche Responsabilité Civile. Des clauses dites de « clean-cut »
96
Règlement (CE) n°1060/2009 sur les agences de notation de crédit
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
peuvent également être prévues : elles conduisent à une commutation globale du
contrat après un nombre d‟années pré-définies.
Section 1.2 – La gestion proactive des créances
de réassurance
La commutation peut être définie comme “a process where the future value of an unpaid claim(s) and
associated expenses is “current valued”, taking into account financial and non-financial aspects, to accelerate
97
payment and close the case(s).” .
La première partie de cette étude précisait l‟intérêt que trouvent les réassureurs à utiliser
cette technique pour se libérer de certains engagements. Il faut souligner que l‟opération ne
peut aboutir sans l‟accord express des cédantes. Les éléments qui suivent sont des éléments
de persuasion pour ces dernières, plus ou moins pertinents en fonction de leurs besoins au
moment de la proposition de commutation :
Obtention immédiate de liquidités, particulièrement intéressante en période de
crise financière.
Réduction des coûts de gestion en matière d‟établissement de comptes de
réassurance et de suivi de la contrepartie.
Fin d‟une relation contractuelle éventuellement conflictuelle avec le réassureur.
Réduction du risque de contrepartie posé par le réassureur dont la solidité
financière a pu être amoindrie depuis la conclusion du contrat.
Ce dernier point est à prendre avec précaution dans le cadre de la Directive Solvabilité II
car si le risque de contrepartie est réduit, le risque de souscription peut quant à lui
augmenter en proportion plus importante. La cédante perd effectivement l‟effet transfert de
risque et voit son risque de provisionnement augmenter.
Le montant versé par le réassureur à la cédante dans le cadre d‟une commutation est un
montant totalement négociable. La base de calcul est constituée par la part des provisions
Lee R. Steeneck « Commutations of claims » 1998 Traduction libre : « l‟opération par laquelle la valeur
future de sinistre(s) à payer et des frais associés est actualisée en prenant en considération des facteurs
financiers et non financiers afin d‟accélérer le règlement et clore le(s) dossier(s) »
97
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
pour sinistres à payer (les « suspens ») de la cédante qui est à la charge du réassureur. Les
soldes restant dus sont bien entendu également retenus.
Le réassureur peut demander une réduction de ce montant s‟il prouve que la cédante est
trop prudente dans son provisionnement. La cédante peut quant à elle démontrer qu‟il
convient au contraire de réévaluer ce montant à la hausse en produisant un montant
d‟IBNER (incurred but not enough reported). Ce peut être le cas par exemple si un
changement défavorable de jurisprudence intervient dans la branche considérée et n‟a pas
encore pu être répercuté sur le provisionnement.
Un montant d‟IBNYR (incurred but not yet reported) peut également être produit par la
cédante pour les sinistres dits « tardifs » qui sont survenus, mais dont la cédante n‟a pas
encore connaissance.
Tant la provision pour sinistre à payer, que les IBNER et les IBNYR comportent une part
d‟incertitude. Il est fortement recommandé à la cédante de procéder à une analyse
actuarielle ciblée pour négocier au mieux l‟opération de commutation.
Le montant ainsi déterminé sera en général actualisé pour tenir compte du fait que la
cédante perçoit une somme d‟argent avant d‟avoir à régler le sinistre original, somme
d‟argent dont elle peut attendre des produits financiers.
Pour les commutations importantes, le réassureur souhaitera procéder à un audit du
portefeuille sinistre, avant d‟entamer les négociations sur le prix.
Une alternative moins courante est également envisageable, qui évite à la cédante de
renoncer au transfert de risque opéré. Elle consiste à remplacer la protection d‟un
réassureur aujourd‟hui prêt à se libérer de ses engagements, par celle proposée par un autre
réassureur disposant d‟une meilleure solidité financière. Cette solution aura l‟avantage de
réduire le risque de contrepartie de la cédante, sans augmenter son risque de
provisionnement. Une convention de novation est généralement utilisée pour formaliser le
nouvel accord tripartite intervenu entre l‟ancien réassureur, la cédante et le nouveau
réassureur. Ce contrat s‟analyse comme une novation par changement de débiteur ou
délégation parfaite en droit français98 : le débiteur (réassureur initial) donne au créancier
(la cédante) un autre débiteur (le nouveau réassureur) qui s'oblige envers le créancier. La
délégation est dite parfaite car la cédante déclare expressément qu'elle entend décharger le
98
Articles 1271 et suivants du code civil
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
réassureur initial. Il convient de veiller à traiter le cas des éventuels dépôts de garantie, en
subordonnant la mainlevée des garanties sur l‟ancien réassureur à la constitution de
nouvelles garanties par le nouveau réassureur.
Un même contrat de réassurance est généralement souscrit par plusieurs réassureurs à
hauteur de participation différente. Un réassureur qui participe à un traité peut trouver
intérêt à reprendre les engagements d‟un autre réassureur, il percevra en contrepartie une
somme d‟argent. Celle-ci aura l‟avantage d‟être mieux corrélée au risque que la prime de
réassurance initialement perçue.
Qu‟il s‟agisse de commutation ou, dans une moindre mesure, de novation, la cédante peut
tout à fait être initiatrice de l‟opération. Dans les deux cas, il faudra veiller à spécifier
clairement le périmètre des contrats concernés en les listant de façon exhaustive et
détaillée.
L‟appréciation du risque de contrepartie dans Solvabilité II, devrait conduire les cédantes à
s‟orienter vers une gestion proactive de leurs créances sur les réassureurs. La notation des
réassureurs historiques devra en particulier être prise en considération. Elle pèsera en effet
à la fois sur le montant de la créance admise à l‟actif du bilan et sur le module risque de
contrepartie dans le SCR.
La cédante se doit bien sûr également de suivre attentivement toute procédure collective
d‟insolvabilité, afin de faire valoir sa créance sur les réassureurs éventuellement en
difficulté. Ce suivi est parfois délicat car ces procédures peuvent être mises en œuvre dans
de le cadre de régimes juridiques très différents du droit français. La liquidation judiciaire
du réassureur suédois Återförsäkring AB Luap (anciennement Folksam) a ainsi mobilisé de
nombreuses ressources humaines au sein des sociétés d‟assurance et de courtage en
réassurance.
Il est également envisageable d‟instaurer ab initio une rupture de lien contractuel au bout
d‟un certain nombre d‟années. Les clauses dites de « cut-off » prévoient ainsi que le
contrat fera l‟objet d‟une commutation à une date prédéfinie dont le prix sera fixé en
fonction d‟éléments prédéterminés, comme un certain pourcentage des sinistres en suspens.
Les clauses rentes fonctionnant avec une méthode dite « de rachat » précisent de la même
façon que le réassureur sera libéré à l‟ouverture de la rente en réglant sa part du capital
constitutif. Cette méthode a été largement plébiscitée par les réassureurs ces dernières
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
années. Ils ont offert des conditions tarifaires plus avantageuses sur les contrats qui
retenaient la méthode du rachat de rente.
Chapitre 2 – Quand les réassureurs
se désengagent
Section 2.1 – L’intérêt de la maîtrise des
Schemes of arrangement
Le marché de la réassurance est
par
nature
international.
En
intervenant dans le monde entier,
les réassureurs peuvent mutualiser
efficacement leurs risques. Les
cédantes françaises font donc
appel à des réassureurs d‟horizons
différents, soumis à des lois
étrangères.
Se réassurer sur des branches à déroulement long implique d‟entrer en relation
contractuelle avec des réassureurs sur la même durée que celle de liquidation des sinistres
d‟assurance directe. Or, les contrats de réassurance portant sur des engagements très
importants, le risque est le plus souvent réparti entre plusieurs réassureurs. Cela multiplie
les co-contractants à suivre sur la durée. Sur les engagements les plus anciens qui font
encore aujourd‟hui l‟objet de comptes de réassurance, les participations des réassureurs
pouvaient être inférieures à 1%. Les pools de souscription étaient fréquents, notamment au
Royaume-Uni, rendant parfois difficile l‟identification des réassureurs porteurs du risque.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
Le marché de la réassurance s‟est très fortement concentré ces trente dernières années.
« Les cinq premiers réassureurs mondiaux mobilisent aujourd’hui 47% du marché actuel contre 17% il y a
99
trente ans » . Cette concentration s‟est faite via des disparitions de sociétés après mises en
liquidations judiciaires, des cessions de compagnies et surtout des transferts de
portefeuilles. Les cédantes doivent intégrer ces modifications dans leurs bases de données
pour garder la trace de leurs réassureurs débiteurs.
Les réassureurs ont par ailleurs largement utilisé les techniques de gestion de Run-off qui
consistent pour l‟essentiel à commuter leurs engagements. La procédure dite de Scheme of
arrangement, applicable au Royaume-Uni, mérite une attention particulière. Elle peut
contraindre les cédantes à accepter le principe de commutation alors même que l‟entreprise
concernée est parfaitement solvable.
Soixante-deux « Schemes of
arrangement » (SOA) solvables
ont
été
validés
ces
dix
dernières années. Plusieurs de
ces SOA concernaient des
pools
de
regroupaient
engagements
souscription
et
donc
les
de
plusieurs
compagnies : au total ce sont
les engagements de plus d‟une
centaine de porteurs de risques solvables qui ont été traités sur cette période. Etablie à
l‟origine pour liquider les engagements d‟entreprises insolvables, elle est aujourd‟hui plus
fréquemment utilisée par des sociétés d‟assurance ou de réassurance solvables.
Un Scheme of arrangement est une procédure de droit anglais100 qui lie la compagnie qui le
met en place et l‟ensemble de ses créanciers. Elle peut être utilisée indifféremment par des
assureurs ou des réassureurs mais n‟est pas spécifique à ce secteur d‟activité. L‟accord de
l‟autorité de contrôle britannique (la FSA) n‟est d‟ailleurs pas formellement requis. La
99
« Concentration au sommet pour la réassurance mondiale », L’Argus de l’assurance, 15 septembre 2010
UK Companies Act 2006 Part 26
100
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
FSA souhaite cependant être consultée lors de la mise en place du Scheme101. Elle précise
veiller au respect des droits des créanciers, surtout lorsqu‟il s‟agit d‟assurés personnes
physiques. Les créanciers ayant le statut de compagnies d‟assurance ou de réassurance sont
quant à eux présumés maîtriser la procédure. Par ailleurs, la FSA ne s‟opposera pas à la
mise en place d‟un Scheme of arrangement au seul prétexte de la solvabilité de
l‟entreprise, dès lors que cette dernière prouve que les créanciers ne seront pas moins bien
traités que si la gestion du Run-off s‟était poursuivie normalement. La FSA considère enfin
que, sauf circonstances exceptionnelles, les affaires doivent être en Run-off depuis au
moins cinq ans pour que la mise en place d‟un Scheme soit justifiée.
La procédure de Scheme of arrangement se déroule en plusieurs étapes :
1. Requête judiciaire pour l‟organisation d‟une réunion de créanciers. Les créanciers
peuvent être répartis entre plusieurs catégories pour les besoins du vote et être ainsi
amenés à voter séparément. Les catégories doivent être composées de créanciers
dont les droits ne diffèrent pas au point de ne pas pouvoir se rejoindre autour d‟un
intérêt commun.102
2. Réunion de créanciers. Pour être favorable, le vote doit obtenir la majorité des voix
en nombre, ces voix devant représenter au moins 75% en valeur de chaque classe
de créanciers présents et votant. Le quorum de 75% est calculé sur la valeur des
créances des participants au vote et non sur la valeur des créances de l‟ensemble
des créanciers. D‟où l‟intérêt pour les cédantes de participer au vote. Le vote par
procuration est admis.
3. Requête judiciaire pour validation du Scheme
Si le Scheme est validé, il s‟impose aux créanciers, qu‟ils aient ou non participé au vote.
Une date limite de déclaration des créances est souvent fixée, elle intervient en général
trois à six mois après la fin du Scheme. Les créanciers sont invités à déclarer non
seulement le montant des soldes qui leur sont dus mais aussi le montant des provisions
pour sinistres à payer et des IBNR. L‟établissement du montant de la créance à déclarer est
une étape clef pour la cédante. Cette commutation forcée intervient parfois des dizaines
101
102
FSA process guide to decision making on Schemes of Arrangement for insurance firms
Sovereign Life Assurance Co. v. Dodd [1892] 2 Queen‟s Bench 573 CA
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
d‟années avant le règlement ultime du sinistre auquel la cédante devra faire face seule. La
cédante qui ne déclare pas sa créance en temps voulu perd l‟intégralité de cette créance.
Elle a tout intérêt à produire un montant de créance le plus documenté possible et à tenir
compte de tout contexte défavorable à l‟évolution des sinistres dans le montant d‟IBNR
déclaré.
Les difficultés posées par les Schemes aux cédantes françaises sont multiples :
Les documents, intégralement établis en anglais, sont adressés à la compagnie (ou à
son courtier) sans précision du département concerné et ne parviennent pas toujours
aux services cessions de réassurance. L‟adresse elle-même peut être obsolète.
Les réunions de créanciers ont lieu en Grande-Bretagne.
Les affaires concernées ne sont pas identifiées pour la cédante. Le corps du Scheme
détaille uniquement son champ d‟application global, parfois sur plusieurs pages :
périodes de souscriptions spécifiques, via des agences de souscription spécifiques,
pour des branches d‟affaires spécifiques…
La mise en place des Schemes est réputée coûteuse, ce qui en limite en partie l‟usage. Leur
utilisation a par ailleurs été moins fréquente ces trois dernières années en raison d‟une
incertitude juridique qui a commencé à peser autour de leur validité après leur remise en
cause par des créanciers.
Cette incertitude a commencé en 2005 avec le premier jugement refusant de valider un
Scheme of arrangement solvable. Ce Scheme concernait la British Aviation Insurance
Company Limited. Il lui a été reproché de ne pas avoir distingué les créanciers avec IBNR
des autres créanciers pour l‟établissement du vote. Leurs intérêts ne sont pas les mêmes.
Les créanciers avec IBNR ne pourront pas percevoir dans le cadre du Scheme un montant
correspondant exactement au montant qu‟ils auraient obtenu si le Scheme n‟avait pas eu
lieu. En effet, le montant de leur créance fait encore seulement l‟objet d‟une estimation au
moment de la mise en place du Scheme. Par la suite, des Schemes portant uniquement sur
des engagements de réassurance ont cependant été validés103 : les cédantes sont censées
être compétentes en matière d‟IBNR.
103
Par exemple le Solvent Scheme of Arrangement de Great Lakes Reinsurance (UK) Plc, du groupe Munich
Re
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
Le Scheme mis en place par The Scottish Lion Insurance Company Limited, (société
solvable mais en Run-off depuis 1994), a quant à lui fait l‟objet d‟une action judiciaire
initiée par des créanciers américains. En première instance, le juge a soulevé la question de
l‟opportunité de mettre en place un Scheme lorsque la compagnie concernée est solvable et
ne fait pas l‟objet de difficultés particulières. En appel104, la Cour a considéré que
l‟existence d‟un problème peut effectivement favoriser la validation du Scheme, mais ne
constitue pas une condition sine qua non. Cette décision favorable à la mise en place des
Schemes of arrangement pourrait relancer la dynamique de ce secteur. Il faut noter que
Scottish Lion a été achetée en avril 2010 par National Indemnity, filiale du groupe
Berkshire Hathaway. Alors que ce groupe est plutôt réputé pour mener à terme les Run-off
des compagnies achetées, il n‟a pas exclu la possibilité de poursuivre le Scheme de
Scottish Lion.
Un portefeuille ne peut être liquidé au Royaume Uni dans le cadre d‟un Scheme que s‟il a
des liens avec cet Etat. Il n‟est pas nécessaire que le siège social de la compagnie soit
enregistré au Royaume-Uni. Par exemple, le fait que la compagnie ait souscrit via une
agence qui y était implantée s‟avère suffisant. Un portefeuille souscrit hors du Royaume
Uni mais qui y serait transféré par la suite peut lui aussi faire l‟objet d‟un Scheme of
arrangement.
Section 2.2 – Spécificités des transferts de
portefeuille en réassurance
Une opération de transfert de portefeuille consiste pour un (ré)assureur porteur de risques,
à transmettre des contrats de (ré)assurance, avec les droits et obligations qui y sont
attachés, à un autre porteur de risque.
Une Directive visant à instaurer un cadre prudentiel pour les activités de réassurance
exercées dans la Communauté européenne a été publiée en 2005105. Cette Directive
104
105
Inner House of the Scottish Court, janvier 2010
Directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
instaure, entre autres, le principe d‟agrément administratif unique pour les réassureurs
européens. L'agrément, octroyé par l‟Etat membre d‟origine du réassureur est valable dans
l'ensemble de l'Union Européenne. La Directive précise que les dispositions régissant les
transferts de portefeuille devraient être conformes à ce principe d‟agrément unique et
devraient s'appliquer à différents types de transferts de portefeuille entre des entreprises de
réassurance. Sont cités : les transferts de portefeuilles résultant de fusions entre des
entreprises de réassurance ou d'autres opérations relevant du droit des sociétés et les
transferts de portefeuilles de sinistres à payer lors d'une liquidation de sinistres vers une
autre entreprise de réassurance.
La Directive dispose106 :
«…chaque État membre autorise les entreprises de réassurance ayant leur siège social sur son
territoire à transférer tout ou partie de leur portefeuille de contrats, y compris ceux souscrits en
régime d'établissement ou en libre prestation de services, à un cessionnaire établi dans la
Communauté, si les autorités compétentes de l'État membre d'origine du cessionnaire attestent
que celui-ci possède, compte tenu du transfert, la marge de solvabilité nécessaire…»
Les transferts de portefeuille étaient possibles dans certains pays européens, dont le
Royaume Uni et la France, avant même l‟instauration de cette Directive. Ce texte ajoute
cependant un certain formalisme et rend légitime l‟opération en instaurant une condition :
l‟entreprise qui reçoit le portefeuille doit continuer de remplir les conditions de solvabilité
au sens de la Directive une fois le transfert effectué. En revanche, la Directive ne règle pas
les questions d‟opposabilité du transfert pour lesquelles il convient de se référer aux droits
nationaux.
La Directive réassurance n‟a été transposée que courant 2008 en France107. Depuis, le code
des assurances108 prévoit expressément que les entreprises de réassurance ayant leur siège
social en France et leurs succursales peuvent être autorisées à transférer leur portefeuille à
une entreprise de réassurance ou d'assurance ayant son siège social dans l'Espace
Economique Européen et à leurs succursales établies sur ce même territoire. Cette nouvelle
procédure est placée sous le contrôle du Comité des Entreprises d‟Assurance, organisme de
l‟ACP. Lors de sa présentation109, il a été précisé qu‟elle n‟empêche pas les transferts de
portefeuille effectués sur une base contractuelle. La procédure de transfert inscrite au code
106
Article 18 de la Directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005
Ordonnance n°2008-556 du 13 juin 2008 & décret n°2008-1154 du 7 novembre 2008
108
Article L324-1-2 du code des assurances & Article R324-1 du code des assurances
109
Rapport au Président de la République relatif à l‟ordonnance n° 2008-556
107
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
des assurances s‟avère donc tout à la fois inopposable aux cédantes et facultative pour le
réassureur… Un commissaire contrôleur indique à ce sujet « Cela nous permet d'être informés et
d'anticiper les problèmes. Mais cet accord ne suffit pas, puisqu'il ne rend pas le transfert opposable aux
cédantes, et c'est là que se situe l'ambiguïté. Le réassureur doit donc ensuite négocier traité par traité le
transfert auprès des cédantes»
110
(Cf. Interview de Mme Atig et de M. Colomines en annexe).
Lorsque la procédure est soumise à l‟approbation de l‟ACP, cette dernière vérifie
simplement auprès des autorités de contrôle de l'Etat où l‟entreprise qui reprend le
portefeuille a son siège social, que cette entreprise conservera un niveau de marge de
solvabilité adéquat après réception du portefeuille. L‟ACP ne s‟intéresse pas aux
motivations du transfert. Le réassureur doit informer les cédantes de sa demande
d‟autorisation par un avis publié au Journal officiel. Les cédantes ont alors deux mois pour
présenter leurs observations. Aucun avis n‟a encore été publié à ce jour dans la mesure où
ces dispositions du code des assurances concernent uniquement les entreprises de
réassurance ayant leur siège social en France et elles sont fort peu nombreuses.
Au Royaume Uni les règles relatives aux transferts de portefeuilles sont radicalement
différentes de celles retenues en France. La procédure est la même pour les contrats
d‟assurance que pour les contrats de réassurance111. Elle concerne tout réassureur
britannique souhaitant transférer ses contrats, y compris ceux conclus avec une cédante
étrangère. Il s‟agit d‟une procédure judiciaire, ce qui peut faciliter la reconnaissance du
transfert dans les autres pays. La FSA, autorité de contrôle britannique, est impliquée dès
la demande de transfert et suit l‟intégralité de la procédure mais c‟est la Cour qui se
prononce. La décision se prend à la lumière d‟un rapport établi par un expert indépendant,
agréé par la FSA. Le consentement des (ré)assurés n‟est pas requis. Ils sont avisés à la fois
directement et par voie d‟annonce légale. Ils ont la possibilité de soulever des objections
devant la Cour. A titre d‟exemple, des arguments relatifs à la baisse du niveau de
solvabilité n‟ont pas été retenus par la Cour112 dès lors que le niveau minimum de
solvabilité requis restait atteint. Par ailleurs, la Cour peut valider ou rejeter le transfert mais
elle ne peut pas moduler la forme retenue par l‟entreprise qui le propose.
VAUCHER Marc « L'an 1 de l'application de la directive », l‟Argus de l‟assurance, 04 septembre 2009
Propos de Marc Vaucher recueillis dans le cadre d‟une interview pour l‟Argus de l‟Assurance publiée le 04
septembre 2009
111
Part VII Financial Services and Markets Act 2000
112
Norwich Union Linked Life Assurance Ltd & Others [2004] EWHC 2802 (Ch), 1er décembre 2004
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
L‟Allemagne a mis en place des règles relatives aux transferts de portefeuilles de contrats
de réassurance à l‟occasion de la transposition de la Directive en 2007113. Comme la
procédure britannique, la procédure allemande ne nécessite pas de recueillir l‟accord
préalable des cédantes. La BaFin, autorité de contrôle allemande, doit en revanche valider
le transfert. La société allemande Deutsche Rückversicherung AG (DRAG) a profité de
cette nouvelle procédure dès 2007 pour transférer deux portefeuilles de contrats de
réassurance à sa filiale britannique Deutsche Rück UK Reinsurance (DRUK). Un solvent
Scheme of arrangement a ensuite été mis en place, à la fois pour le portefeuille de contrats
de réassurance souscrit par DRUK à Londres et pour les deux portefeuilles transférés par
DRAG. Cet exemple démontre qu‟une cédante est susceptible d‟être confrontée à la mise
en place d‟un Scheme of arrangement pour toutes ses cessions en réassurance et pas
seulement celles effectuées auprès de réassureurs britanniques.
Les contrats de réassurance souscrits en France contiennent souvent une clause permettant
à la cédante de résilier de façon anticipée le contrat si le réassureur venait à transférer ses
engagements. Cette clause s‟avère toutefois inutile lorsque le transfert survient après la
date d‟expiration du contrat, car il continue de produire effet jusqu‟au règlement ultime des
sinistres qui y sont affectés. D‟autres clauses exigent des réassureurs qu‟ils préviennent les
cédantes avant d‟initier la procédure de transfert, leur communiquent la liste des affaires
concernées, ou encore prévoient une indemnité pour les frais de gestion engendrés.
S‟agissant de contrats entre professionnels, la liberté contractuelle reste de mise. D‟autant
plus que le contrat de réassurance fait par essence partie de ces contrats que l‟on dit
conclus intuitu personae, c‟est-à-dire en fonction de la personne co-contractante.
La question de l‟opposabilité des transferts aux cédantes reste ouverte : à analyser au cas
par cas en fonction du pays d‟origine du réassureur, de la forme du transfert et du contrat
concerné. Lorsque le transfert n‟est pas opposable à la cédante mais que cette dernière en
accepte le principe, il est formalisé par une convention tripartite indépendante du contrat
d‟origine. Cette convention est régularisée par le réassureur d‟origine, le nouveau
réassureur et la cédante. La gestion du transfert est alors plus lourde pour le réassureur qui
doit établir autant de conventions qu‟il a de cédantes. Mais elle est plus transparente vis-àvis de la cédante qui peut alors veiller à préserver ses intérêts, au regard notamment du
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Section 121f para 1 Versicherungsaufsichtsgesetz “VAG”
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Troisième partie – Le Run-Off des cessions de réassurance
transfert des garanties associées aux contrats de réassurance (telles que les nantissements
de compte-titres). En droit français, ce type de convention peut s‟analyser comme une
délégation parfaite par changement de débiteur.
Indépendamment de l‟utilisation des techniques dites de Schemes of arrangement ou de
transfert de portefeuille, poursuivre une relation contractuelle avec un réassureur dont tous
les engagements sont en Run-off peut s‟avérer contraignant pour une cédante. Ces sociétés
peuvent en effet parfois être tentées de retarder le règlement des soldes dus en réclamant
toujours plus de justificatifs ou en contestant l‟interprétation des contrats. Nous sommes là
dans tout le paradoxe du monde du Run-off : du règlement accéléré aux manœuvres parfois
à la limite du dilatoire chez certains acteurs heureusement peu nombreux.
Face à cette incertitude, la cédante a tout intérêt à mettre en place une gestion proactive de
ses créances sur les réassureurs. Elle peut aussi s‟inspirer des bonnes pratiques des
réassureurs actifs mais s‟intéressant à leurs engagements en Run-off, pour les adapter à ses
propres engagements.
Cette dernière partie démontre que les créances sur les réassureurs nécessitent un suivi
régulier et technique. La solidité générale du secteur ne doit pas masquer le risque de
contrepartie généré par les réassureurs. Les spécificités internationales des procédures
mises en place font d‟ailleurs courir aux cédantes un risque de perte de créance sur des
réassureurs solvables. Les solutions qui consistent à réduire la durée du lien contractuel
avec les réassureurs sont donc à considérer avec attention, d‟autant que leur impact
tarifaire sur les traités est souvent intéressant.
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Interviews
Conclusion
La chasse aux passifs est bien ouverte. Elle intéresse cependant moins les entreprises
spécialisées en Run-off, que les assureurs eux-mêmes. L‟identification et l‟analyse fine de
l‟ensemble de leurs engagements deviennent incontournables sous le nouveau régime
prudentiel. Ces démarches s‟inscrivent dans un cadre plus général d‟optimisation des
fonctions sinistres et provisionnement au sein des entreprises.
Cette thèse professionnelle s‟est uniquement intéressée aux engagements d‟assurance nonvie. Les développements consacrés aux cessions de réassurance sont néanmoins
pleinement transposables à l‟assurance vie. Outre la gestion du risque de contrepartie
présenté par les créances sur les réassureurs, les solutions alternatives proposées par ces
derniers sont particulièrement intéressantes à examiner. Les transferts de risque opérés sur
le stock de provisions en cours permettront à certains assureurs de passer le cap de
Solvabilité II.
La mise en exergue des résultats dégagés par chaque branche d‟activité pourrait par
ailleurs inciter des entreprises à cesser la souscription de lignes de risques considérées non
rentables, tant en assurance vie qu‟en assurance non-vie.
Avant de s‟intéresser à ce potentiel renouveau d‟affaires, les acteurs spécialisés du Run-off
doivent eux aussi s‟organiser pour répondre aux exigences de capital posées par
Solvabilité II. La formule standard proposée par la Directive n‟est pas adaptée aux
particularités de leurs portefeuilles inactifs. Le développement de modèles internes devrait
aujourd‟hui constituer une de leurs priorités.
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Interviews
Interviews
 Ralph Bünger - Globale Re
 Maya Atig et Jean-Pierre Colomines - CEA
 Christian Ozanne - La Réunion Aérienne
 Philip Heitlinger - Pro Insurance Solutions Limited
 Pierre Guerin - Partner Re
 Jean-Marie Nessi - Nessi Consulting
 Jocelyne Mamane et Sylvia Benazera - ACRé SAS
 Anthony Derien - CBP
 Jacques Charmoy - AXA Liabilities Managers
 Maurice Truffert - Maurice Truffert Consulting
 Florimon Delalande – BNP Paribas Assurance
 Noël Bugnet - KPMG
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Interviews
Ralph Bünger
Directeur Général France
Globale Rückversicherungs-AG
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 08 février 2010
Pourquoi le réassureur Gerling a-t-il été mis en run-off ?
Gerling Globale a cessé de souscrire fin 2002. A cette époque, Gerling Globale a en effet
souffert beaucoup de pertes, comme d‟ailleurs tout le marché de la réassurance.
Ces pertes étaient surtout dues au World Trade Center qui a coûté à Gerling Globale au
niveau mondial quelques 700 millions d‟euros au brut. Il y avait par ailleurs déjà eu les
tempêtes de 1999 qui n‟ont pas seulement affecté la France (850 millions de francs pour
Gerling Globale), mais aussi d‟autres pays européens.
La crise financière a également joué un rôle car en 1999-2000, les marchés financiers ont
été très fortement affectés, obligeant assureurs et réassureurs à amortir leurs actifs.
Ces trois éléments cumulés ont fait que presque toutes les sociétés ont été obligées de
recapitaliser. Munich Re par exemple a procédé à une augmentation de capital de l‟ordre
de 3 milliards d‟euros.
Le groupe Gerling appartenait alors encore à 70% à la famille Gerling. Deutsche Bank était
entrée en tant qu‟actionnaire à hauteur de 30%. Une augmentation de capital fut nécessaire
en 2002. La famille Gerling a sorti 500 millions, Deutsche Bank a donné 300 millions.
Cela s‟est avéré insuffisant mais la famille Gerling a déclaré ne plus avoir les moyens.
Gerling Globale a donc été obligée de chercher des partenaires mais en réassurance, en
2002, il n‟y avait pas de partenaires. Les marchés étaient vides, les investisseurs avaient
perdu énormément d‟argent sur les marchés financiers. Des sociétés auraient aimé acheter
Gerling mais n‟avaient pas les fonds disponibles.
A cela s‟ajoute un incident : la Scor qui était intéressée a demandé une exclusivité au mois
de juin 2002 pour trois mois. Au bout des trois mois, Scor n‟était pas en position d‟acheter.
L‟annonce fut faite au marché deux jours après le rendez-vous de Monte Carlo. Cela fut
non seulement une perte de temps mais cela a également entraîné une dégradation du
rating : Gerling Globale a perdu un cran de notation quand Scor s‟est déclarée intéressée et
un autre cran de notation quand finalement Scor a décliné. Le rating A était descendu à
BBB+ et à cette époque on pensait être en dehors du marché avec un rating B, même s‟il
s‟agissait d‟un triple B. Cela s‟est d‟ailleurs avéré faux car la Scor a ensuite souscrit
pendant plusieurs années avec un rating BB.
L‟annonce au marché que Gerling Globale se retirait en tant que réassureur pour ses
activités non-vie fut faite lors du rendez-vous de Baden-Baden en octobre 2002.
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Interviews
Plusieurs sociétés ont souhaité acheter le run-off de Gerling Globale mais les conditions
n‟étaient pas satisfaisantes. Vendre ce run-off en 2002-2003 aurait probablement généré
une augmentation de 10 à 30% sur les réserves existantes.
Comment le run-off s’est-il organisé, notamment en France ?
Le groupe Gerling fut l‟un des seuls grands acteurs du marché français de la réassurance à
avoir cessé de souscrire et à gérer son run-off. Il s‟agissait d‟un très important run-off. Le
portefeuille français n‟était pas mauvais et a permis de dégager des bénéfices à terme.
Fin 2002, nous connaissions à peine l‟expression run-off et nous ne maîtrisions pas le
système de commutations. Les six premiers mois, nous nous sommes surtout battus avec
des problèmes de personnel. La réaction du personnel face à la situation de run-off fut en
effet avant tout la fuite.
Pour les anglais, le run-off est pourtant un métier comme un autre qui nécessite des
techniciens, des actuaires, des comptables, des négociateurs, des financiers etc. On y fait
un travail honnête, qui fait partie intégrante du monde de la réassurance.
D‟ailleurs, chaque fois qu‟un réassureur résilie un traité, ce traité est considéré comme
étant en run-off. En France ces affaires résiliées sont gérées avec les affaires actives et
traitées de la même façon, notamment au niveau commercial.
Avant 2002, nous n‟avions jamais remis en question un compte de réassurance, nous
analysions certes les sinistres mais trop superficiellement. Combien de pénalités Badinter
avons-nous payé alors qu‟elles n‟auraient pas dues être intégrées à la charge sinistre ?
Nous n‟intervenions pas car cela n‟aurait pas été de « bon ton ».
A partir du moment où vous devenez un réassureur en run-off, vous n‟avez plus de
revenus, vous ne percevez plus de primes. Vous estimez alors avoir le temps et le devoir de
vérifier attentivement les comptes. Le côté commercial est terminé : vous n‟avez plus « à
faire de fleurs » aux cédantes. C‟est la grande différence avec un réassureur qui continue
de souscrire et qui doit gérer son run-off à côté de son activité courante.
Nous nous sommes alors rendu compte qu‟il y avait beaucoup d‟argent à économiser car
sans mauvaise volonté de la part de la Cédante, beaucoup de postes non couverts sont
présentés dans les comptes.
En réassurance, vous pouvez gérer le run-off de manière passive, c„est à dire que vous
continuez simplement à enregistrer les comptes, à vérifier les sinistres et à payer lorsque
vous êtes d‟accord.
Vous pouvez aussi gérer le run-off de manière active, c‟est-à-dire rechercher la finalisation
rapide des engagements. C‟est la stratégie que nous avons retenue en nous orientant assez
rapidement vers des propositions de commutations.
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Interviews
Comment s’est passé cette gestion active de run-off sur le marché français ?
Le marché français avait alors beaucoup d‟a priori négatifs sur le run-off. L‟expérience du
run-off de NRG, un des grands réassureurs du marché français, avait laissé un très mauvais
souvenir.
Lorsqu‟une cédante souscrit une protection de réassurance, elle n‟entend évidemment pas
rester sans couverture au bout de quelques années. Nous avions toujours été un réassureur
de grande continuité mais tout réassureur en run-off pose la question de son assise
financière. Il n‟a plus de primes mais prend à sa charge toutes les dégradations de sinistres.
Par exemple, les sinistres de la branche automobile ont traversé une phase de grande
dégradation à partir des années 2000 en France. Jusqu'à ces deux dernières années, nous
n‟avons subi que des dégradations pour les affaires sur lesquelles nous participions. Les
réassureurs en activité ont quant à eux pu compenser par de fortes augmentations tarifaires.
En 2003, les couvertures automobile en excédent de sinistres avaient augmenté d‟environ
50% et l‟année suivante elles ont une nouvelle fois augmenté de l‟ordre de 40 à 50%, soit
pratiquement un doublement des primes. En réassurance, vous ne recevez jamais le juste
prix : vous avez seulement la possibilité de réajuster le tir.
Pour Gerling Globale, le marché français est finalement le marché sur lequel la finalisation
du run-off a progressé le plus régulièrement. Les taux de commutation furent par ailleurs
plus élevés en France de (80 à 85%) qu‟en Allemagne (de 50 à 70%) du fait des dépôts de
garantie dont bénéficiaient les cédantes.
J‟ai travaillé pendant 40 ans dans la réassurance, dont 25 ans sur le marché français et j‟ai
toujours veillé à procéder correctement. Si nous avions vendu en 2002, cela se serait passé
autrement. La particularité est que j‟ai construit ce portefeuille pendant 20 ans et que je
suis resté aussi pour le défaire. Je connaissais les affaires et les personnes, une relation de
confiance avait pu s‟instaurer. Dès les premières commutations, les acteurs du marché
français ont vu que cela se passait de manière correcte.
Par ailleurs, j‟avais 61 ans lorsque la décision de mise en run-off a été prise et je ne pensais
pas rester au bureau de Paris au-delà de 65 ans. Les cédantes ont alors été confrontées à
l‟idée de devoir prendre contact directement avec le porteur de risques à Cologne après
mon départ. Cela a certainement facilité le processus de commutation.
Nous sommes partis d‟environ 300 millions de réserves, aujourd‟hui il nous en reste entre
5 à 8 millions. La dernière affaire importante vient d‟être réglée, nous négocions depuis 4
ans.
Vous commencez toujours par les grandes affaires sur lesquelles vous avez un certain
champ de négociation puis à la fin vous arrivez à un fond de petites affaires de moins de
10.000 euros. Le travail de négociation est presque aussi compliqué sur ces petites affaires,
vous bataillez pour payer quelques milliers d‟euros de moins.
La gestion de run-off n‟est rentable que lorsque ce run-off est suffisamment important.
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Interviews
Quel avenir pour Globale Reinsurance Company ?
Nous avons eu l‟idée d‟utiliser l‟expérience acquise dans la gestion de notre run-off pour
offrir des prestations de service en la matière au marché.
Le scheme of arrangement que nous avons mené pour nos affaires en lien avec le marché
anglais a ainsi été mis en place non seulement pour nous-même mais aussi pour démontrer
à nos clients que l‟on pouvait utiliser ces schemes pour des affaires transfrontalières. Le
coût de mise en place d‟un scheme est très élevé, il faut donc que le portefeuille ait un
volume important. L‟intérêt de la mise en place d‟un scheme réside sans doute dans le fait
que beaucoup de cédantes ne déclarent pas leur créance. Le travail d‟identification et
d‟information auprès de ces cédantes est pourtant colossal.
Mais ce type de solution n‟est pas directement transposable à la France car cela ne peut
fonctionner avec un portefeuille étranger que s‟il a suffisamment de liens avec la Grande
Bretagne (affaires britanniques, affaires internationales acceptées via courtier anglais,
portefeuille transféré vers une structure juridique britannique comme dans le cas de
Deutsche Ruck).
En tant que prestataire de service nous pouvons vous libérer totalement de la gestion du
portefeuille mais vous continuez à être le porteur de risques. Il n‟est pas certain que ce type
de gestion génère le plus de résultat. L‟intérêt c‟est aussi de disposer du portefeuille, de
commuter non seulement dynamiquement mais aussi agressivement et globalement.
En France, nous gérons par exemple les affaires du réassureur la Licorne qui a cessé de
souscrire en 1991.
La société Globale Re s‟est associée fin 2008 avec la société Randall & Quilter Investment
Holdings plc (R&Q).
Nous avions en effet été sollicités à plusieurs reprises pour acheter une société ou un
portefeuille mais nous n‟avons pas les fonds et le contrôle allemand ne nous le permet pas
dans la mesure où nous avons déjà nos propres engagements à gérer.
R&Q a les moyens de racheter, c‟est d‟ailleurs leur stratégie mais ils ne peuvent pas
forcément gérer derrière.
D‟où notre partenariat : nous apportons à R&Q un portefeuille en run-off, R&Q l‟achète et
nous le gérons. Leur souhait est d‟étendre leurs activités au Continent114.
Nos activités de prestations de service s‟effectuent dans la même structure juridique que
nos activités de gestion de run-off. Nous fonctionnons actuellement avec deux
planifications : la première si nous continuons avec nos propres affaires uniquement, la
seconde avec nos affaires de prestation de services. Tout dépendra du nombre d‟affaires
réalisé. L‟an dernier nous avons généré un million d‟euros de chiffres d‟affaires en
prestations de service.
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NB : R&Q a acheté le portefeuille de la Licorne géré par Global Re en avril 2010
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Interviews
En tout état de cause, nous avons certainement œuvré pour l‟amélioration de la réputation
du run-off en France.
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Maya Atig – Secrétaire Générale
Jean-Pierre Colomines – Correspondant CEA
Comité des Entreprises d’Assurance 115
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 19 février 2010
Dans le cadre de l’examen des demandes de transferts de portefeuille, tenez-vous
compte du fait que le portefeuille soit en run-off ?
Sur le plan juridique les transferts de portefeuille en run-off sont traités de la même
manière que les transferts de portefeuilles actifs et s‟effectuent dans le cadre des
dispositions de l‟article L324-1 du code des assurances.
Dans un premier temps, un avis est publié au JO pour permettre aux assurés et créanciers
de formuler leurs remarques pendant un délai de deux mois.
Nous nous assurons que la société cessionnaire dispose d‟une marge de solvabilité
suffisante. Nous nous assurons également que compte tenu de la reprise de ce portefeuille,
la société cessionnaire continuera à couvrir ses engagements règlementés et sa marge de
solvabilité.
A l‟expiration du délai de deux mois, la décision approuvant le transfert est publiée au JO
et rend l‟opération opposable aux tiers. Les assurés peuvent résilier leurs contrats dans le
délai d‟un mois suivant la publication.
Nous n‟isolons pas le cas des portefeuilles en run-off. Nous employons simplement une
expression spécifique qui est celle de « transfert de contrats pour liquidation ».
Le fait que le portefeuille soit transféré à l’étranger vous alerte-t-il ? Notamment au
regard de la possibilité de Schemes of Arrangement en Grande Bretagne ?
Dans le cadre des dispositions prévues dans ce que nous appelons le passeport européen, le
principe de base est que le transfert de portefeuille est approuvé par l‟autorité de contrôle
de la cédante.
Si la cédante est une société française souhaitant transférer son portefeuille à une société
britannique, nous demandons aux autorités de contrôle britanniques de fournir un certificat
de solvabilité de l‟entreprise cessionnaire.
Pour nous, juridiquement, cela s‟inscrit dans le cadre définit dans le code des assurances.
Nous n‟avons jamais reçu de retour négatif de tiers lésé par ce type d‟opération, ni même
de commentaires.
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Fusionné dans l’Autorité de Contrôle Prudentiel par ordonnance publiée au Journal Officiel le 22 janvier 2010
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Observez-vous plus de demandes de transferts de portefeuille ces deux dernières
années ?
Nous avons effectivement observé plusieurs demandes liées à des réorganisations internes.
Dix-sept opérations ont été approuvées en 2009, dont trois transferts intégraux et quatorze
transferts partiels qui correspondent souvent à des opérations de restructuration intra
groupe.
Concernant les transferts de portefeuille en run-off, nous avons eu une demande du groupe
Generali. En l‟occurrence c‟était la reprise du portefeuille d‟une petite société en run-off
qui s‟appelait AM Prudence. Cette société d‟assurance dommages avait cessé d‟effectuer
des activités de souscription depuis 1996. Ses agréments étaient devenus caducs, elle se
contentait de gérer les sinistres en suspens. Pour simplifier la gestion du groupe, Generali a
décidé de mettre un terme définitif à l‟activité de cette société en transférant le portefeuille
de run-off d‟AM Prudence à Generali IARD. Mais ces opérations concernant les
portefeuilles en run-off sont assez peu nombreuses.
Pour délivrer l’accord, tenez-vous compte de l’environnement général de la société
concernée par le transfert ou simplement de la solvabilité des parties ?
Nous vérifions la solvabilité des sociétés concernées.
Dans le cas d‟une opération de restructuration interne, dans la mesure où il s‟agit d‟une
simplification de l‟organigramme opérationnel, nous en prenons simplement acte.
En assurance vie, nous regardons si les droits des assurés les plus anciens sont bien
maintenus dans le transfert.
L‟entreprise présente le cadre dans lequel elle effectue l‟opération mais sans donner de
prévision d‟activité contrairement aux demandes d‟agréments.
Le pouvoir des autorités prudentielles est encadré : nous agissons pour le renforcement de
la solvabilité et pour la protection des assurés. Ces deux concepts ne nous autorisent pas à
prendre des décisions de pure opportunité, ni même à nous interroger sur la pertinence des
décisions. Sauf si l‟un des deux concepts est mis en cause. Nous agirons par exemple si le
transfert se traduit par une baisse très significative de la couverture des engagements ou de
la couverture de la marge.
Quel est le rôle de l’ACAM dans la procédure actuelle?
L‟autorité décisionnelle jusqu‟à présent était le CEA. Nous instruisions cependant les
dossiers en liaison étroite avec l‟ACAM.
L‟ACAM était sollicitée pour un avis technique, non prévu explicitement par les textes
mais rendu nécessaire en ce qu‟elle dispose des données prudentielles. Le Président et le
Secrétaire Général de l‟ACAM étaient d‟ailleurs membres de droit du CEA.
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Interviews
Les difficultés importantes se signalent en général très en amont. Le système de contrôle
des assurances par entreprise fait que l‟entreprise aura évoqué le sujet avec la brigade de
contrôle.
Quid de l’opposabilité des transferts de portefeuille d’entreprises de réassurance ?
Pour ce qui concerne les transferts de portefeuille entre sociétés spécialisées en
réassurance, il n‟y a pas d‟opposabilité. Ce point n‟est pas prévu par la Directive
réassurance de 2005.
Jusqu‟à présent nous n‟avons pas eu à instruire de dossier de transfert entre sociétés
spécialisées en réassurance. Lorsque le cas se présentera, l‟autorité compétente vérifiera
conformément aux textes si l‟entreprise cessionnaire dispose d‟une marge de solvabilité
suffisante. Elle publiera au JO un avis permettant aux créanciers et aux sociétés réassurées
de présenter des remarques pendant deux mois.
Il s‟agit d‟une simple faculté accordée aux entreprises de réassurance de soumettre leur
opération au suivi de l‟ACP. Elles peuvent effectuer ce transfert de gré à gré. Le rôle de
l‟autorité compétente est assez restreint. D‟autant que l‟article L324-1-2 prévoit
expressément que le réassureur aura l‟obligation d‟informer les entreprises réassurées du
transfert.
Il n‟y a pas publication d‟accord au JO. Cette publication se conçoit en effet comme une
mesure de protection du particulier. Le réassureur ayant pour clients des professionnels,
cette question de protection par le biais de la publicité légale ne se pose pas.
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Christian Ozanne
La Réunion Aérienne (LRA)
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 02 juin 2010
Pouvez-vous nous dire deux mots sur LRA ?
LRA est un GIE116 aviation dont la création officielle date de 1977. Il a notamment pour
membres Generali Assurances I.A.R.D., Groupama transport, Gsinda (Groupe SCOR) et
La Mutuelle du Mans Assurances I.A.R.D.
J‟ai rejoint LRA en septembre 2007 pour m‟occuper spécifiquement du run-off de ses
cessions en réassurance. J‟ai été recruté par Michel Beauchesne et François Asseline. La
réassurance « vivante » de l‟année en cours et de l‟année précédente restait de la
responsabilité de Pascal Onfray.
Pourquoi la création d’un poste de haut niveau dédié aux « anciennes » cessions en
réassurance ?
La protection en réassurance de LRA a longtemps été caractérisée par de très nombreuses
cessions en réassurance facultative, en plus des traditionnelles cessions sous forme de
traités de réassurance. Ces protections étaient placées par de multiples courtiers, auprès de
nombreux réassureurs.
Nous avons aujourd‟hui en informatique à peu près 370.000 lignes qui se décomposent en :
Environ 40.000 lignes relatives aux traités de réassurance. Chaque ligne
représentant la participation d‟un réassureur, sur un traité et un exercice donné.
Nous bénéficions d‟un traité monde entier en Quote-Part ainsi que de traités
régionaux ou spécialisés (risques de guerre notamment), qui ont été placés auprès
de nombreux réassureurs avec des participations relativement réduites
Environ 330.000 lignes relatives aux contrats de réassurance facultative. Chaque
ligne représentant la participation d‟un réassureur sur un risque et un exercice
donné.
Nous comptons en moyenne cinq lignes par facultative placée, notre fichier
représente donc à peu près 66.000 facultatives. Nous recensons par ailleurs entre
10.000 à 17.000 lignes par an pour les années 1990, ce qui représentait à peu près
2.000 à 3.500 facultatives par an.
Nos fichiers informatiques comprennent environ 2.300 noms de réassureurs (dont les
syndicats des Lloyd‟s), nous avons travaillé avec 1.850 d‟entre eux : certains ont
aujourd‟hui disparu, soit du fait de procédures collectives de liquidation, soit du fait de
cessions de sociétés.
Il s‟est avéré nécessaire de « nettoyer » ce passé afin d‟optimiser nos récupération de
créances en réassurance.
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Groupement d‟Intérêt Economique
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Votre intervention sur la récupération des créances réassurance de LRA se veut-elle
proactive ?
Les cas les plus sensibles font l‟objet d‟un suivi proactif. Cela s‟avère indispensable pour
être réglé de nos créances. De par notre activité, nous bénéficions en effet rarement de
garanties de type dépôts, qu‟il s‟agisse de dépôts espèces, de nantissement ou de lettres de
crédits.
Devant le refus du « successeur » d‟un de nos réassureurs à reconnaître les comptes
produits, nous avons été amené à mettre en œuvre une procédure d‟arbitrage.
Pour donner un autre exemple moins extrême, nous avons également attentivement suivi la
liquidation judiciaire du réassureur suédois Folksam. Nous avons su faire valoir le montant
de notre créance auprès de la société londonienne de gestion Re Cov AB. Il s‟agissait pour
nous d‟une créance très importante de l‟ordre de 2.000.000 d‟USD.
Par ailleurs, de façon plus générale, nous n‟hésitons pas lorsque c‟est possible à faire valoir
nos postes IBNR, même s‟ils ne sont pas nécessairement établis par le service actuariat.
Mais dans l‟ensemble nos créances restent d‟un montant relativement peu élevé. La
difficulté de recouvrement tient essentiellement au fait que ces créances sont très
dispersées.
Que pensez-vous des procédures anglaises de Schemes of Arrangement (SOA) ?
Avant mon arrivée au sein de LRA, nous avons laissé passer des dates limites de
déclaration de créance sur certaines de ces procédures. Les créances ont alors dues être
passées en comptes de pertes et profits.
J‟étais au départ relativement hostile à ces procédures. J‟ai finalement changé d‟opinion
car dès lors que vous suivez la procédure, vous pouvez récupérer votre créance dans un
laps de temps raisonnable. Ce qui n‟est souvent pas le cas avec les sociétés de gestion de
run-off.
Quelles sont vos relations avec ces sociétés de management de run-off ?
LRA a beaucoup de petites créances, entre 5.000 et 50.000 USD. Cet ordre de grandeur
n‟intéresse pas les sociétés de gestion de run-off « traditionnelles ». Elles ne se déplacent
que pour des créances qui se chiffrent en plusieurs centaines de milliers d‟USD.
Seuls des regroupements de nos créances pourraient potentiellement les intéresser. Je
rencontre ces sociétés dans les rendez-vous annuels comme ceux de Norwich ou de
Cologne, organisés par des sociétés comme R&Q et sponsorisés par des sociétés comme
PwC.
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Interviews
Les tarifs proposés par ces sociétés de gestion de run-off restent assez opaques. Il faut
entrer assez loin en discussion pour commencer à évoquer la question.
Nous sommes bien sûr également confrontés à ces sociétés dans le cadre de nos démarches
de récupération de créance. Elles ont fortement tendance à surenchérir en termes de
demandes de justificatifs : copie des slips de souscription, des comptes, des avis de
sinistres, des justificatifs de paiement du sinistre original etc… C‟est dans leur mode même
de fonctionnement que de chercher à minimiser et à ralentir les règlements.
Mais il y a d‟autres acteurs sur ce marché comme les « chasseurs de primes » qui
travaillent selon le principe du « no cure, no pay ». Ils parviennent à maximiser la
possibilité de paiement de la créance notamment grâce à leurs connaissances dans le
milieu. Il s‟agit d‟un véritable fonctionnement par réseau. Leurs tarifs ont l‟avantage d‟être
annoncés d‟emblée mais sont très élevés : ils peuvent se payer jusqu‟à 50% sur le montant
de créance récupérée.
Pensez-vous pouvoir transposer votre savoir-faire sur les affaires souscrites par LRA
en souscription directe ?
Nous y avons pensé pour certains vieux sinistres, en dehors des cas spécifiques comme
l‟asbestos, la RC produits et la pollution. Cela nous éviterait des frais de gestion. Mais la
partie récupération de créance en réassurance m‟occupe à plein temps pour le moment.
Avez-vous envisagé des solutions de réassurance rétroactive pour faire face à la
défaillance de vos réassureurs ?
Non, mais nous avons un cas de prise de cautionnement sur un réassureur américain en
run-off. LRA avait acheté une caution à Londres. Le réassureur est aujourd‟hui en
liquidation et la garantie caution est amenée à jouer.
Par ailleurs, nous fonctionnons aujourd‟hui avec une liste de sécurité pour nous guider
dans le choix de nos réassureurs et les placements en réassurance facultative doivent être
soumis au Président du GIE. Nous avons également réduit le nombre d‟intermédiaires et
amélioré notre système d‟enregistrement de nos protections.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Philip Heitlinger
Business Development
Pro Insurance Solutions Limited
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 21 juin 2010
Pouvez-vous nous présenter votre activité ?
Je travaille pour la société Pro Insurance Solutions qui depuis novembre 2009 est filiale du
groupe Tawa, société d‟investissement qui achète des portefeuilles en run-off.
Pro est un prestataire de service. Nous fournissons des services aux sociétés en run-off
mais aussi aux autres sociétés d‟assurance et de réassurance qui ont des problèmes avec le
marché international. Nous sommes assez focalisés sur le marché de Londres mais nous
essayons d‟offrir des services au marché européen continental. Je suis responsable de ce
marché notamment car je parle français et allemand.
Pour le run-off, il est très souvent question de définitions. Sur le marché de Londres, ce qui
est en run-off est très clair car beaucoup d‟entités arrêtent de souscrire d‟un jour à l‟autre.
Ces entités sont alors en run-off. Pour le marché européen continental, c‟est plus flou car il
y a beaucoup de portefeuilles non actifs qui ne sont pas classés comme étant en run-off. Il
s‟agit par exemple des souscriptions des branches RC médicale ou RC décennale.
Beaucoup d‟assureurs ont cessé de souscrire dans ces branches mais ne gèrent pas ces
portefeuilles comme étant en run-off. Sûrement car le run-off porte une connotation
péjorative d‟insolvabilité. Les sociétés françaises devraient reconnaître qu‟elles ont un
problème avec ces portefeuilles non actifs. Il y a beaucoup de potentiel dans ces
portefeuilles.
Quelles sont les solutions de gestion de run-off proposées par Pro ?
Il s‟agit certes de solution de gestion de sinistres, mais pas seulement. Run-off est un terme
anglo-saxon beaucoup plus large.
Il s‟agit de toute la gamme d‟activité d‟une compagnie d‟assurance, gestion de sinistre
mais aussi recouvrement de créances en réassurance par exemple. Il est important pour
nous de couvrir les deux côtés du bilan.
Le marché de la réassurance qui existait dans les années soixante-dix / quatre-vingt était un
marché très étendu. Beaucoup d‟acteurs de ces années là ont disparu pour des raisons
diverses. Certaines sociétés ont fait faillite, d‟autres ont fusionné. Il y a un problème de
recouvrement des créances auprès de ces acteurs.
La gestion de Scheme of Arrangement (SOA) constitue aussi une partie importante de
notre activité. Nous avons fait des SOA pour le pool WFUM (Willis Faber Underwriting
Management) ou encore le pool GLM avec les Mutuelles du Mans. Nous préparons
actuellement le SOA pour le pool English & American qui est en run-off depuis 1993.
Mais le SOA est une solution appropriée pour les portefeuilles de réassurance qui ont une
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
connexion suffisante avec l‟Angleterre. En théorie on pourrait transférer un portefeuille
français d‟assurance vers une filiale britannique et ainsi créer de façon artificielle le lien.
Mais l‟autorité de contrôle britannique, la FSA, n‟en accepterait sans doute pas le principe.
Les SOA sont plutôt adaptés aux portefeuilles de réassurance ou aux portefeuilles de
grands risques comme les portefeuilles de « surplus lines » aux Etats-Unis.
Sous quelle forme juridique la société Pro intervient-elle en recouvrement de créance
réassurance?
Nous pouvons être mandaté pour effectuer tout un programme de commutation avec des
réassureurs qui se trouvent en run-off. Le recouvrement se fait alors par l‟intermédiaire de
rachat d‟engagements.
Nous avons également la possibilité d‟acheter les créances. Par exemple, pour les contrats
de réassurance placés auprès de réassureurs insolvables tel que New Cap Re en Australie
ou HIH ou d‟autres réassureurs. Cela permet à la cédante de vraiment faire le « write-off »
de cette dette : de recouvrir une somme d‟argent et de s‟en débarrasser au bilan. Cela n‟est
pas uniquement borné aux sociétés de réassurance insolvables. Il y a pas mal de sociétés de
réassurance qui se trouvent en run-off comme par exemple Globale Ruck qui était dans le
temps un des réassureurs majeurs du marché européens. Les cédantes peuvent nous céder
la valeur économique de leurs créances. Il s‟agit d‟une cession de créance, l‟accord du
réassureur débiteur concerné n‟est pas requis. Nous prenons en charge le travail de
négociation avec ce réassureur.
Le prix est établit en fonction de plusieurs éléments. Nous avons tout un réseau de contacts
dans le monde du courtage et des réassureurs en run-off. Nous avons surtout beaucoup
d‟expérience pour négocier des deals de commutations. Nous sommes en effet prestataire
de services dans ce domaine depuis 1993.
Nous prenons en compte plusieurs facteurs : la nature des contrats de réassurance
concernés, la nature des sinistres (s‟ils donnent ou non lieu à litiges), l‟éventuelle
possibilité de demander un facteur IBNR. C‟est un mélange de facteurs techniques,
juridiques et de facteurs émanant de notre expérience.
Les solutions de commutation utilisées en réassurance peuvent-elles également être
utilisées en assurance directe ?
Sur les grands risques c‟est envisageable même si cela ne se fait pas aujourd‟hui, sauf aux
Etats-Unis.
Les incertitudes qui existent sur le marché de l‟assurance, notamment avec l‟expérience
d‟AIG, démontrent que le risque de contrepartie existe aussi dans le cadre de polices
d‟assurance. Il y a lieu de convaincre les assurés qu‟il vaut mieux parfois arriver à un
accord de commutation.
Aux Etats-Unis, les grandes sociétés commerciales, de productions sont beaucoup plus
disposées à négocier en ce sens. Cela commence à se faire en Grande Bretagne.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Quelle est votre expérience de l’approche du marché français ?
Nous avons eu plus de succès avec le marché de Londres qu‟avec le marché français.
Beaucoup de cédantes ont des problèmes de recouvrement de créances de réassurance. Ces
problèmes sont délicats à aborder avec un tiers et les assureurs français sont assez
conservateurs. C‟est d‟ailleurs la même chose en Allemagne. Les assureurs préfèrent ne
pas évoquer ces questions, ils souhaitent les régler avec leurs propres ressources.
Nous avons toutefois réalisé des transactions en France. Nous sommes par ailleurs en
discussion avec plusieurs sociétés françaises et nous estimons qu‟il y a beaucoup de
potentiel.
Certaines cédantes commencent à nous écouter et à comprendre que nous offrons de la
valeur ajoutée surtout avec l‟avènement de Solvabilité II : les dettes qui trainent depuis un
certain temps génèrent une charge sur le capital. Cela deviendra prochainement une
question économique, qu‟il faudra résoudre un jour ou l‟autre.
Solvabilité II est donc devenu un véritable argument de vente pour une société telle
que la vôtre ?
Nous utilisons cet argument mais nous sommes confrontés au conservatisme des assureurs.
Nous estimons que Solvabilité II génèrera des opportunités sur les portefeuilles de run-off
qui attirent une charge de capital assez élevée. Il devrait y avoir des possibilités d‟achat de
portefeuilles en run-off. C‟est une théorie qui est également soutenue par les récentes
études de PwC & KPMG.
Trouver le bon interlocuteur constitue un défi. Il faut vraiment attirer l‟attention du
Directeur Financier, ce qui est difficile. Nous nous devons également de discuter de façon
intensive avec les sociétés de courtage d‟assurance et de réassurance comme les groupes
Marsh et Aon. Ces sociétés ont également intérêt à travailler dans le sens d‟un apurement
des soldes.
L‟attitude traditionnelle envers les portefeuilles en run-off est de les garder comme
« matelas de sécurité », une réserve utilisable pour assainir les résultats. Avec Solvabilité
II, cette philosophie de matelas n‟est plus possible. Des réserves appartenant à un
portefeuille volatile génèrent une charge sur le capital. Dans ce contexte, les sociétés
devront trouver des solutions, comme la vente de portefeuilles ou la prise de protections de
réassurance.
Beaucoup de sociétés vont attendre le dernier moment. La fin de l‟année prochaine devrait
être mouvementée pour nous. Nous anticipons beaucoup d‟activité fin 2011, début 2012.
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Interviews
Pierre Guerin
Run-off & Commutations Manager
Partner Re
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 19 août 2010
Quelle est la place du run-off chez Partner Re ?
Partner Re est depuis longtemps favorable à des opérations de run-off proactives. Nous
avons une expérience assez riche en la matière. Il s‟agit d‟opérations portant
essentiellement sur nos propres engagements au regard des acceptations en réassurance.
Partner Re estime devoir gérer proactivement les risques qu‟elle assume et mène par
conséquent une politique de commutation comme trait permanent de son activité.
Cette politique est mise en place via un pôle de compétence qui correspond en termes
opérationnels à l‟entité spécifique dont je m‟occupe.
Comment est constituée cette entité dédiée que vous dirigez?
Aujourd‟hui l‟entité est constituée de trois personnes ayant en moyenne 25 ans
d‟expérience dans la fonction. Nous sommes polyvalents sur le plan juridique, comptable
et de la connaissance des risques.
Nous sommes rattachés à l‟unité Sinistres, qui comprend 17 personnes à Paris.
Il s‟agit en effet d‟une activité dérivée de la gestion de sinistres avec des sinistres
complexes. Il est notamment important de procéder à des audits chez les clients. Les
risques concernés sont particulièrement sensibles aux facteurs humains, en matière
judiciaire par exemple.
L‟équipe dédiée est par ailleurs en interaction complète avec les actuaires pour
l‟actualisation des réserves. Une des caractéristiques de Partner Re est que sauf opération
avec faible impact sur le bilan, c'est-à-dire quelques milliers de dollars, il y a toujours un
actuaire associé à toutes les étapes.
Quels sont ces risques cibles ?
L‟équipe s‟occupe des risques dits difficiles, à savoir des risques à long terme porteurs de
forte incertitude quant à leurs coûts futurs tel que l‟amiante, la pollution, le « Health
Hazard ».
L‟objectif est de réduire ces coûts futurs mais cet objectif n‟est pas quantifié. Notamment
en raison de la taille assez réduite du portefeuille concerné. Partner Re était en effet à
l‟origine un réassureur surtout spécialisé dans le risque « catastrophe » à déroulement
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Interviews
court. Les sociétés rachetées au fur et à mesure n‟avaient pas non plus de run-off très
important.
En début d‟année, nous ciblons les clients potentiels à démarcher dans le portefeuille qui
nous est alloué. Cela correspond à environ 12 sociétés par membre de l‟équipe dédiée.
Nous représentons notre société dans le cadre de l‟IntAP (The International Alliance of
Asbestos & Pollution Reinsurers). Cette association compte trente-quatre sociétés
européennes membres.
Nous avons également vocation à assister à tous les événements concernant les
« marchés » où se pratique la négociation de commutation. Il s‟agit des Rendez-vous
Commutations de Cologne et de Norwich organisés par R&Q et Globale Re, du Rendezvous organisé par AIRROC et R&Q dans le New Jersey et du séminaire organisé à
Stockholm par Compre.
Le problème du run-off est intimement lié à la zone Nord-Américaine et à la Grande
Bretagne. Les Etats-Unis à cause de l‟amiante, la Grande Bretagne à cause de la structure
du marché de Londres.
Le marché de Londres, jusqu‟aux années 1990, était un marché où des sociétés de très
petite taille ou de taille moyenne prenaient d‟énormes engagements aux Etats-Unis sur des
grands risques. Il y a encore énormément de pools de souscription à l‟heure actuelle,
environ 300 sont en run-off sur le marché de Londres. Il y en a eu jusqu‟à plus de 460. La
gestion de ces pools génère d‟énormes coûts et encore beaucoup d‟activité sur le marché de
Londres.
Lors du rendez-vous de Norwich, il s‟agit essentiellement d‟essayer de trouver une
commutation avec ces acteurs à l‟avenir incertain. D‟autre part, structurellement, le marché
de Londres génère un fort besoin de cash. Plus que sur le marché français par exemple.
Quid des demandes de commutations émanant des cédantes ?
Concernant les commutations recherchées par nos clients, nous avons une organisation qui
n‟est pas centrée sur l‟unité dédiée. Ces demandes sont gérées à travers des process
impliquant les entités classiques (comptables, souscripteurs, actuaires).
L‟entité dédiée peut toutefois prendre le dossier en mains au cas par cas.
Certaines cédantes présentent des demandes de commutations globales. Ce sont alors des
opérations compliquées qui posent des difficultés d‟identification. La définition du
périmètre de négociation peut prendre plusieurs mois.
Les compagnies françaises participent peu aux rendez-vous marchés de commutation.
La présence d‟un grand groupe dans ce type d‟événements ne signifie d‟ailleurs pas
forcément que ce groupe a engagé une gestion proactive globale de ses cessions en
réassurance. Cela peut simplement signifier que ce groupe souhaite liquider une partie très
ciblée de son portefeuille sur des affaires anciennes. L‟intérêt étant alors de récupérer du
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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cash mais aussi de réduire les coûts de gestion comptable liés au maintien de la protection
de réassurance.
La commutation n‟est pas une opération classique de réassurance, elle est très spécifique.
En droit anglais, par exemple, il ne s‟agit pas d‟une opération d‟ « utmost good faith ». Les
motivations de l‟interlocuteur ne sont pas nécessairement connues. Nous trouvons souvent
des informations utiles dans les bilans des sociétés, même si cela reste rare en France.
Quels sont vos interlocuteurs ?
Ils sont nombreux, dispersés géographiquement et émanent de sociétés de formes variées.
Les grands groupes ont leurs propres équipes de run-off, surtout pour les compagnies
anglo-saxonnes. Pour les autres ce sont les départements cessions. Nous avons aussi
fréquemment affaire aux sociétés spécialisées en run-off.
Quel regard portez-vous sur les sociétés qui se spécialisent aujourd’hui dans le Runoff ?
De grands groupes après avoir formé des spécialistes à la matière, s‟intéressent à ce
marché.
Partner Re préfère pour le moment conserver une gestion holistique.
La commutation a l‟avantage d‟être faite sur mesure et en face à face. Elle est relativement
facile à organiser, les contrats sont assez standards.
Pour les sociétés spécialisées, comme sur tout marché, il faut vérifier la fiabilité et l‟offre.
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Interviews
Jean-Marie Nessi
Nessi Consulting (EURL) – Gestion et mesure du risque
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 15 octobre 2010
Vous avez co-fondé la société NessPa Holding avec M. Eric Paire en 2005. Cette
société n’est plus en activité, quel est votre retour d’expérience en la matière ?
Nous avons eu tort d‟avoir raison trop tôt.
A l‟origine de la création de cette société se trouve l‟idée qu‟un assureur ou un réassureur
qui a dans ses passifs un portefeuille de réassurance acceptée s‟expose à un risque de
dérive de ses réserves et par conséquent à une annonce publique négative, avec un impact
potentiel sur son cours de bourse.
La solution proposée permettait aux (ré)assureurs de transformer leur passif enregistré en
une participation dans une autre société qui enregistrait la totalité du dit passif. Les
(ré)assureurs n‟avaient alors à enregistrer que leur quote-part du résultat de la société. Ils
n‟avaient pas à afficher la détérioration des réserves à 100%.
Il s‟agissait pour résumer de mettre en place sur le Continent, une structure fondée sur les
mêmes principes que la structure de réassurance Equitas mise en place en 1996 en
Angleterre pour la reprise des engagements des Lloyd‟s sur les affaires antérieures à 1993.
Pourquoi la solution proposée n’a-t-elle pas rencontré le succès espéré ?
Notre proposition est intervenue dans un contexte de bons résultats techniques d‟assurance.
Le « run-off » constituait dès lors un élément de pilotage du résultat d‟assurance de la
compagnie. Notre solution aurait conduit à renoncer à cet élément de pilotage.
Nous avions par ailleurs sous-estimé le fait que chaque dirigeant de compagnie est
convaincu d‟avoir le meilleur système de réservation et est peu enclin à participer avec
d‟autres compagnies à une « mutuelle » de réassurance de run-off.
Le projet originel ayant eu des difficultés à décoller, nous avons changé de stratégie pour
proposer à ces mêmes compagnies de racheter leur run-off. Il s‟agissait alors de réaliser en
cache la valeur intrinsèque du portefeuille en run-off via une opération de titrisation.
Nous avons eu plus de succès avec cette proposition. Nous avons réalisé huit études, huit
pricings de portefeuille avec moyens de financement ou d‟auto financement.
Mais seule la valorisation du passif intéressait finalement les (ré)assureurs. Une fois le
pricing donné, ces acteurs nous indiquaient ne plus être en position de vente.
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Pourquoi les sociétés avaient-elles besoin de connaître la valeur de leur passif ?
Notre proposition est intervenue au moment où s‟initiait le changement de règles
comptables. Nous sommes passé d‟un principe de comptabilité en valeur d‟acquisition et
en valeur de passif non escompté, aux principes posés par les normes IFRS dans lesquels
les actifs et les passifs sont en valeur de marché, avec par conséquent des passifs non
escomptés.
Il était dès lors important pour les compagnies de connaître la valorisation de leur passif
mais ces compagnies souhaitaient le garder car la Directive Solvabilité II poussait
parallèlement à la recherche de fonds propres « cachés ».
Après deux ans de travail, nous n‟avions plus les moyens financiers de travailler à fonds
perdus, nous avons effectué quelques opérations de valorisation puis nous avons fermé la
société.
Et avec l’arrivée des normes prudentielles Solvabilité II ?
Avec la mise en place des normes prudentielles Solvabilité II, chaque « endroit »
d‟incertitude est lié à une cause de volatilité du résultat et génère donc une charge en
capital de marge. Cette charge est proportionnelle à la cause de volatilité.
Toutes les poches qui sont sous réservées vont être cause de volatilité qui va se dérouler
d‟année en année.
Le modèle standard intègre cet élément : au calcul du best-estimate s‟ajoute une marge
correspondante qui doit être rémunérée à hauteur de 6% du capital mis en face des passifs.
Cela correspond exactement à ce que nous avions vendu lors de nos opérations de pricing,
mais établi cette fois dans un cadre règlementaire.
Quel est votre vision de l’avenir du run-off ?
Le terme de run-off est mal choisi dans la mesure où il cela renvoie simplement à l‟arrêt de
souscription dans une branche donnée.
Mais la réponse est positive en ce qui concerne la cession de passif qui a un avenir en tant
qu‟outil d‟arbitrage du besoin de marge de solvabilité.
Une société qui a un passif chez elle pour des opérations souscrites une quinzaine d‟années
auparavant a plutôt intérêt à s‟en débarrasser car cela lui coûte en charge de capital des
sommes extrêmement importantes. Ce capital pourrait être utilisé pour la réalisation de
nouvelles opérations.
La prise de conscience des interactions des différentes mesures de Solvabilité II entre elles
devrait générer une réflexion stratégique du capital management sur l‟allocation du capital
sur telles ou telles affaires. La conclusion pourrait alors être de décider de ne faire que du
run-off ou au contraire de se débarrasser des passif anciens.
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La profession a d‟ailleurs besoin de ce marché de cession de passif. Les règles posées par
les normes IFRS renvoient en effet à une évaluation en valeur de marché du passif.
Les entreprises qui ne pourraient pas se référer à un « marché » du passif seraient obligées
de faire ce que l‟on appelle du « mark to model », c'est-à-dire de faire appel à des tiers pour
valoriser leur passif en valeur de marché.
Seriez-vous prêts à vous investir de nouveau dans ce secteur d’activité ?
Oui sur la valorisation du passif et la recherche de l‟acquéreur, mais moyennant un ordre
de mission concret d‟une société qui a réellement décidé de se débarrasser de son passif.
Le marché de la valorisation et de l‟intermédiation de la cession du run-off coexiste avec le
marché des sociétés acheteuses.
Une petite dizaine d‟acquéreurs potentiels sont toujours là. Il s‟agit de sociétés comme
R&Q, AXA LM ou encore Tawa.
Le fait de réunir plusieurs passifs leur permettent de négocier des rachats anticipés aux
meilleures conditions et donc de créer de la valeur.
La société qui a vendu son passif à ces acteurs a une créance à leur encontre. Dans le cadre
de Solvabilité II la valorisation de cet actif va être un escompte. Si la société délègue à
l‟acheteur la négociation, la gestion, et le rachat mais garde l‟actif qui est dans le passif
dans ses comptes, l‟actif devient une sorte de nantissement qui peut garantir l‟acheteur.
Mais le nantissement doit être structuré de façon très large, le porteur de risque peut
manager l‟actif mais cet actif est « déposé » chez le vendeur.
Ne peut-on pas envisager un simple transfert de portefeuille ?
La règlementation française est assez rigide au niveau des transferts de portefeuille (et non
de passifs). Les règles sont plus souples en Angleterre.
Que pensez-vous de la position de la société AXA LM sur le marché du run-off ?
Lors de la création à laquelle j‟ai participé, le but était de racheter des run-offs. Mais pour
être sur le marché du run-off en tant que tel, il ne faut pas être dans une position de
concurrence avec ses clients.
Une grosse partie du run-off du groupe a été gérée, l‟activité est à présent transférée en
Angleterre où ce type de gestion est plus facile.
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Interviews
Que pensez-vous de la place des commutations sur ce marché ?
La technique de commutation renvoie avant tout à des techniques de négociation, cet
aspect est plus important que l‟aspect technique.
Lorsque la cédante vend son passif au brut de réassurance, l‟acheteur a tout intérêt à
commuter.
Si la cédante vend ce qu‟elle a au bilan au net de réassurance, l‟acheteur va gérer pour
compte la récupération en réassurance et le bénéfice de la réassurance va se diluer dans des
problèmes organisationnels.
Que pensez-vous de la communication récente de certains réassureurs au sujet des
programmes de réassurance rétrospective ?
Avec la Directive Solvabilité II, les assureurs vont être obligés d‟extérioriser leurs bonis.
Ce type de réassurance pourrait s‟avérer illégal s‟il s‟agissait de permettre aux assureurs
soumis aux règles prudentielles et comptables actuelles de contourner la taxation sur ces
bonis avec des passifs revenant sous forme de participations aux bénéfices étalées dans le
temps.
Avec Solvabilité II, le secteur de l’assurance devient-il essentiellement un métier
d’actuaires ?
Le point central porte sur les réserves.
Nous passons d‟un univers déterministe où l‟on demande aux compagnies de donner un
chiffre, dont on sait qu‟il est faux, à un univers stochastique où l‟on demande aux
compagnies de donner un chiffre et, comme il est faux, de donner au mieux un intervalle
de confiance ou au pire de décrire la courbe que suit la courbe de distribution de ce chiffre.
On ne dit plus : « mes réserves sont de x euros » mais : « mes réserves à x euros sont
suffisantes avec une probabilité de x % » sachant que Solvabilité II demande ce qu‟il faut
pour que cela soit suffisant avec une probabilité de 99.5%.
Plus le calcul est faux au niveau de la distribution, plus cela coûtera cher en capital. Passer
à un univers stochastique ne peux se faire sans actuaires ou statisticiens
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Interviews
Jocelyne Mamane - Présidente
Sylvia Benazera - Directeur sinistre
ACRé SAS Run Off Assurance & Réassurance
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 28 octobre 2010
Depuis combien de temps votre société existe-t-elle et qui sont vos concurrents ?
Notre société, totalement indépendante, a été créée en février 2001.
L‟idée principale était d‟adapter à l‟assurance des méthodologies de gestion de run-off qui
à l‟époque n‟existaient qu‟en réassurance.
Nous n‟avons pas vraiment d‟équivalent sur le marché français : il n‟y a pas d‟autre société
indépendante travaillant en gestion de run-off de portefeuilles d‟assurance construction.
Gérez-vous des sinistres à déroulement long sur d’autres branches que l’assurance
construction ?
Des compagnies nous ont légué leur entier portefeuille d‟assurance construction en run-off
car elles ne sont plus actives sur cette branche. Nous gérons les sinistres, ainsi que l‟impact
de ces sinistres dans les comptes de réassurance (récupération des fonds / justification du
montant des réserves).
Nous travaillons à partir de polices Dommages Ouvrages, mais pas seulement. Pour les
bureaux d‟études techniques, les architectes, les maîtres d‟œuvre, ce sont des polices de
responsabilité professionnelle, avec un volet décennal mais aussi des garanties
contractuelles ou quasi délictuelles.
Nous gérons par ailleurs également des polices Responsabilité civile décennale des
entreprises, Responsabilité civile des avocats et Responsabilité civile des notaires.
Qui sont vos clients ?
Depuis la création de notre société, nous avons travaillé pour douze compagnies
d‟assurance différentes dans la délégation de la gestion de leurs portefeuilles « inactifs »,
sur des garanties décennales pour lesquelles il y avait potentiellement encore des
déclarations de sinistres.
La majorité de nos clients sont européens, hors France, pour des portefeuilles d‟assurance
français. Nous avons un gros client français mais dans le cadre d‟une liquidation code des
assurances
La culture anglo-saxonne est de se séparer des portefeuilles qui s‟éloignent de leur cœur de
métier et de les laisser aux spécialistes.
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Interviews
La culture française est totalement différente, les portefeuilles inactifs restent le plus
souvent gérés jusqu‟à terme au sein de la compagnie. Il y a une dizaine d‟années nous
aurions pu expliquer le manque d‟intérêt pour le run-off par le fait qu‟il n‟est pas évident
d‟en cerner le périmètre. Mais cela relève sûrement également des impératifs commerciaux
et sociaux auxquels sont exposées les compagnies : se séparer de la gestion de run-off,
c‟est réduire en partie la charge de travail.
Quel est l’intérêt pour les compagnies d’assurance de vous confier la gestion de leurs
sinistres ?
Cela leur permet de se désengager le plus rapidement possible d‟une partie de leur
portefeuille aujourd‟hui inactif, qui représente un poids mort dans leur bilan.
Nos méthodes de gestion sont très pro-actives.
Au début nous observons une grosse masse de sinistres. Les résultats de l‟audit conduisent
dès la première année à une bonne réduction du fait de reprise de dossiers « oubliés » par le
gestionnaire « historique » ou l‟avocat. (Il faut savoir que les avocats n‟interviennent
quasiment jamais auprès de leurs clients pour les aviser du fait qu‟ils peuvent clôturer leurs
dossiers.)
A la fin, ne restent que quelques très gros dossiers contentieux que nous analysons de près
avec notre réseau d‟avocats. Ces analyses nous permettent d‟optimiser nos choix de
gestion sur d‟autres dossiers.
Chaque dossier fait l‟objet d‟un suivi spécifique et régulier, quelque soit sa taille. Nous
privilégions toujours la transaction, nous ne cherchons pas à obtenir des décisions de
principe au judiciaire. Nous restons dans la voie judiciaire uniquement lorsque nous
estimons que la procédure est susceptible de générer un bénéfice économique.
Notre taux de recours est par ailleurs bien supérieur à la moyenne.
Nous sommes particulièrement bien outillés sur le plan informatique avec un système
d‟alertes :
Un premier système d‟alerte consiste à prévoir et à motiver le temps de révision
maximum du dossier, avec remontée automatique si le dossier n‟est pas revu à
temps.
Un deuxième système d‟alerte intervient en matière de procédure. Nous ne laissons
pas la procédure aux seules mains des avocats. Nous suivons de près tous les délais.
Nous ne sommes pas freinés par l‟aspect relation commerciale que doit par contre prendre
en considération tout assureur dans le cadre de sa gestion classique de sinistre.
Cinq gestionnaires dans notre compagnie représentent l‟équivalent en compagnies
d‟assurance d‟environ huit gestionnaires, notamment grâce à nos méthodes d‟interaction
avec notre réseau d‟avocats.
Pour donner une synthèse chiffrée de notre activité : sur une base de 20.800 sinistres en
2002 tous clients confondus à l‟époque, aujourd‟hui il en reste 239. Avec un résultat
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Interviews
technique de pratiquement 20.000.000 d‟euros de boni par rapport à la réserve initiale à la
date de reprise chez nous, net de règlement.
Quels sont vos interlocuteurs en termes de reporting ?
Nos interlocuteurs émanent le plus souvent de la direction financière, parfois des directions
métiers.
Les compagnies françaises nous demandent des éléments d‟ordre purement comptable afin
d‟alimenter leurs comptes de résultat et bilans.
Les compagnies anglo-saxonnes ont des outils et une méthodologie de reporting plus
développés qui permettent une analyse poussée tant des résultats, que des compétences,
que de l‟avancement des clôtures.
Comment êtes-vous rémunérés ?
Nous sommes rémunérés sous forme d‟honoraires sur la gestion des portefeuilles.
Si dans le bilan d‟une compagnie un portefeuille donné représente 100 et que nous
estimons par exemple pouvoir le liquider à hauteur de 70, le différentiel de 30 servira à la
fois à notre rémunération et au dégagement d‟un boni sur les résultats.
Souhaitez-vous un développement sur le marché français ?
Nous sommes prêts à nous développer en France et nous communiquons en ce sens.
Mais notre appréciation de ce marché est que la délégation de gestion n‟est aujourd‟hui
envisagée par les compagnies françaises que pour des portefeuilles actifs et des petits
sinistres.
Dans le domaine du run-off, nous estimons qu‟il vaut mieux attaquer le marché par des
cessions de portefeuilles. Nous travaillons donc avec des compagnies qui ont la capacité et
la volonté de racheter des portefeuilles sur le marché français. Nous avons la réputation
d‟être efficaces et de parfaitement maîtriser la gestion de sinistres en France. Ces
compagnies sont donc prêtes à nous confier la délégation de gestion du portefeuille
racheté.
La cession de portefeuille d’assurances vous semble-t-elle aisément réalisable au
regard du droit français ?
Nous avons une expérience réussie en la matière. Après huit années de gestion pour quatre
de nos clients, l‟un d‟eux a racheté le portefeuille résiduel des trois autres. S‟agissant de
co-assurance, la cession n‟a pas donné lieu à une information des assurés (qui gardent pour
seul interlocuteur l‟apériteur de la police d‟assurance).
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Hors co-assurance, cela génère beaucoup de formalisme mais reste tout à fait réalisable.
Quels sont les acteurs de la reprise de portefeuille ?
Nous travaillons avec des sociétés telles que Pro Insurance Solutions.
Il existe aussi des compagnies européennes elles-mêmes en run-off, mais adossées à de
grands groupes, notamment à de grands noms de la réassurance qui conservent cette
structure de run-off afin d‟absorber des portefeuilles.
Il y a aujourd‟hui plus de repreneurs de portefeuilles que de vendeurs potentiels.
Considérez-vous le nouveau cadre règlementaire Solvabilité II comme une
opportunité de développement sur le marché français ?
Si vous nous aviez posé la question il y a 3 ans, nous vous aurions répondu positivement
sans hésiter.
Aujourd‟hui nous sommes plus réservés sur le sujet. Nous n‟avons pas observé d‟évolution
des mentalités en la matière. Seule l‟Autorité de Contrôle Prudentiel pourrait être à
l‟origine de ce développement, en exigeant notamment un audit complet du
provisionnement pour certaines branches.
Lorsque nous récupérons un portefeuille, nous consacrons les six premiers mois à un audit
complet. Cela permet d‟ajuster au plus près les montants enregistrés au bilan.
Indépendamment de votre activité de gestion de sinistres avez-vous des activités
d’audit simple ?
Effectivement, nous pouvons effectuer un audit sans mandat de gestion associé.
Nous intervenons alors le plus souvent à la demande de sociétés qui souhaitent racheter le
portefeuille.
Nous pouvons également intervenir sur des portefeuilles dont la délégation est confiée à un
autre prestataire.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Anthony Derien
Actuaire – Docteur en science de gestion
CBP
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 02 décembre 2010
L’application de la Directive Solvabilité II permet-elle plus de consensus autour de la
valorisation d’un passif donné ?
Dans le contexte Solvabilité II, les différents éléments du bilan sont évalués en valeur de
marché, lorsque celle-ci existe. Pour les passifs qui ne sont pas réplicables (échangeables
sur un marché), on trouve un substitut et on retient la somme du Best Estimate (valeur
actuelle probable des flux de trésorerie futurs) et de la Risk Margin (rémunération du
capital au regard des provisions d‟une branche considérée).
Il pourra toujours y avoir divergences d‟appréciation du Best Estimate, mais il faut surtout
souligner que la Risk Margin est spécifique à la compagnie d‟assurance concernée. En
effet, si le taux aujourd‟hui retenu pour la Risk Margin est de 6% pour tous, le montant du
capital sur lequel il s‟applique diffère d‟une compagnie à l‟autre. Il dépend de la
composition du portefeuille de la compagnie, avec prise en compte de la diversification.
Le montant des provisions et la vitesse de règlement des sinistres ont-elles une
incidence directe sur le niveau de fonds propre requis ?
Plus le Best Estimate est faible, plus le besoin de capital au titre du risque de
provisionnement est faible dans la formule standard.
Régler plus vite, à montant égal, augmente par contre légèrement le Best Estimate car
l‟effet escompte est moins important, et augmente par conséquent le besoin de capital au
titre du provisionnement.
Ce sont des effets mécaniques mais qui sont à mettre en perspective avec les bonis / malis
de liquidation généralement associés avec l‟accélération des règlements.
L‟accélération des règlements sera doute être mieux valorisée avec un modèle interne
qu‟avec la formule standard, puisque cette accélération conduira à réduire la volatilité.
La durée des passifs d’assurance non-vie est-elle prise en compte par la Directive
Solvabilité II ?
Les provisions techniques sont actualisées, c'est-à-dire ajustées en fonction de la « valeur
temps » de l‟argent. L‟escompte des provisions était interdit sous le régime prudentiel de
Solvabilité I.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
L‟escompte initialement prévu pour l‟application de Directive était fait via une courbe des
taux sans risque. Le QIS5 introduit une nouveauté en ce qu‟il intègre une prime
d‟illiquidité en plus du taux d‟escompte utilisé en fonction des passifs étudiés.
Cette prise en compte d‟une prime d‟illiquidité réduit le montant du Best Estimate. Elle
renvoie à un grand thème de la gestion des compagnies d‟assurances : la gestion actifpassif, jusqu‟ici peu abordée par Solvabilité II.
Mais la durée des passifs pose question au niveau même de l‟évaluation du coût probable
des engagements. Prendre en considération et anticiper les bonis / malis parait intuitif et
justifié mais s‟avère délicat sur une période de 5, 10, 20 ans. Cela nécessite beaucoup
d‟hypothèses économiques, une anticipation des comportements futurs et de l‟évolution de
l‟environnement juridique. Le régulateur pourrait avoir une appréciation différente de celle
retenue par la compagnie sur certaines de ces hypothèses.
La nature des branches d’assurance non-vie est est-elle prise en compte par la
Directive Solvabilité II dans le cadre du provisionnement ?
Le régulateur impose une méthode commune à toutes les branches, comme si toutes ces
branches avaient le même comportement.
Pour la calibration du risque de réserve, les différentes études quantitatives d‟impact ont
retenu des coefficients de volatilité différents selon les branches concernées. Ce paramètre
varie donc en fonction de la branche.
Mais très souvent ce sont à la fois les paramètres et les comportements qui diffèrent entre
les provisions.
Il faut par ailleurs souligner qu‟il s‟agit d‟une approche sur un horizon de un an.
Horizon à un an mais on continue de provisionner à l’ultime ?
Le Best Estimate prend bien en compte l‟estimation de tous les règlements futurs à l‟ultime
vus à aujourd‟hui. Mais entre la provision au 1er janvier et la provision au 31 décembre, le
règlement peut évoluer. C‟est cet écart que le régulateur demande à voir représenter en
fonds propres.
Mise à part le cas particulier des retraites, pourquoi le régulateur restreint-il
l’utilisation des actions également en regard des engagements pris sur des branches à
déroulement long ?
Selon certaines analyses financières, les actions ont en moyenne annuelle un rendement de
8% à long terme. Mais aujourd‟hui l‟horizon de supervision proposé par le CEIOPS pour
la solvabilité est d‟un an. A court terme, l‟évolution des actions est disparate et peu
connaitre de très fortes amplitudes (la crise de l‟été 2008 en est un exemple) et requiert à
ce titre d‟immobiliser du capital.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Par ailleurs, la durée moyenne d‟une branche comme la RC automobile reste beaucoup
plus courte que la duration d‟un passif en retraite. Le poids global des provisions qui sont
réglées sur une longue durée reste relativement faible par rapport aux provisions totales.
Aujourd‟hui, il n‟y a pas de réelle vision au sein de la compagnie sur la réallocation des
coûts de besoins en capitaux par branche d‟activité puisque les besoins en capitaux sont
déterminés par facteur de risques et non selon les risques eux-mêmes. Il n‟y a pas de vision
fine permettant d‟identifier les actifs investis selon que la branche est à déroulement long
ou court.
Comment la réassurance est-elle prise en compte sur les passifs ?
Le calcul des provisions doit être effectué au brut et au net de la réassurance. Les
mécanismes de transfert de risque sont donc pris en compte. Or, aujourd‟hui tout le monde
s‟accorde à dire que Solvabilité II ne prend en compte que de manière imparfaite ce qui est
lié à la réassurance non proportionnelle.
Le QIS 5 a introduit une petite amélioration sur la prise en compte de la réassurance non
proportionnelle mais cette amélioration ne concerne que le risque de prime. Le risque de
provisionnement est toujours calculé « à l‟ancienne », avec prise en compte des provisions
nettes. L‟effet de seuil n‟est donc pris en compte que de manière imparfaite.
La plupart des compagnies d‟assurance de petite et moyenne taille sont contraintes
d‟utiliser une méthode imparfaite du fait du manque de moyens informatiques. Elles
partent de la sinistralité historique, appliquent leurs traités de réassurance en excédent de
sinistre et essaient de prédire le futur sur la base du passé à partir des triangles de
développement de sinistralité. Il faudrait partir de la sinistralité brute de réassurance,
l‟extrapoler puis appliquer la réassurance. Cette méthode plus « sophistiquée » donne une
vision beaucoup plus fine mais nécessite des moyens informatiques conséquents.
La nouvelle valorisation des provisions techniques aura-t-elle un impact fiscal ?
Les règles prudentielles prennent de manière imparfaite la fiscalité en considération (voir
les orientations nationales complémentaires du QIS5 élaborées par l‟ACP). La directive
Solvabilité II ne fait pas exception. Le calcul de la charge d‟impôt s‟effectue à partir des
états comptables.
L‟administration fiscale n‟a pas encore répondu à la problématique de la réintégration des
excédents de provisions dans les fonds propres. A suivre donc, notamment avec
l‟implémentation des nouvelles normes comptables IFRS. Néanmoins depuis la réalisation
du QIS4, il est demandé à toutes les compagnies européennes de considérer que l‟excédent
des provisions comptables sur les Best Estimates seront considérés comme des fonds
propres et ne seront pas taxés. Cette demande a été faite uniquement dans un but de
comparabilité et ne préfigure pas la décision de l‟administration fiscale en 2013.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
L’approche Solvabilité II prend-elle en compte l’expertise des compagnies
d’assurance ?
Pour intégrer l‟expertise d‟une compagnie d‟assurance, on se base sur un historique de
données.
Un nouvel acteur, par nature sans base de données, devra prendre les paramètres imposés
par la formule standard. Ce nouvel acteur sera donc pénalisé par rapport à une compagnie
avec expérience qui elle, bénéficie d‟un niveau de volatilité plus faible que la formule
standard.
Au-delà du coût de mise en place du modèle interne, le manque d‟expérience pourrait
poser problème au niveau de la validation de ce modèle interne par le régulateur.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Jacques Charmoy
Head of Technical Global Operations
AXA Liabilities Managers
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 07 décembre 2010
Pourquoi une structure spécialisée au sein du groupe AXA ?
Le groupe AXA a intégré de nombreuses sociétés dans le cadre de sa croissance externe.
Pour des raisons d‟ordre stratégique, certaines activités émanant de ces sociétés n‟ont pas
été poursuivies. Ce passé a d‟abord été géré de façon disséminée dans le groupe. La
création d‟AXA LM en 2001 s‟explique par le besoin de centraliser la gestion de ce runoff. Le groupe avait par ailleurs décidé de se désinvestir de sa société de réassurance AXA
Ré. Volonté de désinvestissement déclenchée par le World Trade Center et concrétisée en
2006 lors de la vente à d‟AXA Re au réassureur Paris Re (aujourd‟hui intégré dans Partner
Re).
AXA LM est un acteur important du marché du run-off qui a été amené à gérer à peu près
9 milliards d‟euros de passif au global. AXA LM est également un acteur important en
termes de ressources humaines. La société a compté jusqu‟à 350 salariés.
Au fur et à mesure de la gestion, les passifs se sont épuisés. Actuellement AXA LM en
gère encore à peu près 3.5 milliards. La société compte aujourd‟hui environ 200 salariés.
L‟activité baisse et la décision a été prise de recentrer les activités opérationnelles autour
de 3 zones géographiques : un pôle situé aux Etats-Unis, un autre situé en Angleterre et un
troisième situé en Suisse. L‟activité opérationnelle de Paris est progressivement transférée
dans ces 3 pôles.
Qu’est-ce qu’un portefeuille en run-off ?
Quand un assureur décide d‟arrêter de souscrire de nouveaux risques, on dit qu‟il est en
« run-off ».
Des assureurs ou des réassureurs ont perçu des primes et se sont engagés en contrepartie à
régler des sinistres. Le jour où ces (ré)assureurs cessent de percevoir de nouvelles primes,
une grande partie des sinistres rattachés aux primes déjà perçues peut avoir été déclarée et
réglée mais des sinistres sont sans doute encore en cours d‟évaluation ou de règlement.
Certains de ces sinistres font l‟objet de litiges.
Le (ré)assureur a constitué des provisions appelées réserves pour régler ces sinistres sur la
durée, jusqu‟à ce que le portefeuille soit épuisé. Les réserves sont constituées de ce qui a
été déclaré par les assurés aux assureurs et des frais de gestion. L‟assureur est souvent
amené à mettre des réserves complémentaires sous forme d‟IBNR (Incurred But Not
Reported) c'est-à-dire des réserves qui couvriront des sinistres non encore connus du
(ré)assureur mais qui pourraient être déclarées par la suite. Ces réserves sont ajustées au fil
du temps, en fonction des nouvelles déclarations et des règlements effectués.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Des techniques actuarielles permettent de calculer un développement de sinistralité soit en
fonction de l‟expérience passée, soit en fonction des polices souscrites et des garanties
accordées. Les réserves sont relativement faciles à déterminer pour des branches à
déroulement court, c'est-à-dire pour des garanties de dommages matériels. L‟opération est
beaucoup plus délicate pour les branches à déroulement long, c'est-à-dire pour des
garanties de responsabilité civile, des garanties financières, de caution, de construction ou
en encore d‟assurance vie.
Certains sinistres déclarés ne font jamais fait l‟objet de réclamation, ces réserves dites
« dormantes » constituent un surplus de réserve. A l‟inverse, le nombre de déclarations
peut être plus élevé que ce qui avait été envisagé dans le passé. La préoccupation d‟un
gestionnaire de run-off est de savoir si les réserves sont suffisantes pour gérer et liquider
l‟ensemble du portefeuille.
La société AXA LM a-t-elle déjà procédé à l’achat de passifs externes au groupe ?
L‟épuisement du portefeuille en gestion, bien que souhaité, pose problème pour le maintien
de l‟activité du gestionnaire de run-off.
Jusqu‟à présent, le groupe confiait très régulièrement la gestion de nouveaux portefeuilles
à AXA LM. A partir de 2008, la décision a été prise de rechercher à l‟extérieur des
portefeuilles à acquérir afin d‟en extraire de la valeur. L‟équipe développement se charge
donc de rechercher sur le marché des portefeuilles en run-off à vendre.
A ce jour AXA LM a acquis deux portefeuilles allemands : BF Rück et une partie du
portefeuille d‟un pool d‟assurance/réassurance.
Comment évaluer un portefeuille en run-off ?
L‟équipe acquisition d‟AXA LM est à même d‟apprécier, à un moment donné, le montant
des réserves qui devrait être associé à un portefeuille. Il convient également d‟apprécier le
montant des créances sur les réassureurs associées à ce portefeuille. Au-delà des éléments
techniques, les produits financiers sur le placement des réserves sont également pris en
considération et tempérés par les risques de placement.
Cette appréciation s‟entend jusqu‟à l‟ultime, c'est-à-dire jusqu‟à ce que tout soit terminé.
Si le portefeuille est considéré comme « sur-réservé » un prix est communiqué au vendeur,
si le portefeuille est considéré comme « sous-réservé » la reprise du portefeuille est
effectuée moyennant paiement d‟un prix par le vendeur.
L’évaluation passe-t-elle par un audit dossier par dossier ?
Un portefeuille pouvant contenir plusieurs milliers de polices, un audit dossier par dossier
s‟avère impossible à mener en pratique. Les dossiers les plus importants sont par contre
bien sûr étudiés. L‟opération de « due diligence » consiste en un audit très serré des risques
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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techniques mais aussi des risques financiers et des systèmes d‟information. Toute l‟activité
de la société est passée au crible et analysée avant d‟émettre une proposition d‟acquisition.
Pensez-vous que la nouvelle approche prudentielle des provisions techniques par la
directive Solvabilité II génèrera plus d’homogénéité dans l’appréciation des
provisions ?
Solvabilité II ne résoudra pas tout. Un Best Estimate reste un Best Estimate. Chaque
actuaire aura toujours sa propre appréciation, que ce soit au sens de la comptabilité
technique ou au sens de Solvabilité II.
Solvabilité II donne des pistes pour faire des calculs d‟appréciation de risque et
effectivement, si tout le monde utilise les mêmes formules à partir des mêmes données,
normalement on devrait obtenir des résultats assez proches Mais ce n‟est pas parce que les
résultats sont homogènes qu‟ils sont justes et qu‟ils reflèterons l‟avenir On se fait toujours
rattraper par de nouveaux risques, de nouveaux scénarios non envisagés.
L’appréciation d’un portefeuille passe-t-elle nécessairement par des actuaires ?
Nos actuaires ont une vision spécialisée run-off. Dans la cadre d‟une activité classique en
cours, le rôle principal de l‟actuaire est de savoir quelle partie de prime provisionner pour
les sinistres à venir. Dans le cadre du run-off, la connaissance du développement de la
sinistralité est beaucoup plus fine et réelle que sur une police qui vient d‟être émise. On
peut travailler à partir d‟éléments matériels beaucoup plus concrets, à partir de la
connaissances des « cycles » (plus ou moins bonnes années), de la connaissances des
acteurs.
L‟appréciation des portefeuilles est effectuée dans un environnement concurrentiel. Il faut
proposer le meilleur prix mais qui permette de générer un résultat économique satisfaisant.
Certaines acquisitions semblent avoir été réalisées à très hauts prix sur le marché ces
dernières années ?
Certaines acquisitions se sont faites à des prix que nous n‟aurions pas acceptés. Mais
chaque société à sa façon de procéder et ensuite de générer du résultat.
Par ailleurs, une société qui se positionne pour acquérir un portefeuille avec les mêmes
caractéristiques que son propre portefeuille est en meilleure position. La gestion sera
dupliquée mais ses frais de gestion ne seront pas augmentés.
Certaines sociétés de gestion de run-off ont par le passé généré des résultats extrêmement
intéressants, qui ont attiré d‟autres acteurs. Beaucoup de sociétés ont ensuite arrêté cette
activité car elles n‟obtenaient pas les mêmes résultats que leurs concurrents.
Prenons un exemple où une société A avec 100 de provisionnement est achetée 90 par une
société B qui estime pouvoir s‟en sortir avec 80. La société B peut décider de faire ressortir
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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ces 10 de profit aussitôt, sous forme de dividendes ou de réduction de capital. Mais cela
laisse très peu de marche de manœuvre pour les années qui suivent.
Pour perdurer dans cette activité il faut d‟abord acquérir à de bonnes conditions (ce qui est
de plus en plus difficile) et gérer au plus près.
Une fois que le portefeuille est acquis, quels sont les leviers de création de valeur ?
AXA LM joue sur plusieurs leviers de création de valeur :
La gestion des sinistres.
Il s‟agit notamment d‟analyser les réclamations et de les confronter aux conditions
contractuelles. Il s‟agit également de privilégier les transactions. Régler un sinistre pour un
montant moindre que celui des provisions constituées pour ce sinistre, génère
automatiquement un boni. Il n‟est pas forcément nécessaire de faire ressortir
immédiatement ce boni, il peut être conservé pour bénéficier de plus de marge de
manœuvre sur le reste du portefeuille.
La réassurance cédée.
Les créances sur réassureurs constituent une part importante des actifs d‟une compagnie en
run-off. Il s‟agit d‟analyser le risque d‟insolvabilité, immédiate ou à venir, du réassureur,
notamment lorsqu‟il a cessé ses activités. Il s‟agit également d‟anticiper les éventuelles
difficultés à venir au regard de l‟ensemble de la relation contractuelle avec un réassureur
donné.
Ces créances peuvent être immédiatement valorisées en proposant des commutations : une
somme d‟argent est alors perçue qui génèrera des produits financiers et devra permettre au
global de régler tous les sinistres qu‟aurait dû régler le réassureur.
La réassurance acceptée.
Il est possible d‟approcher les cédantes pour leur proposer de commuter le portefeuille
cédé.
La gestion actif passif.
Les placements financiers doivent être le reflet des engagements techniques Il convient de
disposer des devises nécessaires au règlement des sinistres dans le monde entier pour éviter
le risque de change ; Il convient également de provisionner nos engagements à venir de
façon congruente, c'est-à-dire dans les monnaies de règlement des sinistres. Il convient
également d‟adapter la duration des placements financiers à la durée des engagements et
aux périodes anticipées de règlement des sinistres.
L’optimisation de bilan.
Il s‟agit d‟analyser les bilans et de générer des économies sur la gestion de ces bilans. Il
peut s‟agir de crédits d‟impôts à utiliser ou encore de provisions pour créances douteuses à
libérer.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
L’acquisition d’un portefeuille d’assurance vous semble-t-elle envisageable ?
Il est possible d‟acquérir des portefeuilles d‟assurance en run-off. Certains de nos
concurrents le font comme les sociétés Enstar, Tawa, Randall & Quilter.
Nous préférons acquérir des portefeuilles de réassurance qui sont plus aisés à liquider.
S‟agissant de relations contractuelles entre professionnels, les autorités de contrôle sont
moins intéressées.
Est-il envisageable d’acquérir un portefeuille identifié sans acquérir la compagnie qui
le détient ?
Il est possible de transférer un portefeuille d‟une compagnie à une autre compagnie. On
transfère alors non seulement les affaires, mais aussi tous les actifs associés à ces affaires.
Cela nécessite que ces actifs soient cantonnés et transférables.
Cela ne pose pas de difficultés particulières, mais c‟est parfois un peu compliqué dans la
mise en application. Les autorités de tutelle supervisent cela de près, il faut reporter ce que
l‟on fait et obtenir un accord préalable.
Comment créer de la valeur à partir d’une commutation ?
Une commutation consiste à racheter une police d‟assurance ou un contrat de réassurance.
Il s‟agit le plus souvent d‟un rachat de contrat de réassurance.
Pour l‟assuré ou la cédante, la créance à venir (qui se trouve à l‟actif du bilan) est
instantanément valorisée par la commutation, via un paiement cash. Le niveau de
provisionnement à l‟actif reste le même puisque calculé au brut de réassurance.
Lorsqu‟un réassureur cesse son activité, il cherche en général à accélérer la liquidation de
son portefeuille à de bonnes conditions de façon à pouvoir extraire le maximum de
valorisation de son portefeuille. Il propose alors des commutations aux cédantes. Il
développe un argumentaire en précisant que les sinistres seront discutés de façon beaucoup
plus stricte que dans un cadre commercial classique.
Le process se déroule en quatre phases :
Définition du périmètre de la commutation.
Le nombre de contrats et les branches d‟activités concernées sont identifiés et le plus
souvent listés.
Réconciliation financière.
Chaque partie annonce le montant associé à ces contrats dans ses livres. Montant global
mais souvent également contrat par contrat. Certains retards de traitement peuvent alors
être observés, parfois du fait d‟intermédiaires.
Ces montants visent les réserves pour sinistres en suspens, les comptes courants et d‟autres
éléments techniques tels que les dépôts titres ou espèces et les lettres de crédit.
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Interviews
Négociation du prix.
La cédante souhaite généralement intégrer des IBNR, parfois une prime de risque pour se
libérer de la sécurité du réassureur.
Un taux d‟escompte est négocié dans la mesure où le paiement immédiat de sinistres qui
seront réglés dans le futur génère des profits financiers. La duration de ce taux d‟escompte
(durée sur laquelle il doit s‟appliquer) est également prise en compte.
Rédaction de l’accord de commutation.
Avec précision des modalités de règlement.
Une fois le prix payé, le réassureur se considère comme désengagé. Il faut alors annuler les
éléments techniques enregistrés, les remplacer par un paiement forfaitaire et réallouer ce
paiement contrat par contrat.
Les commutations sont –elles envisageables en assurance ?
Le rachat de police est compliqué mais réalisable.
Le plus souvent avec un assuré professionnel, de type industriel, qui souhaite valoriser ses
anciennes polices d‟assurance. Il s‟agit de « policy buy-back ».
Cela se fait en général contrat par contrat, ou série de contrats par série de contrats, sur des
polices long terme de type RC.
Disposez-vous d’une base tiers puissante ?
Notre base tiers est assez complète avec environ 15.000 contreparties enregistrées.
Nous avons essayé de conserver l‟historique des compagnies et de décrire les liens
capitalistiques en cours. Ce n‟est pas évident à suivre, surtout en cas de cessions partielles
de portefeuilles
A un instant T il est extrêmement difficile de savoir que tel contrat est lié à telle
compagnie. On connaît la compagnie d‟origine, on en garde trace grâce aux éléments
financiers qui transitent. Les difficultés d‟identification surgissent lorsque ces éléments
financiers ne transitent plus depuis un certain temps.
En tant que cédante avez-vous été confrontés à des procédures de Schemes of
Arrangement ?
Une équipe spécialisée suit nos cessions ainsi que les liquidations et les Schemes y
afférent, non seulement pour l‟ensemble d‟AXA LM mais aussi pour l‟ensemble du groupe
AXA.
Le fait de déclarer ses créances permet de peser dans le cadre du Scheme.
Il y a certainement eu des ratés dans le passé mais nous sommes aujourd‟hui extrêmement
attentifs à tout cela. En cas de doute, nous préférons déclarer un contrat même s‟il est
finalement écarté par le liquidateur.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Ces procédures vous semblent-elles transposables au marché français ?
Les acteurs français utilisent peu ces outils anglo-saxons, d‟autant qu‟un lien avec la
Grande Bretagne doit être établi pour les utiliser.
La mise en place d‟un Scheme est par ailleurs un processus assez lourd et coûteux et qui
présente un certain risque en ce qu‟il est soumis au vote des créanciers.
Les compagnies françaises travaillent de façon plus traditionnelle en proposant des
commutations ou en assumant leur run-off sur la durée. Les transferts de portefeuilles ont
été plus utilisés que les Schemes.
Des solutions individuelles sont trouvées au sein de chaque entreprise pour la gestion des
run-offs :
Gestion interne
Structure interne spécialisée dans le run-off
Vente à une structure spécialisée
Délégation de gestion à une structure spécialisée
Réassurance sous forme généralement de stop-loss sur des durées extrêmement longues.
Fabienne Leroy - MBA Manager d‟entreprise d‟assurance – Session 2009 / 2011
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Interviews
Maurice Truffert
Consultant - Maurice Truffert Consulting
Chargé d’enseignement à l’Université de Paris II, Panthéon Assas
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 13 décembre 2010
Le run-off donne lieu à de nombreuses définitions, qu’en pensez-vous ?
Lorsqu‟un contrat d‟assurance ou de réassurance est en run-off, cela signifie qu‟il y a des
liens contractuels qui subsistent jusqu‟à ce que tous les suspens soient terminés. Cela peut
durer très longtemps.
Il y a plusieurs façons d‟aborder le run-off : sur le plan technique ou sur le plan financier,
notamment.
Le marché français ne semble pas particulièrement organisé en matière de gestion de
portefeuilles en Run-off ?
Quelques acteurs se sont organisés.
Le groupe Sprinks117 avait par exemple créé le Run-Off Club afin de gérer le run-off en
réassurance de toutes les compagnies qui participaient au pool d‟assurance/réassurance du
groupe.
Un autre exemple avec le groupe AXA qui a créé AXA Liabilities-Managers il y a 10 ans.
Pouvez-vous évoquer votre expérience professionnelle en matière de Run-off ?
Pendant 5 ans dans ma carrière j‟ai géré les sinistres provenant du run-off de réassurance
de la CTR et de Corifrance à Paris pour le compte de RiverStone, qui depuis a fermé le
bureau de Paris.
La société Corifrance a cessé de souscrire en 2004. Le run-off de Corifrance a été vendu
par Markel à Fairfax, qui l‟a logé chez Riverstone pour le faire traiter à Paris.
La CTR118 a quant à elle cessé de souscrire après les tempêtes Lothar et Martin de 1999. La
maison mère Odyssey Re a alors décidé de continuer à souscrire à Paris au nom d‟Odyssey
Re, mais sur le capital de la société située à New-York. Une fusion a été réalisée entre la
CTR Management et Riverstone, conséquence de l‟unicité de l‟actionnariat. L‟avis de
fusion a été publié dans les journaux d‟annonces légales, pour officialiser à l‟égard des
cédantes. Il n‟y a donc pas eu besoin de faire signer d‟accord de novation aux cédantes.
117
ICS Assurances, anciennement groupe Sprinks a été mise en liquidation après le retrait de l'ensemble de ses agréments
par les autorités de contrôle en juillet 1999
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La Compagnie Transcontinentale de Réassurance
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Interviews
A partir de 2002, j‟étais responsable de la gestion du run-off des sinistres des acceptations
de la CTR tant pour les traités que pour les facultatives, pour les branches vie et non-vie, et
à partir de 2004 du portefeuille des sinistres en run off de Corifrance.
La gestion de ces Run-off a-t-elle été profitable ?
De bonnes « commutations » ou des rachats des engagements sur les portefeuilles sinistres
ont été effectués.
Certains de ces rachats / commutations ont-ils fait par la suite l’objet de demandes de
réouverture par les cédantes ?
Non, dès lors que l‟accord de rachat a été régularisé sans qu‟aucune réserve ne soit émise,
il n‟y a aucune raison de le rouvrir.
Des rachats avec réouvertures contractuelles existent sur le marché de Londres. Les
syndicats des Lloyds, transfèrent au bout de 3 ans, les sinistres en suspens de l‟exercice
clos, pour une branche donnée vers l‟année suivante. Les Lloyds travaillent beaucoup en
transport et en IARD mais travaillent moins en RC. Il peut arriver que des syndicats Lloyds
veulent terminer une année et émettent une proposition de rachat avec des réserves pour
certains sinistres -qui sont identifiés dans l‟accord- permettant de rouvrir, en cas de
dégradation notoire ces sinistres dénommés.
La gestion d’un Run-off de portefeuille passe-t-elle nécessairement par ces
propositions de commutations ?
Cela dépend des branches.
Par exemple, les commutations sont peu fréquentes en France sur la RC automobile. Le
temps de liquidation des sinistres est très long, la cédante a donc peu de visibilité. Par
ailleurs les cédantes françaises disposent très souvent de garanties de la part des
réassureurs : les « dépôts » des provisions pour sinistres en suspens.
Pour le portefeuille CTR et Corifrance, nous avons commuté tout ce qu‟il était possible de
commuter, en France, et après la fermeture du bureau de Paris, le Run-off a été et est géré
par le bureau de Brighton.
La CTR avait souscrit un portefeuille important de réassurance facultative dans les années
1990 (comme d‟autres compagnies telles que QBE, CCR, MCR, ou Sorema) avec
notamment beaucoup de risques de plate-formes de forage ou de risques d‟exploitation offshore. Des commutations ont été acceptées par les cédantes pour ce type de risque.
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Interviews
Un dialogue peut-il s’engager avec l’assuré dans le cadre de commutations en
réassurance facultatives ?
Le principe de l‟absence de liens juridiques entre réassureur et assuré vaut aussi bien en
réassurance traités, qu‟en réassurance facultative. Il y a toujours deux contrats séparés : un
contrat assuré – compagnie d‟assurance et un contrat compagnie d‟assurance – compagnie
de réassurance. La seule exception de fait est celle des captives de réassurance de groupes
industriels, puisque la captive appartient à l‟assuré.
Les autorités de contrôle se sont-elles intéressées à la gestion du Run-off de la CTR ou
de Corifrance ?
Pas à ma connaissance. S‟agissant de relations contractuelles entre professionnels,
l‟ACAM n‟avait pas vraiment à intervenir. Par ailleurs, les cédantes françaises bénéficiant
de garanties sous la forme des dépôts ont une certaine liberté face à ces engagements.
Pensez-vous que certaines techniques de gestion de Run-off utilisées par les
réassureurs soient transposables en assurance directe, avec par exemple des policy
buy-back comme équivalant des commutations ?
Des rachats de polices d‟assurance directe semblent difficiles à mettre en place.
En revanche, les compagnies d‟assurance disposent toujours de la possibilité de transiger
pour un sinistre donné.
Des compagnies comme AXA utilisent d‟autres techniques de gestion de run-off, comme
la titrisation par exemple.
De façon plus générale, lorsque l‟augmentation des engagements d‟une compagnie
d‟assurance pose question au regard des ratios de marge de solvabilité, il est possible, soit
d‟augmenter ses fonds propres soit de baisser ses engagements. Pour baisser les
engagements, on peut utiliser la réassurance ou la titrisation. En se réassurant ou en
titrisant, la compagnie d‟assurance dégage son haut de bilan.
Avec Solvabilité II, la réassurance revient à un de ses objectifs primaire et historique :
pallier l‟absence de fonds propres.
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Interviews
Florimond Delalande
Comptable Assurance
BNP Paribas Assurance
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 15 décembre 2010
Les provisions techniques inscrites au bilan d’une compagnie d’assurance
représentent-elles l’ensemble des provisions techniques de cette compagnie ?
(Indépendamment des exercices de souscription des polices ou de survenance des
sinistres)
Effectivement, le bilan est une photographie de la situation de l‟entreprise à une date
donnée.
Sur des cycles longs les provisions techniques peuvent concerner des sinistres survenus
depuis plusieurs années.
Les états prudentiels détaillent par contre le déroulé des provisions techniques.
Quelles sont les conséquences au bilan d’une baisse des provisions techniques ?
Lorsque le niveau des provisions techniques baisse, le résultat global augmente du fait de
l‟augmentation du résultat technique.
A la fin de l‟année comptable, lorsque l‟on constate le résultat, plusieurs décisions de
gestion sont envisageables pour l‟affecter :
- Mettre le résultat en réserve (plusieurs types de réserves), ce qui revient à
augmenter les capitaux propres
- Distribuer le résultat, ce qui peut être considéré comme une réduction des capitaux
propres
Quelles sont les conséquences d’un provisionnement au plus juste tel que le préconise
la Directive solvabilité II ?
Le fait de provisionner au plus juste engendre une plus grande volatilité sur le résultat. En
flux tendus, le résultat est beaucoup plus réactif à l‟exercice réel des sinistres.
Cette plus forte volatilité du résultat est-elle gênante ?
Cela impose un niveau de capitaux propres suffisant pour éventuellement venir compenser
un mauvais résultat.
Un provisionnement très prudent pouvait laisser la possibilité aux compagnies d‟assurance
de « piloter les résultats » à partir du poste provisions techniques. Cela peut paraître
aberrant sur un plan fiscal mais il s‟agit d‟une spécificité de l‟assurance due au cercle
inversé.
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Interviews
Qu’est-ce qu’un boni de liquidation ?
Il s‟agit du niveau de « sur-provisionnement ». Il est constaté a posteriori, en comparant les
provisions constituées dans le passé aux sinistres effectifs.
Prenons un risque court : une provision pour sinistre à payer de 100 est constituée l‟année
N, en N+1 on constate que les sinistres ne se sont réalisés qu‟à hauteur de 80, le boni de
liquidation est de 20.
Une réduction de la marge de prudence dans les provisions, génère d‟abord la constatation
de boni sur le plan comptable. Dans ce nouveau contexte de prudence, les bonis de
liquidation devraient par la suite être considérablement réduits. Dans l‟environnement
Solvabilité II, nous devrions constater plus de mali de liquidation qu‟aujourd‟hui. Le mali
ne sera alors plus nécessairement l‟expression d‟une mauvaise gestion.
Ces bonis de liquidation sont-ils taxés aujourd’hui ?
Oui, il s‟agit de la « taxe sur les bonis », ou plus exactement de la « taxe sur les excédents
de liquidation de provision ». Cette taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés
qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent.
L‟impôt différé à l'occasion de l'inscription en comptes de la (sur)provision, n'est payé
qu'au moment de la liquidation et constitue un avantage de trésorerie.
Pour faire simple, c'est un intérêt de retard. Plus la provision initiale est ancienne, plus la
taxe est élevée.
La fiscalité va-t-elle évoluer avec la Directive Solvabilité II et les nouvelles normes
IFRS ?
Les normes comptables ont la particularité d‟être très proches des règles fiscales en France.
Mais la fiscalité intervient de façon totalement autonome et n‟a pas vocation à s‟adapter
aux évolutions comptables et prudentielles.
Beaucoup de règles comptables actuelles sont en fait l‟application de règles fiscales. Le
nouveau référentiel IFRS se veut totalement différent. Avec son approche économique, il
s‟éloigne des règles fiscales.
On tend de plus en plus à la multiplicité des reportings : comptable, fiscal et prudentiel. Ce
qui renvoie au système américain.
En cas de transfert de portefeuille, les actifs transférés avec les passifs sont-ils
identifiés ?
L‟actif doit être suffisant pour couvrir le passif et respecter des règles de congruence, mais
les actifs ne sont pas nécessairement identifiés comme associés à tel ou tel passif. Un choix
doit donc être opéré lors de la négociation relative à un transfert de portefeuille.
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Interviews
Noël Bugnet
Associé KPMG
Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 17 janvier 2011
Le nouvel environnement Solvency II est-il selon vous susceptible de donner une
nouvelle impulsion au marché du Run-off en France?
Pas à mon sens.
Il est vrai qu‟il y a déjà au moins sept ans que certains professionnels du secteur ont
anticipé le fait que l‟allocation du capital rendrait beaucoup plus fluide le marché du Runoff.
Dans les faits, la Directive Solvabilité II est plutôt appréhendée dans sa globalité. Le
raisonnement de l‟allocation du capital sur la base du Run-off n‟est pas pris en
considération. Ceci est essentiellement dû au fait que les Run-off ne sont pas identifiés en
tant que tel en France.
L’identification de sinistres affectant des branches qui ne font plus l’objet de
souscription active ne semble pourtant pas compliqué à réaliser ?
Se pose la question de l‟intérêt de l‟identification de ces sinistres :
S‟agit-il d‟effectuer une gestion spécifique ?
La mise en Run-off d‟une branche ne devrait pas changer pas le mode de gestion
des sinistres sur cette branche. La gestion se doit de rester efficace, comme elle doit
l‟être également pour les branches « actives ». Une gestion efficace passe par un
règlement rapide de l‟ensemble des sinistres. Il n‟y aucune raison d‟attendre d‟être
en Run-off pour accélérer le règlement des sinistres.
S‟agit-il d‟externaliser via une gestion pour compte ?
Cela peut prendre sens dans certaines circonstances, comme par exemple
lorsqu‟une entreprise étrangère cesse toute souscription en France.
S‟agit-il de « céder » ces sinistres ?
Aujourd‟hui le marché de la cession est peu actif, notamment du fait du faible
nombre d‟interlocuteurs. La cession d‟un portefeuille sinistre implique par ailleurs
de trouver une solution pour les personnes anciennement en charge de ce
portefeuille.
Certains investisseurs étrangers se disent pourtant prêts à intervenir sur le marché ?
Essentiellement sur des engagements de réassurance. Travailler en Business to Business
plutôt que face à des assurés change en effet beaucoup la donne.
Par ailleurs, reprendre des engagements d‟assurance nécessite d‟avoir obtenu des
agréments spécifiques en tant que compagnie d‟assurance. Le marché de l‟assurance est
beaucoup plus règlementé que le marché de la réassurance.
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Interviews
Quid de la délégation de gestion ?
Il y a du sens à déléguer la gestion de certains sinistres et il y a plusieurs interlocuteurs sur
le marché. La société Capita, par exemple, qui travaille aussi bien sur des Run-off que sur
des branches actives, ou encore la société Van Ameyde très spécialisée dans la gestion des
cartes vertes.
Mais ces structures n‟atteignent pas la taille des structures du marché de Londres. Dans la
culture anglo-saxonne, il semble beaucoup plus naturel d‟externaliser les éléments qui ne
rentrent pas dans le « core business ».
Comment intervenez-vous en France dans le cadre de KPMG ?
Pour prendre un exemple :
Lorsque le groupe Royal Sun Alliance a décidé de cesser de souscrire et de gérer son Runoff, KPMG a trouvé un tiers pour la délégation de gestion et a contrôlé cette gestion.
KPMG a effectué un suivi de la gestion de sinistres, a émis des reportings et était en charge
de toute la partie « administrative » du Run-off : fiscalité, comptabilité, droit des sociétés,
relations avec les autorités de contrôle.
Pourquoi sous-traiter auprès de KPMG le contrôle de la délégation de gestion et les
aspects reporting ?
La sous-traitance vers un tiers indépendant génère un gain de productivité. Nous
intervenons en tant que contrôleur de l‟ensemble des opérations. KPMG analyse,
préconise et vérifie la mise en œuvre de solutions y compris en termes de bonne gestion.
Cela peut par exemple être la mise en œuvre d‟une transaction pour éviter une action
judiciaire coûteuse en temps et en frais. Notre rôle est d‟accélérer le processus de
règlement.
Nous intervenons aussi auprès de réassureurs pour effectuer des audits de portefeuilles.
Etes-vous spécialisés dans une branche en particulier ?
Nous intervenons aussi bien en assurance vie non-vie qu‟en réassurance vie, non-vie. Nous
faisons régulièrement appel à des spécialistes externes.
A l‟intérieur de KPMG existe un réseau (hors audit) appelé Insurance Solutions qui
regroupe les professionnels en charge de dossiers du type Run-off. Les échanges lors des
réunions de réseau montrent que les approches sont totalement différentes d‟un pays à
l‟autre. Le marché de Londres, par exemple, permet la procédure très particulière du
Solvent Scheme of Arrangement. C‟est un marché beaucoup plus pragmatique que le
marché français.
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Interviews
Intervenez-vous également en matière de transfert de portefeuille ?
Nous intervenons pour compte. Nous l‟avons fait par exemple sur des dossiers
responsabilité civile des notaires. Les dossiers ont été transférés aux Mutuelles du Mans
acteur principal du marché.
Sur des risques à déroulement aussi long, les compagnies qui ont cessé de souscrire
trouvent intérêt à céder leur portefeuille.
Vous évoquiez l’intérêt de la mise en place d’un système de contrôle externe, y a-t-il
une évolution du marché français en la matière ?
Le nombre d‟acteurs est ici aussi extrêmement restreint. Le contrôle reste difficile à
admettre par les structures internes. Il s‟agit pourtant avant tout d‟une marque d‟intérêt
pour l‟activité contrôlée.
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Interviews
Bibliographie
Ouvrages généraux
BARLOW LYDE & GILBERT LLP – Reinsurance Practice and the Law – Informa,
édition mise à jour périodiquement
PARTRAT C., LECOEUR E., NESSI JM., NISIPARU E., REIZ O., Provisionnement
technique en Assurance non-vie Perspectives actuarielles modernes, Economica, 2007
BLONDEAU J., PARTRAT C., La Réassurance Approche technique, Economica, 2003
Etudes et articles
« Mixed emotions » - Run-off & Restructuring n°35 - Hiver 2010
« Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer » - Arthur
Charpentier - Laurent Devineau - Jean-Marie Nessi - Risques n°83 - Septembre 2010
« Portfolio transfers in Europe » - Run off & restructuring n°34 – Automne 2010
« Schemes after Scottish Lion » - Run off & restructuring n°33 – Eté 2010
« Throwing light on scheme statistics » - Insider Quaterly n°34 – Eté 2010
« Solvent Schemes of Arrangement: The Scottish Lion Mauled » - Insurance and
Reinsurance Review - Décembre 2009
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Interviews
« L'an 1 de l'application de la directive » - L‟Argus de l‟assurance - 04 septembre 2009
« The Solvency II factor » - Insurance day special “run-off perspectives” - Juin 2009
« Trends in the acquisition of insurance companies in run-off » - Insurancedigest Sharing
insights on key industry issues – PricewaterhouseCoopers - Février 2009
« Transactions The Buying and Selling Process » - Supplément spécial à la revue Run-off
& Restructuring - Hiver 2008
« Le Run-Off toujours dans les starting-blocks » - L‟Argus de l‟assurance – 03 octobre
2008
« Provisionnement des sinistres en assurance de dommages : progresser sur un défi
stratégique » - Sigma – Compagnie Suisse de Réassurances - Février 2008
« Retrospective reinsurance – Minimise reserve risk and obtain risk capital relief »
Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft - 2007
« La côte du Run-off toujours à la hausse » - La Tribune de l‟assurance - Novembre 2006
« Run-off » Les chasseurs de passifs attendent leur or » - L‟Argus de l‟assurance – 18
novembre 2005
« The run-off phenomenon – Extracting value from discontinued business » - Swiss
Reinsurance Company Zurich – 2000
« Le transfert alternative des risques (ART) pour les entreprises : phénomène de mode ou
formule idéale pour gérer les risques au IIIe millénaire » - Swiss Re - Sigma n°2/1999
« Commutations of Claims » - A Casualty Actuarial Society Study Note, Lee R. Steeneck
1998
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Interviews
Rapports
« Insurance Portfolio Transfers: Move on and let go » – International Bar Association Insurance Committee Substantive Project - 2010
« Run-off survey 2010 - Run-off in property/casualty insurance and reinsurance in
Germany, Switzerland and Austria » - KPMG AG Wirtschaftsprüfungsgesellschaft - 2010
« The KPMG Run-off survey: Non-life insurance » - KPMG LLP - Octobre 2010
« Unlocking value in run-off A Survey of Discontinued Insurance Business in Europe » PricewaterhouseCoopers LLP - Mars 2010
« Principaux enseignements de la quatrième étude quantitative d‟impact (QIS4) »
ACAM - décembre 2008
QIS4 on Solvency II Country Report for France - Septembre 2008
« Principaux enseignements de la troisième étude quantitative d‟impact (QIS3) » - ACAM
- Décembre 2007
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Interviews
Abréviations
ACAM
Autorité de Contrôle des
-
Assurances et des Mutuelles
ACP
Autorité de Contrôle Prudentiel
CEIOPS
Comité européen des contrôleurs
Committee of European
d‟assurance et de pensions
Insurance and Occupational
professionnelles
Pensions Supervisors
Autorité européenne de contrôle du
European Insurance and
secteur des assurances et des
Occupational Pensions Authority
EIOPA
-
retraites professionnelles
FFSA
Fédération Française des Sociétés
-
d’Assurance
GEMA
Groupement des Entreprises
-
Mutuelles d’Assurance
Survenus (déclarés) mais pas
Incurred But Not Enough
suffisamment provisionnés
Reported
IBNR
Survenus mais non déclarés
Incurred But Not Reported
IBNYR
Survenus mais non encore déclarés
Incurred But Not Yet Reported
IFRS
Normes internationales
International Financial Reporting
d‟information financière
Standard
LPT
Transfert de portefeuille sinistres
Loss Portfolio Transfer
ORSA
Evaluation interne des risques et de
Own Risk and Solvency
la solvabilité
Assessment
QIS
Etude quantitative d‟impact
Quantitative Impact Study
SCR
Capital de solvabilité requis
Solvency Capital Requirement
IBNER
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Thèse soutenue en mars 2011
pour l’obtention du MBA
Manager d’entreprise
d’assurances
Sous la direction de :
Denis PROUST
Président du Jury :
François EWALD
Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances.
L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en
direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires :
• les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes
d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles
qu’on peut les observer à l’étranger ;
• les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ;
• « les travaux de l’Enass », que nous lançons aujourd’hui, sont destinés à faire bénéficier la
profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les
niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces
travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur
papier ou même, être édités.
Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables.
François Ewald
Directeur de l’Ecole nationale d’assurances