Suicide, suicide assisté et euthanasie

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Suicide, suicide assisté et euthanasie
Brian Mishara - Webinaire du CRISE - 2012
Les enjeux pour les intervenants du
suicide, du suicide assisté et de
l’euthanasie des personnes atteintes
d’une maladie terminale ou
dégénérative
Brian L. Mishara, Ph.D.
Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie(CRISE)
Professeur, Département de psychologie
13 avril 2012
Webinaire du CRISE 12h-13h
www.crise.ca
[email protected]
Brian Mishara - Webinaire du CRISE - 2012
Plan




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

Quelle est la différence entre une personne suicidaire et une
personne qui veut mourir par euthanasie ou suicide assisté ?
Décrire les 7 méthodes intentionnelles pour abréger la vie
ainsi que les croyances qui conduisent à être en faveur de ces
pratiques;
Présenter les résultats des recherches qui peuvent éclairer nos
hypothèses de bases;
Discuter les différences éthiques et pratiques entre le suicide
assisté et l’euthanasie;
Quelle est la différence entre les interventions auprès des
personnes suicidaires et les personnes qui veulent mourir par
euthanasie ou suicide assisté ?
Brièvement discuter des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec;
Tirer quelques conclusions avec des implications pour les
intervenants
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
Quelle est la différence entre une
personne suicidaire et une personne
qui veut mourir par euthanasie ou
suicide assisté ?
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Background: Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

1) Suicide:





Se tuer;
Intention de mourir –seulement pour
arrêter de souffrir (ambiguïté);
Causé par la personne elle-même;
90 % souffrent de troubles mentaux;
Légal au Canada, États-Unis et Europe,
mais tentatives de suicide illégales dans
presque la moitié des pays au monde
(mais peu de poursuites)
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie
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
2) Refus de traitement:

Perspective de mort "naturelle";
 Intention de ne pas prolonger la vie;
 Légal au Canada.
3) Arrêt de traitement:
 Mort "naturelle" à court terme;
 Intention de mourir;
 Légal au Canada.

Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

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4) Double effet:
 Espérance de vie abrégée par médicament
utilisé pour soulager la douleur/souffrance;
 Intention: diminuer douleur/souffrance;
 Légal au Canada.
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

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5) Homicide:
 Être tué par quelqu'un:
 Sans ou avec compassion
 Sans ou avec intention de mourir
 Intentionnel ou par accident
 Illégal au Canada
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

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6) Euthanasie:
 Vie arrêtée (« tué ») par un médecin ou autre
personne, par compassion;
 Intention de mourir (théoriquement moins ambigüe
– mais toujours pour arrêter de souffrir ou pour
avoir une mort « digne »);
 Souvent, les personnes avec troubles mentaux sont
exclues;
 Légal: Pays-Bas, Belgique, Luxembourg (en
Australie, pendant 9 mois, en 1996-97);
 Illégal: considéré un homicide au Canada.
 Légalisation recommandée par la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité
de l’Assemblée nationale du Québec, mais appelé
« aide médicale à mourir »
Sept méthodes intentionnelles
pour abréger la vie

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7) Suicide assisté:




Se tuer
Intention de mourir (théoriquement moins
ambigüe)
Médecin fournit les moyens:
 Légal: états d’Oregon et Washington –
légalisé;
 Suisse - n'a jamais été illégal, pratiqué
 Pays-Bas – légalisé (peu utilisé)
Illégal au Canada
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Pour être en faveur de légaliser le suicide assisté ou
l'euthanasie, il faut:




1) Croire que c'est moralement acceptable et
savoir ce que vous appuyez;
2) Conclure que les méthodes légales pour
abréger la vie au Canada ne sont pas
suffisantes;
3) Déterminer qu’on peut implanter ces
pratiques dans notre contexte culturel;
4) Juger que les bénéfices justifient les
risques encourus.
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Et si vous décidez qu’il faut légaliser ces pratiques, il
faut :



5) Déterminer lequel (suicide assisté OU
euthanasie OU les deux);
6) Décider QUI aura accès au suicide
assisté ou à l’euthanasie;
7) Assurer que le suicide assisté ou
l’euthanasie ne deviennent pas un
substitut à de bons soins palliatifs.
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Quelques constats des recherches contemporaines

La populations générale est confuse:
 On ne sait pas faire la différence entre
l’euthanasie et le suicide assisté;
 Souvent on croit que légaliser
l’euthanasie ou le suicide assisté veut
dire légaliser des pratiques de fin de vie
qui sont déjà légales;
 Plus on est confus, plus on a tendance à
être en faveur de la légalisation de ces
pratiques.
(Marcoux, Mishara & Durand, 2006)
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Quelques constats des recherches contemporaines :
pourquoi nous désirons mourir





Les personnes atteintes du cancer veulent abréger leur vie
quand elles souffrent physiquement;
Quand la souffrance des personnes est soulagée, le désir
d’une mort prématurée disparaît;
Les personnes handicapées veulent moins souvent se
suicider que les personnes sans handicaps;
La personnes mourantes peuvent être déprimées à cause
des effets secondaires des traitements (médicaments) et
vouloir mourir – mais on peut renverser ces dépressions
iatrogéniques;
Il existe quelques exceptions (par exemple, personnes
traitées par hémodialyse)
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Quelques constats des recherches contemporaines

Les médecins ne sont pas capables de
déterminer quand leurs patients vont mourir:
 Insuffisance cardiaque congestive : taux de
survie après 6 mois était 6 fois plus élevé que
celui prédit par les médecins;
 En général, le taux de survie était 2 fois plus
élevé que selon les prédictions des médecins.
(Lynn et al, 1996)
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Quelques constats des recherches contemporaines


Est-on "rationnel" quand on souffre?
Pourquoi les décisions en rapport avec la mort
devraient-elles être rationnelles alors que les
décisions les plus importantes dans la vie sont
émotives?
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Quelques constats des recherches contemporaines :
on change d’avis
Aux Pays-Bas:
1,933 morts par euthanasie en 2005, du total de
136,402 décès (1.4% des décès), souvent dans
les derniers jours de la vie
 55-66% des demandes sont refusées
 parce qu’il faut d’abord tout faire pour soulager
la souffrance avant d’abréger la vie
 Et il est rare que les malades revendiquent encore
l'euthanasie lorsque leurs souffrances sont
soulagées
 Donc la volonté de mourir par euthanasie peut
souvent changer si on soulage la souffrance
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Quelques constats des recherches contemporaines :
on change d’avis

En Oregon :
 Les demandes de suicide assisté sont rares:
 85 ordonnances médicaments létaux 2007 (88 en 2008)
 approximativement 32,000 morts en Oregon 2007
 46 des 85 personnes ont pris les médicaments
 26 des 85 personnes sont mortes de leur maladie
 539 ordonnances médicaments létaux 1998-2007
 341 des 539 ont pris les médicaments
 Donc, peu de demandes
 37% ne s'en servent pas: donc pour eux il y changement
d'avis (ambivalence) ou présence de l'option offre du
réconfort
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Quelques constats des recherches contemporaines :
on change d’avis

Mes recherches sur le SIDA:
 Pas de corrélation significative entre les désirs et
intentions de mourir par suicide et suicide assisté
6 mois plus tard, ni de relations avec les vraies
décisions de fin de vie
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Discussion des 24 recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec




> accès aux soins palliatifs et formation
des médecins
Accent mis sur soins palliatifs à domicile
> communications et respect des
directives médicales anticipées
Légalisation de l’euthanasie, appelé
« aide médicale à mourir »
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec



J’ai suggéré : Pour être en faveur de
légaliser le suicide assisté ou
l'euthanasie, il faut:
1) Croire que c'est moralement acceptable et savoir ce que vous
appuyez; - Le comité pense que les Québécois sont favorables à
la légalisation sans préoccupation morale
2) Conclure que les méthodes légales pour abréger la vie au
Canada ne sont pas suffisantes; - Le comité indique qu’il existe
un petite minorité des personnes pour lesquelles les soins
palliatifs ne sont pas suffisants
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec


Pour être en faveur de légaliser le
suicide assisté ou l'euthanasie, il faut:
3) Déterminer qu’on peut implanter ces pratiques dans notre
contexte culturel – Le comité croit que les médecins peuvent
prendre les décisions nécessaires pour pratiquer l’euthanasie
comme « un soin de fin de vie »
4) Juger que les bénéfices justifient les risques encourus. Le
comité pense que les risques potentiels peuvent êtres minimisés
par les règlements proposées
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Pour être en faveur de légaliser le
suicide assisté ou l'euthanasie, il faut:

5) Déterminer lequel (suicide assisté OU euthanasie OU les
deux); Le comité recommande seulement l’euthanasie parce
que « toute ouverture doit se situer dans le contexte d’une
continuité des soins » (Le comité conçoit l’euthanasie
comme un « soin » médical, mais pas le suicide assisté)
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Pour être en faveur de légaliser le suicide
assisté ou l'euthanasie, il faut:
6) Décider QUI aura accès au suicide assisté ou à
l’euthanasie; Critères pour accès à l’euthanasie (« aide
médicale à mourir ») :






Résident du Québec
Majeur et apte à consentir aux soins
Exprime personnellement une demande d’aide médicale à mourir, « à la
suite d’une prise de décision libre et éclairée »
Personne est atteinte d’une maladie « grave ou incurable »
« déchéance avancée des ses capacités, sans aucune perspective
d’amélioration »
Personne « éprouve des souffrances physiques ou psychologiques
constantes, insupportables et qui ne peuvent pas être apaisées dans des
conditions qu’elle juge tolérables »
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Pour être en faveur de légaliser le
suicide assisté ou l'euthanasie, il faut:
7) S’assurer que le suicide assisté ou l’euthanasie ne deviennent
pas un substitut à de bons soins palliatifs. On doit rendre les
soins palliatifs disponibles à l’ensemble de la population, mais
« il est irréaliste de croire que les soins palliatifs seront offerts à
l’ensemble de la population québécoise dans un avenir
immédiat » « Pareillement à toute démarche … d’autoriser une
aide à mourir, des efforts considérables devront êtres fournis
pour offrir les soins palliatifs de qualité à toutes les personnes
qui en ont besoin »
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Même si on accepte les recommandations en
générale, le diable est dans les détails :

Le système « d’hospice » aux États-Unis, Angleterre et
autres pays, où les soins à domicile sont intégrer avec les
lits utilisés majoritairement pour hébergement temporaire de
« répit » sauvent au moins 1,26$ pour chaque 1 $ investi.
Notre système de lits à l’hôpital et services à domicile offerts
par les CLSC ne permet pas une continuité de soins avec
utilisation flexible de « répit » pour la famille et coûte cher.
Malgré la bonne qualité des services offerts aujourd’hui,
peut-être doit-on considérer restructurer notre système de
soins palliatifs pour le rendre rentable et mieux répondre
aux besoins ?
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec

Le diable est dans les détails aussi dans les
recommandations de légaliser l’euthanasie:


Le médecin traitant doit consulter un autre médecin; mais
sans l’obligation (par exemple dans les Pays-Bas) qu’un
deuxième médecin doive rencontrer la personne (pas juste
consulter avec le médecin traitant).
Pas d’obligation que « toutes les autres interventions pour
soulager la souffrance physique et psychique ont été
essayées avant d’avoir recours à la mort pour soulager la
souffrance » (raison de refus de >50% des demandes dans
les Pays-Bas, et les demandeurs ne reviennent pas avec une
demande de mourir lorsqu’ils reçoivent d’autres soins)
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Discussion des recommandations de Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité de
l’Assemblée nationale du Québec
 Le diable est dans les détails aussi dans les
recommandations de légaliser l’euthanasie


Est-ce qu’on veut vraiment que l’euthanasie (« aide médicale
à mourir ») s’ajoute simplement dans « la continuité des
soins », ou est-ce que le fait d’arrêter la vie d’un être humain
doit être considéré dans un catégorie à part – vraiment
exceptionnel et différent des « soins »?
Au moins 40% des personnes qui ont convaincu 2 médecins
qu’elles doivent mourir et qui obtiennentt des médicaments
pour suicide assisté en Oregon changent d’avis et décident de
continuer à vivre malgré leur maladie terminale. Est-ce que
c’est aussi facile de changer d’avis quand le médecin arrive
pour arrêter ma vie (pratiquer « aide médicale à mourir »), et
à plusieurs reprises si je veux ? Doit-on d’abord considérer le
suicide assisté pour protéger le droit de changer d’avis ?
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
Quelle est la différence entre les interventions
auprès des personnes suicidaires et les
personnes qui veulent mourir par euthanasie
ou suicide assiste ?
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Conclusions



1) En général, on veut mourir quand on souffre
(souffrance mentale ou physique) et on ne veut pas
mourir quand nos souffrances sont soulagées;
Donc, la société a une responsabilité morale de tenter
de soulager la souffrance par de bons soins avant le
recours à la mort.
Les intervenants doivent:
 soigneusement évaluer l’ensemble des sources de
souffrances physiques et mentales (y inclus
iatrogéniques)
 déterminer les traitements déjà essayés et
 Référer et accompagner à suivre d’autres
traitements et interventions, y inclus le soutien
social
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Conclusions



2) Les prises de décision des êtres humains
sont rarement rationnelles, encore moins en
fin de vie;
Il faut donc soulager la souffrance pour avoir
une vision claire, et lorsqu'on soulage la
souffrance, les désirs de mourir ont tendance
à disparaître
Les intervenants doivent:



Ne pas s’embarquer dans les discussions
rationnelles et logiques
Centrer sur les émotions vécues et les
mécanismes d’adaptation utilisés
Appuyer la partie de la personne qui cherche
d’autres solutions
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Conclusions



3) Les médecins sont incapables de prédire
quand nous allons mourir et quand nous
sommes au stade terminal;
On ne peut donc pas se fier aux médecins
pour déterminer quand on est au stade
terminal.
Les intervenants doivent:


Ne pas présumer que la fin est proche seulement
sur les constats du patient, même si le patient dit
que le médecin l’a déclaré en « phase terminale »
Ne pas se servir d’un diagnostic de « stade
terminal » pour raison d’intervenir autrement
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Conclusions

4) L’ambivalence règne




Même ceux qui ont décidé de mourir et ont obtenu
les moyens pour le faire changent d’avis
fréquemment – s'ils peuvent;
Nous avons de la difficulté à prédire ce que nous
allons faire vers la fin de la vie;
Il faut croire qu’au moins 40 % des gens vont
changer d’avis au lieu de croire que les décisions
sont irrévocables.
Les intervenants doivent :
 Augmenter les possibilités et occasions pour
changer d’avis et savoir que changer d’avis est
la norme
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Conclusions

6) Par rapport à la légalisation, si vous voulez
légaliser quelque chose il faut soigneusement
évaluer les avantages du suicide assisté en
lieu et place de l'euthanasie:

Avec le suicide assisté, on peut plus facilement
changer d'avis si on veut (et c'est ce qu'on fait
souvent)
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Les enjeux pour les intervenants du
suicide, du suicide assisté et de
l’euthanasie des personnes atteintes
d’une maladie terminale ou
dégénérative
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Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie(CRISE)
Professeur, Département de psychologie
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