Chronique Bulletin n°102

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Chronique Bulletin n°102
Chronique Bulletin n°102
L’odyssée périlleuse du MSC Flaminia
L’affaire du Flaminia a été l’évènement maritime médiatique de l’été. Les quotidiens n’ont eu
de cesse de nous tenir au courant de ce tragique feuilleton. Pour ma part, j’étais très bien informé
par la « Presse de la Manche », qui le 25 août écrivait que «le souci du préfet maritime de Cherbourg
était d’amener le navire à bon port le plus sûrement possible ». Mais à destination de quel port ?
Cette déclaration faisait suite à un énorme cafouillage au sein des gouvernements britanniques,
allemands et français qui ont laissé le Flaminia en dérive au large des côtes pendant plus d’un mois,
en attente du choix éventuel d’un port qui veuille bien l’accueillir.
Rappelons rapidement les faits : le 14 juillet, le porte-conteneurs MSC Flaminia en
provenance de Charleston à destination du Havre, est victime d’un violent incendie après l’explosion
d’un conteneur en cale, alors qu’il se trouve à 1000 milles des côtes européennes. Ce navire d’une
capacité de 6750 conteneurs (299 m de long), construit en 2001, appartenant à la société allemande
Reederei NSB et affrété par MSC, transportait 2876 conteneurs ; parmi ceux-ci, 151 étaient étiquetés
dangereux d’après le Cedre, mais leur inventaire exact reste confidentiel. Le site « Maritime
bulletin » révèlera néanmoins la présence de 40 t de déchets PCB (matières très toxiques envoyées
en France pour leur décontamination). Dans la lutte engagée contre l’incendie, trois marins ont été
blessés, un autre est porté disparu. L’équipage abandonne le navire en feu et est recueilli par le
navire le plus proche ; un marin blessé succombera à ses blessures.
L’armateur NSB prend contact avec la société de sauvetage hollandaise SMIT qui envoie le 17
juillet un remorqueur de haute mer, suivi par deux autres les 20 et 21. Les opérations de lutte contre
l’incendie sont interrompues le 18 juillet par une seconde explosion et reprises le 19. Le Flaminia
accuse alors une gîte de 10° et un tirant d’eau de 17 m causés par le poids des eaux d’extinction et le
désarrimage des conteneurs. Le 23 juillet, le « feu est sous contrôle » et les opérations de
remorquage peuvent commencer ; le navire est alors à 600 milles des côtes anglaises vers lesquelles
il a mis le cap à faible vitesse, en attente d’une autorisation des autorités anglaises. Le 30 juillet,
alors qu’il se trouve à 100 milles des côtes anglaises, il met cap au sud puis à l’ouest à l’arrivée d’une
dépression, l’accès des eaux sous juridiction anglaise et françaises lui étant refusé. Suit alors une
pérégrination de plus de 3 semaines à plus de 400 milles de l’entrée de la Manche, pendant laquelle
les Etats riverains refusent de recevoir le navire. Le 20 août, la gîte étant réduite à 2,5° et l’incendie
maîtrisé, les autorités allemandes autorisent le navire à gagner les eaux allemandes (le port de
Wilhelmshaven sera désigné plus tard), sous condition de l’accord des Etats riverains France,
Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas pour traverser la Manche. Ceux-ci exigent une inspection d’experts
internationaux établissant que le navire est en état de navigabilité. Le 3 septembre, le Flaminia entre
dans les eaux territoriales françaises ; il arrive au port allemand de Wilhlemsheven le 9 septembre.
L’errance du Flaminia aura duré 57 jours, soit près de deux mois.
Cette lamentable aventure a provoqué l’indignation des milieux maritimes. Comment a-t-on
pu laisser traîner des semaines, au large de la Bretagne, un navire en grande difficulté ? Tout le
monde a en mémoire l’affaire du Prestige en 2002, baladé entre la France, le Portugal et l’Espagne
avant de briser et de sombrer en Atlantique, polluant ainsi ces trois pays.
Il a fallu près de 10 ans pour que paraisse un décret donnant compétence au préfet maritime
d’enjoindre à une autorité portuaire d’accueillir un navire en difficulté ayant besoin d’assistance. Ce
texte a vu le jour après de nombreuses dispositions sur les ports de refuge. Il a d’abord été spécifié
(directive 2002/59/CE art.20) pour les Etats membres l’obligation « de la création de lieux de refuge
et de plans pour accueillir des navires en détresse dans les eaux relevant de leur juridiction ».
Quelques années plus tard (directive n°2009/17/CE) il a été fait « obligation aux Etats membres de
désigner des autorités habilitées à décider des conditions d’accueil des navires ayant besoin
d’assistance ». La loi qui en a assuré la transposition (article L.5331-1 du code des transports) a
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donné « à l’autorité administrative le pouvoir d’enjoindre s’il y a lieu à l’autorité portuaire d’accueillir
un navire ayant besoin d’assistance ». Enfin, un décret de février 2012 (décret n°2012-166 du 2
février 2012) a chargé le préfet maritime d’assurer ce rôle et lui a confié le soin de décider de
l’accueil d’un navire dans un port qu’il désigne. Nonobstant ces dispositions, des juristes estiment
qu’en l’absence de jurisprudence, il est difficile de connaître réellement les obligations qui pèsent sur
l’état côtier.
On comprend ainsi l’intérêt des différents Etats d’avoir interdit l’accès du Flaminia à leurs
eaux territoriales, l’abandonnant en haute-mer. Le Marin du 21 septembre nous rapporte que le
président de la commission des transports du Parlement européen a jugé « totalement
inacceptable » l’attitude des Etats membres. Le nouveau directeur de l’Agence européenne pour la
sécurité maritime (AESM) a de même condamné l’attitude du Royaume-Uni et de la France « qui se
sont renvoyés la balle, personne ne venant en aide à ce navire ». Aux yeux de plusieurs députés
européens, la législation sur les lieux de refuge doit être clarifiée et renforcée. Ces remarques
n’expliquent cependant pas la frilosité des gouvernements, accusés de « refus d’aide à un navire en
détresse ».
Dès la connaissance des évènements, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer
l’attitude des autorités en la matière. L’association française des capitaines de navires (AFCAN) a
demandé aux responsables politiques les raisons pour lesquelles « la France s’est dérobée à son
devoir d’assistance en refusant l’accès à un port refuge pour un navire en difficulté ». L’association
Mor Glaz s’est adressée au premier ministre, lui demandant « d’autoriser le navire à entrer dans les
eaux territoriales le plus rapidement possible ». L’ONG Robin des Bois a dénoncé l’incapacité des
Etats membres de l’UE de proposer à l’armateur des solutions pour mettre en sécurité le navire.
Différents acteurs économiques bretons ont regretté que le port de Brest n’ait pas pu servir de
refuge au Flaminia ; la CGT des Marins du Grand-Ouest a manifesté sa déception en estimant que
ceci « privait un port compétent de l’occasion de montrer son savoir-faire et de dynamiser l’emploi,
de même que les salariés du chantier naval Damen qui voyaient là un chantier de « plus de six mois
de travail ».
Du côté du gouvernement français, le préfet maritime de l’Atlantique a tout de suite après
l’accident estimé que la procédure des ports refuge n’était pas applicable en l’espèce, car « l’on
n’était pas dans une situation de danger immédiat », ce qui laissait du temps « pour travailler à une
solution adaptée ». La ministre de l’Ecologie et le ministre délégué chargé des transports et de la mer
ont indiqué dans un premier communiqué le 10 août qu’il n’était pas question pour l’instant
d’accueillir le Flaminia dans les eaux territoriales françaises. « La priorité est d’assurer la sécurité
maritime dans des espaces très fréquentés et d’éviter tout risque d’atteinte à l’environnement marin
et aux littoraux », ont-ils déclaré. Communiqué que l’on peut qualifier de consternant, quand on sait
que c’est en laissant le navire loin des côtes que le risque est important. De plus, le gouvernement a
trahi l’esprit du port refuge dont l’objet même est d’accueillir des navires en difficulté.
Des éléments de réponse nous ont été donnés beaucoup plus tard, après que le Flaminia a
reçu le feu vert pour transiter en Manche. Le ministre délégué aux transports, combien soulagé de
voir le Flaminia quitter les eaux internationales françaises, a tenu le 4 septembre un « point de
presse » sur les opérations de remorquage, entendant montrer ainsi qu’il veillait sur son bon
déroulement. Le Canard enchaîné nous rapporte qu’il a mobilisé à grands frais un Super Puma de la
Marine nationale pour aller survoler le Flaminia, dont les images diffusées le soir même sur TF1 nous
ont rassurés sur le passage du DST du Pas de Calais dans lequel s’est engagé le Flaminia, surveillé de
très près par le CROSS Gris-Nez. A cette occasion, le préfet maritime de la Manche a fait une
description apocalyptique de l’accident survenu près de 3 semaines auparavant, insistant sur la
dangerosité des matières toxiques transportées. Nous apprenons aussi du ministre que le navire n’a
pas été pris en charge en France, car « nous n’étions pas dans le cadre du dispositif port refuge » et
qu’il a écarté l’option du ralliement du navire à Brest pour ne pas exposer la population à un risque
majeur.
Cette tragique aventure aurait dû inaugurer l’application de la législation sur les ports de
refuge. Tel n’a pas été le cas, pourtant la législation européenne semblait avoir obtenu un accord
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global à ce sujet. Bien que le droit de refuge ne soit aujourd’hui plus absolu, comme il l’était du
temps du temps de la marine à voile, les Etats côtiers restent néanmoins soucieux de préserver leur
environnement et la sécurité des populations riveraines
La saga de Seafrance : de la SNAT à My Ferry Link
Le service de l’armement naval de la SNCF a été créé en 1948 pour gérer les intérêts
maritimes de la société nationale. L’armement a été maintenu pour des raisons historiques,
notamment pour assurer une continuité ferroviaire entre l’Europe et la Grande-Bretagne. La fin du
purement ferroviaire contribue à la création de Sealink en 1969. En 1989, la SNCF a émis le souhait
de se désengager de son activité d’armement naval, dont la filialisation est réalisée par la
constitution d’un GIE qui avait pour objet de prendre et de gérer des participations majoritaires dans
le capital de deux sociétés :
- La SNAT (société nouvelle d’armement de transmanche), qui avait repris le transport de
voyageurs et de véhicules entre la France et la Grande-Bretagne sur la Manche ;
- La SPN (société propriétaire de navires), dont le capital était détenu à 51% par le GIE et à 49%
par l’opérateur suédois Stena line. L’objet de la SPN était d’acquérir et d’affréter des navires
en vue leur exploitation par la SNAT.
Le partenariat avec Stena s’est révélé un échec. Il a abouti à la dénonciation de l’accord de
pool par Stena en 1995. La SNAT a dû exploiter ses navires sous une nouvelle marque (abandon de
Sealink) et s’implanter en Grande-Bretagne. Le 1er janvier 1996, la SNAT devient Seafrance, détenue à
100% par la SNCF. Elle ne dispose que de 2 petits ferries, le Renoir et le Cézanne auxquels s’ajoute un
peu plus tard le Monet, et d’un fréteur, le Nord-Pas-de Calais. L’implantation à Douvres s’est faite par
la création d’une filiale, Seafrance Ltd. Les débuts sont laborieux, le nouvel armement doit faire face
à deux opérateurs de grande taille, P§O et Stena qui fusionneront en 1998. Stena disparaîtra en 2001
et cèdera à Seafrance le Manet. P§O restera le grand rival de Seafrance : en 2007, la compagnie
britannique représentait 57% du marché maritime du détroit contre 28% pour Seafrance. La part de
marché d’Erotunnel s’élevait à 40%, bien qu’il soit difficile de comparer ces deux modes de transport,
tant les structures de coût sont différentes (électricité au lieu du fuel).
L’entrée en flotte en 2001 du Rodin, et en 2005 du Berlioz, deux navires puissants de 53 000
CV (contre une moyenne de 21 000 CV), parfaitement adaptés aux exigences de la ligne, capables de
transporter 1 900 passagers et 700 voitures, a contribué au renouvellement d’une flotte vieillissante.
Seafrance dispose alors d’une flotte manifestement en surcapacité composée 6 navires dont un
fréteur pour un nombre de traversées réalisables avec 5 navires. Un scénario réalisé en 2006, basé
sur la vente des 2 navires à faible capacité (Renoir et Manet) et l’acquisition d’un nouveau ferry du
type Rodin/Berlioz, aurait homogénéisé la flotte avec une taille de navire satisfaisante comprenant 3
car ferries. Malheureusement, en 2008, les 2 ferries anciens n’étaient toujours pas vendus et
Seafrance a bien renouvelé sa flotte avec l’arrivée du Molière. Ce navire avait été acheté par Véolia à
un prix assez élevé (112 M€) à un moment où la SNCM voulait remporter l’appel d’offres de l’Office
des transports de la Corse. Véolia voulant se débarrasser de ce navire (affrété coque nue à la SNCM
sous le nom de Jean Nicoli), Seafrance considérait qu’il constituait une opportunité à condition
d’appliquer une décote au prix payé par Véolia à l’époque. Finalement le Jean Nicoli a été négocié à
une valeur d’achat légèrement inférieure à 110 M€, à laquelle il faudrait ajouter 15 M€ de travaux et
2 mois de chantier. Des travaux de transformation étaient en effet nécessaires pour adapter le Jean
Nicoli aux caractéristiques de la ligne Calais-Douvres et augmenter considérablement sa capacité en
passagers (1200 au lieu de 760). Les travaux ont connu beaucoup de difficultés et se sont avérés
beaucoup plus longs que prévus.
Arrivé à Dunkerque au mois d’avril, le navire devenu Molière n’a pu être exploité qu’au début
du mois d’octobre. En résumé, une saison perdue pour le Molière, chiffrée par une baisse du trafic de
14%, et un navire étroit dont la largeur de 25 mètres comparée aux 28 mètres du Rodin réduit sa
capacité à 110 remorques, capacité bien inférieure à celle des navires de P§O capables de
transporter 170 camions. Après l’entrée en service du Molière, les ennuis ont continué :
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consommation excessive de carburant, travaux restant à effectuer comme la modification du
gouvernail, l’installation d’un propulseur, la révision des moteurs, et beaucoup plus grave, le navire
aurait connu des difficultés liées au circuit d’assèchement.
Côté entreprise, la situation n’a cessé de se dégrader depuis l’arrivée en 2001 du nouveau
président du directoire. Pour apaiser le climat social de l’entreprise, soumis à un antagonisme fort
entre les officiers majoritairement syndiqués CGT-CGC et le reste du personnel largement adhérent
de la CFDT, le président a noué des situations privilégiées avec la CFDT, syndicat majoritaire. Ce
dernier exerçait un contrôle très efficace sur l’embauche et l’avancement du personnel, et en
particulier sur le recrutement des ADSG. La répartition de ces derniers, dont l’effectif avait été jugé
pléthorique par un rapport de consultant, était bien supérieure aux besoins : l’armement continuait
de payer en congé des personnels permanents bien au-delà de la fin de leurs congés acquis, faute de
pouvoir les embarquer, alors même que la société avait recours à des CDD. En fin 2007 les effectifs
de Seafrance s’élevaient à 1700 personnes dont 79% de navigants et 21% de sédentaires.
Les difficultés financières ont commencé dès la fin de l’année 2008. Un inspecteur général de
la SNCF est nommé nouveau président du directoire. Après de nombreux désaccords entre la
direction et la CFDT sur un plan de redressement, le tribunal de commerce de Paris place Seafrance
en redressement judiciaire le 30 Juin 2010. Après l’échec d’une demande de recapitalisation refusée
par Bruxelles, et le refus de deux offres de reprise le tribunal de commerce prononce 16 novembre
2011 la liquidation judiciaire de la compagnie, tout en maintenant son activité jusqu’au 28 janvier
2012. Les navires sont maintenus à quai à Calais et à Douvres depuis le 15 novembre 2011. Les
salariés de Seafrance, avec le soutien du syndicat CFDT maritime Nord, décident de créer une société
coopérative et participative (SCOP) pour reprendre l’entreprise dans le cadre de la liquidation
judiciaire.
Le tribunal de commerce de Paris prononce le 9 janvier 2012 la liquidation définitive de
Seafrance avec cessation d’activité immédiate. Plusieurs solutions se présentent pour les 873 salariés
restant : reclassement à la SNCF, accepter le licenciement et sa prime, et chercher un autre emploi.
Eurotunnel manifeste son intérêt pour le rachat des navires (Rodin, Berlioz et Nord-Pas-de-Calais)
dans le cadre d’un projet d’entreprise qu’elle souhaite monter en s’appuyant sur la SCOP.
Le 11 juin 2012 le tribunal de commerce de Paris désigne la société exploitant le tunnel sous
la Manche comme repreneur des 3 navires de Seafrance pour un montant de 65 millions d’euros. La
nouvelle société s’appelle désormais My ferry Link, elle est en charge de la commercialisation et de
l’activité passagers. Les navires rachetés par Eurotunnel sont loués et exploités par la SCOP formée
par les anciens salariés de Seafrance.
Le Berlioz et le Rodin ont commencé le 20 août leur rotation entre Douvres et Calais, à raison
de 8 traversées par jour chacun. Ils seront rejoints en novembre par le fréteur Nord- Pas-de-Calais. La
compagnie a déjà embauché 395 personnes (45 officiers, 208 navigants, 95 sédentaires en France,
47 en Grande-Bretagne) dont 90% d’ex-Seafrance. Tenant compte des leçons données par l’échec de
Seafrance qui « travaillait avec des rythmes aux coûts exorbitants », les salariés sont soumis à un
rythme de 7j/7j, soit deux fois plus que ceux de l’ancienne compagnie, ceci afin d’abaisser les coûts
d’exploitation.
Pour autant, l’arrivée de My Ferry Link sur le détroit est un véritable challenge. La nouvelle
compagnie devra affronter un marché d’autant plus concurrentiel que la capacité offerte sur le
détroit a évolué depuis l’an dernier. Louis Dreyfus Armateurs (LDA) s’est allié au groupe danois DFDS,
qui exploitait 3 ferries entre Dunkerque et Douvres. Ils ont ajouté 2 ferries au départ de Calais (dont
l’un d’entre eux devrait être remplacé par le Molière inactif depuis près d’un an). Il lui faudra
compter avec la redoutable concurrence de P§O Ferries, le principal opérateur sur le détroit, avec ses
deux ferries géants de 213 mètres, capables de transporter 2000 passagers, 1000 voitures ou 170
camions et 195 voitures. My Ferry Link devra regagner des parts de marché avec un prix compétitif
(annoncé de l’ordre de 50 euros la traversée). Ses dirigeants devront développer une nouvelle
culture d’entreprise bien différente de celle pratiquée par l’ancien armement, et surtout, motiver le
personnel.
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Ceux-ci, anciens de Sefrance, recrutés pour beaucoup dans la région calaisienne où règne un
important taux de chômage, savent qu’ils ont une dernière chance de relever l’une des dernières
compagnies battant pavillon français (avec les deux navires de DFDS-LD Lines). Les salariés
actionnaires de My Ferry Link, que l’on dit très motivés, sont, paraît-il, parfaitement conscients du
défi de la nouvelle société
La montée en Seine d’un géant des mers
Le minéralier Densha Shark, 292 mètres de long, 45 mètres de large est arrivé à Rouen le 27 août.
C’est le plus grand navire accueilli jusqu’à présent par le port normand. Il apportait environ 55 000
tonnes de charbon en provenance de Richard’s Bay en Afrique du sud. Sa capacité totale est de
179 000 tonnes pour un tirant d’eau de 18,20 mètres, beaucoup trop important pour le chenal de la
Seine. Ce jour-là, il avait un tirant d’eau de 9,90 mètres, ce qui n’est cependant pas le tirant d’eau
maximum qui peut atteindre 12,00 mètres par grand coefficient de marée. C’est néanmoins un fort
tirant d’eau pour franchir les premières bouées du chenal, que les pilotes dans leur jargon appellent
« l’engainement ». Mais l’exploit réalisé par les pilotes de Seine est d’éviter ce monstre. Il n’existe
qu’un seul endroit du port où la largeur de la rivière permet l’évitage, la zone appelée BRQ (Bassin
Rouen Quevilly) située dans le haut du port. Dans cette zone aux dimensions réduites (400m x 300m)
et à faible profondeur, les pilotes utilisent un système autonome de position extrêmement précis
faisant appel à des technologies avancées : cela leur permet de placer le navire avec une grande
précision et de contrôler les vitesses, et de réaliser l’évitage dans des conditions de sécurité
optimales. L’évitage a lieu à l’étale de flot avec l’aide de 3 remorqueurs nouvelle génération affichant
une puissance de traction de 70 t. L’opération vue sur la vidéo du site internet du pilotage de la Seine
est impressionnante ; elle donne une idée de l’énormité du navire par rapport au peu d’espace
disponible.
Ce navire de type capesize (trop grands pour les canaux de Suez et de Panama, ces navires doivent
passer par les caps Horn et de Bonne espérance) est sorti des chantiers coréens Huyndai en juin
2012. Battant pavillon maltais, il appartient à la compagnie Densa, une société de financiers basée à
Istambul, qui fait plutôt du tramping avec des pétroliers et des chimiquiers. Pour la petite histoire,
des plaisantins ont rappelé que Shark signifiait requin, comme les financiers actionnaires !
René TYL
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