La réforme de la tutelle sur les pouvoirs locaux en Wallonie

Transcription

La réforme de la tutelle sur les pouvoirs locaux en Wallonie
La réforme de la tutelle sur les pouvoirs
locaux en Wallonie introduite par le
décret du 22 novembre 2007
Laurent Rea Fuente
Mélanie Lazzari
Décembre 2008
Introduction ............................................................................................ 2
A.
Champ d’application ....................................................................... 3
B.
Les autorités de tutelle ................................................................... 5
C.
La tutelle générale d’annulation ..................................................... 5
1.
Suppression de la liste des actes appelables par le Gouvernement et
création d’une liste d’actes obligatoirement transmissibles...................... 6
1. Les actes obligatoirement transmissibles................................ 7
2. La transmission régulière de l’acte : condition suspensive à son
exécution .............................................................................. 16
2.
D.
Le délai dans lequel doit s’exercer la tutelle générale d’annulation 18
La tutelle spéciale d’approbation .................................................. 20
1.
Les décisions communales soumises à l’approbation du Collège
provincial ....................................................................................... 20
2.
Les
décisions
provinciales
soumises
à
l’approbation
du
Gouvernement ................................................................................ 21
3.
Les actes des « entreprises locales » soumis à l’approbation du
Gouvernement ................................................................................ 22
1. Les intercommunales......................................................... 22
2. Les actes communaux et provinciaux concernant les entités para
locales : les intercommunales, les régies autonomes et les
associations de projet ............................................................. 22
4.
E.
La procédure.......................................................................... 26
Conclusion .................................................................................... 27
1
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Introduction
Au début de la législature régionale, la réforme de la tutelle sur les pouvoirs
locaux n’était pas une priorité du Gouvernement wallon. Tout au plus pouvait-on
lire dans la déclaration de politique régionale 2004-2009 que « les procédures en
matière de tutelle des communes seront allégées. La tutelle sur les communes
sera recentrée et renforcée sur l’obligation de garantir un équilibre stable et
durable des finances communales. Dans ce cadre, la tutelle des provinces sur les
communes sera réexaminée, voire supprimée »1.
La violation de dispositions légales ou réglementaires découverte ces derniers
mois par la justice dans plusieurs communes wallonnes – tant au niveau du
respect de la législation relative aux marchés publics qu’à celui des procédures
comptables, ou encore en matière de mise à disposition de personnel communal
– a cependant amené l’exécutif régional à réformer le contrôle de tutelle prévu
par le décret du 1er avril 19992. Ce texte, qui avait non seulement pour objectif
d’alléger l’exercice de la tutelle mais aussi de renforcer l’autonomie des pouvoirs
locaux, a surtout souffert de l’absence d’arrêté du Gouvernement nécessaire au
mécanisme de la tutelle générale d’annulation. L’absence de visibilité suffisante
du Gouvernement sur les décisions importantes des autorités locales fut
sévèrement critiquée par les praticiens et reconnue par celui-ci3.
Suite à ces événements qui ont secoué le paysage politique wallon, l’exécutif
régional a adopté le 15 juin 2006 une note d’orientation visant à renforcer la
bonne gouvernance locale. Parmi les mesures préconisées figure « le
renforcement et l’optimalisation de la tutelle sur les pouvoirs locaux »4.
1
Déclaration de Politique Régionale 2004-2009, p. 70.
Décret du 1er avril 1999 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les
intercommunales de la Région wallonne, M.B. du 19 mai 1999.
3
Suite à l’audit de la Ville de Charleroi réalisé en novembre 2006, le Ministre wallon des
Affaires intérieures constatait les éléments suivants :
- « les faits relevés traduisent le non respect de nombreuses dispositions légales ou
réglementaires, ou des dérives à partir de tolérances limitées, découlant
essentiellement de l’absence de contrôles internes et/ou externes ;
- le décret tutelle et ses modalités d’exécution (ou leur absence) ne permettaient
guère de détecter ces faits, (…) »
Voy. Question écrite du 20 décembre 2006 de Mme Véronique Cornet au Ministre
Courard, Doc. Parl., Parlement wallon, Session 2006-2007, n°64.
4
Voy. Note au Gouvernement wallon du 15 juin 2006 relative à la gouvernance locale, p.
8. On peut également lire dans cette note que « (…) des modifications substantielles ont
d’ores et déjà été adoptées ou sont en cours de finalisation. Les évènements récents
confirment, s’il le fallait encore, la nécessité d’un tel renouveau. Des progrès sont encore
à faire à certains niveaux. Il est opportun de les envisager dès à présent sans peut-être
attendre que les mesures adoptées jusqu’à présent n’aient eu l’occasion de sortir leur
plein effet ».
2
2
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Le décret adopté le 22 novembre 20075 par le Parlement wallon poursuit donc
cet objectif au moyen des cinq grands axes suivants :
•
La détermination d’une liste d’actes obligatoirement transmissibles soumis
à tutelle générale d’annulation ;
•
L’extension de la tutelle générale d’annulation aux actes des régies
communales et provinciales autonomes, ainsi que sur les associations de
projet ;
•
Le renforcement
Gouvernement ;
•
L’adaptation des délais impartis à l'administration pour exercer son
contrôle de tutelle ;
•
La transmission des actes par voie électronique, dans un souci de
simplification administrative.
des
pouvoirs
d’approbation
dans
les
mains
du
Dans la première partie du présent article, nous identifions précisément le champ
d’application de ce nouveau décret. Nous présentons ensuite les différentes
autorités de tutelle et leurs compétences respectives. La troisième partie est
consacrée à la tutelle générale d’annulation : nous examinons en détail les actes
contrôlés ainsi que la procédure d’exercice de la tutelle, en ce compris les délais.
Une même analyse est effectuée à l’égard de la tutelle spéciale d’approbation
dans la quatrième partie6.
A. Champ d’application
Le législateur wallon a choisi d’étendre le champ d’application ratione personae
de son pouvoir de tutelle7. Désormais, en plus d’être applicable aux « communes
de la Région wallonne8, aux provinces wallonnes, aux intercommunales dont le
ressort ne dépasse pas les limites de la Région wallonne et aux zones de police
unicommunales et pluricommunales en Région wallonne9 », le décret du 22
novembre 2007 s’appliquera également aux « associations de projet dont le
5
Décret du 22 novembre 2007 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie
locale et de la décentralisation, M.B. 21 décembre 2007.
6
Le décret du 22 novembre 2007 a également introduit dans le code de la démocratie
locale des dispositions relatives aux secrétariats des membres du collège communal.
Cette partie de texte étant sans rapport avec la tutelle sur les pouvoirs locaux, nous ne
l’avons pas analysée dans la présente contribution.
7
Art. 1 du décret du 22 novembre 2007.
8
A l’exception toutefois des communes de la région de langue allemande et de la ville de
Comines-Warneton, comme le précise l’article 7 de la loi spéciale de réformes
institutionnelles du 8 août 1980.
9
Toujours à l’exception de la zone de police constituée de la ville de Comines-Warneton.
3
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ressort ne dépasse pas les limites de la Région wallonne10 » mais surtout aux
« régies communales autonomes11 et aux régies provinciales autonomes12 ».
Cet élargissement du champ d’application à ces entités paralocales met fin au
vide juridique qui entourait la tutelle sur les actes des régies autonomes. Ce vide
juridique trouvait son origine dans l’interrogation de la Région wallonne quant à
l’étendue de sa compétence en matière de tutelle sur les institutions communales
et provinciales. Les articles 6, §1er, VIII, 1° et 7 de la loi spéciale du 8 août 1980
de réformes institutionnelles, pris sur base de l’article 162 de la Constitution,
stipulant à l’origine que les Régions étaient compétentes quant à « l’organisation
[…] ainsi que l’exercice de la tutelle administrative sur les provinces, les
communes, et les agglomérations et fédérations de communes », d’aucuns13
estimaient que les Régions ne pouvaient pas étendre leurs compétence au delà
de cette énumération stricte – et donc ne pouvaient pas englober les régies
autonomes, organismes dotés d’une personnalité juridique distincte de la
commune ou de la province14 –, et ce malgré la formulation de l’article 162 de la
Constitution selon lequel « les institutions communales et provinciales sont
réglées par la loi ».
Si cette thèse avait déjà été affaiblie par certains auteurs15, par un avis de la
section de législation du Conseil d’Etat16, et par un décret flamand du 17 mars
1998 organisant la tutelle administrative sur les actes des régies communales17,
l’importante réforme institutionnelle matérialisée dans la loi spéciale de réformes
institutionnelles du 13 juillet 2001 avait définitivement mis fin à toutes les
incertitudes dont souffrait le législateur wallon.
Ce sont cependant les différents événements survenus ces trois dernières années
en Wallonie, dont la découverte a mis en lumière les dysfonctionnements rendus
10
Art. 3111-1, §1er, 3° CDLD : l’association de projet est une nouvelle forme de
collaboration intercommunale consacrée par l’article L1512-2 du Code de la démocratie
locale et de la décentralisation (CDLD), tel que modifié par le décret du 19 juillet 2006
modifiant le livre V de la première partie du Code de la démocratie locale et de la
décentralisation et le Livre 1er de la troisième partie de ce même Code (MB. du 23 août
2006).
11
Art. 3111-1, §1er, 5° CDLD.
12
Art. 3111-1, §1er, 6° CDLD.
13
Voy. CUSTERS G., « La tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales
en Région wallonne : la réforme du 1er avril 1999 », Rev. dr. Comm., 2000/3, p. 186.
14
Voy. les articles 1231-4 à 1231-11 CDLD et L2223-4 à 11 CDLD.
15
Voy. WITMEUR R. et CADRANEL B., « La tutelle sur les communes en Région de BruxellesCapitale », Rev. dr. Comm., 1999/3, pp. 135 à 138.
16
Le Conseil d’Etat, dans un avis du 9 mai 1984, estimait que « lorsque le législateur a
envisagé la tutelle qu’il a qualifiée d’ordinaire, il avait en vue la tutelle qui s’exerce sur
les autorités communales, d’une part, quand celles-ci agissent dans la sphère de
l’autonomie communale pour régler des matières d’intérêt communal, d’autre part,
lorsque ces autorités participent à la gestion des intérêts qui ne sont pas communaux
mais qui sont organisés dans le cadre territorial de la commune considérée néanmoins
comme autorité décentralisée. Dans les deux cas, en effet, les autorités communales
sont soumises au régime de la tutelle organisée par la loi communale. » Voy. Avis de la
section de législation L. 16526/8 du 13 février 1985, V.R. sess. ord. 1984-1985, n°
321/1, pp. 22 et s.
17
M.B. du 10 avril 1998.
4
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possibles notamment par le manque de contrôle sur les organismes para locaux,
qui ont poussé le Gouvernement wallon à étendre ses pouvoirs de tutelle à ces
organismes18.
Le contrôle de tutelle exercé sur les associations de projets et sur les régies
autonomes est cependant plus réduit que celui applicable aux organismes visés à
l’article 1er du décret, comme nous pouvons le constater plus loin.
B. Les autorités de tutelle
Avec l’entrée en vigueur du décret du 1er avril 1999, une partie importante du
pouvoir de tutelle sur les pouvoirs locaux s’était concentrée dans les mains du
Gouvernement wallon, au détriment de la députation permanente et, dans une
moindre mesure, du Gouverneur de province. Le nouveau décret conforte encore
cette tendance dont les prémices figurent dans la Déclaration de Politique
générale du Gouvernement wallon19.
Les pouvoirs de tutelle du Gouvernement wallon sont donc fortement accrus.
D’une part, le décret fixe une liste d’actes qui devront être obligatoirement
soumis à sa tutelle générale d’annulation. D’autre part, l’approbation d’une série
de décisions communales stratégiques relatives notamment à la création
d’organes paralocaux et aux prises de participation quitte le giron provincial, au
profit du Gouvernement.
Enfin, plusieurs actes qui échappaient jusqu’alors à la tutelle devront désormais
recevoir l’approbation du Gouvernement, par exemple les comptes provinciaux et
les modifications statutaires des régies autonomes.
C. La tutelle générale d’annulation
Le décret du 1er avril 1999 avait mis fin au système des actes obligatoirement
transmissibles prévu par un arrêté du Gouvernement wallon du 14 novembre
199120. Il l’avait remplacé par un mécanisme où le Gouvernement pouvait
réclamer à la commune, à la province ou à l’intercommunale la transmission des
actes dont il déterminait la liste21.
Le manque de clarté du texte, renforcé par l’absence de rédaction par le
Gouvernement de cette liste d’ « actes appelables » a fait l’objet de nombreuses
18
Le renforcement de la tutelle sur les entités para locales constitue en effet la
quatrième réforme du quatrième train de mesures inscrit dans la note d’orientation
adoptée le 15 juin 2006 par le Gouvernement wallon en matière de gouvernance locale.
19
La feuille de route de l’exécutif régional annonce en effet que « (…) la tutelle des
provinces sur les communes sera réexaminée, voire supprimée ». Voy. Déclaration de
politique générale du Gouvernement wallon pour la législature 2004-2009, p. 68.
20
Arrêté du Gouvernement wallon du 14 novembre 1991 réglant les mesures d’exécution
du décret du Conseil régional wallon du 20 juillet 1989 organisant la tutelle sur les
communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne.
21
Art. 13 du décret du 1er avril 1999.
5
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critiques et interrogations22. D’une part, l’exécutif régional appelait de manière
ponctuelle certains actes malgré l’absence de liste23. D’autre part, les pouvoirs
locaux transmettaient systématiquement au Gouvernement un nombre important
de décisions, afin de faire courir le délai de 30 jours prévus à l’article 3122-1, §3
CDLD au delà duquel l’acte n’était plus susceptible d’annulation24.
L’administration n’étant pas équipée pour faire face à un tel afflux d’informations,
de nombreuses décisions échappaient à tout contrôle de tutelle.
Le décret du 22 novembre 2007 modifie donc en profondeur le dispositif
antérieur. Si le champ d’application ratione materiae de la tutelle d’annulation
reste identique25, certains actes devront désormais être transmis obligatoirement
à l’autorité de tutelle, sous peine de voir leur exécution suspendue.
1.
Suppression de la liste des actes appelables par le
Gouvernement
et
création
d’une
liste
d’actes
obligatoirement transmissibles
Le législateur a donc mis fin à ce système d’actes appelables pour revenir à une
liste d’actes obligatoirement transmissibles inscrite dans le décret, « dans un
souci d’optimalisation de la tutelle générale, et partant dans celui de renforcer la
visibilité régionale sur certains actes des collectivités locales »26.
Là où l’articulation des anciens articles 3121-1 et 3121-2 CDLD posait de
sérieuses difficultés d’interprétation, les nouvelles dispositions apportent une
nécessaire clarté dans l’organisation de la tutelle d’annulation.
Deux types d’actes sont désormais soumis à la tutelle générale :
-
ceux qui doivent être obligatoirement transmis pour devenir exécutables ;
-
ceux qui peuvent être appelés par le Ministre de tutelle soit d’initiative soit
suite à une réclamation, et qui sont exécutoires dès la prise de décision.
22
Pour un aperçu complet des remarques formulées à l’encontre du décret du 1er avril
1999 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales en
Région wallonne, voy. CUSTERS G., « La tutelle sur les communes, les provinces et les
intercommunales en Région wallonne : la réforme du 1er avril 1999 », op. cit. et BOLLEN
S., « Tutelle sur les communes : la réforme », Mouv. comm., 6/1999.
23
Essentiellement lorsqu’une réclamation avait été introduite auprès de l’autorité de
tutelle à l’encontre d’un acte d’une autorité locale. Au cours de l’année 2006, le
Gouvernement wallon a reçu un total de 255 réclamations à l’encontre d’actes
concernant les communes. Ces réclamations ont conduit le Gouvernement à appeler 132
actes, avant de prononcer 32 annulations. Source : Rapport annuel 2006 relatif à
l’exercice de la tutelle élaboré en exécution de l’article 3117-1 CDLD.
24
En 2006, 1844 actes ont été transmis spontanément au Gouvernement par les
communes. Source : Rapport annuel 2006 relatif à l’exercice de la tutelle élaboré en
exécution de l’article 3117-1 CDLD.
25
Tous les actes autres que ceux soumis à tutelle spéciale d’approbation, Art. 3121-1
CDLD.
26
Selon les termes de l’exposé des motifs.
6
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1. Les actes obligatoirement transmissibles
En définissant une liste d’actes obligatoirement transmissibles, dont la
communication à l’autorité de tutelle accompagnés des pièces justificatives
conditionne le caractère exécutoire, le législateur accorde une attention
particulière à ces différentes catégories de décisions et manifeste sa volonté d’en
assurer un suivi systématique.
Avant de passer en revue cette liste d’actes obligatoirement transmissibles,
précisons d’emblée que la tutelle sur ceux-ci reste une tutelle générale, et donc
facultative. Le Gouvernement n’est évidemment pas tenu de se prononcer sur
chacune des délibérations qui lui seront transmises.
A. Les actes des communes et des provinces
Parmi les sept types d’actes soumis à transmission obligatoire, deux basculent du
régime de tutelle spéciale d’approbation à celui de la tutelle générale
d’annulation.
C’est le cas tout d’abord des garanties d’emprunts27. La pratique démontre en
effet que ces actes sont la plupart du temps approuvés. Ils doivent cependant
attendre l’approbation par la tutelle avant d’être exécutés. Le changement de
régime est donc motivé par un souci d’efficacité et de simplification.
Le glissement similaire opéré pour les règlements relatifs aux taxes
additionnelles à l’impôt des personnes physiques28 trouve son origine dans un
arrêt rendu le 16 février 2007 par la Cour d’Appel de Mons. Si le développement
de cette affaire ne trouve pas sa place dans la présente contribution, il est
néanmoins nécessaire d’en rappeler brièvement certains enseignements. Dans le
cadre d’un litige en matière fiscale concernant la taxe communale additionnelle à
l’Impôt des personnes physiques de la commune de Lessines, la Cour d’Appel
confirmait le jugement du tribunal de 1ère instance de Mons qui déclarait
rétroactive la taxe communale à l’impôt des personnes physiques de l’exercice
2001, revenus 2000, votée le 23 février 2001 par le conseil communal. Celle-ci
aurait dû être entrée en vigueur avant le 31 décembre 2000.
Les conséquences de ce jugement, confirmé par la Cour de Cassation, étaient
extrêmement importantes pour les communes puisque, pour l’exercice 2007,
seules 58 communes ont vu leur règlement taxe approuvé avant le 31 décembre
27
28
Art. 3122-2, 6° CDLD.
Art. 3122-2, 7° CDLD, tel que modifié par l’article 9 du décret du 22 novembre 2007.
7
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200629. Afin d’éviter des recours en cascade, la Chambre a voté le 10juillet 2008
une loi censée valider ces additionnels pris entre 2001 et 200730.
Au niveau wallon, pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir, le
Gouvernement a décidé de soumettre ces règlements taxe communaux à la
tutelle générale d’annulation et non plus à l’approbation du Collège provincial,
afin de raccourcir leur procédure d’adoption. Ces actes entreront donc en vigueur
plus rapidement : ils sont exécutoires dès leur transmission à l’autorité de
tutelle, alors que le Collège provincial disposait de 30 jours pour délivrer son
approbation – tout en continuant à assurer un contrôle de légalité et de
conformité à l’intérêt général.
La soumission des autres types d’actes sont autant de réponses que le
Gouvernement a tenté d’apporter aux nombreuses irrégularités constatées dans
la gestion des institutions locales et paralocales. Celles-ci ont en effet mis à jour
des lacunes dans les mécanismes de contrôle des décisions prises par ces
entités. Le Gouvernement wallon a donc voulu renforcer sa vision sur certains
actes qui régissent l’exercice des mandats ou qui engendrent des flux monétaires
à destination de tiers.
Parmi ceux-ci, on ne s’étonnera pas de retrouver le règlement d’ordre intérieur
du conseil communal ou provincial, ainsi que ses modifications31. A l’origine
facultatif, la législation impose depuis 1994 aux communes et aux provinces
d’adopter un règlement d’ordre intérieur32. Avec le temps, ce document est
devenu de plus en plus complexe et volumineux, le législateur y imposant la
présence de nombreuses dispositions visant à assurer un fonctionnement
transparent et démocratique des institutions33. L’importante réforme du Code de
la démocratie locale intervenue à la fin de l’année 200534 a encore épaissi le
29
Pour être précis, rappelons qu’un règlement fiscal approuvé par l’autorité de tutelle ne
devient obligatoire vis-à-vis des redevables que le 5ème jour qui suit le jour de sa
publication (sauf s’il en dispose autrement). Les formalités de publication sont définies
aux articles L1133-1 et 2 du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation. Cela
signifie que seuls sont opposables aux tiers les règlements qui n’ont pas été votés,
approuvés et publiés avant le 27 décembre de l’année de perception des revenus.
30
Proposition de loi confirmant l'établissement de certaines taxes communales
additionnelles et de la taxe d'agglomération additionnelle à l'impôt des personnes
physiques pour chacun des exercices d'imposition 2001 à 2007 et modifiant l'article 468
du Code des impôts sur les revenus 1992 à partir de l'exercice d'imposition 2009, Doc.
Parl., Chambre, 25 juin 2008, n°1276, sess. 2007-2008.
31
Art. 3122-2, 1° CDLD, tel que modifié par l’article 9 du décret du 22 novembre 2007.
32
Art. 1122-18 et 2212-14 CDLD.
33
C’est ainsi que le Code de la démocratie locale impose la présence dans le règlement
d’ordre intérieur communal :
- Des conditions d’obtention de copie des actes et pièces relatifs à l’administration
de la commune ainsi que les conditions de visite des établissements et services
communaux (art. 1122-10, §2).
- Des conditions dans lesquelles les conseillers ont le droit de poser des questions
écrites et orales au collège (art. 1122-10, §3).
- Des modalités de composition et de fonctionnement des commissions du conseil
communal (art. 1122-34, §2).
34
Voy. le décret du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la
démocratie locale et de la décentralisation (M.B. du 2 janvier 2006).
8
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contenu du règlement35. Pour aider les autorités locales à se mettre en
conformité avec les exigences régionales, la DGPL a d’ailleurs élaboré en
collaboration avec l’UVCW un règlement type transmis aux institutions
communales et provinciales36.
Les effets de ces réformes décidées au niveau régional nécessitant une
concrétisation dans le règlement d’ordre intérieur, le Gouvernement souhaite
donc disposer d’un droit de regard sur son contenu. L’idée de le soumettre à une
mesure de tutelle n’est cependant pas neuve : une proposition de décret datant
de 2004 entendait déjà confier au Gouvernement wallon l’obligation d’approuver
chaque règlement37.
Est également désormais soumis à la tutelle générale d’annulation, l’octroi d’une
rémunération, d’un jeton de présence ou d’un avantage de toute nature aux
membres du conseil et du collège communal et provincial38. Un dispositif global
visant à assurer la transparence et le contrôle des rémunérations, jetons de
présence et autres avantages perçus par les mandataires a par ailleurs vu le jour
récemment en Région wallonne 39.
Le législateur a également choisi de transposer dans le droit communal40 la
faculté déjà reconnue aux députés provinciaux de disposer d’un secrétariat41.
Soucieux d’éviter d’éventuelles largesses à cet égard, l’impact financier lié à ces
secrétariats fera l’objet d’un contrôle de tutelle, puisque l’octroi de rémunérations
ou d’avantages de toute nature accordés aux membres du personnel des
secrétariats des membres des collèges communaux et provinciaux figure parmi
les actes obligatoirement transmissibles42.
35
Au terme de l’article 1122-18 tel que modifié par l’article 11 du décret du 8 décembre
2005, le règlement d'ordre intérieur du conseil communal:
- fixe les conditions dans lesquelles est établi un tableau de préséance des
conseillers communaux.
- fixe les conditions dans lesquelles sont organisées les réunions communes du
conseil communal et du conseil de l'action sociale.
- fixe les modalités d'application de l'article 1123-1, §1er, alinéa 2, et énumère les
mandats dérivés visés.
Le conseil communal arrête en outre, dans son règlement d'ordre intérieur, des règles
de déontologie et d'éthique.
Ces règles consacrent notamment le refus d'accepter un mandat qui ne pourrait être
assumé pleinement, la participation régulière aux séances du conseil, du collège et des
commissions, les relations entre les élus et l'administration locale, l'écoute et
l'information du citoyen.
36
Règlement
type
disponible
à
l’adresse
suivante :
http://www.uvcw.be/publications/modeles/modele-706.htm
37
Voy. la Proposition de décret renforçant les droits des conseillers communaux, 30
septembre 2004, Doc. Parl., n°38-1, session 2004-2005.
38
Art. 3122-2, 2° CDLD, tel que modifié par l’article 9 du décret du 22 novembre 2007.
39
Art. 5111-1 et suiv. CDLD, tels qu’insérés par l’arrêté du Gouvernement wallon pris en
exécution de l'article 55 du décret du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions
du Code de la démocratie locale.
40
Art. 1123-31 CDLD, tel qu’inséré par l’article 20 du décret du 22 novembre 2007.
41
Art. 2212-45, §5 CDLD.
42
Art. 3122-2, 3° CDLD, tel que modifié par l’article 9 du décret du 22 novembre 2007.
9
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Le décret du 22 novembre 2007 contient une autre innovation importante : la
Région peut annuler les actes des communes, des provinces et des
intercommunales relatifs au choix du mode de passation et d’attribution des
marchés publics de travaux, de fournitures et de services d’un montant excédant
une certaine somme43 44.
Ces actes doivent être transmis obligatoirement au Gouvernement wallon,
endéans les 15 jours de leur adoption. Ils ne peuvent être mis à exécution qu’à
partir de leur transmission.
Le Conseil d’Etat a également attiré l’attention du législateur wallon sur
l’éventuelle interférence entre le nouveau décret et l’obligation de standstill, dans
son avis du 24 août 200745.
Depuis un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes de 199946,
il est admis qu’une procédure de recours doit être organisée par les pouvoirs
adjudicateurs, permettant aux candidats ou aux soumissionnaires dont l’offre n’a
pas été choisie de demander, avant que le contrat ne soit conclu, l’annulation de
la décision d’attribution du marché47. Ce principe fut introduit dans la loi du 24
décembre 199348, en son article 21bis49 50. Cette disposition prévoit que le
43
Pour les travaux, 250 000 euros pour une adjudication publique ou un appel d’offres
général, 125 000 euros pour une adjudication restreinte, un appel d’offres restreint ou
une procédure négociée avec publicité et 62 000 euros pour une procédure négociée sans
publicité. Pour les fournitures et les services, 200 000 euros pour une adjudication
publique ou un appel d’offres général, 62 000 euros pour une adjudication restreinte, un
appel d’offres restreint ou une procédure négociée avec publicité et 31 000 euros pour
une procédure négociée sans publicité.
44
Sont également soumis à tutelle l’avenant apporté à ces marchés de travaux, de
fournitures et de services qui porte au minimum sur 10% du montant initial du marché et
l’avenant apporté à ces marchés de travaux, de fournitures et de services dont le
montant cumulé aux montants des avenants successifs, atteint au minimum 10% du
montant initial du marché.
45
Avis de la section de législation du Conseil d’Etat sur le décret du 22 novembre 2007,
avis 43.488/2/V du 24 août 2007, p. 6.
46
Arrêt Alcatel, C.J.C.E., 28 octobre 1999, aff. C-81/98, Rec., 1999, p. I-7671.
47
LEWALLE P. et DONNAY L., « Sur les difficultés d’application du standstill dans la
passation des marchés publics », R.F.D.L. , 1-2006, p. 216.
48
Loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de
travaux, de fournitures et de services, M.B. du 22 janvier 1994.
49
Par la loi-programme du 9 juillet 2004, M.B. du 9 juillet 2004.
50
La loi du 24 décembre 1993 sera bientôt remplacée par la loi du 15 juin 2006 relative
aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services et la
loi du 16 juin 2006 relative à l’attribution, à l’information aux candidats et
soumissionnaires et au délai d’attente concernant les marchés publics et certains
marchés de travaux, de fournitures et de services, M.B. du 15 février 2007. Ces deux
lois ne sont pas encore en vigueur, car leurs arrêtés d’application sont en cours
d’élaboration. Voy. sur ce nouveau régime THIEL P. et DOR V., « Aperçu du futur régime
des marchés publics en Belgique », Rev. dr. Comm., 2007/1, pp. 2-38. Un arrêté royal
du 23 novembre 2007 (M.B. du 7 décembre 2007) modifie la loi du 24 décembre 1993
afin d’assurer la transposition en droit belge des dispositions obligatoires des directives
10
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pouvoir adjudicateur communique aux candidats dont l’offre n’a pas été choisie,
n’a pas été sélectionnée ou a été jugée irrégulière, les motifs de cette décision.
Il doit également leur transmettre la décision motivée d’attribution du marché.
Le pouvoir adjudicateur accorde ensuite aux candidats un délai de quinze jours51,
le standstill, pour introduire un recours auprès d’une juridiction, dans le cadre
d’une procédure en référé devant le juge judiciaire ou devant le Conseil d’Etat,
par une procédure d’extrême urgence.
Le pouvoir adjudicateur doit donc
attendre quinze jours avant de notifier la décision d’attribution du marché au
candidat choisi. Une décision d’attribution ne peut être notifiée que si elle est
exécutoire et cette décision n’est exécutoire qu’au moment de sa transmission à
l’autorité de tutelle.
C’est pourquoi le Conseil d’Etat a tenu à rappeler que la transmission d’une
décision à l’autorité de tutelle ne permet pas, en toute hypothèse, à l’autorité
communale, provinciale ou à l’intercommunale d’exécuter immédiatement celleci, comme le libellé du texte du nouveau décret pourrait le laisser penser.
Lorsque la décision en question est un acte d’attribution d’un marché public, un
délai de quinze jours doit en outre être observé. Le Conseil d’Etat a donc
conseillé au législateur d’énoncer une réserve sur ce point, à tout le moins dans
l’exposé des motifs.
Le Conseil d’Etat a également soulevé un problème épineux52. La transmission
de la décision d’attribution d’un marché public à l’autorité de tutelle lui conférant
la force exécutoire, l’autorité locale peut dès lors, à partir de cet instant, conclure
le contrat avec le partenaire qui a été désigné.
Après cette transmission, l’autorité de tutelle dispose d’un délai de trente jours
pour annuler la décision, en cas de contrariété à la loi ou à l’intérêt général. Le
Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu des principes régissant la matière, la tutelle
d’annulation ne pourra s’exercer a posteriori que sur les actes détachables du
contrat de marché public.
Il en découle que l’annulation de la décision
d’attribuer le marché n’a pas pour effet direct d’anéantir le contrat lui-même, ni
de faire obstacle à son exécution. Seul le juge judiciaire est en effet compétent
pour annuler un contrat. La question de savoir s’il peut être saisi à cette fin par
un tiers intéressé, par exemple un candidat non retenu, ou uniquement par les
parties au contrat, est controversée53.
européennes 2004/17/CE et 2004/18/CE, en attendant l’entrée en vigueur des deux lois
de 2006 et de leurs arrêtés d’application.
51
Ce délai était auparavant d’au moins dix jours. Cette modification a été apportée par
la loi du 8 juin 2008 portant des dispositions diverses (II), M.B. du 16 juin 2008.
52
Ibid., p. 8.
53
Voy. par exemple VAN NUFFEL E. ET LAGASSE D., « Les recours préventifs en matière de
marchés publics. Le législateur a enfin transposé les directives « recours » 89/665 et
92/13, mais l’a-t-il bien fait ? », J.T., n°6157, 37/2004, p. 849, et GOSSELIN F. ET VAN LAER
N., « Le parcours du soumissionnaire irrégulièrement évincé d’une procédure de marché
public : une voie sans issue ? Commentaire de l’arrêt de l’Assemblée générale du Conseil
d’Etat du 15 juin 2000, en cause Feyer – Formanova c/ commune de Keerbergen,
n°87/983 », A.P.T., 2001/2, p.154.
La directive européenne 89/665/CEE portant
coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à
l'application des procédures de recours en matière de passation de marchés publics de
11
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Ceci vient, selon la Haute juridiction, amoindrir fortement l’effet de la tutelle
d’annulation, qui risque de perdre tout effet utile. En outre, les autorités locales
s’exposent à la mise en cause de leur responsabilité extra-contractuelle, si elles
concluent un contrat dont les actes détachables sont ensuite annulés par
l’autorité de tutelle.
Afin de pallier à ces délicates difficultés, la Conseil d’Etat livre un conseil prudent
au législateur wallon. Il préconise le retour à la formule consacrée par l’article
14, alinéa 1er, d’un ancien décret tutelle, le décret du 20 juillet 198954, abrogé en
1999. Cette disposition prévoyait que la décision d’attribution d’un marché
public n’était exécutoire qu’à partir du jour où elle n’était plus susceptible d’être
annulée. Selon le Conseil d’Etat, cette disposition avait l’avantage de garantir
l’efficacité de la tutelle d’annulation, puisqu’elle s’exerçait sur un acte détachable
non encore exécutoire, et donc avant la conclusion régulière du marché.
Cette solution semble effectivement la plus sage, mais selon l’Union des villes et
communes de Wallonie, elle empirerait le problème de la longueur des délais.
Selon l’Union, si les responsables politiques locaux attendaient la décision de
l’autorité de tutelle pour attribuer le marché, le coût des marchés publics
augmenterait55, car les entrepreneurs ont une propention à majorer leur prix afin
de compenser les risques liés à une durée d’engagement plus longue de leur
soumission. D’autre part, cela ralentirait encore le rythme des adjufications, qui
fait déjà l’objet de critiques de la part des opérateurs économiques, selon
l’Union56.
Les solutions pressenties à ces problèmes étant pour le moins contradictoires, la
voie idéale ne nous semble pas simple à dégager…57
Dernier typer d’acte soumis à transmission obligatoire : les décisions
communales et provinciales relatives à l’octroi de subventions58 dont le montant
fournitures et de travaux impose aux Etats membres d’organiser une procédure de
recours qui permet de faire annuler les décisions illégales (article 2, §1er). Dans un arrêt
récent (arrêt C-503/04 du 18 juillet 2007), la Cour de Justice des Communautés
européennes a confirmé la possibilité pour un tiers lésé d’exercer un recours direct contre
un marché public. Cette jurisprudence fera certainement évoluer le droit belge dans ce
sens.
54
Décret wallon du 20 juillet 1989 organisant la tutelle sur les communes, les provinces
et les intercommunales de la Région wallonne, M.B. du 8 septembre 1989.
55
BOLLEN S., « Réforme de la tutelle ordinaire en Région wallonne : l’Union déplore
l’adoption d’un nouveau texte », Actualité du 5 juin 2007, site Internet :
http://www.uvcw.be/actualites/2,129,1,0,1840.htm
56
Ibid.
57
Le Ministre wallon des Affaires intérieures et de la Fonction publique, Philippe Courard,
avouait à cet égard que « tout le monde peut avoir raison. Mais il faut faire des choix,
prendre des décisions. (…) Valait-il mieux suivre l'avis du Conseil d'État et interdire
l'octroi des marchés tant que la tutelle ne s'était pas prononcée ? On allait alors droit à la
paralysie ? » Voy. Doc. Parl. CRAC n°31, session 2007-2008, p. 18.
58
Art. 3122-2, 5° CDLD, tel que modifié par l’article 9 du décret du 22 novembre 2007.
La notion de subvention est définie à l’article 3331-1 CDLD : il s’agit de toute
12
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est supérieur à 2.500 euros indexés59 au 1er février de chaque année sur la base
de l’indice santé du mois de janvier de l’année en cours rapporté à l’indice santé
du mois de janvier 2008. Jusqu’à présent, le contrôle des subventions accordées
par les communes et les provinces était exercé en interne60. Une fois encore, le
lien entre cette extension de la tutelle et les récents événements survenus en
Région wallonne apparaît aisément. Le législateur wallon a d’ailleurs décidé de
resserrer doublement l’étau sur le contrôle des subsides octroyés par les
autorités locales puisqu’il envisage dans un futur proche d’obliger tout
bénéficiaire de subside, quelle qu’en soit la valeur, de communiquer au conseil
communal un rapport sur l’utilisation de celui-ci. L’ensemble des documents
exigés pour l’octroi de tout subside supérieur à 24.789,35 euros devra en outre
être mis à disposition des conseillers à l’occasion de l’examen du budget61.
La liste des actes soumis à transmission obligatoire n’est certainement pas
excessive et illustre les priorités fixées par le Gouvernement dans l’exercice de la
tutelle. Qu’il nous soit cependant permis de nous interroger sur le volume de
travail qui vient ainsi alourdir la tache de l’administration62. Il est effectivement à
craindre que l’exercice effectif de la tutelle sur les actes transmis avec leurs
dossiers complets ne souffre de quelques lacunes, par manque de personnel
dans le chef des autorités de tutelle. L’allongement du délai de tutelle63 est une
contribution, avantage ou aide, quelles qu’en soient la forme ou la dénomination, en ce
compris les avances de fonds récupérables consenties sans intérêts, octroyées en vue de
promouvoir des activités utiles à l’intérêt général, à l’exclusion toutefois des prix
décernés aux savants et aux artistes pour leurs œuvres.
59
La version initiale du projet de décret soumis au Parlement entendait soumettre à la
transmission obligatoire les subventions supérieures à 1239,4 euros. Si ce montant était
inspiré de la loi du 14 novembre 1983 relative au contrôle de l’emploi des subventions
(MB 6 décembre 1983), sa maigreur avait été critiquée par l’Union des Villes et
communes et par les députés. Un amendement fut donc déposé et adopté par le
Parlement wallon.
60
En vertu des articles 3331-1 à L3331-9 CDLD, le conseil communal ou provincial est
tenu de préciser la nature, l’étendue, les conditions d’utilisation, ainsi que les
justifications exigées par le bénéficiaire d’un subside. En outre, toute personne morale
qui souhaite recevoir une telle aide de la commune/province doit transmettre en même
temps que sa demande son bilan, ses comptes, un rapport de gestion et situation
financière. Le dispensateur peut également faire procéder à un contrôle sur place du bon
emploi du subside. Le caractère contraignant du contrôle varie toutefois en fonction du
montant octroyé : en dessous de 1239,47 euros, le bénéficiaire doit uniquement justifier
de la bonne utilisation du subside. Pour tout subside d’une valeur comprise entre
1239,47 et 24.789,35 euros, le dispensateur peut dispenser le bénéficiaire de tout ou
partie des obligations citées plus haut.
61
Voy. la note d’orientation relative à la démocratie participative, adoptée par le
Gouvernement wallon le 4 mai 2006, p. 2.
62
Rappelons qu’en vertu de l’article 3112-1 CDLD, c’est la Direction générale des
pouvoirs locaux du Ministère de la Région wallonne qui est chargée d’instruire les
dossiers et d’établir un rapport de synthèse pour compte de l’autorité de tutelle, quelle
qu’elle soit.
63
Voir infra, p. 16.
13
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réponse à cette préoccupation,
supplémentaire par la DGPL64.
tout comme
l’engagement
de
personnel
B. Les actes des intercommunales
En vertu du nouvel article L3122-3 CDLD, neuf types d’actes sont désormais
soumis à tutelle générale d’annulation du Gouvernement, avec transmission
obligatoire.
Comme c’est le cas pour les communes et les provinces, plusieurs actes passent
de la tutelle spéciale d’approbation au mécanisme d’annulation. Il s’agit de la
désignation des membres du collège des contrôleurs aux comptes65, de la
composition physique des organes de gestion66 et des garanties d’emprunts67.
Quatre autres types d’actes devront également être obligatoirement transmis à
l’autorité de tutelle : les décisions du comité de rémunération et les décisions de
l’assemblée générale prises sur recommandation de ce même comité68, les actes
relatifs aux marchés publics69, les décisions d’octroi de subventions, et les
règlements d’ordre intérieur des organes de gestion70.
Les remarques formulées lors de l’examen des décisions communales et
provinciales s’appliquent mutatis mutandis au présent paragraphe, avec encore
plus de pertinence pour les décisions relatives à l’octroi des subventions71.
Enfin, le plan stratégique72 et les prises de participation dans toute personne
morale de droit public ou de droit privé73 viennent compléter la liste de l’article
3122-3 CDLD, et ce compte tenu de l’importance de ces actes74.
C. Les actes des régies autonomes et des associations de projet
Comme évoqué précédemment, les actes des régies autonomes – communales
et provinciales – échappaient jusqu’à présent à tout contrôle de tutelle. Seule la
décision communale ou provinciale de créer une régie autonome était soumise
respectivement à l’approbation du collège provincial et du Gouvernement.
64
Selon les propos tenus par Mme Annie Vanboterdal-Biefnot, Directrice générale de la
DGPL. Voy. le compte rendu analytique de la commission des Affaires intérieures et de la
fonction publique, 8 novembre 2007, p. 9.
65
Art. 3122-3, 6°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
66
Art. 3122-3, 7°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
67
Art. 3122-3, 9°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
68
Art. 3122-3, 3°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
69
Art. 3122-3, 4°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
70
Art. 3122-3, 8°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
71
Dans son avis rendu le 29 mai 2007, l’Union des Villes et commune de Wallonie ne
manquait d’ailleurs pas de le relever : « (…) ce montant est extrêmement faible
concernant les subventions octroyées par les intercommunales ; il devrait être à tout le
moins augmenté », Voy. Doc. Parl., Parlement wallon, Session 2007-2008, n° 648-1, p.
34.
72
Art. 3122-3, 1°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
73
Art. 3122-3, 2°, tel que modifié par l’article 10 du décret du 22 novembre 2007.
74
Selon le commentaire de l’article 10 du décret.
14
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Le décret du 22 novembre 2007 comble en partie cette lacune en organisant une
tutelle d’annulation sur trois types d’actes75 :
-
la composition physique des organes de gestion ;
-
la désignation des membres du collège des commissaires et/ou du réviseur
membre de l’Institut des réviseurs d’entreprises ;
-
l’octroi d’une rémunération, d’un jeton de présence ou d’un avantage de
toute nature aux membres de l’organe de gestion.
Le Gouvernement n’a donc pas souhaité organiser un véritable pouvoir de tutelle
sur les décisions des régies autonomes, mais plutôt veiller à ce que les règles
introduites par les récentes réformes relatives au cumul des mandats et à la
limitation des rémunérations soient respectées par ces régies76. Par comparaison,
le Gouvernement flamand peut annuler par arrêté motivé une délibération du
conseil d'administration d'une régie communale autonome tendant à violer la loi
ou à porter préjudice à l'intérêt général77.
Le contrôle sur le fonctionnement des régies autonomes est donc toujours de
deux types :
-
financier et comptable, assuré par un collège de trois commissaires
désignés par le conseil communal. Celui-ci désigne deux des trois
commissaires en son sein, tandis que le troisième doit être membre de
l'Institut des réviseurs d'entreprise78.
-
politique, exercé par le conseil communal mais assez réduit. Au-delà de
l'influence qu'il pourrait détenir au travers des administrateurs qu'il
nomme d'une part, de son pouvoir de révocation d'autre part, son contrôle
se limite effectivement à deux instruments strictement informatifs79. D'un
côté, il reçoit communication du plan d'entreprise et du rapport d'activité
que le conseil d'administration établit chaque année. D'un autre côté, il
peut, à tout moment, demander au conseil d'administration un rapport sur
tout ou partie des activités de la régie communale autonome.
75
Art. 11 du décret du 22 novembre 2007.
C’est ce que l’on peut lire dans les commentaires de l’article 11 du décret du 22
novembre 2007: « la transmission de la composition physique des organes (1° et 2°) se
justifie par le souci de vérifier le respect des règles de limitation de cumul de mandats.
La transmission des décisions d’octroi des rémunérations, jetons et autres avantages (3°)
soumet les dites entreprises locales aux mêmes exigences que les autres pouvoirs
locaux ».
77
Art. 27quinquies tel qu’inséré par l’article 13 du décret flamand du 15 juillet 2002
modifiant le décret du 28 avril 1993 portant réglementation, pour la Région flamande, de
la tutelle administrative des communes.
78
Art. 1231-6 CDLD.
79
Art. 1231-9 CDLD.
76
15
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Enfin, l’association de projets, nouvelle structure de coopération entre communes
née du décret du 19 juillet 2006 modifiant le Livre V de la première partie du
Code de la démocratie locale et de la décentralisation et relatif aux modes de
coopération entre communes, est soumise à un contrôle de tutelle analogue.
2. La transmission régulière de l’acte : condition suspensive à son
exécution
La suspension du caractère exécutoire de l’acte jusqu’à sa correcte transmission
à l’autorité de tutelle constitue la seule particularité du régime de tutelle sur les
actes obligatoirement transmissibles, par rapport au régime applicable à toutes
les autres décisions soumises à tutelle d’annulation.
Le mécanisme prévu à l’article 9 du décret du 22 novembre 200780 est en réalité
destiné à assurer l’efficacité de l’obligation de transmission des dossiers. En effet,
si le pouvoir subordonné est tenu d’envoyer à la tutelle les actes obligatoirement
transmissibles dans les quinze jours de leur adoption, il y a fort à parier que
celui-ci n’attendra pas la fin du délai pour s’exécuter : les actes ne pourront être
mis à exécution tant qu’ils n’auront pas été régulièrement transmis81 à l’autorité
de tutelle82. La correcte transmission constitue également le point de départ du
délai dans lequel l’acte peut être annulé, comme nous pourrons le constater
infra83.
La communication d’un dossier incomplet étant de nature à pénaliser fortement
l’autorité locale, la définition des « pièces justificatives » devient un des éléments
centraux du nouveau dispositif de contrôle. Cette notion doit pouvoir être perçue
sans équivoque tant par le pouvoir subordonné que par l’autorité de tutelle. A cet
égard, le complément apporté par l’article 2 du décret à la définition existante84
ne se satisfait pas à lui-même : on peut y lire que « Constitue notamment une
pièce justificative, le dossier qui a été soumis aux membres de l’organe qui a
adopté la décision ou à l’organe lui-même ».
Dès lors, pour mettre fin à toute insécurité juridique concernant les conditions de
transmission régulière des dossiers – et partant, de la notion de pièce
justificative – le Gouvernement wallon a adopté en date du 14 février 2008 une
80
« Les actes des autorités communales et provinciales portant sur les objets suivants
sont transmis au Gouvernement, accompagnés de leurs pièces justificatives, dans les
quinze jours de leur adoption, et ne peuvent être mis à exécution avant d’avoir été ainsi
transmis : (…) »
81
C’est-à-dire accompagné de toutes les pièces justificatives.
82
Attention toutefois : la mise à exécution des actes relevant de la tutelle générale dès
leur transmission à l’autorité de tutelle n’est possible qu’en l’absence de dispositions
légales en disposant autrement.
83
Titre 3.2., p. 16.
84
L’article 3111-2 définissait les pièces justificatives comme « tous les documents et
annexes de nature à étayer un acte administratif ».
16
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circulaire relative aux pièces justificatives qui a été transmise aux autorités
administratives concernées85.
Dans l’hypothèse où l’autorité de tutelle estimerait toutefois ne pas être en
possession de tous les éléments nécessaires pour prendre sa décision, l’article 12
du décret permet au Gouvernement de réclamer aux autorités locales la
transmission de toute délibération qu’il désigne, accompagnée de ses pièces
justificatives. Il nous parait important de distinguer ici deux situations
fondamentalement différentes.
Premier cas de figure, le pouvoir subordonné transmet sa décision à la tutelle,
accompagnée de toutes les pièces justificatives requises. La transmission du
dossier libère le caractère exécutoire de l’acte. Sa réception par l’autorité de
tutelle marque le point de départ du délai dans lequel celle-ci doit se prononcer.
Si, une fois l’examen du dossier entamé, la tutelle souhaite disposer pour une
raison quelconque de pièces complémentaires, elle peut les réclamer sur base de
l’article 12 du décret. La transmission originelle ayant été effectuée
régulièrement, le caractère exécutoire de l’acte n’est, selon nous, pas remis en
cause, de même que le délai d’exercice de la tutelle n’est pas suspendu : le
Gouvernement souhaite simplement disposer de pièces complémentaires afin
d’éclairer son opinion. Le délai prévu à l’article 13 du décret étant un délai de
rigueur, le Gouvernement est tenu de statuer dans le temps qui lui est imparti
pour exercer son pouvoir. Tout au plus pourra-t-il proroger ce délai, comme
l’autorise désormais le nouveau décret86. A défaut de décision à temps, l’acte ne
sera plus susceptible d’annulation.
Le cheminement est tout autre en cas de transmission incomplète du dossier à
l’autorité de tutelle. Nous l’avons dit, c’est la communication du dossier complet
qui permet à l’acte de devenir exécutoire. S’il s’avère que certaines pièces
justificatives font défaut, l’acte perdra temporairement sa force exécutoire. Se
posera alors la question du sort réservé aux éventuelles décisions qui auront été
prises sur base de l’acte suspendu.
Autre différence par rapport à notre première hypothèse, le délai dans lequel le
Gouvernement doit exercer son contrôle ne prendra pas cours : c’est en effet la
réception de l’acte accompagné de toutes ses pièces justificatives qui en est le
point de départ. Le Gouvernement pourra donc réclamer à l’autorité locale les
pièces manquantes comme le lui permet l’article 1287, sans que son délai ne soit
entamé. Une fois que le Gouvernement est en possession de tous les éléments
lui permettant de prendre sa décision, la suspension de la force exécutoire de
l’acte prend fin, et le délai de tutelle démarre. Même si cela paraît peu
85
Cette demande de clarification avait en outre été formulée par l’UVCW dans son avis
sur l’avant projet de décret. Voy. Doc. Parl., Projet de décret modifiant certaines
dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, n° 648-1, session
2007-2008, p. 32.
86
Art. 3122-6, al.2 CDLD, tel qu’inséré par l’article 13 du décret du 22 novembre 2007.
87
Le commentaire de cet article 12 précise bien que « le Gouvernement pourra donc
réclamer tant des décisions et pièces jointes qui auraient dû lui être transmises d’office,
que tout autre délibération ».
17
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vraisemblable, nous ne voyons rien qui empêcherait le Gouvernement de recourir
une nouvelle fois à l’article 12 pour obtenir des informations complémentaires.
Comme nous avons tenté de le démontrer, la transmission régulière de l’acte
accompagné de ses pièces justificative est un des éléments clé du nouveau
régime de tutelle auquel sont soumis les actes obligatoirement transmissibles.
Il convient enfin d’analyser cette exigence à la lumière de la simplification
administrative. La communication obligatoire de dossiers volumineux constitue
un coût financier et environnemental qu’il ne faut pas négliger. Le Gouvernement
table sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la
communication pour répondre à ces préoccupations, en permettant la
transmission des actes accompagnés des pièces justificatives par voie
électronique88. La rédaction d’un arrêté de cette disposition est dès lors attendue
avec intérêt89. Dans l’intervalle, l’envoi des documents par recommandé est la
formule la plus sécurisante.
Dernière précision, apportée par le Conseil d’Etat90 : il convient de distinguer
force exécutoire et force obligatoire d’un acte administratif, la force obligatoire
étant subordonnée à la publication régulière de l’acte prévue à l’article 1133-1
CDLD. Le législateur a suivi cette recommandation en précisant dans les
commentaires de l’article 9 du décret que « ces nouvelles dispositions relatives
au caractère exécutoire des actes obligatoirement transmissibles sont
complémentaires à celles relatives à la publication des actes. Les actes
obligatoirement transmissibles ne pourront donc faire l’objet d’un affichage que
lorsque ceux-ci auront été transmis à l’autorité de tutelle ».
2.
Le délai dans lequel doit s’exercer la tutelle générale
d’annulation
Le point de départ du délai dans lequel l’autorité de tutelle peut annuler un acte
d’un pouvoir subordonné est la réception de cet acte, accompagné de ses pièces
justificatives91. Comme évoqué précédemment, le délai ne prend pas court aussi
longtemps que l’ensemble des pièces justificatives requises n’ont pas été
réceptionnées par la tutelle92.
Conscient de la charge de travail que représentera désormais l’analyse des actes
obligatoirement transmissibles, et soucieux de garantir un contrôle effectif sur les
88
Art. 3 du décret du 22 novembre 2007. L’envoi de la notification par les autorités de
tutelle pourra lui aussi être effectué par voie électronique (art. 5 du décret).
89
Les députés ont attiré l’attention du Gouvernement wallon sur l’importance
d’engranger des résultats rapides et probants en matière d’utilisation des nouvelles
technologies dans la transmission des dossiers. Voy. notamment Doc. Parl., Parlement
wallon, Compte rendu analytique, 2007-2008, n°05, p.16.
90
Avis n°43.488/2/V du 24 août 2007, p. 5.
91
Art. 3113-1 CDLD. L’alinéa 2 précise que le jour de réception n’est pas inclus dans le
délai.
92
Voy. les commentaires de l’article 13 du décret du 22 novembre 2007 qui précisent
que « ce délai [de 30 jours] ne court que si l’acte est bien accompagné de ses pièces
justificatives ».
18
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décisions des autorités locales, le décret du 22 novembre 2007 autorise
désormais le Gouvernement à proroger le délai qui lui est imparti pour exercer
son pouvoir d’une durée maximale égale à la moitié de ce délai, soit une
prolongation de 15 jours93. Si cette faculté dans le chef du Gouvernement n’est
soumise à aucune restriction, sa décision devra, comme toute décision de
l’autorité de tutelle, être formellement motivée94. De la même manière, même si
l’article 3122-6 du Code de la démocratie locale est muet sur ce point, il nous
paraît évident que le Gouvernement devra notifier sa décision de proroger le
délai à l’auteur de l’acte, puisqu’en en l’absence de toute notification de la part
de l’autorité de tutelle, l’acte n’est plus susceptible d’annulation.
Autre innovation importante introduite par le décret du 22 novembre 2007, la
suspension de la computation des délais entre 15 juillet et le 15 août95. Le
législateur wallon explique cette interruption du délai par le ralentissement des
activités durant cette période tant dans le chef des pouvoirs locaux, qui
connaissent dès lors certaines difficultés à communiquer les différentes
informations à l’autorité de tutelle, que dans le chef de la tutelle elle-même qui,
confrontée à ses obligations légales en matière d’octroi des congés légaux, ne
dispose pas du personnel suffisant pour exercer correctement ses tâches. Pour le
législateur wallon, pareille disposition n’est cependant pas avant-gardiste puisque
le CWATUP, en son article 199 §6, prévoit depuis longtemps un tel principe96.
Néanmoins, si ces deux nouvelles dispositions répondent au souci d’une analyse
effective et plus fine des dossiers soumis à tutelle97, un tel allongement du délai
pendant lequel une annulation peut être prononcée risque d’entraîner une
augmentation du contentieux à l’égard des décisions prises sur base de la
délibération contestée et qui auront créé des droits dans le chef de tiers.
Les règles relatives à la notification des décisions restent pour leur part
inchangées, le décret autorisant désormais le Gouvernement à procéder à la
notification de ses décisions par la voie électronique, dont les modalités restent à
déterminer par arrêté.
93
Art. 3122-6, al. 2 CDLD.
Art. 3114-1, al. 2 CDLD.
95
Art. 3113-2, al. 3 CDLD.
96
Art. 199, §6 du CWATUP : Les délais sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 août à
dater de la réception de la notification par la commune d’entamer la procédure de
classement, jusqu’au jour de la transmission du dossier à la députation permanente.
97
La prolongation des délais figure parmi les recommandations formulées dans le rapport
annuel 2006 relatif à l’exercice de la tutelle. On peut y lire que « les prorogations de
délais sont de plus en plus requises pour garantir le meilleur examen des dossiers
endéans un laps de temps raisonnable. Il conviendrait de réexaminer certains délais, en
tutelle spéciale et en tutelle générale, sur les comptes des Pouvoirs Locaux au risque de
continuer à "laisser passer" des dépenses illégales ».
94
19
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D. La tutelle spéciale d’approbation
La tutelle spéciale d’approbation sur les actes des autorités locales est renforcée
par le décret du 22 novembre 2007. Si quelques types d’actes ont bien disparu
de l’article 3131-1 CDLD98, c’est pour figurer dans la liste des délibérations
obligatoirement transmissibles soumises à annulation. A l’inverse, la tutelle
d’approbation s’étend à présent à de nouveaux types d’actes, tels les comptes
provinciaux ou les statuts des régies autonomes. En outre, à l’exception des
comptes annuels, l’approbation de tous ces actes soumis à la tutelle spéciale
pourra désormais être refusée pour violation de loi et lésion de l’intérêt général.
Enfin, comme évoqué précédemment, la centralisation de la tutelle d’approbation
dans le chef du Gouvernement a été renforcée par le décret du 22 novembre
2007.
1.
Les décisions communales soumises à l’approbation du
Collège provincial
Certaines décisions des autorités communales soumises à l’approbation du
Collège provincial dans l’ancienne législation n’ont pas subi de changement par le
biais du nouveau décret. Il s’agit des actes « budgétaires »99, le
rééchelonnement des emprunts souscrits et les comptes annuels de la commune
et des régies communales. Certaines dispositions ont été reformulées ; ainsi,
sont à présent soumises à l’approbation du Collège provincial les dispositions
générales concernant le personnel
de l’administration communale100. Ce
nouveau libellé a été inséré dans le Code afin d’inclure dans la disposition les
règles régissant les agents qui sont engagés sous les liens d’un contrat de
travail101. Alors que le statut des fonctionnaires communaux était soumis à une
tutelle d’approbation, le règlement de travail des travailleurs contractuels, par
exemple, ne faisait l’objet d’aucun contrôle de tutelle102. Supprimant cette
différence de traitement, cette modification permet également d’envisager une
harmonisation
des
conditions
de
travail
des
personnes
recrutées
contractuellement au sein des communes wallonnes. Le législateur nous paraît
s’adapter bon gré mal gré au constat d’une réalité factuelle de la fonction
publique de plus en plus tournée vers l’engagement contractuel.
98
Nous pensons notamment aux garanties d’emprunts, aux taxes additionnelles à l’impôt
des personnes physiques, ainsi qu’aux centimes additionnels au précompte immobilier.
99
A savoir le budget communal, le budget des régies communales, les modifications
budgétaires et les transferts de crédits de dépenses.
100
A l’exception des dispositions touchant au personnel enseignant subventionné et au
régime de pension des agents de la commune.
101
Voy. le commentaire de l’article 15 du décret du 22 novembre 2007.
102
Voy. COENEN A., Vade-Mecum de la fonction publique locale wallonne, à paraître, p.
143.
20
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Sont également soumis à la tutelle d’approbation les règlements relatifs aux
redevances et aux taxes communales, à l’exception des taxes additionnelles à
l’impôt des personnes physiques et des centimes additionnels au précompte
immobilier. Comme exposé supra, ces derniers font à présent partie du champ
d’application de la tutelle d’annulation103, à l’instar des garanties d’emprunts. Ils
sont d’ailleurs obligatoirement transmissibles. Les redevances sont à présent
expressément soumises à tutelle104.
2.
Les décisions provinciales soumises à l’approbation du
Gouvernement
Les modifications apportées à la tutelle d’approbation sur les actes provinciaux
sont identiques à celles de la tutelle sur les décisions communales. Toutefois, le
décret a instauré, en outre, une tutelle spéciale d’approbation sur les comptes
provinciaux et sur les comptes des régies provinciales.
Actuellement, la Cour des Comptes exerce sur les comptes provinciaux un
contrôle de légalité ainsi qu’un contrôle de conformité aux différents principes
relatifs au bon emploi des deniers publics. La Cour assure cette mission en vue
de l’information du Conseil provincial : elle lui adresse ses observations, avant
l’adoption des comptes, afin de lui permettre de se prononcer en connaissance
de cause. Jusqu’à présent, le Gouvernement régional n’exerçait qu’une tutelle
d’approbation sur les budgets provinciaux et non sur les comptes.
Le décret soumet donc les comptes provinciaux (ainsi que les comptes des régies
provinciales) à une tutelle d’approbation, comme l’étaient déjà les comptes
communaux. Le Gouvernement pourra, en outre, tenir compte des observations
que la Cour des Comptes aura formulées au bénéfice du Conseil provincial105.
103
Comme indiqué dans l’exposé des motifs du décret, cette modification a pour objectif
de permettre aux communes (et aux provinces) de mieux gérer les délais d’adoption et
d’entrée en vigueur de leur règlement établissant le taux de ces additionnels.
104
La disposition de l’ancienne législation ne soumettait à la tutelle d’approbation que les
règlements relatifs aux impositions communales.
Or, certains auteurs, comme V.
Sepulchre, refusaient d’englober les redevances dans le terme imposition du Code, car
celui-ci revêt uniquement le sens d’un impôt ou d’une taxe dans la Constitution,
nullement d’une redevance. Dès lors, la soumission des redevances communales à la
tutelle d’approbation était controversée. (SEPULCHRE V., « Fiscalité et parafiscalité :
impôts, taxes, rétributions, amendes pénales et amendes administratives », Rev. dr.
Comm., n°2006/1, p. 36. Voy. aussi SEPULCHRE V., « Impôt, rétribution et redevance –
Conséquences pratiques d’une distinction fondamentale », R.G.F., mars 2005, n°3, p.
18).
105
Voy. le commentaire de l’article 15 du décret du 22 novembre 2007.
21
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3.
Les actes des « entreprises
l’approbation du Gouvernement
locales »
soumis
à
1. Les intercommunales
Le décret du 22 novembre 2007 modifie conséquemment le régime de tutelle des
intercommunales. Auparavant, six types d’actes106 de celles-ci étaient soumis à
la tutelle d’approbation du Gouvernement régional. Parmi ceux-ci, la composition
du conseil d’administration et de ses éventuels organes restreints ainsi que du
collège des commissaires et les garanties d’emprunts basculent dans la catégorie
des actes soumis à la tutelle générale d’annulation, avec transmission obligatoire
au Gouvernement107. Le rééchelonnement d’emprunts souscrits devient
également un acte soumis à la tutelle d’annulation, mais sans obligation de
transmission. La raison de cette modification tient dans le fait qu’il n’existe que
très peu de cas d’application de ce type de décision108.
Les comptes annuels ainsi que les dispositions générales en matière de personnel
des intercommunales restent soumis à la tutelle spéciale d’approbation du
Gouvernement, tandis que leurs statuts et les modifications de ceux-ci font
désormais l’objet d’une disposition particulière que nous abordons dans le point
suivant.
2. Les actes communaux et provinciaux concernant les entités para
locales : les intercommunales, les régies autonomes et les
associations de projet
Ainsi qu’énoncé supra, les actes de ces modes de gestion locaux ne faisaient
aucunement l’objet d’une tutelle avant la parution du décret du 22 novembre
2007. Seul l’acte communal ou provincial qui mettait ces « entreprises locales »
en place était soumis à une approbation. Pour le reste de leur existence
juridique, aucun contrôle de tutelle n’était prévu par les textes, ce qui a
engendré certains comportements regrettables et, précisément pour cette raison,
difficilement contrôlables.
Ce vide juridique est à présent comblé puisque les actes suivants de ces entités
sont soumis à l’approbation du Gouvernement109 :
106
Les statuts de l’intercommunale et leurs modifications, les comptes annuels, la
composition du conseil d’administration et de ses éventuels organes restreints ainsi que
du collège des commissaires, les dispositions générales en matière de personnel, le
rééchelonnement des emprunts souscrits et les garanties d’emprunts.
107
Selon les auteurs du décret, la pratique démontre que ces actes ne se voient que très
rarement refuser l’approbation. Lorsque cela arrive, c’est principalement pour cause
d’une mauvaise application de la répartition proportionnelle ou d’un apparentement. Or,
ces actes devaient attendre l’approbation de la tutelle avant d’être exécutés, alors que
cela ne se justifiait pas vraiment (exposé des motifs du décret du 22 novembre 2007).
108
Voy. le commentaire de l’article 15 du décret du 22 novembre 2007.
109
La tutelle sur les régies communales autonomes et sur les associations de projet n’est
pas exercée par le collège provincial, comme c’est le cas pour les décisions communales,
mais par le Gouvernement régional, par souci de cohérence vis-à-vis des
22
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•
Les actes des autorités communales et provinciales ayant pour objet la
création et la prise de participation dans les intercommunales, les régies
communales et provinciales autonomes et les associations de projet ;
•
Les actes des autorités communales et provinciales ayant pour objet la
mise en régie communale ou provinciale, la délégation de gestion à une
intercommunale, association de projet, régie communale autonome ou
provinciale autonome, à toute autre association ou société de droit public
ou de droit privé ou à une personne physique ;
•
Les actes des autorités communales et provinciales ayant pour objet la
création et la prise de participation à une association ou société de droit
public ou de droit privé, autre qu’intercommunale ou association de
projet, susceptible d’engager les finances communales ou provinciales ;
•
Les actes des autorités communales et provinciales ayant pour objet
l’adoption des statuts et des modifications de ceux-ci des régies
communales et provinciales autonomes et des associations de projet ;
•
Les actes des organes des intercommunales ayant pour objet l’adoption
de leurs statuts et des modifications de ceux-ci.
En outre, les motifs d’improbation de ces décisions ont été élargis. Auparavant,
les actes communaux et provinciaux relatifs à la création de régies autonomes ou
à la prise de participation dans des sociétés étaient soumis au seul contrôle de
légalité, ce qui était d’ailleurs critiqué par certains auteurs110. A présent,
l’approbation de l’ensemble de ces actes peut être refusée en cas de violation de
la loi, mais également en cas de lésion de l’intérêt général111. Considérant
l’impact financier que ces décisions peuvent provoquer pour les autorités
concernées, ce contrôle de conformité à l’intérêt général comble une lacune
importante du Code de la démocratie locale.
Le Conseil d’Etat a réitéré au Gouvernement wallon d’importantes précisions
concernant ce double contrôle de tutelle. Ainsi qu’il l’avait énoncé lors de
l’adoption de l’ancien décret de tutelle du 1er avril 1999112, la Constitution impose
que l’ensemble des actes des autorités provinciales et communales, et non
uniquement certains de ces actes, soient soumis au contrôle de légalité et au
intercommunales. En outre, les décisions communales ou provinciales relatives à ces
entreprises locales sont également soumises à la tutelle du Gouvernement.
110
Voy. CUSTERS G., « La tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales
en Région wallonne : la réforme du 1er avril 1999 », op. cit., p. 198.
111
Article 3131-1, §5 du CDLD, tel que modifié par le décret du 22 novembre 2007.
112
Avis de la section de législation du Conseil d’Etat n°27.546/4, du 4 mai 1998, sur
l’avant-projet qui devint le décret du 1er avril 1999 organisant la tutelle sur les
communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne.
23
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contrôle de conformité à l’intérêt général113. Un décret wallon ne peut dès lors
soumettre une ou plusieurs catégorie(s) d’actes au seul contrôle de légalité.
Le décret du 20 juillet 1989114, ancien décret « tutelle », respectait totalement
l’article 162 de la Constitution puisque tous les actes soumis à la tutelle
d’approbation faisaient l’objet d’un contrôle de conformité à l’intérêt général.
Ensuite, le décret du 1er avril 1999, qui le remplaça, établit une différence de
traitement pour certains actes, en dépit de l’avis du Conseil d’Etat. Il soumettait
au seul contrôle de légalité trois types de décisions communales115, deux types
de décisions provinciales116, et deux types de décisions d’intercommunales117.
A cette époque, la tutelle de conformité à l’intérêt général était sur la sellette, au
sein du monde local. Le Gouvernement wallon avait émis l’idée de la
supprimer118 (quoique cela eût été inconstitutionnel), soutenu avec ardeur par
l’Union des Villes et Communes de Wallonie, dont l’opinion était tranchée : « ne
subsistant plus dans la plupart des pays voisins, la tutelle moyenâgeuse
d’opportunité doit être immédiatement supprimée »119.
Certains auteurs, comme Messieurs Uyttendaele et Maron120, ont toutefois
exprimé un avis différent. Ceux-ci rappellent que la tutelle n’a pas été mise en
œuvre afin de protéger les institutions locales, mais bien afin de préserver l’unité
de l’autorité centrale. Celle-ci ne peut d’ailleurs pas exercer la tutelle de
conformité à l’intérêt général comme une tutelle de pure opportunité, et ainsi
annuler les actes qui ne l’agréent pas121. La décision de l’autorité de tutelle doit
être formellement motivée et faire apparaître les motifs concrets qui la justifient,
ceux-ci étant bien entendu exacts et légalement admissibles122. Ces auteurs font
la démonstration qu’une suppression de ce type de tutelle soulèverait nombre de
113
Article 162, alinéa 2, 6° de la Constitution.
Décret du 20 juillet 1989 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les
intercommunales de la Région wallonne, M.B. du 8 septembre 1989.
115
A savoir les comptes annuels de la commune et des régies communales ; la mise en
régie communale, la création de régies communales autonomes et la délégation de
gestion à une association ou une société de droit public ou de droit privé ; la prise de
participation à une association ou société de droit public ou de droit privé susceptible
d’engager les finances communales.
116
Ce sont les mêmes types d’actes que ceux des communes, exceptés les comptes.
117
A savoir les comptes annuels et la composition du conseil d’administration et de ses
éventuels organes restreints ainsi que du collège des commissaires.
118
Voy. la Déclaration de politique régionale du Gouvernement wallon du 22 juin 1995.
119
Mémorandum de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, Mouv. Comm., 1995/5,
p. 252.
120
UYTTENDAELE M. et MARON E., « La tutelle de conformité à l’intérêt général et son
éventuelle suppression », Mouv. Comm. 1997/3, pp. 143-148.
121
Ibid., p. 144. C. Cambier est du même avis : « ce que l’intérêt général exige n’est
pas à confondre avec ce que l’autorité de tutelle estimerait souverainement être le plus
opportun » (CAMBIER C., Droit administratif, Larcier, Bruxelles, p. 451, note 4). Toutefois,
plusieurs arrêts du Conseil d’Etat tendraient à confondre les deux notions de contrôle de
conformité à l’intérêt général et de contrôle d’opportunité, (par ex. C.E., 23 avril 1981,
Ville de Fontaine-l’Evêque, RACE 1981, p. 550 et C.E., 15 février 1984, Agglomération
bruxelloise, A.P.M., 1984, p. 22). Voy. SOHIER J., La tutelle sur les communes, A.P.T.,
1986, p. 24.
122
Ibid., pp. 144-145.
114
24
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questions délicates et rendrait la tutelle de légalité plus difficile à appliquer pour
l’autorité de tutelle123.
M. Herbiet doute également de la pertinence d’une éventuelle suppression et cite
quelques pistes de réformes mois radicales124. Il rappelle aussi que ce type de
tutelle est jugé indispensable par de nombreux fonctionnaires communaux, car il
permet d’éviter certains dérapages.
Il semble que ces débats sur l’avenir de la tutelle de conformité à l’intérêt
général n’aient plus cours aujourd’hui et que celle-ci y ait survécu. En effet, le
nouveau décret du 22 novembre 2007 adopte une position davantage en phase
avec l’avis du Conseil d’Etat et en accord avec la Constitution. Dorénavant, les
seuls actes soumis uniquement à un contrôle de légalité sont les comptes des
communes, des provinces et des intercommunales. Selon les auteurs du texte,
l’invocation de l’intérêt général en ce qui concerne les comptes n’a pas sa place
puisque ceux-ci ne font qu’enregistrer les opérations intervenues durant
l’exercice125. Une tutelle de conformité à l’intérêt général sur les comptes serait
même, à leur sens, néfaste pour le receveur communal, qui opère pour sa part
un contrôle limité à la légalité126.
Le décret du 1er avril 1999 organisait un contrôle de conformité à l’intérêt général
et régional, ce que le Conseil d’Etat n’avait pas manqué de critiquer, car la notion
d’intérêt régional n’est pas constitutionnelle. La définition de l’intérêt général
communément admise est la suivante, proposée par M. De Visschere : « l’intérêt
général n’est pas seulement l’intérêt de l’Etat, mais tout intérêt auquel l’organe
annulateur, comme par exemple le Roi ou le gouverneur, accorde une plus
grande valeur qu’à l’intérêt poursuivi par la décision annulée »127. Cette notion
contient dès lors, nécessairement, celle d’intérêt régional128. L’avant-projet du
décret du 22 novembre 2007 ne modifiait pas cette disposition, qui fut critiquée
une seconde fois par le Conseil d’Etat129. Le législateur wallon a dès lors
finalement laissé tomber cette référence à l’intérêt régional dans le nouvel article
L3131-1, §5.
123
Ibid., p. 147. Selon les auteurs, cette suppression risquerait de conduire les pouvoirs
législatifs et exécutifs dont dépendent les autorités de tutelle à transformer en règles
générales et juridiquement contraignantes les positions que ces autorités expriment
aujourd’hui au cas par cas au nom de l’intérêt général. Ils craignent également que cela
n’entraîne dans la foulée la suppression de la tutelle de légalité, puisque la légalité des
actes fait déjà l’objet d’un contrôle juridictionnel. L’effet boule de neige serait manifeste.
124
HERBIET M., « Réformer la tutelle », Mouv. Comm., 1999/3, p. 141.
125
Voy. la note au Gouvernement wallon du 20 septembre 2007 sur le décret du 22
novembre 2007, p. 1.
126
Ibid.
127
DE VISSCHERE F., Het begrip algemeen belang in het Belgisch recht, Haarlem, 1950,
cité par SOHIER J., « La tutelle sur les communes », A.P.T., 1986, p. 23.
128
Le décret communal flamand définit quant à lui l’intérêt général comme « chaque
intérêt supérieur à l’intérêt communal » (Art. 249 du décret communal flamand du 15
juillet 2005, M.B. du 31 août 2005).
129
Voy. Avis du Conseil d’Etat, page 3. Selon la Cour, il n’appartient pas au législateur de
définir des notions constitutionnelles.
En outre, les précisions indiquées sont
« davantage source de confusions nuisibles à la sécurité juridique ».
25
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4.
La procédure
La nouvelle procédure ne diffère pas vraiment de l’ancienne : les actes
communaux, provinciaux et les actes des intercommunales sont transmis au
Collège provincial ou au Gouvernement, ou aux deux (selon les cas),
accompagnés de leurs pièces justificatives130, dans les quinze jours de leur
adoption.
Une nouvelle disposition est ajoutée par le décret du 22 novembre 2007, afin de
garantir davantage de transparence dans l’octroi de subventions par les
collectivités locales, en obligeant le bénéficiaire d’une subvention publique à
transmettre les documents qui justifient du bon emploi des deniers publics au
pouvoir local subsidiant131. L’article 3132-2 du CDLD précise que le budget
communal132 et le budget provincial133 sont transmis à l’autorité de tutelle
accompagnés de l’ensemble des documents fournis par les bénéficiaires des
subventions accordées par la commune ou par la province. L’avant-projet de
décret ajoutait qu’ « à défaut de transmission de ces pièces, les inscriptions
budgétaires accordant des subventions à ces bénéficiaires peuvent être
réformées ».
Le Conseil d’Etat a recommandé que cette dernière phrase de la disposition soit
explicitée de façon plus claire, en précisant que la réformation en question ne
peut porter que sur les montants des subventions pour lesquelles les pièces font
défaut134.
Dans une note au Gouvernement, le Ministre Courard a reconnu la pertinence de
cet avis135. Etant donné que les pièces justificatives sont produites a posteriori,
ce n’est pas au budget qu’il faut se référer mais aux comptes. Il n’est donc plus
question de réformer le budget mais de rejeter une dépense. Il faut également
garder à l’esprit que le bénéficiaire d’un subside communal ou provincial doit
restituer celui-ci à l’autorité, s’il ne lui a pas fourni les pièces justificatives136. En
outre, les rapports qui doivent être fournis par le bénéficiaire d’un subside sont
bien entendu des pièces justificatives, qui doivent être transmises à l’autorité de
130
Pour les remarques formulées sur la notion de « pièce justificative », voy. supra.
Voy. le commentaire de l’article 18 du décret du 22 novembre 2007.
132
Ainsi que le budget des régies communales, les modifications budgétaires et les
transferts de crédits de dépenses.
133
Ainsi que le budget des régies provinciales, les modifications budgétaires et les
transferts de crédits de dépenses.
134
Avis de la section de législation du Conseil d’Etat sur le décret du 22 novembre 2007,
avis 43.488/2/V du 24 août 2007, p. 11.
135
Voy. la note au Gouvernement wallon du 20 septembre 2007 sur le décret du 22
novembre 2007, p. 4.
136
Art. 3331-7 du CDLD.
131
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tutelle137. Si ces rapports n’existent pas, la dépense est alors entachée
d’irrégularité et doit, en toute hypothèse, être rejetée par l’autorité de tutelle.
Par conséquent, le Ministre, en allant plus loin que le Conseil d’Etat, a proposé de
supprimer la dernière phrase de la disposition, inutile au plan strictement
juridique.
Concernant la procédure du recours du Gouverneur contre une décision du
Collège provincial contraire à la loi, elle reste pour l’essentiel inchangée. Le
décret apporte toutefois une modification considérée comme une correction
technique138 : le nouvel article L3133-1, §1er, alinéa 2 précise qu’il revient au
Gouverneur, et non plus au Gouvernement comme il était stipulé dans l’ancienne
version de la disposition, de notifier son recours au Collège provincial et à la
commune dont il est question.
Enfin, le décret du 22 novembre 2007 apporte une modification d’importance en
matière de délais. Alors que l’autorité de tutelle doit se prononcer dans les trente
jours de la réception de l’acte et de ses pièces justificatives, elle dispose à
présent d’un délai de quarante jours, prorogeable de moitié, pour exercer son
contrôle sur les comptes des provinces, des communes et des intercommunales.
Il s’agit d’une manière de garantir une instruction sérieuse des actes
concernés139. Les auteurs du décret ajoutent par ailleurs que ce délai de
quarante ou soixante jours reste inférieur à celui qui est pratiqué dans les deux
autres régions du pays140. Enfin, comme décrit supra, la computation des délais
est désormais suspendue entre le 15 juillet et le 15 août.
E. Conclusion
Les lacunes du décret du 1er avril 1999 avaient été pointées comme une des
principales causes des pratiques illégales découvertes dans plusieurs entités
locales wallonnes.
137
Voy. la note au Gouvernement wallon du 20 septembre 2007 sur le décret du 22
novembre 2007, p. 4.
138
Voy. le commentaire de l’article 19 du décret du 22 novembre 2007.
139
Voy. le commentaire de l’article 17 du décret du 22 novembre 2007.
140
Ibid. Dans la région de Bruxelles-Capitale, le délai est de nonante jours (art. 268 de
la nouvelle loi communale).
Au sein de la Communauté flamande, la tutelle
d’approbation, à proprement parler, n’existe plus, mais certains actes communaux
doivent obligatoirement être transmis au gouverneur de province qui dispose de
cinquante jours pour les suspendre. En cas de suspension, le Gouvernement flamand
dispose de cinquante jours pour annuler la décision (voy. les art. 253, 255 et 256 du
décret communal flamand précité). En ce qui concerne les communes germanophones,
le Gouvernement de la Communauté germanophone dispose de quarante jours pour
annuler une décision communale (art. 13 du décret 20 décembre 2004 organisant la
tutelle administrative ordinaire sur les communes de la Région de langue allemande, M.B.
du 18 mars 2005).
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La demande d’une réforme efficace du mécanisme de tutelle était donc forte, et
le climat de suspicion à l’égard des gestionnaires locaux de nature à tolérer un
encadrement de l’autonomie locale.
Le législateur wallon a donc pris ses responsabilités en adoptant des réformes
importantes que nous avons tenté de détailler au mieux tout au long de cette
contribution.
L’extension de la tutelle sur les pouvoirs locaux est une évidence. La charge
nouvelle imposée tant aux communes qu’à l’administration régionale est réelle.
Espérons que ce nouveau dispositif ne sera pas victime de son apparente
lourdeur, et que le Gouvernement wallon prendra des mesures nécessaires à sa
bonne exécution (la transmission électronique des actes et le renforcement du
personnel de la DGPL en sont deux exemples).
A cet égard, il conviendra de prêter une attention particulière à l’évaluation de ce
nouveau texte qui a été promise par le Ministre wallon des Affaires Intérieures141.
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141
Voy. Doc. Parl., 2007-008, C.R.A. n°05, p. 19.
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