Enfant juif, 10 ans en 1939

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Enfant juif, 10 ans en 1939
Enfant juif, 10 ans en 1939 : l’heure
du premier discours – 16/07/2016
Le Niortais Jacques Bachmann avait 10 ans en 1939. Il a survécu aux rafles. Dimanche,
il lira son premier message à la cérémonie de la rafle du Vél-d’Hiv.
Le Niortais Jacques Bachmann avait 10 ans en 1939. Il a survécu aux
rafles. Dimanche, il lira son premier message à la cérémonie de la rafle
du Vél-d’Hiv.
Que reste-t-il des 16 et 17 juillet 1942 ? Près de 13.000 personnes arrêtées
dans Paris et sa banlieue, plus de 8.000 regroupées au Vélodrome d’Hiver,
avant d’être déportées. Il reste encore quelques vivants gardiens de la
mémoire. Parmi eux, Jacques Bachmann, qui aura 87 ans le 27 juillet prochain.
Installé à Niort depuis vingt ans, il lira dimanche pour la première fois un
discours au nom de la communauté juive de Niort, lors de la cérémonie
commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de
l’État français et d’hommage aux Justes de France.
« Fin 1941, mon instituteur, à l’appel de la préfecture, convoque quatre
élèves, dont moi, afin de confectionner des colis de Noël qui seront
distribués aux enfants par le Secours national. De grandes tables ont été
installées dans le sous-sol de la préfecture. Notre tâche terminée, le préfet
est venu nous remercier. Cet homme, grand et affable, souriant, est venu vers
nous et c’est ainsi que René Bousquet en personne a serré la main du jeune
juif que j’étais. Il sera nommé le 18 avril 1942 secrétaire général de la
police de l’État français, redoutable et redouté. Il aura trois mois pour
organiser la pire ignominie : la rafle du Vél-d’Hiv, les 16 et 17 juillet
1942. » Voilà notamment ce que dira, dimanche, Jacques Bachmann.
Le petit bonhomme de Châlons-sur-Marne d’alors, qui avait 10 ans quand éclata
l’horreur à la face du monde, a survécu à l’inqualifiable. Fils d’un
commerçant fourreur, Chaïm devenu Henry en s’installant en France après avoir
émigré de Moldavie pour fuir les pogroms de 1905, Jacques Bachmann, sa sœur
cadette Nicole et les deux jumeaux aînés, Jean et Pierre, ont pourtant connu
« une enfance heureuse dans une ville de province », lors de ces années où la
laitière débarquait avec sa carriole tirée par des chevaux en sonnant dans sa
trompette pour agglutiner la marmaille autour d’elle. Et puis, tout à foutu
le camp.
« Il serait préférable aux juifs de s’abstenir… »
Jacques Bachmann a connu l’exode, à l’abri d’Andernos-les-Bains notamment où
son premier contact avec l’antisémitisme lui a sauté aux yeux sur la
promenade du front de mer. Il avait à peine 11 ans. « Je me souviens très
exactement du panneau fixé sur la jetée-promenade qui s’avançait vers la
mer : « Il serait préférable aux juifs de s’abstenir de se promener sur la
jetée » »…
Il n’a pas oublié non plus l’image de son père au cachot, commerçant yiddish,
dénoncé, arrêté en représailles aux attentats du printemps 1942. Ni la fuite,
de Châlons à Paris, de Chasseneuil-du-Poitou à travers champs jusqu’à
Villeneuve-sur-Lot où, grâce à la bienveillance d’un couple, Marie et
Bertrand Fabre, la famille Bachmann échappera d’un rien aux rafles de 1944.
Ses frères rejoignirent le maquis et quand sonna l’heure de la libération,
l’adolescent de 16 ans allait pouvoir commencer à construire enfin sa vie
librement. Une belle vie, paisible aujourd’hui en partage avec Florence, son
épouse, après avoir été journaliste, photographe pour « Maison et Jardin »,
et rencontré d’immenses célébrités dans les plus belles maisons du monde.
Aujourd’hui, il cultive sa belle maison, c’est aussi le jardin de la mémoire,
si importante pour les fondations des bâtisses des adultes de demain. Pour
qu’eux, à leur tour, puissent défendre un jour avec acharnement le « plus
jamais ça ». Il restera alors encore quelque chose des 16 et 17 juillet 1942.
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Cérémonie commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et
antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France, dimanche 17
juillet, à 11 h, place des Martyrs-de-la- Résistance (bas de Brèche) à Niort.
Sébastien Acker
Source : Enfant juif, 10 ans en 1939 : l’heure du premier discours –
16/07/2016 – La Nouvelle République Deux-Sèvres