pelvi~ périnéologie - sifud-pp
Transcription
pelvi~ périnéologie - sifud-pp
PELVI~ PÉRINÉOLOGIE S O M M A I R E VOLUME ISSN 1778-3712 ÉDITORIAL 2 • NUMÉRO VIE DES SOCIÉTÉS Vers un « déchocage » de nos disciplines en pelvi-périnéologie ............................... 1 B. Deval ARTICLES SCIENTIFIQUES ARTICLES ORIGINAUX Prolift® Du TVM au (Gynecare) : évolution d’une technique de renfort prothétique pour la cure de prolapsus par voie vaginale à propos d’une série multicentrique rétrospective de 794 patientes (684 TVM/ 110 Prolift®)........................................... 3 J. Amblard, M. Cosson, C. Dabadie-Louasil, P. Debodinance, B. Fatton , B. Jacquetin Propriétés pharmacologiques de l’oxybutynine sur la fonction vésicale chez la souris........................................ 12 A. Deba, P. Lluel, S. Polea Transobturator Tape (TOT) en chirurgie ambulatoire et sous anesthésie locale : étude rétrospective sur un échantillon de 84 patientes..................................... 20 G. Rathat, C. Defez , C. Courtieu MISES AU POINT Varices pelviennes symptomatiques : diagnostic et traitement......................... 27 M. Greiner Modélisation de la cavité pelvienne........ 33 M. Boukerrou, C. Rubod, N. Coutty, M. Brieu, P. Dubois, M. Cosson CAS CLINIQUE L’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée : une cause exceptionnelle d’incontinence urinaire d’effort de l’enfant ............................................ 42 E. Leveau, L. Le Normand, J.-M. Buzelin, J.-J. Labat, P. Glemain, O. Bouchot, J. Rigaud Histoire de l’urodynamique .................... 46 J. Susset FORMATION MÉDICALE FOCUS L’approche urodynamique est-elle toujours indispensable dans la décision thérapeutique ? ..................................... 48 J.-M. Buzelin DOSSIER THÉMATIQUE Névralgies pudendales coordonné par G. Amarenco et J.-J. Labat Histoire de la névralgie pudendale : une douleur presque sans... fondement ! ............................... 54 G. Amarenco Anatomophysiologie des algies pudendales ........................... 58 R. Robert, Y. Beaudic , O. Hamel, M. Khalfallah , J.-J. Labat, T. Riant Critères diagnostiques d’une névralgie pudendale (Critères de Nantes).............. 65 J.-J. Labat, T. Riant, R. Robert, G. Amarenco, J.-P. Lefaucheur, J. Benaïm, R. De Tayrac, J.-P. Galaup, M. Guérineau, M. Khalfallah, A. Lassaux, M. Le Fort, J.-P. Lucot, B. Rabischong, J. Rigaud, L. Siproudhis, M.-C. Arné-Bès, V. Bonniaud, K. Charvier, P. Dumas, A.-G. Herbault, E. Lapeyre, A.-M. Leroi, D. Prat Pradal, J.-M. Soler, M.-F. Testut, P. Raibaut, M.-C. Scheiber-Nogueira, C. Thomas Autoquestionnaire d’évaluation de la névralgie pudendale ...................... 71 T. Riant, M. Guérineau, J.-J. Labat, J. Rigaud , R. Robert 1 • MARS 2007 Quelle est la place de l’examen électroneuromyographique dans le diagnostic des névralgies pudendales liées à un syndrome canalaire ? ............. 73 J.-P. Lefaucheur, J.-J. Labat, G. Amarenco, A.-G. Herbaut, D. Prat-Pradal, J. Benaim, B. Aranda, M.-C. Arne-Bes, V. Bonniaud, P.-M. Boohs, K. Charvier, F. Daemgen, P. Dumas, J.-P. Galaup, S. Sheikh Ismael, J. Kerdraon, P. Lacroix, D. Lagauche, E. Lapeyre, M. Lefort, A.-M. Leroi, R.-J. Opsomer, B. Parratte, J.-G. Prévinaire, P. Raibaut, J.-Y. Salle, M.-C. Scheiber-Nogueira, J.-M. Soler, M.-F. Testut, C. Thomas Blocs anesthésiques pudendaux dans le cadre de la névralgie pudendale par entrapment : indications, techniques, interprétation...................... 78 T. Riant, J.-J. Labat, R. Roger, M. Guerineau Chirurgie de la névralgie pudendale par voie transglutéale ............................ 86 M. Khalfallah, J.-J. Labat, R. Robert, T. Riant, M. Guérineau, R. Richardson, C. Deschamps PRATIQUE MÉDICALE Le blessé médullaire : quelle sexualité ? .................................. 92 J.-C. Colombel Évaluation urodynamique des résistances urétrales chez la femme ........................ 99 J.-F. Hermieu REVUE DE PRESSE G. Amarenco ...................................... 105 copyright.qxp 19/03/07 17:36 Page 1 Abonnements Le volume 2 (4 numéros) paraît en 2007, PELVI~ PÉRINÉOLOGIE COPYRIGHT Pelvi-périnéologie couvre l’ensemble de la pelvi-périnéologie et s’intéresse particulièrement à l’incontinence urinaire, aux troubles fonctionnels pelvi-périnéaux, aux explorations urodynamiques et plus généralement, aux explorations périnéales (imagerie, neurophysiologie, etc.), aux troubles ano-rectaux, et aux troubles génito-sexuels. Cette revue multidisciplinaire comprend des articles originaux faisant part des différentes avancées dans ces différents domaines et aussi des articles de synthèse, de formation, d’enseignement et de pratique. Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la société savante SIFUD PP ; la revue s’adresse en priorité aux médecins de médecine physique et de réadaptation s’intéressant aux explorations urodynamiques, aux urologues, gynécologues, chirurgiens viscéraux hysto-pelviens, coloproctologues, sexologues, infirmières impliquées dans les explorations périnéales, kinésithérapeutes, sages-femmes, aux gastro-entérologues et à l’industrie pharmaceutique. Copyright Ne peuvent être présentés au comité de rédaction que des manuscrits n’ayant pas été simultanément présentés ailleurs, n’ayant pas déjà été publiés ou n’étant pas en cours de publication. En présentant un manuscrit, les auteurs s’engagent à déléguer à la maison d’édition, à partir du moment où l’article est accepté, le copyright de celui-ci, les droits de reproduction photographique, en microforme ou par tout autre moyen, de traductions et de tirage à part compris. L’autorisation de l’éditeur est nécessaire pour toute reproduction, photographique, en microforme ou par un autre moyen, du texte, des illustrations ou des tableaux. Bien que les conseils et informations donnés dans ce périodique soient censés être vrais et exacts au moment de la mise sous presse, les auteurs, les rédacteurs et la maison d’édition n'assument aucune responsabilité quant aux erreurs et omissions qui pourraient se produire. La maison d’édition ne peut donner aucune garantie, explicite ou implicite, quant au contenu de chaque numéro. La rédaction du journal rappelle que les opinions exprimées dans les articles ou reproduites dans les analyses n’engagent que les auteurs. Les instructions aux auteurs sont consultables sur le site Fontis, à l’adresse suivante : http: //springer.fontismedia.com/pel/ Individual rates / Tarif individuel : 120,00 € Institutional rates / Tarif institutionnel : 226,20 € Single Issue / achat au numéro : 56,55 € Un tarif préférentiel est accordé aux membres de la SIFUD PP ayant payé leur cotisation. Frais d’envoi compris, par voie de surface. Les bulletins d’abonnement doivent être adressés à votre libraire ou à : Springer-Verlag France Service Abonnements Abocom Journal 11608 26, boulevard Paul-Vaillant-Couturier 94851 Ivry-sur-Seine, France Tél.: (0)1 49 60 10 42 - Fax : (0)1 49 60 10 55 Amérique du Nord : Les bulletins d’abonnement sont à adresser à : Springer New York, Journal Fulfillment P.O. Box 2485 Secaucus, NJ 07096, USA Tél. : 1-800-SPRINGER or +1-201-348-4033 Fax : +1-201-348-4505 e-mail : [email protected] Changements d’adresses En cas de changement d’adresse de l’abonné, la livraison du numéro suivant sera retardée d’environ six semaines. En informant le service d’abonnement concerné de ce changement, l’abonné est prié d’indiquer à la fois son ancienne et sa nouvelle adresse (avec le code postal). Rédacteur en chef Gérard Amarenco Hôpital Rothschild 33, boulevard de Picpus, 75271 Paris cedex 12 Soumission des articles en ligne : Site web : http://springer.fontismedia.com/pel/ Édition – Promotion Springer-Verlag France Pelvi-périnéologie 22, rue de Palestro, F-75002 Paris, France Tél. : +33 (0)1 53 00 98 60, Fax : +33 (0)1 53 00 98 61 e-mail : [email protected] Directeur de publication Guido Zosimo-Landolfo Responsable d’édition : Méline Berthelot e-mail : [email protected] Secrétariat de rédaction : Anne Desmortier e-mail : [email protected] Publicité et partenariats : K. Pech assistée par I. Fauveau Tél. : +33 (0)1 53 00 98 73/74 e-mail : [email protected] e-mail : [email protected] Chef de projets partenariats : Sylvie Fillettaz e-mail : sylvie.fi[email protected] Impression Jouve (Paris, France) D.L. 2007 - N° 63862 Ownership and Copyright © Springer-Verlag France 2007 CPPAP : 0608T 88082 Imprimé en France Numéro de revue : 11608 ISSN version papier : 1778-3712 ISSN version électronique : 1778-3720 Springer is a part of Springer Science+Business Media springeronline.com Pelv Perineol (2007) 2: 1–2 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0109-1 ÉDITORIAL / EDITORIAL Vers un « déchocage » de nos disciplines en pelvi-périnéologie B. Deval Maternité régionale, 10, rue du Docteur-Heydenreich, F-54000 Nancy, France Notre champ diagnostique et thérapeutique est actuellement réduit au programme cloisonné de nos disciplines. Notre activité nous conduit à une répétitivité des conduites diagnostiques et des actes, alors que la pelvi-périnéologie, exemple de multidisciplinarité, devrait étendre notre niveau de pratique. Sommes-nous limités dans notre niveau d’activité ? Existe-t-il une réelle application de la multidisciplinarité en pelvi-périnéologie en France ? L’hyperspécialiste est-il le garant de l’efficacité du geste ? Vers quelle formation devons-nous tendre ? Si nous optons pour une rupture des barrières de spécialité, notre champ d’action rendrait-il notre discipline plus attractive ? Devons-nous privilégier la multifonctionnalité ou la multidisciplinarité ? État des lieux Prenons quelques exemples : le docteur H., urologue diplômé, souhaite, dans le cadre de son activité chirurgicale, traiter un prolapsus génito-urinaire. L’une des recommandations de la conservation utérine est de s’assurer par le biais d’une hystéroscopie diagnostique qu’il n’existe pas de lésion bénigne ou précancéreuse utérine contreindiquant tout geste de conservation. Or le docteur H. n’a pas l’habilitation pour effectuer l’endoscopie utérine, son activité est donc limitée par un défaut d’attribution de compétences ; le docteur L. est médecin neurorééducateur reconnu dans sa discipline. Il suit les femmes incontinentes et connaı̂t parfaitement cette pathologie. Il en effectue le bilan régulièrement ; malheureusement, son champ de compétence s’arrête à l’établissement du diagnostic. Il se voit donc dans l’obligation de passer la main pour des gestes de première intention (obturateurs urétraux, injection d’acide hyaluronique ou autres) qu’il pourrait lui-même réaliser ; le docteur S. est coloproctologue, il s’intéresse aux troubles de la statique pelvi-périnéale ; son métier est d’en faire le diagnostic et le traitement. Il suit une femme souffrant d’une incontinence urinaire et anale. Il pourra assurer la réparation du sphincter anal mais sera limité dans le traitement chirurgical de son incontinence urinaire ; enfin, le docteur P., gynécologue, lui aussi s’intéresse aux troubles de la statique pelvienne. Il connaı̂t le mode de traitement des vessies hyperactives ou des cystites interstitielles. Habitué à effectuer des gestes de réparation de statique pelvienne, il aimerait que son champ de compétence puisse s’étendre à l’injection endoscopique de toxine, la mise en place de neuromodulateurs sacrés ou prescrire l’Elmiron®. Ces quatre exemples illustrent la réalité de notre pratique, le passage de témoin est facilité dans des centres d’hyperspécialistes, il n’est pas sûr qu’à distance de ces centres, l’application de la multidisciplinarité soit d’une application aisée. L’aspect multidisciplinaire de la pelvi-périnéologie est actuellement incontournable, cependant nous n’avons, à l’heure actuelle, aucune information sur son application en France. Il n’est pas certain que la majorité des centres de CHU, riches d’internes de spécialité, de médecins hospitaliers plein temps ou de médecins hospitalo-universitaires fonctionnent en interactivité avec d’autres disciplines. Quant aux CHR ou centres d’activité libérale, la multidisciplinarité y reste dépendante des connexions humaines et de disponibilité. Courbe d’apprentissage, répétitivité et sécurité La répétitivité d’un geste en garantit-elle la sécurité ? Il existe de nombreuses publications sur la courbe d’apprentissage, elles définissent un nombre limité de gestes, permettant de déterminer un « cut-off » de 2 dangerosité et d’efficacité. Cet aspect rationnel nous conduirait à penser qu’au-delà d’un nombre prédéfini de procédures, le risque de complications serait de zéro, le pourcentage de patient(e)s guéri(e)s serait de 100 %. Or, il n’en est rien : il existe quel que soit l’opérateur un facteur d’échec en termes de morbidité et d’efficacité, la garantie du résultat est sûrement dépendante de l’opérateur, mais pas seulement. C’est en ce sens que la multifonctionnalité pourrait ouvrir une nouvelle voie à notre pratique et à l’application clinique de la pelvi-périnéologie. Vers une modification de la maquette d’enseignement Prenons l’exemple de la gynécologie. Outre-Manche, outre-Atlantique, l’interne de spécialité en gynécologie suit pendant ses deux premières années un tronc commun. Une fois ses années passées, il doit faire un choix en fonction de ses appétences. Il devient alors spécialiste en oncologie, en procréation médicalement assistée, en diagnostic prénatal, en pelvi-périnéologie. M. Fynes, chef de service de chirurgie de reconstruction pelvi-périnéale, du Saint-Georges Hospital à Londres, s’étonne à chacune de nos rencontres de notre mode de formation et de pratique, surprise que nous puissions prétendre être spécialistes de pelvi-périnéologie, si dans notre activité clinique nous soignons pêle-mêle des femmes infertiles, cancéreuses ou porteuses de grossesse ? Alors peut-être faut-il s’inspirer du mode de fonctionnement anglo-saxon privilégiant la surspécialité et abandonner l’aspect « généraliste » de notre formation et de notre pratique. Si la volonté affichée est effectivement de tendre vers un décloisonnement de nos disciplines, osons définir des terrains de stage une fois l’étudiant décidé à prendre les rênes de notre pratique. À l’heure d’une raréfaction des internes de spécialité en chirurgie digestive et en gynécologie obstétrique, cette extension pourrait rendre une attractivité certaine aux disciplines déchues. Nous sommes quelquesuns à penser qu’il faut tendre vers ce décloisonnement et vers une multicompétence puisque la multidisciplinarité connaı̂t ses limites et ses interrogations. Il est insuffisant d’espérer pour être novateurs, osons mettre en pratique nos convictions et donnons une véritable image de progrès et d’évolutivité. Pelv Perineol (2007) 2: 3–11 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0100-x ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Du TVM au Prolift® (Gynecare) : évolution d’une technique de renfort prothétique pour la cure de prolapsus par voie vaginale à propos d’une série multicentrique rétrospective de 794 patientes (684 TVM/110 Prolift®) J. Amblard 1 , M. Cosson 2 , C. Dabadie-Louasil 1 , P. Debodinance 3 , B. Fatton 1 , B. Jacquetin 1 1 2 3 CHU Clermont-Ferrand, Maternité Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand CHU de Lille, Hôpital Jeanne-de-Flandre, 2, avenue Oscar-Lambret, 59000 Lille Hôpital général de Dunkerque, 130, avenue Louis-Herbeaux, 59240 Dunkerque Résumé : Objectif : Apprécier les résultats à court terme du traitement du prolapsus par voie vaginale avec le dispositif Prolift® (Gynecare) en les comparant aux résultats obtenus avec l’étude de faisabilité de la technique « TVM » (Trans Vaginal Mesh) le précédant. Maté riel et mé thodes : Il s’agit d’un travail rétrospectif étudiant les résultats de l’évolution d’une technique de sa conception jusqu’à l’utilisation d’un dispositif chirurgical finalisé. De novembre 2002 à décembre 2004, 684 patientes au sein de sept centres ont été opérées avec la technique TVM au cours de sa phase d’évaluation. Depuis mars 2005, avec l’apparition du dispositif Prolift®, les 110 premières patientes opérées dans trois centres sont colligées et leurs résultats sont comparés à ceux préalablement obtenus. Toutes les patientes incluses ont au moins un élément de prolapsus de degré 3 (à la vulve) en préopératoire. Dans le groupe TVM, 16,7 % avaient un antécédent chirurgical de cure de prolapsus, 24,3 % présentaient un antécédent d’hystérectomie ; le suivi moyen était de 3,6 mois (2-18). Dans le groupe Prolift : 22 patientes (20 %) ont un ou plusieurs antécédents de chirurgie pour prolapsus, 31 patientes (28,1 %) ont un antécédent d’hystérectomie ; le recul est de trois mois minimum. Dans tous les cas, l’intervention consiste en la mise en place d’un treillis prothétique de polypropylène monofilament tricoté par voie vaginale (soft Prolene® [Gynecare]) : la prothèse antérieure est prolongée de quatre bras passés par voie transobturatrice, la prothèse postérieure est prolongée de deux bras qui sont fixés au ligament sacroépineux ou passés à travers par voie transglutéale. Pour le groupe TVM, 15,8 % des patientes ont bénéficié d’une cure de prolapsus par prothèse antérieure seule, 14,8 % par Correspondance : E-mail : [email protected] prothèse postérieure seule, 69,4 % par prothèse antéropostérieure. Dans le groupe Prolift, on retrouve 20 % de prothèse antérieure isolée, 26,3 % de prothèse postérieure, 53,6 % de prothèse totale (antérieur + postérieur). Ré sultats : Les taux de complications semblent légèrement inférieurs dans le groupe Prolift : peropératoires 0,9 contre 2,05 %, et postopératoires 1,8 contre 2,63 %. Le taux global d’érosion apparaı̂t également inférieur à trois mois avec le dispositif final, il passe de 11,3 à 4,7 %. Cependant, 50,3 % des patientes avaient bénéficié d’une hystérectomie simultanément à la cure de prolapsus lors de la phase d’évaluation alors qu’à présent le choix de la conservation utérine est fait dans 81 % des cas. Le taux d’échec défini par la récidive d’un prolapsus symptomatique et/ou de degré 3 (à la vulve) ou quatre (extériorisé), quant à lui, est également meilleure passant de 5,3 % (36 récidives) à 4,7 % (5 cas). Conclusion : Ces résultats préliminaires de la technique Prolift dans la cure de prolapsus par voie vaginale confirment la faisabilité et la faible morbidité per- et postopératoire immédiate de la technique TVM initialement décrite. L’emploi d’un dispositif adapté semble améliorer ses résultats. Le taux d’exposition prothétique est maintenant très réduit, inférieur à 5 %, proche de celui rapporté après promontofixation. Les résultats sur la statique pelvienne semblent encourageants avec un risque de récidive également inférieur à 5 %. Ces résultats devront maintenant être évalués avec un recul plus important et comparés aux autres techniques comme la promontofixation au sein d’études randomisées. Mots clés : Complications – Exposition prothétique – Prolapsus urogénital – Prolift® – récidive – TVM 4 From TVM to Prolift® (Gynecare): the development of a technique for the treatment of pelvic prolapse by vaginal route using a prosthetic support, based on a multicenter, retrospective study of 794 patients (684 TVM/110 Prolift) Abstract: Objective: To assess the short-term outcomes of the treatment of pelvic prolapse by vaginal route with the Prolift ® (Gynecare) device, by comparing the outcomes with those of a previous feasibility study of the transvaginal mesh (TVM) technique. Materials and methods: This is a retrospective study assessing the results of the development of a surgical technique, from its design to its final use as a surgical device. From November 2002 to December 2004, 684 patients in seven medical centres underwent TVM surgery during the technique’s evaluation phase. Starting with the release of the Prolift device in March 2005, the outcomes of the first 110 patients treated were combined and compared to previously recorded cases. All the patients had at least one manifestation of preoperative, third-degree pelvic prolapse (to the vulva). In the TVM group, 16.7% had undergone previous prolapse surgery, and 24.3% had had a hysterectomy; the average follow-up was 3.6 months (2-18). In the Prolift group, 22 patients (20%) had had one or more surgical interventions for prolapse, while 31 (28.1%) had undergone a hysterectomy; the follow-up was a minimum of three months. In all cases, the procedure consisted in inserting a knitted, polypropylene, monofilament mesh implant by vaginal route (soft Prolene® from Gynecare): the anterior implant has four strap-like extension arms positioned through the transobturator route, while the posterior implant has two extension arms that are attached to the sacrospinatus ligament or positioned using the transgluteal approach. In the TVM group, 15.8% of the patients received an anterior implant alone, 14.8% a posterior implant alone, and 69.4% both anterior and posterior. In the Prolift group, 20% received the anterior implant alone, 26.3% the posterior alone, and 53.6% both. Results: The rate of complications was slightly lower in the Prolift group-0.9% peroperative compared to 2.05%, and 1.8% postoperative compared to 2.63%. At 3 months, the overall rate of erosion also appeared lower; with the final implant device, it dropped from 11.3% to 4.7%. Nonetheless, during the evaluation phase, 50.3% of the patients received a hysterectomy at the same time as the prolapse treatment, although conservation of the uterus is currently the choice in 81% of cases. The failure rate, determined by the recurrence of symptomatic and/or third- (to the vulva) or fourth-degree (protrusion) prolapse, was also lower, dropping from 5.3% (36 recurrences) to 4.7% (5 recurrences). Conclusion: These preliminary results of using the Prolift technique to treat pelvic prolapse by vaginal route confirm the feasibility and low peroperative and post- operative morbidity immediately following the TVM first described. The use of an adapted device appears to improve the outcome. The rate of exposure of the mesh device is now much lower, less than 5% and similar to that reported after promontofixation. The results regarding pelvic statics are encouraging, demonstrating a less than 5% risk of recurrence. The results must now be assessed over a longer period of time and compared to other techniques, such as promontofixation, through randomized studies. Keywords: Complications – Implant exposure – Urogenital prolapse – Prolift® – Recurrence – TVM Introduction Le prolapsus des organes pelviens de la femme est un trouble de la statique pelvi-périnéale fréquent. Il constitue un véritable problème de santé publique notamment en terme de prise en charge. Aux États-Unis, le risque pour une femme de développer une IUE ou un prolapsus génital est évalué entre 9 et 11,1 % [1,2]. Par ailleurs, la chirurgie des troubles du prolapsus est exposée à un risque important d’échecs : près de 30 % d’entre elles nécessiteraient la réalisation de multiples interventions pour prolapsus [2-4]. D’ailleurs, l’enquête observationnelle prospective de Clark [5] qui concerne 376 femmes opérées de prolapsus et d’incontinence urinaire suivies pendant cinq ans, révèle que 13 % des patientes sont réopérées dans les 71 mois et pour Whiteside [6], 58 % des patientes opérées de prolapsus présenteront une récidive au contrôle à un an. L’utilisation de tissus natifs souvent de qualité insuffisante serait souvent la cause d’une grande majorité des échecs des procédures chirurgicales traditionnelles [7]. La promontofixation avec interposition d’un treillis prothétique antérieur et postérieur semble être le gold standard dans la prise en charge des prolapsus du dôme vaginal avec notamment l’apport de la cœlioscopie [4,8], néanmoins les dernières publications et notamment l’étude prospective randomisée de C. Maher [9-11] rapportent des résultats comparables au niveau de la statique de l’étage moyen avec la sacrospinofixation par voie vaginale. La réparation du prolapsus de l’étage antérieur en revanche reste le point faible de la chirurgie vaginale avec un taux de récidive de cystocèle variant en moyenne de 30 à 50 % selon les techniques, les reculs et les auteurs.... Si par le passé, seuls quelques chirurgiens vaginalistes ont eu recours à un renforcement prothétique pour optimiser les résultats anatomiques avec des résultats peu convaincants [12], depuis 1996, suite aux bons résultats et surtout la bonne tolérance du TVT [13], de plus en plus d’opérateurs ont décrit des techniques utilisant de tels matériaux. De nombreuses publications font part de larges plaques synthétiques utilisables par voie vaginale employées pour renforcer et/ou se substi- 5 tuer aux tissus natifs déficients. C’est dans cet état d’esprit qu’en juin 2000 naissait le groupe « TVM » constitué d’un groupe de neuf chirurgiens gynécologues, intéressés par la statique pelvienne. Leur objectif était d’aboutir à la mise au point d’un matériel et de la standardisation d’une technique de cure chirurgicale du prolapsus urogénital par la voie vaginale. Cette technique TVM (Tension free Vaginal Mesh) publiée en 2004 [14] correspond à une intervention standardisée et reproductible, intégrant certains des acquis fondamentaux de la chirurgie vaginale : les données anatomophysiopathologiques modernes bien décrites par JOL Delancey, la fiabilité de la sacrospinofixation, la bonne tolérance du polypropylène par voie vaginale, l’innocuité de la voie transobturatrice [15] et de la voie transglutéale [16]. Elle a d’abord fait l’objet d’une phase d’évaluation de cinq ans avant d’être secondairement améliorée puis commercialisée sous le label « Prolift ». Le but de ce travail est de comparer les résultats préliminaires de cette technique actuellement finalisée à ceux obtenus dans la phase d’évaluation en espérant confirmer la faisabilité et la faible morbidité en termes de complications per et postopératoires en les rapportant aux résultats anatomiques précoces obtenus. Matériel et méthodes De novembre 2002 à décembre 2004, 684 patientes dans sept centres différents (Brive-la-Gaillarde, Clermont-Ferrand, Dunkerque, Lille, Nice, Rouen, Strasbourg) ont été opérées avec la technique TVM au cours de sa phase d’évaluation. En mars 2005, le dispositif Prolift® (Gynecare) est commercialisé ; les 110 premières patientes opérées à l’aide de celui-ci dans seulement trois des précédents centres (maternité de l’hôtel-Dieu du CHU de Clermont-Ferrand, hôpital Jeanne-de-Flandre du CHU de Lille, et hôpital général de Dunkerque) sont donc colligées pour que leurs résultats soient comparés à ceux préalablement obtenus. Le consentement des patientes est obtenu verbalement avant l’intervention après une description loyale et détaillée de la technique, de ses risques et de ses bénéfices escomptés. Dans les deux groupes, toutes les patientes bénéficient d’une évaluation préopératoire complète incluant un interrogatoire spécifique, un examen clinique et un examen cytobactériologique des urines. Le bilan urodynamique était effectué en fonction des habitudes de chaque centre et de façon systématique lorsque la patiente présentait des troubles urinaires. De même, des examens d’imagerie (échographie pelvienne ou IRM abdominopelvienne) pouvaient être demandés afin de confirmer ou d’affiner le diagnostic. Le stade du prolapsus est évalué en position couchée lors d’une manœuvre de Valsalva et est exprimé selon la classification française en quatre stades : le stade 1 désigne un prolapsus qui atteint le premier tiers du vagin, le stade 2 un prolapsus qui atteint le deuxième tiers du vagin, le stade 3 un prolapsus à la vulve et le stade 4 un prolapsus extériorisé. Toutes les patientes de l’étude ont au moins un élément de prolapsus au stade 3 ou 4. Elles bénéficient d’une estrogénothérapie locale deux à trois mois avant la chirurgie. La patiente est placée en position gynécologique, les jambes fléchies à environ 90 . Un badigeonnage soigneux du champ opératoire est réalisé en début de procédure, de même qu’un examen cytobactériologique des urines. Une sonde vésicale est laissée en place pendant toute l’intervention et conservée 24 heures après la chirurgie. Une antibioprophylaxie peropératoire est systématique mais n’est pas poursuivie sauf circonstances particulières. Les interventions sont réalisées selon une technique standardisée (TVM ou Prolift) sous anesthésie générale ou locorégionale. Selon les données des évaluations pré- et peropératoire, des gestes complémentaires sont réalisés dans le même temps opératoire si nécessaires, tels qu’une hystérectomie vaginale, une sacrospinofixation, une réparation postérieure ou le traitement d’une IUE... L’évaluation postopératoire comprend un interrogatoire détaillé et un examen clinique : un recul minimum de trois mois est imposé. La ré cidive de prolapsus est définie par la constatation d’un élément de prolapsus au stade 3 ou 4 dans les conditions classiques d’examen même si la patiente est asymptomatique. Un é chec est défini soit par la constatation d’une récidive soit par l’existence d’un prolapsus symptomatique quel que soit son stade. Technique chirurgicale Les patientes du premier groupe ont toutes été opérées selon la technique opératoire standardisée « TVM » utilisant une prothèse de polypropylène monofilament microporeuse à faible grammage, le Soft Prolene® Fig. 1. Prototype TVM 6 Fig. 2. Kit Prolift (Gynecare®) (Gynecare), découpée en peropératoire selon un gabarit standard dans une plaque de 10 cm 15 cm dans les premiers temps puis prédécoupée en usine en fin d’étude (Fig. 1). Les patientes du deuxième groupe ont toutes bénéficié du kit Prolift® (Gynecare) associant une prothèse de Soft Prolene prédécoupée et un dispositif de pose à usage unique (Fig. 2) ; ce dispositif spécifique (canules, aiguilles, dispositif de retrait) a été conçu pour faciliter le passage des bras prothétiques à travers les tissus, réduire les risques de déchirure des structures musculaires et ligamentaires traversées et permettre un placement optimal de la prothèse [17]. Dans les deux cas, la dissection préalable à la pose est équivalente, bien que moins invasive dans le groupe Prolift du fait des tunneliseurs limitant l’utilisation des valves. Dans tous les cas, la prothèse pouvait être utilisée : – de façon monobloc (Fig. 3), en cas d’antécédent d’hystérectomie ou d’hystérectomie associée, la partie intermédiaire de la prothèse étant positionnée en arrière de l’apex vaginal (les ligaments utérosacrés ou les ligaments cardinaux peuvent être interposés entre le treillis et le vagin pour réduire les risques d’exposition) ; – en deux parties pour une cure complète avec conservation utérine ; – ou n’utilisant uniquement que la prothèse adaptée (antérieure ou postérieure) en cas de réparation isolée. La partie antérieure de la prothèse présente quatre bras latéraux passés par voie transobturatrice, en s’inspirant de la technique décrite par Delorme [15]. La partie postérieure de la prothèse présentait, quant à elle, deux bras latéraux amarrés aux petits ligaments sacrosciatiques ou passés à travers ceuxci, par la voie transglutéale décrite par Petros [18]. La cure de cystocèle débute par une infiltration de Xylocaı̈ne® adrénalinée à 2 %, diluée à 50 % dans du sérum physiologique permettant une hydrodissection de la paroi vaginale et de la paroi vésicale. La colpotomie est transversale avec dissection vésicale à rétro en cas d’hystérectomie concomitante, sinon médiane remontant Fig. 3. Prothèse Prolift monobloc Fig. 4. Prothèse antérieure en place jusqu’à 2 cm du col vésical dans les autres cas. La dissection est étendue latéralement en prenant soin de laisser le fascia pubovésical de Halban adhérent au vagin pour limiter les risques d’exposition du treillis ; elle réalise une ouverture large des fosses paravésicales dégageant tout le trajet de l’arc tendineux du fascia pelvien (ATFP) du pubis à l’épine sciatique. C’est par là que les quatre bras de prothèse antérieure seront passés, puisque le pédicule obturateur est largement à distance : ce dernier longe en effet la branche iliopubienne [19]. On incise ensuite la peau au niveau des futurs orifices de sortie des bras de la prothèse au niveau des plis génitocruraux : deux orifices à hauteur du méat urétral et deux orifices plus externes de 1 et 2 cm plus postérieurs. Pour le groupe TVM, la vessie est réclinée vers la ligne médiane à l’aide d’une valve de Breisky, l’aiguille de Emmet perfore de l’extérieur vers l’intérieur l’aponévrose obturatrice, sous contrôle de l’index de la main opposée introduit dans la fosse paravésicale homolatérale. Les bras de la 7 prothèse sont ensuite passés dans son chas puis tractés vers l’extérieur. Les bras postérieurs de la prothèse antérieure passant en avant des épines sciatiques. Pour le groupe Prolift, les guides munis des canules vont alors perforer les structures musculoaponévrotiques puis l’ATFP à 1 cm de son extrémité distale pour les bras superficiels et 1 à 2 cm en avant de l’épine sciatique pour les bras profonds ; le guide est ensuite retiré et le dispositif de récupération est glissé à l’intérieur de la canule pour permettre le passage des bras prothétiques. La prothèse est ensuite étalée devant la vessie par traction douce sur ses bras en « tension free » (Fig. 4). Si l’hystérectomie n’est pas réalisée simultanément, la partie postérieure de la prothèse doit être amarrée à l’isthme utérin par un point non résorbable. Il n’est pas réalisé de colpectomie et le vagin est refermé par un surjet de monofilament résorbable. La cure d’élytrorectocèle débute de même par une infiltration première de l’espace sous-vaginal par une solution vasoconstrictive diluée pour faciliter la dissection entre paroi vaginale et rectale, et réduire les saignements. La colpotomie peut être médiane ou la dissection à rétro à partir de la colpotomie transversale initiale et d’une contreincision transversale périnéale. La dissection se poursuit par l’ouverture de part et d’autre du rectum des fosses pararectales jusqu’à dégager le ligament sacroépineux. La peau est incisée au niveau des orifices de sortie des bras de la prothèse postérieure à 3 cm en dehors de la ligne médiane et 3 cm en arrière d’une ligne horizontale passant par le bord antérieur de l’anus. Dans le groupe TVM, une aiguille type Cousin est introduite par l’incision fessière de l’extérieur vers l’intérieur, sous contrôle du toucher par l’index de la main opposée, introduit dans la fosse pararectale homolatérale par voie transglutéale, elle transfixie le ligament sacroépineux dans sa partie médiane. Les bras de la prothèse sont ensuite passés dans son chas puis tractés vers l’extérieur sous contrôle d’une à plusieurs valves. Dans la série Prolift, c’est le tunneliseur qui est employé de la même façon, l’aiguille est retirée une fois le ligament perforé pour laisser place au récupérateur qui permet d’extérioriser la prothèse dans le tunneliseur protégeant ainsi les parties molles du risque de lacération lors du réglage de la tension par un effet « poulie » : tout ce geste est réalisé sous contrôle palpatoire et ne nécessite pas de valves. Il est à noter que dans les deux groupes une fixation directe au ligament, équivalent d’un « Richter », pouvait être réalisée (rarement usitée dans le groupe Prolift). La prothèse est étalée sans tension au-dessus du plan rectal, les bords latéraux étant appuyés contre la face supérieure des muscles élévateurs de l’anus (Fig. 5). De la même façon qu’en avant, en cas de conservation utérine, la prothèse est fixée à la face postérieure de l’isthme utérin par un fil non résorbable. Il n’est pas réalisé de colpectomie et le vagin est refermé par un surjet simple au fil résorbable. Dans tous les cas, en fin d’intervention, un toucher rectal contrôle la tension du treillis postérieur et vérifie l’intégrité du rectum. En cas d’antécédent d’hystérectomie la prothèse est mise en place de façon monobloc. La partie intermédiaire de la prothèse est positionnée en arrière de l’apex vaginal. Les ligaments utérosacrés ou les ligaments cardinaux peuvent être interposés entre le treillis et le vagin pour réduire les risques d’exposition. En cas de réparation isolée, antérieure ou postérieure, on utilisera uniquement la prothèse adaptée. En cas d’incontinence urinaire d’effort associée au prolapsus, celle-ci était traitée par TVT ou TVT-O (Gynecare®), selon les techniques habituelles. La sonde urinaire de Foley et une mèche vaginale iodoformée étaient maintenues pendant 24 heures. La surveillance des résidus postmictionnels est assurée jusqu’à ce que les RPM soient inférieurs à 100 ml. Résultats Population globale Lors de la phase d’évaluation du TVM, 684 patientes consécutives ont été incluses entre 10/2002 et fin 2004 dans sept centres. En mars 2005, le dispositif finalisé Prolift® est commercialisé, les 110 premières patientes opérées à l’aide du kit sont colligées dans trois centres et leurs résultats sont comparés à ceux préalablement obtenus. Toutes les patientes incluses ont au moins un Tableau I. Antécédents chirurgicaux des patientes Fig. 5. Prothèse postérieure en place Anté cé dents TVM (%) Prolift (%) Antécédent d’hystérectomie Antécédent chirurgical de cure de prolapsus Antécédent chirurgical de cure d’IUE 24,3 16,7 28,1 20 11,1 23,6 8 Tableau III. Complications des procédures Tableau II. Gestes réalisés Prothèse antérieure seule Prothèse postérieure seule Prothèse antéropostérieure Hystérectomie concomitante Cure d’IUE associée TVM Prolift Complications TVM 108 (15,8%) 101 (14,8%) 475 (69,4%) 344 (50,3%) 280 (40,9%) 20 (22%) 29 (26,3%) 59 (53,6%) 15 (18,9%) 45 (40,9%) Complications peropé ratoires Hémorragies peropératoires Plaie vésicale Plaie rectale Érosion rectale 2,05 % (n = 684)0,9 % (n = 110) 7 5 1 1 1 Complications postopé ratoires pré coces Hématomes pelviens Abcès périnéaux Fistule vésicovaginale Fistule rectovaginale Cellulite pelvienne 2,6% (n = 684) 1,8% (n = 110) élément de prolapsus de degré 3 (à la vulve) en préopératoire. Le suivi moyen était de 3,6 mois, allant de 2 à 18 mois pour le groupe TVM alors que le recul moyen est de 25 semaines avec un recul minimal exigé de 12 semaines (seules 106 auront un suivi complet suffisant). Les groupes sont superposables en termes d’âge moyen 63,5 ans (30-94) contre 63,2 ans (29-90) et de statut hormonal, 84,3 % de femmes ménopausées contre 84,5 % respectivement pour TVM et Prolift. Les antécédents chirurgicaux se déclinent dans le tableau I. Donné es opé ratoires Dans le groupe TVM, la répartition des gestes opératoires s’effectue de la façon suivante : – 108 patientes présentant une cystocèle isolée ont bénéficié d’une cure de prolapsus par prothèse antérieure seule, soit 15,8 % des cures de prolapsus de la série ; – 101 patientes présentant une rectocèle isolée ont bénéficié d’une cure de leur prolapsus par prothèse postérieure seule, soit 14,8 % des cures de prolapsus de la série ; – 475 patientes présentant un prolapsus intéressant plusieurs compartiments simultanément ont bénéficié d’une cure de leur prolapsus par prothèse antéropostérieure, soit 69,4 % des cures de prolapsus de la série ; – 344 (50,3 %) ont eu une hystérectomie concomitante ; – 280 (40,9 %) ont bénéficié d’un geste urinaire associé. Pour le groupe Prolift, la répartition est quelque peu différente, tant en termes de localisations des prothèses (20 % de prothèse antérieure isolée, 26,3 % de prothèse postérieure, 53,6 % de prothèse totale) qu’en termes d’hytérectomie associée (15 soit 18,9 %) ; seul le taux de cure d’incontinence réalisée est équivalent (40,9 %) (Tableau II). Complications postopé ratoires tardives Exposition prothétique Rétraction prothétique Récidive de prolapsus Incontinence de novo Prolift 13 2 1 1 1 2 (n = 684) (n = 106) 77 (11,3%) 80 (11,7%) 36 (5,3%) 37 (5,4%) 5 (4,7%) 18 (17%) 5 (4,7%) 5 (4,7%) complications peropératoires ont été notées au cours de la phase d’évaluation (sept hémorragies peropératoires, cinq plaies vésicales, une plaie rectale, une érosion rectale) pour une seule plaie de vessie, diagnostiquée et suturée pendant l’intervention et sans conséquence sur le choix technique et tactique, dans le groupe Prolift. Aucun cas d’hémorragie peropératoire supérieure à 300 ml ou de plaie rectale n’a été enregistré. Complications postopé ratoires pré coces Les complications postopératoires précoces sont très légèrement plus élevées dans la phase d’évaluation mais restent à un taux relativement faible 2,63 % (1,32 % d’entre elles ont nécessité une reprise chirurgicale). Il a été retrouvé : – 13 hématomes pelviens (1,90 %) ; – deux abcès périnéaux (0,29 %) ; – une fistule vésicovaginale (0,15 %) à 9,5 mois en période postopératoire ; – une fistule rectovaginale (0,15 %) ; – une cellulite pelvienne (0,15 %), ayant nécessité une reprise chirurgicale pour ablation de la prothèse infectée, drainage, antibiothérapie intraveineuse adaptée à l’antibiogramme et oxygénothérapie hyperbare. Dans les patientes opérées avec le kit Prolift®, seuls deux hématomes profonds ont nécessité un drainage chirurgical respectivement à deux et huit jours (1,8 %) ; aucune autre complication n’est à déplorer. Complications (résumées dans le tableau III) Complications postopé ratoires tardives Complications peropé ratoires Exposition prothétique Le taux de complications semble légèrement inférieur dans le groupe Prolift : 0,9 contre 2,05 %. En effet, 14 Le taux global d’exposition apparaı̂t également inférieur à trois mois avec le dispositif final, il passe de 11,3 à 4,7 %. 9 Pour la phase TVM, 77 granulomes ou érosions vaginales avec exposition prothétique ont été retrouvés, soit 11,3 % des patientes. Seuls 46 granulomes ou érosions vaginales avec exposition prothétique ont nécessité une prise en charge chirurgicale, soit 6,7 % des patientes. Le traitement médical seul a été suffisant dans 42,1 % des cas restants, il consiste en l’administration d’un traitement antiseptique par voie vaginale en cas d’infection manifeste ou d’estrogènes par voie vaginale. Pour le groupe Prolift, deux cas d’exposition de prothèse ont nécessité une résection partielle du treillis sous courte anesthésie générale. Dans les trois autres cas, un traitement médical a permis d’obtenir un recouvrement parfait de la prothèse. Rétraction prothétique Le taux brut de rétraction ne semble pas être modifié par le changement de dispositif (nous y reviendrons dans la discussion) : 11,7 % (80/684) rétractions prothétiques par rapport 17 % (18/106). Cependant, 19 rétractions appartenant au groupe TVM ont nécessité une prise en charge chirurgicale, soit 2,8 % des patientes alors qu’aucune n’a jusque-là été réopérée dans le groupe Prolift. Récidive de prolapsus Tout prolapsus symptomatique quel que soit le stade et tout prolapsus stade 3 ou 4 même asymptomatique sont considérés comme des échecs. Le chiffre de récidives de prolapsus passe de 5,3 % (36/684) à 4,7 % (5/106). Parmi les cinq qui ont récidivé avec le Prolift, une récidive vraie est constatée chez quatre patientes : – une patiente a développé une cystocèle asymptomatique de degré 3 après un Prolift postérieur isolé et n’a pas nécessité de reprise chirurgicale avec un recul de neuf mois ; – une patiente avec un antécédent de chirurgie pour IUE et qui a bénéficié d’une réparation complète sans geste urinaire associé, a une cystocèle de degré 3 persistante après la chirurgie. Cette patiente a été réopérée pour cure de cystocèle et mise en place d’un TVT-O dans le même temps opératoire : – deux patientes ont une hystérocèle de degré 4 persistante après une réparation par Prolift postérieur simple. Au début de notre expérience la fixation de la prothèse sur le col utérin était réalisée au fil résorbable et ces deux échecs précoces nous ont fait préférer une fixation au fil non résorbable. Une patiente présente une cystocèle symptomatique de stade 2 et est donc considérée comme un échec. Il s’agissait d’une « hernie » du bas-fond vésical apparue au niveau de la région du col, après rétraction de la partie ventrale d’un Prolift antérieur. Cette cystocèle limitée et « suspendue » a nécessité une reprise chirurgicale en raison de la dysurie dont elle était responsable : l’intervention a consisté en un renforcement prothétique limité à la zone concernée par un patch de polypropylène découpé à la demande et sécurisé simplement au treillis de Prolift initial et a été suivie de la disparition de la dysurie. Incontinence de novo Trente-sept incontinences urinaires d’effort de novo, soit 5,4 % des patientes après TVM contre cinq patientes (4,7 %) ont une IU de novo. Discussion La faible morbidité de la voie vaginale est clairement reconnue ; c’est d’ailleurs le standard pour le traitement du prolapsus de la femme âgée au détriment de l’approche abdominale et à un degré moindre cœlioscopique. Si Benson [11,20] retrouve une morbidité équivalente entre voie vaginale et abdominale, la plupart des auteurs confirment sur ce point la supériorité de la voie vaginale [21,22]. Bensinger et al. [23] retrouvent dans leur série de 121 promontofixations un taux de complications peropératoires de 2,5 % (deux plaies vésicales et une digestive), de complications postopératoires plus élevées que dans notre série : occlusion/subocclusion 3,5 %, fiévre inexpliquée 9,6 %, transfusions 1,7 %. Les bons résultats en termes de complications per- et postopératoires du TVM mais surtout du Prolift sont très rassurants. En effet, la technique chirurgicale employée nécessite une large ouverture des fosses paravésicales et pararectales qui n’apparaı̂t pas accroı̂tre le risque opératoire. L’utilisation d’un dispositif adapté pourrait expliquer la différence du taux des deux groupes au bénéfice du Prolift : les tunnelliseurs et les dispositifs de récupération réduisent l’utilisation des valves, et donc le risque de dilacérations inhérentes à leur emploi. Dans notre expérience, le passage au Richter palpatoire à la pince Endostich avait apporté les mêmes améliorations. Le taux d’exposition prothétique au cours de la procédure Prolift est très faible par rapport aux chiffres habituellement rapportés dans l’utilisation des prothèses par voie vaginale de 5 à 45 % [20,24]. L’utilisation du kit participe sans doute à la réduction du taux d’érosion (traumatismes tissulaires limités, risque de contamination bactérienne diminué) par rapport aux patientes TVM. Cependant, cette différence presque du simple au double s’explique aussi par l’évolution d’une technique et la détermination de facteurs de risque progressivement supprimés au cours de la phase d’évaluation et bien évidemment pour cette phase de finalisation. Pour l’emploi de prothèses par voie vaginale, l’analyse des complications a clairement mis en évidence le rôle délétère de l’hystérectomie en termes d’exposition (pratiquement du simple au double en termes de fréquence avec un OR = 3,15 [1,03-9,62]) : c’est pourquoi 50,3 % des 10 patientes avaient bénéficié d’une hystérectomie simultanément à la cure de prolapsus lors de la phase d’évaluation alors qu’à présent le choix de la conservation utérine est fait dans 81 % des cas. D’autres attitudes ont également évolué : infiltration systématique en début d’intervention, réduction de la taille des incisions, nonréalisation d’incision de Crossen quand l’hystérectomie est nécessaire (on lui préfère une dissection rétrograde en antérieur), absence de colpectomie. Le taux actuel d’exposition est proche de ceux publiés avec la promontofixation par voie haute. Nygaard [25] dans une revue de littérature en langue anglaise rapporte un taux d’érosion de 3,4 % avec des reculs le plus souvent compris entre six mois et trois ans. Le taux brut de rétraction ne semble pas modifier pas le changement de dispositif (11,7 % [80/684] par rapport 17 % [18/106]). En effet, même si ce taux est supérieur pour le Prolift, il correspond plutôt à un signalement plus fréquent de ce phénomène. Cette rétraction est, en effet, une évaluation subjective de diminution de taille de la prothèse originelle au profit d’une rigidité pouvant occasionner une traduction clinique (douloureuse le plus souvent mais pas exclusivement). Notre pratique s’est donc affinée pour la rechercher et la noter pour appréhender au mieux les facteurs de risque éventuels et surtout son évolution dans le temps. Le phénomène de rétraction est variable (20 à 30 % de la surface initiale). La rétraction dépend du maillage de la prothèse et du processus inflammatoire suivant la pose [20]. Tous les renforcements prothétiques sont exposés au risque de rétraction, d’où l’intérêt de l’implantation sans fixation de prothèses suffisamment larges pour couvrir l’ensemble des défects avec pour objectif de réduire : – le risque de récidive secondaire à la non-correction des défects latéraux ; – le risque de rétractions douloureuses qui risquent de conduire à l’ablation secondaire du matériel prothétique. Le cœur du débat se situe sur l’efficacité de cette technique en termes de récidives. La technique de promontofixation ou colposacropexie décrite par Scali [26] est actuellement considérée comme le « gold standart » pour les prolapsus importants de la femme jeune, les prolapsus étendus après hystérectomie et les prolapsus récidivants. Le taux de succès de cette technique est très élevé compris entre 86 et 100 % ce qui est corrélé par de très nombreuses études [27-32]. De plus, une alternative est également possible avec les techniques de chirurgie endoscopique qui permettent de réaliser une cure de prolapsus en partie ou en totalité par voie cœlioscopique ; elles nécessitent cependant des opérateurs maı̂trisant parfaitement ce type de chirurgie et un plateau technique adapté [33]. Les résultats sont équivalents à ceux de la voie abdominale avec une morbidité moindre [34]. Les résultats obtenus au sein des deux groupes de notre série oscillent autour de 5 % de risque de récidive. L’emploi de prothèses par voie vaginale apparaı̂t réduire très nettement le taux de récurrence, efficacité confirmée par les résultats publiés par de Tayrac et al. : 230 patientes, 6,8 % de récidives antérieures, 2,6 % en postérieur [35]. Ces derniers chiffres placent cette technique opératoire sur un pied d’égalité avec la promontofixation tant en terme d’efficacité que de morbidité. Cependant, la voie vaginale permet une intervention plus rapide avec une convalescence postopératoire plus brève sans plateau technique dédié contrairement à la cœlioscopie. Des études randomisées sont maintenant envisageables pour comparer les différentes techniques et devraient nous permettre de légitimer nos choix techniques et tactiques sur des faits démontrés plus que sur des impressions du moment souvent biaisées. Conclusion Ces résultats préliminaires de la technique Prolift dans la cure de prolapsus par voie vaginale confirment la faisabilité et la faible morbidité per- et postopératoire immédiate de la technique TVM initialement décrite. L’emploi d’un dispositif adapté, facilitant la réalisation de l’intervention en limitant l’utilisation des valves et rendant mini-invasif le geste, semble diminuer le risque de complications per- et postopératoires. Le taux d’exposition prothétique est maintenant très réduit inférieur à 5 %, proche de celui rapporté après promontofixation. Les résultats sur la statique pelvienne semblent encourageants avec un risque de récidive également inférieur à 5 %. Ces résultats devront maintenant être évalués avec un recul plus important et comparés aux autres techniques comme la promontofixation au sein d’études randomisées. Références 1. Birch C, Fynes MM (2002) The role of synthetic and biological prostheses in reconstructive pelvic floor surgery. Curr Opin Obstet Gynecol 14(5): 527-35 2. Olsen AL, Smith VJ, Bergstrom JO, et al. (1997) Epidemiology of surgically managed pelvic organ prolapse and urinary incontinence. Obstet Gynecol 89(4): 501-6 3. Birch C (2005) The use of prosthetics in pelvic reconstructive surgery. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol 19 (6): 979-91 4. Deval B, Haab F (2003) What’s new in prolapse surgery? Curr Opin Urol 13(4): 315-23 5. Clark AL, Gregory T, Smith VJ, et al. (2003) Epidemiologic evaluation of reoperation for surgically treated pelvic organ prolapse and urinary incontinence. Am J Obstet Gynecol 189(5): 1261-7 6. Whiteside JL, Weber AM, Meyn LA, et al. (2004) Risk factors for prolapse recurrence after vaginal repair. Am J Obstet Gynecol 191(5): 1533-8 7. Cosson M, Boukerrou M, Lambaudie E, et al. (2003) Biomécanique de la réparation et résistance des tissus biologiques dans les cures de prolapsus : pourquoi utiliser 11 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. des prothèses ? J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 32(4): 329-37 Gadonneix P, Ercoli A, Scambia G, et al. (2005) The use of laparoscopic sacrocolpopexy in the management of pelvic organ prolapse. Curr Opin Obstet Gynecol 17(4): 376-80 Maher CF, Qatawneh AM, Dwyer PL, et al. (2004) Abdominal sacral colpopexy or vaginal sacrospinous colpopexy for vaginal vault prolapse: a prospective randomized study. Am J Obstet Gynecol 190(1): 20-6 Maher C, Baessler K (2006) Surgical management of anterior vaginal wall prolapse: an evidencebased literature review. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 17(2): 195-201 Benson JT, Lucente V, McClellan E (1996) Vaginal versus abdominal reconstructive surgery for the treatment of pelvic support defects: a prospective randomized study with long-term outcome evaluation. Am J Obstet Gynecol 175(6): 1418-21 (discussion 1421-2) Cosson M, Debodinance P, Boukerrou M, et al. (2003) Mechanical properties of synthetic implants used in the repair of prolapse and urinary incontinence in women: which is the ideal material? Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 14(3): 169-78 (discussion 178) Kuuva N, Nilsson CG (2002) A nationwide analysis of complications associated with the tension-free vaginal tape (TVT) procedure. Acta Obstet Gynecol Scand 81(1): 72-7 Debodinance P, Berrocal J, Clave H, et al. (2004) Évolution des idées sur le traitement chirurgical des prolapsus génitaux : naissance de la technique TVM. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 33(7): 577-88 Delorme E (2001)La bandelette transobturatrice : un procédé mini-invasif pour traiter l’incontinence urinaire d’effort de la femme. Prog Urol 11(6): 1306-13 Smajda S, Vanormelingen L, Vandewalle G, et al. (2005) Translevator posterior intravaginal slingplasty: anatomical landmarks and safety margins. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 16(5): 364-8 Reisenauer C, Kirschniak A, Drews U, et al. (2006) Anatomical conditions for pelvic floor reconstruction with polypropylene implant and its application for the treatment of vaginal prolapse. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol Petros PE (2001) Vault prolapse II: Restoration of dynamic vaginal supports by infracoccygeal sacropexy, an axial day-case vaginal procedure. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 12(5): 296-303 Eglin G, Ska JM, Serres X (2003) La prothèse sous-vésicale transobturatrice. Tolérance et résultats à court terme d’une série continue de 103 cas. Gynecol Obstet Fertil 31(1): 14-9 Debodinance P, Cosson M, Collinet AL, et al. (2006) Les prothèses synthétiques dans la cure de prolapsus génitaux par la voie vaginale : bilan en 2005. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 35(5): 429-54 Roovers JP, Van der Bom JG, Van der Vaart CH, et al. (2005) A randomized comparison of post-operative pain, 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. quality of life, and physical performance during the first 6 weeks after abdominal or vaginal surgical correction of descensus uteri. Neurourol Urodyn 24(4): 334-40 Roovers JP, Van der Vaart CH, Van der Bom JG, et al. (2004) A randomised controlled trial comparing abdominal and vaginal prolapse surgery: effects on urogenital function. Bjog 111(1): 50-6 Bensinger G, Lind L, Lesser M, et al. (2005) Abdominal sacral suspensions: analysis of complications using permanent mesh. Am J Obstet Gynecol 193(6): 2094-8 Bader G, Fauconnier A, Guyot B, et al. (2006) Utilisation de matériaux prothétiques dans la chirurgie réparatrice des prolapsus pelviens. Analyse factuelle des connaissances. Gynecol Obstet Fertil 34(4): 292-7 Nygaard IE, McCreery R, Brubaker L, et al. (2004) Abdominal sacrocolpopexy: a comprehensive review. Obstet Gynecol 104(4): 805-23 Scali P, Blondon J, Bethoux A, et al. (1974) Opérations de support-suspension par voie haute pour le traitement du prolapsus vaginal. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 3(3): 365-78 Baessler K, Schuessler B (2001) Abdominal sacrocolpopexy and anatomy and function of the posterior compartment. Obstet Gynecol 97(5 Pt 1): 678-84 de Vries MJ, Van Dessel TH, Drogendijk AC, et al. (1995) Short-term results and long-term patients’ appraisal of abdominal colposacropexy for treatment of genital and vaginal vault prolapse. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 59(1): 35-8 Deval B, Fauconnier A, Repiquet D, et al. (1997) Traitement chirurgical du prolapsus urogénital par voie abdominale. À propos d’une série de 232 cas. Ann Chir 51(3): 256-65 Grunberger W, Grunberger V, Wierrani F (1994) Pelvic promontory fixation of the vaginal vault in sixty-two patients with prolapse after hysterectomy. J Am Coll Surg 178(1): 69-72 Lecuru F, Taurelle R, Clouard C, et al. (1994) Traitement chirurgical des prolapsus urogénitaux par voie abdominale. Résultats d’une série continue de 203 opérations. Ann Chir 48(11): 1013-9 Scarpero HM, Cespedes RD, Winters JC (2001) Transabdominal approach to repair of vaginal vault prolapse. Tech Urol 7(2): 139-45 Wattiez A, Boughizane S, Alexandre F, et al. (1995) Laparoscopic procedures for stress incontinence and prolapse. Curr Opin Obstet Gynecol 7(4): 317-21 Cosson M, Bogaert E, Narducci F, et al. (2000) Promontofixation cœlioscopique : résultats à court terme et complications chez 83 patientes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 29(8): 746-50 de Tayrac R, Devoldere G, Renaudie J, et al. (2006) Prolapse repair by vaginal route using a new protected low-weight polypropylene mesh: 1-year functional and anatomical outcome in a prospective multicentre study. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct Pelv Perineol (2007) 2: 12–19 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0108-2 ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Propriétés pharmacologiques de l’oxybutynine sur la fonction vésicale chez la souris A. Deba, P. Lluel, S. Polea Urosphere, Faculté des sciences pharmaceutiques, 35, chemin des Maraichers, F-31062 Toulouse, France Résumé : Les antagonistes muscariniques, comme l’oxybutynine, sont le principal traitement pharmacologique actuel pour l’incontinence urinaire par urgenturie. L’objectif de cette étude a été d’évaluer l’activité pharmacologique de l’oxybutynine sur la fonction vésicale chez la souris. Pour cela, nous avons développé des nouveaux modèles expérimentaux nous permettant d’étudier, in vitro, sa puissance antagoniste sur la vessie isolée et in vivo, son urosélectivité au regard des effets sur les glandes salivaires ainsi que ses effets sur le cycle mictionnel en utilisant la technique de cystomanométrie. L’ensemble des résultats présenté est en accord avec ceux publiés chez l’homme. Cette espèce apparaı̂t être un modèle pertinent pour étudier la fonction vésicale. Mots clés : Incontinence urinaire par urgenturie – Oxybutynine – Souris – Cystomanométrie – Urosélectivité Pharmacological effects of oxybutynin on bladder function in mice Abstract: Muscarinic antagonists, such as oxybutynin, provide the most common pharmacological treatments for urge urinary incontinence. The aim of the present study is to evaluate the pharmacological effects of oxybutynin on bladder function in mice. We constructed new experimental models allowing us to study the in vitro antagonistic effects on strips of bladder detrusor smooth muscle, in vivo uroselectivity (effects on vesical pressure and salivary glands), and the effect on micturition cycles using cystometry. Overall, our results agree with previous results reported in studies of humans. Therefore, mice offer an appropriate model to study bladder function. Keywords: Urge urinary incontinence – Oxybutynin – Mice – Cystometry – Uroselectivity Introduction L’appareil urinaire est responsable de la continence et de la miction. Ces deux fonctions résultent d’une intégraCorrespondance : E-mail : [email protected] tion complexe des circuits parasympathique, sympathique et somatique. Durant la phase de remplissage, des signaux afférents en réponse à la distension vésicale sont envoyés au niveau des centres nerveux supérieurs où ils sont intégrés pour déclencher des signaux efférents moteurs responsables d’une contraction du détrusor. Celle-ci implique principalement, au niveau du dôme, la stimulation des récepteurs muscariniques de type M2 et M3 par l’acétylcholine. Bien que le sous-type M2 prédomine (80 % de la population), la contraction vésicale est principalement médiée par le sous-type M3 [1]. Il a été également décrit l’existence d’une composante purinergique, dont le neurotransmetteur est l’ATP [1]. Il semblerait que cette composante ait uniquement un rôle au cours du vieillissement [2] et dans certaines pathologies comme par exemple la cystite interstitielle ou l’instabilité vésicale [3,4]. L’incontinence urinaire par urgenturie (IUU) est un symptôme défini par des fuites involontaires d’urine accompagnées ou immédiatement précédées par une urgenturie [5]. D’un point de vue urodynamique, elle est souvent caractérisée par des contractions involontaires du détrusor, ou hyperactivité détrusorienne (HD), pendant la phase de remplissage. L’IUU altère profondément la qualité de vie des personnes affectées. Bien qu’une origine neurogénique [6] et myogénique [7] de l’HD ait été postulée, sa cause n’est aujourd’hui pas clairement définie. Les antagonistes muscariniques sont le principal traitement pharmacologique actuel de l’IUU. Cependant, ces molécules ont une efficacité clinique controversée et des effets secondaires importants [8], pouvant entraı̂ner, dans 25 % des cas, une interruption du traitement par les patients [9]. Il est classiquement admis que le bénéfice clinique des antagonistes muscariniques est dû au blocage des récepteurs muscariniques du détrusor, réduisant la capacité de la vessie à se contracter [10]. Cette activité est en accord avec les effets urodynamiques observés chez l’animal tel que le rat [11] ou le cochon d’Inde [12] où une diminution de la contractilité détrusorienne est décrite. Néanmoins, l’augmentation 13 de la capacité vésicale et la diminution de l’urgenturie observée chez l’homme traité avec des antagonistes muscariniques [13] ainsi que la découverte récente de la présence de récepteurs muscariniques au niveau de l’urothélium et du suburothélium [14], ont fait émerger l’hypothèse d’une activité de ces molécules également sur la voie afférente (sensorielle) du réflexe mictionnel [10]. Cependant, les études cystomanométriques réalisées chez l’animal échouent, généralement, dans la démonstration de cette activité [12,15]. Les récepteurs muscariniques sont présents dans la plupart des tissus, et notamment au niveau des glandes salivaires. La sécrétion salivaire est, comme la contraction vésicale, majoritairement médiée par le sous-type M3 des récepteurs muscariniques [16,17]. Ainsi, l’effet secondaire le plus communément observé est l’assèchement de la bouche (xérostomie) [8]. L’oxybutynine a été, pendant plus de vingt ans, la molécule de choix parmi les antagonistes muscariniques et de ce fait, est aujourd’hui la plus étudiée. Cependant, l’importance de ses effets secondaires a conduit au développement de nouveaux médicaments plus urosélectifs tels que la toltérodine et la solifenacine ; l’urosélectivité étant définie comme l’action préférentielle des molécules sur la sphère urinaire au regard des effets secondaires [18]. La raison de cette urosélectivité in vivo n’est pas clairement établie, même si l’implication des propriétés pharmacocinétiques de ces molécules a été proposée [18,19]. Néanmoins, il est encore nécessaire d’améliorer le rapport efficacité/effets indésirables de ce type de traitement pharmacologique. Ainsi, le développement de nouveaux modèles expérimentaux est nécessaire, d’une part, pour mieux comprendre le contrôle physiologique et pathophysiologique du réflexe mictionnel et d’autre part, pour sélectionner de nouvelles molécules pour le traitement de l’IUU plus urosélectives. Ces modèles peuvent être de type pharmacologique [19,20] et permettre notamment d’établir des profils de sélectivité tissulaire vis-à-vis par exemple des glandes salivaires. Ils peuvent être aussi de type physiologique [11,21,22] et permettre l’exploration in vivo de l’activité des molécules sur la fonction vésicale. Ces modèles sont très peu développés chez la souris [22,23], contrairement aux autres espèces animales [19,24,25]. Par exemple, il n’existe, à ce jour, aucun modèle pharmacologique permettant d’étudier in vivo l’urosélectivité des antagonistes muscariniques vis-à-vis des glandes salivaires chez la souris [23] et très peu d’études cystomanométriques ont été réalisées chez cet animal [26]. Objet de l’étude L’objectif de cette étude a été d’évaluer l’activité pharmacologique de l’oxybutynine sur la fonction vésicale chez la souris. Pour cela, nous avons développé des nouveaux modèles expérimentaux nous permettant d’étudier, in vitro, sa puissance antagoniste sur la vessie isolée et in vivo, son urosélectivité au regard des effets sur les glandes salivaires ainsi que ses effets sur le cycle mictionnel en utilisant la technique de cystomanométrie. Une partie de ce travail a déjà fait l’objet d’une communication [27]. Matériels et méthodes Animaux L’animal utilisé dans nos études a été la souris femelle C57Bl6J (laboratoire Janvier, France). Dès leur arrivée, les animaux âgés de 11 semaines (18-23 g) ont été stabulés pendant quatre jours à l’animalerie. Ils ont été regroupés à raison de dix par cage et ont eu libre accès à la nourriture et à l’eau. Les protocoles ont été réalisés en accord avec la convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales (European Communities Council Directive: 24 novembre 1986 [86/ 609/EEC]). Études in vitro Contractions isomé triques in vitro sur la vessie isolé e Les souris ont été euthanasiées par dislocation cervicale et les vessies ont été prélevées jusqu’au col vésical. Nettoyées des tissus adhérents, les vessies ont été ouvertes longitudinalement et les extrémités supérieure et inférieure ont été coupées pour ne conserver que le dôme vésical. Une seule bande par vessie a été préparée. Ces bandes vésicales ont été plongées dans des cuves de 25 ml contenant une solution de Krebs-Henseleit bicarbonatée thermostatée à 37 C et oxygénée par du carbogène (un mélange de 95 % O2 et 5 % CO2). La composition de la solution de Krebs-Henseleit a été la suivante (mmol/l) : 114,0 NaCl ; 25,0 NaHCO 3 ; 2,5 CaCl2 ; 1,2 MgSO4 ; 4,7 KCl ; 1,2 KH2PO4 ; 11,7 glucose et 1,1 acide ascorbique. Les bandes vésicales ont été attachées, par l’intermédiaire d’un fil à chaque extrémité, aux cuves et aux jauges de contraintes. La tension a été mesurée en utilisant des transducteurs de tension isométriques (Grass FT03) et enregistrée par un système d’acquisition MacLab/8e (AD instruments). Une tension basale de 1 g a été appliquée et maintenue pendant une période de stabilisation de 45 minutes où des lavages ont été effectués toutes les 15 minutes. Une contraction de référence avec 80 mM de KCl a été réalisée. Après l’obtention d’un plateau de contraction au KCl, trois lavages ont été effectués à 15 minutes d’intervalle. Une courbe concentration-réponse (CCR) à la méthacholine avec des concentrations cumulatives (10 nM à 300 mM) a été faite en présence 14 de physostigmine (1 mM, inhibiteur d’acéthylcholinestérase) injectée 15 minutes avant. Après une série de lavages, effectués toutes les 15 minutes, pendant 45 minutes, les préparations ont été exposées à une concentration d’oxybutynine (30, 100 ou 300 nM) ou à son solvant (eau). Après une heure d’incubation, une seconde CCR à la méthacholine en présence de physostigmine a été réalisée. Une seule concentration d’antagoniste a été testée par tissu. Toutes les CCRs ont été exprimées en pourcentage du maximum de la contraction au KCl 80 mM. L’Emax (effet maximal exprimé en pourcentage du maximum de la contraction au KCl) et le pD2 (logarithme négatif de la concentration molaire d’un agoniste produisant 50 % de la réponse maximale observée) ont été générés par régression non linéaire. Le pA2 (logarithme négatif de la concentration molaire d’un antagoniste pour laquelle il est nécessaire d’utiliser une dose d’agoniste double pour obtenir le même effet qu’en absence de l’antagoniste) a été estimé en utilisant une régression linéaire (Plot de Shild). Tous ces paramètres ont été générés et comparés à l’aide du logiciel GraphPad Prism 4.0. Études in vivo Anesthé sie et chirurgie des animaux Les souris ont été anesthésiées à l’uréthane (1,8 g/kg, i.p.). Une incision médiane de la paroi abdominale a été réalisée afin de dégager la vessie. Un cathéter en polyéthylène (cathéter PEBD 0,3 mm 0,7 mm, Interchim) a été implanté dans le dôme de la vessie et fixé grâce à une bourse. La vessie a été replacée sous la paroi abdominale, seul le cathéter est resté extériorisé. La veine jugulaire a été cathéterisée (cathéter PEBD 0,3 mm 0,7 mm, Interchim) pour l’administration des composés. Le cathéter vésical a été connecté à un capteur de pression (Novatrans III Gold, MX 860, MEDEX Medical, France) et à une pompe de perfusion (Harvard Apparatus, États-Unis). Le capteur de pression a été relié à un amplificateur, lui-même relié à un système d’acquisition MacLab/8e (AD instruments). L’analyse des résultats a été réalisée à l’aide du logiciel Chart (v.3.4.2). Mesure simultané e de la pression vé sicale et de la salivation En plus du protocole chirurgical décrit ci-dessus, l’urètre a été ligaturé et la vessie a été remplie de sérum physiologique jusqu’à obtenir une pression vésicale basale comprise entre 5 et 10 mmHg. Après stabilisation de la pression vésicale, deux injections de béthanéchol à 200 mg/kg (100 ml/min, deux minutes) ont été réalisées à 20 minutes d’intervalle. Après dix minutes, une première dose d’oxybutynine ou son solvant (NaCl 0,9 %) a été administrée par voie i.v. pendant deux minutes, puis une nouvelle administration de béthanéchol (200 mg/kg) a été réalisée 8 min après. Ce cycle a été répété deux fois, permettant de tester trois doses croissantes d’oxybutynine (10, 100 et 1000 mg/kg) ou son solvant. La pression vésicale (PV, mmHg) a été mesurée en continu. La salive a été directement prélevée dans la cavité buccale, cinq minutes après la fin de l’administration du béthanéchol, à l’aide d’une pipette et déposée dans un tube. Le tube prépesé a été immédiatement pesé à l’aide d’une balance de précision. Les variations de la PV (Delta PV) et de la salivation (Delta salivation) ont été calculées comme la différence des réponses avant l’injection de béthanéchol et la réponse maximale après chaque administration de béthanéchol. Pour chaque animal, la moyenne des valeurs des deux premières réponses au béthanéchol a été définie comme valeur basale. Toutes les données ont été exprimées en moyenne ± SEM. Les différences statistiques des effets de l’oxybutynine et de son solvant, sur la pression vésicale et la salivation par rapport aux valeurs basales, ont été calculées par une analyse de variance à un facteur avec mesures répétées suivies d’un test de Dunnett. Les DI50, qui représentent les doses requises pour inhiber de 50 % les réponses au béthanéchol (PV et salivation) ont été déterminées par régression linéaire. La comparaison des valeurs basales entre les deux groupes (contrôle et traité) pour chacun des paramètres étudiés (PV et salivation) et celle des DI50 obtenues pour la pression vésicale et pour la salivation ont été réalisées à l’aide d’un test t de Student non pairé. Cystomanomé trie discontinue En plus du protocole chirurgical précédemment décrit, les uretères ont été ligaturés. La vessie a été perfusée en continu avec du sérum physiologique (NaCl 0,9 % ; 0,6 ml/h) pendant 15 minutes jusqu’à l’obtention de deux mictions successives. Puis la perfusion a été stoppée pendant une période de trois minutes durant laquelle la vessie a été vidangée par une pression manuelle. Ensuite, une nouvelle perfusion intravésicale de sérum physiologique a été effectuée jusqu’à provoquer une miction, puis interrompue. Ce cycle a été répété deux fois permettant la détermination des valeurs cystomanométriques basales. Après une période de trois minutes, le solvant ou l’oxybutynine (1 mg/kg) ont été administrés par voie i. v. (100 ml en cinq minutes) puis, dix minutes après la fin de l’administration, deux mictions ont été à nouveau provoquées dans les mêmes conditions, à trois minutes d’intervalle. Le volume résiduel a été collecté après chaque cycle mictionnel à l’aide d’un papier absorbant. Les paramètres urodynamiques étudiés ont été : la valeur max du pic mictionnel (PM, mmHg), la valeur seuil de pression précédant la miction (PS, mmHg), la capacité 15 Contraction (% KCl 80mM) PM 50 30 CV AAS 10 150 125 100 75 50 25 0 PS FAS Perfusion intravésicale (NaCl 0,9%) -8 -7 -6 -5 -4 -3 Log concentration méthacholine [M] Collecte du VR Plot de Schild 1 min 2 Contrôles (n=18) Fig. 1. Représentation d’un cycle mictionnel chez la souris femelle anesthésiée illustrant les paramètres urodynamiques : pic mictionnel (PM), pression seuil avant miction (PS), capacité vésicale (CV) et volume résiduel (VR) fréquence (FAS) et amplitude (AAS) de l’activite spontanée vésicale (CV, ml), le volume résiduel (VR, mg), la fréquence (FAS, n/min) et l’amplitude (AAS, mmHg) de l’activité spontanée. Pour ces deux derniers paramètres, seules les contractions vésicales ayant une amplitude supérieure à 5 mmHg ont été analysées sur les deux minutes précédant chaque miction. L’ensemble de ces paramètres est illustré figure 1. Toutes les données ont été exprimées en moyenne ± SEM. La comparaison des valeurs basales entre les deux groupes (contrôle et traité) pour chacun des paramètres urodynamiques étudiés a été réalisée à l’aide d’un test t de Student non pairé. Les effets de l’oxybutynine et de son solvant ont été observés sur la moyenne des deux mictions après administration. La comparaison des paramètres urodynamiques avant et après traitement a été réalisée à l’aide d’un test t de Student pairé. Produits L’oxybutynine, le béthanéchol, la méthacholine et la physostigmine ont été fournis par Sigma (Sigma-Aldrich chimie, L’Isle d’Abeau Chesnes, Saint-Quentin Fallavier, France). Le sérum physiologique a été fourni par Centravet (Centravet, Lapalisse, France). Tous les produits ont été solubilisés dans de l’eau distillée pour les Oxybutynine 0,03 µM (n=6) Oxybutynine 0,1 µM (n=6) Oxybutynine 0,3 µM (n=6) Log (Ratio Dose -1) Pression intravésicale (mmHg) 175 (pA2) = 7,8 1 0 -7,5 -7,0 -6,5 -6,0 Log concentration oxybutynine [M] -1 Fig. 2. Effets de l’oxybutynine sur la courbe concentration réponse à la méthacholine en présence de physostigmine et Plot de Shild de l’oxybutynine dans la vessie isolée de souris femelle. Chaque point de la courbe concentration réponse représente la moyenne ± SEM de tissus différents études in vitro et dans du sérum physiologique pour les études in vivo. Résultats Contractions isomé triques in vitro sur la vessie isolé e Pour l’ensemble des préparations, une tension basale stable a été obtenue. La méthacholine (10 nM à 300 mM), en présence de physostigmine (1 mM), a contracté de façon concentration dépendante en atteignant un plateau aux plus fortes concentrations. La contraction maximale observée a été de 147 ± 4 % à la concentration de 30 mM de méthacholine (n = 18, Fig. 2). L’ajout d’eau, solvant de l’oxybutynine, dans les cuves n’a pas modifié la réponse contractile à la méthacholine. Les trois concentrations d’oxybutynine ont déplacé significativement (p < 0,0001) la CCR à la méthacholine vers la droite de façon concentration dépendante sans Tableau I. Réponse à la méthacholine avant et après addition de l’oxybutynine Concentrations oxybutynine Eau 3.10–8 M 10–7 M 3.10–7 M pD2 (± SEM) Emax ( %) (± SEM) Premiè re CCR Seconde CCR Premiè re CCR Seconde CCR 6,00 (± 0,05) 6,12 (± 0,07) 6,24 (± 0,04) 6,18 (± 0,06) 6,03 (± 0,05) 5,63 (± 0,07)*** 4,78 (± 0,04)*** 4,34 (± 0,06)*** 150,09 (± 7,24) 149,83 (± 12,03) 146,74 (± 4,01) 137,60 (± 10,90) 164,39 (± 8,05) 149,89 (± 11,46) 134,04 (± 2,79) 115,74 (± 7,49) Six animaux par groupe : pD2 : logarithme négatif de la concentration molaire d’un agoniste produisant 50 % de la réponse maximale observée ; Emax : effet maximal exprimé en pourcentage du maximum de la contraction au KCl ; ***p < 0,0001 ; statistiquement différent de la première CCR à la méthacholine en absence d’oxybutynine (test t de Student) 16 10 oxybutynine ns 8 6 * 4 * 2 0 0 10 100 1000 NaCl 0,9% 30 Pression intravésicale (mmHg) Delta PV (mmHg) NaCl 0.9% NaCl 0,9% 20 10 0 Oxy 10 30 Oxy 100 20 10 béthanéchol 200 µg/kg, i.v. Delta salivation (mg) Oxy 1000 0 Doses (µg/kg) 25 NaCl 0,9% Oxy : oxybutynine µg/kg, i.v. ns 5 min Fig. 4. Enregistrements représentatifs de la pression vésicale en réponse au béthanéchol en présence du solvant (tracé du haut) et de l’oxybutynine (tracé du bas) chez la souris femelle anesthésiée 20 15 * 10 5 0 * 0 10 100 1000 Doses (µg/kg) Fig. 3. Effets de l’oxybutynine (barres noires) et de son solvant (barres blanches) sur l’augmentation de la pression vésicale (Delta PV, mmHg) et de la sécrétion salivaire (Delta salivation, mg) induites par le béthanéchol (200 mg/kg, i.v.) chez la souris femelle anesthésiée. Valeurs exprimées en moyenne ± SEM (n = 5 par groupe). *p < 0,05 ; statistiquement différent des valeurs basales (test Anova avec mesures répétées et test de Dunnett), nsp > 0,05 ; non statistiquement différent du groupe NaCl (test t de Student) affecter la réponse maximale (Tableau I, Fig. 2). Le pA2 calculé de l’oxybutynine a été 7,8 (régression linéaire, Plot de Shild, Fig. 2). Études in vivo Effet de l’oxybutynine sur la pression vé sicale et la salivation Les doses répétées de béthanéchol (200 mg/kg, i.v.) entraı̂nent des contractions vésicales et des sécrétions salivaires reproductibles au cours du temps (Fig. 3). Par ailleurs, les valeurs basales des effets du béthanéchol n’ont pas été significativement différentes entre les groupes témoin et traité (7,26 ± 0.80 vs 7,30 ± 1,06 mmHg pour la contraction vésicale et 13,21 ± 2,29 vs 17,04 ± 2,97 mg pour la sécrétion salivaire, respectivement) (p > 0,05). L’oxybutynine a inhibé de façon dose dépendante les réponses au béthanéchol tant sur la salivation que sur la PV (Fig. 3). Un enregistrement typique des contractions vésicales induites par le béthanéchol est illustré figure. 4. Ces effets ont été significatifs aux doses de 100 et 1000 mg/kg où des diminutions de 47 et de 66 % pour la PV et de 86 et 100 % pour la sécrétion salivaire, respective- Tableau II. Doses d’oxybutynine requises pour inhiber de 50 % les valeurs basales l’augmentation de la pression vésicale et de la sécrétion salivaire induites par le béthanéchol chez la souris femelle anesthésiée. Aucune différence significative n’est observée entre les groupes (p > 0,05 ; test t de Student) Antagoniste Oxybutynine DI50 mgl/kg, i.v. (± SEM) Ratio de Élé vation de la pression vé sicale (B) Sé cré tion salivaire (S) Sé lectivité (S/B) 0,20 (± 0,07) 0,09 (± 0,03) 0,45 ment, ont été observées (p < 0,01). Dans nos conditions expérimentales, les DI50, calculées par régression linéaire, des effets sur la PV et sur la sécrétion salivaire, n’ont pas été statistiquement différentes (p > 0,05) (Tableau II). Effet de l’oxybutynine sur le ré flexe mictionnel de la souris anesthé sié e Le profil mictionnel de la souris anesthésiée est caractérisé par un pic mictionnel de 43,8 ± 2,8 mmHg, une pression seuil avant miction de 14,8 ± 1,0 mmHg, une capacité vésicale de 0,077 ± 0,008 ml, et un volume résiduel de 0,061 ± 0,009 ml (n = 15, données non montrées). Pendant la phase de remplissage, des contractions vésicales non associées à des fuites urinaires, ont été observées dans la majorité des animaux des deux groupes. L’amplitude et la fréquence de ces contractions n’ont pas été modifiées par l’administration de solvant ou de l’oxybutynine (Tableau III). Il est intéressant de noter que l’amplitude de ces contractions a parfois été supérieure à celle de la contraction lors de la miction (Fig. 5). L’administration intraveineuse de NaCl 0,9 % (n = 7) n’a pas modifié, de façon significative, les paramètres urodynamiques mesurés. De plus, les valeurs basales des 17 Tableau III. Effets de l’oxybutynine (1 mg/kg, i.v.) sur les paramètres urodynamiques chez la souris femelle anesthésiée NaCl 0,9 % : (i.v., n = 7) Avant Aprés Pourcentage oxybutynine : (1 mg/kg, i.v., n = 8) Avant Aprés Pourcentage Moyenne PM ± SEM (mmHg) Moyenne PS ± SEM (mmHg) Moyenne CV ± SEM (ml) Moyenne VR ± SEM (mg) Moyenne FAS ± SEM (n/min) Moyenne AAS ± SEM (mmHg) 41,93 ± 2,36 40,07 ± 2,42 –4,4 ± 2,1 13,94 ± 1,55 13,71 ± 1,97 –1,8 ± 7,4 0,090 ± 0,012 0,081 ± 0,009 –5,2 ± 9,0 74 ± 10 66 ± 9 –6,5 ± 8,5 0,60 ± 0,17 0,61 ± 0,21 –4,5 ± 21,1 8,43 ± 2,52 12,54 ± 3,93 +27,9 ± 20,3 45,48 ± 5,01 41,03 ± 5,12* –11,0 ± 3,4 15,60 ± 1,19 20,24 ± 1,98* +30,3 ± 8,4 0,065 ± 0,011 0,086 ± 0,012** +40,2 ± 11,4 50 ± 14 74 ± 9** +83,5 ± 24,0 0,71 ± 0,14 0,53 ± 0,15 –14,1 ± 24,9 13,80 ± 2,90 10,47 ± 3,53 –19,6 ± 25,6 PM : pic mictionnel ; PS : pression seuil avant miction ; CV : capacité vésicale ; VR : volume résiduel ; FAS : fréquence de l’activité spontanée ; AAS : Amplitude de l’activité spontanée. *p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; statistiquement différent des valeurs basales (test t de Student pairé) paramètres urodynamiques entre les deux groupes (témoin et traité) n’ont pas été significativement différentes (Tableau III). L’oxybutynine (1 mg/kg, n = 8) a significativement réduit le pic mictionnel et a significativement augmenté la pression seuil avant miction, la capacité vésicale et le volume résiduel (p < 0,05) (Tableau III). Un enregistrement représentatif des effets de l’oxybutynine et de son solvant sur le profil mictionnel de la souris anesthésiée est illustré figure 5. 50 Après NaCl 0,9% 40 Pression intravésicale (mmHg) 30 20 10 50 Avant 40 Après oxybutynine (1 mg/kg) 30 20 10 2 min Miction Collecte du volume résiduel Perfusion intravésicale de NaCl 0,9% Fig. 5. Cystomanométrie discontinue : enregistrements représentatifs de l’effet du solvant (tracé du haut) et de l’oxybutynine (1 mg/kg, i.v.) [tracé du bas] chez la souris femelle anesthésiée Discussion L’objectif de cette étude était d’évaluer l’activité pharmacologique de l’oxybutynine, in vitro sur la vessie isolée et in vivo simultanément sur la pression intravésicale et la sécrétion salivaire ainsi que sur le cycle mictionnel en utilisant la cystomanométrie. Si la souris est un modèle expérimental classiquement utilisé en recherche préclinique, peu d’études explorant la fonction vésicale chez cet animal ont été, à ce jour, publiées [22,23,26]. La majorité de ces études a été réalisée in vitro sur la vessie isolée [17,23]. À notre connaissance, aucun modèle permettant d’étudier l’urosélectivité in vivo au regard des glandes salivaires n’a été mis en place chez cette espèce. Par ailleurs, les études de la fonction vésicale chez la souris ont été, pour la plupart, réalisées chez l’animal éveillé, exclusivement par cystomanométrie continue. Dans cette étude, la cystomanométrie est réalisée sous anesthésie avec une solution d’uréthane. Cet anesthésique est classiquement utilisé pour les études cystomanométriques car il a été démontré qu’il ne bloque pas le réflexe mictionnel, contrairement aux autres anesthésiques couramment utilisés [28]. Malgré le caractère non physiologique de cette condition, il est intéressant de noter que des effets similaires de l’oxybutynine sur le réflexe mictionnel chez des animaux éveillés et anesthésiés ont été observés chez le cochon d’Inde [12]. La cystomanométrie chez des animaux anesthésiés présente plusieurs avantages par rapport aux animaux éveillés. Tout d’abord, et d’autant plus chez la souris, elle permet de s’affranchir des mouvements des animaux pouvant interférer avec l’enregistrement cystomanométrique et surtout, elle permet une mesure directe, précise et reproductible du volume résiduel. Dans cette étude, nous montrons que, in vitro, l’oxybutynine bloque de façon compétitive les récepteurs muscariniques du détrusor avec un pA2 de 7,8. Ce résultat, est en accord avec les données publiées sur la vessie humaine où le pA2 est égal à 7,6 [29]. Par ailleurs, dans le modèle pharmacologique in vivo que nous avons mis en place, permettant, sur le même animal, d’évaluer son urosélectivité au regard de la sécrétion salivaire, l’oxybutynine a une puissance similaire sur les deux paramètres testés. Cette absence d’urosélectivité est à la 18 fois en accord avec les données publiées chez le rat [19], mais aussi avec les données cliniques obtenues chez les patients traités avec l’oxybutynine, chez lesquels, l’effet secondaire le plus fréquent est la xérostomie [8]. Néanmoins, il serait intéressant de poursuivre la validation de ce modèle par l’évaluation de molécules décrites comme plus urosélectives, en particulier la solifénacine ou la darifénacine. Dans le modèle de cystomanométrie discontinue, permettant d’enregistrer le réflexe mictionnel chez la souris anesthésiée, l’oxybutynine agit pendant la phase de vidange en diminuant significativement le pic mictionnel et en augmentant le volume résiduel. Par ailleurs, cette molécule agit également pendant la phase de remplissage en augmentant la capacité vésicale et la pression seuil avant miction. Les effets thérapeutiques des antagonistes muscariniques sur la fonction vésicale ont longtemps été considérés comme la conséquence d’une inhibition de la voie efférente du réflexe mictionnel puisqu’une diminution du pic mictionnel mais aussi une augmentation du volume résiduel sont généralement observées chez les animaux de laboratoire [11,12,15]. Une augmentation du volume résiduel est également décrite chez l’homme après un traitement avec l’oxybutynine [8]. Ainsi, nos résultats chez la souris, montrent, comme chez le rat, le cochon d’Inde et l’homme, que l’oxybutynine agit au niveau de la voie efférente du réflexe mictionnel. En revanche, l’augmentation de la capacité vésicale dans nos conditions expérimentales peut être consécutive à une action de l’oxybutynine sur la voie efférente comme sur la voie afférente du réflexe mictionnel. Cependant, de récentes études chez l’homme [14] mais aussi chez l’animal [30] soutiennent l’idée d’une activité des antagonistes muscariniques sur la voie afférente. En effet, la majorité des études cliniques reporte une activité significative des antagonistes muscariniques sur la voie sensorielle comme le montrent la réduction de la sensation d’urgence et l’augmentation de la capacité vésicale après traitement des patients avec ces composés [13]. Par ailleurs, Kim et al. [31] ont montré qu’une administration intravésicale d’oxybutynine inhibait l’hyperactivité vésicale consécutive à une administration intravésicale de carbachol chez le rat. Enfin, la récente localisation des récepteurs muscariniques au niveau de l’urothélium et du suburothélium supporte l’implication de ces récepteurs dans la fonction sensorielle [14,32]. Pour autant, les études cystomanométriques réalisées chez l’animal [12,15], après un traitement aigu avec des antagonistes muscariniques, échouent dans la démonstration d’une augmentation de la capacité vés icale comme observé e chez l’homme. Seule une étude réalisée chez la souris a montré une augmentation de la capacité vésicale après administration d’atropine [26]. Ainsi, l’effet que nous avons observé sur la capacité vésicale chez la souris anesthésiée, d’une part, peut probablement être consécutif à une activité de l’oxybutynine sur la voie afférente et d’autre part, suggère l’intérêt de cette espèce dans l’étude de l’activité des antagonistes muscariniques sur la voie afférente du réflexe mictionnel. Conclusion Cette étude montre que la souris représente un modèle pertinent à la fois pour la sélection de composés à visées thérapeutiques et pour l’étude de la voie efférente et afférente du réflexe mictionnel. Par ailleurs, le développement des techniques de manipulations génétiques chez cette espèce offre un outil supplémentaire pour la compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans le contrôle de la fonction urinaire [33]. Références 1. Andersson KE, Arner A (2004) Urinary bladder contraction and relaxation: physiology and pathophysiology. Physiol Rev 84: 935-86 2. Yoshida M, Homma Y, Inadome A, et al. (2001) Agerelated changes in cholinergic and purinergic neurotransmission in human isolated bladder smooth muscles. Exp Gerontol 36: 99-109 3. Palea S, Artibani W, Ostardo E, et al. (1993) Evidence for purinergic neurotransmission in human urinary bladder affected by interstitial cystitis. J Urol 150: 2007-12 4. O’Reilly BA, Kosaka AH, Knight GF, et al. (2002) P2X receptors and their role in female idiopathic detrusor instability. J Urol 167: 157-64 5. Haab F, Amarenco G, Coloby P, et al. (2004) Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l’International Continence Society. Progrés en urologie 14: 1103-11 6. de Groat WC (1997) A neurologic basis for the overactive bladder. Urology 50: 36-52 (discussion, pp 53-6) 7. Brading AF (1997) A myogenic basis for the overactive bladder. Urology 50: 57-67 8. Herbison P, Hay-Smith J, Ellis G, et al. (2003) Effectiveness of anticholinergic drugs compared with placebo in the treatment of overactive bladder: systematic review. BMJ 326: 841-4 9. Yarker YE, Goa KL, Fitton A (1995) Oxybutynin. A review of its pharmacodynamic and pharmacokinetic properties, and its therapeutic use in detrusor instability. Drugs Aging 6: 243-62 10. Andersson KE, Yoshida M (2003) Antimuscarinics and the overactive detrusor-which is the main mechanism of action? Eur Urol 43: 1-5 11. Modiri AR, Alberts P, Gillberg PG (2002) Effect of muscarinic antagonists on micturition pressure measured by cystometry in normal, conscious rats. Urology 59: 963-8 12. Peterson JS, Hanson RC, Noronha-Blob L (1989) In vivo cystometrogram studies in urethane-anesthetized and conscious guinea pigs. J Pharmacol Methods 21: 231-41 13. Finney SM, Andersson KE, Gillespie JI, et al. (2006) Antimuscarinic drugs in detrusor overactive bladder syndrome: motor or sensory actions? BJU Int 98: 503-7 14. Mukerji G, Yiangou Y, Grogono J, et al. (2006) Localization of M2 and M3 muscarinic receptors in human bladder disorders and their clinical correlations. J Urol 176: 367-73 15. Angelico P, Velasco C, Guarneri L, et al. (2005) Urodynamic effects of oxybutynin and tolterodine in 19 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. conscious and anesthetized rats under different cystometrographic conditions. BMC Pharmacol 5: 14 Abrams P, Andersson KE, Buccafusco JJ, et al. (2006) Muscarinic receptors: their distribution and function in body systems and the implications for treating overactive bladder. Br J Pharmacol 148: 565-78 Nakamura T, Matsui M, Uchida K, et al. (2004) M3 muscarinic acetylcholine receptor plays a critical role in parasympathetic control of salivation in mice. J Physiol 558: 561-75 Hegde SS (2006) Muscarinic receptors in the bladder: from basic research to therapeutics. Br J Pharmacol 147: S80-7 Ohtake A, Ukai M, Hatanaka T, et al. (2004) In vitro and in vivo tissue selectivity profile of solifenacin succinate (YM905) for urinary bladder over salivary gland in rats. Eur J Pharmacol 492: 243-50 Palea S, Lluel P, Barras M, et al. (2004) Involvement of 5hydroxytryptamine (HT)7 receptors in the 5-HT excitatory effects on the rat urinary bladder. BJU Int 94: 1125-31 Lluel P, Barras M, Palea S (2002) Cholinergic and purinergic contribution to the micturition reflex in conscious rats with long-term bladder outlet obstruction. Neurourol Urodyn 21: 142-53 Pandita RK, Fujiwara M, Alm P, et al. (2000) Cystometric evaluation of bladder function in non-anesthetized mice with and without bladder outlet obstruction. J Urol 164: 1385-9 Oki T, Sato S, Miyata K, et al. (2005) Muscarinic receptor binding, plasma concentration and inhibition of salivation after oral administration of a novel antimuscarinic agent, solifenacin succinate in mice. Br J Pharmacol 145: 219-27 Kobayashi S, Ikeda K, Miyata K (2004) Comparison of in vitro selectivity profiles of solifenacin succinate (YM905) and current antimuscarinic drugs in bladder and salivary 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. glands: a Ca2+ mobilization study in monkey cells. Life Sci 74: 843-53 Nelson CP, Gupta P, Napier CM, et al. (2004) Functional selectivity of muscarinic receptor antagonists for inhibition of M3-mediated phosphoinositide responses in guinea pig urinary bladder and submandibular salivary gland. J Pharmacol Exp Ther 310: 1255-65 Igawa Y, Zhang X, Nishizawa O, et al. (2004) Cystometric findings in mice lacking muscarinic M2 or M3 receptors. J Urol 172: 2460-4 Deba A, Lluel P, Palea S (2006) Mesure simultanée de la salivation et de la pression intravésicale chez la souris anesthésiée : effets de l’oxybutynine. Pelv Perineol 1: 93-94 Matsuura S, Downie JW (2000) Effect of anesthetics on reflex micturition in the chronic cannula-implanted rat. Neurourol Urodyn 19: 87-99 Chess-Williams R, Chapple CR, Yamanishi T, et al. (2001) The minor population of M3-receptors mediate contraction of human detrusor muscle in vitro. J Auton Pharmacol 21: 243-8 De Laet K, De Wachter S, Wyndaele JJ (2006) Systemic oxybutynin decreases afferent activity of the pelvic nerve of the rat: new insights into the working mechanism of antimuscarinics. Neurourol Urodyn 25: 156-61 Kim Y, Yoshimura N, Masuda H, et al. (2005) Antimuscarinic agents exhibit local inhibitory effects on muscarinic receptors in bladder-afferent pathways. Urology 65: 238-42 de Groat WC (2004) The urothelium in overactive bladder: passive bystander or active participant? Urology 64: 7-11 Bassuk JA, Grady R, Mitchell M (2000) Review article: the molecular era of bladder research. Transgenic mice as experimental tools in the study of outlet obstruction. J Urol 164: 170-9 Pelv Perineol (2007) 2: 20–26 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0101-9 ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Transobturator Tape (TOT) en chirurgie ambulatoire et sous anesthésie locale : étude rétrospective sur un échantillon de 84 patientes G. Rathat 1 , C. Defez 2 , C. Courtieu 3 1 2 3 Internat CHU de Montpellier-Nimes, 191, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier, France AMU, DIM, Hôpital Armand-de-Villeneuve, 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5, France Clinique Beau-Soleil, 119, avenue de Lodève, 34070 Montpellier, France Résumé : Objet : Étudier la mise en place d’une bandelette sous-urétrale transobturatrice sous anesthésie locale et en chirurgie ambulatoire. Mé thode : Étude rétrospective portant sur 84 patientes, ayant bénéficié, en ambulatoire, d’une cure d’incontinence urinaire d’effort (IUE) par BSU (voie transobturatrice) de juin 2003 à février 2005. Durant cette période, 91 patientes ont été prises en charge pour BSU transobturatrice isolée ; sept (8,3 %) ne répondaient pas aux critères initiaux de prise en charge ambulatoire. La technique utilisée est la mise en place d’une bandelette Monarc® (American Medical Systems). L’anesthésie fut réalisée par voie locale, potentialisée par une sédation. L’évaluation de cette prise en charge a été réalisée par lecture rétrospective des dossiers et par questionnaire de satisfaction téléphonique. Ré sultats : Sur 84 patientes prévues initialement pour une prise en charge en ambulatoire, 75 ont pu rentrer à domicile le soir même de l’intervention (89,3 %). Une anesthésie générale a pu être évitée dans 80 cas (soit 95 % de chirurgie sous anesthésie locale). Les causes des échecs d’ambulatoire furent : deux cas de rétention aiguë d’urine postopératoire, quatre erreurs de programmation (deux refus par les patientes le jour de l’intervention, deux patientes vivaient seules), une pour nausées persistantes, une pour douleurs persistantes, une pour raison climatique. Toutes ces patientes sont sorties le lendemain de l’intervention. Aucune complication peropératoire ne fut à déplorer, en dehors d’un cas de mauvaise tolérance de l’anesthésie locale, à type de malaise vagal, ayant eu pour conséquence une totalisation de l’anesthésie. Aucune réhospitalisation ni consultation précoce n’ont été nécessaire. L’évaluation de l’acceptation de cette prise en charge a pu être faite chez 57 patientes (soit 69 % de l’effectif global), par questionnaire téléphonique. 89,47 % d’entre elles ont été satis- Correspondance : E-mail : [email protected] faites de cette prise en charge. 94,74 % d’entre elles furent satisfaites de l’anesthésie locale, et seulement 1,9 % de cette population auraient préféré une anesthésie générale. 83,93 % n’auraient pas souhaité rester plus longtemps hospitalisées. 92,98 % (n = 57) conseilleraient à un tiers de bénéficier de cette intervention dans les mêmes conditions. Par la même méthode, l’évaluation de l’efficacité du traitement a pu être réalisée, qui est concordante avec les résultats de l’hospitalisation conventionnelle. Conclusion : La réalisation de cure d’IUE par BSU transobturatrice est réalisable en ambulatoire et sous anesthésie locale pour 82,4 % des indications. Une organisation adaptée du service et une bonne collaboration de la patiente s’avèrent primordiales pour limiter les échecs d’ambulatoire. Enfin, il apparaı̂t que la cotation des actes devrait s’adapter afin de permettre le développement de cette prise en charge. Mots clés : Bandelette sous-urétrale – TOT – Chirurgie ambulatoire – Incontinence urinaire d’effort Transobturator tape (TOT) in outpatient surgery and under local anaesthesia: a retrospective study of 84 patients Abstract: Objective: To assess the insertion of a transobturator, suburethral sling under local anaesthesia and in outpatient surgery. Method: Retrospective study of 84 patients having received outpatient treatment for stress urinary incontinence (SUI) with a suburethral sling (transobturator route) from June 2003 to February 2005. During this period, 91 patients were treated with a single, transobturator, suburethral sling; 7 (8.3%) did not satisfy the initial criteria for outpatient treatment. The technique used was the insertion of a Monarc hammock sling (American 21 Medical Systems). Local anaesthesia was administered along with sedation. Assessment of this treatment was carried out by reviewing medical records and performing a satisfaction survey by telephone. Results: Of the 84 patients initially scheduled for outpatient treatment, 75 were able to return home by the evening of the same day as the procedure (89.3%). General anaesthesia was unnecessary in 80 cases (95% of the surgery was carried out under local anaesthesia). The causes of failure to maintain outpatient treatment are as follows: 2 cases of acute postoperative urine retention, 4 administrative incidents (treatment refusals by 2 patients on the day of the procedure and 2 patients who lived alone), 1 case of persistent nausea, 1 case of persistent pain, and 1 case of inclement weather. All these patients were discharged the day after the procedure. There were no peroperative complications to report, except for one case of low tolerance to the local anaesthetic, similar to vasovagal syncope and because of which general anaesthesia was administered. No rehospitalisation or early medical consultation was necessary. The assessment of the acceptance of this treatment was performed for 57 patients (69% of participants) using a telephone questionnaire. Of these patients, 89.47% were satisfied with the treatment, and 94.74% were satisfied with the local anaesthesia, only 1.9% of the group preferring general anaesthesia. In assessing the length of hospitalisation, 83.93% did not desire longer hospitalisation. Finally, 92.98% (N = 57) would recommend this procedure to others under the same conditions. Using the same method, an assessment of treatment effectiveness was carried out and agreed with the results of standard hospitalisation. Conclusion: The treatment of stress urinary incontinence using a transobturator suburethral sling can be achieved on an outpatient basis and under local anaesthesia in 82.4% of the cases where indicated. Clinical management adapted specifically to the facility and close consultation with patients are crucial in limiting failures in outpatient care. Finally, the fees charged for these procedures must be adjusted to make it possible to establish this line of treatment. Keywords: Suburethral sling – TOT – Outpatient surgery – Stress urinary incontinence Introduction La prise en charge des incontinences urinaires d’effort (IUE) de la femme s’est totalement métamorphosée ces dix dernières années. Parallèlement, la chirurgie ambulatoire a pris un essor tout à fait remarquable, modifiant les pratiques des chirurgiens, et ce dans toutes les spécialités. Le traitement de l’IUE par bandelette sous-urétrale fut décrit par Ulmsten [1] pour la première fois en 1996, et était proposé, déjà, sous anesthésie locale et en ambulatoire. La voie transobturatrice fut décrite plus tard (2001) par Delorme [2], chez des patientes bénéficiant soit d’une anesthésie générale, soit d’une rachianesthésie, et qui restaient hospitalisées au moins la première nuit. Devant cette évolution, il nous a paru intéressant d’évaluer la faisabilité de la voie transobturatrice en ambulatoire et sous anesthésie locale. Objet de l’étude L’objectif de cette étude est d’évaluer la faisabilité d’une prise en charge en ambulatoire des chirurgies transobturatrices (TOT) dans l’IUE. À qui peut-elle s’adresser ? Dans quelle proportion des indications est-elle réalisable ? Est-elle appréciée par les patientes ? C’est pour répondre à ces questions que nous avons revu les dossiers des patientes qui ont pu bénéficier de cette chirurgie en hospitalisation de jour. Matériels et méthodes Inclusions Pour pouvoir répondre à une prise en charge ambulatoire, les patientes devaient présenter les critères suivants : un état général satisfaisant, une domiciliation à moins de 50 km de la clinique ; elles devaient comprendre et accepter cette prise en charge, et ne présenter qu’une indication isolée de bandelette sous-urétrale (BSU), sans indication de cure de prolapsus associée (ou tout autre geste chirurgical). Enfin, elles devaient pouvoir être joignables par téléphone et un accompagnant devait être présent à la sortie de la patiente et lors de la première nuit à domicile. L’indication d’une bandelette sous-urétrale était posée devant une incontinence urinaire d’effort avec hypermobilité urétrale et manœuvre de soutènement (« TVT-test ») positive, que cette incontinence soit isolée, mixte, ou associée à un mécanisme d’insuffisance sphinctérienne. Prise en charge L’indication opératoire est posée après au minimum une consultation de gynécologie, une consultation d’anesthésie (qui valide la proposition de chirurgie ambulatoire) et un bilan urodynamique (BUD). Les patientes rentrent en hospitalisation le matin de l’intervention vers huit heures, à jeun. Toutes les interventions ont été réalisées par le même opérateur. Après une préparation usuelle préopératoire (douche bétadinée et blouse de bloc opératoire), elles sont ensuite emmenées au bloc opératoire. Après l’intervention, elles sont surveillées dans leur chambre, puis après vérification de l’absence de résidu postmictionnel significatif (RPM < 100 cc), elles sortent le soir même vers 18 heures, avec une ordonnance comprenant des antalgiques de premier palier de l’OMS. Une des infirmières du service les rappelle le lendemain de l’intervention et le suivi à domicile se réalise en partenariat avec le médecin traitant. Elles sont ensuite revues en consultation entre 30 et 45 jours postopératoires, puis à un an. 22 Technique opé ratoire La patiente est installée en décubitus dorsal, en position gynécologique. La désinfection cutanée et vulvaire se fait par double badigeonnage à la bétadine, puis des champs stériles sont mis en place. La patiente est ensuite sondée au moyen d’une sonde urinaire (foley n 16) avec un ballonnet gonflé à 10 cc. Le premier temps opératoire consiste en la réalisation de l’anesthésie locale. Pour ce faire, on mélange 20 cc de Tableau I. xylocaı̈ne adrénalinée à 1 % dans 100 cc de sérum physiologique. On injecte tout d’abord avec une aiguille intradermique 10 cc de la dilution au niveau des orifices de pénétrations cutanées du sytème TOT. Lorsque l’analgésie est obtenue, une petite incision cutanée infracentimétrique au bistouri froid (lame 11) est faite, à hauteur du clitoris, dans chaque pli inguinocrural. Elle permet la poursuite de l’anesthésie plus en profondeur : on injecte sur le trajet que prendra l’aiguille du TOT jusqu’au trou obturateur (25 cc de chaque côté). On infiltre ensuite en sous-urétral au niveau de Questionnaire téléphonique Nom : Date de naissance : Prénom : AL Date d’intervention : Ambu Date du questionnaire : ATCD : Questionnaire de satisfaction Q1. Concernant le résultat de l’intervention, êtes-vous : & Satisfaite & Moyennement satisfaite & Pas satisfaite Q2. Concernant l’anesthésie pendant l’intervention, êtes-vous : & Satisfaite & Moyennement satisfaite & Pas satisfaite Q3. Concernant la douleur après l’intervention, êtes-vous : & Satisfaite & Moyennement satisfaite & Pas satisfaite Q4. Concernant la durée d’hospitalisation, êtes-vous : & Satisfaite & Moyennement satisfaite & Pas satisfaite Q5. Si c’était à refaire, préferiez-vous être endormie totalement ? & Non & Oui Q6. Si c’était à refaire, souhaiteriez-vous rester plus longtemps à l’hôpital ? & Non & Oui Q7. Conseillerez-vous à une amie ou à un membre de votre famille de bénéficier de cette opération dans les mêmes conditions ? & Non & Oui Q8. De façon globale, à propos de cette intervention, êtes-vous : & Satisfaite & Moyennement satisfaite & Pas satisfaite Résultats IUE : Non Oui ! I Impériosités : Non Oui Fuites par impériosités : Non Oui Utilisation de protections : Non Oui Dans le dernier mois, combien de fuites ? II III 23 l’incision vaginale. Cette infiltration est poursuivie en paraurétral gauche et droit en direction des trous obturateurs. L’intervention se déroule sous la surveillance d’un médecin anesthésiste qui complètera cette anesthésie locale le plus souvent par une sédation. D’un point de vue chirurgical, notre technique est celle la plus communément utilisée pour la pose de bandelette sousurétrale de type TOT. Nous utilisons le matériel proposé par AMS : la bandelette de polypropylène monofilament tressée à introducteur hélicoı̈dal Monarc®. Une incision de la muqueuse vaginale antérieure, sagittale, de 2 cm est réalisée entre deux pinces d’Alice à 1 cm du méat urétral. La dissection est poursuivie latéralement aux ciseaux jusqu’au contact de la face interne de la branche ischiopubienne. Puis on réalise le passage transobturateur grâce au tunneliseur hélicoı̈dal, son retrait par le même trajet laissant en place la bandelette de polypropylène. On réalise de même de l’autre côté. Le mode d’anesthésie permet de contrôler la pose de la bandelette : avant la mise en tension de celle-ci, on gonfle la vessie à l’aide de 300 cc de sérum physiologique, puis l’on demande à la patiente des efforts de toux. La fuite urinaire occasionnée doit être contrôlée par la mise en tension de la bandelette tout en tolérant une continence imparfaite aux efforts de toux (une fuite minime d’environ 2 cc), nous pensons ainsi limiter les dysuries postopératoires (sans que toutefois cela soit validé par la littérature). Les orifices cutanés et muqueux sont refermés par des fils résorbables monofilament. Il n’est pas réalisé de contrôle cystoscopique. En fin d’intervention, la patiente est désondée. De retour en hospitalisation, on calcule le résidu postmictionnel par échographie après la première miction. Étude Nous avons rétrospectivement étudié les dossiers des patientes ayant bénéficié d’une BSU pour IUE par voie transobturatrice sans autre geste associé entre juin 2003 et février 2005. Il a été relevé dans ces dossiers les antécédents des patientes, les dates d’intervention et des consultations ultérieures, les âges des patientes, les données du BUD, le type d’incontinence urinaire initial, les éventuelles complications peropératoires, postopératoires, les durées d’hospitalisation, le type d’anesthésie, les données des consultations postopératoires. Puis nous avons tenté de recontacter les patientes initialement prévues pour être prise en charge en ambulatoire. Un questionnaire téléphonique (Tableau I) leur a été soumis par une personne autre que l’opérateur principal. Après trois appels sans réponses, l’évaluation téléphonique était abandonnée. Résultats Entre juin 2003 et février 2005, 91 patientes présentaient une indication de BSU par voie transobturatrice pour Tableau II. Répartition de la prise en charge en ambulatoire TOT pour IUE 06/03 à 02/05 N = 91 Patientes relevant d’une [H] conventionnelle: N=7 Inclusion AMBULATOIRE N = 84 Patientes réellement prises en charge en ambulatoire N = 75 Soit 89.3% ECHEC AMBULATOIRE N=9 SOIT 10.7% - 2 RAU - 2 refus - 2 solitaires - 1 nausées - 1 douleurs – 1 météo. traiter une IUE. L’âge moyen de celles-ci était de 58 ans. Seulement sept de ces patientes ne présentaient pas les critères d’inclusions pour une chirurgie ambulatoire. Quatre-vingt-quatre patientes ont donc été programmées pour une hospitalisation ambulatoire (Tableau II). Toutes ces patientes ont bénéficié de l’intervention et 75 (soit 89,3 %) d’entre elles ont effectivement pu regagner leur domicile le soir même de l’intervention. Parmi les neuf échecs, la relecture des dossiers relève des causes diverses : de mauvaises inclusions (deux refus le jour même par les patientes, et deux patientes vivant seules), des causes médicales comme des douleurs invalidantes (un cas), des nausées persistantes (un cas), et deux cas de rétention aiguë d’urine. Enfin, une cause « météorologique » : des inondations ont empêché la patiente de sortir le soir même. Ces neuf patientes ont pu regagner leur domicile dès le lendemain. Au total, 82,4 % des indications de BSU pour IUE ont pu être réalisées en ambulatoire. Aucune réhospitalisation en urgence n’a été nécessaire. Nous n’avons aucune complication peropératoire à déplorer sur ces 84 dossiers. Concernant l’anesthésie, 77 dossiers étaient exploitables. À la lecture de ceux-ci, on retrouve un taux d’anesthésie locale de 94,81 % (Tableau III). Seules quatre patientes ont dû requérir une anesthésie générale. La sédation la plus communément utilisée fut le midazolam (Hypnovel®) avec une médiane de posologie à 2,75 mg (68 patientes des 77 dossiers d’anesthésie exploitables), associé parfois (38 cas des 77 dossiers d’anesthésie exploitables) à une analgésie Tableau III. Répartition de la prise en charge par anesthésie locale Inclusion AMBULATOIRE N = 84 Anesth. locale et sédation. N = 80 soit 95% Retour à domicile le soir même: N=3 Echec d’AL, Anesthésie Générale N=4 Échec ambulatoire N=1 24 Tableau IV. Résultats du questionnaire Concernant le résultat de l’intervention, êtes-vous : Nombre = 57 Concernant l’anesthésie pendant l’intervention, êtes-vous : Nombre = 57 Concernant la douleur après l’intervention, êtes-vous : Nombre = 57 Concernant la durée d’hospitalisation, êtes-vous : Nombre = 56 Si c’était à refaire, préféreriez-vous être endormie totalement ? Nombre = 53 Si c’était à refaire, souhaiteriez-vous rester plus longtemps à l’hôpital ? Nombre = 56 Conseillerez-vous à une amie ou à un membre de votre famille de bénéficier de cette opération dans les mêmes conditions ? Nombre = 57 De façon globale, à propos de cette intervention, êtes-vous : Nombre = 57 générale par morphiniques : sufentanyl 5 microgrammes, (médiane de posologie) ou fentanyl 50 microgrammes (médiane de posologie). Par téléphone, 57 questionnaires d’évaluation ont pu être remplis, soit environ 69 % des 84 patientes. Les résultats complets sont visibles en dans le Tableau IV. Il en ressort que 83,93 % des patientes sont satisfaites de leur durée d’hospitalisation et seulement 16 % auraient préféré rester plus longuement à l’hôpital. Plus de 98 % d’entre elles ne regrettent pas d’avoir été conscientes pendant le geste, et plus de 94 % sont satisfaites de l’anesthésie pendant l’intervention. Enfin, 93 % environ d’entre elles conseilleraient à une personne proche de bénéficier de cette intervention dans les mêmes conditions, et 89,5 % sont globalement satisfaites de cette prise en charge. Ces questionnaires ont été réalisés entre deux mois et deux ans postopératoires, avec une médiane de 20 mois. Discussion La chirurgie ambulatoire est définie par la loi comme l’« ensemble des actes chirurgicaux [...] réalisés dans les conditions techniques de sécurité d’un bloc opératoire, sous une anesthésie de mode variable et selon des modalités permettant sans risque majoré la sortie du patient le jour même de son admission ». L’étude décrite ici présente les biais liés à ses caractères rétrospectifs et non comparatifs mais elle est à notre connaissance la seule évaluant la prise en charge en ambulatoire dans la voie transobturatrice pour la cure d’IUE. En effet, si pour la « tension free vaginal tape » (TVT) la description initiale faite par Ulmsten [1] présente Satisfaite Moyennement Pas satisfaite Satisfaite Moyennement Pas satisfaite Satisfaite Moyennement Pas satisfaite Satisfaite Moyennement Pas satisfaite Non Oui Non Oui Non Oui Satisfaite Moyennement Pas satisfaite satisfaite satisfaite satisfaite satisfaite satisfaite 46 7 4 54 1 2 49 5 3 47 6 3 52 1 47 9 4 53 51 2 4 80,7 % 12,28 % 7,02 % 94.74 % 1.75 % 3.51 % 85,96 % 8,77 % 5.26 % 83,93 % 10,71 % 5,36 % 98,11 % 1,89 % 83,93 % 16,07 % 7,02 % 92,98 % 89,47 % 3,51 % 7,02 % une prise en charge sous anesthésie locale et en chirurgie ambulatoire, ce n’est pas le cas pour la voie transobturatrice. Delorme [2], même s’il prévoit que cette intervention puisse être réalisée sous anesthésie locale, décrit une série de cas réalisés sous rachianesthésie ou sous anesthésie générale, avec des patientes regagnant leur domicile le lendemain de l’intervention. De même, lors des séries plus conséquentes présentées ultérieurement comme celle de Costa [3], l’hospitalisation est une hospitalisation conventionnelle supérieure à 12 heures. Au sujet de l’anesthésie locale, il existe d’autres schémas que celui que nous avons proposé. Ainsi, Dedobinance [4] utilise 20 cc de ropivacaı̈ne associée à 1 mg d’adrénaline, et 1 gamma/kg de clonidine, l’ensemble étant dilué dans 100 cc de sérum salé isotonique. Concernant le questionnaire de satisfaction, même s’il n’a pu être réalisé chez toutes les patientes, il revêt par son caractère téléphonique et l’existence d’un interlocuteur différent de l’opérateur une certaine objectivité. Il ne s’agit pas d’un questionnaire validé scientifiquement, mais nous avons pris le parti de préférer des items plus justement adaptés à notre recherche : satisfaction globale, appréciation du caractère ambulatoire et de l’anesthésie. Le taux de satisfaction globale de près de 90 % est comparable à ceux retrouvés dans la littérature, comme par exemple dans l’étude de nos confrères viscéralistes [5] qui ont pour les hernies prises en charges en ambulatoire un taux de 92,4 % de satisfaction. L’étude de Spinosa [6] sur 117 TOT en hospitalisation conventionnelle retrouvait un taux de satisfaction générale de 92 %. Bien qu’il serait nécessaire qu’une étude comparative l’affirme, il ne semble donc pas que la chirurgie de jour sous anesthésie locale interfère sur la satisfaction globale de la patiente pour ce type 25 d’intervention. Toutefois, dans cette étude, on peut penser que le délai parfois long entre l’intervention et le questionnaire (médiane de 20 mois) puisse être à l’origine d’une mauvaise évaluation de la satisfaction des patientes. La chirurgie ambulatoire présente des avantages indiscutables comme la réduction des coûts et la réduction des infections nosocomiales, mais elle reste faiblement représentée en France, en retard sur les autres pays européens [7]. Parmi les interventions traceuses de chirurgie ambulatoire mise en place en France dans les années 1990 figurent les curetages, les IVG, les interventions sénologiques et les salpingectomies. Nous retrouvons dans notre étude un taux de réussite de prise en charge ambulatoire (82 %) comparable à celui décrit par Dravet [8] dans la chirurgie sénologique oncologique (87,6 %), avec un taux global de TOT réalisés en ambulatoire de 80 % environ, contre 54 % dans l’étude de Dravet. Dans un domaine chirurgical plus proche, l’étude de De Tayrac [9] sur les injections transurétrales sous anesthésie locale et en ambulatoire pour des IUE, le taux de réussite ambulatoire est moins bon (42,1 %) même si l’anesthésie locale a pu être réalisée dans tous les cas. Chez nos confrères viscéralistes dans la cure de hernie [4], la prise en charge en ambulatoire a pu être réalisée dans 80,3 % des cas. Cette chirurgie mini-invasive se prête par essence ce type de prise en charge. Cela semble encore plus évident lorsque l’on voit que le retour à domicile le jour même de l’intervention est proposé pour des interventions plus lourdes comme des cœlioscopies pour infertilité, endométriose, kystectomie [10], pour des hystérectomies voie basse [11] pour des cholécystectomies cœlioscopiques [12], et pour des interventions sur des nourrissons de quatre mois [13]... Le taux obtenu dans cette étude semble pouvoir être amélioré en affinant le recrutement initial. En effet, si l’on écarte les mauvaises indications d’ambulatoire, à savoir : les patientes vivant seules, et les patientes refusant de retourner au domicile le soir même, le taux de réussite de l’ambulatoire s’élèverait alors à 94 %. Il est intéressant de noter que les questions n 5 et 6 du questionnaire (Tableaux II et III) semblaient le plus souvent totalement incongrues aux patientes, tant la réponse leur semblait évidente. Puisse en être de même un jour pour les chirurgiens encore un peu frileux sur ce type de prise en charge... Bien sûr, comme le soulignent Berge, Pellerin et Johanet [14-16], la chirurgie de jour est une contrainte : elle nécessite une organisation centrée sur le patient, avec une unité dédiée à ce but, un personnel paramédical et administratif spécifique. Enfin, des progrès en termes de tarification sont encore nécessaires. Conclusion Au total, il semble que la cure d’IUE par mise en place de BSU par voie transobturatrice soit réalisable dans plus de 80 % des cas en unité ambulatoire, avec un excellent taux de satisfaction. Le taux de succès de l’ambulatoire dans cette indication semble pouvoir être amélioré par un meilleur recrutement initial. Les progrès en terme de tarification devraient pouvoir permettre de valoriser ce type de prise en charge et de contribuer à son expansion. En effet, le système de tarification actuel en France pénalise les établissements offrant une prise en charge ambulatoire par rapport à ceux, qui pour ce même type d’intervention, proposent une hospitalisation supérieure à deux nuits. Références 1. Ulmsten U, Henriksson L, Johnson P, Varhos G (1996) An ambulatory surgical procedure under local anesthesia for treatment of female urinary incontinence. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 7(2): 81–5; discussion 85–6 2. Delorme E (2001) Transobturator urethral suspension: mini-invasive procedure in the treatment of stress urinary incontinence in women. Prog Urol 11(6): 1306–13 3. Costa P, Grise P, Droupy S, et al. (2004) Surgical treatment of female stress urinary incontinence with a trans-obturator-tape (TOT) Uratape: short term results of a prospective multicentric study. Eur Urol 46(1): 102–6; discussion 106–7 4. Debodinance P (2006) Comment je fais... l’anesthésie pour la pose de bandelettes sous-urétrales par voie obturatrice dans la cure d’incontinence urinaire [How I do the anaesthesia for the trans-obturator urethral sling in the incontinence surgery] Gynecol Obstet Fertil 34(6): 531–532 5. Jacquet E, Puche P, Alahyane J, et al. (2006) Evaluation of inguinal hernia in ambulatory surgery: A prospective monocentric study on 1009 inguinal hernia. Ambulatory Surgery 12[4]: 167–71 6. Spinosa JP, Dubuis PY, Riederer B (2005) Transobturator surgery for female urinary continence: from outside to inside or from inside to outside: a comparative anatomic study. Prog Urol 15(4): 700–6 7. Sales JP (2001) Place de la chirurgie ambulatoire en France. Comparaisons internationales. [Role of ambulatory surgery in France. International comparisons]. Ann Chir 126(7): 680–5 8. Dravet F, Belloin J, Dupré PF, et al. (2000) Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude prospective de faisabilité : prospective study of the feasibility of outpatient breast surgery. [Role of outpatient surgery in breast surgery. Prospective feasibility study]. Ann Chir 125(7): 668–76 9. De Tayrac R, Cortesse A, Fernandez H, et al. (2005) Injections transurétrales sous anesthésie locale en ambulatoire dans l’incontinence urinaire d’effort féminine: indications, faisabilité et résultats[Transurethral injections under local anaesthesia for ambulatory treatment of stress urinary incontinence in women: indications, feasibility and results]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 34(7 Pt 1): 702–10 10. Horvath KJ (2003) Postoperative recovery at home after ambulatory gynecologic laparoscopic surgery. J Perianesth Nurs 18(5): 324–34 11. Pasternak LR, Johns A (2005) Ambulatory gynaecological surgery: risk and assessment. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol 19(5): 663–79 Epub 2005 Jul 11 26 12. Johanet H, Laubreau C, Barei R, et al. (2002) Cholécystectomie par laparoscopie en ambulatoire. Outpatient laparoscopic cholecystectomy. Ann Chir 127(2): 121–5 13. Kalfa N, Forgues D, Rochette A, et al. (2004) Étude comparative de la faisabilité et des limites de la chirurgie ambulatoire chez le nourrisson et chez l’enfant de plus d’un an. [A comparative study of the feasibility and limits of ambulatory surgery in infants under and over one year of age]. Ann Chir 129(3): 144–8 14. Berge F, Dubourg Y, Lepage B (1996) Anesthésie/chirurgie ambulatoire : une architecture et une organisation spécifiques RBM-News, 18[1]: 10–12 15. Pellerin D (2001) La chirurgie ambulatoire. [Ambulatory surgery] Ann Chir 126(7): 616–7 16. Johanet H (2004) Chirurgie ambulatoire pour une amélioration de la qualité des soins. [Ambulatory surgery to improve quality of care] Ann Chir 129(3): 131 Pelv Perineol (2007) 2: 27–32 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0107-3 MISE AU POINT / UPDATE Varices pelviennes symptomatiques : diagnostic et traitement M. Greiner Service de radiologie vasculaire, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13 - Université Pierre-et-Marie-Curie - Assistance publique hôpitaux de Paris Résumé : Les varices pelviennes représentent l’expression anatomopathologique d’une stase veineuse intéressant un ou plusieurs secteurs pelviens. La notion de varices pelviennes symptomatiques reste une entité à découvrir pour de nombreux spécialistes. Le diagnostic (dg) évoqué devant une symptomatologie stéréotypée doit conduire à la réalisation d’un échodoppler endovaginal dont la valeur prédictive est bonne dans le dg des varices utéro-ovariennes. Il doit être complété par un doppler transpérinéal à la recherche de varices périnéales. L’IRM élimine une pathologie pelvienne associée ; sa sensibilité comme celle du scanner est faible dans le dg des varices pelviennes. Toute suspicion persistante de pathologie génitale fera discuter une cœlioscopie. Un tableau clinique typique ou un tableau évocateur associé à la présence de varices pelviennes à l’une des imageries en coupe doit conduire à la phlébographie pelvienne. Cette procédure, peu invasive, est indispensable au dg et permet de dresser une cartographie anatomique et hémodynamique du pelvis veineux. La classification des anomalies veineuses pelviennes que nous avons élaborée, fondée sur les résultats de la phlébographie, permet d’orienter les choix thérapeutiques. Le traitement endovasculaire, seule thérapeutique envisageable à l’heure actuelle pour les varicocèles et anomalies veineuses alimentées par les afférents iliaques internes, doit respecter les contreindications. Il consiste en l’embolisation par coils, colle synthétique ou autres matériaux, des varices et/ou de leur alimentation selon les indications. Ses résultats à long terme sont excellents s’il est complet. Les varices pelviennes à l’origine d’une pathologie parfois très invalidante, source de médicalisation chronique coûteuse, doivent désormais être diagnostiquées et traitées. to venous insufficiency in one or several pelvic regions. This insufficiency, which has a number of possible causes, is responsible for venous stasis, varicose veins and venous leaks. A diagnosis based on signs and symptoms should lead to transvaginal sonography, which has high predictive value in diagnosing uterovaginal varicose veins. However, there is a high rate of diagnostic error in detecting pelvic varicose veins in other regions. It must be complemented by transperineal ultrasound to search for perineal varicose veins. MRI can reveal associated pelvic disorders. But, like CT scans, its sensitivity is too low to diagnose pelvic varicose veins. Laparoscopy is often used to assess unexplained chronic pelvic pain. A typical semiology of pelvic venous stasis or a suggestive semiology associated with pelvic varicose veins on cross-sectional imaging indicates pelvic phlebography, which is the only procedure that can construct an anatomical and hemodynamic profile of pelvic veins. We report a pretreatment classification of disorders based on venography and intended to help guide therapeutic decision-making. Endovascular treatment, the only possible treatment at present for complex varicoceles and varicose veins supplied by internal afferent iliac vessels, is subject to a careful assessment of contraindications. Depending on the indication, several embolization techniques can be employed, preferably with coils and glue. The long-term results are excellent if the procedure is complete. Pelvic varicose veins, sometimes causing disabling disorders and requiring chronic and expensive medical care, must now be diagnosed and treated. Mots clés : Varices pelviennes – Phlébographie pelvienne – Embolisation veineuses pelvienne Introduction Symptomatic pelvic varicose veins: diagnosis and treatment Abstract: Symptomatic pelvic varicose veins comprise a distinct and often overlooked clinical entity. They are related Keywords: Pelvic varicose veins – Pelvic phlebography – Pelvic venous embolisation La pathologie veineuse pelvienne, pathologie essentiellement féminine, a été très longtemps ignorée en raison de thèses empiriques qui avaient imprégné la mémoire médicale et d’explorations complémentaires inexistantes. Il a fallu attendre la publication princeps de Hobbs [1] pour modifier les concepts. Pourtant des articles antérieurs, tels ceux de Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : 01 42 16 35 97 28 A. Gilloux [2] et H. Lefevre [3], en 1964, reliant les varices utéro-ovariennes aux algies pelviennes essentielles ou celui de Théodore Massel [4] démontrant l’origine pelvienne de certaines varices des membres inférieurs, avaient été révélateurs. S’il est vrai que les varices pelviennes permanentes asymptomatiques sont fréquentes dès la deuxième grossesse, il n’est plus à démontrer qu’elles peuvent être à l’origine d’une symptomatologie spécifique parfois très invalidante, qui requiert une thérapeutique spécifique ; cette thérapeutique reste confinée à quelques centres. Signes cliniques Quelle que soit la cause – varicoses suppléantes secondaires à des thromboses ; anomalie constitutionnelle du drainage veineux ; incontinence valvulaire acquise (grossesses) ou congénitale ; anomalie génétique de la paroi veineuse ; dysfonctionnements hormonaux ; facteurs mécaniques (grossesses, rétroversion utérine du post-partum) ; facteurs hémodynamiques (grossesses) – la symptomatologie clinique dépend des organes et sites affectés par l’atteinte veineuse. On distingue trois grands types de séméiologie clinique Le syndrome de congestion pelvienne La douleur pelvienne chronique, expression directe de la stase veineuse est toujours présente. Elle est définie comme une douleur non cyclique, évoluant depuis plus de six mois, aggravée par la position debout, en fin de journée, et en période prémenstruelle. Elle est prolongée par une dysménorrhée. Une dyspareunie ou des douleurs postcoı̈tales qui durent 24–48 heures sont souvent associées. Une pesanteur périnéale (en relation avec des varices pudendales), une dysurie inexpliquée non pas à type d’incontinence, mais à type d’urgence mictionnelle (liée à des varices du trigone vésical), une sensation de lourdeur de jambes (due à des fuites veineuses pelviennes vers les membres inférieurs) sont inconstantes mais caractéristiques. Non identifiés, ces symptômes conduisent à l’anxiété, l’irritabilité, la frigidité et la dépression. L’examen clinique peut mettre en évidence une sensibilité d’un ovaire ou d’une annexe à la palpation, des varices des organes génitaux externes, périnéales ou des membres inférieurs. L’association d’une palpation annexielle reproduisant la douleur de la patiente et de dyspareunies chroniques postcoı̈tales a une sensibilité de 94 % et une spécificité de 77 % dans la distinction du syndrome de congestion pelvienne des autres causes de douleur pelvienne [5]. L’interrogatoire note le nombre de grossesses et l’intervalle libre qui les sépare, l’existence de varices pendant les grossesses, notamment vulvaires, disparues après l’accouchement. Les douleurs pelviennes focalisé es à siè ge constant Elles peuvent être localisées à un viscère en rapport avec des varices viscérales (cystalgie chronique) à une fosse iliaque le plus souvent gauche ou de siège pariétal, dues à des varices alimentées par les afférents veineux iliaques internes pariétaux. Il en est ainsi des fessalgies, des névralgies obturatrices, pudendale interne ou sacrale. L’origine veineuse est tardivement évoquée. Intolérables, elles sont la source d’escalade thérapeutique et de consultation dans les centres antidouleurs et les centres psychiatriques. C’est dans ce contexte qu’il a été décrit des suicides [6]. Varices atypiques des membres infé rieurs (MI) Leur atypie tient à leur topographie, car elles ne suivent pas le trajet des veines saphènes, mais elles semblent émerger de la racine de cuisse puis croisent la face antéro-interne ou postéro-interne de cuisse avant d’atteindre le creux poplité. Une origine pelvienne ou suprapelvienne est retrouvée dans 16,6 % des récidives de varices des MI après chirurgie [7]. Examens paracliniques L’identification de cette entité clinique doit conduire à l’échographie endovaginale si possible couplée au doppler. Cet examen de première intention permet une bonne étude des organes génitaux internes et possède une excellente valeur prédictive dans le diagnostic des varices utéro-ovariennes. Le diagnostic des autres sites variqueux pelviens reste difficile et incomplet en raison de la complexité du drainage veineux pelvien. La recherche d’une cause variqueuse n’est pas du domaine de l’échographie. Cet examen doit être associé au doppler périnéal à la recherche de varices périnéales et de points de fuite au canal d’Alcock, et au doppler de l’orifice superficiel du canal inguinal à la recherche d’un flux à contre-courant [8]. Un doppler des membres inférieurs est systématique si l’examen clinique retrouve des varices à leur niveau. L’apport de l’IRM, excellent examen pour l’exploration du pelvis, est limité dans la pathologie veineuse pelvienne [5], mais le radiologue doit signaler toutes varices d’un secteur pelvien dans un contexte de douleur pelvienne chronique. Le scanner n’est pas performant pour le diagnostic des varices pelviennes [5], mais il constitue un bon examen pour l’étude de la veine rénale gauche. La cœlioscopie est réalisée chez la plupart des patientes souffrant d’un PCS non diagnostiqué à la recherche de maladies inflammatoires, d’endométriose ou autres pathologies génitales. La constatation de varices ovariennes ou du ligament large conduit au diagnostic de varices pelviennes mais en position couchée, ou en Trendelenburg et avec l’insufflation de la cavité abdominale, les dilatations veineuses 29 Tableau I. Classification des anomalies veineuses pelviennes Type I : anomalies secondaires à une obstruction veineuse Origine suprapelvienne Origine pelvienne Anomalies du retour veineux ré nal gauche Nutcracker syndrome Veine rénale rétroaortique Veine rénale réticulaire Occlusion veineuse rénale gauche Primaires May-Thurner Anomalies anatomiques des veines iliaques internes Pathologie de la VCI Anomalies constitutionnelles Compressions extrinsèques Thrombose Secondaires Occlusion iliaque Compression extrinsèque Thromboses Type II : maladies veineuses Pathologie valvulaire Incompétence valvulaire congénitale ou acquise Absence ou destruction des valvules Dilatation congé nitale ou acquise des veines pelviennes Malformations veineuses sont peu visibles et sous-estimées ; sa sensibilité est médiocre, notée en moyenne à 40 % [5]. Les varices rétropéritonéales ne sont jamais vues. Même visibles, ces varices sont rarement mises en cause par le gynécologue dans la symptomatologie douloureuse pelvienne, ce qui retarde le diagnostic. Un syndrome de congestion pelvienne typique ou l’association d’une douleur pelvienne, ou périnéale qui ne fait pas sa preuve et de varices pelvi-périnéales objectivées au cours d’un examen paraclinique doit conduire à la réalisation d’une phlébographie pelvienne sélective. Cet examen, réalisé sans hospitalisation ni prémédication ne connaı̂t pas de complication en dehors de l’allergie au produit de contraste. C’est le seul examen actuellement capable de dresser une cartographie anato- mique et hémodynamique du pelvis féminin, et de définir une conduite à tenir. Classification et indication thérapeutique [9] La classification que nous avons établie (Tableau I) permet d’éviter les traitements erronés. En effet, le traitement des suppléances variqueuses pelviennes secondaires à un obstacle ne peut se concevoir sans levée de l’obstruction si cette dernière est occlusive. Il en est ainsi des embolisations de veine génitale dans le cadre d’un Nutcracker syndrome complet ou majeur (Fig. 1), qui sont à l’origine de souffrance rénale gauche dont le premier signe est l’hématurie et de complications non négligeables à distance, notamment hémorragiques. Fig. 1. Nutcracker syndrome majeur : (a et b) veine rénale comprimée (flèche noire) et volumineuse veine ovarique de dérivation (flèche blanche) ; (c) étage pelvien : importante varicocèle gauche (flèche courbe) 30 Les varicocèles de la femme ou dilatation des plexus pampiniformes ovariens, ou testiculaires méritent une mention particulière. Nous en distinguons trois types : – le type 1 correspond aux varicocèles secondaires à une incompétence veineuse constitutionnelle ou acquise du système de drainage des plexus pampiniformes. Il regroupe les incontinences des veines ovariques gauches responsables d’un reflux du sang veineux rénal gauche dans la veine génitale gauche, l’absence correcte de drainage de la veine génitale droite dans la veine cave inférieure, et les incompétences des afférents veineux iliaques internes de drainage, notamment des veines utérines. Le traitement endovasculaire doit être privilégié. Il est peu invasif, adapté à chaque anatomie veineuse et aux anomalies hémodynamiques. C’est le seul traitement envisageable dans les varicocèles complexes alimentées à la fois par les veines génitales et les afférents iliaques internes puisque l’efficacité thérapeutique nécessite le traitement de l’ensemble des alimentations ; – le type 2 regroupe les varicocèles constituant des voies de suppléance d’un obstacle : anomalie de drainage du sang veineux rénal gauche ; syndrome iliocave obstructif ; – le type 3 est constitué par les varicocèles secondaires à une cause locale : dystrophie veineuse du plexus pampiniforme ; rétroversion utérine du post-partum ; phénomène adhérentiel postinfectieux ou postchirurgical intéressant une annexe ou la totalité du système génital responsables de contrainte au retour veineux ; destruction du tissu de soutien des paramètres telle que rencontrée dans le syndrome de Masters-Allen autorisant une distension veineuse ; cause traumatique non obstétricale. Le diagnostic de ces varicocèles suggéré par la phlébographie est confirmé par la cœlioscopie. Un syndrome de congestion pelvienne est toujours présent. La présence d’un reflux rénogénital associé, constitue un épiphénomène dont la suppression laissera inchangé le paquet variqueux pelvien, source de réservoir sanguin qui s’évacuera par les multiples connections au gré du jeu des pressions. Cela explique l’absence d’amélioration clinique du syndrome de congestion pelvienne après embolisation isolée du reflux. Traitement Le traitement [9] répond à des exigences précises dont le respect conditionne les résultats et permet d’éviter les complications. Il impose une bonne connaissance anatomique et hémodynamique du pelvis veineux. Il doit intéresser la totalité de la veine pathologique et doit être complet c’est-à-dire concerner la totalité des secteurs pathologiques. L’absence d’amélioration clinique postthérapeutique est le plus souvent liée à la persistance de paquets variqueux non traités ou à l’utilisation de techniques non adaptées. Enfin, il doit respecter les contre-indications. Le traitement endovasculaire est le seul traitement actuel des varices alimentées par les veines pelviennes drainées par le système iliaque interne. Les traitements chirurgicaux réalisés par quelques équipes dans les années 1980–1990 [10] ont été abandonnés malgré de bons résultats en raison de leur morbidité et de la longueur des procédures. Le traitement des varicocèles par chirurgie classique ou cœlioscopie est grevé d’un taux non négligeable de récidives par oblitération incomplète des voies de drainage [5]. Compte tenu des moyens diagnostiques et des connaissances actuelles, il ne peut se concevoir que dans les varicocèles non alimentées par les afférents iliaques internes (Fig. 2) sous peine d’inefficacité et ne doit pas détruire une voie d’accès dans les malformations veineuses des plexus pampiniformes. Fig. 2. Varicocèle gauche complexe (a) alimentation par la veine ovarique g ; (b et c) même varicocèle : alimentation par des afférents iliaques internes (flèches courbes) 31 Le traitement endovasculaire des varicocèles de type 1 c’est-à-dire secondaires à une pathologie de reflux, a été rapporté dans de nombreux articles [5–14]. Il a beaucoup évolué ces dernières années et ne peut pas être assimilé au traitement des varicocèles de l’homme dans le contexte d’infertilité. Le diamètre des veines ovariques n’autorise pas l’utilisation de substances sclérosantes. La technique que nous privilégions [9,13] utilise des coils permettant de bloquer le flux des principaux afférents de la veine ovarique au paramètre suivi de l’embolisation de la veine génitale jusqu’au dernier afférent (parfois très haut situé), par une émulsion de colle synthétique et de lipiodol. Cette injection peut être terminée par la pose de coils. Le résultat est définitif. Les afférents iliaques internes incompétents, alimentant la varicocèle, sont toujours embolisés dans le même temps. Le traitement des varicocèles de cause locale doit être assimilé au traitement des varices issues des afférents iliaques internes [9,13]. Il est plus dangereux compte tenu de la compliance veineuse, des multiples connec- tions veineuses et de la distance très courte séparant le site à traiter de la veine iliaque interne collecteur de tout un hémi bassin. Pour éviter tous risque d’embolie pulmonaire, nous commençons le traitement des varices pelviennes alimentées par des afférents iliaques internes (varicocèles comprises) de gros diamètre (supérieur à 4 mm) par un arrêt de sécurité à l’émergence de la fuite phlébographique (Fig. 3). Celui-ci est réalisé par mise en place à l’aide d’une sonde 4Fr d’un coil fibré 0,035 considéré comme l’équivalent d’un filtre ; ce coil est franchi par microcathéter permettant le cathétérisme puis l’embolisation des varices par injection de colle. Les alimentations de petit calibre (< 4 mm) sont embolisées par la pose de microcoils fibrés 0,018 sur toute la longueur de la fuite. Complications et résultats à long terme Le traitement endovasculaire des varices pelviennes est le traitement de choix, mais requiert une équipe bien formée et un opérateur entraı̂né au maniement des Fig. 3 Traitement endovasculaire de varices pelviennes (a) phlébographie initiale : série anatomique après cathétérisme de la veine iliaque interne ; Flè che ouverte : veine glutéale supérieure (fessière) gauche et sa valvule continente ; tê te de flè che : plexus présacral normal ; flè che blanche : afférent iliaque interne variqueux et avalvulé ; (b) même patiente après cathétérisme de l’afférent pathologique : varices pudendales internes à double alimentation ; (c) cliché en cours d’embolisation : injection de colle synthétique et lipiodol (flè che ouverte) par microcathéter (flè che blanche) après pose d’un coil de sécurité (tê te de flè che) par une sonde 4Fr (flè che pointillé e) ; (d) imagerie de contrôle en fin de procédure (double embolisation). Noter l’absence d’opacification de varices. L’imagerie des autres afférents est inchangée 32 différentes techniques d’embolisation, et notamment de la colle synthétique. La complication majeure rapportée dans la littérature est celle, rare, de migration de coils au début des expériences veineuses [5,11,14]. Ils ont toujours fait l’objet de récupération immédiate sans séquelle par ces équipes entraı̂nées. C’est une complication qui devient exceptionnelle avec l’expérience et notamment avec l’acquisition de la compliance veineuse. Quelques migrations de fragment de colle polymérisée sont également mentionnées sans traduction clinique ou paraclinique [9] ou à l’origine d’embolie pulmonaire périphérique très focalisée [11]. Aucune thrombose veineuse pelvienne extensive n’a jamais été rapportée. Cela s’explique par la diversité des gradients de pression à l’étage pelvien entretenant la circulation des flux et l’absence de phénomènes infectieux, facteur déclenchant principal des thromboses pelviennes. De même qu’il n’a jamais été noté d’atteinte des organes pelviens ou digestifs en dépit des connections avec des branches drainées par la veine mésentérique inférieure. Enfin, il n’a pas été noté de modification des taux d’hormones sexuelles (estradiol, progestérone, FSH, LH) avant puis après embolisation veineuse [5]. Les acquisitions hémodynamiques et physiopathologiques récentes, une meilleure sélection des patientes, l’application de techniques d’embolisation dérivées des procédures de neuroradiologie interventionnelle ont totalement transformé les résultats à long terme puisque l’amélioration significative ou la guérison voisine actuellement 90 % [5,11,12]. Conclusion L’anamnèse et l’examen clinique suggèrent le diagnostic de pathologie veineuse pelvienne. L’échographie endovaginale recherche des varices pelviennes. L’IRM pelvienne voire la coelioscopie sont requises pour éliminer une autre pathologie en cas de doute diagnostique. La phlébographie pelvienne confirme le diagnostic et permet de décider de la conduite à tenir. Le traitement endovasculaire est le seul traitement actuel des varices issues des afférents iliaques internes et des varicocèles complexes. Il doit respecter les contre-indications. Bien toléré, peu invasif, il entraı̂ne des occlusions veineuses sélectives et complètes. Les résultats sont remarquables lorsqu’il intéresse la totalité des secteurs pathologiques. Références 1. Hobbs JT (1990) The pelvic congestion syndrome. Br Med J 43: 200-6 2. Gilloux A (1964) Considérations étiopathogéniques sur le syndrome variqueux utéro-ovarien et les algies pelviennes essentielles. Gynécologie pratique. Vigot Frères Éditeurs 2: 103-12 3. Lefebre H (1964) Broad ligament varicocele. Act Obstet Gyneco Scand 43: 122-3 4. Massel TB, Graig Heringman E, Greenstone SM (1966) Lower extremity varicosis originating from the pelvis. Angiology 17: 121-6 5. Kim HS, Malhotra AD, Rowe PC, et al. (2006) Embolotherapy for Pelvic Congestion Syndrome: Long-term Results. JVIR 17: 289-97 6. Pearce S, Beard RW (1984) Chronic pelvic pain. In: Broome A, Wallace L (eds.), Psychology and gynecological problems. London: Tavistock Publishers, pp 95-116 7. Perrin Michel R, Labropoulos Nicos, Leon Luis R Jr (2006) Presentation of the patient with recurrent varices after surgery (REVAS). JVS 43: 327-34 8. Franceschi C, Bahnini A (2004) Points de fuite pelviens viscéraux et varices des membres inférieurs. Phlébologie 57: 37-42 9. Greiner M, Gilling-Smith GL (2007) Leg varices originating from the pelvis: diagnosis and treatment. Vascular (in press) 10. Villavicencio JL, Gillespie D, Durholt S, et al. (1997) Diagnosis and Treatment of the Pelvic Venous Disorders: pelvic congestion and pelvic Dumping Syndromes. In: Cann CC (ed.), Surgical Management of Venous Disease; 1st ed. Baltimore: Williams and Wilkins, pp 462-83 11. Maleux G, Stockx L, Wilms G, et al. (2000) Ovarian vein embolisation for the treatment of pelvic congestion syndrome: long-term technical and clinical results. JVIR 11: 859-64 12. Anthony C, Venbrux, Andrew H, et al. (2002) Pelvic congestion syndrome (pelvic venous incompetence): impact of ovarian and internal iliac vein embolotherapy on menstrual cycle and chronic pelvic pain. JVIR 13: 171-8 13. Greiner M (2004) Venous Pelvic Leakage: an effective technique for treating some patients with recurrent varicose veins. Veith Symposium Vascular 12: S128 14. Zubicoa S, Carrion O, Castro J, et al. (1997) Embolizacion en el varicocele pelvico. In: Leal J (ed.), Insuficienca venosa cronica de la pelvis y de los membros inferiors. Madrid Mosby/Doyma Libros SA, pp 15-128 Pelv Perineol (2007) 2: 33–41 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0111-7 MISE AU POINT / UPDATE Modélisation de la cavité pelvienne M. Boukerrou 1 , C. Rubod 1 , N. Coutty 1 , M. Brieu 2 , P. Dubois 3 , M. Cosson 1 1 Pôle de chirurgie gynécologique et obstétrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, centre hospitalier régional universitaire de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, F-59037 Lille, France 2 Laboratoire de mécanique de Lille, école centrale de Lille, boulevard Paul-Langevin, cité scientifique, BP 48, F-59651 Villeneuve-d’Ascq, France 3 INSERM U703, Institut de technologie médicale, pavillon Vancostenobel, centre hospitalier régional universitaire de Lille, F-59037 Lille, France Résumé : Le prolapsus urogénital affecte l’équilibre anatomique et mécanique de la statique pelvienne. Les hypothèses physiopathologiques sont nombreuses. Étant donné la complexité des systèmes biomécaniques en jeu, il est nécessaire de mettre au point et de développer des modèles informatiques. Ils constituent une simplification des systèmes étudiés et permettent de simuler et de prévoir leurs comportements face à des modifications de l’environnement. Le modèle simule des situations physiologiques, pathologiques ou thérapeutiques. Notre objectif est d’aboutir à une évaluation de la maladie et à une personnalisation thérapeutique des troubles de la statique pelvienne. Nous avons défini un premier cahier des charges représenté par les prérequis au développement du modèle pelvien. Cette méthodologie repose sur trois axes principaux et incontournables : l’élaboration d’un modèle géométrique, la caractérisation mécanique des tissus organiques et la réalisation de mesures de contraintes mécaniques in vivo. L’étude préliminaire de faisabilité du modèle de cavité pelvienne a permis initialement de poser les bases du modèle, les moyens à mettre en œuvre tant sur les plans humains que matériels. Le modèle mécanique de cavité pelvienne est en constante évolution. Son développement répond à une politique d’évaluation de nos pratiques. Le modèle sera un outil objectif supplémentaire d’évaluation de la maladie et des techniques de correction. Il permettra le développement d’innovations efficaces et sûres pour diagnostiquer, prendre en charge et traiter le prolapsus. Il est à l’heure actuelle non exploitable à ce titre, mais en devenir. Il reste à envisager les solutions pour lever les verrous technologiques à son développement. Mots clés : Prolapsus – Modèle mécanique – Géométrie – Contraintes – Propriété mécanique des tissus – Simulation Correspondance : E-mail : [email protected] Mechanical model of the pelvic cavity: development strategy Abstract: Pelvic organ prolapse is caused by the anatomical and mechanical dysfunction of the pelvic floor. Numerous hypotheses attempt to explain the cause of the condition. Because many biomechanical systems are involved, the creation of computer simulation models is necessary. Modelling not only simplifies the systems under study, but also makes it possible to simulate and forecast their behaviour in different environmental contexts. The aim of mechanical models of the pelvic cavity is to simulate physiological, pathological and therapeutic situations. We defined three lines of approach for evaluating a patient’s condition and determining an individualised treatment plan. First, we developed a geometrical model, then determined the mechanics of pelvic organ tissues. As a third step, we identified in vivo mechanical constraints by measuring intravaginal pressure. This mechanical model of the pelvic cavity is in ongoing development, advancing based on our expanding knowledge. The model will be used as a tool to assess the disorder accurately and test new, innovative techniques. Keywords: Pelvic organ prolapse – Mechanical model – Geometry – Constraint – Tissue properties – Simulation Modèle informatique : définition, intérêt On ne peut envisager de faire une mise au point sur la modélisation informatique de cavité vaginale ou pelvienne sans préciser et définir les prérequis à toute modélisation mécanique. Le modè le correspond à la représentation mathématique d’un objet ou d’un phénomène, quelle qu’en soit la nature. Il peut s’agir de modèle géométrique, numérique ou méca- 34 nique de type éléments finis (calcul de structures), ou modèle mathématique qui permettent d’établir des équations régissant des phénomènes physiques. La modélisation permet de comprendre les phénomènes décrits ou étudiés, et de faire progresser les connaissances. Étant donné la complexité des systèmes biomécaniques (mécanique du vivant), il est nécessaire de mettre au point et développer des modèles permettant de réaliser des recherches complémentaires. Ces modèles permettent d’aborder les phénomènes biologiques, physiologiques et d’envisager les évolutions physiopathologiques. Les modèles constituent une simplification des systèmes étudiés et permettent d’effectuer des simulations afin de prévoir les comportements de ces systèmes face à une modification de l’environnement (physiologique ou pathologique). Modélisation informatique et statique pelvienne Dans le cadre de l’étude de la statique pelvienne, tant pour son équilibre que pour la physiopathologie, les modèles mécaniques permettent d’étudier les forces, les contraintes et les mouvements ou déformations en résultant. La compréhension de l’équilibre et des troubles de la statique pelvienne est incomplète. La physiopathologie et les différents facteurs de risque sont encore mal reliés et ne permettent pas de comprendre tous les cas de figures rencontrés. Le modèle de cavité pelvienne doit pouvoir étudier et prévoir les modifications issues des actions et réactions entre contraintes et déformations affectant la statique pelvienne. Le modèle mécanique apporte une évaluation plus objective des troubles de la statique pelvienne, de la physiologie, de la physiopathologie et des différentes chirurgies envisageables [1-4]. Le modèle doit être personnalisé et avoir un contrôle sur toutes les variables possibles : caractéristiques tissulaires, modifications de l’anatomie, réplétions des organes creux, orientations et rapports entre les volumes pelviens et enfin des contraintes subies par la cavité pelvienne. Le modèle doit permettre toutes les simulations d’hypothèse chirurgicale, en montrant les résultats de chaque type de chirurgie pour chaque patiente avec ou sans matériel de renforcement. Tout en présentant notre expérience, nous ferons une mise au point sur les travaux réalisés concernant de près ou de loin la modélisation informatique en termes de statique pelvienne. Le cahier des charges précis est défini par les chirurgiens, les mécaniciens et les autres acteurs de la collaboration à l’origine du développement. La première étape réside dans l’élaboration du modèle géométrique. Il s’agit d’une simple représentation graphique qui ne possède pas encore de propriétés mécaniques. La représentation géométrique peut être issue de formulation mécanique avec application de lois de construction tirées de logiciel de dessin assisté par ordinateur (DAO) pour formaliser une conception assistée par ordinateur (CAO) [5,6]. Cette technique ne correspond pas à la géométrie anatomique propre à chaque patiente. Certains auteurs créent le modèle géométrique à partir de dessins et de planches anatomiques [7]. Ces géométries sont anatomiquement valides, mais ne représentent pas les rapports de chaque patiente. Une autre possibilité est d’extraire de l’imagerie médicale le modèle géométrique personnalisé. Plusieurs types d’imageries ont été utilisés pour développer le modèle géométrique : l’échographie [8,9] la tomodensitométrie [10-12] ou l’imagerie par résonance magnétique [8,13-17]. L’IRM est l’imagerie la plus sensible et la plus adaptée au développement du modèle de cavité pelvienne, les trois principaux volumes étant constitués de tissus mous dont la taille, la position et la réplétion peuvent rapidement varier avec le temps. L’IRM permet également des acquisitions volumiques en 3D, statiques ou dynamiques. L’IRM permet de mieux appréhender la géométrie des problèmes de statique pelvienne, et les conditions aux limites du modèle (contraintes anatomiques et physiologiques, points fixes, points mobiles). Le modèle géométrique construit (Fig. 1), doit être discré tisé en sous-domaines d’éléments finis pour permettre les applications de comportement des tissus et les réactions aux contraintes [17]. Ces sous-domaines appelés mailles sont Modélisation de la cavité vaginale-pelvienne Mise au point d’un modè le : gé né ralité Prérequis La mise au point d’un modèle mécanique utilisant la méthode des éléments finis, comme il faut le concevoir dans l’étude de la statique pelvienne, est standardisée et doit suivre un cahier des charges. Fig. 1. Reconstruction géométrique des trois volumes, vessie, rectum et sonde (vagin) V : Vessie ; S : Sonde ; R : Rectum 35 Fig. 2. Discrétisation du modèle géométrique par un maillage mécanique reliés entre eux par des points remarquables : « les nœuds » du maillage (Fig. 2). La méthode des éléments finis permet la résolution numérique des équations mathématiques décrivant les problèmes physiques et mécaniques étudiés, ici il s’agit de l’équilibre de la statique pelvienne. Une fois la modélisation géométrique réalisée et satisfaisante, et le modèle facetisé, les coordonnées des points (x, y, z) correspondant aux contours, épaisseurs et volumes des organes sont transférés aux logiciels de calculs mathématiques. Le logiciel de calculs mécaniques intègre les propriétés et comportement des tissus, les systèmes et propriétés d’accroche, de fixité des organes, leurs rapports et possibilités de mouvements ou de modifications de conformations (conditions aux limites). Le résultat de calcul permet de rendre compte des déplacements en fonction des contraintes appliquées (toux, poussée) pour des propriétés de structures données (caractéristiques des tissus). À ce stade de la mise au point du modèle, il est important de valider cette première étape en comparant les résultats issus des calculs informatiques avec les résultats issus de l’expérimentation : l’examen clinique. Le modèle étant validé, il sera possible de modifier les propriétés du tissu (caractéristiques mécaniques, comportement), toutes les propriétés des moyens de fixations, des interactions et possibilité de mouvement et rapports anatomiques des organes (conditions aux limites). Le modèle permet de simuler toutes applications de contraintes (conditions de chargement) pour prédire les résultats sur la statique pelvienne. Les résultats des chirurgies seront prévisibles et présentés au chirurgien. L’évolution et la stabilité des montages à long terme ou les risques de décompensations, et de récidive seront simulés. Le type de montage chirurgical, tout comme les différents matériaux utilisés peuvent être intégrés au modèle si les caractéristiques et comportements mécaniques de chaque composant sont connus [18,19]. Étude préliminaire d’un modèle de cavité pelvienne Notre expérience d’un modè le « customisé » La chirurgie du prolapsus est en perpétuelle évolution, notamment par voie vaginale. Les techniques de renfort et de soutènement des organes pelviens permettent le remplacement des tissus affaiblis et la suspension par la mise en place de prothèses [2-4,19-21]. Les seules méthodes d’évaluation des résultats anatomiques et fonctionnels des techniques existantes sont basées sur des études cliniques rétrospectives de patientes opérées. Il n’existe pas de méthode d’évaluation objective et spécifique du prolapsus ou des troubles de la statique pelvienne en général. Il n’existe pas non plus d’évaluation objective des différentes techniques opératoires proposées aux patientes. Notre étude préliminaire de faisabilité du modèle de cavité vaginale-pelvienne a permis initialement de poser les bases du développement du modèle mécanique et les moyens à mettre en œuvre tant sur les plans humains que matériels. Notre méthodologie de mise au point : patiente et maté riel La cavité vaginale constitue, à nos yeux, le volume le plus représentatif des phénomènes mécaniques, contraintesdéformations, modélisables. Nous avons choisi initialement, dans la perspective d’une simplification, de développer le modè le gé omé trique sur une base de trois volumes. La vessie, le rectum et de la cavité vaginale sont définis comme des enveloppes surfaciques sans épaisseur de paroi (Fig. 1). La deuxième composante importante du modèle est la caracté risation mé canique du matériau surfacique. Initialement, le matériau rendant compte des phénomènes-contraintes déformations était limité au tissu vaginal réalisant l’interface entre les trois volumes définis, ces 36 Nous avons formulé des hypothèses de travail, considérant le vagin prélevé comme homogè ne, anisotrope (orthotrope) et ayant des propriétés élastiques liné aires. Toutes ces hypothèses étaient définies sans validation, pour faciliter le déroulement de l’étude et en l’absence de travail préliminaire faisant autorité. La courbe : Force = f (Allongement), lors de l’essai de traction, permettait de déterminer la force de rupture (en Newton) et l’allongement à la rupture (en millimètre). Le module de Young et le coefficient de Poisson (caractéristiques mécaniques) étaient mesurés expérimentalement pour être appliqués au maillage de la cavité vaginale. Pour les essais, nous n’avons pas tenu compte des conditions d’hygrométrie et de température. Nous n’avons pas réalisé de tests en fonction des vitesses de traction, aucune notion de viscosité n’était prise en compte dans le déroulement des tests. Fig. 3. Repérage manuel des contours du rectum, coupe sagittale. Repérage surfacique, un seul contour caractéristiques mécaniques étaient déterminées expérimentalement. La troisième étape de la mise au point du modèle concernait les mesures de contraintes subies par la cavité vaginale in vivo. Ces mesures étaient réalisées par une sonde manométrique intravaginale. Un fantôme de cette sonde était utilisé dans la détermination IRM du vagin et des rapports anatomiques entre les trois organes. Le modèle géométrique Pour la construction géométrique du modèle trois volumes nous avons choisi l’IRM, pour son accessibilité et son excellente définition en contraste de l’anatomie pelvienne normale et pathologique [22]. Nous avons utilisé des séquences pondérées en T2 dans un souci de contraste et de définition anatomique. La reconstruction 3D des enveloppes surfaciques des trois « objets » (vessie, rectum, vagin) était possible grâce au logiciel ArtimedTM opérant à partir de contours fermés définis sur plusieurs coupes 2D [23]. Le repérage des contours de chaque organe sur chaque coupe IRM était effectué manuellement en plaçant des points sur les contours anatomiques (Fig. 3). Les trois reconstructions étant issues du même examen IRM pour une même patiente, le logiciel les assemblait dans un référentiel commun qui respectait les rapports anatomiques (Fig. 1). Chaque volume était maillé (Fig. 2). Propriétés mécaniques du tissu vaginal Toutes les patientes de notre étude consultaient initialement pour la cure chirurgicale de leur prolapsus. Au cours du geste, une partie de la paroi vaginale postérieure était réséquée. Étude des contraintes, conditions de chargement du modèle Le matériel que nous utilisons pour les mesures des pressions au niveau de la cavité vaginale avait été testé et validé lors d’une précédente étude [24]. Nous avons utilisé une sonde vaginale permettant de recueillir les pressions vaginales en mmHg à partir de huit capteurs placés sur la bougie. Les résultats sont donnés par huit courbes et une série de valeurs numériques. Nous n’avons conservé que les efforts de poussée abdominale sous forme de différentiel de pressions pour les intégrer au modèle. Modèle mécanique 3D de cavité vaginale Le logiciel de calculs mécaniques utilisé pour le posttraitement était MARC MENTATTM 2002 (MSC Software). Pour la mise au point du modèle mécanique, nous avons formulé les hypothèses de travail et défini les conditions aux limites en fonction de nos connaissances initiales et des enseignements tirés du travail préliminaire. Seule la paroi vaginale modélisée est constituée d’un maillage « mécanique » déformable, le contact entre la sonde et le vagin est défini comme un contact de type glissement. Les zones et types de contact ont été définis sur les reconstructions graphiques en fonction de nos connaissances anatomiques pour chaque modèle. Nous avons, à partir des zones de contacts anatomiques, défini des zones d’influences mécaniques, entre le vagin et la vessie ou le rectum, au sein desquelles la contrainte est considérée comme homogène. Seuls les ligaments utérosacrés (moyen de fixité du fond vaginal) ont été appliqués au modèle. Ne connaissant pas leurs caractéristiques, nous avons déterminé, par le calcul, leurs raideurs à partir du module de Young d’un ligament [25]. Nous avons effectué deux types de calculs : le calcul gravitaire qui correspond à une application des poids de 37 chaque organe, et l’application des contraintes de pressions vaginales. Les résultats sont exprimés sous forme de norme en déplacement. Résultats de l’étude préliminaire Reconstruction gé omé trique Onze patientes sur 25 ont bénéficié d’une IRM pelvienne avec reconstruction anatomique satisfaisante et exploitable pour la réalisation du modèle. Les résultats inexploitables l’étaient par : défaut de transfert des données IRM vers le logiciel de reconstruction ou défaut de contraste (réplétion insuffisante ou évacuation prématurée de gel hydrique rectal). Ces pertes d’informations sont liées à la mise en place du protocole. Analyse des proprié té s mé caniques du tissu vaginal Quinze patientes ont pu bénéficier de prélèvements de tissu vaginal. Les valeurs recueillies nous ont permis de construire pour chaque essai une courbe contrainte/ déformation. Le type de courbe s’apparente à une courbe contrainte/déformation de ligaments ou de tendons [25]. L’analyse de la partie linéaire de la courbe nous a permis, par le calcul de la pente de la droite, d’en déduire le module de Young (s/e). Le coefficient de Poisson est calculé : g = e2/e1 (rapport contraction latérale/extension dans le sens de la contrainte). Analyses quantitatives des contraintes de pressions vaginales Nous avons recueilli les pressions vaginales de 25 patientes. Nous avons obtenu les résultats des transmissions des contraintes au niveau vaginal pour chacune de nos patientes sur les huit capteurs. Il existe une grande dispersion des résultats d’une patiente à l’autre et en fonction de l’emplacement des capteurs pour une même patiente. Application au modè le, simulations numé riques Nous avons effectué deux calculs : le calcul gravitaire et le calcul d’application des contraintes de poussées abdominales. Les pressions abdominales en position couchée ont été ajoutées aux contraintes gravitaires à l’endroit exact où sont situés les capteurs sur la sonde. Les résultats visuels sont différents d’une patiente à l’autre. Les données d’entrée sont différentes et personnalisées pour chaque patiente. Il existe une différence de répartition des surfaces de contact entre organes (conformation et rapport anatomique). Les résultats visuels : « les déformées » sont différents d’une patiente à l’autre en fonction de l’anatomie, des contraintes et de leurs répartitions. Discussion, travaux en cours et perspectives La mise au point d’un modèle mécanique de cavité vaginale est un exercice difficile, qui nécessite le respect d’un cahier des charges strict utile à la construction d’un modèle informatique appliqué à une science mal définie : la statique pelvienne. Nous ne sommes qu’aux prémices de la mise au point de notre modèle, mais globalement en avance par rapport à d’autres auteurs [7,8,10,15,16,26,27]. Le travail préliminaire est effectué et il est maintenant nécessaire de l’affiner et de l’améliorer vers une concordance anatomique, physiologique et physiopathologique plus précise entre modèle et patiente [24,28]. Chaque question ou problème soulevé lors de la mise au point doit être discuté. Des solutions adaptées, à la frontière entre la précision et la simplification, seront apportées au cours de travaux ultérieurs. Il est possible de décrire et de tenter d’expliquer la physiologie et physiopathologie par l’intermédiaire d’un modèle informatique. Mais il est d’autant plus important de décrire et simuler les évolutions et aggravations attendues de la maladie et de définir au mieux les indications thérapeutiques spécifiques pour chaque type de trouble et pour chaque patiente. Nous réalisons une sorte de « customisation mécanique » qui permet une personnalisation thérapeutique des troubles de la statique pelvienne. Les possibilités de modification des paramètres du modèle seront quasi infinies. Tout en restant cohérent par rapport à l’anatomie et la physiologie humaine, il sera possible de modifier les paramètres tant en localisation, nouvelles fixations, nouveaux degrés de liberté qu’en caractéristiques mécaniques. Les propriétés mécaniques et comportements des tissus pelviens pourront être modifiés, par ajout de propriétés d’une prothèse ou d’une fixation par exemple (ligamentaire, transtissulaire...). Cette première étude a permis d’envisager de manière objective les différentes étapes de la modélisation appliquée à la statique pelvienne en posant les problèmes et questions spécifiques se rapportant à la pathologie envisagée. Nous avons, au cours de cette première approche, défini ce que nous pensons être le cahier des charges initial nécessaire pour toute modélisation mécanique de la cavité pelvienne. Aucune autre étude dans la littérature, à notre connaissance, ne décrit les différentes étapes d’une modélisation mécanique de cavité vaginale. Optimisation, amélioration et standardisation du modèle gé omé trique personnalisé à partir de l’imagerie Plusieurs études se sont intéressées à la modélisation informatique pelvienne en général. Mais peu d’entre elles décrivent toutes les étapes nécessaires au développement complet du modèle. Le plus souvent, il s’agit de modèle 38 géométrique à partir de différentes techniques d’imagerie comprenant l’échographie [9], la tomodensitométrie [12,16] ou, comme dans notre étude, de l’IRM [8,13,14,16,17,28]. De toutes ces techniques de construction d’un modèle géométrique, celles utilisant l’IRM nous semblent les plus pertinentes. Toutes dépendent de la qualité de l’imagerie (contrastes) et nécessitent l’intervention d’un opérateur radio anatomiste. L’IRM est considérée maintenant comme l’examen d’imagerie de référence pour l’étude des troubles de la statique pelvienne [29,30]. Il permet l’analyse des tissus mous et de la position des organes par rapport à un référentiel en conditions statiques et dynamiques. C’est un outil qui permet de personnaliser la géométrie sans injection de produit de contraste et sans caractère invasif ou iatrogène. En revanche, il s’agit d’une méthode de reconstruction, qui ne prend pas encore en compte, au stade de notre étude, les modifications dynamiques de positions, de rapports anatomiques ou de réplétions d’organes. La méthode de reconstruction statique doit tendre vers une étude dynamique permettant la prise en compte de tous les paramètres anatomiques ou physiologiques, et ils sont nombreux. Notre protocole évolue et nous nous orientons vers une standardisation et une simplification de la géométrie afin de permettre une personnalisation du modèle à partir de données déjà connues ayant permis la construction d’une structure de base géométrique (canevas). Ce canevas intégrera les points fixes (osseux ou ligamentaires), les points mobiles et les types de mobilités, nous y ajouterons les particularités de chaque patiente. Notre méthode de reconstruction est maintenant volumique (double contour) et non plus surfacique (un seul contour) pour bénéficier d’une épaisseur de l’enveloppe. Les repères fixes osseux sont représentés par l’os pubien et le sacrum (Fig. 4). L’IRM est une méthode de reconstruction séduisante, qui permet une bonne approximation anatomique des zones de contact et donc d’application des contraintes. Étude mécanique des tissus vaginaux et pelviens en général Mesures initiales Nos premières mesures mécaniques ont été effectuées sur des éprouvettes rectangulaires de 3 cm2 de tissu vaginal « pathologique », il en est de même dans la littérature [31]. Nos premières hypothèses ont été de considérer nos échantillons comme homogènes et le milieu comme anisotrope, continu, possédant des caractéristiques élastiques linéaires. Il existe une grande dispersion des résultats entre les patientes et pour une même patiente, le caractère anisotrope peut donc être discuté. Les prolapsus sont d’expressions cliniques très variables, et les prélèvements ne sont réalisés qu’aux dépens de la paroi postérieure, le caractère homogène du vagin ne peut donc pas être affirmé. Nos premières mesures ont été réalisées en conditions de température et d’hygrométrie ambiante et non physiologiques. Les résultats préliminaires de nos tests montrent un comportement é lastoplastique du tissu vaginal avec une très grande capacité de déformation, jusqu’à plus de 250 %. La dispersion des résultats est importante, et les courbes de résultat sont biphasiques et discontinues [28]. De plus, il existe une grande déformation de ces tissus, il est donc légitime de remettre en question l’utilisation du module é lastique de Young. Il ne suffit pas à lui seul à expliquer et à représenter la réalité mécanique. Travaux en cours Fig. 4. Repérage volumique avec double contour de l’organe pour délimiter l’épaisseur de l’enveloppe et repère de l’os pubien et du sacrum À partir des données de notre travail préliminaire, nous avons mis au point un protocole dédié à l’étude du tissu vaginal et des autres tissus mous pelviens. Nous avons montré que les tests peuvent être reproductibles et valides moyennant le respect de conditions de prélèvement de conservation et de mesure [32]. La caractérisation biomécanique objective du tissu vaginal et des autres tissus pelviens est une étape indispensable à la conception d’un modèle de cavité pelvienne. Comme il est éthiquement impossible d’envisager de prélever 3 cm2 de tissu vaginal sain pour des tests mécaniques, nous avons mis au point un protocole à partir de tissu vaginal de brebis. À notre connaissance, deux protocoles d’étude mécanique de tissu vaginal ont déjà été mis au point [33,34]. Néanmoins, leurs conditions expérimentales n’ont pas été étayées par des travaux préliminaires, il existe certaines limites méthodologiques. Aucune validation des choix du protocole expérimental n’était proposée par les auteurs. 39 Notre protocole est non seulement une alternative à ceux de Cosson et d’Ettema, mais également le seul validé scientifiquement. Toutes les étapes imposées ont été justifiées par des essais exhaustifs sur les conditions de préparation des échantillons et de réalisation des essais. Notre protocole de mesure validé Le tissu vaginal peut être congelé à -18 C dans du sérum physiologique et décongelé pendant une durée de neuf heures avant les tests. Toutes les éprouvettes devront être prédécoupées à l’emporte-pièce spécifique (de la forme d’un diabolo) dans un même sens. La période de stockage dans le sérum physiologique ne doit pas dépasser 24 heures. La conservation et les tests pourront êtres réalisés à température et hygrométrie ambiante si la vitesse de traction est constante et rapide (2 10–2 s–1). Un système de préhension a été spécifiquement développé et permet la tenue du tissu sans l’écraser lors des essais. Dans ces conditions, la reproductibilité des essais est garantie. Les premiers tests réalisés à partir de ce protocole ont montré, pour le vagin de brebis ou pour le vagin de patiente, une excellente reproductibilité avec une variabilité interindividuelle. Il semble exister une influence de certains facteurs clés dans la statique pelvienne : l’âge, la parité ou encore le poids des nouveau-nés. Nous avons montré que le tissu vaginal possède des propriétés élastiques non linéaires avec des grandes déformations. Notre étude a mis en évidence les propriétés viscohyperélastiques du tissu conjonctif vaginal, ce qui n’a jamais été mis en évidence dans la littérature à notre connaissance. Nous avons débuté un travail sur les tissus vaginaux, rectaux, les fascias et ligaments pelviens. Cette étude est réalisée sur tissu de patiente atteinte de prolapsus et sur tissus de cadavres de patientes indemnes. Les perspectives attendues sont représentées par la détermination des comportements mécaniques exacts sur un effectif plus grand pour obtenir des lois de comportements applicables à une meilleure compréhension et représentation des prolapsus via la modélisation. étions intéressés qu’à l’étude statique et non dynamique. Nos premières mesures étaient trop « précises » ou trop ponctuelles pour une application au modèle. Enfin, il existait une variation des contraintes de base du fait de l’introduction de la sonde et de son maintien par l’opérateur. Travaux en cours Nous avions deux objectifs de recherche concernant les mesures de contraintes par l’intermédiaire des pressions vaginales. Dans un premier temps, il s’agissait d’adapter la sonde de mesure et la chaı̂ne d’acquisition du signal aux problèmes spécifiques posés par la cavité pelvienne et par l’application au modèle informatique. Dans un second temps, il était nécessaire d’évaluer l’instrument, de contrôler les grandeurs et paramètres de mesures, d’étalonner et de simplifier la lecture et l’interprétation des résultats. Ce travail a été réalisé à partir d’un modèle physique de cavité pelvienne spécifiquement mis au point (Fig. 5). L’appareil de mesure des pressions comprend la bougie, son interface électronique et le logiciel de traitement et d’enregistrement du signal. Un système de fixation sur la table d’examen permet d’éviter le maintien manuel de la sonde et assure une fixation rigide de la bougie. Huit capteurs de nouvelle génération ont été sélectionnés en fonction de leur possibilité de mesure et de leur petite taille, ils ont été placés en respect des rapports anatomiques [24,37]. Une gaine lisse d’élastomère de silicone souple facilite l’entretien, assure une bonne isolation électrique des capteurs et permet l’introduction vaginale bien tolérée de la bougie. La chaı̂ne d’acquisition comprend quatre modules électroniques et permet l’enregistrement en temps réel sur les huit voies. Le logiciel, de développement interne, permet la visualisation graphique instantanée des tracés et la calibration individuelle des capteurs. Nos deux objectifs sont atteints. Le nouveau dispositif ergonomique mis au point s’affranchit des imperfections Mesures des pressions vaginales Dé veloppement d’un maté riel adapté ergonomique validé D Vers une exploration fonctionnelle du prolapsus Les mesures de pressions au niveau de la cavité vaginale sont encore en cours d’évaluation. Un travail précédent avait montré la faisabilité et la reproductibilité de ces mesures [28]. Nous avons obtenu des valeurs du même ordre de grandeur que les études préliminaires [35,36]. Il existe une grande dispersion des valeurs de pressions abdominales de 12 à 348 mmHg. Cette différence est probablement due à la position des capteurs et aux types de prolapsus. Notre première étude a permis de mettre en évidence quelques biais de mesures. Et nous ne nous A C B E Fig. 5. Modèle physique de cavité pelvienne A : Manomètre ; B : Fantôme de bassin osseux ; C : Fantôme vaginal ; D : Fantôme vésical ; E : Fantôme rectal 40 de la précédente instrumentation par une simplification de l’installation (la suppression des cathéters à circulation d’eau, inclusion d’un bras de support rigide et adoption d’un logiciel conforme au cahier des charges). Il se révèle bien adapté aux mesures de pressions simultanées en huit points de la cavité vaginale. Les enregistrements des données sont facilement exploitables et nous ont permis de caractériser l’appareil d’un point de vue métrologique. Les premières mesures in vivo, sur volontaires saines, ont permis de vérifier la bonne tolérance du dispositif et la faisabilité des mesures. Les premiers tests réalisés montrent qu’il existe une bonne stabilité du système et une bonne reproductibilité des mesures sur l’ensemble des capteurs. Le modèle, perspectives plus lointaines Il existe encore beaucoup de biais et d’inconnues au développement du modèle. Tous les tissus pelviens ne sont pas caractérisés et les différents moyens de fixité et de contact des organes restent encore vagues, même du point de vue anatomique. L’étude du versant dynamique, mécanique et même géométrique doit entrer en ligne de compte dans les projets futurs avec la définition précise des points fixes et mobiles qui doivent être identifiés dans l’anatomie normale et en cas de pathologie de la statique pelvienne. L’amélioration de la sonde de mesure est une optique constante et fait l’objet de travaux sur la simplification du matériel et de la chaı̂ne de mesure, de la lecture et de l’interprétation des résultats. L’instrument de mesure finalisé doit posséder une ergonomie adaptée et permettre des mesures aussi facilement que pour un test urodynamique. Les mesures de pressions vaginales doivent également faire l’objet d’évaluation pré- et postopératoires pour connaı̂tre les modifications des transmissions de pressions en fonction des différentes corrections chirurgicales. L’évaluation des résultats des techniques chirurgicales pourra être objective. Il pourrait s’agir d’un critère objectif de choix supplémentaire et personnalisé face à la diversité des techniques proposées et face aux expressions cliniques différentes d’une patiente à l’autre. Chaque étape de la mise au point du modèle doit évoluée et permettre à terme le développement d’un modèle personnalisé de cavité vaginale (Fig. 6). Chaque modèle formalisé et adapté à l’anatomie et la physiologie de chaque patiente pourra être utilisé pour des évaluations préopératoires des résultats escomptés pour chaque type de chirurgie. Pour évaluer la conséquence des techniques à partir du modèle, il faut définir les caractéristiques de chaque correction tant anatomiques que mécaniques. Chaque type de fil ou prothèses et système de suspension doit être évalué et caractérisés avant et après cicatrisation [18,19,38-40]. Ces données peuvent alors êtres utilisées par le modèle pour prévoir les résultats thérapeutiques, et envisager avec la patiente le traitement qui lui est adapté. Conclusion Le modèle informatique, mécanique de cavité pelvienne est en constante évolution. Plusieurs équipes tentent de mettre au point leur modèle, il s’agit dans tous les cas d’étapes uniquement géométriques. Nous sommes la seule équipe, à notre connaissance, à travailler et faire évoluer en parallèle toutes les étapes de la modélisation de cavité pelvienne. La mise au point et l’utilisation des modèles sont le fruit de collaborations multidisciplinaires et multicentriques. Le développement du modèle de cavité répond à une politique d’évaluation constante de nos pratiques, il s’insère entre la clinique et l’imagerie et permet la formulation d’hypothèses de manière non invasive. Le modèle sera un outil objectif supplémentaire d’évaluation de la maladie et des techniques de correction. Il permettra le développement d’innovations efficaces et sûres pour diagnostiquer, prendre en charge et traiter le prolapsus. Il est à l’heure actuelle non exploitable à ce titre, mais en devenir. Références Fig. 6. Seconde génération de modèle de cavité vaginal Représentation de la cavité vaginale sans sonde de conformation, repères osseux en place, épaisseurs des organes connues et conditions aux limites applicables (flèches) 1. Maher C, Baessler K, Glazener CM, et al. (2004) Surgical management of pelvic organ prolapse in women. Cochrane Database Syst Rev 4: CD004014 2. Maher C, Baessler K (2006) Surgical management of anterior vaginal wall prolapse: an evidence-based literature review. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 17(2): 195-201 3. De Tayrac R, Gervaise A, Fernandez H (2002) Cystocele repair by the vaginal route with a tension-free sub-bladder prosthesis. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 31(6): 597-9 41 4. Ballanger P (2005) Surgery for genitourinary prolapse: prosthesis or no prosthesis? Ann Urol (Paris) 39(Suppl 5): S132-6 5. Tai CL, Shih CH, Chen WP, et al. (2003) Finite element analysis of the cervicotrochanteric stemless femoral prosthesis. Clin Biomech (Bristol, Avon) 18(6): S53-8 6. Shim VB, Pitto RP, Streicher RM, et al. (2007) The use of sparse CT datasets for autogenerating accurate FE models of the femur and pelvis. J Biomech 40(1): 26-35 7. Paccini A, Tillier Y, Delotte J, et al. (2005) Contribution à la modélisation par éléments finis d’une opération chirurgicale sur l’utérus. In: Congrés français de mécanique Troye, 2005 8. Haridas B, Hong H, Minoguchi R, et al. (2006) PelvicSim– a computational-experimental system for biomechanical evaluation of female pelvic floor organ disorders and associated minimally invasive interventions. Stud Health Technol Inform 119: 182-7 9. Verhey J, Wisser J, Warfield S, et al. (2005) Non-rigid registration of a 3D ultrasound and MR images data set of the female pelvic floor using a biomechanical model. In: Biomedical engineering (in online) 10. Anderson AE, Peters CL, Tuttle BD, et al. (2005) Subjectspecific finite element model of the pelvis: development, validation and sensitivity studies. J Biomech Eng 127(3): 364-73 11. Crawford RP, Cann CE, Keaveny TM (2003) Finite element models predict in vitro vertebral body compressive strength better than quantitative computed tomography. Bone 33(4): 744-50 12. Marino G, Bignardi C, Pacca M, et al. (2006) Mechanical characteristics of the human bladder wall and application of the results in a finite elements model to study the pelvic floor. Minerva Urol Nephrol 58(2): 213-9 13. Fielding JR, Dumanli H, Schreyer AG, et al. (2000) MRbased three-dimensional modelling of the normal pelvic floor in women: quantification of muscle mass. Am J Roentgenol 174(3): 657-60 14. Hoyte L, Schierlitz L, Zou K, et al. (2001) Two- and 3dimensional MRI comparison of levator ani structure, volume, and integrity in women with stress incontinence and prolapse. Am J Obstet Gynecol 185(1): 11-9 15. Janda S, van der Helm FC, de Blok SB (2003) Measuring morphological parameters of the pelvic floor for finite element modelling purposes. J Biomech 36(6): 749-57 16. Parikh M, Rasmussen M, Brubaker L, et al. (2004) Three dimensional virtual reality model of the normal female pelvic floor. Ann Biomed Eng 32(2): 292-6 17. Singh K, Jakab M, Reid WM, et al. (2003) Threedimensional magnetic resonance imaging assessment of levator ani morphologic features in different grades of prolapse. Am J Obstet Gynecol 188(4): 910-5 18. Boukerrou M, Lambaudie E, Collinet P, et al. (2006) Objective analysis of mechanical resistance of tensionfree devices. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 124(2): 240-5 19. Cosson M, Debodinance P, Boukerrou M, et al. (2003) Mechanical properties of synthetic implants used in the repair of prolapse and urinary incontinence in women: which is the ideal material? Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 14(3): 169-78 (discussion 178) 20. Walters MD (2003) The use and misuse of prosthetic materials in reconstructive pelvic surgery: does the evidence support our surgical practice? Int Urogynecol J 14: 365-6 21. Huebner M, Hsu Y, Fenner D (2006) The use of graft materials in vaginal pelvic floor surgery. Int J Gynaecol Obstet 92: 279-88 22. Kennedy AM, Gilfeather MR, Woodward PJ (1999) MRI of the female pelvis. Semin Ultrasound CT MR 20(4): 214-30 23. Vial S, Gibon D, Vasseur C, et al. (2001) Volume delineation by fusion of fuzzy sets obtained from multiplanar tomographic images. IEEE Trans Med Imaging 20(12): 1362-72 24. Lambaudie E, Dubois P, Géron C, et al. (2003) New method of intravaginal pressure measurement. ITBMRBM 24(5-6): 254-63 25. Fung Y (1993) Biomechanical properties of living tissues. New York: Springer Verlag 26. Li Z, Alonso JE, Kim JE, et al. (2006) Three-dimensional finite element models of the human pubic symphysis with viscohyperelastic soft tissues. Ann Biomed Eng 34(9): 1452-62 27. Chen L, Hsu Y, Ashton-Miller JA, et al. (2006) Measurement of the pubic portion of the levator ani muscle in women with unilateral defects in 3-D models from MR images. Int J Gynaecol Obstet 92(3): 234-41 28. Boukerrou M, Lambaudie E, Dubois P, et al. (2004) Étude préliminaire d’un modèle mécanique de cavité vaginale. ITBM-RBM 25(1): 3-14 29. Gousse AE, Barbaric ZL, Safir MH, et al. (2000) Dynamic half-Fourier acquisition, single shot turbo spin-echo magnetic resonance imaging for evaluating the female pelvis. J Urol 164(5): 1606-13 30. Torricelli P, Pecchi A, Caruso Lombardi A, et al. (2002) Magnetic resonance imaging for evaluating functional disorders of female pelvic floor. Radiol Med 103(5-6): 488-500 31. Goh JT (2002) Biomechanical properties of prolapsed vaginal tissue in pre- and postmenopausal women. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 13(2): 76-9 (discussion 79) 32. Rubod C, Boukerrou M, Brieu M, et al. (2006) Experimental Protocol and biomechanical properties of vaginal tissue. J of Urol (accepté) 33. Cosson M, Lambaudie E, Boukerrou M, et al. (2004) A biomechanical study of the strength of vaginal tissues. Results on 16 postmenopausal patients presenting with genital prolapse. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 112(2): 201-5 34. Ettema GJ, Goh JT, Forwood MR (1998) A new method to measure elastic properties of plastic-viscoelastic connective tissue. Med Eng Phys 20(4): 308-14 35. Vereecken R (1987) Intravaginal pressure recordings as alternative to intrarectal pressure monitoring. Urology 29: 225-6 36. Peschers U, Fanger G, Schaer G, et al. (2001) Bladder neck mobility in continent nulliparous women. Br J Obstet Gynaecol 108: 320-4 37. Coutty N, Lambaudie E, Boukerrou M, et al. (2006) A new device for in vivo measurement of intravaginal pressures. Biomat Res (en lecture) 38. Cosson M, Boukerrou M, Lacaze S, et al. (2003) A study of pelvic ligament strength. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 109(1): F80-7 39. Boukerrou M, Boulanger L, Rubod C, et al. (2006) Biomechanical properties study of synthetic mesh implanted in vivo. Eur J of Obstet Gynecol (accepté) 40. Boukerrou M, Dedet B, Rubod C, et al. (2006) Tissue resistance of Tension free procedure. What about healing? J of Urol (en lecture) Pelv Perineol (2007) 2: 42–45 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0099-z CAS CLINIQUE / CASE REPORT L’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée : une cause exceptionnelle d’incontinence urinaire d’effort de l’enfant E. Leveau, L. Le Normand, J.-M. Buzelin, J.-J. Labat, P. Glemain, O. Bouchot, J. Rigaud Clinique urologique, CHU Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, F-44000 Nantes, France Résumé : L’incontinence urinaire d’effort concerne entre 10 et 25 % des femmes. Chez la petite fille, elle est exceptionnelle. Elle est dans ce cas malformative (épispadias) ou d’origine neurologique (spina bifida). Le plus souvent il s’agit d’une immaturité vésicale avec une incontinence par impériosités. Nous rapportons, pour la première fois, deux cas d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée responsable d’une incontinence urinaire d’effort pure chez des jeunes filles de 6 et 8 ans sans anomalie neurologique ou malformative de l’appareil urinaire. Nous insistons sur les difficultés du diagnostic du fait d’une symptomatologie peu banale à cet âge. Il repose sur la réalisation d’un examen gynécologique sous anesthésie générale et surtout sur le profil de pression urétral avec un relâchement des muscles releveurs de l’anus. Ces patientes ont été traitées avec succès par l’implantation d’un sphincter artificiel. Mots clés : Incontinence urinaire d’effort – Agénésie – Insuffisance – Sphincter – Urinaire – Enfant Isolated congenital sphincter incompetence: an exceptional cause of stress urinary incontinence in children Abstract: Stress urinary incontinence is a disorder that occurs frequently in women, affecting 10 to 25% of them. In young girls, stress urinary incontinence is rare; incontinence is often because of bladder immaturity accompanied by urge leakage. In this circumstance, it is malformative (epispadias) or of neurological origin (spina bifida). Here we report, for the first time, two cases of isolated congenital sphincter incompetence presenting as pure stress urinary incontinence in two young girls with no neurological or malformative disorders of the urinary system. We emphasize the issue of diagnostic error due to unusual symptoms at this age. Likewise, we note the importance in these cases to carry out a gynaecological exam under anaesthesia and, above all, a urethral profile with relaxation of the levator ani muscles to confirm the diagnosis. These patients have been treated successfully with the implantation of an artificial sphincter. Correspondance : E-mail : [email protected] Keywords: Stress urinary incontinence – Agenesis – Incompetence – Sphincter – Urinary – Children Introduction L’incontinence urinaire d’effort est une pathologie fréquente de la femme puisqu’elle touche entre 10 et 25 % des femmes soit en France 1,5 million de femmes entre 25 et 90 ans. Sa prévalence augmente avec l’âge à partir de 65 ans [1]. L’insuffisance sphinctérienne favorise l’incontinence urinaire d’effort mais aussi l’incontinence par impériosités en raison de la perte des mécanismes d’inhibition vésicale [2]. L’incontinence urinaire de la petite fille est le plus souvent une incontinence par immaturité vésicale avec des fuites par impériosités. L’incontinence urinaire d’effort est à cet âge exceptionnelle. Elle est d’origine malformative (épispadias) ou neurologique (spina bifida). Elle s’associe alors à un examen neurologique périnéal anormal, à des anomalies de la charnière lombosacrée ou à des malformations des organes génitaux externes (bifidité clitoridienne). Nous rapportons, pour la première fois, deux cas d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée se manifestant par une incontinence urinaire d’effort pure chez deux jeunes filles sans aucune anomalie neurologique ou malformative de l’appareil urinaire. Observation 1 Christelle, 6 ans, a consulté en 1987 pour une incontinence urinaire. Elle a pour seul antécédent une cure chirurgicale d’un reflux vésico-urétéral à l’âge de trois ans selon la technique de Cohen. Les pertes d’urines survenaient typiquement à l’effort lors d’hyperpression abdominale (rire, toux,...) sans impériosité ni dysurie, le jour et la nuit. Elle n’a jamais été propre (incontinence primaire). Aucun argument, en faveur d’une maltraitance, n’a été retrouvé. L’examen morphologique était normal. Il n’y avait pas d’abouchement urétéral ectopique, pas de malformation 43 Fig. 2. Profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle, réalisé dans des conditions standards. Interprété comme normal avec une pression de clôture à 68 cm d’H2O au repos et à 130 cm d’H2O en retenue Fig. 1. Profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle, mettant en évidence une insuffisance sphinctérienne avec une pression de clôture à 30 cm H2O au repos vulvaire, pas d’anomalie neurologique générale, pas de malformation rachidienne ni périnéale. La débitmétrie était normale ainsi que le contrôle volontaire des mictions. Du fait de son âge, le diagnostic d’immaturité vésicale a été posé. Un traitement d’épreuve par oxybutynine a été instauré mais sans efficacité. Quelques mois plus tard, un bilan complémentaire a été réalisé devant la persistance des fuites urinaires diurnes et nocturnes malgré le traitement anticholinergique. Le bilan radiologique par échographie vésicorénale, urographie intraveineuse (UIV), imagerie par résonance magnétique (IRM) médullaire du cône terminal était normal. Un examen clinique sous anesthésie générale a été proposé. Il n’y avait pas d’orifice urétéral ectopique ou surnuméraire (ils étaient en position compatible avec l’intervention de Cohen). Il a été mis en évidence une émission d’urines par l’urètre à la moindre pression hypogastrique. La cystoscopie a mis en évidence un urètre court. La cystomanométrie, sous oxybutynine, ne retrouvait pas de contraction désinhibée du détrusor (pas de syndrome d’hyperactivité détrusorienne). En revanche, le profil de pression urétral, par la méthode perfusionnelle, a mis en évidence une insuffisance sphinctérienne avec une pression de clôture à 30 cm H2O (Fig. 1). Le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolé a été posé. Devant la persistance et l’importance des fuites, un sphincter urinaire artificiel (ANS) a été posé à l’âge de 10 ans. Les suites opératoires ont été simples. Avec un recul de plus de 15 ans, elle n’a plus de fuite urinaire aussi bien le jour que la nuit ni de problème de vidange vésicale. Observation 2 Nolwen, 8 ans, a consulté en 2004, pour une incontinence urinaire permanente. Elle avait comme antécédents une cataracte congénitale gauche opérée, un syndrome de Wolf Parkinson White et un papillome du col utérin. Elle n’a jamais été propre (incontinence primaire). Les fuites survenaient principalement à l’effort. Elles étaient diurnes et nocturnes sans signe associé, sans impériosité mictionnelle ni symptôme urodigestif. Elle ressentait mal l’envie d’uriner. Elle portait au moins deux garnitures par jour. L’examen clinique était normal sans malformation périnéale ou abdominale. L’examen neurologique était normal. Le débit urinaire maximum était de 27 ml/sec sans résidu postmictionnel à l’échographie. Différents traitements anticholinergiques et psychologiques ont été tentés sans efficacité. Un test au bleu de méthylène a été réalisé, confirmant l’origine urinaire de ces fuites. Le bilan morphologique avec échographie vésicorénale, UIV, cystographie rétrograde, IRM rénale et médullaire était normal sans anomalie urétérale (duplicité), vésicale, urétrale ou neurologique (cône terminal). La cystomanométrie n’a pas mis en évidence d’hyperactivité détrusorienne. Le profil de pression urétral fait dans des conditions standards a été interprété comme normal avec une pression de clôture à 68 cm d’H2O et à 130 cm d’H2O en retenue (Fig. 2). 44 Fig. 3. Profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle, réalisé dans des conditions standard et avec une pression périnéale pour détendre les muscles releveurs de l’anus. Pression de clôture urétrale sans relâchement des muscles releveurs de l’anus à 47 cm d’H2O au repos et à 98 cm d’H2O en retenue. Lors de la pression périnéale, la pression de clôture a chuté à 27 cm d’H2O Une rééducation périnéale par biofeedback a été sans efficacité. Devant la persistance des fuites et leur caractère atypique, un examen sous anesthésie générale a été réalisé avec une cystoscopie. L’examen clinique périnéal était normal sans hypospade. Les fuites urinaires étaient provoquées par une simple pression de l’hypogastre. De même, les fuites ont été déclenchées par une pression minime sur le périnée de part et d’autre de la vulve, manœuvre permettant de relâcher les muscles releveurs de l’anus. La cystoscopie était normale. Un second profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle, a été effectué avec une sonde de Bohler 10 F, le lendemain de l’examen sous anesthésie en prenant soin de détendre les muscles releveurs par une pression périnéale de part et d’autre de la vulve. La pression de clôture urétrale maximum sans relâchement des muscles releveurs de l’anus était de 47 cm d’H2O au repos et de 98 cm d’H2O en retenue. Lors du relâchement des muscles releveurs de l’anus, la pression de clôture maximum a chuté à 27 cm d’H2O (Fig. 3). Le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée (sans malformation urinaire) a été posé et un sphincter urinaire AMS a été mis en place en mai 2005. Depuis la patiente n’a plus présenté de fuite d’urine. Discussion L’insuffisance sphinctérienne est habituellement une cause d’incontinence urinaire d’effort dont l’origine est soit malformative (épispadias, bifidité clitoridienne), soit neurologique (spina bifida, myéloméningocèle), soit traumatique. À l’extrême, l’agénésie sphinctérienne, qui est une absence de développement du sphincter rentre dans un contexte malformatif urologique. Son diagnostic fait alors peu de doute et la prise en charge dépend du contexte malformatif. L’incontinence urinaire de la jeune fille, sans contexte malformatif, est le plus souvent consécutive à une incontinence par impériosité du fait d’une immaturité vésicale. Le tableau clinique associe des urgenturies mictionnelles et des fuites d’urines à la fois le jour et la nuit, sans anomalie à l’examen clinique urologique ou neurologique. Il n’existe pas de fuites à l’effort. Nous rapportons ici deux cas de jeunes patientes présentant une incontinence urinaire primaire survenant exclusivement à l’effort. Dans ces deux cas, il a été noté une errance diagnostique du fait d’une symptomatologie peu banale à cet âge. Le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée a pu être redressé par les examens complémentaires et en particulier par la réalisation d’un examen sous neuroleptanalgésie sans utilisation de curare. En effet, ce qui nous semble le plus important pour supposer ce diagnostic est le déclenchement de fuites d’urines par le méat urétral à la pression hypogastrique sous anesthésie. De même le relâchement du muscle releveur de l’anus (plancher pelvien) par une pression de part et d’autre du périnée permettant de déclencher des fuites est un argument évocateur. Ces fuites ne sont pas vues en cas de sphincter normal. Le bilan radiologique doit tout de même être réalisé afin de ne pas passer à côté d’une duplicité pyélo-urétérale avec implantation ectopique qui est plus fréquente. Une IRM du plancher pelvien pourrait se discuter à la recherche d’une agénésie ou d’une hypotrophie sphinctérienne. Il existe toujours une certaine réticence à réaliser un bilan urodynamique ou au moins un profil urétral chez l’enfant étant donné le traumatisme physique et psychologique de cet examen. De plus, les valeurs normales sont encore mal définies. Cependant, le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne doit être porté sur cet examen surtout avant d’envisager l’implantation d’un sphincter artificiel qui aura des conséquences pour l’avenir. Cet examen doit être réalisé dans des conditions normales et également en essayant de détendre le plancher pelvien par une pression de part et d’autre de la vulve. En effet, dans le second cas, nous avons été faussement rassurés par un premier profil urétral qui a été interprété comme normal mais qui correspondait à un effet du muscle releveur de l’anus, mais pas du sphincter. L’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée pourrait être considérée comme une agénésie sphinctérienne. Cependant, le diagnostic d’agénésie est plutôt histologique avec une absence de développement du tissu sphinctérien. Il paraı̂t peu licite de proposer à la patiente une biopsie de son sphincter pour confirmer ce diagnostic. De même, un EMG du sphincter urinaire pourrait être réalisé mais son interprétation, et sa réalisation chez l’enfant reste très difficile. D’un point de vue diagnostic, il peut également se discuter une forme mineure d’épispadias avec un urètre normal mais 45 un défaut de développement sphinctérien. De fait, le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne chez l’enfant peut être assimilé à une agénésie plus ou moins complète du sphincter. Il faut savoir y penser en cas de tableau d’incontinence à l’effort de l’enfant sans syndrome d’hyperactivité détrusorienne même si l’examen clinique et morphologique est normal. Dans les deux cas les patientes ont été traitées par la mise en place d’un sphincter artificiel avec un excellent résultat fonctionnel. Les différentes études rapportant les résultats fonctionnels à long terme de l’implantation d’un sphincter artificiel chez l’enfant ont mis en évidence un bon résultat fonctionnel avec un taux de continence en moyenne dans 90 % des cas [3,4] et une bonne tolérance quel que soit l’âge d’implantation [5]. Il existe bien entendu le problème de « panne de sphincter » qui pourra nécessiter par la suite des reprises chirurgicales pour révisions [6,7]. De même, des traitements standard de l’incontinence urinaire d’effort (bandelette sous-urétrale) auraient pu se discuter comme il a déjà été réalisé [8]. Cependant, le résultat fonctionnel à très long terme reste encore mal connu. Conclusion Nous rapportons, pour la première fois, deux cas d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée se manifestant par une incontinence urinaire d’effort pure chez deux jeunes filles sans aucune anomalie neurologique ou malformative de l’appareil urinaire. Ces observations permettent d’insister sur le problème d’errance diagnostique de cette pathologie du fait d’une symptomatologie peu banale à cet âge. Il semble important, dans ces cas d’incontinence, de pousser les investigations par la réalisation d’un examen sous anesthésie permettant de provoquer des fuites à la pression hypogastrique et à la pression périnéale, créant un relâchement des muscles releveurs de l’anus. De même, la réalisation d’un profil urétral avec une pression périnéale permet de confirmer le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne. Cette manœuvre semble intéressante car le profil urétral peut être faussement rassurant, car il correspond à un effet du muscle releveur de l’anus et non du sphincter. Ces patientes ont été traitées avec succès après l’implantation d’un sphincter artificiel. Références 1. Haab F, Castel E, Ciofu C, et al. (1999) Physiopathologie et évaluation de l’incontinence urinaire de la personne âgée non institutionnelle. Prog Urol 9: 760-6 2. Leroi AM, Le Normand L (2005) Physiologie de l’appareil sphinctérien urinaire et anal pour la continence. Prog Urol 15: 123-48 3. Hafez AT, McLorie G, Bagli D, et al. (2002) A single-centre long-term outcome analysis of artificial urinary sphincter placement in children. BJU Int 89: 82-5 4. Ruiz E, Puigdevall J, Moldes J, et al. (2006) 14 years of experience with the artificial urinary sphincter in children and adolescents without spina bifida. J Urol 176: 1821-5 5. Kryger JV, Leverson G, Gonzalez R (2001) Long-term results of artificial urinary sphincters in children are independent of age at implantation. J Urol 165: 2377-9 6. Bosch JL, Klijn AJ, Schroder FH, et al. (2000) The artificial urinary sphincter in 86 patients with intrinsic sphincter deficiency: satisfactory actuarial adequate function rates. Eur Urol 38: 156-60 7. Maillet F, Buzelin JM, Bouchot O, et al. (2004) Management of artificial urinary sphincter dysfunction. Eur Urol 46: 241-5 (discussion 246) 8. Pelzer AE, Akkad T, Schwenter C, et al. (2006) Treatment of adult female epispadias without exstrophy in the presence of rhabdosphincter function. Int J Urol 13: 321-2 Pelv Perineol (2007) 2: 46–47 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0102-8 VIE DES SOCIÉTÉS / SOCIETY MEMBER’S NEWS Histoire de l’urodynamique J. Susset 152, Middle Highway, Barrington, RI 02806, États-Unis La science a contribué puissamment à gagner la Seconde Guerre mondiale. La fondation de l’Institut national de Santé (NIH) en a été un dividende. Dès 1950, des bourses de recherche en sciences biomédicales se sont multipliées transformant la médecine américaine en une industrie de haute technologie. Que la société d’urodynamique ait émergé si rapidement est le résultat direct de l’effort scientifique considérable d’après-guerre aux États-Unis. Le Conseil national de recherche en conjonction avec l’Académie nationale des Sciences suggère une politique de recherche dans plusieurs branches du gouvernement incluant l’Institut national de recherche. Ce dernier avait pour mission d’établir des priorités en recherche médicale. C’est à ce moment que la nécessité d’établir des symposiums interdisciplinaires s’imposa. William Boyce a su souligner l’importance de la recherche en urologie auprès de ces autorités gouvernementales. Le général Harold Glattley a joué un rôle fondamental à ce niveau. Ce médecin avait été capitaine lors de la Bataan Death March et il fut prisonnier des Japonais, temps pendant lequel il sut gagner le respect de tous. À son retour à Washington, il fut en position d’organiser une série de comités médicaux aviseurs et Boyce sut le convaincre d’organiser un de ces comités pour l’urologie. Cela fut facile pour les raisons suivantes. Beaucoup de ces politiciens vieillissants s’inquiétaient pour leur prostate. Ensuite, le président venait de subir une urétérolithotomie et, enfin, les autorisés militaires étaient exaspérées de voir tant de soldats et de marins en permission de maladie, due aux urétrites et prostatites. Des conférences et des symposiums urologiques commencèrent donc par la lithiase et la prostatite. Plus directement en rapport avec l’urodynamique, un symposium sur la pyélonéphrite fut tenu en octobre 1959 à Détroit. Le rôle de l’obstruction dans la pathogénie des pyélonéphrites fut discuté. La même année, Saul Boyarsky ouvrira une section de recherche sur la physiopathologie urétérale incluant la pharmacologie et l’uroradiologie à Albert Einstein à New York. Correspondance : e-mail : [email protected] En même temps, Arthur Abramson, dans la même institution, était un paraplégique blessé médullaire lors du débarquement de Normandie. C’était un réhabilitateur crédité pour l’introduction de l’électromyographie du sphincter strié à l’urologie. Il s’associa à Boyarsky, reliant ainsi les problèmes neuro-urologiques du bas appareil à la physiopathologie urétérale dont Boyarsky s’occupait. Herbert Talbot, à Harvard, ainsi qu’Ernest Bors et Estin Comarr, de l’hôpital des Vétérans de Long Beach Californie, étaient déjà des pionniers de la réhabilitation des blessés médullaires avec un intérêt particulier pour les problèmes vésicosphinctériens. Leur collaboration avec Boyarsky et Abramson permit d’établir une communication entre l’administration des vétérans et l’Institut national de Santé, permettant ainsi d’élargir la base sur laquelle l’urodynamique devait se fonder. Elkin et Kaplan, des radiologues, s’intéressèrent à la cinéfluoroscopie de l’uretère et des conduits iléaux ainsi qu’à l’évacuation vésicale. Ils jouèrent aussi un rôle important. Le second symposium sur la pyélonéphrite accorda une importance toute particulière au rôle de l’obstruction dans la genèse de l’infection rénale. Celui-ci fut tenu à Boston City Hospital en 1964, permettant un dialogue intense entre internistes néphrologues et urologues. Il parut dès lors évident d’organiser un symposium sur les vessies neurogènes. Celui-ci fut supporté par l’administration de réhabilitation vocationnelle (VRA). Ce symposium eut lieu à l’Université Duke en février 1965. Les sujets inclurent les sciences fondamentales, de l’anatomie aux sciences cliniques de recherche. La clinique s’adressa à la pharmacologie, la médecine physique, la médecine, la neurochirurgie, la neurologie, la psychologie et l’urologie. Ce fut à cette réunion que je reportais les risques et bénéfices de la dérivation par le conduit iléal dans 155 unités rénales de patients neurologiques présentant une hydronéphrose de différents degrés. Les participants à ce congrès formèrent un noyau qui devait devenir bientôt la Société d’urodynamique (the Urodynamics Society). L’organisme conjoint fait à l’Académie nationale de Sciences (NAS) et du Conseil national de Recherche 47 (NRC) par l’intermédiaire de son comité génito-urinaire autorisa le premier Symposium d’Urodynamique en 1968 à Iowa organisé par Frank Hinman Jr, Saul Boyarsky, James Pierce et Norman Zinner qui fit l’objet d’un livre Hydrodynamnics of Micturition. Ce symposium permit d’introduire la participation d’ingénieurs biomédicaux à l’urodynamique. Richard Apsher, Verne Roberts, Bottacini, Art Sterling, Roger Ritter furent les premiers à s’intéresser au problème urologique. Il était devenu évident que le génie biomédical était indispensable à l’introduction de paramètres mesurables pour l’évaluation des problèmes neuromusculaires rencontrés en pathologie urinaire. Saul Boyarsky, Brantley Scott, Jim Pierce et moimême avions associé des ingénieurs à notre équipe. À l’université Mc Gil de Montréal, Kolshorn et Robert Nagler ont contribué au développement des stimulateurs vésicaux et sphinctériens. À Sherbrooke, patrick Picker nous permit de développer un débitmètre urinaire de précision et d’établir les paramètres de la débitmétrie normale. Les coopérants militaires ingénieurs tels que Michel Kretz et Jean Rottembourg contribuèrent à ces travaux. Daniel Dutartre et Claude Regnier furent d’une immense assistance à notre activité de recherche pendant plusieurs années. Le mot « urodynamique » est né au moment de ce symposium d’Iowa (1968). Je l’ai défini en tant que science médicale concernée par la physiologie et pathophysiologie du transport de l’urine des reins à la vessie, ainsi qu’à son accumulation et évacuation par cette dernière. Norman Zinner suggéra à Saul Boyarsky d’organiser la Société d’urodynamique qui devait se réunir chaque année à l’occasion du congrès de l’Association américaine d’urologie. Il s’agira tout d’abord d’un club pluridisciplinaire. La première réunion a eu lieu à San Francisco en mai 1969. Vingt-sept médecins, ingénieurs et anatomistes y participaient. Les principes directeurs de cette nouvelle société ont alors été établis. D’abord l’introduction de la physique, de l’anatomie, de la physiologie à une meilleure analyse et compréhension des problèmes cliniques. Ensuite, la collaboration étroite de l’urologie, neurologie, médecine physique et aussitôt que possible gynécologie et gastro-entérologie au développement des connaissances en pathologie neuromusculaire. Il faut noter que ces dernières spécialités n’étaient pas représentées à ce moment et ne le sont toujours pas aux États-Unis alors qu’elles le sont superbement ici, à la Sifud. Cette Société d’urodynamique institue les principes suivants : – la tenue de réunions permettant une discussion approfondie des présentations, non limitées par un horaire rigide tel qu’il existe lors des congrès habituels. Il ne s’agissait évidemment alors que d’un groupe d’une vingtaine de participants ; – l’invitation et le recrutement de spécialistes en sciences fondamentales ainsi que d’ingénieurs et de physiciens avaient pour but l’introduction des mathématiques à la science imprécise qu’est la physiologie ; – l’établissement d’un forum et d’un processus de stimulation pour les jeunes chercheurs ; – enfin, la standardisation de la terminologie. En 1970, Peter Caldwell, grâce au développement des stimulateurs électriques sphinctériens qui n’a d’ailleurs pas eu de suite, organise un club pour le traitement de l’incontinence urinaire. Celui-ci deviendra l’International Continence Society (ICS) qui s’ouvrira à la gynécologie, à l’urologie ainsi qu’aux infirmières et aux ergothérapeutes. À cette époque, Derek Griffith et Werner Schaeffer contribuèrent grandement au développement des concepts nouveaux en urodynamique du bas appareil. C’est seulement le 31 août 1978 que l’Urodynamics Society fut incorporée avec Saul Boyarsky président, Frank Hinman Jr, vice-président et Jacques Susset, secrétaire. Le comité exécutif incluait aussi Donald Gleason et Ed Mc Guire. Une étroite relation avec l’ICS fut instituée et plusieurs congrès furent organisés en coopération. L’impact de l’urodynamique en urologie a été considérable. Beaucoup d’urologues, de gynécologues, de réhabilitateurs raisonnent maintenant davantage en physiologistes, analysant séparément les forces en présence et reconstituant les problèmes de leurs malades en fonction des facteurs de base qu’ils ont appris à identifier et mesurer. Cela les a conduits à une plus grande compréhension de ces problèmes et à des indications thérapeutiques mieux dirigées. L’urodynamique a facilité le développement de techniques chirurgicales telles que dénervation sélective, stimulation neurologique élective, agrandissement vésical, dérivation urinaire continente, etc. On lui doit la création des sphincters et prothèses péniennes implantables. Ces dernières ont été à l’origine de l’explosion des connaissances dans le domaine encore ignoré il y a 35 ans, celui de l’impuissance sexuelle. Les progrès en urologie pédiatrique et dans le traitement de l’incontinence urinaire et de la réhabilitation vésicosphinctérienne sont largement dus au développement de l’urodynamique. Enfin, l’immense progrès en pharmacologie appliquée au système génito-urinaire a été en grande partie influencé par l’urodynamique qui a permis de mesurer l’effet de nouvelles molécules avec plus d’exactitude. Il reste à dire que la Sifud a été créée en 1976, deux ans avant la formalisation de l’Urodynamics Society, et que j’en suis très fier. Pelv Perineol (2007) 2: 48–53 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0106-4 FOCUS / FOCUS L’approche urodynamique est-elle toujours indispensable dans la décision thérapeutique ? J.-M. Buzelin UFR de médecine de Nantes, 1, rue Gaston-Veil, F-44093 Nantes Cedex 01, France Résumé : Cet article fait le point sur les paramètres les plus pertinents à retenir dans l’interprétation des données urodynamiques, qu’il s’agisse de la débitmétrie, de la cystomanométrie ou de la sphinctérométrie. Il souligne les différentes indications du bilan urodynamique au cours des vessies neurologiques, des syndromes obstructifs et dans les incontinences urinaires. Mots clés : Urodynamique – Incontinence urinaire – Obstruction – Vessie neurologique La reproductibilité n’est plus un problème technique ; les appareils sont maintenant fiables et ceux qui les utilisent sont bien formés. Mais, c’est toujours un problème physiologique car certaines valeurs ne sont pas des constantes biologiques. La significativité , est l’aptitude d’un paramètre à exprimer fidèlement un phénomène physiologique ou physiopathologique. Les paramè tres de la dé bitmé trie Is urodynamic testing still indispensable in making therapeutic decisions? Abstract: This article focuses on the urodynamic parameters most important in interpreting urodynamic data, especially that from flowmetry, cystometry and sphincterometry. We highlight the different indications for urodynamic testing when evaluating neurogenic bladder, bladder outlet obstruction and urinary incontinence. Keywords: Urodynamics – Urinary incontinence – Bladder outlet obstruction – Neurogenic bladder L’urodynamique « moderne » est née avec les capteurs électroniques, il y a un peu plus d’un quart de siècle. Son implantation en urologie s’est faite dans un climat passionné entre partisans et opposants de ces nouvelles méthodes d’exploration de la voie excrétrice. En 2007, le débat ne peut plus se situer sur ce plan. Récuser globalement l’urodynamique nous ramènerait loin en arrière. Mais l’expérience a fait le tri parmi les paramè tres et les indications de ces examens que nous limiterons à l’exploration du bas appareil urinaire. Que reste-t-il des paramètres urodynamiques ? Les débuts de l’urodynamique ont été marqués par un souci d’identification des paramètres. Sur les courbes de débit et de pression, ont été individualisées de nombreuses valeurs dont certaines ont survécu alors que d’autres ont été abandonnées car non reproductibles ou non significatives. La débitmétrie fournit des chiffres et des courbes. Le débit maximum Il y a vingt cinq ans, de nombreux travaux se sont attachés à reconnaı̂tre quelles données étaient les plus significatives de la qualité du jet. Il est apparu que c’était le débit maximum. Sa reproductibilité est cependant discutable, pour des raisons physiologiques, indépendantes du débitmétre. Le débit maximum n’est pas une constante biologique : il varie avec le volume et le nycthémère. Il existe une relation linéaire entre le débit maximum et la racine carrée du volume mictionnel, qui peut s’exprimer par un nomogramme ; en pratique, cette dépendance est sans conséquence pour des volumes compris entre 150 et 500 ml. Des variations nycthémérales existent chez le sujet obstrué qui sait, intuitivement, que ses mictions nocturnes sont plus laborieuses. Ce défaut de reproductibilité pose deux questions : – doit-on multiplier les débitmétries au cours de la même consultation, voire hors de la consultation grâce aux débitmètres ambulatoires ? Ce n’est pas certain et, pour les renseignements qu’on en attend, il semble préférable de s’en tenir à une seule débitmétrie à condition qu’elle soit faite dans de bonnes conditions (respect de l’intimité, vessie suffisamment, mais pas excessivement pleine) ; – quand les valeurs sont différentes, laquelle retenir : la plus basse, la plus élevée ou la moyenne ? Habituellement, on retient la plus élevée, comme étant mieux représentative 49 Tableau I. Une courbe en cloche régulière, monophasique, évoque l’existence d’une contraction vésicale. Une courbe polyphasique avec des pics élevés, retombant à 0, évoque une acontractilité vésicale Un allongement du temps de débit maximum évoque une maladie du col Une courbe basse, en plateau, évoque un rétrécissement de l’urètre Un hyperdébit (> 25 ml/s) évoque une instabilité du détrusor. de la performance ; mais la valeur la plus basse est sans doute mieux représentative de la gêne fonctionnelle. En dépit de cette variabilité, le dé bit maximum est-il un bon indicateur du degré d’obstruction ? En théorie, la résistance urétrale, correspond aux « pertes de charges », c’est-à-dire à l’énergie consommée qui est la différence entre l’énergie fournie à l’entrée de l’urètre (par la contraction vésicale et/ou la poussée abdominale) et l’énergie restituée à sa sortie au méat, c’est-à-dire l’énergie cinétique, qui propulse le jet plus ou moins loin et vite. Le débit n’est qu’une expression incomplète de cette énergie cinétique puisqu’il manque la notion de vitesse : avec le même débit on peut décaper sa façade au karcher ou abreuver délicatement ses fleurs avec une pomme d’arrosoir. En aucun cas elle ne représente l’énergie consommée. En pratique, on peut se poser la question différemment en étudiant la corrélation entre la valeur du débit maximum et le niveau d’obstruction évalué par la relation pression/débit. Cette corrélation est considérée comme faible. En fait, l’important est de préciser la valeur seuil du débit maximum, au-dessous de laquelle l’obstruction devient probable. Un débit maximum égal ou inférieur à 10 ml/s aurait une valeur prédictive, une sensibilité et une spécificité excellentes. Entre 10 et 15 ml/s, la corrélation est moins bonne. La forme de la courbe de débitmétrie Elle peut renseigner sur la nature d’une obstruction. Il n’y a pas d’étude scientifique sur le sujet, mais des enquêtes d’opinion, telle que celle réalisée auprès des membres de la Sifud en juin 2005 (Tableau I). Les paramé tres de la cystomanomé trie La cystomanométrie et l’instantané mictionnel étaient initialement considérés comme deux examens bien distincts, pour deux raisons : l’une explorait la phase de remplissage, l’autre la phase mictionnelle ; l’une n’enregistrait que la pression vésicale, l’autre y associait la mesure de la pression rectale, de l’EMG du sphincter strié de l’anus. On y ajoutait parfois l’image notamment Pas d’accord Plus ou moins d’accord Plutô t d’accord ? 6 (5,6 %) 29 (27,1 %) 70 (65,4 %) 2 (1,8 %) 20 (18,7 %) 43 (40,2 %) 40 (37,4 %) 4 (3,7 %) 22 (20,6 %) 64 (59,8 %) 16 (14,9 %) 5 (4,7 %) 16 (14,9 %) 45 (42 %) 44 (41,1 %) 2 (1,8 %) 57 (53,3 %) 35 (32,7 %) 12 (11,2 %) 3 (2,8 %) pendant la miction, grâce à la vidéo. Cette distinction n’est plus justifiée. Bien souvent l’instantané mictionnel n’est que la phase finale d’une cystomanométie à laquelle on peut associer l’enregistrement d’autres paramètres (PR notamment) ou d’images pour aboutir à des examens plus ou moins complets et complexes. Mais l’essentiel est la mesure de la pression vésicale pendant les deux phases du cycle mictionnel. La capacité vésicale Elle se situe normalement entre 300 et 600 ml chez l’adulte, et peut varier considérablement d’une miction à l’autre chez le même individu. De tous les procédés permettant de la mesurer, la cystomanométrie n’est certainement pas le plus fiable ; la valeur mesurée est en moyenne inférieure de 40 % à la capacité fonctionnelle calculée par le patient lui-même dans les conditions « naturelles » en divisant sa diurèse quotidienne par le nombre de ses mictions. Le calendrier mictionnel est indiscutablement la façon la plus simple et la plus fiable d’évaluer ce paramètre dans toute sa variabilité. La sensibilité vésicale Elle s’exprime à travers le besoin d’uriner, dont on décrit plusieurs degrés : le premier besoin (B1), le besoin normal (B2), le besoin impérieux (B3) et le besoin douloureux (B4). Percevoir le besoin et à plus forte raison être capable d’en distinguer les différentes nuances a une valeur séméiologique indiscutable mais qui se satisfait très bien de l’interrogatoire. Il est très difficile d’expliquer au sujet examiné à quelles sensations correspondent B1, B2, B3 et B4, et plus encore de leur attribuer des valeurs de volume. Il faut cependant reconnaı̂tre l’importance de l’exploration de la sensibilité vésicale dans certaines pathologies notamment : cystalgies, cystites interstitielles, pollakiuries... Les recherches dans ce domaine sont orientées dans deux directions : la détermination d’un seuil de sensibilité électrique et la relation fréquence/volume sur le calendrier mictionnel. 50 La stabilité vésicale L’instabilité vésicale et l’instabilité urétrale, deux expressions différentes d’une même instabilité mictionnelle, sont caractérisées par la survenue de contractions vésicales ou de relaxations urétrales, non inhibées. Ce symptôme cystomanométrique (overactive detrusor) n’est pas forcément corrélé au symptôme clinique décrit par l’ICS sous le terme d’hyperactivité vésicale (overactive bladder) englobant deux symptômes, la pollakiurie et l’impériosité mictionnelle. Pourtant ces deux symptômes sont séméiologiquement bien différents (besoins trop fréquents/besoins trop soudains et non inhibables) et ne relèvent sans doute pas d’un même mécanisme physiopathologique, l’impériosité se rapprochant de l’urination, (miction complète, incontrôlable), qu’on observe dans les stimulations corticales, sensorielles (contact ou audition de l’eau, exposition au froid...) émotionnelles (fou rire, orgasme...), et comportementales (introduction d’une clé dans la serrure...). Cette confusion des deux symptômes dans une même entité, imposée par l’ICS, nous paraı̂t donc critiquable. Il n’y a aucune raison pour que l’impériosité se traduise par des contractions non inhibées ; elle peut très bien accompagner une contraction à terme (hyperactivité terminale). La physiopathologie des vessies hyperactives est un vaste domaine qu’on ne peut pas aborder ici, dans lequel il y a plus d’hypothèses que de certitudes. En revanche, la valeur de la cystomanométrie dans l’exploration de ce syndrome est indiscutable. Dans l’enquête de la Sifud, 90 % des personnes interrogées pensent que des contractions vésicales non inhibées sont un signe reproductible, significatif, utile au diagnostic et au traitement. L’intérêt de la cystomanométrie ambulatoire et des tests de provocation, à la mode autrefois pour dépister une instabilité latente, nous paraı̂t, en revanche, tout à fait accessoire. La compliance vésicale La compliance vésicale est un paramètre très reproductible, à condition de respecter le principe d’un remplissage lent, notamment dans les vessies neurologiques décentralisées, très sensibles à toutes stimulations, pharmacologiques (test de Lapides) ou mécaniques. C’est aussi un paramètre très significatif des propriétés mécaniques de la paroi vésicale. Sa valeur pronostique pour la tolérance du haut appareil urinaire est indiscutable, à condition de tenir compte dans l’interprétation, d’autres paramètres comme la résistance urétrale et le résidu postmictionnel. L’analyse des composantes viscoélastiques de la vessie, par la cystomanométrie rapide, a été une grande idée, qui n’a malheureusement pas dépassé le stade de l’expérimentation animale. La relation pression-débit La présence d’une contraction vésicale phasique témoigne de l’existence d’un arc réflexe. Son amplitude est fonction de la résistance urétrale. C’est le principe de la relation pression/débit, par laquelle on évalue la résistance urétrale. Sa significativité , n’est pas contestable ; c’est la seule façon de distinguer chez un patient dysurique, l’acontractilité vésicale de l’obstruction urétrale et, en cas d’obstruction d’en évaluer l’importance. Sa reproductibilité dépend pour beaucoup de la façon dont est réalisé et interprété l’examen. Schématiquement, il y a deux façons de réaliser une étude pression débit : soit par un enregistrement simultané à l’aide un cathéter sus-pubien ou d’une fine sonde urétrale laissée en place pendant la miction, soit par un enregistrement décalé du débit en début d’examen et de la pression mictionnelle, sonde en place, en fin d’examen. Il y a aussi deux façons de l’interpréter : soit finement en calculant le « coefficient de résistance urétrale (PV/Q2), ou en appliquant la méthode de Schaëffer, soit plus « grossièrement » sur un abaque pression/débit divisé en trois zones : obstrué, non obstrué et équivoque. Pour une évaluation clinique, la méthode décalée et l’interprétation sur l’abaque d’Abrams, nous paraissent largement suffisantes. Dans ces conditions d’examen et d’interprétation, les résultats obtenus par plusieurs enregistrements successifs au cours de la même séance montrent bien des variations intra-individuelles, mais qui sont le plus souvent insuffisantes pour entraı̂ner un changement de catégorie. Le problème vient de la signification des résultats « équivoques » qu’il ne faut pas interpréter comme une obstruction intermédiaire, mais comme une impossibilité de conclure. Les paramé tres du profil de pression uré trale Le profil de pression urétrale est la mesure de la pression dans l’urèthre. Celui-ci n’étant pas une cavité, mais un canal à la lumière virtuelle, la pression n’est pas la même sur toute sa longueur ; les valeurs s’inscrivent sur une courbe, ou trois paramètres peuvent être étudiés. La pression urétrale maximum La reproductibilité des valeurs de pression (pression urétrale maximum, pression de clôture) et des valeurs de longueur (longueur totale, longueur fonctionnelle), est à notre avis excellente quand on a une bonne pratique de cet examen et qu’on sait reconnaı̂tre, pour les exclure, les artéfacts. Les critiques sur la reproductibilité appartiennent à une époque ou la méthode n’était pas bien au point. La pression urétrale évalue la qualité sphinctérienne, plus précisément son tonus basal. Hormis le rétrécissement urétral qui peut marquer son empreinte par un pic très étroit quand on réalise une méthode perfusionnelle, seul un sphincter (naturel ou artificiel) peut générer une tension circonférentielle capable de réaliser une telle courbe. Une compression extrinsèque par une bandelette en est incapable. Une pression 51 urétrale basse (< 30 cm d’eau signifie une hypotonie sphinctérienne dont la valeur pronostique est maintenant bien admise en matière d’incontinence. Une pression urétrale élevée (> 100 cm d’eau) signifie une hypertonie sphinctérienne, toujours pathologique, qu’on observe dans les syndromes urétrocystalgiques, les hyperactivités vésicales et les vessies neurologiques. Elle peut être associée à une hypercontractilité vésicale (cause ou conséquence ?), parfois à une acontractilité vésicale par un phénomène d’inhibition réflexe sympathique ou somatique. La transmission des pressions abdominales L’enregistrement simultané des pressions dans la vessie et dans l’urètre pendant un effort de toux montre un pic synchrone et sensiblement de même amplitude. La reproductibilité du phénomène au cours du même examen est satisfaisante ; mais sa significativité est contestable. La théorie de l’enceinte manométrique proposée par Enhörning est sûrement criticable car beaucoup d’autres facteurs interviennent pour générer un pic de pression dans l’urètre. Il est donc excessif d’individualiser un type d’incontinence à l’effort « par défaut de transmission » et d’en déduire la nécessité d’une chirurgie repositionnant le col dans l’enceinte manométrique abdominale. Mais, quelle qu’en soit l’explication, le rapport d’amplitude des pics de pression dans l’urètre et dans la vessie est un indice de la continence à l’effort ; il se situe normalement entre 90 et 100 %. La compliance urétrale La compliance urétrale, est une caractéristique importante de l’urètre et un facteur essentiel de la continence. La valeur de la pression urétrale en dépend. La réalisation de profils urétraux avec des sondes de calibres croissants est actuellement la seule méthode applicable en clinique, ce qui explique qu’elle ne soit jamais réalisée. Mais la mise au point de nouvelles technologies est à l’ordre du jour. Que reste-il des indications d’un bilan urodynamique ? Il ne suffit pas qu’un paramètre urodynamique soit reproductible et significatif pour qu’il soit utile, c’est-àdire qu’il apporte, mieux que la clinique, une aide pour poser un diagnostic ou une indication thérapeutique ou encore avancer un pronostic. Les examens urodynamiques sont des examens complémentaires, et leur principal mérite est de le rester ; ils deviennent inutiles dès lors qu’ils n’apportent rien de plus qu’un bon examen clinique. Mais on ne peut bien situer leur place quand les replaçant dans une démarche originale qui ne consiste pas à faire des diagnostics, mais à expertiser, avant de les corriger, les éléments d’un équilibre (ou d’un déséquilibre) fonctionnel. Il faut absolument comprendre cela pour faire de la bonne urodynamique. La normalité fonctionnelle se réfère à un résultat caractérisé par l’absence d’inconfort et de danger ; une voie excrétrice urinaire qui fonctionne sans désagrément pour l’individu et sans risque pour ses reins, est une voie excrétrice fonctionnellement normale. Pour autant elle peut être anormale : – anatomiquement, quand sa forme n’est pas celle décrite par les anatomistes ; – physiologiquement, quand son fonctionnement s’écarte du modèle idéal proposé par les physiologistes ; – épidémiologiquement quand le résultat fonctionnel est meilleur que celui d’une population donnée ; à 80 ans, il est statistiquement normal, mais fonctionnellement anormal d’avoir la vue qui baisse, les cheveux qui tombent et les érections plus rares... Cette normalité fonctionnelle est le résultat d’un équilibre entre des forces antagonistes qui permettent à la vessie de contenir fermement et de se vider sans effort. Ce sont elles que l’on mesure à travers les paramètres urodynamiques. Indications de l’urodynamique dans les vessies neurologiques C’est dans ce domaine que cette notion d’expertise d’un équilibre apparaı̂t le plus clairement. Il y a vingt-cinq ans, la neuro-urologie était abordée d’une manière essentiellement « neurologique » en fonction du niveau lésionnel. On distinguait les neurovessies centrales et périphériques, complètes, incomplètes, ou mixtes. Cette classification permettait de comprendre le mode de fonctionnement et, dans une certaine mesure, d’en prévoir les conséquences ; mais elle ne fournissait pas une indication précise et « personnalisée » de l’équilibre urodynamique. Prenons un exemple : un homme de 60 ans et son épouse du même âge sont victimes d’un accident de voiture et se trouvent tous deux avec une paraplégie dorsale de niveau D6. Ce même niveau lésionnel fait qu’ils ont des dysfonctionnements « qualitativement » comparables, mais avec des équilibres urodynamiques différents. En effet, l’adénome prostatique de Monsieur, les maternités de Madame ont créé des différences dans la résistance urétrale, en conséquence de quoi la contractilité vésicale va évoluer différemment, puis la compliance etc. L’analyse urodynamique a totalement transformé l’approche diagnostique et thérapeutique des vessies neurologiques. On ne demande plus (ou presque plus) une cystomanométrie pour savoir si une vessie est flasque ou réflectique, mais pour analyser des forces en présence et améliorer un équilibre qui doit apporter plus de confort et moins de risque : – la contractilité vé sicale est toujours le témoin indirect de la résistance urétrale. Ainsi, des contractions 52 amples et prolongées traduisent en général une obstruction organique ou fonctionnelle (dyssynergie) ; – la compliance vé sicale, est le facteur pronostique le plus important : une pression supérieure de 40 cm d’eau représente, pour l’uretère, un obstacle fonctionnel qu’il ne peut vaincre. L’altération de la compliance vésicale est généralement suivie à court terme d’une dégradation du haut appareil urinaire ; – l’évaluation urodynamique de la ré sistance uré trale ne se fait pas, chez le neurologique, sur les paramètres habituels. La débitmétrie, la relation pression/débit et le résidu n’ont pas de valeur car ils varient d’une miction à l’autre au hasard d’une dyssynergie sphinctérienne ou selon la vigueur de la poussée abdominale. Le résidu n’a plus la signification péjorative qu’on lui attribuait autrefois, depuis la pratique des autosondages. En fait, chez le neurologique, la notion de dysurie doit être remplacée par celle de travail vésical. Il n’y a pas actuellement de moyen simple et fiable de le « mesurer ». On se fonde sur l’amplitude, la durée, la fréquence des contractions. Des contractions rythmiques de faible amplitude, mais très régulières peuvent réaliser un travail « cumulé » plus important que de grandes contractions phasiques espacées, et conduire plus sûrement à une altération de la compliance. – la dyssynergie vé sico-sphincté rienne est potentiellement toujours présente, s’exprimant ou non au hasard des mictions. Ce qui compte pour le pronostic, c’est le phénomène « quantitatif », c’est-à-dire l’amplitude et la durée des contractions vésicales d’une part, l’importance de l’hypertonie sphinctérienne d’autre part. Les meilleurs critères d’une sphinctérotomie efficace sont un écrêtement des contractions vésicales et un effondrement de la pression urétrale. Indications de l’urodynamique dans les obstructions sous-vé sicales L’obstruction sous-vésicale s’exprime par un ensemble de symptômes que les urologues français regroupent sous le terme de « prostatisme » et leurs collègues anglo-saxons sous celui de « lower urinary tract symptoms » (LUTS). Leur prévalence augmente avec l’âge pour atteindre un homme sur deux à partir de 70 ans, sans être obligatoirement le fait d’une hypertrophie prostatique, ni même d’une obstruction. Tout le problème est là : seule la relation pression/débit permet d’affirmer et de quantifier l’obstruction ; mais il s’agit d’un examen invasif qui nécessite au minimum l’insertion d’une fine sonde dans l’urètre. Peut-on faire aussi bien mais plus simplement, et, si non, quand faut-il se résoudre à faire une étude pression/débit ? Cette question a conduit à des études de corrélation entre les symptômes cliniques et les résultats de la relation pression/débit : – les symptômes fonctionnels sont classiquement classés en « irritatifs » (pollakiurie diurne et nocturne, impé- riosité) et obstructifs (lenteur d’apparition du jet, jet faible, gouttes terminales, mictions incomplètes...). Les premiers, fonctionnellement les plus gênants, sont bien corrélés à la cystomanométrie mais peu spécifiques de l’obstruction. Les seconds sont souvent mal estimés par le patient lui-même et mal corrélés aux résultats de la relation pression débit ; – de nombreuses études ont démontré que le score des symptômes n’est nullement spécifique à l’homme et à l’adénome de la prostate, et que sa reproductibilité dans le temps et selon le mode d’utilisation du questionnaire est assez aléatoire ; – il est classique de dire que le volume de la prostate n’a rien à voir avec le degré d’obstruction : une petite prostate peut être plus obstructive qu’une grosse ; – l’importance du résidu postmictionnel a toujours été considérée comme un paramètre décisif de l’indication opératoire. Mais sa reproductibilité est médiocre et les gros résidus s’observent plus volontiers dans les vessies acontractiles que dans les vessies obstruées ; – la valeur du débit maximum est mal corrélée aux résultats de la relation pression/débit ; mais l’obstruction est quasi certaine pour des débits inférieurs à 10 ml/s et probable pour des valeurs comprises entre 10 et 15 ml/s ; – des « scores prostatiques » regroupant ces différentes données cliniques ont été proposés. Ils ne sont pas plus contributifs au diagnostic d’obstruction. Face à l’impossibilité de remplacer fiablement la relation pression/débit par des données cliniques, les attitudes divergent entre ceux qui, avant une intervention de désobstruction, réalisent l’examen toujours, jamais, ou parfois. À notre avis, trois situations le justifient : – la plus importante est l’absence d’obstacle é vident, cliniquement, radiologiquement ou endoscopiquement, chez un sujet qui urine mal. On peut alors différencier un syndrome obstructif d’une hypocontractilité vésicale ; – la deuxiè me indication, est l’existence d’une symptomatologie insolite, comme la prééminence de signes irritatifs (pollakiurie, impériosité) sur les signes obstructifs, en l’absence d’infection urinaire et de troubles neurologiques. Elle peut être le fait d’une obstruction à débit conservé, caractérisée par une hypercontractilité vésicale ; – la troisiè me indication est l’association de plusieurs pathologies : une hypertrophie prostatique, une maladie de Parkinson traitée, un diabète..., moins dans le but d’attribuer la responsabilité des troubles à l’une ou l’autre de ces causes, que d’expertiser globalement l’équilibre (ou plutôt le déséquilibre) fonctionnel, afin d’ajuster le traitement. L’attitude thérapeutique sera différente selon qu’il existe ou non un syndrome obstructif. Une autre question est la place de la débitmétrie seule, dans l’exploration des troubles mictionnels quels qu’ils soient, et même de manière systématique, chez les consultants d’urologie. La dysurie est un symptôme tellement ignoré des patients car fonctionnellement peu gênant, que sa recherche systématique peut se justifier, même si la reproductibilité du débit maximum est médiocre 53 chez le sujet obstrué. À notre avis, la débitmétrie doit faire partie du bilan d’une incontinence urinaire, d’un prolapsus, d’un syndrome urétrocystalgique ou de cystites récidivantes, d’une énurésie... et elle ne doit pas être oubliée lors du contrôle postopératoire d’une incontinence urinaire ou d’une résection de prostate. Indications de l’urodynamique dans les incontinences urinaires L’intérêt d’une exploration urodynamique dans le bilan d’une incontinence urinaire féminine est contesté. À notre avis, elle peut se situer à trois niveaux : – dépister ou confirmer une instabilité vésicale soupçonnée cliniquement ; – pronostiquer les résultats de la chirurgie. Beaucoup pensent encore que le dépistage d’une instabilité vésicale est le but principal. Plusieurs études ont insisté sur l’absence de corrélation entre les données cliniques et cystomanométriques, justifiant la pratique systématique de cet examen et celle de test de stimulations. Un bon interrogatoire, distinguant bien la pollakiurie de l’impériosité, identifiant bien les pollakiuries psychogènes de prévention, doit pouvoir réduire ces discordances. Là où l’examen urodynamique est supérieur au simple interrogatoire, c’est dans l’analyse des forces en présence, car tous les intermédiaires existent entre des contractions vésicales de très forte amplitude avec un sphincter superentraı̂né et à l’opposé des contractions vésicales de faible amplitude avec un sphincter épuisé. Au même symptôme fonctionnel peuvent correspondre des conditions urodynamiquement différentes ; dans le premier cas il s’agit d’une maladie du détrusor, dans le second d’une maladie du sphincter ; le traitement sera fatalement différent. Contrairement à ce qu’on pense encore communément, la chirurgie de l’incontinence ne restaure pas des conditions physiologiques, en particulier un repositionnement du col vésical dans l’enceinte de pression abdominale. En assurant un support solide sur lequel le col ou l’urètre peuvent venir s’écraser et se fermer à la toux, en augmentant la résistance urétrale jusqu’à créer parfois une dysurie plus ou moins importante et durable, elle rétablit un nouvel équilibre entre l’incontinence et la dysurie. Cet équilibre est d’autant plus précaire que la contractilité vésicale et le tonus sphinctérien sont plus déficients. Une vessie acontractile avec un sphincter médiocre a des risques de passer directement de la dysurie à l’incontinence en postopératoire, sans connaı̂tre durablement une période confortable entre les deux. Toutes les femmes qui perdent leurs urines à l’effort ne sont donc pas égales devant le chirurgien. La valeur pronostique d’une insuffisance sphinctérienne n’est plus à démontrer, et la réalisation d’un PPU doit, à notre avis être systématique avant toute chirurgie. Elle ne changera sans doute pas la décision d’opérer, mais préviendra la patiente des risques plus ou moins grands d’échecs. Le bilan urodynamique peut-il influencer le choix de la technique ? En d’autres termes, peut-on espérer rationaliser les indications, c’est-à-dire identifier, individuellement, les facteurs d’incontinence pour les corriger spécifiquement. Cette ambition donnerait toute sa justification aux explorations urodynamiques. Mais en dehors du sphincter artificiel qui est actuellement la seule méthode connue pour remplacer un sphincter déficient, on connaı̂t mal tous les facteurs d’incontinence, les moyens de les explorer et de les corriger. De plus, à l’opposé de cette démarche rationnelle, s’est développée, sous la pression de l’industrie de la médecine, une attitude plaçant l’inocuité et le coût d’une technique avant son efficacité. Le bilan urodynamique peut-il dé pister les incontinences potentielles ? Contrairement à l’incontinence « masquée », qui existe réellement, et qu’un bon examen clinique doit dépister, en réduisant par exemple un prolapsus, l’incontinence « potentielle » n’existe pas en tant que symptôme clinique, mais devrait exister compte tenu des résultats des examens complémentaires. Cette notion d’incontinence potentielle est dérivée d’études comparant les résultats de ces examens dans des populations de femmes continentes et incontinentes. Les paramètres les plus discriminants, c’est-à-dire dont les valeurs séparent au mieux ces deux populations, ont été retenus pour caractériser une population à risque. Cette démarche serait intéressante, si elle permettait de prévoir, à coup sûr, l’apparition à court terme d’une incontinence urinaire et de l’éviter par la rééducation ou par une intervention, associée, par exemple à la cure d’un prolapus. Malheureusement ce pronostic est loi d’être infaillible et rien n’autorise actuellement à opérer une incontinence qui n’existe pas cliniquement. Conclusion L’utilité de l’urodynamique ne peut être remise en cause, sans revenir à des discussions stériles d’un autre âge. On a appris à s’en servir, à en connaı̂tre l’intérêt et les limites, à en préciser les indications. Tout urologue doit pouvoir y recourir et être capable d’en interpréter les résultats. Pelv Perineol (2007) 2: 54–57 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0105-5 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Histoire de la névralgie pudendale : une douleur presque sans... fondement ! G. Amarenco Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, unité Inserm U731, hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus, F-75012 Paris, France Résumé : L’histoire des névralgies périnéales est rapportée dans cet éditorial. Depuis le concept primitif de compression nerveuse responsable de troubles sensitifs aigus chez le cycliste, jusqu’au traitement chirurgical de libération du nerf pudendal dans le cadre d’algies périnéales, les différentes étapes de la connaissance de cette affection sont décrites et discutées. Mots clés : Névralgie pudendale – Syndrome du canal d’Alcock History of pudendal neuralgia: a pain without basis Abstract: This editorial discusses the history of our understanding of pudendal neuralgia. From the basic concept of pudendal nerve entrapment syndrome, which causes loss of sensation around the pudendal nerve during cycling, to the surgical neurolysis of the pudendal nerve to treat chronic perineal pain, the article describes and comments on the history of our knowledge about this disorder. Keywords: Pudendal neuralgia – Alcock’s syndrome Introduction Il est des histoires bien curieuses. Des histoires non écrites. Des histoires qui dérivent. Ni vraiment des rumeurs, ni certainement des boutades, mais bien souvent des équivoques. La névralgie pudendale en est un parfait exemple. Au fil du temps, la « bonne » médecine, a toujours été fondée sur de bons principes. Primitivement axée sur la sacro-sainte méthode anatomoclinique, la médecine a cru devoir faire preuve de modernisme, et la redoutable « médecine fondée sur les preuves » est née et a rapidement fait irruption dans notre quotidien. La névralgie pudendale épouse-t-elle bien toutes ces règles ? Assurément non ! La première publication référencée faisant état de l’existence de douleurs périnéales d’origine neurologique revient à J. Charpentier qui en 1968 rapportait dans la Revue Neurologique une observation de « coccygodynie » révélatrice d’une tumeur du filum terminale [1]. Cette observation est d’ailleurs toujours d’actualité dans le management des douleurs périnéales puisque quels qu’en soient leur typologie, leur type, leurs irradiations, leurs circonstances déclenchantes, une cause neurologique proximale de type radiculomédullaire (tumeur de la queue de cheval ou du cône terminal), voire plexique (compression ou envahissement des plexus sacrés) doit toujours de prime abord être évoquée et éliminée. L’IRM lombosacrée et l’IRM pelvienne sont des préalables indispensables à toute réflexion diagnostique. Ce sont des examens certes peu « rentables » en termes de mise en évidence de ces affections neurologiques dont la prévalence est sans nul doute assez faible dans le cadre des algies périnéales, mais ils sont impératifs compte tenu de la gravité potentielle de ces lésions et de la simplicité et l’innocuité de leur réalisation. L’étape suivante a été la description d’un syndrome canalaire du nerf pudendal, alors appelé à l’époque nerf honteux interne [2]. Honteux, il pouvait l’être ! Oublié de tous, il faisait assurément souffrir en silence un certain nombre de patients. Mais pas forcément de douleur ! Ce syndrome du canal d’Alcock, terme générique « anatomoclinique » proposé par les auteurs afin d’éviter de passer à la postérité en apposant prétentieusement leur nom à cette description, est souvent improprement dénommé « Syndrome d’Alcock ». Rappelons qu’Alcock n’a laissé son nom qu’au canal pudendal (fosse ischiorectale) et n’a jamais imaginé une quelconque pathologie en décrivant cette anatomie. Du moins, il n’en a pas fait mention. Cette description princeps du syndrome était une description neurologique pure, rapportant des troubles sensitifs déficitaires (hypoesthésie et paresthésies dans le territoire du nerf pudendal) et non pas des douleurs périnéales [2]. Dans cette description initiale était suggéré le mécanisme physiopathologique suspecté, à savoir la compression canalaire du nerf pudendal et le lieu de conflit potentiel (fosse ischiorectale ou canal pudendal d’Alcock). Elle faisait référence à un conflit aigu, à une compression brutale et prolongée du nerf, survenant chez des cyclistes. L’originalité n’était pas dans la description de troubles sensitifs 55 dans le territoire du nerf pudendal car des lésions de ce nerf étaient depuis quelques années connues [3], parfois reliées à des circonstances particulières comme l’étirement du nerf pudendal au cours de tractions orthopédiques [4-6]. L’originalité n’était pas non plus dans la circonstance déclenchante puisque des lésions supposées du nerf pudendal avec hypoesthésie avaient été décrites dès 1981 par Goodson chez des cyclistes [7]. La vraie idée avait été en fait d’imaginer que le nerf pudendal puisse être comprimé dans son canal et constituer ainsi un vrai syndrome canalaire (entrapment neuropathy des AngloSaxons). L’étape suivante a été relativement simple. Ces mêmes auteurs, continuant à explorer la piste « canalaire », et par simple assimilation à ce que l’on observe pour nombre de nerfs pérphériques comme le nerf médian au canal carpien, imaginèrent qu’à côté du syndrome canalaire aigu responsable de signes déficitaires à type d’hypoesthésie et de paresthésies, pouvait exister un syndrome canalaire chronique avec emprisonnement du nerf s’exprimant alors par des douleurs périnéales [8-10]. Le concept de névralgie pudendale par syndrome canalaire était né. Mais ce n’était qu’un concept. En effet pour asseoir cette hypothèse, les auteurs affirmaient la lésion du nerf pudendal sur des données électromyographiques, et la réalité du mécanisme physiopathologique supposé (la compression canalaire) par l’efficacité d’une infiltration scannoguidée du nerf [11]. Mais que tout cela était bien loin de Claude Bernard et de l’evidence based medicine ! En effet, on sait bien désormais toute l’absence de sensibilité et de spécificité des explorations électrophysiologiques dans la détermination d’une lésion du nerf pudendal (cf. article spécifique de Le Faucheur et al. dans cette même revue). De plus, un certain nombre de tests ont été élaborés sans validation, ni valeurs normales bien établies comme, par exemple, l’étude des latences distales motrices du nerf pudendal sur ses branches périnéales antérieures. C’est dire que même aujourd’hui, l’exploration électromyographique n’est pas d’un grand secours dans le diagnostic des névralgies périnéales. Elle ne doit pas être le prétexte pour éviter de pratiquer les autres investigations paracliniques à la recherche d’une autre étiologie potentiellement beaucoup plus grave. Elle ne doit pas être la pierre angulaire du diagnostic. Elle n’est indispensable ni au diagnostic, ni à la surveillance de telles algies. Elle n’a été en fait qu’une fausse bonne idée pour imaginer le diagnostic de syndrome canalaire à une époque où sa place n’était pas encore bien déterminée et peu critiquée. De même, si l’idée de l’infiltration spécifique était bonne, elle ne constituait à l’époque pas un test mais un traitement... dont la validité n’avait pas été établie selon les bonnes règles. Il ne s’agissait pas d’infiltrations de produits anesthésiques susceptibles d’apporter des éléments diagnostiques comme aujourd’hui (cf. article spécifique de Th. Riant dans cette même revue), mais simplement d’un essai de traitement par corticoı̈des tels qu’il est proposé dans différents syndromes canalaires pour tenter d’améliorer une douleur chronique. Mais même dans ce cadre, aucune étude en double insu, contrôlée, contre placebo, n’avait été réalisée. Et d’ailleurs toujours pas. Les travaux suivants sont ceux bien connus de l’école nantaise. La première étape a été de confirmer par des travaux anatomiques (dissection) la possibilité de compression du nerf pudendal. Un deuxième site de conflit était ainsi mis en évidence : outre le canal pudendal d’Alcock, le nerf pouvait être comprimé au niveau du ligament sacroépineux à l’épine sciatique [12,13]. La deuxième étape revient à Maurice Bensignor qui proposa des infiltrations à visée diagnostique par anesthésiques locaux [14,15]. Ce fut une vraie avancée en termes de diagnostic positif de cette affection et une porte ouverte à un traitement efficace, à savoir le traitement chirurgical. La troisième étape sera celle permise par R. Robert qui décrira la technique chirurgicale princeps de neurolyse transposition du nerf pudendal et publiera la première étude randomisée confirmant l’efficacité de celle-ci [16-19]. L’histoire de la névralgie pudendale s’était emballée. Et les publications fusaient et se faisaient connaı̂tre outre-Atlantique [20-22]. D’autres expériences ont enrichi nos espoirs mais aussi nos doutes et plus encore nos craintes. Espoirs devant la mise au point de nouvelles voies d’abord [23], de nouvelles pistes physiopathologiques. Ainsi, la description de nouvelles voies d’abord peut être plus accessible, la mise en évidence de réactions locorégionales (hypertonie musculaire localisée suggérant des traitements spécifiques, kinésithérapie, injection de toxine botulique), voire de véritables syndromes algodystrophiques locaux débouchant sur la possibilité d’infiltrations végétatives), la démonstration d’autres conflits potentiels (nerf clunéal), sont autant d’avancées plus ou moins prometteuses. Là encore l’équipe de J.-J. Labat, organisée en consultation multidisciplinaire, fut un élément moteur. Mais que de doutes. Doutes sur notre diagnostic. Doutes sur nos traitements. Et doutes sur le vrai mécanisme de ces algies. C’est ainsi que l’atteinte authentique du nerf (atteinte évoquée sur la clinique, suggérée par l’électromyographie, voire confirmée par la chirurgie) n’est pas le corollaire absolu d’une douleur périnéale par névralgie pudendale : ce n’est pas parce que le nerf est lésé qu’il fait souffrir. En effet, la plupart des neuropathies pudendales sont non douloureuses et restent d’ailleurs dans l’immense majorité des cas totalement assymptomatiques. C’est le cas des neuropathies d’étirement succédant à des accouchements, à des constipations, à une simple chirurgie pelvienne. Ces neuropathies donnent parfois chez la femme des troubles urinaires par altération des résistances urétrales activoréflexes ou passives (incontinence d’effort), 56 une incontinence fécale ou quelques troubles sexuels (hypo-orgasmie). Mais point de douleurs. La vérification chirurgicale n’est pas aussi une preuve irréfutable : ce n’est pas même la constatation d’un nerf d’aspect anormal qui permet d’affirmer que cet aspect suspect est vraiment responsable de la douleur présentée par le patient. Combien de patients « asymptomatiques » ont été disséqués ? Quelle est l’étude qui ait montré une corrélation entre l’aspect opératoire et l’existence même d’une douleur périnéale ? Compte tenu de sa situation anatomique exposée, ce n’est après tout pas d’une très grande banalité que d’être quelque peu « tourmenté » pour un nerf pudendal ? Et ce, sans douleur, sans fuites, sans gêne. C’est dire tout le caractère « probabiliste » du diagnostic de névralgie pudendale, avec l’absence constante de certitude diagnostique, quels que soient les données cliniques, les résultats de l’exploration électrophysiologique, des infiltrations et même... de la chirurgie. Cette douleur chronique, plus que toute autre car lourdement chargée de symbolisme et de tabous compte tenu de sa topographie, est fortement marquée par l’intervention du psychisme, qu’il s’agisse des effets placebo, des cicatrices mnésiques de la douleur ou des perturbations dépressives et anxieuses. Et puis nos craintes... La névralgie pudendale est en effet tombée dans le domaine public. Le vrai public. L’utile, celui des associations de patients. Celui, toujours discutable, du Web où se dit tout et son contraire, où tout se trouve y compris le pire ; celui des médias, souvent plus intéressé par le scoop que par le devoir d’information (émissions médicales spécifiques mises à part qui font réellement œuvre utile). Et puis la diffusion de l’information dans le public médical. Excellente chose quand le médecin généraliste alerté peut référer ce type de douleurs et pense de toutes les façons à demander IRM médullaires, pelviennes, scanner du sacrum, examens urogynécologiques, coloproctologiques, rhumatologiques et dermatologiques. Très mauvaise chose quand quelques pseudospécialistes s’accaparent le titre de pudendalogue... persuadés de leur propre vérité, sans le doute obligatoire de tout raisonnement médical. Au secours Claude Bernard ! Ta méthode anatomoclinique fout le camp ! Conscient de ces dérives, conscients de nos insuffisances, conscients de nos doutes, certains groupes, certaines équipes ont poursuivi la réflexion. L’histoire ne se conçoit qu’avec un futur. C’est pour cela, dans cette tentative de rationalisation, que sont nés les « Critères de Nantes ». Sous l’égide du CEP (Club d’électrophysiologie périnéale), sous l’impulsion de l’équipe nantaise, une certaine formalisation des données cliniques a pu voir le jour. Ce n’est que justice compte tenu des travaux de cette équipe, que le terme de critères « de Nantes » ait été retenu. Certes, cette approche est encore fort incomplète, probablement en partie à reconsidérer dans le futur. Mais elle pose déjà les bases d’une saine réflexion diagnostique. Tout aussi important, compte tenu des dérives constatées, est le travail sur l’électromyographie coordonné par l’équipe de Créteil. Un vrai travail scientifique, fondé sur des preuves, argumenté, mais aussi réfléchi et enrichi par la considérable expérience d’un groupe de spécialistes reconnus. Mais sans passion, sans intérêt partisan. Mon cher Alcock, vous ne laisserez donc pas votre nom uniquement dans un obscur Rouvière oublié au fond d’un placard, témoin jauni de nos années folles, de nos années où les fonds de culotte s’usaient sur les bancs et arrière-bancs de la faculté [24]. Non, mon cher Alcock, non mon cher Benjamin, l’histoire de la névralgie pudendale va désormais vous poursuivre. Et nous vous suivrons à la trace. Références 1. Charpentier J, Messimy R, da Lage C (1968) Coccygodynie révélatrice d’un épendymome du filum terminale. Ablation complete sans séquelle. Rev Neurol 118(2): 106-61 2. Amarenco G, Lanoe Y, Goudal H, et al. (1987) La compression du nerf honteux interne dans le canal d’Alcock ou paralysie périnéale du cycliste. Un nouveau syndrome canalaire. Presse Med 8: 399 3. Laubichler W (1978) Traumatische Läsionen des Nervus pudendus. Akt Neurol 5: 47-50 4. Schulak D, Bear T, Summers J (1980) Transient impotence from positionning o the fracture table. J Trauma 20: 420-1 5. Hofmann A, Jones R, Schoenvogel R (1982) Pudendal nerve neurapraxia as a result of traction on the fracture table. J Bone Jt Surg 64: 136-8 6. Lindembaum S, Flemming L, Smith D (1982) Pudendal nerve palsies associated with closed intramedullary femoral fixation. J Bone Jt Surg 64: 934-38 7. Goodson J (1981) Pudendal neuritis from biking. N Engl J Med, pp 304-65 8. Amarenco G, Lanoe Y, Ghnassia RT, et al. (1988) Syndrome du canal d’Alcock et névralgie périnéale. Rev Neurol 144: 523-6 9. Amarenco G, LE Cocquen-Amarenco A, Kerdraon J, et al. (1991) Les névralgies périnéales. La Presse Médicale 2: 71-4 10. Amarenco G, Kerdraon J, Lecocquen A, et al. (1991) Algies périnéales d’origine neurologique. Étude de 89 patients. Ann Readaptation Med Phys 34: 19-24 11. Amarenco G, Kerdraon J, Bouju P, et al. (1997) Traitements des névralgies périnéales par atteinte du nerf pudendal. À propos de 170 cas. Revue neurologique (Paris) 153(Suppl 5): 331-34 12. Robert R, Labat JJ, Lehur PA, et al. (1989) Réflexions cliniques, neurophysiologiques, et thérapeutiques à partir de données anatomiques sur le nerf pudendal lors de certaines algies périnéales. Chirurgie 115: 515-20 13. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, et al. (1990) Les névralgies du nerf pudendal (honteux interne), considérations anatomo-cliniques et perpectives thérapeutiques. Journal d’Urologie 96: 239-44 14. Bensignor-Le Henaff M, Labat JJ, Robert R, et al. (1990) Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Doul et Analg 3: 99-101 15. Bensignor M, Labat JJ, Robert T, et al. (1993) Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Cahier d’anesthesiologie 41: 111-4 57 16. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (1993) Bases anatomiques de la chirurgie du nerf puidendal. Conséquences thérapeutiques dans certaines algies périnéales. Lyon chirurgical 89: 183-87 17. Robert R, Brunet C, Faure A, et al. (1994) La chirurgie du nerf pudendal lors de certaines algies périnéales : évolution et résultats. Chirurgie 119: 535-39 18. Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve. Surg radiol anat 20: 93-98 19. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2004) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal neuralgia: a randomized controlled trial and long-term evaluation. European Urology 47(3): 403-08 20. Silbert P, Dunne L, Edis R (1991) Bicycling induced pudendal nerve pressure neuropathy. Cli Exp Neurol 28: 191 21. Oberpening F, Roth S, Leusmann D, et al. (1994) The Alcock syndrome: temporary penile insensitivity due to compression of the pudendal nerve within the alcock canal. J Urol 151: 423-5 22. Beco J, Mouchel J (1997) Interet de la décompression du nerf pudendal pour le chirurgien périnéologique. Gunaı̈kea 2: 44-7 23. Bautrant E, De Bisshop E, Vaini-Elies, et al. (2003) La prise en charge moderne des névralgies pudendales à partir d’une série de 212 patients et 104 interventions de décompression. J Gynecol Obstet Biol Reprod 32: 705-12 24. Benjamin Alcock (1949) The First Professor of Anatomy and Physiology in Queen’s College, Cork by Ronan O’Rahilly Review author[s]: D. G. The English Historical Review 64(252): 411 Pelv Perineol (2007) 2: 58–64 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0115-3 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Anatomophysiologie des algies pudendales R. Robert 1 , Y. Beaudic 1 , O. Hamel 1 , M. Khalfallah 3 , J.-J. Labat 2 , T. Riant 4 1 3 4 Service de Neurotraumatologie ; 2 Clinique urologique, Hôtel-Dieu, CHU, 1, place Alexis-Ricordeau, F-44093, France Département de neurochirurgie, CHU Côte-Basque, 13, avenue de l’Interne-Jacques-Loëb, BP 8, F-64100 Bayonne, France UETD Maurice-Bensignor, centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, F-44202 Nantes Cedex 02, France Résumé : Les algies pudendales sont périnéales de type tronculaire et somatique. Elles siègent dans le territoire du nerf atteint et sont positionnelles, ce qui évoque un phénomène de compression lors de la position assise. L’anatomophysiologie de ces douleurs met l’accent sur plusieurs items : a) définition et innervation du périnée ; b) étude du parcours des voies de la douleur ; étude des structures inhibitrices tout au long de ce trajet. Le périnée : il est embryologiquement situé dans le plan infralévatorien, et contient les organes érecteurs, les sphincters et du tissu graisseux. Il s’étend des organes génitaux à l’anus. Son innervation est mixte : le nerf pudendal issu de S3 représente l’innervation cutanée et musculaire striée. Il contient un important contingent de fibres orthosympathiques qui gagneront la chaı̂ne latérovertébrale. Le pelvis est supralévatorien, contient les viscères pelviens et n’est innervé que par le système végétatif. Les voies de la douleur sont issues des trois feuillets embryonnaires. Les douleurs extéroceptives (cutanées) gagnent l’apex de la corne grise dorsale ; les fibres proprioceptives (muscles, fascias, tendons) gagnent l’isthme ; les fibres intéroceptives (viscères) gagnent la base. Des neurones convergents de la lame V de Rexed vont rassembler les informations douloureuses dans le tractus spinothalamique ventral (STV) et dorsal (STD). Dans le tronc cérébral, le STD monte à petite vitesse et va ensuite gagner le thalamus. De nombreuses fibres vont être stoppées dans la formation réticulée. Le STV devient satellite de la voie lemniscale et gagne le thalamus à grande vitesse avec elle. Dans le noyau VPL du thalamus, les fibres du STD vont projeter dans le cortex préfrontal et donner à la douleur sa dimension qualitative. Le STV arrivé le premier projette immédiatement dans le gyrus postcentral pour localiser la douleur. Parallèlement, l’hypothalamus, informé par la réticulée, accompagne le sentiment douloureux d’un cortège hormonal réactionnel. Le cortex limbique puisant ses informations du néocortex stockera ou non la douleur en mémoire, en l’accompagnant d’une composante émotionnelle. Les voies de la douleur viscérale sont semblables à celles des douleurs somatiques dans le système nerveux central. La connaissance Correspondance : E-mail : [email protected] de leur composante extra-axiale permet d’orienter les infiltrations (rameaux communicants). Les structures inhibitrices sont à tous les niveaux : gate control dans la moelle spinale, filtre réticulaire et thalamique, systèmes inhibiteurs diffus et néocortex moteur. Leur connaissance oriente vers les techniques de neurostimulation quand le traitement étiopathologique échoue. Au total, devant une douleur périnéale, la connaissance anatomique doit faire évoquer parfois une pathologie tronculaire somatique et abandonner le réflexe de rendre responsables des structures viscérales n’appartenant pas au périnée, et devenant victimes d’un comportement thérapeutique inadapté. Mots clés : Anatomie – Douleur – Innervation – Nerf pudendal – Périnée – Physiologie Anatomy and physiology of pudendal pain Abstract: Pudendal pain stems from the perineum and involves the nerve trunk and somatic nerves. It emanates from the affected nerve and depends on the body’s position; the seated position compresses the nerve. The anatomy and physiology of this type of pain calls for an emphasis on several points: a) delineation and innervation of the perineum; b) understanding the relevant pain pathways; c) knowledge of the inhibitory structures throughout the pathways. The perineum: in the embryo, it is located in the infralevator region, containing the erectile organs, sphincters and fatty tissue. It extends from the genitals to the anus. Innervation of the perineum is varied: the pudendal nerve extends from S3 nerve roots and provides cutaneous and striated muscle innervation. It contains a large number of orthosympathic fibres that run along the laterovertebral chain. The pelvis is located in the supralevator region, contains the pelvic viscera and is exclusively innervated by the autonomic nervous system. The pain pathways come from the three embryonic germ layers. Exteroceptive pain (cutaneous) reaches the top of the posterior grey horn; proprioceptive fibres (muscles, fascia, 59 and tendons) extend to the isthmus; interoceptive fibres (viscera) run to the base. The converging neurons of Rexed’s lamina V collect pain information in the dorsal (DST) and ventral (VST) spinothalamic tract. In the brain stem, the DST slowly rises, later reaching the thalamus. Many fibres will be stopped in the reticular formation. The VST becomes a satellite of the lemniscal pathway and quickly reaches the thalamus with it. In the ventroposterolateral (VPL) nucleus of the thalamus, the DST projects into the prefrontal cortex, giving pain its quantitative dimension. Arriving first, the VST immediately projects into the postcentral gyrus to localize the pain. At the same time, the hypothalamus, receiving information from the reticular formation, responds to the feeling of pain with the release of a stream of hormones. The limbic cortex, drawing its information from the neocortex, may store the pain in memory, adding an emotional component. The visceral pain pathways are similar to those for somatic pain in the central nervous system. Knowing their extra-axial component makes it possible to position infiltrations (rami communicans). Inhibitory structures exist at all levels: gate control in the spinal cord, reticular and thalamic filters, inhibitory systems and the motor neocortex. When etiopathological treatment fails, knowledge of these structures makes it possible to employ neurostimulation techniques. When faced with perineal pain, understanding anatomy will sometimes lead to the diagnosis of a somatic, nerve trunk disorder, avoiding the reflex of implicating visceral structures outside the perineum and developing inappropriate therapeutic strategy. Keywords: Anatomy – Pain, Innervation – Pudendal nerve – Perineum – Physiology Introduction Tout est fait dans l’organisme pour que la douleur ne parvienne pas à la conscience. Seul un seuil d’excitation élevé va franchir les barrages imposés à la douleur et envahir le cortex. Ce peut n’être qu’une simple alerte transitoire comme on le rencontre dans le cadre des douleurs aiguës. Ce peut être aussi un envahissement permanent du cortex avec des retentissements psychocomportementaux propres à la douleur chronique. Pelvis et périnée sont deux régions distinctes dont l’innervation est différente. Avant d’étudier les voies de la douleur et leur système inhibiteur, il convient donc de faire quelques rappels sur l’innervation du pelvis et du périnée. gme appelé le muscle levator ani. Ce muscle divise la région en deux parties : la portion supralevatorienne qui correspond au pelvis, la portion infralevatorienne qui correspond au périnée. L’innervation de ces deux structures est différente : le muscle levator ani est innervé par les troisième et quatrième racines sacrales puisqu’il est d’origine caudale. Accessoirement, quelques branches issues du nerf pudendal peuvent contribuer à cette innervation. Au-dessus de ce plan et donc dans la région pelvienne, l’innervation est purement végétative. Il faut d’emblée savoir que seul le système orthosympathique possède des fibres sensitives et est donc susceptible de transmettre la douleur. Le parasympathique n’est lui que moteur. Le périnée bénéficie d’une double innervation, somatique par le nerf pudendal entre autres et végétative par le système orthosympathique. Dans la partie infralevatorienne c’est-à-dire dans le périnée, une condensation mésenchymateuse s’est faite autour des tubes urinaires et anaux séparés l’un de l’autre par l’éperon pelvipérinéal. Ainsi se forment les sphincters striés de l’anus et de l’urètre. Le nerf pudendal est le roi du périnée. Lui seul va prendre en charge ces sphincters constitués de muscles striés ainsi que les autres muscles striés de la région à savoir les muscles érecteurs (ischiocaverneux et bulbospongieux et transverses du périnée). Le périnée reçoit également des fibres végétatives qui sont, d’une part, médiées par le nerf pudendal qui a un fort contingent orthosympathique, d’autre part issues du plexus hypogastrique inférieur qui chemine dans les lames sacro-rectogénitopubiennes, et vont se délivrer aux structures effectrices végétatives et, en particulier aux sphincters lisses. Concernant la sensibilité, cette région périnéale est sur le plan cutané, innervée par le nerf pudendal essentiellement. Il faut noter cependant que des suppléances sont possibles puisqu’il existe des chevauchements métamériques émanant des nerfs ilio-inguinal, iliohypogastrique, génitofémoral, clunéal inférieur. Ainsi, s’explique sans doute l’absence habituelle de déficit sensitif lors de l’atteinte du nerf pudendal. Au total : il y a donc dans le périnée deux types d’innervation : – une innervation somatique par le nerf pudendal ; – une innervation végétative, qui sur le plan sensitif est constituée par le système orthosympathique médié à la fois par le pudendal et par le plexus hypogastrique inférieur. Rappels d’anatomie topographique L’embryologie nous apprend que la partie caudale de l’embryon possède des myotomes caudaux qui vont régresser et effectuer un mouvement d’ascension. Ils vont se placer autour du tube urinaire et du tube rectal, primitivement réunis dans un cloaque, et constituer autour d’eux une sangle musculaire, véritable diaphra- Trajet des fibres sensitives avant leur entrée dans la moelle Les fibres somatiques Elles empruntent le trajet du nerf pudendal. Prenant en charge la peau de la marge anale, du pénis et des bourses 60 ou du clitoris et des lèvres, de la région intermédiaire correspondant au noyau fibreux central du périnée, ces fibres suivent ensuite le trajet du nerf pudendal dans le canal pudendal d’Alcock tout d’abord, constitué par un dédoublement du fascia du muscle obturateur interne, se plaçant ensuite dans un plan supralevatorien à leur sortie du canal. Elles contournent alors la partie distale du ligament sacroépineux ou l’épine sciatique, se plaçant médialement par rapport au nerf sciatique et se placent dans la région glutéale dans le canal infrapiriforme. Ensuite, ces fibres confluent vers leurs racines d’origine majoritairement S3 parfois S2 et S4 et pénètrent les trous sacrés pour remonter dans la queue de cheval, et gagner la partie terminale sacrale de la moelle spinale. Au cours de leur trajet, ces fibres rencontrent des obstacles qui sont maintenant bien connus : le canal pudendal d’Alcock lui-même dont le fascia peut être épaissi et sténose le nerf, le processus falciforme du ligament sacrotubéral qui peut plaquer le nerf, notamment à la partie dorsale du canal d’Alcock, la pince ligamentaire dans la portion rétrospinale entre ligament sacroépineux et le ligament sacrotubéral où le nerf peut être pris dans une véritable pince. Les fibres orthosympathiques Nous avons déjà dit qu’elles pouvaient être médiées par le nerf pudendal dont un tiers des fibres environ appartiennent à ce contingent. Cela explique certaines sensations végétatives avec des douleurs irradiantes, plurimétamériques, responsables, notamment de sensation de fesses froides, de scrotum froid, de sensation de corps étranger intrarectal ou intravaginal. Par ailleurs, ces fibres vont émaner des structures périnéales, gagner les lames sacro-rectogénitopubiennes qui sont une condensation infrapéritonéale supralevatoFibres végétatives Fibres somatiques Chaîne latérovertébrale rienne de mésenchyme noyant les vaisseaux et les nerfs. Ces fibres convergent dans le ganglion préviscéral qui est le ganglion hypogastrique inférieur qui collecte ces fibres et les envoie dans la chaı̂ne ganglionnaire latérovertébrale orthosympathique d’une part, dans le nerf hypogastrique et le plexus hypogastrique supérieur d’Hovelacque situé en avant du promontoire en préaortique d’autre part. Ces fibres orthosympathiques vont nécessairement gagner la chaı̂ne latérovertébrale. Le mode de migration de ces fibres se fait autour des artères qu’elles empruntent et habillent d’un fin treillis. La plupart des convergences se font au niveau de la jonction thoracolombaire, et notamment à l’étage L1–L2. Les fibres orthosympathiques ont alors le devoir de quitter la chaı̂ne latérovertébrale pour gagner une racine sensitive et donc dorsale avant leur pénétration dans la moelle (Fig. 1). Nous comprendrons cette nécessité dans les paragraphes suivants. Précisons ici que les douleurs somatiques sont bien localisées, de façon radiculaire ou ici tronculaire alors que les douleurs végétatives, captées par plusieurs racines sont diffuses, plurimétamériques. Dans la moelle spinale La racine dorsale aborde donc la moelle spinale. Sont mêlées les fibres extéroceptives somatiques d’origine cutanée, les fibres proprioceptives d’origine musculaire, osseuse tendineuse et ligamentaire, les fibres végétatives à la fois médiées par les nerfs somatiques, et notamment par le nerf pudendal qui nous intéresse ici et par les fibres d’origine viscérale que nous avons déjà vues et qui ont quitté la chaı̂ne latérovertébrale (Fig. 2). Dans la moelle les fibres extéroceptives d’origine cutanée s’arrêtent au niveau de l’apex de la corne grise dorsale. Les fibres proprioceptives rejoignent l’isthme. Les fibres intéroceptives gagnent la base (Fig. 3). Il y a donc trois tissus embryonnaires ectoderme, mésoderme, et endoderme ; trois sensibilités extéroceptive, proprioceptive et intéroceptive ; et trois douleurs possibles d’origine cutanée, d’origine musculaire, d’origine viscérale. Ces fibres peuvent donc transmettre la douleur, or il 1 Muscles 2 Fibres Motrices Viscère Fig. 1. Organisation du métamère végétatif : les fibres roses d’origine viscérale médiant la douleur rejoignent les fibres bleues somatosensibles sur plusieurs métamères 3 3 Sheats , 3 Sensibilities, 3 Pains Fig. 2. Les trois feuillets embryonnaires 61 Éveil Réponse motrice Réponse végétative Apex I Isthme II Base III IV V VI 3 2 RR Fig. 3. Répartition des protoneurones dans la corne grise dorsale 3 groupes nucléaires: 1 noyaux du raphé 2 noyaux centraux 3 noyaux latéraux 1 Fig. 5. Les trois composantes de la formation réticulée 1 Réticulée facilitatrice ascendante 2 Réticulée descendante motrice 3 Réticulée latérale végétative Dans le tronc cé ré bral Tracti spinothalamiques 2 1 ventral= ne o ST 2 dorsal= paleo ST 1 Fig. 4. Constitution des tracti spinothalamiques n’existe qu’un faisceau nociceptif : le tractus spinothalamique. Les trois fibres précédemment citées se terminant dans l’apex, l’isthme et la base vont donc devoir se projeter sur l’origine du tractus spinothalamique dans la lame V de REXED c’est-à-dire dans la région isthmique de la corne grise dorsale. Des interneurones sont ainsi nécessaires et il existe une convergence entre les influx d’origine cutanée, mésodermique et endodermique. Les fibres du tractus spinothalamique ainsi constituées vont croiser la ligne médiane, et donc décusser pour former le tractus spinothalamique dans la partie ventrolatérale de la substance blanche de la moelle, lequel se répartit en deux tracti principaux : le spinothalamique ventral et le spinothalamique dorsal (Fig. 4). Ce faisceau transporte la sensibilité thermique et douloureuse. La nécessaire convergence tient au fait que les fibres somatiques qui vont se prolonger dans la moelle, le tronc cérébral, le thalamus vont ensuite être enregistrées sur le cortex pariétal qui a pour mission de localiser la douleur. À ce niveau siège la formation réticulée qui est composée de trois groupes nucléaires (Fig. 5). Les noyaux du raphé appartiennent à la réticulée facilitatrice ascendante qui reçoivent des impressions sensitives et sensorielles, et envoient des projections dans les corps striés et le cervelet expliquant les comportements moteurs automatiques face à la douleur, dans l’hypothalamus sur lequel nous reviendrons de même que dans l’hippocampe qui sera traité plus tard. Les noyaux centraux de la réticulée constituent la réticulée descendante ou motrice et vont se charger de l’état de contraction des muscles, notamment face à la douleur. Les noyaux de la réticulée latérale de valeur végétative vont projeter sur l’insula et le noyau amygdalien, et expliquent les comportements buccaux face à la douleur (cris, pleurer, morsure), une projection se fait au niveau des sphincters et peut expliquer leur faiblesse face à la douleur, un autre contingent de fibres va vers les organes thoraciques et les gros vaisseaux expliquant les variations tensionnelles face à la douleur. Le tractus spinothalamique ventral monte dans le tronc cérébral (Fig. 6) et va s’attacher à la partie dorsale du lemniscus médial de REIL. Ce lemniscus médial n’est que le deuxième neurone prolongeant les tracti graciles et cunéı̈formes de Goll et Burdach qui constituent les cordons dorsaux de la moelle. Le lemniscus médial ne transporte aucune sensibilité douloureuse. Il transmet des informations extéroceptives discriminatives (la sensibilité fine), et la sensibilité proprioceptive consciente, celle qu’utilise le funambule pour être en permanence informé de la position de son corps par rapport à l’espace. Cette voie lemniscale est 62 Dans l’hypothalamus 1 2 3 1 vst 2 dst 3 lem med Fig. 6. Le tractus spinothalamique ventral (1) monte rapidement vers le thalamus en accompagnant la voie lemniscale (3) pour renseigner sur la topographie douloureuse une autoroute et monte très vite vers le thalamus. Le spinothalamique ventral est donc un opportuniste. Il va s’attacher à cette voie comme le fait un cycliste à une mobylette pour progresser plus vite et va gagner ainsi très rapidement le thalamus. Le tractus spinothalamique dorsal a une autre destinée. Certaines de ses fibres vont monter dans le tronc cérébral à petite vitesse et gagner à grand peine le thalamus. D’autres, et elles sont nombreuses, vont percuter la formation réticulée et au prix de nombreuses synapses essayer de traverser cette réticulée qui, nous le verrons, est un filtre de la douleur. Si le stimulus est suffisant, ces différentes fibres vont gagner à petite vitesse le thalamus. Dans le thalamus Le thalamus est un gros noyau gris central et encéphalique. Il constitue ce que Lhermitte a appelé le filtre de la douleur. Les différentes sensibilités que nous avons vues vont percuter le noyau latéroventral postérieur du thalamus et y être analysées. Ce thalamus enverra ses impressions au cortex, c’est-à-dire à la conscience seulement si la douleur vaut la peine d’être vécue consciemment. Dans le cas contraire, c’est-à-dire la plupart du temps, il va négocier avec le cervelet, les corps striés pour agencer une motricité automatique qui, par exemple, va faire varier les points de pression en position assise, le croisement et le décroisement automatique des jambes avant que ne surviennent des effets délétères (escarrification cutanée, ou compression des nerfs intéressés par cette posture (exemple : le nerf fibulaire commun sur la tête fibulaire). La réticulée va envoyer ses informations, notamment douloureuses à l’hypothalamus. La description qu’en a fait Cushing est exemplaire : « Dans cette zone archaı̈que de la base du cerveau que l’ongle du pouce pourrait cacher, se dissimule le ressort essentiel de la vie instinctive et affective que l’homme s’est efforcé de recouvrir d’un manteau, d’un cortex d’inhibition. » Harvey Cushing voulait dire par là que cet hypothalamus ou cerveau végétatif vrai commande le système végétatif, répercute ses informations bruyamment sur les structures effectrices (tronc cérébral avec les nerfs crâniens et moelle épinière avec les nerfs spinaux). On peut le schématiser facilement en quatre noyaux : les noyaux trophotropes situés ventralement sont responsables de l’entretien de la trophicité. Ainsi, s’explique par exemple le manque d’appétit que cause habituellement la douleur. Les noyaux hypophysiotropes situés sous les précédents commandent la glande hypophyse et son système hormonal. L’aménorrhée des femmes douloureuses chroniques est explicable par ce phénomène. Le noyau ergotrope du dorsal est la véritable dynamo de l’organisme et va expliquer le manque d’entrain qu’ont habituellement les douloureux chroniques avec un penchant vers un état dépressif. Le noyau mnémotrope situé sous le précédent est chargé d’emmagasiner dans sa mémoire les phénomènes douloureux. Cette dernière fonction est importante. La mémoire de la douleur permet de mieux se préparer à une douleur identique survenant éventuellement. Dans le cortex limbique Dans un but de simplification, nous ne nous intéresserons qu’à sa fonction émotionnelle et mnésique (Fig. 7). Le circuit HMTC (hippocampo-mamillo-thalamocingulaire) décrit par Papez nous explique que les différents points du néocortex vont projeter dans l’hippocampe ventral lequel projette ensuite ses informations sur le tubercule mamillaire (noyau hypothalamique déjà vu) qui transmet au noyau antérieur du thalamus lequel projette dans le cortex limbique ou cortex péricalleux de BROCA. Mémoire et émotion utilisent le même parcours, ce cortex explique les réactions émotionnelles face à la douleur et à titre d’exemple les noyaux du septum vont projeter les informations limbiques au niveau des noyaux des nerfs crâniens du tronc cérébral. Parmi ces noyaux le nerf facial va jouer un rôle important dans l’expression de la sensation douloureuse : le sujet a un masque sardonique par le biais de la contraction des peauciers de la face sous l’impulsion du noyau branchial moteur du VII. Parallèlement le noyau lacrymomuconasal parasympathique du VII entraı̂ne les larmes qui accompagnent habituellement les pleurs. C’est là une expression visible du sentiment douloureux. 63 1 2 S 3 4 5 Fig. 7. Circuit hippocampo-mamillo-thalamocingulaire de Pappez : il transporte à la fois la douleur et l’émotion Les projections néocorticales Revenons un peu sur le thalamus où nous avons vu converger dans le noyau latéroventral postérieur le tractus spinothalamique dorsal et le spinothalamique ventral. Ce dernier, qui a bénéficié de l’autoroute de la sensibilité ou voie lemniscale pour gagner rapidement le thalamus va être dirigé par lui sur le gyrus postcentral ou circonvolution pariétale ascendante qui est organisée sous forme d’homonculus où chaque partie du corps est cartographiée. Il est important en effet de savoir rapidement où siège la douleur. Le tractus spinothalamique dorsal et les fibres spinoréticulothalamiques projettent plus lentement dans le cortex préfrontal où se fait l’analyse de la douleur, ce qui est moins urgent. Les systè mes inhibiteurs Ils sont nombreux, diffus, et vont s’efforcer de ne pas faire parvenir l’impression douloureuse au néocortex. Au niveau de la moelle spinale Nous avons décrit les petites fibres qui pénètrent dans la substance grise et qui vont donner naissance au tractus spinothalamique. Dans la racine dorsale passent également des fibres extero et proprioceptives qui vont constituer les tractus dorsaux gracile et cunéiforme de Goll et Burdach. Ces fibres sont très myélinisées, conduisent rapidement l’influx, et ont un seuil d’excitation bas. Ce sont des fibres A alpha. Elles transmettent les sensibilités exteroceptive discriminative et proprioceptive consciente, et sont dégagées de toute fonction nociceptive. Pourtant, leur simple effleurement lors de la chirurgie de la moelle quand elle se pratiquait sous anesthésie locale déclenchait des douleurs vives compa- Fig. 8. Gate control de Wall et Melzach : bien que discuté, il permet de comprendre l’inhibition douloureuse métamérique des fibres nociceptives par les collatérales des fibres myélinisées allant constituer les cordons dorsaux 1. tracti gracile et cunéiforme 2. collatérales inhibitrices 3. arrivée des fibres sensitives 4. neurone convergent 5. tractus spinothalamique rables à celles du tabès. Or, les patients tabètiques ont une destruction de ces tractus. Wall et Melzack ont élucidé ce problème par leur théorie du gate control (Fig. 8) qui, si elle est parfois remise en cause, explique cependant bien des phénomènes cliniques. En fait, les fibres de la racine spinale dorsale sont compétitives. On peut opposer les fibres A alpha qui sont rapides aux fibres A delta et C, lentes et difficilement excitables. Ces dernières ont été décrites précédemment. Ce sont celles émanant des trois feuillets et qui vont après synapse constituer le tractus spinothalamique. L’influx porté par les A alpha arrive à la moelle en premier. Des collatérales issues des tractus gracile et cunéiforme vont gagner la corne grise dorsale et par des moyens complexes vont fermer la porte à la douleur (Gate) l’empêchant d’être captée par les neurones convergents. En pratique courante d’ailleurs la stimulation de ces grosses fibres par frottement par exemple après une brûlure superficielle va renforcer le Gate et rendre la douleur supportable. La stimulation cutanée et la stimulation des cordons postérieurs procèdent du même phénomène. Au niveau du tronc cé ré bral La formation réticulée est, comme nous l’avons dit, un filtre de la douleur, rendant périlleux le trajet des fibres spinoréticulothalamiques. Certains noyaux réticulaires, 64 particulièrement denses au niveau du mésencéphale dans la substance grise périaqueducale vont envoyer vers la moelle spinale des fibres sérotoninergiques via les tractus réticulospinaux qui auront pour mission de renforcer le gate control. Au niveau des autres structures De nombreux systèmes inhibiteurs diffus de la douleur sont sans cesse mis à jour. Il serait fastidieux de les citer. Un fait récent mérite cependant d’être retenu. Des équipes neurochirurgicales travaillent actuellement sur la stimulation corticale antalgique. Leur cible est en fait, et sans explication scientifique probante à l’appui, le néocortex moteur au niveau du gyrus précentral (aire de Rolando). Le cortex moteur ainsi stimulé renforcerait le filtre thalamique. Conclusions pratiques La connaissance des voies de la douleur guide le thérapeute pour la prise en charge des patients douloureux. Il faut tout d’abord identifier ce qui est une douleur pelvienne et ce qui est une douleur périnéale. C’est relativement facile lorsque seul le périnée est douloureux. Après avoir éliminé une pathologie tumorale par exemple, la responsabilité du nerf pudendal doit être évoquée. Devant un tableau typique de douleurs positionnelles (en position assise), l’examen neurologique étant normal, on évoque un syndrome canalaire. Associées au traitement médical des douleurs neuropathiques, les infiltrations constituent un test diagnostique et une arme thérapeutique. La diffusion des douleurs dans le pelvis et/ou dans les membres inférieurs fait évoquer une réaction musculaire réflexe ou une participation végétative. Les douleurs pelviennes doivent faire rechercher une pathologie dont le traitement peut être spécifique (kyste de l’ovaire, endométriose, cystite interstitielle, vestibulite vulvaire, etc.). Si aucune cause n’est retrouvée, il faut se résoudre à traiter la douleur en tant que telle. Les neurostimulations, les blocs pluriétagés sont guidés par la distribution des fibres orthosympathiques. Le traitement peut être la destruction de ces voies en restant le moins agressif possible. Les rameaux communicants sont une cible encore à l’étude. Leur destruction n’entraı̂ne a priori aucune conséquence ni somatique ni végétative. Leur infiltration radioguidée commence à se codifier. L’important est de penser à un processus neurologique comme cause de la douleur et d’arrêter de sacrifier chirurgicalement des organes qui ne sont que des victimes, alors à double titre. Pelv Perineol (2007) 2: 65–70 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0114-4 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Critères diagnostiques d’une névralgie pudendale (Critères de Nantes) J.-J. Labat, T. Riant, R. Robert (Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvipérinéales CHU Nantes) G. Amarenco, J.-P. Lefaucheur, J. Benaı̈m, R. De Tayrac, J.-P. Galaup, M. Guérineau, M. Khalfallah, A. Lassaux, M. Le Fort, J.-P. Lucot, B. Rabischong, J. Rigaud, L. Siproudhis (Réunion de Nantes, 22-23 septembre 2007) M.-C. Arné-Bès, V. Bonniaud, K. Charvier, P. Dumas, A.-G. Herbault, E. Lapeyre, A.-M. Leroi, D. Prat Pradal, J.-M. Soler, M.-F. Testut, P. Raibaut, M.-C. Scheiber-Nogueira, C. Thomas (Club d’électrophysiologie périnéale) Résumé : Le diagnostic de syndrome canalaire du nerf pudendal est un diagnostic avant tout clinique. Il n’y a aucun marqueur clinique ou paraclinique spécifique de cette pathologie. Un faisceau d’arguments permet cependant d’évoquer le diagnostic. Un groupe d’experts a validé des critères diagnostiques simples (critères de Nantes). Les critères indispensables au diagnostic sont : l’existence d’une douleur située dans le territoire anatomique du nerf pudendal, aggravée en station assise, ne réveillant pas la nuit, sans hypoesthésie objective à l’examen clinique mais avec un bloc anesthésique du tronc du nerf pudendal positif. D’autres éléments cliniques pourront apporter des arguments supplémentaires au diagnostic de névralgie pudendale. En revanche, nous proposons des critères d’exclusion : douleurs purement coccygienne, fessière ou hypogastriques, douleurs uniquement paroxystiques, prurit, présence d’anomalies d’imagerie susceptibles d’expliquer la symptomatologie. La névralgie pudendale peut être typique mais également déroutante en raison de signes associés qui témoignent de réactions d’hypersensibilisation périphérique et centrale à expression neuropathique, musculaire ou végétative. Mots clés : Névralgie – Nerf pudendal – Canal d’Alcock Pudendal nerve entrapment: diagnostic criteria (Nantes criteria) Abstract: The diagnosis of pudendal nerve entrapment is largely clinical, and, although there are no definitive clinical or paraclinical signs, an array of clinical arguments makes the diagnosis possible. An expert group has validated diagnostic criteria (Nantes criteria), of which the key criteria are: pain located in the anatomical area of the pudendal nerve; exacerbation of pain in the seated position; no nocturnal pain; and no objective hypoesthesia on clinical examination, but positive anesthetic block of the pudendal nerve trunk. Other clinical factors can suggest pudendal nerve entrapment. In addition, we have developed exclusion criteria: pain limited to the coccyx, buttocks, or hypogas- tric region; exclusively paroxystic pain; pruritus; radiological evidence that could explain the symptoms. Pudendal neuralgia could be typical, but sometimes unclear because of associated signs and symptoms suggesting peripheral and central hypersensitivity reactions that have neuropathic, muscular or autonomic nervous system expression. Keywords: Neuralgia – pudendal nerve – Alcock’s canal Après avoir été complètement négligé et méconnu, le diagnostic de névralgie pudendale [1,2] est maintenant porté assez facilement devant des douleurs périnéales évocatrices, considérées jusqu’alors comme psychogènes du fait de l’absence de support lésionnel mis en évidence sur les examens d’imagerie ou d’endoscopie. La rançon du succès est que de plus en plus, devant des douleurs de la région pelvi-périnéo-fessière, ce diagnostic est porté par excès ou par défaut, en l’absence de tout diagnostic de pathologie d’organe. Toutes les douleurs aggravées en position assises ont tendance à recevoir ce diagnostic. Enfin, si l’électroneuromyogramme (ENMG) nous a permis d’évoluer considérablement dans la connaissance de la maladie, nous avons aussi appris à en connaı̂tre les limites et à lui redonner sa place naturelle d’examen complémentaire mais en aucun cas d’examen permettant d’affirmer ou d’éliminer formellement le diagnostic de névralgie pudendale (cf. article de J.-P. Lefaucheur dans ce numéro). C’est la raison pour laquelle nous avons essayé d’établir des critères diagnostiques de névralgie pudendale qui n’ont aucunement l’ambition de recouvrir l’ensemble des situations cliniques dans la mesure où l’expression de ce type de douleur est éminemment variable et complexe car souvent associée à de multiples manifestations fonctionnelles déroutantes. L’objectif a été d’élaborer des critères simples, limités en nombre, pouvant être diffusés largement pour éviter les erreurs diagnostiques. Ces critères seront applicables par tout médecin confronté à un patient présentant une douleur 66 périnéale même si des experts pourront reconsidérer la situation au cas par cas en fonction du contexte clinique. Ces critères ont été discutés et validés par un groupe d’experts multidisciplinaires qui s’est réuni à Nantes les 23 et 24 septembre 2006 (d’où la proposition d’appellation de « critères de Nantes ») puis par les membres du Club d’électrophysiologie périnéale qui s’est réuni à Paris le 8 décembre 2006. Cette proposition a reçu l’aval de la SIFUP PP (Société interdisciplinaire francophone d’urodynamique et de pelvi-périnéologie). En l’absence de critères d’imagerie, de biologie et d’électrophysiologie pathognomoniques, le diagnostic de névralgie pudendale, comme celui de toute névralgie reste avant tout clinique et « probabiliste » et devra constamment être remis en question en fonction de l’évolution clinique. Le diagnostic de syndrome compressif du nerf pudendal (syndrome « canalaire »), correspond à l’étiologie la plus fréquente et repose également sur des éléments de suspicion clinique. D’autres étiologies existent [3] : neuropathies herpètiques, neuropathie d’étirement (bien qu’habituellement, celles-ci soient non ou très peu douloureuses), polyneuropathie périphérique, neuropathie postradique, compression ou infiltration d’origine tumorale... En fait, seule la constatation opératoire d’un nerf comprimé et la disparition de la douleur en postopératoire [4] peuvent permettre d’affirmer avec certitude le diagnostic de névralgie pudendale d’origine compressive (sauf à discuter de l’effet placebo de la chirurgie). Nous avons défini quatre domaines diagnostiques : – critères indispensables au diagnostic de névralgie pudendale ; – critères complémentaires au diagnostic ; – critères d’exclusion ; – signes associés n’excluant pas le diagnostic. Critères indispensables au diagnostic de névralgie pudendale Cinq critères sont considérés comme indispensables au diagnostic et doivent donc être tous présents pour parler de syndrome canalaire du nerf pudendal ou de névralgie pudendale d’origine compressive. Douleur située dans le territoire du nerf pudendal (de l’anus à la verge ou au clitoris) Comme il s’agit d’une douleur tronculaire, elle doit être située dans le territoire du nerf pudendal qui va de l’anus au clitoris ou à la verge. Elle peut être superficielle ou un peu plus profonde au niveau anorectal, au niveau vulvovaginal et au niveau de l’urètre distal. Cela exclut les douleurs qui sont exclusivement localisées à la région coccygienne, au sacrum, aux fesses, au pubis et à la région hypogastrique, mais la douleur peut irradier à ces zones. Rappelons que si la peau scrotale dépend bien des racines sacrées et du nerf pudendal, le testicule (comme l’ovaire) lui-même, l’épididyme et le déférent dépendent d’une innervation issue des racines thoracolombaires. Douleur prédominant en position assise Il s’agit d’une caractéristique clinique essentielle qui permet d’envisager l’hypothèse d’un syndrome compressif dans le cadre d’un syndrome canalaire. Tout nerf doit être mobile pour ne pas être contraint lors des mouvements (exemple du nerf ulnaire au coude) ou lors de la pression en station assise pour le nerf pudendal. Toute perte de mobilité du nerf (où qu’elle soit) va donc l’exposer à s’écraser sur les structures ligamentaires rigides comme le prolongement falciforme du ligament sacrotubéral [5]. C’est bien l’hyperpression qui est responsable et non la position assise, ce dont témoigne parfaitement le soulagement de la douleur sur un siè ge de toilettes (à la condition que le patient y reste suffisamment longtemps). Cet élément dynamique est essentiel car si la douleur était liée uniquement à un phénomène de compression, elle serait continue (ce qui n’empêche pas une douleur par lésion tumorale qui peut exister debout ou la nuit en decubitus, d’être aussi aggravée en station assise). Très souvent, ce facteur positionnel est exclusif mais avec le temps la douleur tend à devenir beaucoup plus continue même si elle restera toujours prépondérante en station assise. Douleur ne réveillant pas la nuit C’est la conséquence directe du critère précédent. Nombre de patients peuvent souffrir le soir en decubitus avec des difficultés d’endormissement, mais en règle, ils ne sont pas réveillés par la douleur périnéale d’origine canalaire. Ils peuvent être réveillés par des symptômes d’accompagnement (par exemple des besoins d’uriner) mais non par la douleur périnéale elle-même. Des réveils nocturnes dans les phases hyperalgiques sont exceptionnellement retrouvés dans l’histoire clinique des patients, de façon transitoire. Absence de déficit sensitif objectif Devant tout déficit sensitif superficiel périnéal, il faudra évoquer avant tout une atteinte lésionnelle radiculaire sacrée (notamment de la queue de cheval), ou plexique sacrée. Ces atteintes proximales s’expriment souvent moins par des douleurs que par des déficits, perte de sensibilité ou troubles moteurs sphinctériens notamment. Plusieurs explications peuvent être avancées à cette absence de trouble sensitif objectif. La lésion peut être insuffisante à provoquer une perte significative en fibres de la sensibilité superficielle, comme dans les sciatiques, ou dans nombre de syndromes du canal carpien. 67 L’absence de déficit sensitif objectif repose également sur les données de l’anatomie, car la sensibilité périnéale correspond au chevauchement de plusieurs troncs nerveux, le nerf pudendal, le nerf cutané postérieur de la cuisse et ses rameaux clunéaux inférieurs, et les territoires des nerfs issus de la charnière thoracolombaire (ilio-inguinal et génito-fémoral notamment). Bloc diagnostique du nerf pudendal positif (sous réserve d’une technique irréprochable) La réalisation d’une infiltration anesthésique du nerf pudendal [6] (cf. article de T. Riant dans ce mê me numéro) doit faire disparaı̂tre la douleur de façon significative le temps de l’anesthésie locale. C’est un critère indispensable mais qui n’est pas spécifique de syndrome canalaire puisqu’il signifie seulement que la douleur est située dans le territoire du nerf. Le bloc pourra également être positif pour toute lésion nerveuse pudendale d’autre nature. Par ailleurs, un bloc négatif n’exclut pas formellement le diagnostic s’il n’a pas été réalisé de façon suffisamment précise ou s’il a été réalisé de façon trop distale (au niveau du canal d’Alcock par exemple alors que l’atteinte peut être située à l’épine sciatique). En revanche, si la technique est bonne, l’utilisation ou non d’un scanner ou d’une neurostimulation importe peu. Critères complémentaires au diagnostic Huit critères sont considérés comme évocateurs ou compatibles avec le diagnostic de douleur liée à un syndrome canalaire pudendal, sans pour autant être requis ou spécifiques au diagnostic. Sensations de brûlures, décharges électriques, tiraillement, engourdissement La névralgie pudendale a les caractéristiques d’une douleur neuropathique. Les sensations de brûlures, de décharges électriques, de tiraillement ou de serrement, d’engourdissement font partie des critères de la douleur neuropathique même si l’on ne retrouve que rarement plus de quatre critères au DN4 [7] (échelle comprenant dix critères dont la présence de quatre d’entre eux est nécessaire au diagnostic de douleur neuropathique). Allodynie ou hyperpathie L’allodynie et l’hyperpathie sont très évocatrices d’une atteinte neuropathique et s’expriment au niveau périnéal par une intolérance aux ports de vêtements serrés, des slips (faisant préférer les caleçons aux slips), ou au contact vulvaire (comme dans les vestibulodynies) avec des dyspareunies superficielles. Sensation de corps étranger endocavitaire (« sympathalgie » rectale ou vaginale) Les mots utilisés par les patients qui ont des douleurs profondes, en général au niveau anorectal, parfois au niveau vaginal voire urétral, sont en général assez imagés. Le terme de « corps étranger » est le plus fréquemment utilisé, d’autres expressions sont évocatrices : sensation de pieu, de boule, de pesanteur, de balle de tennis, de bête qui ronge ou qui « grouille »... Cette expression clinique est parfois appelée de façon abusive : syndrome du releveur, sans qu’il y ait pour autant de corrélation avec la constatation d’une hypertonie des élévateurs de l’anus [8]. Ces douleurs ont une connotation végétative et leur disparition temporaire après un bloc anesthésique des fibres sympathiques au niveau du ganglion Impar fait évoquer une médiation par les fibres sympathiques et donc le fait qu’il s’agisse de « sympathalgies ». Aggravation de la douleur au cours de la journée L’absence de douleur le matin au réveil, le niveau faible des douleurs dans la matinée, l’aggravation au cours de la journée et le recrutement maximal des douleurs le soir jusqu’à l’endormissement est un profil temporel très caractéristique du syndrome canalaire du nerf pudendal. Douleur à prédominance unilatérale Une douleur périnéale sera d’autant plus évocatrice d’une atteinte tronculaire pudendale qu’elle sera unilatérale (et qu’elle sera étendue à l’ensemble de l’hémipérinée d’avant en arrière), mais le caractère médian, central de la douleur n’élimine en rien le diagnostic. Douleurs apparaissant aprè s la défécation Une des caractéristiques des douleurs pudendales d’origine canalaire à prédominance postérieure est l’apparition retardée de la douleur après la défécation (en général de quelques minutes à un quart d’heure). Présence d’une douleur exquise à la pression de l’épine sciatique Lors du toucher rectal ou vaginal, la palpation de l’épine sciatique (en arrière et un peu latéralement) est très souvent sensible. Il ne s’agit pas d’un véritable signe de Tinel dans la mesure où cette pression ne déclenche pas une douleur ou des paresthésies irradiant le long du trajet du nerf. Par ailleurs, ce signe n’est pas spécifique et peut s’observer en dehors de toute compression nerveuse. En fait les structures anatomiques sont nombreuses à ce niveau (passage du nerf pudendal au niveau du ligament sacro-épineux, insertions ligamentaires du ligament sacro-épineux, faisceaux ischiococcygiens des 68 élévateurs) et il est bien difficile d’interpréter cette douleur à la pression, qui peut correspondre aussi à une hypersensibilisation diffuse. Cela étant, une douleur provoquée par la pression à ce niveau aura d’autant plus de valeur qu’elle sera unilatérale. Données de l’ENMG chez l’homme ou la femme nullipare L’accouchement est la cause la plus fréquente de neuropathie périnéale d’étirement, ce qui enlève toute spécificité à l’examen ENMG quand il est réalisé chez la multipare. En revanche, l’existence d’anomalies ENMG, notamment latéralisées, chez l’homme ou la femme nullipare peut avoir une signification diagnostique étiologique, surtout en l’absence d’antécédents de constipation, de chirurgie pelvienne antérieure ou de lésions proximales connues, myéloradiculaires ou plexiques. Critères d’exclusion Quatre critères permettent d’exclure le diagnostic de douleurs liées à un syndrome canalaire pudendal. Douleurs uniquement coccygienne, fessiè re, pubienne ou hypogastrique Ce type de douleur ne peut être lié à un syndrome canalaire pudendal, car ces territoires anatomiques ne correspondent pas à celui du nerf pudendal. Prurit Le prurit évoque, avant tout, une lésion dermatologique (lichen scléroatrophique...) et non une souffrance neurologique. La notion de prurit, qui inclut un besoin de grattage, est à distinguer du terme de « démangeaison », qui peut être utilisé par les patients et qui est un critère de douleur neuropathique du DN4. Douleurs uniquement paroxystiques Les douleurs paroxystiques, en éclair ont une tonalité neuropathique et pourraient évoquer une atteinte compressive, mais elles correspondent en fait a priori à l’existence d’une tumeur nerveuse. Cela impose l’exploration par imagerie de la région pelvienne (neurofibrome ou schwannome du nerf pudendal), la queue de cheval (schwannome sacré) et de la moelle (méningiome). Par ailleurs, les proctalgies fugaces sont suffisamment évocatrices pour ne pas les confondre avec les névralgies pudendales. Elles restent cependant très méconnues. Il s’agit de douleurs pouvant durer de quelques minutes à une heure, à prédominance anorectale, essentiellement nocturnes, récurrentes avec des crises pouvant survenir pendant des années, plusieurs fois par an, sans évolutivité. Bien que certains auteurs aient pu évoquer une étiologie neurologique, elles sont dans l’immense majorité des cas strictement idiopathiques et de physiopathologie controversée [9,10]. Nous ajouterons à ce chapitre les douleurs survenant exclusivement pendant la défécation (évoquant une pathologie proctologique), la miction (évoquant une pathologie urologique), ou les rapports sexuels (vaginisme, vestibulite). Anomalies d’imagerie pouvant expliquer la douleur Aucun examen d’imagerie ne permet d’objectiver une compression nerveuse pudendale d’origine canalaire, mais ces examens sont utiles pour éliminer d’autres étiologies de névralgie pudendale. Le « piège » est de découvrir une pathologie intercurrente, dont le traitement ne changera en rien l’évolution du syndrome algique. La constatation de kystes arachnoı̈diens reste notamment un problème difficile, et classiquement, ces kystes sont considérés comme asymptomatiques. De toute façon, ils ne peuvent être retenus comme responsables d’un tableau typique de névralgie pudendale. L’imagerie est indispensable dès que le tableau clinique sort des critères décrits dans cet article et sera décisive si elle montre un processus lésionnel pouvant en lui-même expliquer la douleur (tumeur nerveuse notamment). Signes associés n’excluant pas le diagnostic La névralgie pudendale peut s’exprimer de façon simple dans le cadre des critères diagnostiques détaillés cidessus, mais de nombreux patients ont des symptômes surajoutés, polymorphes et déroutants que l’on a souvent du mal à rattacher au nerf pudendal. Même s’ils peuvent paraı̂tre surprenants, les différents signes traités dans ce chapitre ne permettent pas d’exclure le diagnostic comme le montrent la pratique clinique et l’évolution sous traitement. Irradiation fessiè re ou au membre inférieur, notamment en station assise Certes l’innervation fessière ou sciatique n’est pas dépendante du nerf pudendal, et une fessalgie isolée, même survenant en station assise, ne peut pas être considérée comme une névralgie pudendale. L’association d’une névralgie périnéale à une fessalgie ou à une sciatalgie peut toutefois être expliquée par un conflit commun, assez proximal, dans le canal sous piriforme, avec atteinte concomitante du nerf pudendal, du nerf cutané postérieur de la cuisse, du nerf glutéal inférieur ou du tronc sciatique. La douleur fessière peut être en relation avec des points gâchettes ou un spasme des muscles fessiers profonds : muscle obturateur interne et muscle piriforme [11,12]. Cela peut survenir en raison de contractures musculaires réflexes secondaires à la 69 douleur, en raison d’un syndrome myofascial régional, extrêmement fréquent dans ce contexte (témoin d’une hypersensibilisation régionale) ou en raison d’une hypersensibilisation centrale liée à des phénomènes de convergence entre les métamères S1-S2 et S3 (cf. les effets de la stimulation du nerf tibial postérieur sur l’hyperactivité vésicale ou la douleur périnéale). Une irradiation des douleurs à la face interne de la cuisse peut aussi survenir et être le témoin d’un syndrome du muscle obturateur interne entraı̂nant un conflit entre ce muscle et le nerf obturateur. Douleur sus-pubienne Elle peut être le témoin d’une hypertonie du faisceau puborectal des élévateurs de l’anus. Elles peuvent être le témoin d’une hypersensibilité osseuse témoin d’un syndrome douloureux complexe régional secondaire (algodystrophie à minima). Pollakiurie et/ou douleurs au remplissage vésical La pollakiurie est souvent associée à la névralgie pudendale. Elle a pour caractéristique d’évoluer de façon intermittente, parallèlement à la douleur, permettant ainsi de la rattacher à celle-ci et non à un dysfonctionnement vésical. Il existe probablement des phénomènes d’interconnexion synaptique avec un traitement inapproprié du message douloureux, aboutissant à la transmission de faux besoins. Parfois le patient signale des douleurs urétrales ou hypogastriques aggravées par le remplissage vésical et soulagées par la miction. Cela justifie la tenue d’un carnet mictionnel, si les volumes urinés sont faibles et très constants, il est nécessaire de réaliser une cystoscopie sous anesthésie générale avec hydrodistension à la recherche de signes de cystite interstitielle. À l’opposé, si les volumes urinés sont très variables, on évoquera des phénomènes d’hypersensibilisation vésicale pouvant être liées à des phénomènes d’hypersensibilisation centrale et végétatifs réflexes. Douleurs apparaissant aprè s l’éjaculation Symptôme déroutant en l’absence de contexte infectieux (absence de vésiculite), ce symptôme isolé ne peut en aucun cas être évocateur d’un syndrome canalaire du nerf pudendal. L’association à la névralgie pudendale est cependant assez fréquente et peut être considérée comme le témoin d’une hypersensibilsation régionale. allodynie vulvaire, mais en général, les patientes déclarent ne pas avoir de douleur pendant les rapports alors que les douleurs s’aggravent dans les heures suivantes. Troubles de l’érection Le nerf pudendal, nerf somatique, n’est que partiellement impliqué dans l’érection. Classiquement sa fonction sexuelle est avant tout sensitive (nerf dorsal de la verge et nerf dorsal du clitoris), il intervient également dans l’hyperrigidité prééjaculatoire et dans le caractère clonique de l’éjaculation. Les patients atteints de névralgie pudendale se plaindront volontiers d’une sensation d’engourdissement pénien, d’une hyposensibilité sexuelle, voire d’une diminution de rigidité. Les médicaments à visée antidouleur peuvent également avoir un impact négatif sur l’érection et l’éjaculation. Normalité de l’ENMG L’exploration électrophysiologique n’explore que les grosses fibres motrices et une atteinte sélective des petites fibres sensitives, comme il est habituel dans les syndromes canalaires, n’aura donc pas de retentissement électrophysiologique. Par ailleurs, du fait du caractère positionnel de la douleur et des mécanismes physiopathologiques de celle-ci, il est tout à fait envisageable que la névralgie pudendale ne s’accompagne pas de lésions structurelles chroniques des fibres nerveuses pudendales, et donc pas d’anomalies ENMG (cf. article de J.-P Lefaucheur dans ce mê me numéro). Conclusion Le diagnostic de névralgie pudendale par atteinte canalaire est avant tout clinique. Il n’y a pas de critères pathognomoniques mais des éléments d’orientation plus ou moins forts. Lorsque sont réunis les quatre critères cliniques diagnostiques indispensables (douleurs dans le territoire du nerf pudendal, aggravées en position assise, ne réveillant pas la nuit et sans hypoesthésie objective) il est licite de réaliser un bloc diagnostique anesthésique de nerf pudendal dont la positivité permettra de conforter ces forts éléments de suspicion clinique. Les douleurs pudendales sont cependant complexes et souvent associées à un certain nombre de signes dont l’interprétation pourra aider à une meilleure compréhension et une meilleure prise en charge de la maladie. Références Dyspareunie et/ou douleurs aprè s les rapports Dans les névralgies pudendales, les rapports sexuels sont en général espacés. La première raison est que le syndrome douloureux chronique altère la libido. Les rapports sont rarement très douloureux : c’est le cas quand il existe une 1. Amarenco G, Lanoe Y, Perrigot M, et al. (1987) Un nouveau syndrome canalaire, la compression du nerf pudendal dans la canal d’Alcock ou paralysie périnéale du cycliste. Presse Med 16: 399 2. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, et al. (1990) Les névralgies du nerf pudendal (honteux interne). 70 3. 4. 5. 6. 7. Considérations anatomocliniques et perspectives thérapeutiques. J Urol (Paris) 96: 239-44 Amarenco G, Le Cocquen-Amarenco A, Kerdraon J, et al. (1991) Les névralgies périnéales. Presse Med 20: 71-4 Robert R, Bensignor M, Labat JJ, et al. (2004) Le neurochirurgien face aux algies périnéales : guide pratique. Neurochirurgie 50: 533-9 Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve. Surg Radiol Anat 20: 93-8 Bensignor-Le Henaff M, Labat JJ, Robert T, et al. (1993) Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Cah Anesthesiol 41: 111-14 Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, et al. (2005) Comparison of pain syndromes associated with nervous or somatic 8. 9. 10. 11. 12. lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain 114: 29-36 Bauer P (2004) Douleur anopérinéales chroniques, diagnostic et stratégie d’exploration. J Chir (Paris) 141: 225-31 Takano M (2005) Proctalgia fugax: caused by pudendal neuropathy? Dis Colon Rectum 48: 114-20 Mazza L, Formento E, Fonda G (2004) Anorectal and perineal pain: new pathophysiological hypothesis. Tech Coloproctol 8: 77-83 Fishman LM, Dombi GW, Michaelsen C, et al. (2002) Piriformis syndrome: diagnosis, treatment, and outcome– a 10-year study. Arch Phys Med Rehabil 83: 295-301 Meknas K, Christensen A, Johansen O (2003) The internal obturator muscle may cause sciatic pain. Pain 104: 375-80 Pelv Perineol (2007) 2: 71–72 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0116-2 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Autoquestionnaire d’évaluation de la névralgie pudendale T. Riant 1 , M. Guérineau 2 , J.-J. Labat 2 , J. Rigaud 2 , R. Robert 3 1 2 3 UETD Maurice-Bensignor, centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, F-44200 Nantes, France Clinique urologique, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, F-44093 Nantes, France Service de neurotraumatologie, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, F-44093 Nantes, France Résumé : La névralgie pudendale a pour caractéristique d’être posturale donc intermittente, c’est ce qui rend son évaluation particulièrement difficile. Il est pourtant essentiel d’en avoir une évaluation quantitative, non tant pour porter les indications thérapeutiques que pour en estimer les effets. Nous proposons une fiche d’autoévaluation adaptée à ce type de douleurs. L’objectif est avant tout d’obtenir une grille d’évaluation intraindividuelle qui permette d’apprécier l’évolution de la douleur à des moments différents, donc le résultat des thérapeutiques (médicaments, rééducation, infiltrations, chirurgie). Cette grille n’a pas d’autre ambition que d’aider à la pratique clinique. Elle pourrait éventuellement être utilisée dans le cadre de protocoles thérapeutiques ultérieurs, associée à d’autres échelles plus classiques (dépression, qualité de vie ). Mots clés : Autoquestionnaire – Douleur – Évaluation – Nerf pudendal – Névralgie pudendale – Qualité de vie Self-administered questionnaire for assessing pudendal neuralgia Abstract: Pudendal neuralgia is posturally induced and, therefore, intermittent, making its assessment particularly difficult. It is nonetheless central to have a quantitative assessment to develop therapeutic indications and determine the impact of the disorder. We have developed a selfadministered questionnaire for this type of pain. Most importantly, the goal was to create a personal assessment form that makes it possible to understand the evolution of pain at various stages of therapeutic treatment (medications, physical therapy, infiltration, and surgery). This form does not aim to assist in the clinical process. It can possibly be used within the framework of later therapeutic protocols associated with other more traditional scales (depression, quality of life, etc.). Keywords: Self-administered questionnaire – Pain – Assessment – Pudendal nerve – Pudendal neuralgia – Quality of life 72 Autoquestionnaire patient : 0 cm date : 10 cm Trait à inscrire par le patient • Veuillez noter la douleur maximale au cours des 15 derniers jours Pas de douleurs • Veuillez Peu de douleurs douleurs intenses Douleurs maximales imaginables douleurs très intenses noter la douleur minimale au cours des 15 derniers jours Peu de douleurs Pas de douleurs douleurs intenses douleurs très intenses Douleurs maximales imaginables • Combien de temps pouvez vous rester assis de façon normale (minutes) : T : …….min • En combien de temps débutent vos douleurs quand vous vous asseyez (minutes): T :….min • Pour vous asseoir, devez vous utiliser des techniques particulières (sur une fesse, bouée, coussin)? jamais rarement assez souvent souvent très souvent toujours • En raison de votre douleur, estimez vous que votre vie sexuelle est Normale a lté r ée Tr ès alt érée nu l l e • Cochez si votre vie sexuelle est altérée pour d’autres raisons que la douleur •Estimez sur l’échelle ci dessous la « gêne » , « l’empêchement » lié à la douleur Pas de gêne peu de gêne gêne importante Gêne, empêchement maximal • Estimez sur l’échelle ci dessous l’altération de votre qualité de vie en rapport avec votre douleur Vie normale Altérée très altérée Vie impossible • Si il y a lieu, depuis votre infiltration, vous vous sentez Très aggravé aggravé inchangé amélioré très amélioré Pelv Perineol (2007) 2: 73–77 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0117-1 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Quelle est la place de l’examen électroneuromyographique dans le diagnostic des névralgies pudendales liées à un syndrome canalaire ? J.-P. Lefaucheur, J.-J. Labat, G. Amarenco, A.-G. Herbaut, D. Prat-Pradal, J. Benaim, B. Aranda, M.-C. Arne-Bes, V. Bonniaud, P.-M. Boohs, K. Charvier, F. Daemgen, P. Dumas, J.-P. Galaup, S. Sheikh Ismael, J. Kerdraon, P. Lacroix, D. Lagauche, E. Lapeyre, M. Lefort, A.-M. Leroi, R.-J. Opsomer, B. Parratte, J.-G. Prévinaire, P. Raibaut, J.-Y. Salle, M.-C. Scheiber-Nogueira, J.-M. Soler, M.-F. Testut, C. Thomas (Club d’électrophysiologie périnéale, CEP) Résumé : Une compression chronique du nerf pudendal dans un site d’étroitesse anatomique (syndrome canalaire) peut être à l’origine de douleurs périnéales invalidantes. Ce type d’atteinte doit être diagnostiqué de façon spécifique, car cela peut constituer une indication de neurolyse chirurgicale. Dans ce cadre, il est usuel de demander un examen électroneuromyographique (ENMG) du périnée, qui sera basé sur l’étude de l’activité électromyographique de muscles périnéaux, des réflexes sacrés et des conductions motrices du nerf pudendal. Différentes considérations physiopathologiques et techniques expliquent certaines limites de l’ENMG qu’il faut connaı̂tre. C’est ainsi que les méthodes utilisées n’évaluent pas les anomalies fonctionnelles à l’origine des douleurs, mais plutôt les altérations structurelles du nerf pudendal (démyélinisation ou perte axonale). De plus, seule l’innervation motrice directe ou réflexe est évaluée, alors que l’étude spécifique des conductions sensitives serait sans doute plus sensible à objectiver une compression nerveuse. Enfin, il n’est pas possible de distinguer l’atteinte compressive des nombreuses autres causes de lésion nerveuse pudendale (chirurgicales, obstétricales, liées à une constipation chronique...). Ainsi, l’ENMG périnéal a une sensibilité et une spécificité limitées dans le diagnostic de syndrome canalaire pudendal et ne renseigne pas directement sur le phénomène douloureux. Le diagnostic de névralgie pudendale répond en fait à des critères cliniques précis et l’ENMG ne peut que donner des arguments supplémentaires, mais non formels en faveur de ce diagnostic. L’ENMG périnéal permet surtout de faire un « état des lieux » de l’innervation périnéale en prévision d’un geste chirurgical de décompression, et pourrait éventuellement fournir certains éléments prédictifs de l’intérêt de l’intervention. En revanche, l’ENMG ne permet généralement pas de localiser précisément le site de compression et n’a, dans tous les cas, aucune utilité dans la surveillance peropératoire. Mots clés : Compression nerveuse – Douleurs périnéales – Électromyographie – Latence distale motrice – Nerf pudendal – Réflexes sacrés Electroneuromyographic studies and diagnosis of pudendal neuralgia due to pudendal nerve entrapment syndrome Abstract: Severe, chronic perineal pain can result from pudendal nerve entrapment syndrome. This syndrome must be specifically diagnosed because subsequent surgical decompression may provide a significant pain relief. Electroneuromyographic (ENMG) investigation is often performed as a diagnostic measure, based on needle electromyography and the examination of the sacral reflex and pudendal nerve motor latencies. The limits of ENMG methods, owing to various pathophysiological and technical considerations, must be clear. The techniques used do not assess the functional abnormalities at the origin of pain, but rather correlate to structural alterations of the pudendal nerve (demyelination and axonal loss). In addition, only direct or reflex motor innervation is investigated, whereas the specific measurement of sensory nerve conduction would be a more sensitive technique for the detection of nerve compression. Finally, ENMG cannot differentiate entrapment neuropathy from other causes of pudendal nerve lesions (stretching caused by pelvic surgery, obstetrical damage, chronic constipation, etc.). The diagnosis of pudendal neuralgia is mainly based on specific clinical features. Perineal ENMG has a limited sensitivity and specificity, does not give direct information about pain mechanisms, and can only provide additional, but not Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : +33 1 49 81 26 94. Fax : +33 1 49 81 46 60 Service de physiologie, explorations fonctionnelles, hôpital Henri-Mondor, Assistance publique–hôpitaux de Paris, Créteil, France 74 definitive, clues about the diagnosis of pudendal nerve entrapment syndrome. The value of ENMG is the objective assessment of pudendal motor innervation when surgical decompression is under consideration. Perineal ENMG can also be used to predict surgical outcome, but usually cannot localize the site of compression and is of no value in intraoperative monitoring. Keywords: Electromyography – Nerve entrapment – Perineal pain – Pudendal nerve – Sacral reflexes – Terminal motor latency Introduction Certaines douleurs périnéales chroniques invalidantes sont liées à un syndrome canalaire du nerf pudendal, c’est-à-dire liées à une souffrance chronique d’origine « mécanique » du nerf pudendal dans une zone d’étroitesse anatomique. Cette atteinte canalaire siège dans la plupart des cas au niveau de la pince ligamentaire formée par les ligaments sacroépineux et sacrotubéreux, et moins souvent dans un segment plus distal du tronc nerveux quand il croise le processus falciforme ou dans le dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne qui forme le canal d’Alcock [1]. Les névralgies pudendales d’origine compressive doivent être diagnostiquées de façon spécifique, car leur traitement peut reposer sur un geste de décompression chirurgicale dont l’indication nécessite d’être posée à bon escient [2]. Cependant, les atteintes du nerf pudendal ne se résument pas à ces syndromes canalaires et par ailleurs, il existe de nombreuses causes de douleurs périnéales non liées à une atteinte tronculaire pudendale, de type neuropathique (d’origine radiculoplexique, voire centrale) ou non neuropathique. En cas de suspicion de syndrome canalaire du nerf pudendal, il est usuel de demander un examen électroneuromyographique (ENMG) du périnée. L’utilisation peropératoire de techniques électrophysiologiques a même été préconisée pour guider le geste de décompression chirurgicale du nerf pudendal. Ces techniques d’exploration posent le problème de leur sensibilité et spécificité, qui doivent être discutées sur la base de considérations physiopathologiques et techniques rigoureuses. Le Club d’électrophysiologie périnéale (CEP) regroupe depuis près de dix ans une trentaine de praticiens francophones de diverses spécialités médicales ayant tous une longue expérience et une importante implication dans l’exploration des troubles périnéaux par des techniques de neurophysiologie clinique. Il est apparu à ce groupe d’experts que de plus en plus d’indications ou d’interprétations de l’ENMG périnéal dans le cadre du diagnostic et de la prise en charge des névralgies pudendales n’étaient pas rationnelles, et ne tenaient pas compte des mécanismes physiopathologi- ques en cause, du principe des techniques employées, et de leur sensibilité. Cela a conduit le CEP à se réunir le 8 décembre 2006 pour produire ce texte qui définit la place et les limites de l’ENMG dans ce cadre clinique. Définition du cadre clinique En tout premier lieu, il faut définir les éléments cliniques faisant suspecter qu’une compression du nerf pudendal est à l’origine de douleurs périnéales. Un syndrome canalaire pudendal est évoqué s’il s’agit d’une douleur de type neuropathique (sensations de brûlures, de fourmillement, de décharges électriques, d’engourdissement...) irradiant dans le territoire du nerf pudendal (c’est-à-dire du périnée postérieur vers le clitoris ou la verge), prédominant clairement en position assise et ne s’accompagnant pas de déficit sensitif objectif au niveau du périnée. Une douleur latéralisée, avec allodynie ou hyperpathie, s’aggravant au cours de la journée et soulagée sur le siège des toilettes est particulièrement évocatrice. À l’inverse, l’existence de douleurs réveillant la nuit, prédominant à la station debout ou à la marche, ou de localisation purement coccygienne ou fessière exclut le diagnostic. Il en est de même si des troubles urinaires, anorectaux ou génitosexuels sont au-devant du tableau clinique. Les critères cliniques de diagnostic de névralgie pudendale liée à un syndrome canalaire seront discutés plus en détail dans un autre texte (cf. article de J.-J. Labat et al. dans ce numéro). Le texte présent ne portera que sur l’indication et l’interprétation de l’ENMG périnéal en cas de suspicion de syndrome canalaire pudendal. Techniques neurophysiologiques Parmi les différentes techniques neurophysiologiques applicables à l’exploration du périnée, seules deux types de techniques ont clairement leur place dans le bilan que l’on peut mettre en œuvre en cas de suspicion de syndrome canalaire pudendal : – premièrement, l’électromyographie (EMG) de détection à l’aiguille concentrique, réalisée obligatoirement de façon bilatérale et comparative, au niveau des muscles bulbocaverneux et du sphincter anal ; – deuxièmement, l’étude des conductions nerveuses pudendales, effectuée avec les mêmes sites de recueil que l’EMG et qui comprend la mesure de la latence distale motrice par stimulation transrectale du nerf pudendal à l’épine sciatique, et la mesure de la latence des réflexes sacrés par stimulation du nerf dorsal du clitoris ou de la verge. Ces deux techniques doivent être associées compte tenu de la fréquence des compressions nerveuses proximales, en amont du site de stimulation transrectale. Une alternative est représentée par la mesure des latences motrices en réponse à la stimulation magnétique des racines sacrées aux trous sacrés qui permet d’étudier les 75 paramètres de conduction motrice globalement sur toute la longueur du nerf pudendal. Le lecteur pourra se référer à différents articles dans lesquels sont décrites ces différentes techniques [3–7]. On soulignera que la seule mesure des latences distales motrices pudendales par stimulation transrectale, généralement recommandée dans ce contexte, est insuffisante pour le diagnostic. De plus, les normes habituellement rapportées dans la littérature pour cette technique (2 à 2,5 ms) sont clairement fausses (trop courtes), ce qui est probablement lié à un mode de recueil inadapté (recueil d’artefacts moteurs par les électrodes du Saint-Mark’s Hospital) [5]. D’autres techniques sont potentiellement intéressantes, mais d’usage non validé ou trop restreint pour l’instant, comme la mesure des conductions sensitives pudendales par stimulation transrectale [8] ou la quantification des seuils de sensibilité péniens ou vulvaires à des stimulations thermiques ou mécaniques [9,10]. La première de ces techniques n’est, notamment, pas réalisable chez la femme, tandis que la seconde technique est probablement très sensible mais peu spécifique. En revanche, les techniques de potentiels évoqués somesthésiques ou moteurs, et d’enregistrement des réflexes cutanés sympathiques n’ont pas d’intérêt dans le diagnostic des syndromes canalaires pudendaux. Correspondances entre les mécanismes physiopathologiques et les données ENMG Les douleurs générées par une compression nerveuse sont d’abord en rapport avec des modifications locales d’excitabilité axonale responsables de la génération de potentiels d’action aberrants ou ectopiques [11]. Ensuite, dans le cas de douleurs chroniques, s’ajoutent à ces phénomènes locaux périphériques des phénomènes de sensibilisation centrale. En aucun cas de tels phénomènes ne peuvent être mis en évidence par les techniques usuelles d’ENMG, telles qu’elles ont été décrites cidessus. D’où l’absence de corrélation entre les résultats de ce type d’examen et l’intensité de la douleur pour tout syndrome canalaire [12,13]. Si la compression nerveuse est suffisamment sévère et ancienne, des signes de démyélinisation segmentaire surviennent, sans que cela ne s’accompagne forcément d’une recrudescence des douleurs. La démyélinisation sera principalement responsable d’un ralentissement focal de conduction nerveuse, voire d’une anomalie de recrutement des potentiels d’unité motrice en détection EMG en cas de bloc de conduction. À un degré de sévérité supérieure, survient une dégénérescence Wallérienne responsable d’une perte axonale, qui s’accompagne de fait d’une diminution du nombre d’unités motrices et donc de tracés EMG appauvris. Les potentiels d’unité motrice ont une fréquence de décharge élevée et peuvent avoir une morphologie altérée (augmentation de la durée, de l’amplitude ou du nombre de phase en cas de réinnervation par bourgeonnement). Enfin, il peut exister une activité spontanée de dénervation active. Les conductions motrices peuvent rester ralenties, comme en cas de démyélinisation, au prorata de la perte des axones de grand diamètre. L’examen ENMG est donc beaucoup plus corrélé avec l’existence et la sévérité d’anomalies nerveuses « structurelles » (démyélinisation segmentaire ou perte axonale) qu’avec des anomalies « fonctionnelles » comme celles qui prévalent dans le mécanisme des douleurs neuropathiques. Limites spécifiques de l’ENMG dans le cas des compressions nerveuses pudendales Outre le problème de fond soulevé dans le chapitre précédent et qui se pose pour toute exploration de douleur neuropathique périphérique, certaines limites de l’examen ENMG sont inhérentes à la question spécifique du diagnostic de compression nerveuse pudendale. – D’abord, l’ENMG ne permet généralement pas d’objectiver le site de compression, notamment si l’on se contente de comparer les latences des réponses réflexes sacrées recueillies dans différents muscles du plancher périnéal. En effet, la situation est complexe et il est difficile d’établir des corrélations électroanatomiques fiables pour différentes raisons. Premièrement, il existe des variations topographiques concernant la division du nerf pudendal en ses différentes branches [1,14]. Ainsi le nerf rectal inférieur peut être rapidement individualisé du tronc nerveux pudendal et échapper à ses contraintes mécaniques, expliquant des douleurs à projection périnéale antérieure exclusive alors que le conflit est bien de localisation proximale, au niveau de l’épine sciatique. En revanche, des douleurs à projection exclusivement postérieure peuvent être liées à une atteinte isolée du nerf rectal inférieur lors de son émergence du canal d’Alcock. Deuxièmement, une atteinte fasciculaire intraneurale peut expliquer une symptomatologie limitée à une subdivision du territoire tronculaire pudendal [15], par analogie aux atteintes dissociées du tronc sciatique n’affectant que les fibres à destinée fibulaire [16]. Troisièmement, un conflit situé au niveau de l’épine sciatique va entraı̂ner une perte de mobilité du nerf en aval et l’exposer à un conflit en position assise dans le canal d’Alcock par écrasement sur le prolongement falciforme du ligament sacrotubéreux sans qu’il y ait pour autant une compression chronique associée à ce niveau. Enfin, une compression proximale peut retentir sur les latences distales simplement du fait de la perte axonale induite par dégénérescence Wallérienne ; – ensuite, les techniques utilisées n’évaluent que des paramètres d’innervation motrice et ne renseignent donc pas sur l’état de l’innervation sensitive. Or, dans le cas d’un syndrome canalaire fréquent, le syndrome du canal carpien, il a été montré que les anomalies sensitives témoignaient plus précocement que les anomalies motrices de la souffrance nerveuse liée à la compression 76 chronique [17,18]. L’absence de technique d’étude des conductions sensitives pudendales aux sites de compression potentielle explique la sensibilité limitée de l’ENMG périnéal pour le diagnostic du syndrome canalaire pudendal ; – enfin, l’innervation périnéale est soumise à de nombreux facteurs lésionnels, notamment liés aux manœuvres obstétricales, aux interventions chirurgicales dans le petit bassin, aux troubles de la statique pelvienne, ou à la constipation chronique. La plupart des anomalies ENMG ne permettent pas de distinguer ces différents types de lésion, témoignant d’une spécificité limitée de l’ENMG dans le diagnostic de compression nerveuse pudendale. Cela diffère à nouveau du cas du syndrome du canal carpien, puisque les autres causes d’atteinte isolée du nerf médian sont peu nombreuses et de diagnostic différentiel aisé en fonction du contexte clinique. modifications de conduction nerveuse pendant le geste opératoire qui soient significatives sur le plan fonctionnel. De la même façon, l’ENMG ne permet pas d’objectiver l’effet potentiellement bénéfique des infiltrations. Au contraire, les infiltrations peuvent générer des anomalies ENMG supplémentaires dans les jours qui suivent, même en cas de soulagement antalgique. L’examen ENMG devra dans tous les cas se faire avant ou plus de six semaines après toute infiltration ou tout geste chirurgical [20]. Au total, l’ENMG peut être utile pour étayer le diagnostic, bien qu’il faille garder en tête l’existence d’une sensibilité et d’une spécificité très imparfaites. Cet examen est surtout indiqué pour faire le point sur l’état de l’innervation pudendale motrice, par exemple avant un geste invasif. Cependant, l’ENMG ne permet généralement pas de localiser précisément le site de compression et n’a, dans tous les cas, aucune utilité dans la surveillance peropératoire. Conclusion : intérêt de l’ENMG en cas de suspicion de compression du nerf pudendal Références Donc, si l’on tient compte d’une sensibilité et d’une spécificité limitées des techniques ENMG, et comme la mise en évidence d’anomalies ENMG n’est pas corrélée au phénomène douloureux et ne permet pas de localiser avec précision le site de compression, on pourrait raisonnablement se poser la question de savoir s’il reste une place pour l’ENMG périnéal dans le bilan diagnostique des névralgies périnéales liées à un possible syndrome canalaire pudendal. En fait, l’ENMG périnéal permet de conforter le diagnostic de souffrance tronculaire dans certains cas, notamment en mettant en évidence une asymétrie de latence ou d’innervation, du même côté que les douleurs, et non expliquée par une autre cause. Par ailleurs, il peut être utile de faire un « état des lieux » de l’innervation périnéale, surtout si une solution chirurgicale est envisagée. L’ENMG permet en effet d’apprécier la sévérité de la dénervation motrice dans le territoire du nerf pudendal et il se pourrait que l’importance de la dénervation ou de l’altération des conductions motrices pudendales soit corrélée à un plus mauvais résultat fonctionnel du geste de décompression chirurgicale. Même si des paramètres ENMG restent à valider comme critères prédictifs, il paraı̂t de bonne pratique d’évaluer l’état de l’innervation périnéale préalablement à une quelconque intervention, ces techniques de neurolyse étant encore en évaluation [19]. En revanche, en aucun cas l’ENMG ne peut être utile à l’évaluation peropératoire. En effet, les ralentissements de conduction sont liés à des phénomènes de démyélinisation ou de perte axonale. Ces lésions mettront au moins plusieurs semaines à se corriger [20]. Il est donc impossible que la libération chirurgicale donne lieu à des 1. Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve. Surg Radiol Anat 20: 93-8 2. Robert R, Bensignor M, Labat JJ, et al. (2004) Le neurochirurgien face aux algies périnéales : guide pratique. Neurochirurgie 50: 533-9 3. Amarenco G (1992) Les explorations électrophysiologiques périnéales. In: Pouget J (ed.) EMG 92. Acquisitions récentes en électromyographie. Solal éditeurs Marseille, pp. 182-200 4. Podnar S, Vodusek DB (2001) Protocol for clinical neurophysiologic examination of the pelvic floor. Neurourol Urodyn 20: 669-82 5. Lefaucheur JP, Yiou R, Thomas C (2001) Pudendal nerve terminal latency: age effects and technical considerations. Clin Neurophysiol 112: 472-6 6. Amarenco G, Kerdraon J (2000) Clinical value of ipsi- and contralateral sacral reflex latency measurement: a normative data study in man. Neurourol Urodyn 19: 565-76 7. Lefaucheur JP (2005) Intrarectal ground electrode improves the reliability of motor evoked potentials recorded in the anal sphincter. Muscle Nerve 32: 110-2 8. Amarenco G, Kerdraon J (1999) Pudendal nerve terminal sensitive latency: technique and normal values. J Urol 161: 103-6 9. Vardi Y, Gruenwald I, Sprecher E, Gertman I, et al. (2000) Normative values for female genital sensation. Urology 56: 1035-40 10. Yarnitsky D, Sprecher E, Vardi Y (1996) Penile thermal sensation. J Urol 156: 391-3 11. Campbell JN, Meyer RA (2006) Mechanisms of neuropathic pain. Neuron 52: 77-92 12. Longstaff L, Milner RH, O’Sullivan S, Fawcett P (2001) Carpal tunnel syndrome: the correlation between outcome, symptoms and nerve conduction study findings. J Hand Surg [Br] 26: 475-80 13. Padua L, Padua R, Lo Monaco M, Aprile I, Tonali P (1999) Multiperspective assessment of carpal tunnel syndrome: a multicenter study. Italian CTS Study Group. Neurology 53: 1654-9 77 14. Mahakkanukrauh P, Surin P, Vaidhayakarn P (2005) Anatomical study of the pudendal nerve adjacent to the sacrospinous ligament. Clin Anat 18: 200-5 15. Gustafson KJ, Zelkovic PF, Feng AH, Draper CE, et al. (2005) Fascicular anatomy and surgical access of the human pudendal nerve. World J Urol 23: 411-8 16. Katirji B, Wilbourn AJ (1994) High sciatic lesion mimicking peroneal neuropathy at the fibular head. J Neurol Sci 121: 172-5 17. Jablecki CK, Andary MT, So YT, Wilkins DE, et al. (1993) Literature review of the usefulness of nerve conduction studies and electromyography for the evaluation of patients with carpal tunnel syndrome. AAEM Quality Assurance Committee. Muscle Nerve 16: 1392-414 18. Kuntzer T (1994) Carpal tunnel syndrome in 100 patients: sensitivity, specificity of multineurophysiological procedures and estimation of axonal loss of motor, sensory and sympathetic median nerve fibers. J Neurol Sci 127: 221-9 19. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2005) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal neuralgia: a randomized controlled trial and long-term evaluation. Eur Urol 47: 403-8 20. Rotman MB, Enkvetchakul BV, Megerian JT, Gozani SN (2004) Time course and predictors of median nerve conduction after carpal tunnel release. J Hand Surg [Am] 29: 367-72 Pelv Perineol (2007) 2: 78–85 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0112-6 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Blocs anesthésiques pudendaux dans le cadre de la névralgie pudendale par entrapment : indications, techniques, interprétation T. Riant 1 , J.-J. Labat 2,3 , R. Roger 2,3 , M. Guerineau 2,3 1 UETD M.-Bensignor, centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, 44200 Nantes, France Clinique urologique ; 3 Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvi-périnéales, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France 2 Résumé : Les blocs anesthésiques pudendaux ont une valeur essentielle dans le cadre du diagnostic des névralgies pudendales d’origine compressive. Dans un contexte clinique évocateur, un bloc diagnostique positif est indispensable pour conforter le diagnostic alors qu’un bloc négatif exclut ce diagnostic s’il est réalisé de façon correcte. Cet article aborde les conditions d’interprétation du test, les critères de positivité, de négativité, les différentes techniques utilisées. Nous privilégions les infiltrations guidées par l’imagerie (scanner), avec injection de produit de contraste pour apprécier la diffusion du produit ; elles sont réalisées dans un premier temps au niveau de l’épine sciatique (ligament sacroépineux) puis dans un second temps au niveau du canal d’Alcock (dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne). Le bloc diagnostique a également un rôle thérapeutique, car il valide l’origine de la douleur et participe à l’alliance thérapeutique. Il permet également les injections de corticostéroı̈des à visée thérapeutiques, mais celles-ci n’ont jamais été évaluées. Mots clé : Bloc anesthésique – Douleur – Infiltration – Nerf pudendal – Névralgie – Syndrome du canal d’Alcock Pudendal block in treating pudendal neuralgia caused by pudendal nerve entrapment: indications, techniques, interpretation Abstract: Pudendal blocks are essential in the diagnosis of pudendal neuralgia resulting from nerve compression. When there is clinical suspicion of the disorder, a positive diagnostic block is crucial in confirming the diagnosis, while a negative result, when the technique is performed correctly, will exclude the diagnosis. This article addresses how to interpret test results, the criteria for positive and negative results, and the various techniques used. We suggest image-guided (scanner) infiltration, with the injection of a contrast agent to follow the Correspondance : E-mail : [email protected] diffusion of the anaesthetic. First, an infiltration is performed into the ischial spine (sacrospinatus ligament), then into Alcock’s canal (splitting of the aponeurosis of the obturator internus muscle). The diagnostic block also plays a therapeutic role because it confirms the origin of the pain and contributes to the therapeutic alliance. It also opens the way for the therapeutic injection of corticosteroids, although their effectiveness has not been investigated. Keywords: Anaesthetic block – Pain – Infiltration – Pudendal nerve – Neuralgia – Alcock’s canal syndrome Introduction La positivité immédiate aux blocs pudendaux constitue un critère majeur du diagnostic de la névralgie pudendale par entrapment. Leur négativité est un critère d’exclusion de ce diagnostic. Ces deux assertions rendent compte de l’importance qu’il faut accorder à la réalisation du geste et surtout à son interprétation. Pouvoir dire qu’un bloc est positif ou négatif implique que l’on soit sûr de la technique utilisée et que l’évaluation ait pu être réalisée rigoureusement. Toutefois, soulignons que la positivité d’un bloc anesthésique (hors problèmes techniques) signifie uniquement la possibilité d’une lésion ou d’un conflit en aval au point de ponction, mais pas la nature de cette lésion ou de ce conflit. La constatation d’un bloc pudendal positif ne suffit pas en soi pour poser le diagnostic de névralgie pudendale par entrapment. D’emblée remarquons que les critères de positivité ou de négativité des blocs ne sont pas symétriques. Ainsi, un bloc réalisé exclusivement sous stimulodétection peut être négatif sans que cela ne remette en cause le diagnostic. En effet, le conflit peut être situé en amont du point de ponction (stimulation au niveau de l’Alcock et conflit à l’épine). À 79 l’inverse, sous stimulodétection exclusive, un bloc positif représente un argument fort en faveur d’une névralgie pudendale (si les autres critères correspondent). Nous exposerons ci-après les différentes techniques utilisables en insistant sur les techniques scanoguidées avec utilisation de produit de contraste qui nous semblent les plus adaptées. Nous insisterons sur les contre-indications et complications potentielles de tels gestes. Auparavant nous établirons les critères d’interprétation de ces gestes. Par ailleurs, nous n’aborderons pas la problématique du traitement de la névralgie pudendale, même si les blocs en font partie et si diagnostic et thérapeutique peuvent se concevoir en un temps grâce à l’utilisation de solutions ad hoc. Notons simplement que l’efficacité thérapeutique des blocs corticoı̈des du nerf pudendal dans les névralgies n’a jamais été évaluée. De même, nous n’aborderons pas les différentes techniques pouvant être utiles dans le cadre de cette pathologie que cela ne soit pour les diagnostics différentiels ou associés (bloc musculaire et particulièrement des muscles piriforme et obturateur interne, bloc des nerfs ilio-inguinaux, cutané postérieur de la cuisse et obturateur, bloc au niveau du système sympathique : Impar, hypogastrique supérieur et lombaire). Nous n’aborderons pas non plus l’utilisation des blocs pudendaux dans d’autres circonstances comme en anesthésie proctologique ou obstétricale comme cela a été proposé, il y a déjà très longtemps [1]. Enfin, last but not least, la réalisation de ces blocs implique un consentement éclairé du patient. Entre autres, la réalité de bloc diagnostique positif et de bloc thérapeutique négatif est une notion particulièrement difficile à faire entendre au patient et parfois à ses médecins. Il est difficile de terminer cette introduction sans souligner le travail effectué dans ce domaine par le regretté Maurice Bensignor [2] qui, s’il n’a pas inventé toutes les techniques ci-après, les a formalisées et expliquées à de nombreuses reprises. Conditions d’interprétation d’un test Dans le même esprit que l’établissement des critères diagnostiques et d’évaluation de la névralgie pudendale, les critères de positivité et de négativité ont été discutés par un groupe d’expert multidisciplinaire à Nantes les 23 et 24 septembre 2006, puis en novembre 2006 à Nantes lors de la réunion du groupe de travail spécifique sur les douleurs pelvi-périnéales de la SFETD (Société française d’étude et de traitement de la douleur) et enfin devant le Club d’électrophysiologie périnéale. Affirmer qu’un bloc pudendal à visée diagnostique est positif signifie qu’il existe une pathologie (conflit, lésion, dysfonctionnement) en aval du point de ponction du bloc. Compte rendu détaillé de l’infiltration : – au mieux, imageries avec utilisation de produit de contraste. Infiltration dans un lieu, ou sur une structure connue : – repère anatomique (scanner) ; – repère électrique moteur. Le test doit d’abord être réalisé au niveau de l’épine Car il doit être réalisé à l’endroit le plus accessible et le plus en amont des sources de conflits potentiels. La précision du repère anatomique est au mieux affirmée par un scanner avec injection d’un produit de contraste local. – La qualité du test est prouvée par : la bonne diffusion de la solution de contraste ; la constatation d’une anesthésie du territoire pudendal intéressé. – Utilisation d’une solution comprenant des anesthésiques locaux. L’absence d’utilisation d’anesthésiques locaux rend impossible l’évaluation immédiate de l’infiltration et donc ne permet pas de porter un diagnostic topographique de la symptomatologie ; – évaluation de la douleur en position assise pendant cinq minutes avant et après (ou en fonction du temps usuel d’apparition de la douleur). La douleur est le principal, voire le seul symptôme de la pathologie. Elle est classiquement non continue, voire exclusivement positionnelle. Il convient donc d’évaluer l’efficience en situation de contrainte usuelle du patient. Il faut toutefois un minimum d’intensité douloureuse avant la réalisation du bloc afin de rendre son évaluation plus aisée par le patient et surtout plus fiable, justifiant une EVA supérieure à 40/100 pour rendre le test vraiment interprétable. L’utilisation de l’échelle visuelle analogique est le moyen le plus simple et le plus fiable chez nos patients (pas d’enfant en bas âge, peu de grabataire pour d’autres raisons). Qualité de l’évaluation : – les EVA réalisées avant et après l’infiltration doivent être réalisées et réalisables (compréhension...) dans les conditions permettant l’expression de la douleur. Cela contre-indique formellement la ré alisation d’une anesthé sie gé né rale de complé ment pour exé cuter ce type de geste. Critères de positivité Affirmer qu’un bloc pudendal à visée diagnostique est positif signifie qu’il existe une pathologie (conflit, lésion, dysfonctionnement) en aval de point de ponction du bloc. Les critères retenus sont : – Quand la douleur est supérieure ou égale à 40/100 avant l’infiltration : le bloc est considéré comme positif si : Plus de 50 % d’amélioration de l’EVA ; ou si gain de 40/100 ou plus (exemple de EVA passant de 90 à 50). – Quand la douleur est inférieure à 40/100 avant l’infiltration : disparition de la douleur. 80 Significativité d’un bloc pudendal diagnostique positif – Dans le cadre des critères diagnostiques de la névralgie pudendale : un test positif est en faveur du diagnostic de névralgie pudendale isolée ou non ; un effet placebo pourrait toujours se discuter. – Hors cadre des névralgies pudendales typiques ; un bloc diagnostique positif dans le ligament sacroépineux ou au niveau du canal d’Alcock peut également se voir dans les névralgies du cutané postérieur de la cuisse, du nerf obturateur (infiltration Alcock), du nerf glutéal inférieur étant donné la proximité de ses nerfs : toute atteinte en rapport avec une pathologie organique infraligament sacroépineux (par exemple lichen, névromes, tumeurs, endométrioses...) peut également s’accompagner d’un bloc positif, d’où l’importance de bien intégrer le geste au contexte clinique. Critères de négativité Significativité d’un bloc pudendal négatif interprétable au niveau de l’épine sciatique : – par définition, absence de névralgie pudendale au sens des critères cliniques de Nantes (cf. article correspondant) ; – atteinte du nerf pudendal en amont du ligament sacroépineux (canal sous-piriforme) ; Critères d’ininterprétabilité d’un bloc pudendal négatif : – test non réalisé au niveau de l’épine (intérêt de l’imagerie) ; – Absence d’utilisation d’anesthésiques locaux rapides (xylocaı̈ne, naropéı̈ne) ; – Absence d’anesthé sie pé riné ale ; – Absence d’é valuation immé diate du test (EVA), ou évaluation non fiable ; – douleur trop faible avant le test ; – douleur débutant après une position assise de plus de cinq minutes ou dans un laps de temps rendant son évaluation irréalisable ; – diffusion du produit de contraste de mauvaise qualité. Blocs pudendaux Les données peropératoires [3] révèlent deux zones de conflits principales qui peuvent être isolées ou associées : au niveau de l’épine sciatique lorsque le nerf rétrocroise le ligament sacroépineux et/ou au niveau du canal d’Alcock, c’est-à-dire, soit dans son trajet proximal et postérieur par le biais du processus falciforme du ligament sacrotubéral, soit au cours du trajet dans le canal d’Alcock. C’est partant de ces constatations que nous pouvons proposer différentes techniques de blocage. Nous ne reviendrons pas sur le respect des contreindications absolues (cf. ci-après) et, en particulier sur l’indispensable consentement éclairé du patient. Fig. 1. Niveau des épines sciatiques sur un bassin de face À l’é pine (Fig. 1) Le bloc à l’épine, ou plus exactement au niveau du ligament sacroépineux constitue à notre sens le premier à réaliser en cas de suspicion de névralgie pudendale. Il avait été proposé comme argument diagnostique dès les années 1990 par Labat [4]. En effet, il s’agit de la zone principale et la plus proximale de conflit dans le cadre de la névralgie pudendale par entrapment. Un bloc négatif à l’épine ou au niveau du ligament sacroépineux constitue un argument en défaveur d’une névralgie pudendale. Techniques Plusieurs techniques ont été proposées. Sous fluoroscopie (Fig. 2) Décrite pour la première fois par Schmidt [5] et modifiée par Bensignor. Le patient est en trois quarts décubitus ventral afin de bien dégager l’épine sciatique qui est habituellement individualisable. L’aiguille est introduite perpendiculairement et dirigée vers l’extrémité interne de l’épine qu’elle touche. L’aiguille est alors retirée sur 1 cm et réintroduite plus médialement, elle est enfoncée pour traverser le ligament sacroépineux dont on notera la consistance et l’épaisseur. Après vérification de l’absence d’effraction vasculaire par aspiration, la solution comprenant des anesthésiques locaux est injectée au retrait de l’aiguille. Les avantages de la technique sont son faible coût, sa relative innocuité (risque de perforation rectale et traumatisme du nerf sciatique néanmoins), sa facilité de réalisation. Les inconvénients de la technique sont surtout représentés par son manque de précision qui associée aux variations anatomiques peut être responsable de faux négatifs. 81 Fig. 2. Infiltration à l’épine sciatique. À gauche ES = épine sciatique ; à droite : aiguille en place à la pointe de l’épine Fig. 3. Infiltration des ligaments sacroépineux. A gauche : extrémités aiguilles dans les ligaments sacroépineux ; A droite solution de contraste moulant les ligaments sacroépineux Sous neurostimulation Certains [6] ont proposé l’utilisation de neurostimulation afin de mieux localiser le nerf pudendal. Si la valeur du test en cas de positivité du test est indiscutable, une négativité n’apporte que fort peu de renseignement. La technique habituelle se réalise sur un patient en décubitus ventral. Elle peut se faire par voie transvaginale, mais est dans ce cas peu aisée chez certains patients (homme par exemple). En outre, s’agissant de douleurs périnéales survenant fréquemment dans un contexte d’hypersensibilisation locale ou locorégionale, il n’est pas évident que le geste lui-même soit exempt de complication (récurrence d’un syndrome de stress posttraumatique par exemple) ou d’inconfort perturbant la réalisation et l’interprétation du test. Sous échographie Décrite récemment, cette technique permettrait selon les auteurs, une bonne reconnaissance topographique au niveau de l’épine [7]. Cela pourrait constituer une alternative intéressante à l’utilisation du scanner au moins en utilisation diagnostique des infiltrations pudendales. Sous scanner (Fig. 3) C’est la technique de référence, décrite pour la première fois par Mac Donald [8], le patient est en décubitus ventral [9], on repère la coupe horizontale sur laquelle les épines sont les plus grandes [10] (de telle façon à voir le bout distal interne de l’épine). On distingue alors le ligament sacroépineux. L’aiguille est introduite au niveau de la moitié externe de ce dernier qu’elle pénètre. Une injection test d’anesthésique local et de produit de contraste est alors effectuée afin de confirmer le bon positionnement de l’aiguille et la bonne diffusion du produit qui va mouler le ligament sacroépineux formant une lentille biconvexe oblique en haut et en dedans (patient en décubitus ventral). Les avantages de la technique sont représentés par sa sûreté (traumatisme du nerf sciatique exceptionnel, 82 bonne vision du rectum, moindre effraction vasculaire du paquet pudendal qui est souvent situé très proche de l’extrémité de l’épine), par la réalisation d’une iconographie permettant de juger de la diffusion de la solution et donc de la qualité du geste lui-même. La diffusion du produit sur l’intégralité du ligament sacroépineux améliore notablement la sensibilité de la technique (seuls les nerfs pudendaux rétrocroisant l’épine et non le ligament sacroépineux échappent à la solution). La spécificité en pâtit un peu : bloc associé du nerf cutané postérieur de la cuisse, voire bloc du ganglion IMPAR (dernier ganglion de la chaı̂ne sympathique prévertébrale situé juste en avant de la région sacrococcygienne). Les inconvénients sont représentés par le coût de la technique qui utilise un temps scanner, un temps médecin incompatible avec la nomenclature actuelle. À ce propos, la technique idéale qui associerait scanner et stimulodétection imposerait un coût double au précédent, ce qui transforme son utilisation en pratique en vœu pieux. Limites Les limites propres de la technique de blocage au niveau du ligament sacroépineux sont essentiellement en rapport avec son manque de spécificité. Toutefois, la valeur prédictive négative d’un tel bloc réalisé sous scanner avec utilisation de produit de contraste est bonne et justifie son utilisation en première intention. La valeur prédictive positive est limitée par le manque de spécificité qui ne fera pas la part des choses entre nerf pudendal, nerf cutané postérieur de la cuisse, nerf du muscle obturateur interne, ganglion IMPAR, voire nerf obturateur (surtout si infiltration réalisée sous scopie) [11]. Enfin, les risques propres de ce type de bloc sont la ponction des vaisseaux pudendaux, mais surtout iliaques, par le traumatisme du nerf sciatique ou à un degré beaucoup moins grave par son anesthésie transitoire responsable d’un risque de chute dans les suites immédiates du bloc. Au canal d’Alcock (Fig. 4) Fig. 4. Hauteur de la coupe horizontale à effectuer pour l’infiltration du canal d’Alcock : ligne passant par la moitié des trous obturateurs Par définition ce type de bloc se réalise exclusivement sous scanner, utilisation de produit de contraste le plus souvent, au mieux en couplant avec une stimulodétection (cf. remarques ci-dessus). On comprend que si le but est d’injecter le canal d’Alcock, seules les techniques permettant de le visualiser sont justifiées. Fig. 5. Infiltration du canal d’Alcock : à gauche aiguille en position dans la partie proximale du canal d’Alcock. À droite solution radio-opaque diffusant au bord interne du muscle obturateur interne moulant le canal d’Alcock 83 Technique (Fig. 5) Sous scanner, le patient est en décubitus ventral, on repère les trous obturateurs et l’on effectue une coupe passant par le milieu de ces derniers. Sur la coupe, on repère le muscle obturateur interne, sa poulie de réflexion. L’aiguille est alors introduite au niveau de la partie supérieure, pelvienne, et le plus interne possible du muscle obturateur interne. Une dose test de solution contrastée est alors injectée afin de vérifier la diffusion de cette dernière qui va mouler le bord interne de la partie pelvienne du muscle obturateur interne. Limites La situation la plus fréquemment rencontrée, en particulier en cas de non-utilisation de contraste est celui d’une infiltration de la fosse ischiorectale. On comprend alors que le bloc puisse être négatif en cas de névralgie pudendale. L’autre limite est liée à la diffusion du produit dans le muscle lui-même et/ou trop en antérieur, ce qui rend l’interprétation d’une positivité du bloc peu aisée. En effet, une telle infiltration procure un bloc du pudendal, une anesthésie du muscle obturateur interne, voire un bloc du nerf obturateur (qui court à la face externe de la partie endopelvienne du muscle obturateur interne). Une critique souvent opposée à ce type de bloc concerne les variations anatomiques du nerf pudendal dans le passage du canal d’Alcock, en particulier la hauteur et la direction de ce canal. Notre expérience montre en fait que la solution diffuse sur toute la face interne du muscle obturateur interne de sa partie supérieure à sa partie inférieure. Elle pose le problème du mode de réalisation de ces blocs, qui à notre sens doivent être au minimum réalisés en présence d’un membre de l’équipe soignante. Trouble de la crase Bien entendu les troubles de la crase sanguine iatrogène ou non constituent une contre-indication formelle à la réalisation de ces blocs. Infection cutané e ou gé né ralisé e L’infection de la zone de ponction et plus généralisée (surtout en cas d’utilisation concomitante de corticoı̈des) est une contre-indication absolue à la réalisation de tels gestes. Allergie L’allergie, en particulier aux produits de contraste constitue évidemment une contre-indication à leur emploi, mais pas à l’infiltration diagnostique qui pourrait être réalisée, soit à l’aide d’un neurostimulateur (en couplant la TDM), soit en s’aidant de microbulles d’air pour affirmer le bon positionnement de l’aiguille. L’allergie aux anesthésiques locaux est exceptionnelle, mais pose alors de réels problèmes. Une alternative serait l’utilisation de péthidine. Diabè te et HTA Il s’agit ici d’une contre-indication relative qui est plus en rapport avec l’usage des corticoı̈des dans la solution et est donc hors de notre présent propos. Impossibilité d’é valuer Contre-indications Les contre-indications sont classiques de toutes infiltrations. Information L’information préalable, des buts, moyens et risques est un préalable indispensable qui va bien au-delà de la simple précaution légale ou éthique. En effet de ces explications, dépendra la qualité de l’évaluation immédiate qui est le motif principal de réalisation de ce geste. En outre, s’agissant de patients aux douleurs chroniques particulièrement invalidantes, particulièrement illégitimes (non visualisables sur les examens) le bloc diagnostique est en soi un geste thé rapeutique. Il permet de renforcer l’alliance patient–soignant, et surtout de valider sa plainte. Cette étape de validation de l’origine périphérique de la plainte est fondamentale dans la prise en charge. L’impossibilité d’évaluer l’efficacité immédiate du bloc réalisé constitue à l’évidence une contre-indication à son utilisation en tant que bloc diagnostique. Cette impossibilité peut avoir différentes origines : en particulier l’absence de douleur le jour de l’infiltration, ou la communication peu aisée. Complications Traumatisme du nerf pudendal, voire du nerf sciatique ou de nerf obturateur Une pénétration douce et prudente de l’aiguille, un arrêt d’injection en cas de douleurs fulgurantes sont les meilleures garanties d’une absence de lésions définitives. En revanche, se pose le problème de l’éventuelle toxicité des anesthésiques locaux utilisés. Nous savons que cette toxicité est directement en rapport avec la concentration in situ du produit et temps d’exposition du nerf à ce produit. 84 Cet aspect rend prudent quant à l’utilisation de solution fortement concentrée (type xylocaı̈ne à 2 % ou plus). Il existe une possibilité de compression nerveuse par hématome (cf. infra). Effraction vasculaire Il a été décrit des hématomes [12] importants de la fesse [13] ou du rétropéritoine [14] lors de la réalisation de blocs pudendaux, ce qui impose le respect des contre-indications concernant les troubles de la crase sanguine et rappelle la sécurité que procure le scanner sur les autres techniques. Infection Les infections [15–18] peuvent avoir deux origines : – défaut d’asepsie lors de la réalisation du geste ou non-respect des contre-indications ; – effraction de la barrière digestive particulièrement lors de la réalisation du geste « en aveugle » sans scanner. Incontinence La réalisation de blocs pudendaux bilatéraux peut être à l’origine d’une incontinence [19–21] particulièrement urinaire [22] par altération transitoire de la tonicité volontaire [23–24]. Cela impose de recommander au patient de vider la vessie avant la réalisation de tels blocs. Anesthé sie sciatique La possibilité d’une anesthésie sciatique [25] particulièrement lors de la réalisation de blocs au niveau de l’épine sciatique impose de prévenir le risque de chute pendant les heures qui suivent et d’interdire la conduite automobile pendant ce même laps de temps. Cela justifie, comme le point précédent, l’utilisation d’anesthésiques locaux de courtes durées d’action (lidocaı̈ne). Surdosage en anesthé siques locaux Cela ne concerne pas les blocs diagnostiques dans la mesure où les doses utilisées sont faibles [26]. Conclusion Les blocs pudendaux anesthésiques sont d’une importance capitale dans le diagnostic de névralgie pudendale même s’ils n’en représentent qu’une étape qui survient après un démembrement clinique qui est fondamental. Par-delà leur rôle dans le diagnostic, ils sont en soi thérapeutiques en tant que validation de l’origine périphérique des douleurs. Ils pâtissent du fait que leur réalisation impose le plus souvent l’utilisation de scanner et requiert un temps d’utilisation machine et un temps médecin dont le moins que l’on puisse en dire est qu’ils ne sont pas honorés à leur juste prix par la nomenclature actuelle. Ils imposent le respect de règles rigoureuses dans leur réalisation et leur interprétation afin d’apporter le maximum de renseignements. Enfin, ils nécessiteraient une évaluation plus scientifique, en particulier concernant la concordance anatomoclinique. Références 1. Kimball CD (1950) Pudendal block. Trans Pac Coast Obstet Gynecol Soc 18: 168–75 2. Bensignor-Le Henaff M, Labat JJ, Robert R, et al. (1991) Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Agressologie 32: 277–9 3. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2005) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal neuralgia: a randomized controlled trial and long-term evaluation. Eur Urol 47: 403–8 4. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, Buzelin JM (1990) Les névralgies du nerf pudendal (honteux interne). Considérations anatomocliniques et perspectives thérapeutiques. J Urol (Paris) 96: 239–44 5. Schmidt RA (1989) Technique of pudendal nerve localization for block or stimulation. J Urol 142: 1528–31 6. Bolandard F, Bazin JE (2005) Nerve stimulator guided pudendal nerve blocks. Can J Anaesth 52: 773 ; author reply 773–4 7. Kovacs P, Gruber H, Piegger J, Bodner G (2001) New, simple, ultrasound-guided infiltration of the pudendal nerve: ultrasonographic technique. Dis Colon Rectum 44: 1381–5 8. McDonald JS, Spigos DG (2000) Computed tomographyguided pudendal block for treatment of pelvic pain due to pudendal neuropathy. Obstet Gynecol 95: 306–9 9. Abdi S, Shenouda P, Patel N, et al. (2004) A novel technique for pudendal nerve block. Pain Physician 7: 319–22 10. Choi SS, Lee PB, Kim YC, et al. (2006) C-arm-guided pudendal nerve block: a new technique. Int J Clin Pract 60: 553–6 11. Obach J, Aragones JM, Ruano D (1983) The infrapiriformis foramen syndrome resulting from intragluteal injection. J Neurol Sci 58: 135–42 12. Bazan Sosa T, Alvarado Duran A (1968) [Vascular lesions as paracerival and pudendal block complications]. Ginecol Obstet Mex 23: 649–57 13. Augustin P, Daluzeau N, Dujardin M, et al. (1984) [Hematoma of the pyramidal muscle. A complication of anticoagulant treatment]. Rev Neurol (Paris) 140: 443–5 14. Kurzel RB, Au AH, Rooholamini SA (1996) Retroperitoneal hematoma as a complication of pudendal block. Diagnosis made by computed tomography. West J Med 164: 523–5 15. Wenger DR, Gitchell RG (1973) Severe infections following pudendal block anesthesia: need for orthopaedic awareness. J Bone Joint Surg Am 55: 202–7 16. Qvigstad E, Jerve F (1980) Severe infection following pudendal anesthesia. Int J Gynaecol Obstet 18: 385–6 17. Rilling GJ (1950) Ischio-anal abscess due to faulty technique of pudendal block in obstetrics. Am J Surg 79: 186–8 18. Svancarek W, Chirino O, Schaefer GJ, Blythe JG (1977) Retropsoas and subgluteal abscesses following paracervical and pudendal anesthesia. JAMA 237: 892–4 19. Matzel KE, Schmidt RA, Tanagho EA (1990) Neuroanatomy of the striated muscular anal continence mechanism. 85 Implications for the use of neurostimulation. Dis Colon Rectum 33: 666–73 20. Kim J, Lee DS, Jang SM, et al. (2005) The effect of pudendal block on voiding after hemorrhoidectomy. Dis Colon Rectum 48: 518–23 21. Thind P, Lose G (1992) The effect of bilateral pudendal blockade on the static urethral closure function in healthy females. Obstet Gynecol 80: 906–11 22. Gray HO, Lapides J, Rawling JC (1956) Function of striated muscles in control of urination. I. Effect of pudendal block. Surg Forum 6: 611–2 23. Frenckner B, Euler CV (1975) Influence of pudendal block on the function of the anal sphincters. Gut 16: 482–9 24. Gabrielli F, Cioffi U, Chiarelli M, et al. (2000) Hemorrhoidectomy with posterior perineal block: experience with 400 cases. Dis Colon Rectum 43: 809–12 25. De La Cuadra-Fontaine JC, De Tran QH (2006) Pudendal nerve extension of a sciatic nerve block. Reg Anesth Pain Med 31(2): 185–6 26. Dutton WA (1955) Convulsions following pudendal block by lidocaine. Lancet 269: 1368–9 Pelv Perineol (2007) 2: 86–91 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0113-5 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Chirurgie de la névralgie pudendale par voie transglutéale M. Khalfallah 1 , J.-J. Labat 2 , R. Robert 3 , T. Riant 3 , M. Guérineau 2 , R. Richardson 1 , C. Deschamps 3 1 Département de neurochirurgie, centre hospitalier Côte Basque, Bayonne, France Clinique urologique, CHU Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, France 3 Service de neurotraumatologie, CHU Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, Nantes, France Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvipérinéales du CHU de Nantes, France 2 Résumé : Le traitement chirurgical de la névralgie pudendale est proposé en cas d’échec des traitements « conservateurs » (médicaments de la douleur neuropathique, infiltrations du nerf pudendal, kinésithérapie). L’indication opératoire impose qu’au moins un bloc anesthésique du nerf pudendal ait été positif. L’approche transglutéale permet de visualiser toutes les zones de conflit pouvant être observées au niveau du canal souspiriforme, au niveau de la pince ligamentaire entre ligament sacrotubéral et sacroépineux et au niveau du canal pudendal d’Alcock. Elle permet une libération et une transposition du nerf, permettant de lui redonner liberté et mobilité. Cette chirurgie est « sûre » et permet d’améliorer de façon significative deux tiers des patients. L’âge en est le facteur pronostique essentiel. Un protocole randomisé a permis de valider la libération chirurgicale du nerf pudendal par abord transglutéal, c’est la seule méthode thérapeutique validée dans ce domaine. L’installation en position génupectorale et la neurotomie du nerf du muscle obturateur interne sont deux évolutions techniques qui pourraient permettre d’en améliorer les résultats. Mots clés : Douleur pelvienne – Nerf pudendal – Neurochirurgie – Névralgie – Sydrome canalaire – Syndrome du canal d’Alcock Transgluteal decompression of the pudendal nerve Abstract: The surgical treatment of pudendal neuralgia is considered when conservative treatments, such as neuropathic pain medication, pudendal nerve infiltration, and physical therapy, fail. The indication for surgery depends on at least one positive result of pudendal block. The transgluteal approach makes it possible to see all the conflicting areas visible at the subpiriform canal, pince ligamentaire – between the sacrotuberal ligament and sacrospinatus ligament – and Correspondance : E-mail : [email protected] pudendal canal. It allows the release and transposition of the nerve, restoring its freedom and mobility. This surgical procedure is safe and significantly improves the condition of two-thirds of patients. Age is an important prognostic factor. A randomized study has validated the surgical release of the pudendal nerve by transgluteal approach; it is the only treatment method that has been validated for this disorder. Performing the procedure in knee-chest position and the neurotomy of the obturator internus muscle nerve are two technical advancements that can improve outcome. Keywords: Pelvic pain – Pudendal nerve – Neurosurgery – Neuralgia – Tunnel syndrome – Alcock’s canal syndrome Ces vingt dernières années ont été à l’origine d’un important développement du cadre nosologique des douleurs périnéales chroniques [1]. Le caractère neurologique de certaines douleurs et leur localisation dans le territoire innervé par le nerf pudendal ont permis d’identifier le tableau de névralgie pudendale et d’en faire un syndrome canalaire [2]. Données anatomiques Le nerf pudendal naı̂t à la face antérieure du sacrum de la racine S3, et d’anastomoses S2-S4, il forme la branche terminale du plexus honteux. Il quitte la région endopelvienne en passant sous le muscle piriforme. Il présente des rapports de contiguı̈té à ce niveau de type musculaire mais également nerveux et plus particulièrement avec le nerf du muscle obturateur interne et le nerf glutéal inférieur mais également avec le tronc du nerf ischiatique et cutané postérieur de la cuisse. La convergence des différents éléments nerveux à ce niveau et une meilleure connaissance des différentes cibles sensitives et motrices ont permis de mieux comprendre 87 la richesse des symptômes observés et les difficultés initialement rencontrées pour déterminer un cadre nosologique précis. Par ses branches collatérales le nerf pudendal assure l’innervation motrice du sphincter externe de l’anus, du releveur de l’anus, des muscles bulbocaverneux et ischiocaverneux, du muscle transverse superficiel du périnée, du muscle transverse profond du périnée, du sphincter externe de l’urètre. Son territoire sensitif inclut la peau de la région anale, la partie postérieure du scrotum, la muqueuse urétrale et le bulbe du pénis. Chez la femme, il innerve les grandes lèvres, le méat urétral externe, le vestibule vaginal. Enfin, le nerf dorsal de la verge donne les rameaux sensitifs pour la peau du pénis et du gland. Le nerf dorsal du clitoris donne les rameaux sensitifs au clitoris [3]. La possibilité d’une compression de ce nerf a été initialement suggérée par la constatation d’anomalies électrophysiologiques périnéales chez ces patients [4,5]. La mise en évidence de plusieurs zones de conflits : dans le canal sous-piriforme, au niveau de la pince ligamentaire (entre le ligament sacroépineux et le ligament sacrotubéral) et dans le canal d’Alcock au sein du dédoublement du fascia du muscle obturateur interne [6] éclaire les mécanismes lésionnels et s’accorde sur le fait que le nerf est la victime d’un conflit direct dans son trajet pelvien. Les zones de conflits se révèlent multiples et s’étendent de son émergence sous le muscle piriforme jusqu’au niveau des organes cibles. Les zones de conflits les plus souvent observées vont de son émergence sous le muscle piriforme jusqu’à sa sortie du canal d’Alcock. La participation de la pince ligamentaire (sacroépineux–sacrotubéreux) est incontestable mais se révèle inconstante. Données thérapeutiques L’hypothèse d’une souffrance neurogène d’origine compressive est maintenant acquise. Ce syndrome est actuellement reconnu et ne cesse de s’affiner dans sa définition clinique depuis les formes typiques jusqu’à certaines formes considérées comme atypiques. Le diagnostic repose sur le territoire douloureux, le caractère neurologique de la douleur exacerbée ou provoquée par la position assise, la normalité de l’examen clinique et de l’imagerie pelvienne et lombosacrée. La positivité des blocs anesthésiques réalisés au voisinage du nerf pudendal permet, définitivement le diagnostic de névralgie pudendale sur syndrome canalaire [7]. Le traitement médical doit être tenté en première intention. Il associe un traitement médicamenteux, des infiltrations locales (anesthésiques locaux pour le bloc diagnostique et corticoı̈des pour un bloc éventuellement thérapeutique) [8], et une kinésithérapie spécifique. La prise en charge doit être d’emblée pluridisciplinaire et ne surtout pas ignorer le retentissement psychologique de ces douleurs qui évoluent sur de nombreuses années. Cette prise en charge permet d’améliorer de manière significative 70 % des patients [3]. Trente pour cent des patients restent en échec et se voient proposer une intervention chirurgicale de libération du nerf pudendal. La prise en charge chirurgicale doit également être envisagée dans un encadrement pluridisciplinaire. Elle est vécue par les patients comme le dernier recours. L’amélioration est le plus souvent différée et progressive sur une année. Durant cette période l’encadrement médical est indispensable. Ce dernier doit pouvoir renforcer le traitement et entreprendre de nouvelles approches palliatives en cas d’échec du traitement chirurgical (30 % des cas). Différentes voies d’abord chirurgicales Depuis la chirurgie princeps proposée par Robert en 1989 [9], différentes voies d’abord chirurgicales ont été décrites, la voie transglutéale, la voie transpérinéale, et la voie transvaginale. Leurs différences dépassent le simple niveau technique et mérite d’être clarifiées. Voie transvaginale [10] Elle aborde cette pathologie sur un versant uniquement ligamentaire. Le ligament sacroépineux est sectionné. Il n’y a pas de libération du nerf ni de dissection à proximité du nerf. Le canal d’Alcock n’est pas visualisé. Son entrée est identifiée et le canal est exploré au doigt. À aucun moment le nerf n’est visualisé et ne peut donc être libéré des autres formes de conflits. Les résultats publiés apparaissent cependant globalement superposables à ceux de la voie transglutéale, mais n’ont jamais été randomisés. Voies transgluté ale et para-ischiorectale Elles sont axées sur le nerf qui est la victime du ou des conflits. Elles abordent donc cette pathologie telle qu’est habituellement traitée la pathologie nerveuse conflictuelle (nerf médian, nerf cubital). L’expérience montre qu’il est indispensable de voir le nerf de manière à palier les variations anatomiques (trajet transligamentaire) qui exposent le nerf au risque de lésion. Visualiser le nerf permet de vérifier son état et de le libérer de conflits qui sont le plus souvent multiples. Voie para-ischiorectale [9,11] Elle aborde le nerf par sa portion distale dans la graisse pararectale à la recherche de la branche rectale du nerf pudendal. Ce dernier sert ensuite de guide pour poursuivre la libération du nerf dans le canal d’Alcock. 88 Au-delà, la profondeur des structures ne facilite pas une section contrôlée du ligament sacroépineux et l’exploration du canal sous-piriforme. Certains auteurs continuent à utiliser la voie para-ischiorectale. Cependant, leurs indications chirurgicales (l’incontinence anale, urinaire, les troubles de l’érection ) sont le sujet de controverses. Les résultats sur la douleur sont difficiles à interpréter et il semble que la population ciblée soit assez différente des névralgies pudendales invalidantes et rebelles [12]. Voie transgluté ale Elle est d’accès plus aisé [6]. Elle permet une analyse, plan par plan, des différentes structures pouvant être à l’origine de conflit avec le nerf. Seule cette approche explore une participation du ligament sacrotubéreux dans le conflit. Ce dernier peut être très épais et compressif pour le nerf. Il présente une extension falciforme qui est parfois la seule source de conflit. Le ligament falciforme est individualisé très précocement, en regard de l’épine. Il refoule le nerf en dehors. Par sa face inférieure acérée, il peut avoir une action irritante sur le nerf dans le canal d’Alcock. Après la section du ligament sacrotubéral, le nerf est visualisé de son émergence du canal sous-piriforme jusqu’à son entrée dans le canal d’Alcock. Le nerf est alors le guide principal. On peut apprécier la qualité du nerf (sténosé, dissocié, entouré de veines, inflammatoire, dégénéré) et en déduire un facteur pronostique. Dans son trajet sous le muscle piriforme, il existe souvent des adhérences importantes que l’on clive aisément. On poursuit la libération du nerf à la face dorsale du ligament sacroépineux. À ce niveau, 15 % des patients opérés peuvent présenter des conflits non liés à la pince ligamentaire. Il peut s’agir de conflits vasculaires avec de véritables empreintes artérielles ou de paquets variqueux volumineux enveloppant le nerf [3]. On observe parfois des trajets dans un dédoublement du ligament sacroépineux ou une différenciation de type musculaire du ligament avec un nerf emprisonné dans un faisceau de fibres. L’ensemble de ces variantes anatomiques ne peut pas être identifié avant l’invention. Elles augmentent le risque de léser le nerf et sont peut-être à l’origine de certains échecs lors du choix d’une approche chirurgicale qui ne permet pas d’identifier le nerf. Dans le canal d’Alcock, la position opératoire en décubitus ventral simple ne permet pas de visualiser le nerf après son entrée dans le canal d’Alcock. La libération était jusqu’alors effectuée par digitoclasie en l’absence de contrôle visuel du nerf dans cette région. Toutefois, la libération permet d’explorer au doigt la face médiale et la face latérale du nerf. Le ligament sacroépineux est ensuite sectionné et le nerf libéré de tout conflit est transposé en dedans de l’épine sciatique, dans la graisse pararectale. Résultats de l’approche transglutéale et facteurs pronostiques Cette approche reste incontestablement la seule voie qui aborde cette pathologie en cherchant à individualiser « le conflit nerveux » et surtout à libérer le nerf. Deux tiers des patients perçoivent une amélioration (gain de trois points sur l’échelle Eva) dont 44 % s’estiment très améliorés ou guéris (gain > 5 points EVA) [3,6]. Cependant, un tiers des patients ne perçoivent aucune amélioration malgré la constatation peropératoire et la libération de conflits importants. La libération-transposition du nerf pudendal par abord transglutéal est actuellement la seule voie dont le bénéfice a pu être démontré par une étude prospective randomisée [13]. Celui-ci, réalisé chez des patients de moins de 70 ans, montre l’apport de la chirurgie puisqu’à un an ; 10 sur 14 patients opérés sont améliorés de façon significative contre 1 sur 15 dans le groupe témoin. Les bons résultats se maintiennent à quatre ans. Une thèse rétrospective [14] portant sur 158 patients et 238 nerfs opérés a recherché des facteurs prédictifs du résultat. Les principaux facteurs pronostiques des résultats de la chirurgie sont avant tout l’âge, avec un facteur péjoratif après 70 ans et une nette amélioration des résultats avant 50 ans. Les autres facteurs prédictifs sont : la durée des symptômes (péjoratif au-delà de 7 ans), la notion de traumatisme déclenchant, l’aspect du nerf en peropératoire. Ne sont pas considérés comme prédictifs : le sexe, le caractère uni- ou bilatéral de la symptomatologie, l’intensité de la douleur préopératoire. Les valeurs de latence distale supérieure à huit millisecondes sont de pronostic péjoratif sans que cela soit significatif. Le traitement des lésions à l’épine où le nerf est bien visualisé est de bon pronostic. En revanche, la mise en évidence des lésions au canal d’Alcock où le nerf n’est pas visualisé (traitement effectué par digitoclasie) n’est pas corrélée à une amélioration chez ces patients. Au contraire, la présence de lésions au canal d’Alcock se révèle de mauvais pronostic chez les patients opérés. Cette étude conforte la nécessité de voir le nerf pour corriger au mieux les conflits. Elle montre l’effet bénéfique apporté par la libération du nerf en regard de l’épine sciatique. Elle confirme la possibilité de plusieurs zones de conflits sur le trajet du nerf. Enfin, la digitoclasie se révèle insuffisante pour corriger les facteurs de conflits au niveau du canal d’Alcock. Améliorations techniques récentes Dans l’objectif d’une meilleure décompression distale du nerf, deux modifications techniques à la voie transglutéale ont été apportées : la position génupectorale et la dénervation du muscle obturateur interne [15]. 89 Fig. 1. Fig. 2. A) Après section du ligament sacro-tubéreux (LST), le nerf pudendal (NP) est exposé à son émergence par le canal sous piriforme (étoile) puis à la face dorsale du ligament sacro-épineux (LES) ; B) Le canal d’Alcock (CA) est complètement ouvert. Le nerf pudendal (NP) donne ses collatérales à destinés rectale (NRI) et périnéale profonde qui quittent le CA La bascule du bassin ainsi obtenue par la position génupectorale (Fig. 1) optimise la vision de la partie distale du canal d’Alcock. Ainsi le nerf est libéré de son émergence sous le muscle piriforme jusqu’à sa sortie du canal d’Alcock. Elle est actuellement la seule voie qui permette un contrôle visuel du nerf sur l’ensemble de son trajet pelvien (Fig. 2). Le canal d’Alcock est alors ouvert largement sous contrôle visuel. Les ramifications du nerf pudendal sont libérées de toutes contraintes fibreuses et suivies jusqu’à leur sortie du canal d’Alcock. On peut également analyser et traiter au mieux un rôle compressif l’aponévrose du muscle obturateur interne. Les conflits dans le canal d’Alcock (présents dans moins de 30 % des cas en position ventrale [6]) deviennent quasi constants en position génupectorale et confirment la nécessité du contrôle visuel pour traiter au mieux les conflits. La position génupectorale se révèle être la position idéale pour cette chirurgie. Cette nouvelle installation en simulant en partie la position assise (qui habituellement renforce la douleur de ces patients) rend mieux compte des conflits positionnels. Les conflits au niveau de l’épine passent de 42 % (en position ventrale simple [6]) à 80 %. L’innocuité de la dénervation du muscle obturateur interne a été testée préalablement par les injections de toxine botulique. Elle est effectuée dans l’objectif de diminuer définitivement la pression dans le canal d’Alcock par l’amyotrophie qu’elle entraı̂ne. Le nerf est recherché sur la face dorsale et latérale du ligament sacroépineux. Sa stimulation peropératoire est confirmée de visu par une contraction du muscle obturateur interne. L’identification du nerf reste malheureusement inconstante. Cette dénervation n’entraı̂ne pas de conséquence fonctionnelle, au niveau moteur (compensation 90 Fig. 3. Amyotrophie du muscle obturateur interne gauche par les autres pelvitrochantériens) ou de nouvelle douleur. Cette amyotrophie est confirmée par les examens d’imagerie (Fig. 3). Les sections ligamentaires nécessaires à la libération chirurgicale du nerf pudendal (ligament sacrotubéral et sacroépineux) n’ont pas de caractère iatrogène. Des études sur le cadavre n’ont pas montré de modification significative des mobilités pelviennes avant et après section de ces ligaments. La notion de dysfonction de la sacro-iliaque secondaire parfois évoquée par certains thérapeutes ne devrait être évoquée qu’à la condition d’avoir eu une évaluation à ce niveau en préopératoire par le même examinateur et d’avoir connaissance des critères diagnostiques reconnus puisque ceux-ci sont loin de faire l’unanimité [16]. Qui opérer ? La meilleure connaissance de critères diagnostiques, de facteurs prédictifs de la chirurgie peut permettre de définir un « profil » de patients qui serait de meilleurs candidats à la chirurgie. Dans la mesure où la chirurgie n’apporte pas de résultats constamment favorables, il ne peut être question de la proposer d’emblée à tous les patients. Elle ne s’adresse donc qu’aux patients ayant une douleur invalidante et rebelle aux thérapeutiques médicamenteuses et à la rééducation (quand celle-ci est justifiée par la constatation d’une composante myofasciale). La douleur doit persister malgré au moins une infiltration stéroı̈de réalisée à l’épine sciatique et au niveau du canal d’Alcock, à la condition que ces infiltrations aient été réalisées dans des conditions satisfaisantes, ce qui justifie, la certitude de blocs diagnostiques positifs. Ce critère est bien sûr incontournable à l’indication opératoire d’où son importance (cf. article de T. Riant dans le même numéro). Dans la pratique, étant donné qu’il existe des patients dont la douleur peut évoluer de spontanément de façon régressive (au moins dans les premières périodes, mais l’évolution ultérieure n’est bien sûr pas prévisible initialement), étant donné le fréquent retard de diag- nostic, étant donné le temps nécessaire à la réalisation des infiltrations, il est rare qu’une indication opératoire soit portée moins d’un an après le début des symptômes. De façon idéale, le « bon candidat » à la chirurgie devrait souffrir depuis environ un an, avoir moins de 50 ans, peu d’altérations électrophysiologiques. On pourrait rajouter un certain nombre de paramètres qui mériteraient d’être étudiés mais qui relèvent surtout du bon sens comme le bénéfice temporaire des infiltrations, l’absence de troubles comportementaux ou psychiatriques, l’absence d’hypersensibilisation centrale marquée, l’absence de fibromyalgie. On ne peut pour autant considérer que la chirurgie ne doit s’intéresser qu’à ces patients hypersélectionnés (ce qui améliorerait peut-être les résultats des séries chirurgicales). Les ré alité s cliniques font que le candidat à la chirurgie est simplement celui qui reste en é chec des autres thé rapeutiques et cela quels que soient son âge, son histoire. Information du patient Le patient doit être informé des résultats attendus de la chirurgie en sachant qu’il ne s’agit que de statistiques, que l’objectif est d’apporter une amélioration la plus importante possible (ce qui est donc loin de la promesse de guérison). L’information du patient et du médecin traitant commence par l’explication du principe chirurgical à savoir la libération chirurgicale du nerf sur l’ensemble de son trajet, le terme de neurolyse doit être évité car source de confusion avec une éventuelle section du nerf. On peut lui préciser l’absence de tout trouble sphinctérien secondaire (en l’absence de troubles antérieurs) sur une pratique de plus de 1 500 patients opérés et un risque d’atteinte sensitive périnéale inférieur à 1 pour mille. Il doit être informé que la libération chirurgicale du nerf pourrait ne pas être poussée à l’extrême si le chirurgien l’estime à risque de traumatisme neurologique. Il doit savoir que la chirurgie est rarement vécue comme très douloureuse, que l’intervention, par un 91 chirurgien expérimenté, dure environ 30 minutes pour un côté, que l’hospitalisation est de quatre-cinq jours, et qu’il pourra s’asseoir dans les mêmes conditions qu’avant l’intervention puisque la cicatrice opératoire au niveau fessier est au-dessus des points d’appui ischiatiques. L’amélioration clinique est la plupart du temps secondaire (débutant trois à six mois après l’intervention et pouvant évoluer sur un an ou plus). Une infiltration secondaire du nerf pudendal pourra être proposée deux ou trois mois après la chirurgie si les douleurs perdurent de façon inchangée et ciblée en fonction des constatations peropératoires. Il doit être informé des risques éventuels : 1 % d’hématomes ou de sepsis, 30 % en moyenne de patients non améliorés, 1 % de patients s’estimant aggravés. Cette notion d’aggravation mérite discussion : le patient qui se dit aggravé en matière de douleur l’est par définition, encore faut-il le corréler à l’évolution sur les échelles d’évaluation pré- et postopératoire. Beaucoup de patients ont une EVA à 10 en préopératoire ou ont une douleur qui ne fait que s’aggraver dans le temps, une absence de bénéfice de la chirurgie associée aux espoirs déçus peut donc expliquer dans ces conditions cette perception d’aggravation postopératoire non synonyme d’aggravation par la chirurgie. Conclusion La libération chirurgicale du nerf pudendal par abord transglutéal est actuellement le seul traitement validé en matière de syndrome canalaire du nerf pudendal. Cette chirurgie s’adresse aux patients en échecs des différents traitements algologiques. Cette chirurgie est « sûre » et permet de soulager de façon significative deux tiers des patients. Le facteur prédictif principal est en relation avec l’âge. L’installation du patient en position génupectorale facilite l’accès chirurgical et son influence sur les résultats devront être évalués. Cette approche chirurgicale doit s’intégrer dans le cadre d’une évaluation et d’une prise en charge multidisciplinaire tant en préopératoire qu’en postopératoire car la difficulté principale sera de continuer à accompagner les patients en échecs et de trouver de nouvelles propositions thérapeutiques (médicaments, traitements de l’hypersensibilisation centrale, neurostimulation ). Références 1. Labat JJ, Rigaud J, Robert R, et al. (2006) Les douleurs neuropathiques somatiques pelvipérinéales. Pelv Perineol 1: 100-12 2. Amarenco G, Lanoe Y, Perrigot M, et al. (1987) Un nouveau syndrome canalaire, la compression du nerf pudendal dans la canal d’Alcock ou paralysie périnéale du cycliste. Presse Med 16: 399 3. Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve. Surg Radiol Anat 20: 93-8 4. Amarenco G, Savatovsky I, Budet C, et al. (1989) Névralgies périnéales et syndrome du canal d’Alcock. Ann Urol (Paris) 23: 488-92 5. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, et al. (1990) Les névralgies du nerf pudendal (honteux interne). Considérations anatomocliniques et perspectives thérapeutiques. J Urol (Paris) 96: 239-44 6. Robert R, Brunet C, Faure A, et al. (1993) La chirurgie du nerf pudendal lors de certaines algies périnéales : évolution et résultats. Chirurgie 119: 535-9 7. Bensignor M, Labat JJ, Robert R, et al. (1992) Douleurs périnéoscrotales essentielles. Cah Anesthesiol 40: 537-41 8. Amarenco G, Kerdraon J, Bouju P, et al. (1997) Efficacité des traitements des névralgies périnéales par atteinte du nerf pudendal (syndrome du canal d’Alcock). Cent soixante-dix cas. Rev Neurol (Paris) 153: 331-4 9. Robert R, Labat JJ, Lehur PA, et al. (1989) Réflexions cliniques, neurophysiologiques et thérapeutiques à partir de données anatomiques sur le nerf pudendal (honteux interne) lors de certaines algies périnéales. Chirurgie 115: 515-20 10. Bautrant E, de Bisschop E, Vaini-Elies V, et al. (2003) La prise en charge moderne des névralgies pudendales. À partir d’une sériede 212 patientes et 104 interventions de décompression. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 32: 705-12 11. Shafik A (1994) Pudendal canal decompression in the treatment of erectile dysfunction. Arch Androl 32: 141-9 12. Beco J, Climov D, Bex M (2004) Pudendal nerve decompression in perineology: a case series. BMC Surg 4: 15 13. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2005) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal neuralgia: a randomized controlled trial and long-term evaluation. Eur Urol 47: 403-8 14. Deschamps C (2002) la neurolyse transposition du nerf pudendal dans les névralgies pudendales. Étude rétrospective à propos de 158 patients opérés. Thèse Nantes 15. Khalfallah M, Labat JJ, Riant T, et al. (2006) Chirurgie de la névralgie pudendale par voie transglutéale : améliorations techniques. Pelv Perineol 1(Suppl 5): NS63 16. Berthelot JM, Labat JJ, Le Goff B, et al. (2006) Provocative sacroiliac joint maneuvers and sacroiliac joint block are unreliable for diagnosing sacroiliac joint pain. Joint Bone Spine 73: 17-23 Pelv Perineol (2007) 2: 92–98 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0118-0 PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE Le blessé médullaire : quelle sexualité ? J.-C. Colombel CDBV 66290 Cerbère, France Résumé : Les troubles de la fonction sexuelle sont fréquents chez le blessé médullaire. Les dysfonctions organiques responsables des troubles sont étroitement imbriquées avec la dimension psychique, toujours indispensable à évaluer et à prendre en compte dans la prise en charge thérapeutique. Ces données sont présentées et la place du soignant précisée. Mots clés : Blessé médullaire – Sexualité – Composante psychogène Spinal cord injury and sexuality? Abstract: Sexual disorders are very frequent in spinal cord injuries. Organic lesions, cause of sexual dysfunctions, are overlapped with psychogenic alterations which are always necessary to evaluate and take in account for the therapeutic management. These data are presented and role of care giver discussed. Keywords: Spinal cord injury – Sexuality – Psychogenic alteration Nous savons que la rééducation du blessé médullaire a pour but principal la réadaptation fonctionnelle dont fait partie, à l’évidence, la fonction sexuelle. Mais cette évidence n’est pas toujours claire ni sereine. Pour les soignants, que leur pratique quotidienne auprès du patient place dans une intimité à ciel ouvert, cette évidence les confronte sans ménagements à leur sexualité personnelle, à leur équilibre affectif et à leurs mécanismes de projection. Dans la famille, où les mécanismes d’identification s’ajoutent à la souffrance, cette intimité angoissante du corps meurtri et dénudé réveille de manière particulièrement ambiguë une problématique de la relation, de la bonne distance et de l’inceste, qui paraissait depuis longtemps résolue. Quant au partenaire du patient, indépendamment des questions qui se poseront un jour des capacités motrices et sexuelles restantes, l’image statique et peu valorisante du handicapé ne conserve pas facilement un attrait érotique en rapport avec ce qu’il pouvait être auparavant. Du reste, cette gêne et cette difficulté générale aboutissent à des comportements qui ne correspondent en rien à la place de la sexualité pour le handicapé par blessure médullaire. Pourtant, cette place est au moins aussi importante pour lui que pour le sujet ordinaire. En fait, elle est l’une des hantises de tout patient, à partir du moment où il découvre que la blessure de la moelle n’a pas atteint seulement ses capacités motrices et sensitives, mais également ses capacités sexuelles. L’ampleur de cette réalité traumatique dépasse d’ailleurs très largement le bilan lésionnel, puisqu’elle atteint l’individu dans l’image qu’il a de lui-même. Malgré les artifices d’un vocabulaire dramatiquement correct et lui-même handicapé (qui peut bien être une « personne à mobilité réduite » ?), elle fait resurgir non seulement les fantasmes de l’infirmité, mais ceux de la monstruosité, de la tare, ceux qui retirent tout droit à une vie relationnelle normale et à plus forte raison, à toute vie sexuelle. Enfin, comment être suffisamment disponible à cette souffrance que les mots diront si peu ? Comment faire de l’écoute non pas un moyen de prescrire quelque recette, mais l’acte fondateur d’une relation de confiance à maintenir dans son cadre de respect et de dignité, autrement dit dans ce que toute relation thérapeutique devrait s’attacher à reconstruire en priorité ? Faudra-t-il un jour reconnaı̂tre simplement que toute atteinte lésionnelle de la moelle peut déterminer un syndrome de déficit sensitivomoteur et sexuel ? Mais qu’est-ce que la sexualité ? D’une façon générale, nous pourrions définir la sexualité par l’ensemble des caractères morphologiques, physiologiques et psychiques déterminés par le sexe. Nous pourrions la définir aussi par l’ensemble des comportements déterminés par l’instinct sexuel. Mais ce ne sont pas des définitions satisfaisantes, parce qu’elles ne parlent pas de la sexualité de l’être humain dans ce qu’elle a de spécifique, très au-delà du capital génétique et de l’instinct. Bien que toujours rattachée à la fonction reproductrice, c’est-à-dire au triomphe de la vie sur la mort grâce au relais des générations, la sexualité humaine déborde largement la sphère de l’instinct et du besoin. Dans nos civilisations occidentales, après deux millénaires de répression, elle se déploie vers le plaisir, tout en 93 subissant l’empreinte de la Loi et des croyances. D’où l’aspect festif et conflictuel à la fois, transgressif et parfois pervers ou sulfureux, qui est souvent le sien aujourd’hui. La société actuelle recommande et valorise la consommation, la jouissance immédiate et les masques galants de la séduction. Quelle est la place de l’amour par rapport à la sexualité, autrement dit, quelle mise en perspective existe aujourd’hui entre le soma et l’affect ? Tels sont quelques-uns uns des mystères et des paradoxes de la sexualité d’aujourd’hui. Mais vouloir en faire une sorte d’inventaire est impossible. Et c’est heureux, car dans ses formes symboliques, elle va toujours à la rencontre de cette part inconnaissable que chaque être préserve en soi, sans y avoir jamais tout à fait accès. En effet, dans ce qu’elle a d’apparent, la sexualité de l’être humain conserve bien sa finalité biologique, qui l’inscrit dans le temps et donc dans l’histoire. Elle se fonde sur l’instinct de reproduction, qui la fait apparaı̂tre comme un besoin. Mais elle pourrait être abordée comme un territoire identitaire, définissant la personne par son sexe, avec une image de soi et un aspect culturellement fixés par la société où elle vit. À cet aspect des choses nous pourrions rattacher sa dimension relationnelle, qui va de l’intimité avec ou sans autrui, jusqu’à la famille, au groupe et à la société. Mais la sexualité a aussi une dimension hé donique, qui fait se croiser en quantités variables le désir, le plaisir, la pudeur et les conflits. De même qu’à l’envers du décor, elle possède un soubassement fantasmatique particulièrement riche et dans lequel les pulsions se déploient à travers les images de fusion, d’interdits et de transgression. Enfin, nous devons la rattacher à sa dimension mé taphysique, celle qui unit encore les croyances et les rituels, la descendance et ses aspects juridiques, comme elle unit l’espace et le temps, et plus encore l’amour et la mort. Autre traumatisme La seule chose dont nous sommes certains et que nous devons affirmer avec force, c’est qu’avant son accident, le blessé médullaire s’est construit, comme tout individu, avec tous ces éléments comme autant de repères fondamentaux pour son existence et son identité. Certains brusquement se dérobent ou ne lui sont plus accessibles. D’où le second traumatisme de la lésion médullaire, et qui est un traumatisme sexuel. Ce traumatisme frappe avec d’autant plus de violence qu’il opère en deux temps. Au moment de l’accident, l’urgence des premières interventions le fait passer au second plan, puis sa réalité et sa gravité s’imposent peu à peu, pour se révéler considérables au fil des semaines. Nous savons que, pour certains patients, il peut d’ailleurs passer au premier plan, le handicap sensitivomoteur étant ressenti de manière moins douloureuse que le handicap sexuel. Ce traumatisme sexuel s’ajoute aux déficits neurologiques de manière insidieuse mais de plus en plus évidente, et surtout après la fin du choc spinal. Il contribue à bloquer le travail de deuil parce qu’il crée une régression fonctionnelle massive et qu’il détruit des évidences identitaires, au point de plonger le blessé médullaire dans une situation très infantile. C’est pour cela que les problèmes de sexualité du blessé médullaire ne pourront jamais être réglés par des solutions purement techniques, telles que la médecine d’aujourd’hui nous en offrirait volontiers. Pas plus chez le blessé médullaire que chez l’individu ordinaire, ce qui est du ressort de la sexologie ne saurait se borner à une approche univoque, dont les intentions et les buts seraient de l’ordre du dépannage ou de la réparation mécanique. La démarche de soin doit tenir compte des multiples composantes d’une sexualité qui ne peut se résumer au sexe, mais qui appartient d’abord au sujet avec son histoire personnelle et les éléments culturels qui l’ont façonné. Et c’est ce qui en fait la complexité et la difficulté, mais aussi la richesse et l’intérêt pour celui qui veut soigner un blessé médullaire. Déficits neurologiques Pour prendre en compte le mieux possible l’impact du traumatisme, il nous semble nécessaire de tenir compte à la fois des aspects neurologiques et des conséquences psychologiques des lésions médullaires. Nous en connaissons bien l’aspect « mécanique ». Il se caractérise par deux types de troubles. Leurs composantes – Selon la hauteur de l’atteinte lésionnelle, on va trouver une paraplégie ou une tétraplégie avec un syndrome de dé ficit moteur et sensitif bien précis. Ce syndrome atteint la partie du corps en aval de la lésion. Or, il n’y a pas de sexualité sans mouvement ni sensibilité. En ce qui concerne la moelle, dans les deux sexes, la partie interne des organes génitaux dépend des niveaux D10, D11 et D12, tandis que la partie externe des organes génitaux dépend de S2, S3 et S4. C’est-à-dire que la sensibilité des organes externes disparaı̂t pour des lésions du cône médullaire remontant jusqu’en S2. Par rapport aux vertèbres, le cône médullaire est juste derrière la jonction L1-L2. La sensibilité des organes génitaux internes est absente pour des lésions de niveau D10 et au-dessus. Mais toute lésion au-dessus de D10 a pour conséquence une altération ou une abolition de la sensibilité des organes sexuels internes et externes. Quant à la motricité volontaire des sphincters et du plancher pelvien, elle dépend entièrement de l’intégrité des niveaux S2 à S4, par le nerf honteux interne (voir infra, note numéro 2). 94 – En outre, il existe un syndrome fonctionnel, dont fait partie l’aménorrhée, mais la baisse de la libido chez la femme comme chez l’homme en sont aussi les témoins. Il est probable que la cause de ces anomalies est hormonale et psychogène à la fois, ainsi que nous pouvons le constater dans la plupart des grands traumatismes psychiques ou dans les syndromes dépressifs sévères. Chez la femme, on sait que la disparition des cycles menstruels peut durer plusieurs mois, et qu’elle est rarement inférieure à quatre mois. Pour certaines, ce blocage les renvoie à la période prépubertaire de leur vie. D’autres sont renvoyées plus en arrière dans la petite enfance, en raison des soins d’hygiène dont elles sont dépendantes et qu’elles doivent subir dès le premier jour de la prise en charge. D’autres encore mettent en rapport ce blocage ovarien avec les dégâts de nature trophique provoqués par les lésions neurologiques. Pour elles, l’image dégradée qu’elles ont de leur corps se rapproche du délabrement physiologique de la vieillesse annonciatrice de la mort. La disparition de cette preuve de leur féminité constitue une blessure narcissique profonde, non seulement parce qu’elle leur interdit la jouissance de leur âge réel, mais parce qu’elle est une atteinte à leur identité même. Quant aux hommes, l’absence d’érections leur fait penser qu’il doit se passer quelque chose de grave ou de très sournois, justement parce que c’est un mal inapparent, mais qui s’accorde implacablement à l’idée d’impuissance. Pire encore, l’angoisse des érections incongrues, par exemple au cours de la toilette ou des sondages comme c’est le cas dans certaines paraplégies spastiques. Elles surgissent à l’improviste, et dont on ne sait quel réservoir d’animalité inconnue. Elles sont d’autant plus humiliantes qu’elles s’affichent d’une manière totalement impudique, qu’elles ne s’accompagnent d’aucune sensation ni d’aucun désir, et qu’elles laissent indifférents le regard et la main gantée des soignants. Quels qu’en soient les mécanismes et leurs possibles combinaisons, ces déficits fonctionnels participent aux sentiments de dévalorisation narcissique des patients et de castration symbolique, qui alimentent leurs fantasmes de régression et d’indignité. Ces deux types de troubles apparaissent dans un contexte psychologique très particulier, mais qui va évoluer dans le temps. Du point de vue de la sexualité, on peut y relever tour à tour des implications identitaires, relationnelles, hédoniques ou fantasmatiques. Parfois violentes, parfois douloureuses, elles sont le plus souvent marquées par une coloration d’étrangeté et d’irréalité. Pourquoi cette irré alité et cette é trangeté ? À la phase initiale, de sidération médullaire, le patient est couché le plus souvent. Ce que nous observons est une grave perte d’autonomie, d’où sa situation de dé pendance. Mais nous pouvons nous étonner de la soumission presque naturelle dont il fait preuve à l’égard des soins élémentaires qui lui sont donnés. Le patient accepte comme normale la pénétration dans son intimité anatomique, à laquelle la plupart des soignants se livrent avec un air parfaitement professionnel. Les gestes répétés que sont les injections, les prélèvements, les contrôles divers, les manœuvres de prévention contre les escarres, les soins d’hygiène et les évacuations à heures régulières ne paraissent pas le choquer. Nous constatons cet état que nous avons qualifié de régressif, notamment parce que le patient ne se révolte pas contre l’accès répété à son corps et la violation de son territoire de pudeur. La neutralité aseptisée du soignant et sa perfection gestuelle viennent confirmer la désérogénéisation des orifices corporels, qui sont revenus à un rôle purement physiologique et passif. En fait, il existe trois ordres de signes qui, de proche en proche, se relient l’un à l’autre et qui nous permettent de mieux comprendre cette absence de révolte. – D’une part et d’un point de vue neurologique, les afférences sensitives et proprioceptives sont bloquées au niveau de la lésion médullaire. Elles demeurent par conséquent ignorées du patient : au-dessous de la lésion, le corps ne lui donne plus sa position. Il n’est pas qu’immobile, il reste silencieux et vide. Pour un sujet tétraplégique, il n’a d’existence que visuelle. Pour un paraplégique, toute sensation disparaı̂t à partir d’une région du corps qu’il peut parfaitement repérer lui-même avec ses doigts. Au-dessous, c’est un corps sans vie, un corps qui se fait oublier et qu’il ne reconnaı̂t plus comme sien. Nous pouvons même dire qu’il le désinvestit, et qu’il met à distance tout ce qui le concerne. – D’autre part, dans cette partie privée de motricité et de sensibilité, exactement comme chez les amputés, un corps de substitution va se greffer au point de jonction, entre la partie vivante et la partie morte. Pour des raisons que nous ne savons pas expliquer avec suffisamment de pertinence, le patient est persuadé qu’à la place de ce corps sans vie, il dispose d’un autre corps. Un corps fantô me certes, ou un fantôme de corps, mais un corps bien vivant puisqu’il bouge et qu’il remplit l’espace audessous de la lésion. Il permet à nouveau la jouissance complète d’un intérieur corporel, dans la mesure où il est raccordé à la partie sus-lésionnelle. D’ailleurs, il lui attribue parfois les douleurs et les contractures qui peuvent s’en emparer. En fait, il n’en dispose pas autant qu’il le voudrait, même si ce corps mobile et sensible lui permet de rêver qu’il marche encore et qu’il se déplace à sa guise. Ce corps, qu’il s’approprie et qui devient donc le sien, se place dans des configurations aberrantes, impossibles à tenir. Mais elles s’imposent à l’esprit du patient comme étant un peu ce que l’on aurait autrefois, appelé le fait du prince. Et il s’en accommode d’autant mieux qu’il peut l’habiter à nouveau. 95 – Enfin, d’un point de vue subjectif, nous connaissons les ré actions de dé ni qui sont si habituelles chez les traumatisés médullaires. Pour inquiétantes qu’elles soient, elles n’en sont pas moins la meilleure arme défensive contre la catastrophe qui frappe un sujet en bonne santé jusque-là. À partir du moment où le déni s’installe, l’accident est minimisé et surtout, ses conséquences sont niées. Le blessé médullaire est convaincu du caractère bénin et temporaire de cette histoire, même s’il doit, pour cela, se maintenir dans cette zone irrationnelle que vient occuper toute illusion de l’esprit. Il s’agit peut-être d’une forme de croyance, grâce à laquelle il préserve un avenir acceptable par-dessus une véritable déroute neurologique et psychologique. Si nous mettons en perspective son corps sans vie, son corps fantôme et sa réaction de déni, nous entrons dans un monde étrange et tout à fait irréel. C’est un monde clos, dont nous avons parfois l’intuition furtive lorsque, au détour d’une phrase, le patient nous paraı̂t n’avoir jamais entendu parler de son état neurologique, ou encore lorsqu’un lapsus révèle la confusion qu’il fait entre membres réels et membres fantômes. Mais c’est un monde dont la logique et les contenus nous sont peu accessibles. Pour nous, la difficulté est de rentrer dans ce monde irréel, car nous sentons qu’il se tient toujours au bord du désespoir qui pourrait survenir s’il venait à disparaı̂tre. Et la conscience que nous avons de cette étrangeté douloureuse nous retient peut-être de chercher à mieux le comprendre. Il nous faut admettre que l’irréalité cultivée n’est pas un luxe, ou une folie, mais une nécessité pour lui. Cette nécessité ne préserve pas le patient du doute, ne serait-ce que parce que la perception de son état s’affronte en permanence à l’illusion qu’il s’est fabriquée. Elle ne le préserve pas non plus de la souffrance, parce que toute souffrance refuse la perte de ce qui n’est plus. Tel est le rôle du deuil et son paradoxe. Le deuil entretient la présence malgré la disparition réelle. Le deuil rend visible ce qui est absent. C’est en cela qu’il s’appuie sur le déni qu’il finit par justifier. Ici, la souffrance du deuil prend la forme symbolique d’un trait d’union entre ce qui vit et ce qui ne vit plus. La part vivante finit par remplacer la partie morte avec ce que nous appelons un corps fantôme, lequel est au moins aussi réel que le corps anatomique. Ainsi, peuvent cohabiter et se maintenir dans une parfaite entente, les éléments qui résultent 1 d’une conjugaison hasardeuse mais tenace, entre destruction extériorisée et reconstruction à l’intérieur de soi. La destruction est placée dans le domaine du concret, du visible, c’est-à-dire de ce qui appartient à l’autre, le soignant en particulier. Il s’empare volontiers de cette défaillance, il s’occupe de cette absurdité du corps dont une partie se situe en territoire extérieur, à laquelle le patient n’a plus accès et vers quoi rien ne l’attire. D’une image, nous pouvons dire qu’inconsciemment le patient se déleste de cette partie absente de ses sens et qu’il la projette au dehors, vers le soignant qui lui est le plus proche et qui la « prend en charge ». Le soignant est alors mis dans la place d’un double, avec toute l’ambiguı̈té que suppose cette place. Il peut y ressentir le plus grand trouble, s’il perçoit comme une agression cette projection qui le charge de mort parce qu’il se sent visé personnellement. Il peut aussi devenir agressif luimême, simplement en se mettant hors de portée de ce mouvement, qui n’est en fait qu’une demande d’aide pour limiter la destruction et construire autre chose. À l’opposé, la construction se développe dans l’intimité du domaine intérieur, qui est le domaine du secret, des rêves et des fantasmes. Le secret du patient concerne ce qu’il préserve de plus précieux, et qui ne peut s’échanger que dans la confidence. C’est le secret de ses membres fantômes et de son désir retrouvé. C’est aussi, parfois, la jouissance obscure de douleurs qui redessine son corps et peut même le rendre réhabitable1. De même que les douleurs, les rêves sont dans le champ de l’espoir et, comme souvent chez tout sujet normal, leur matière est celle du désir réalisé. Ils le font courir et danser chaque nuit, non sans quelques plaisirs érotiques à l’occasion. Tandis que les fantasmes utilisent la complétude retrouvée pour affleurer au moment des soins, sous la forme d’images de viol ou de pénétration sadique de la part des soignants. Apprentissages Ainsi, s’établit le partage souterrain entre ce qui est perçu et ce qui est « halluciné ». La priorité qu’il donne à ce qui n’est que virtuel démontre amplement que la sexualité n’est pas absente des angoisses et des émotions du patient, même lorsque sa dépendance lui donne en apparence une posture totalement asexuée. Tels sont, chez le blessé médullaire, les paradoxes des douleurs neurogènes. Elles se manifestent dans des régions corporelles qui sont privées de sensibilité. Une fois sur deux, elles peuvent se déclencher et atteindre soudain des paroxysmes fulgurants pour des stimulations non nociceptives (allodynie), ou pour des stimulations nociceptives modérées (hyperpathie). Elles sont épuisantes et destructrices à tous points de vue. Elles ont tendance à isoler le patient. Il n’ose plus bouger, il se replie sur lui-même, il se coupe du monde, comme s’il vivait dans ses douleurs. Et pourtant, si un traitement parvient à les supprimer, le patient est déconcerté : son corps disparaı̂t à nouveau, et il souhaiterait souvent que l’on en laisse réapparaı̂tre un peu, en laissant « revenir un peu de douleur » pour mieux ressentir son corps. On peut y deviner les rapports complexes qui vont de la douleur au plaisir mais peut-être aussi, sur un plan philosophique, les relations que la douleur peut entretenir avec le sens même de la vie de l’être humain. 96 Les choses changent lorsque réapparaı̂t l’automatisme médullaire. C’est un moment de basculement, autant pour le soignant que pour le patient. Quels changements ? Pour le soignant, la fin du choc spinal change radicalement la technique des soins et son approche du patient. Désormais, il va pouvoir tirer parti de ce que signale la réapparition du réflexe bulboanal, puisque d’une façon générale, les sphincters ne vont plus conserver leur tonus permanent, chose qui avait entraı̂né un syndrome de rétention pure. Il va pouvoir enseigner au patient divers gestes de déclenchement pour la miction et la défécation. Nous savons que ce n’est pas toujours facile pour lui, à la manière dont on peut dire que l’acquisition d’une technique nouvelle précède forcément un éloignement entre maı̂tre et élève. La maı̂trise du sondage par le patient lui-même en est un exemple particulièrement démonstratif. Certaines difficultés ne sont pas dues à la maladresse dans l’apprentissage de gestes inconnus, mais à la crainte de perdre ces moments de relation privilégiée dont il s’était jusque-là, très bien accommodé. De manière symétrique, certains soignants ne parviennent pas à développer leurs qualités pédagogiques autant qu’ils le voudraient, parce qu’une autonomie plus grande de leur patient les renvoie à une solitude inscrite dans leur propre histoire. Pour le patient, qui avait mis un peu de fantasmes dans beaucoup de réalité, c’est le moment où il va commencer à mettre un peu de réalité dans beaucoup de fantasmes. S’il est en mesure de faire sa toilette intime, ses doigts redécouvrent la contraction réflexe des muscles du plancher pelvien. Pour la femme, c’est aussi le moment où les gestes exploratoires font réapparaı̂tre la congestion des organes génitaux externes et les sécrétions vaginales réflexes. Pour l’homme, les érections redeviennent possibles dans les mêmes conditions. Quel plaisir ? Mais, si ce corps reprend vie, si l’ingéniosité humaine parvient à tirer parti de l’automatisme de la moelle, que deviennent alors le corps fantôme et le déni ? Pouvonsnous pour autant parler d’une réconciliation du patient avec son corps et d’une reconquête de son statut d’adulte ? 2 Rien n’est moins assuré. L’expérience montre que le corps fantôme ne disparaı̂t pas pour autant, et qu’il continue à cohabiter avantageusement à côté du corps réel. Cette ténacité de l’illusion confirme que l’apparition des réflexes médullaires n’a pas grand-chose à voir avec l’amputation sensitivomotrice provoquée par les lésions de la moelle. Quant au déni, même s’il n’est plus aussi absolu que les premières semaines, il n’en maintient pas moins son emprise et sans doute aussi par voie de conséquence, ses effets antidépresseurs. De la même manière que le changement dans la relation entre soignant et patient offre à chacun des deux, un bénéfice qui passe nécessairement par une perte, la découverte des mouvements réflexes des sphincters n’apporte pas que des avantages. Sous ses doigts, un fonctionnement vésical, génital et anal redevient possible2. Son corps s’anime, retrouvant dans ce domaine et grâce à un habile compromis, sa soumission à la volonté du sujet. Avec une montre, un doigtier et une sonde, il peut être vidé régulièrement de ses urines et de ses matières fécales. Mais, il faut continuer à le maintenir sous la même surveillance, parce qu’il est fragile. Il est guetté par des complications invraisemblables, plus encore dedans que dehors. Toutes ne seront pas évitées, mais s’il en a la capacité, le patient doit consacrer une bonne partie de son emploi du temps à prévoir, à anticiper, à mesurer, à examiner les différents risques, tout en pensant aux erreurs possibles. Silence du corps En outre, c’est un corps insensible, un corps qui persiste à ne rien communiquer de ce qui se passe en lui. Il se maintient juste au-delà de l’unité corporelle, à l’extérieur de la conscience, loin des sensations, toujours un peu étranger. Son intérieur est toujours rempli de mystères, et donc d’images inquiétantes et de fantasmes chargés de menaces. En témoignent quelques rêves angoissants, avec des scènes d’agression ou de dévoration par des animaux sauvages, dont les patients nous parlent avec un étonnement très défensif (« comment suis-je allé chercher tout ça ? »). S’ajoutent à ces mystères et à cette perplexité les sentiments un peu troubles qui proviennent des manœuvres manuelles ou techniques, réalisées pour obtenir le réveil des manifestations réflexes des organes génitaux. Le patient est renvoyé à la phase d’adolescence, celle où le corps se transforme et où les parents n’ont plus accès Si les lésions de la moelle ont détruit les centres dorsaux et lombaires (D10 à L2), aucune réaction réflexe n’est possible. C’est la même chose lorsque les centres sacrés sont atteints (S2 à S4). Pour la femme, un gel de lubrification vulvovaginale est nécessaire. Pour l’homme, on a recours aux injections intracaverneuses de vasodilatateurs ou à l’implantation de prothèses intrapéniennes avec, si besoin, l’utilisation d’une sonde d’électrostimulation intrarectale pour obtenir une éjaculation. Lorsque l’atteinte médullaire est au-dessus de D10, il ne peut y avoir que des réponses réflexes, c’est-à-dire en particulier après manœuvres masturbatoires ou vibromassage. Mais lorsque l’atteinte n’est pas complète, certaines réponses réflexes peuvent être ressenties, cependant elles sont toujours très émoussées ou très altérées. 97 au domaine physique et psychique, qui devient une zone de secret. C’est un moment où il est aussi dans l’attente du retour de sa fonction é rotique, totalement éteinte jusque-là. Mais l’obtention d’une érection ou d’une lubrification vaginale ne s’accompagne pas du plaisir espéré. S’il existe une jouissance, il n’y a pas accès. Elle lui demeure interdite : c’est le corps qui la garde pour lui. D’où un mélange douloureux de sentiments de frustration et de culpabilité, où s’affrontent les interdits éducatifs et métaphysiques de la masturbation de l’adolescence, et le combat actuel pour retrouver un statut d’adulte à part entière, tout en étant soumis au pouvoir mystérieux de son corps. De tels sentiments entraı̂nent souvent le patient vers des attitudes ambiguës d’agressivité ou de séduction à l’égard des soignants, qui se retrouvent soudain placés en position fantasmée de parents ou de partenaires possibles. D’où également le recours au savoir des autres patients, à leurs astuces et à leurs recettes en matière de manœuvres ou de produits. Alors, les rumeurs circulent, les dernières théories tiennent lieu de découvertes, les spectaculaires émissions télévisées fournissent des brassées de certitudes. Le plus souvent, et comme chez les adolescents, ce sont des conversations plus ou moins codées, à travers lesquelles certains en instruisent d’autres en tant qu’initiateurs ou maı̂tres secrets comme le sont les gourous. D’autres fois, ce sont des groupes où le retournement de la souffrance en plaisanteries scabreuses tient lieu de fonctionnement cathartique. Pour certains, c’est une forme de réaction contre la proximité inaccessible des soignants des deux sexes, et de révolte contre la prise de possession aseptisée qu’ils ont faite de leur corps. Et les résultats de ces conversations ne font qu’accentuer la désunion entre la partie saine du corps et l’autre partie, sorte de mauvais objet qui détourne un capital de plaisir pour son propre compte. Mais pour chacun, cet étalage public à l’envers de toute pudeur, contribue à disloquer et à déshumaniser les composantes les plus intimes de la sexualité, s’opposant ainsi de manière assez traumatique au travail de deuil et de reconstruction de la cohésion du Moi. Autre ? Comment le corps pourrait-il retrouver l’une de ses premières qualités, qui était de procurer du bien-être, n’était-ce que par la satisfaction des besoins externes et internes ? Cette question, qui nous renvoie aux tout premiers temps de l’être humain, ne doit pas être négligée. Elle implique nécessairement l’intervention d’autrui, d’autant qu’elle apparaı̂t ici comme le prolongement naturel de la relation qui s’est établie entre le soignant et le patient, dès le début des soins. En cela, elle nous rappelle que dès le commencement de son existence, l’homme est un être de relation et que de cette relation peut dépendre le plaisir3. Mais dans la situation du blessé médullaire, l’autre peut-il être transformé en pourvoyeur de plaisir ? La question doit être posée si le soignant ne sait que faire lorsque, entrant dans la chambre, il est confronté à une scène de masturbation, voire à une demande d’aide sexuelle, ou d’implication personnelle en tant que partenaire. Toutefois, il peut être tenté de régler le problème en parlant de respect, de dignité et de liberté, ce qui est une manière pertinente de le situer dans le domaine philosophique de l’essence de l’être. Il est en effet le premier « autre » en ce qui concerne les soins. Il l’est peut-être aussi en tant qu’adulte idéalisé, ou même désiré. Mais nous sentons bien que cette manière si défensive de répondre ne parle qu’en termes de frontières et de territoires séparés4. C’est oublier que le patient est dramatiquement inscrit dans la séparation, et que sa question actuelle va précisément à la recherche de l’autre, réel ou fantasmé, c’est-à-dire à la recherche de la réunion des morceaux perdus. Cette recherche se situe encore dans la lutte et la négociation qu’il mène pour préserver un petit peu d’espoir, en échangeant un peu de déni contre un peu de rêve. Alors, faut-il se contenter de former les soignants à comprendre leur propre malaise comme révélateur d’une demande authentique d’accepter enfin la réalité du handicap ? Faut-il aménager des espaces d’intimité où, après les conseils du thérapeute, des essais pourront être tentés par le patient avec son partenaire comme dans la vie d’un couple ? Ou bien faut-il, comme dans certains pays, avoir recours à des personnes formées pour être éventuellement des partenaires de réentraı̂nement à la vie sexuelle ? Tout dépend sans doute des définitions que l’on donne à la sexualité, car la perspective dans laquelle se place l’institution de soins n’est jamais que le reflet exact de la société qui l’a produite. 3 Nous pourrions développer l’analogie de situation entre l’incomplétude du nouveau-né et sa nécessaire dépendance à un adulte contenant, avec les rôles multiples du soignant auprès du patient. Pour l’un et pour l’autre, et comme à l’envers du plaisir donné, reçu mais aussi échangé, la solitude signifierait la mort, comme c’était le cas avant les progrès de la prise en charge des blessés médullaires. Par certains côtés particulièrement intimes, cette prise en charge repose sur l’acceptation réciproque d’une relation qui puise précisément ses gestes dans l’histoire de la mère et de l’enfant. Cette histoire comporte surtout la fin de la fusion originelle, par la première séparation d’où va naı̂tre le sujet, et par laquelle se constitue aussi l’apprentissage de toute relation à soi-même et à autrui. 4 À titre complémentaire, nous pouvons dire que ce genre de réponse redouble très clairement le clivage entre une partie mécanique et donc non animée, à laquelle serait renvoyé le patient, et une partie vivante, c’est-à-dire dotée d’une âme, que détient le soignant. Dans ce cas, et très inconsciemment, les soins techniques ne sont là que pour certifier l’exclusion et la perte d’humanité d’un blessé médullaire, lorsqu’il est identifié à sa lésion. 98 Vers une double perspective Toutes ces questions nous démontrent amplement que nous devrions être capables de toujours considérer les solutions techniques comme un moyen et non comme une fin. Leur fin est de permettre qu’un sujet soit en mesure de rétablir avec autrui une relation d’adulte la plus harmonieuse possible. Autrement dit, l’habileté à résoudre les problèmes physiologiques devrait être considérée avec la même admiration que celle que nous éprouvons par exemple pour le musicien qui maı̂trise parfaitement l’instrument dont il joue. Mais au-delà de sa virtuosité, et grâce à elle, nous pouvons dire qu’il y a l’émotion qu’il fait passer de même que, dans le domaine de la sexualité, chaque personne peut découvrir un jour la différence qui existe entre le désir et l’amour. Sur un plan technique en effet, selon les déficits, il sera fait appel à des moyens physiques, chimiques ou chirurgicaux qui vont permettre, pour chaque patient, de reprendre confiance dans ses capacités sexuelles et de restaurer l’image de soi. Mais c’est précisément là que se pose la question de la qualité de l’intervention du soignant, lorsqu’il veut recréer les conditions de l’intimité entre partenaires en évitant la robotisation de l’acte sexuel. Les contraintes ne manquent pas, et le patient doit apprendre à se préparer en vidant sa vessie et son rectum. Le soignant doit savoir conseiller le patient sur les positions qui conviendront le mieux et sur la plus grande durée des préliminaires. Il doit l’informer du risque d’hyperréactivité autonome et au besoin lui donner les moyens de le prévenir. Il peut suggérer à la femme paraplégique d’accompagner de la main le sexe de son partenaire pour mieux ressentir l’acte sexuel. Il peut même conseiller aux deux partenaires d’aller à la découverte de zones érogènes qui avaient été secondaires jusque-là. Nous savons que le blessé médullaire est capable d’érotiser certaines zones sus-lésionnelles, et de les incorporer à l’accomplissement de l’acte sexuel. C’est le mystère de la translation du plaisir ressenti grâce à l’éveil d’autres régions, ou parfois même du détournement de certains symptômes d’hyperréactivité vers un éprouvé de plaisir. Nous sommes peut-être tout près des mécanismes de sublimation, lorsque la pulsion sexuelle étant dérivée vers un nouveau but, chacun des partenaires va apprendre à en retirer une nouvelle jouissance. Mais, ce faisant, le thérapeute doit aussi être conscient des limites qu’il n’a pas à franchir, et qui sont celles de la relation amoureuse dans un couple, quelles qu’en soient les composantes. Et pourtant, la société actuelle privilégie le culte de l’apparence, dont elle a fait un paradis artificiel. Les médias illuminent nos rêves avec des êtres magnifiques et séduisants comme des demi-dieux. La puissance de l’homme aux épaules musclées répond admirablement à la silhouette fuselée de la femme idéale aux jambes interminables. Et nous avons là sûrement une source de blessure supplémentaire pour celui qui ne parvient pas à s’accepter ne seraitce qu’un peu. À ce jeu, l’homme paraplégique n’est pas si désavantagé, dans la mesure où ses épaules seront bientôt celles d’un haltérophile. Qu’importe alors si son image flatteuse est celle d’un géant assis qui veut oublier ses pieds d’argile. Mais le regard que la femme porte sur son corps est tout autre. Si l’unique problème de la femme idéale est son pouvoir de séduction, alors que lui reste-t-il pour séduire ? Est-ce dans ce but qu’elle a tendance à attirer le regard de l’autre sur la moitié supérieure de son corps, en mettant en valeur sa coiffure, le maquillage de son visage et les formes de sa poitrine, tandis que le bas du corps est comme « effacé » par un vêtement couleur de muraille ? Nous avons le sentiment que cette façon de s’habiller n’est pas un masque, mais bien au contraire qu’elle porte sur elle la souffrance qui la coupe en deux, une partie comme un leurre, une partie qui repousse. C’est sans doute pour cela qu’avant toute maı̂trise sphinctérienne, l’homme se préoccupe de récupérer sa capacité de « faire l’amour », selon l’expression la plus couramment employée. Tandis que la femme se pose la question de la possibilité d’une grossesse, ce qui est sans doute une manière de placer de l’amour à l’intérieur de soi, mais aussi de ne pas mourir, et parfois aussi de cesser d’être une femme. Il reste pourtant une autre voie, moins brisée que les chemins modernes de la séduction, et qui est celle de l’amour. Un peu d’amour de soi, pour défaire la carapace défensive de la souffrance, un peu d’amour de l’autre, pour que chacun échange non ce qu’il a, mais ce qu’il est. L’amour peut réparer les blessures narcissiques, dénouer les angoisses de séparation, bouleverser les efforts de réorganisation psychosomatique et faire aboutir le travail de deuil. Mais nul ne sait encore en exposer la technique ou en donner le mode d’emploi. Pelv Perineol (2007) 2: 99–104 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0104-6 PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE Évaluation urodynamique des résistances urétrales chez la femme J.-F. Hermieu Clinique urologique, CHU Bichat, 46, rue Henri-Huchard, F-75018 Paris, France Résumé : Les fonctions urétrales peuvent être explorées par le Valsalva Leak Point Pressure et la mesure des pressions urétrales en profilométrie. Ces tests peuvent avoir un apport intéressant dans le diagnostic et l’évaluation pronostique préopératoire des incontinences urinaires à l’effort de la femme. une manœuvre de Valsalva (effet progressif de poussée abdominale à glotte fermée) en l’absence de toute contraction détrusorienne. Ce test a pour but d’étudier globalement la fonction de clôture de l’urètre. Ainsi, un VLPP bas témoignerait d’une insuffisance sphinctérienne. Mots clés : Incontinence urinaire d’effort – Valsalva leak point – Sphinctérométrie Conditions de réalisation de l’examen Urodynamic evaluation of urethral resistance in women Abstract: Urethral function can be evaluated using Valsalva leak point pressure and sphincterometry. These assessments can help in diagnosing and determining a prognosis for urinary stress incontinence, especially before surgical intervention. Keywords: Stress urinary incontinence – Valsalva leak point – Sphincterometry L’évaluation urodynamique des résistances urétrales chez la femme, repose d’une part sur l’étude du leak point pressure et d’autre part sur la profilométrie urétrale. Leak point pressure (LPP) Le LPP se définit comme la pression vésicale ou détrusorienne à laquelle se produit une fuite d’urines par le méat urétral. Le detrusor leak point pressure (DLPP) se définit comme la pression détrusorienne à laquelle se produit une fuite d’urines en l’absence d’hyperpression abdominale. Un DLPP élevé est corrélé avec un risque élevé de retentissement sur le haut appareil. Cette élévation du DLPP peut être liée à un trouble de la compliance vésicale ou à l’apparition de puissantes contractions du détrusor associées à une bonne fonction de clôture urétrale n’assurant pas un rôle de soupape protégeant le haut appareil. Le Valsalva leak point pressure (VLPP) se définit comme la plus petite pression intravésicale générée par Le LPP est mesuré lors d’une cystomanométrie à l’eau durant la phase de remplissage vésical. Si le principe de définir la pression à laquelle se produit une fuite d’urines paraı̂t simple, la méthodologie de réalisation de la mesure est plus complexe car dépendante de nombreux paramètres. Calibre du cathéter utilisé Decter [1] montra l’influence du calibre du cathéter utilisé sur le DLPP. Plus le cathéter était important, plus le DLPP élevé, probablement par un effet obstructif. Bump [2,3] montra que le VLPP était significativement plus élevé en utilisant un cathéter 8 CH qu’un cathéter 3 CH. Cependant, certaines patientes voyaient paradoxalement leur VLPP diminuer en utilisant un cathéter de plus gros calibre. Ces variations montrent, une fois de plus, les interactions complexes et pas toujours prévisibles d’un cathéter sur l’urètre. Lieu d’enregistrement des pressions La mesure du DLPP est toujours effectuée dans la vessie. En revanche, la mesure du VLPP a pu être réalisée dans la vessie, le vagin ou le rectum. La mesure rectale permet d’éviter l’effet obstructif d’un cathéter urétral. Mais, elle ne permet pas de détecter des contractions non inhibées éventuelles du détrusor. Le rectum est, d’autre part, animé de contractions péristaltiques et rempli d’un contenu hétérogène (gaz, matières solide et liquide) peu propice à une mesure fiable de pression. Bump [3] affirme que la mesure du VLPP en ces différents sites n’est pas identique et semble préférer le site vésical. Payne [4] retrouve des pressions plus élevées en utilisant Correspondance : E-mail : [email protected] 100 un cathéter urétral et préfère le site rectal également préconisé par le comité de standardisation de la Sifud [5]. Position de la patiente Aucune étude ne compare la mesure du VLPP dans les différentes positions possibles. La position idéale la plus proche des conditions physiologiques est la position debout. Pour des raisons pratiques évidentes, tant de bonne fixation de la sonde que de confort de l’opérateur, le VLPP est le plus souvent réalisé en position assise ou semi-assise. Volume de remplissage vésical (VLPP) Pour la plupart des auteurs [6-8], il existe une relation inversement proportionnelle entre VLPP et remplissage vésical. Cette relation serait liée à une fatigabilité sphinctérienne lors de l’examen, à une élévation de la pression vésicale lors du remplissage, à une infundibulisation progressive du col vésical. Pour d’autres auteurs [9] il n’existerait aucune corrélation entre degré de remplissage vésical et VLPP. Le comité de standardisation de la Sifud [5] recommande de pratiquer la mesure du VLPP à 200 ml de remplissage ou à 50 % de la capacité vésicale lorsqu’il s’agit d’une petite vessie. Si le test est négatif, il sera répété tous les 100 ml jusqu’à la capacité vésicale maximale. Type d’effort de poussée abdominale (VLPP) Selon Bump [3], la mesure du VLPP serait plus élevée lors d’un effort de toux que lors d’une manœuvre de Valsalva. La plupart des auteurs et certaines sociétés savantes [5] préconisent le choix de la manœuvre de Valsalva. En effet, la toux entraı̂ne une variation de pression abdominale très rapide, importante et fugace, donc difficilement mesurable. Par ailleurs, l’effort de toux s’accompagne normalement d’une contraction périnéale réflexe concourant à élever le seuil de fuites à l’effort [10]. Mode de détection des fuites Dans la mesure où le LPP se définit comme une pression de fuites, le mode de détection de cette fuite est essentiel. La technique initiale du VLPP utilisait une détection vidéoscopique. La vessie était initialement remplie de produit de contraste et l’effort de poussée réalisé sous contrôle scopique. Cette technique est reproductible [11] et permet une analyse rétrospective. Elle a pourtant l’inconvénient de nécessiter un investissement très coûteux pour un test présenté comme simple. La détection visuelle de la fuite semble préférable. Elle peut être facilitée par la coloration des urines par du bleu de méthylène. Mode de transmission des données Pour des raisons humaines et techniques évidentes, la pression enregistrée ne peut correspondre exactement à l’instant précis où se produit la fuite. Il existe en effet un délai incompressible entre la survenue de la fuite, la visualisation de la fuite par l’opérateur et le relevé de la pression à laquelle elle se produit. Il existe aussi un certain délai de transmission entre le cathéter mesurant la pression et l’unité informatique. Ces délais inévitables sont de l’ordre de quelques dixièmes de secondes et ne peuvent être méconnus. Variations liées à la patiente Certaines patientes ne peuvent réaliser un effort de Valsalva suffisant pour entraı̂ner une fuite d’urines [3,12]. Le test sera donc considéré comme faussement négatif. La plupart des auteurs [13-15] considèrent qu’une volumineuse cystocèle, par l’effet obstructif et par l’amortissement des pressions qu’elle entraı̂ne, rend inapplicable la mesure du VLPP. Le test sera soit négatif, soit surévalué, non par les forces de clôture urétrale mais par les conditions anatomiques particulières liées au prolapsus génital. Interprétation du LPP Bump [2,3] a démontré que la mesure du VLPP était reproductible chez 80 % des patientes avec néanmoins des variations individuelles difficiles à prédire, parfois très importantes. Heritz [13] considère le test comme parfaitement reproductible inter- ou intraexaminateur. Le DLPP a pour objectif de détecter essentiellement, dans la population neurologique, les patientes à risque de dégrader leur haut appareil urinaire. La valeur de 40 cmH2O paraı̂t être la valeur seuil pour ce risque [14,16]. Le VLPP a pour but d’évaluer de manière globale la fonction sphinctérienne chez la femme. McGuire [17] et Niitti [18] étudiant des femmes incontinentes par examen vidéo-urodynamique ont constaté que lorsque le VLPP était inférieur à 60 cmH2O, l’incontinence urinaire était préférablement liée à une insuffisance sphinctérienne. Au-delà de 90 cmH2O, elle était liée à une hypermobilité cervicourétrale. Entre 60 et 90 cmH2O, l’incontinence urinaire était liée à l’association de ces deux causes. Ces constatations ont conduit à proposer ce test comme aide au diagnostic d’incontinence urinaire d’effort féminine. Aucune publication à ce jour n’a cependant montré l’intérêt de ce test dans le choix thérapeutique ou une amélioration des résultats thérapeutiques en fonction de la valeur du VLPP. De nombreuses publications ont porté sur la comparaison de la mesure de la pression urétrale et du VLPP censés évaluer la fonction sphinctérienne. Mac Guire [17], comparant ces deux tests chez 125 femmes incontinentes, concluait qu’ils n’étaient pas 101 corrélés. Cependant, aucune donnée statistique ne venait préciser cette conclusion. Sultana [19] démontrait, au contraire, une corrélation statistiquement significative. Le VLPP permettait de prédire de basses pressions urétrales avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 34,7 %. Swift [20] étudiait l’aptitude du VLPP à détecter une pression de clôture maximale de l’urètre (Pcmu) inférieure à 20 cmH2O en fonction de différentes valeurs seuil. Pour un VLPP de 45 cmH2O, le test avait une très bonne spécificité (90 %) et une sensibilité correcte (80 %). Pour un VLPP de 60 cmH2O, le test avait une excellente sensibilité (90 %) mais une mauvaise spécificité. Le choix de la valeur seuil est donc essentiel selon que l’on souhaite disposer d’un outil de dépistage ou de diagnostic précis d’une Pcmu basse. Théofrastous [21] quant à lui démontra que, lorsque la fuite d’urines survenait lors d’une manœuvre de Valsalva sur une vessie peu remplie, la Pcmu était en règle basse. Aucun argument ne permet d’affirmer la supériorité du VLPP ou de la mesure de la pression urétrale pour évaluer la fonction sphinctérienne. Ces deux tests évaluent l’urètre de manière différente et apportent des renseignements complémentaires, l’insuffisance sphinctérienne ne pouvant être affirmée sur un argument clinique ou paraclinique mais sur un faisceau d’arguments [22-24]. Profilométrie urétrale Réalisée pour la première fois par Bonney en 1923 [25], la mesure du profil urétral consiste à enregistrer la pression tout au long de l’urètre par l’intermédiaire d’un cathéter retiré progressivement de la vessie au méat urétral. Cette pression peut être mesurée dans des conditions de repos (profil statique) ou lors de manœuvres particulières telles que l’effort de retenue ou la toux (profil dynamique). La mesure de la pression urétrale permet d’évaluer de manière globale l’ensemble des forces et contraintes appliquées à l’urètre (force musculaire lisse et striée, vascularisation, tissu urétral et périurétral) [26]. Le but de cette mesure est de tenter de connaı̂tre la fonction sphinctérienne urétrale dont l’appréciation est difficile cliniquement ou par d’autres examens complémentaires endoscopique, radiographique ou échographique. L’évaluation du sphincter urétral est pourtant essentielle car de nombreuses publications ont montré que les techniques usuelles de correction de l’incontinence urinaire d’effort féminine avaient de mauvais résultats lorsque la fonction sphinctérienne était médiocre. Conditions de réalisation de l’examen [27] La mesure du profil urétral nécessite d’enregistrer simultanément la pression dans l’urètre (Puh) et la vessie (Pv) tout au long du retrait du cathéter. Deux capteurs de pression sont nécessaires. La plupart des machines modernes d’urodynamique calculent la différentielle pression urétrale-pression vésicale correspondant à la pression de clôture de l’urètre. Le cathéter est retiré au mieux par un bras de retrait automatique à vitesse connue et constante. Le cathéter utilisé peut être soit un microcapteur électronique, soit un cathéter perfusé selon la méthode de Brown et Wickham [28]. Afin de réaliser une perfusion à débit constant et connu de ce cathéter, de nombreux laboratoires d’urodynamique utilisent une poche de liquide soumis à une pression de 300 mmHg grâce à un brassard pneumatique. Un régulateur de débit opposant une forte résistance à cette contre-pression est placé sur la ligne de perfusion. D’autres laboratoires utilisent comme dispositif de perfusion une seringue électrique. Plusieurs retraits sont habituellement réalisés afin d’étudier la reproductibilité des mesures. Les retraits sont effectués prolapsus réduit dans une position de repos. L’absence de variation de la pression urétrale lorsque le capteur est immobilisé au point où la pression urétrale est maximale permet de s’assurer de l’absence d’instabilité urétrale. Le profil de retenue se définit comme la variation de pression, mesurée au point où la pression urétrale est maximale, lors de l’effort de retenue. L’étude de la transmission des pressions se définit comme l’analyse des variations de pression dans la vessie et dans l’urètre lors de la toux à différents points du profil. Interprétation de l’examen La mesure du profil urétral peut être influencée par de nombreux paramètres. Le calibre du cathé ter utilisé n’a pas d’influence sur la mesure en dessous de charrière 12 [29]. Les capteurs é lectroniques ou les capteurs perfusé s monotrou mesurent la pression urétrale en un point. L’orientation du capteur modifie le résultat obtenu. La longueur fonctionnelle mesurée à douze heures est plus courte que celle mesurée à six heures, la pression urétrale mesurée à 12 heures est plus élevée que celle mesurée à six heures [30]. Afin d’éviter l’effet d’orientation du cathéter, certains auteurs [27] recommandent d’utiliser des cathéters perfusés multitrous effectuant une mesure circonférentielle et évitant cet effet d’orientation. Les cathéters perfusés ne mesurent pas une pression mais mesurent une résistance à l’écoulement. Ainsi, un trouble de la compliance urétrale peut se traduire par un pic de pression simulant une activité sphinctérienne [27,31]. La vitesse de perfusion des cathéters est habituellement de 2 ml/mn [28,29,32]. Trop lente, la perfusion peut 102 réduire l’amplitude du profil ; trop rapide, elle peut fausser le résultat. La vitesse de retrait du cathéter a peu d’influence sur le profil urétral. La vitesse de retrait habituellement utilisée est de 1 mm/s [27]. Le remplissage vé sical entraı̂ne une augmentation de la pression urétrale [33-36]. Chez la femme non ménopausée, non incontinente à l’effort, la pression urétrale augmente au fur et à mesure du remplissage vésical. Cette augmentation n’est pas retrouvée chez la femme incontinente à l’effort [37-40]. La position de la patiente n’est pas sans conséquence sur la mesure du profil urétral. Chez la femme continente à l’effort, la pression de clôture urétrale est plus élevée en position debout qu’en position couchée [41], cette augmentation n’étant pas retrouvée chez la femme incontinente à l’effort. Pour Bhatia [37], le passage de la position couchée à la position debout entraı̂ne une diminution de la pression urétrale. L’exté riorisation d’un prolapsus ne modifie pas, selon Schussler [42], la pression urétrale au repos. Elle peut, en revanche, par son effet pelote masquer une incontinence urinaire à l’effort. La mesure uré trale est enfin influencée par le statut hormonal de la femme [30], la grossesse [43], l’accouchement [44,30], une activité intellectuelle pendant l’examen [45], l’anesthésie générale avec curarisation [46] et certains traitements agissant sur les récepteurs alpha cervico-urétraux. Quatre paramètres sont principalement étudiés lors de la profilométrie urétrale : – la longueur fonctionnelle de l’urètre se définit comme la longueur où la pression urétrale dépasse la pression vésicale. Son unité de mesure est le centimètre et sa normale 3 0,5 cm. Ce paramètre, populaire dans le milieu gynécologique, est en réalité peu fiable. Il ne peut être utilisé comme critère diagnostique de l’incontinence urinaire féminine en raison de chevauchements de valeurs entre femmes continentes et incontinentes [29,32]. La colposuspension augmente la longueur fonctionnelle [47,48] de l’urètre mais sa mesure ne peut être considérée comme critère pronostique dans la mesure où il n’existe aucune corrélation entre la valeur de la longueur fonctionnelle et le résultat postopératoire [49] ; – la pression urétrale maximale se définit comme la pression la plus élevée mesurée au cours du profil urétral. La pression de clôture maximum de l’urètre (Pcmu) se définit comme la différence entre la pression urétrale maximale et la pression vésicale. L’unité de mesure est le centimètre d’eau. Les pressions urétrales sont corrélées à l’âge. Certains auteurs proposent pour définir les valeurs normales « des formules » (pression urétrale maximale = 92-l’âge [29]), d’autres des intervalles de valeur par tranche d’âge [50]( 20-39 ans : 53,5 10,6 ; 40-49 ans : 49,1 12,4, 50 à 59 ans : 44,5 9,3 ; 60-69 ans : 43,5 15,7). On admet cependant qu’une valeur inférieure à 30 cmH2O témoigne d’une insuffisance sphinctérienne. Lors de l’effort de retenue, différentes structures urétrales permettent de maintenir la continence [51]. Le gain de pression attendue est de l’ordre de 30 %. En dessous de cette valeur on parle d’incompétence sphinctérienne. L’interprétation du profil urétral nécessite de tenir compte d’une grande variabilité d’une mesure à l’autre, bien démontrée par de nombreux auteurs [30,52-55]. La pression urétrale ne peut être considérée comme un test utile pour diagnostiquer une incontinence urinaire féminine. Il existe en effet de très importants chevauchements entre femmes incontinentes à l’effort et femmes continentes [56,57]. Une pression urétrale élevée n’est par ailleurs pas obligatoirement le témoin d’une activité sphinctérienne efficace. Il est en revanche bien établi qu’une pression urétrale basse est un facteur d’échec postopératoire des techniques classiques de correction de la cervicocystoptose [58,59]. Cette constatation n’a cependant à ce jour pas été démontrée avec des techniques plus récentes de cure d’incontinence urinaire d’effort telle que la technique TVT : – la transmission des pressions se définit comme l’étude du rapport de l’élévation de pression uétrale/ vésicale générée par la toux tout au long du profil urétral. Cette transmission se mesure en pourcentage. Normalement cette transmission doit être proche de 100 %. Une mauvaise transmission des pressions, se traduisant par un pic de pression moins élevé dans l’urètre que dans la vessie lors de l’effort de toux, définit un défaut de transmission et serait selon la théorie d’Enhorning [60] un critère diagnostique de l’incontinence urinaire d’effort par cervicocystoptose. Cependant, pour Richardson [58], ce test serait très spécifique et peu sensible alors que pour Bump [61], il serait très sensible et peu spécifique. En réalité cette mesure est influencée par de nombreux paramètres la rendant peu fiable (variation selon le lieu de mesure [62], la toux utilisée [63,64], l’orientation du capteur [65], le remplissage vésical [66], l’extériorisation et la réduction du prolapsus), est source d’une grande variabilité individuelle [67], est peu reproductible [64,68,69], n’est pas corrélée au degré d’hypermobilité urétrale [70]. D’autres paramètres comme la position de la patiente [71] n’ont, en revanche, pas d’influence sur la mesure du taux de transmission des pressions. Pour toutes ces raisons, cette mesure ne peut être utilisée pour analyser une incontinence urinaire d’effort [72] ni comme un critère prédictif du résultat postopératoire [73,59] ; – la stabilité urétrale est le dernier paramètre couramment analysé au cours du profil urétral. Son étude nécessite de bloquer le capteur de mesure au niveau du point du profil où la pression urétrale est maximale et d’étudier les variations de pression. Certains 103 auteurs ont suggéré que des variations de la pression urétrale pouvaient correspondre à un phénomène pathologique et être à l’origine de symptômes urinaires [55,74]. Cet engouement pour le concept « d’instabilité urétrale » a trouvé peu d’écho au-delà des années 1980. Sorensen [39] a montré qu’il existait des variations physiologiques de la pression urétrale atteignant parfois plusieurs dizaines de centimètres d’eau. Les artéfacts techniques liés au déplacement de la sonde ou de la patiente peuvent aussi simuler une instabilité urétrale. Dans sa sagesse, un rapport de l’ICS indique que le concept d’instabilité urétrale nécessite d’autres études et investigations, l’instabilité urétrale pouvant se définir comme d’importantes variations de la pression de clôture urétrale s’annulant ou se négativant. La physiopathologie, les conséquences cliniques et les possibilités thérapeutiques de cette entité demeurent encore mystérieuses. Références 1. Decter RM, Harpster L (1992) Pitfalls in determination of leak point pressure. J Urol 148: 588-91 2. Bump RC, Elser DM, McClish DK (1993) Valsalva leak point pressure in adult women with genuine stress incontinence: reproducibility, effect of catheter caliber, and correlation with passive urethral pressure profilometry. Neurourol Urodyn 12: 307-08 3. Bump RC, Elser DM, Theofrastous JP, et al. (1995) Valsalva leak point pressures in women with genuine stress incontinence: reproducibility, effect of catheter caliber, and correlations with other measures of urethral resistance. Am J Obstet Gynecol 173: 551-57 4. Payne CK, Raz S, Babiarz JW (1994) The Valsalva leak point pressure in the evaluation of stress urinary incontinence: technical aspects of measurement. American Urological Association, San Francisco, 151, 478A, 1001, 14-19 may 5. Haab F, Amarenco G (1998) Méthodologie de réalisation du VLPP. Société internationale Francophone d’urodynamique (SIFUD), Lisbonne, 14-16 Mai 6. Haab F, Dmochowski R, Zimmern PE, et al. (1997) Variabilité du Valsalva leak point pressure en fonction du volume de remplissage de la vessie. Prog Urol 7: 422-25 7. Miklos JR, Sze ED, Karram MM (1995) A critical appraisal of the methods of measuring leak point pressures in women with stress incontinence. Obstet Gynecol 8: 349-52 8. Theofrastous JP, Cundiff GW, Harris RL, et al. (1996) The effects of increasing vesical volume on Valsalva leak point pressure in women with pure genuine stress urinary incontinence. Obstet Gynecol 87: 711-14 9. Petrou SP, Kollmorgen TA (1998) Valsalva leak point pressure and bladder volume. Neurourol Urodyn 17: 3-7 10. Walsh IK, Stone AR (2000) Cough versus Valsalva abdominal leak point pressure: which is the best? American Urological Association, Atlanta, 163, 265, A1175, 29 April-4 May 11. Song JT, Campo R, Chai TC, et al. (1995) Observer variability in stress leak point pressure measurement using fluorourodynamics. American Urological Association, Las Vegas, 153, 492A, 1056, 23-28 April 12. Haab F, Ciofu C, Pedron P, et al. (1997) Valsalva leak point pressure : un test pas toujours facile à mesurer, Société internationale francophone d’urodynamique, Annecy, p341, 15-17 Mai 13. Heritz DM, Blaivas JG (1995) Reliability & specificity of the leak point pressure. American Urolgical Association, Las Vegas, 153, 492A, 1055, 23-28 April 14. McGuire EJ, Cespedes D, O’Connell HE (1996) Leak point pressure. Urol Clin North Am 23: 253-62 15. Usui A, McGuire EJ, O’Connell HE, et al. (1995) Abdominal leak point pressure in stress incontinence. American Urological Association, Las Vegas, 153, 493A, 1057, 23-28 April 16. McGuire EJ, Woodside JR, Borden TA (1981) Prognostic value of urodynamic testing in myelodysplastic children. J Urol 126: 205-09 17. McGuire EJ, Fitzpatrick CC, Wan J, et al. (1993) Clinical assessment of urethral sphincter function. J Urol 150: 145254 18. Nitti VW, Combs AJ (1996) Correlation of Valsalva leak point pressure with subjective degree of stress urinary incontinence in women. J Urol 155: 281-85 19. Sultana CJ (1995) Urethral closure pressure and leak-point pressure in incontinent women. Obstet Gynecol 86: 839-42 20. Swift SE, Ostergard DR (1995) A comparison of stress leakpoint pressure and maximal urethral closure pressure in patients with genuine stress incontinence. Obstet Gynecol 85: 704-08 21. Theofrastous JP, Cundiff GW, Harrus RL, et al. (1995) The effects of increasing vesical volume on Valsalva leak point pressure (VLPP) in women with pure genuine stress urinary incontinence (GSI). Neurourol. Urodyn 14: 409-10 22. Bump RC, Coates KW, Cundiff GW, et al. (1997) Diagnosing intrinsic sphincteric deficiency: comparing urethral closure pressure, urethral axis and Valsalva leak point pressures. Am J Obstet Gynecol 177: 303-10 23. Haab F, Ciofu C (2000) Place du Valsalva leak point pressure (VLPP) dans l’exploration de l’incontinence urinaire de la femme. In: Amarenco G, Serment G (ed.), L’insuffisance sphinctérienne de la femme. Elsevier, Paris, pp 143-52 24. Hermieu JF, Boccon-Gibod L (1999) Le Valsalva Leak Point Pressure (VLPP). RGO 6: 123-26 25. Bonney V (1923) On diurnal incontinence of urine in women. J Obst Gynec Brit Emp 30: 358-65 26. Awad SA, Downie JW (1976) Relative contribution of smooth muscles to the canine urethral pressure profile. Br J Urol 48: 347-54 27. Hermieu JF (2000) Sphinctérométrie : techniques, paramètres, interprétation. In: Amarenco G, Serment G (ed.), L’insuffisance sphinctérienne de la femme. Elsevier, Paris, pp 121-36 28. Brown M, Wickham J (1969) The urethral pressure profile. Br J Urol 41: 211-17 29. Edwards L, Malvern J (1974) The urethral pressure profile: theoretical considerations and clinical applications. Br J Urol 46: 325-36 30. Van Geelen JM, Doesburg WH, Martin CB (1984) Female urethral pressure profile; reproducibility, axial variation and effects of low dose oral contraceptives. J Urol 131: 394-98 31. Susset J, Plante P, Servot-Viguier D (1977) Rôle du profil de pression uréthrale chez la femme dans l’évaluation de l’élasticité de l’urèthre et de différents traitements visant au contrôle de l’incontinence ou de la dysurie. J Urol Nephrol (Paris) 83(suppl 2): 563-70 32. Abrams P (1979) Perfusion urethral profilometry. Urol Clin North Am 6: 103-10 33. Griffiths DJ (1973) The mechanics of the urethra and of micturition. Br J Urol 45: 497-507 34. Karlson S (1953) Experimental studies on the function of female urinary bladder and urethra. Acta Obstet Gynecol Scand 32: 285-307 104 35. Obrink A, Bunne G, Ulmsten U (1977) Intra-urethral and intravesical pressure in continent women. Acta Obstet Gynecol Scand 56: 525-29 36. Tanagho EA, Miller ER, Meyers FH, et al. (1966) Observations on the dynamics of the bladder neck. Br J Urol 38: 72-84 37. Bhatia NN, Ostergard DR (1982) Urodynamics in women with stress urinary incontinence. Obstet Gynecol 60: 552-59 38. Mayer R, Wells TJ, Brink CA, et al. (1994) Correlations between dynamic urethral profilometry and perivaginal muscle activity. Neurourol Urodyn 13: 227-35 39. Sorensen S (1992) Urethral pressure variations in healthy and incontinent women. Neurourol Urodyn 11: 549-91 40. Toews HA (1967) Intraurethral and intravesical pressures in normal and stress incontinent women. Obstet Gynecol 29: 613-24 41. Cadogan M, Awad S, Field C, et al. (1988) A comparison of the cough and standing urethral pressure profile in the diagnosis of stress incontinence. Neurourol Urodyn 7: 327-41 42. Schussler B, Hesse U, Lentsch P, et al. (1987) Artefacts in urethrometry caused by marked genital prolapse. Neurourol Urodyn 6: 154-55 43. Iosif CS, Ingemarsson I (1980) Urodynamic studies in normal pregnancy and in puerperium. Am J Obstet Gynecol 137: 696-700 44. Cotelle O (1983) Accouchement et incontinence urinaire. Rééducation urogynécologique post-natale. Thèse, Paris 45. Aranda B, Letzt-Ribinik P (1991) Effect of voluntary attention on urethral pressure. Neurourol Urodyn 10: 571-78 46. Bump RC, Huang KC, McClish DK, et al. (1991) Effect of narcotic anesthesia and skeletal muscle paralysis on passive and dynamic urethral function of stress continent and incontinent women. Neurourol Urodyn 10: 523-32 47. Faysal MH, Constantinou CE, Rother LE, et al. (1981) The impact of bladder neck suspension on the resting and stress urethral pressure profile: a prospective study comparing controls with incontinent patients pre operatively and post operatively. J Urol 125: 55-60 48. Shaw J (1991) Urethral pressure profile. In: Krane RJ, Siroky MB (ed.), Clinical Neuro-Urology. Little, Brown and Company, Boston, pp 185-99 49. Reid RE, Laor E, Tiola BM, et al. (1985) Intraoperative profilometry. J Urol 133: 203-04 50. Henriksson L, Ulmsten U, Andersson KE (1977) The effect of changes of posture on the urethral closure pressure in healthy women. Scand J Urol Nephrol 11: 201-06 51. Colstrup H (1985) Voluntary contractions in the female urethra. J Urol 134: 902-06 52. Bruskewitz R, Raz S (1979) Urethral pressure profile using microtip captheter in females. Urology 14: 303-07 53. Plante P, Susset J (1980) Studies of female urethral pressure profile. Part I. The normal urethral pressure profile. J Urol 123: 64-9 54. Plante P (1987) L’uréthromanométrie. In: Buzelin JM, Richard F, Susset J (ed.), Physiologie et pathologie de la dynamique des voies urinaires. FIIS, Paris, pp 184-90 55. Plevnik S, Janez J (1983) Urethral pressure variations. Urology 21: 207-09 56. Blaivas JG, Chancellor MB (1996) Urethral pressure profiles. In: Blaivas JG, Chancellor MB (ed.), Atlas of urodynamics. Williams – & Wilkins, Baltimore, pp 77-87 57. Mac Guire EJ (1995) Urodynamic evaluation of stress incontinence. Urol Clin N Amer 22: 551-55 58. Richardson DA (1986) Value of the cough pressure profile in the evaluation of patients with stress incontinence. Am J Obstet Gynecol 155: 808-11 59. Weil A, Reyes H, Bischoff P (1984) Modifications of the urethral rest and stress profiles after different types of surgery for urinary stress incontinence. Br J Obstet Gynaecol 91: 46-55 60. Enhorning G (1961) Simultaneous recording of intravesical and urethral pressure. A study on urethral closure in normal and stress incontinent women. Acta Chir Scand 276: 1-68 61. Bump RC, Copeland WE, Hurt WG, et al. (1988) Dynamic urethral pressure profilometry pressure transmission ratio determinations after continence surgery: understanding the mechanism of success, failure, and complications. Am J Obst Gynecol 159: 749-55 62. Heidler H, Wolk H, Jonas U (1979) Urethral closure mechanism under stress conditions. Eur Urol 5: 110-12 63. Beco J, Serilas M, Schaaps JP (1988) « Toux maximale » et pression de clôture résiduelle : leur importance dans le bilan urodynamique Sifud (montréal), 26-29 Mai 64. Richardson DA, Ramahi A (1993) Reproducibility of pressure transmission ratios in stress incontinent women. Neurourol Urodyn 12: 123-30 65. Constantinou CE (1988) Urethrometry: considerations of static, dynamic, and stability characteristics of the female urethra. Neurourol Urodyn 7: 521-39 66. Constantinou CE (1985) Resting and stress urethral pressures as a clinical guide to the mechanism of continence in the female patient. Urol Clin North Am 12: 247-58 67. Cundiff GW, Harris RL, Theofrastous JP, et al. (1997) Pressure transmission ratio reproducibility in stress continent and stress incontinent women. Neurourol Urodyn 16: 161-66 68. Amarenco G, Le Cocquen A, Bosc S, et al. (1996) Reproductibiliité DT intra et interexaminateur du calcul de ratio de transmission chez les femmes incontinentes à l’effort. Société internationale francophone d’urodynamique, Marrakech, 1996, 11-13 Avril 69. Schick E (1994) Regarding « reproducibility of pressure transmission ratios in stress incontinent women ». Neurourol Urodyn 13: 81-83 70. Meyer S, de Grandi P, Caccia G, et al. (1997) Pressure transmission ratio: is it a reliable parameter in increased urethrovesical junction mobility. Neurourol Urodyn 16: 277-84 71. Constantinou CE, Govan DE (1982) Spatial distribution and timing of transmitted and reflexly generated urethral pressure in healthy women. J Urol 127: 964-69 72. Rosenzweig BA, Bhatia NN, Nelson AL (1991) Dynamic urethral pressure profilometry pressure transmission ratio: what do the numbers really mean? Obstet Gynecol 77: 586-90 73. Bergman A, Ballard CA, Koonings PP (1989) Comparison of three different surgical procedures for genuine stress incontinence: prospective randomized study. Am J Obstet Gynecol 160: 1102-06 74. Abrams P, Blaivas JG, Stanton SL, et al. (1988) Standardisation of terminology of lower urinary tract function. Neurourol Urodyn 7: 403-27 Pelv Perineol (2007) 2: 105–106 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0110-8 REVUE DE PRESSE / PRESS REVIEW Revue de presse G. Amarenco J. Lee, K. Hersey, C.-T. Lee, N. Fleshner Climacturie après prostatectomie radicale : un symptôme méconnu. Climacturia following radical prostactectomy: prevalence and risk factors. J Urol 176: 2562-5, December 2006 Résumé : Cette étude a eu pour but d’évaluer la prévalence et le retentissement de l’incontinence urinaire pendant l’orgasme (climacturie) au décours d’une prostatectomie radicale pour cancer. Quarante-deux patients d’âge moyen 58,9 ans ont été inclus. Le recul moyen après la prostatectomie était de 23,6 mois. Soixante-huit pour cent des patients rapportaient une climacturie occasionnelle ou rare et 21 % un tel symptôme survenant la plupart du temps ou toujours lors des rapports sexuels. Cinquante-huit pour cent des patients estimaient que les fuites étaient peu importantes (quelques gouttes), mais 16 % rapportaient des fuites importantes. Cinquantedeux pour cent des patients ne s’estimaient peu ou pas du tout gênés alors que 48 % estimaient la gêne importante. Vingt et un pour cent estimaient que ce symptôme était gênant pour leur partenaire. Les moyens de prévention utilisés étaient dans 84 % la miction avant le rapport sexuel alors que 11 % des patients utilisaient des préservatifs. Aucun facteur prédictif de la climacturie n’était retrouvé (âge, score de Gleason, délai depuis la chirurgie, débit maximum en débimétrie, IPSS...). Commentaires : La climacturie est sans aucun doute un symptôme fréquent, mais rarement spécifiquement étudié. L’incontinence au cours de l’orgasme a été plus évaluée chez la femme chez laquelle elle est rangée à côté des autres incontinences aux paroxysmes émotionnels (frayeur, fou rire). On peut regretter que cette étude n’ait comporté que des données cliniques et non pas urodynamiques pour mieux préciser le mécanisme physiopathologique de ce type d’incontinence. Il est quand même bien probable qu’il s’agisse là d’une défaillance sphinctérienne. Des études complémentaires seraient intéressantes. V. Gudziol, M. Mück-Weymann, O. Seizinger, R. Rauh, W. Siffert, T. Hummel Sentir ou... Sildenafil affects olfactory function. J Urol 177: 258-61, January 2007 Résumé : L’olfaction a été évaluée chez 20 jeunes volontaires après administration de 50 et 100 mg de sildénafil ou de placebo dans le cadre d’une étude en double insu. La fonction olfactive était évaluée en utilisant un test standardisé et validé (Sniffin’Sticks®). Il existait une altération significative de l’olfaction lors de la prise de sildénafil à la dose de 100 mg (pas de trouble à la dose de 50 mg). Commentaires : Le sildénafil est l’un des traitements très classiques de la dysfonction érectile. Approximativement 20 % des patients se plaignent de congestion nasale. Cette étude démontre bien qu’à forte dose le sildénafil créait une dysfonction olfactive transitoire. Il peut être donc recommandé de ne pas absorber cette molécule avant... de passer à table ou pour le moins de prévenir les patients d’un tel effet secondaire possible... H. Vanden Broucke, K. Everaert, W. Peersman, H. Claes, D. Vanderschueren, M. Van Kampen Temps de latence éjaculatoire et sensibilité pénienne. Ejaculation latency times and their relationship to penile sensitivity in men with normal sexual function. J Urol 177: 237-40, January 2007 Résumé : Il s’agit d’une étude menée chez 58 volontaires sains âgés de 20 à 40 ans, ayant une fonction sexuelle normale. Le but de l’étude était de corréler le temps de latence éjaculatoire et la sensibilité pénienne. L’éjaculation 106 et son temps de latence étaient testés suivant trois procédures (rapport sexuel, masturbation au laboratoire, masturbation à la maison) et testés grâce à un biothésiomètre (seuil de sensibilité) et un vibromètre (seuil de sensibilité vibratoire). Le temps de latence éjaculatoire moyen était plus élevé durant le rapport sexuel (8,25 minutes en moyenne) comparativement à la masturbation au laboratoire (moyenne 7,22 minutes) ou à domicile (moyenne 4,89 minutes). Il existait une parfaite reproductibilité chez chacun des sujets. Il n’existait aucune corrélation entre les seuils de sensibilité tactile ou vibratoire et les temps de latence éjaculatoire. Commentaires : Plus blanc que blanc... Si la méthodologie de cette étude semble excellente, on ne comprend pas très bien quel en était le but. En effet, comment retrouver une corrélation chez des sujets par définition même normaux sur le plan neurologique ? La distribution des seuils de sensibilité tant superficielle que vibratoire va être totalement gaussienne et bien évidemment non superposable à une autre mesure quelle qu’elle soit (satisfaction sexuelle, temps de latence éjaculatoire, durée de l’érection, fréquence mictionnelle, taille du sujet, poids, etc.). Il en serait vraisemblablement tout autrement en cas de groupes pathologiques et, notamment chez des patients avec neuropathie périphérique. Il faut cependant noter que l’objectif principal de l’étude était de déterminer des valeurs normales et la reproductibilité des temps de latence éjaculatoire chez les sujets normaux, ce qui a été parfaitement réalisé. M. Fader, S. Glickman, V. Haggar, R. Barton, R. Brooks, J. Malone-Lee Instillation intravésicale d’atropine dans l’hyperactivité détrusorienne : étude randomisée en double insu. Intravesical atropine compared to oral oxybutynin for neurogenic detrusor overactivity: a double blind, randomized crossover trial. J Urol 177: 208-13, January 2007 Résumé : Il s’agit d’une étude ayant évalué l’efficacité d’une injection intravésicale d’atropine comparée à un traitement oral par oxybutinine dans l’hyperactivité détrusorienne de patients souffrant de sclérose en plaques. Cinquante-sept sujets ont été inclus (âge moyen 51 ans). Ils recevaient un traitement de 14 jours, soit avec de l’oxybutinine par voie orale, soit une instillation intravésicale d’atropine puis les traitements étaient intervertis (Crossover). L’efficacité a été jugée sur un calendrier mictionnel avec comme critère principal la capacité vésicale. La dose d’atropine était de 6 mg 4/j (diluée dans 20 ml de sérum salé à 0,9 %). L’oxybutinine était donné à dose de 5 à 20 mg. L’augmentation moyenne de la capacité vésicale était de 55,5 ml pour l’oxybutinine versus 79,6 ml pour l’atropine. Il n’existait en revanche pas de différence significative dans les épisodes d’incontinence entre les deux groupes ou en ce qui concerne la fréquence mictionnelle. Les effets secondaires et, notamment la sécheresse buccale était moindre dans le groupe atropine. Commentaires : Cette étude démontre l’efficacité de l’injection intravésicale d’atropine dans le contrôle des hyperactivités détrusoriennes. L’instillation intravésicale d’anticholinergiques n’est pas nouvelle. Il pourrait s’agir d’une thérapeutique alternative en cas d’hyperactivité détrusorienne rebelle avant d’autres solutions de type neuromodulation des racines sacrées ou injection intradétrusorienne de toxine botulique. On n’a cependant pas la notion d’amélioration urodynamique, deuxième élément de réponse indispensable après la qualité de vie dans la décision d’un traitement pour l’hyperactivité du détrusor.