pelvi~ périnéologie - sifud-pp

Transcription

pelvi~ périnéologie - sifud-pp
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
S O M M A I R E
VOLUME
ISSN 1778-3712
ÉDITORIAL
2
•
NUMÉRO
VIE DES SOCIÉTÉS
Vers un « déchocage » de nos disciplines
en pelvi-périnéologie ............................... 1
B. Deval
ARTICLES SCIENTIFIQUES
ARTICLES ORIGINAUX
Prolift®
Du TVM au
(Gynecare) : évolution
d’une technique de renfort prothétique
pour la cure de prolapsus par voie vaginale
à propos d’une série multicentrique
rétrospective de 794 patientes (684 TVM/
110 Prolift®)........................................... 3
J. Amblard, M. Cosson,
C. Dabadie-Louasil, P. Debodinance,
B. Fatton , B. Jacquetin
Propriétés pharmacologiques de
l’oxybutynine sur la fonction vésicale
chez la souris........................................ 12
A. Deba, P. Lluel, S. Polea
Transobturator Tape (TOT) en chirurgie
ambulatoire et sous anesthésie locale :
étude rétrospective sur un échantillon
de 84 patientes..................................... 20
G. Rathat, C. Defez , C. Courtieu
MISES AU POINT
Varices pelviennes symptomatiques :
diagnostic et traitement......................... 27
M. Greiner
Modélisation de la cavité pelvienne........ 33
M. Boukerrou, C. Rubod, N. Coutty,
M. Brieu, P. Dubois, M. Cosson
CAS CLINIQUE
L’insuffisance sphinctérienne congénitale
isolée : une cause exceptionnelle
d’incontinence urinaire d’effort
de l’enfant ............................................ 42
E. Leveau, L. Le Normand, J.-M. Buzelin,
J.-J. Labat, P. Glemain, O. Bouchot,
J. Rigaud
Histoire de l’urodynamique .................... 46
J. Susset
FORMATION MÉDICALE
FOCUS
L’approche urodynamique est-elle
toujours indispensable dans la décision
thérapeutique ? ..................................... 48
J.-M. Buzelin
DOSSIER THÉMATIQUE
Névralgies pudendales
coordonné par G. Amarenco et J.-J. Labat
Histoire de la névralgie pudendale :
une douleur presque
sans... fondement ! ............................... 54
G. Amarenco
Anatomophysiologie
des algies pudendales ........................... 58
R. Robert, Y. Beaudic , O. Hamel,
M. Khalfallah , J.-J. Labat, T. Riant
Critères diagnostiques d’une névralgie
pudendale (Critères de Nantes).............. 65
J.-J. Labat, T. Riant, R. Robert,
G. Amarenco, J.-P. Lefaucheur, J. Benaïm,
R. De Tayrac, J.-P. Galaup, M. Guérineau,
M. Khalfallah, A. Lassaux, M. Le Fort,
J.-P. Lucot, B. Rabischong, J. Rigaud,
L. Siproudhis, M.-C. Arné-Bès,
V. Bonniaud, K. Charvier, P. Dumas,
A.-G. Herbault, E. Lapeyre, A.-M. Leroi,
D. Prat Pradal, J.-M. Soler, M.-F. Testut,
P. Raibaut, M.-C. Scheiber-Nogueira,
C. Thomas
Autoquestionnaire d’évaluation
de la névralgie pudendale ...................... 71
T. Riant, M. Guérineau, J.-J. Labat,
J. Rigaud , R. Robert
1
•
MARS
2007
Quelle est la place de l’examen
électroneuromyographique dans le
diagnostic des névralgies pudendales
liées à un syndrome canalaire ? ............. 73
J.-P. Lefaucheur, J.-J. Labat,
G. Amarenco, A.-G. Herbaut,
D. Prat-Pradal, J. Benaim, B. Aranda,
M.-C. Arne-Bes, V. Bonniaud,
P.-M. Boohs, K. Charvier,
F. Daemgen, P. Dumas, J.-P. Galaup,
S. Sheikh Ismael, J. Kerdraon,
P. Lacroix, D. Lagauche, E. Lapeyre,
M. Lefort, A.-M. Leroi, R.-J. Opsomer,
B. Parratte, J.-G. Prévinaire, P. Raibaut,
J.-Y. Salle, M.-C. Scheiber-Nogueira,
J.-M. Soler, M.-F. Testut, C. Thomas
Blocs anesthésiques pudendaux dans
le cadre de la névralgie pudendale
par entrapment : indications,
techniques, interprétation...................... 78
T. Riant, J.-J. Labat, R. Roger,
M. Guerineau
Chirurgie de la névralgie pudendale
par voie transglutéale ............................ 86
M. Khalfallah, J.-J. Labat, R. Robert,
T. Riant, M. Guérineau, R. Richardson,
C. Deschamps
PRATIQUE MÉDICALE
Le blessé médullaire :
quelle sexualité ? .................................. 92
J.-C. Colombel
Évaluation urodynamique des résistances
urétrales chez la femme ........................ 99
J.-F. Hermieu
REVUE DE PRESSE
G. Amarenco ...................................... 105
copyright.qxp
19/03/07
17:36
Page 1
Abonnements
Le volume 2 (4 numéros) paraît en 2007,
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
COPYRIGHT
Pelvi-périnéologie couvre l’ensemble de la pelvi-périnéologie et s’intéresse particulièrement
à l’incontinence urinaire, aux troubles fonctionnels pelvi-périnéaux, aux explorations
urodynamiques et plus généralement, aux explorations périnéales (imagerie, neurophysiologie, etc.), aux troubles ano-rectaux, et aux troubles génito-sexuels.
Cette revue multidisciplinaire comprend des articles originaux faisant part des différentes
avancées dans ces différents domaines et aussi des articles de synthèse, de formation,
d’enseignement et de pratique.
Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la société savante SIFUD PP ; la revue s’adresse en
priorité aux médecins de médecine physique et de réadaptation s’intéressant aux explorations
urodynamiques, aux urologues, gynécologues, chirurgiens viscéraux hysto-pelviens,
coloproctologues, sexologues, infirmières impliquées dans les explorations périnéales,
kinésithérapeutes, sages-femmes, aux gastro-entérologues et à l’industrie pharmaceutique.
Copyright
Ne peuvent être présentés au comité de rédaction que des manuscrits n’ayant pas été
simultanément présentés ailleurs, n’ayant pas déjà été publiés ou n’étant pas en cours
de publication. En présentant un manuscrit, les auteurs s’engagent à déléguer à la maison
d’édition, à partir du moment où l’article est accepté, le copyright de celui-ci, les droits
de reproduction photographique, en microforme ou par tout autre moyen, de traductions
et de tirage à part compris. L’autorisation de l’éditeur est nécessaire pour toute reproduction,
photographique, en microforme ou par un autre moyen, du texte, des illustrations
ou des tableaux.
Bien que les conseils et informations donnés dans ce périodique soient censés être vrais
et exacts au moment de la mise sous presse, les auteurs, les rédacteurs et la maison d’édition
n'assument aucune responsabilité quant aux erreurs et omissions qui pourraient se produire.
La maison d’édition ne peut donner aucune garantie, explicite ou implicite, quant au contenu
de chaque numéro. La rédaction du journal rappelle que les opinions exprimées
dans les articles ou reproduites dans les analyses n’engagent que les auteurs.
Les instructions aux auteurs sont consultables sur le site Fontis,
à l’adresse suivante :
http: //springer.fontismedia.com/pel/
Individual rates / Tarif individuel : 120,00 €
Institutional rates / Tarif institutionnel : 226,20 €
Single Issue / achat au numéro : 56,55 €
Un tarif préférentiel est accordé aux membres
de la SIFUD PP ayant payé leur cotisation.
Frais d’envoi compris, par voie de surface.
Les bulletins d’abonnement doivent être adressés à
votre libraire ou à :
Springer-Verlag France
Service Abonnements
Abocom
Journal 11608
26, boulevard Paul-Vaillant-Couturier
94851 Ivry-sur-Seine, France
Tél.: (0)1 49 60 10 42 - Fax : (0)1 49 60 10 55
Amérique du Nord :
Les bulletins d’abonnement sont à adresser à :
Springer New York, Journal Fulfillment
P.O. Box 2485
Secaucus, NJ 07096, USA
Tél. : 1-800-SPRINGER or +1-201-348-4033
Fax : +1-201-348-4505
e-mail : [email protected]
Changements d’adresses
En cas de changement d’adresse de l’abonné,
la livraison du numéro suivant sera retardée d’environ
six semaines. En informant le service d’abonnement
concerné de ce changement, l’abonné est prié
d’indiquer à la fois son ancienne
et sa nouvelle adresse (avec le code postal).
Rédacteur en chef
Gérard Amarenco
Hôpital Rothschild
33, boulevard de Picpus,
75271 Paris cedex 12
Soumission des articles en ligne :
Site web : http://springer.fontismedia.com/pel/
Édition – Promotion
Springer-Verlag France
Pelvi-périnéologie
22, rue de Palestro, F-75002 Paris, France
Tél. : +33 (0)1 53 00 98 60, Fax : +33 (0)1 53 00 98 61
e-mail : [email protected]
Directeur de publication
Guido Zosimo-Landolfo
Responsable d’édition : Méline Berthelot
e-mail : [email protected]
Secrétariat de rédaction : Anne Desmortier
e-mail : [email protected]
Publicité et partenariats : K. Pech
assistée par I. Fauveau
Tél. : +33 (0)1 53 00 98 73/74
e-mail : [email protected]
e-mail : [email protected]
Chef de projets partenariats : Sylvie Fillettaz
e-mail : sylvie.fi[email protected]
Impression Jouve (Paris, France)
D.L. 2007 - N° 63862
Ownership and Copyright
© Springer-Verlag France 2007
CPPAP : 0608T 88082
Imprimé en France
Numéro de revue : 11608
ISSN version papier : 1778-3712
ISSN version électronique : 1778-3720
Springer is a part of Springer Science+Business Media
springeronline.com
Pelv Perineol (2007) 2: 1–2
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0109-1
ÉDITORIAL / EDITORIAL
Vers un « déchocage » de nos disciplines en pelvi-périnéologie
B. Deval
Maternité régionale, 10, rue du Docteur-Heydenreich, F-54000 Nancy, France
Notre champ diagnostique et thérapeutique est actuellement réduit au programme cloisonné de nos
disciplines. Notre activité nous conduit à une répétitivité des conduites diagnostiques et des actes, alors
que la pelvi-périnéologie, exemple de multidisciplinarité, devrait étendre notre niveau de pratique.
Sommes-nous limités dans notre niveau d’activité ? Existe-t-il une réelle application de la multidisciplinarité en pelvi-périnéologie en France ? L’hyperspécialiste est-il le garant de l’efficacité du geste ? Vers
quelle formation devons-nous tendre ? Si nous optons pour une rupture des barrières de spécialité, notre
champ d’action rendrait-il notre discipline plus attractive ? Devons-nous privilégier la multifonctionnalité
ou la multidisciplinarité ?
État des lieux
Prenons quelques exemples :
le docteur H., urologue diplômé, souhaite, dans le cadre de son activité chirurgicale, traiter un
prolapsus génito-urinaire. L’une des recommandations de la conservation utérine est de s’assurer par le
biais d’une hystéroscopie diagnostique qu’il n’existe pas de lésion bénigne ou précancéreuse utérine contreindiquant tout geste de conservation. Or le docteur H. n’a pas l’habilitation pour effectuer l’endoscopie
utérine, son activité est donc limitée par un défaut d’attribution de compétences ;
le docteur L. est médecin neurorééducateur reconnu dans sa discipline. Il suit les femmes
incontinentes et connaı̂t parfaitement cette pathologie. Il en effectue le bilan régulièrement ; malheureusement, son champ de compétence s’arrête à l’établissement du diagnostic. Il se voit donc dans l’obligation
de passer la main pour des gestes de première intention (obturateurs urétraux, injection d’acide
hyaluronique ou autres) qu’il pourrait lui-même réaliser ;
le docteur S. est coloproctologue, il s’intéresse aux troubles de la statique pelvi-périnéale ; son métier
est d’en faire le diagnostic et le traitement. Il suit une femme souffrant d’une incontinence urinaire et anale.
Il pourra assurer la réparation du sphincter anal mais sera limité dans le traitement chirurgical de son
incontinence urinaire ;
enfin, le docteur P., gynécologue, lui aussi s’intéresse aux troubles de la statique pelvienne. Il connaı̂t le
mode de traitement des vessies hyperactives ou des cystites interstitielles. Habitué à effectuer des gestes de
réparation de statique pelvienne, il aimerait que son champ de compétence puisse s’étendre à l’injection
endoscopique de toxine, la mise en place de neuromodulateurs sacrés ou prescrire l’Elmiron®.
Ces quatre exemples illustrent la réalité de notre pratique, le passage de témoin est facilité dans des
centres d’hyperspécialistes, il n’est pas sûr qu’à distance de ces centres, l’application de la multidisciplinarité
soit d’une application aisée.
L’aspect multidisciplinaire de la pelvi-périnéologie est actuellement incontournable, cependant nous
n’avons, à l’heure actuelle, aucune information sur son application en France. Il n’est pas certain que la
majorité des centres de CHU, riches d’internes de spécialité, de médecins hospitaliers plein temps ou de
médecins hospitalo-universitaires fonctionnent en interactivité avec d’autres disciplines. Quant aux CHR ou
centres d’activité libérale, la multidisciplinarité y reste dépendante des connexions humaines et de
disponibilité.
Courbe d’apprentissage, répétitivité et sécurité
La répétitivité d’un geste en garantit-elle la sécurité ? Il existe de nombreuses publications sur la courbe
d’apprentissage, elles définissent un nombre limité de gestes, permettant de déterminer un « cut-off » de
2
dangerosité et d’efficacité. Cet aspect rationnel nous conduirait à penser qu’au-delà d’un nombre prédéfini
de procédures, le risque de complications serait de zéro, le pourcentage de patient(e)s guéri(e)s serait
de 100 %. Or, il n’en est rien : il existe quel que soit l’opérateur un facteur d’échec en termes de morbidité
et d’efficacité, la garantie du résultat est sûrement dépendante de l’opérateur, mais pas seulement. C’est en
ce sens que la multifonctionnalité pourrait ouvrir une nouvelle voie à notre pratique et à l’application
clinique de la pelvi-périnéologie.
Vers une modification de la maquette d’enseignement
Prenons l’exemple de la gynécologie. Outre-Manche, outre-Atlantique, l’interne de spécialité en gynécologie suit
pendant ses deux premières années un tronc commun. Une fois ses années passées, il doit faire un choix en
fonction de ses appétences. Il devient alors spécialiste en oncologie, en procréation médicalement assistée, en
diagnostic prénatal, en pelvi-périnéologie. M. Fynes, chef de service de chirurgie de reconstruction pelvi-périnéale,
du Saint-Georges Hospital à Londres, s’étonne à chacune de nos rencontres de notre mode de formation et de
pratique, surprise que nous puissions prétendre être spécialistes de pelvi-périnéologie, si dans notre activité
clinique nous soignons pêle-mêle des femmes infertiles, cancéreuses ou porteuses de grossesse ? Alors peut-être
faut-il s’inspirer du mode de fonctionnement anglo-saxon privilégiant la surspécialité et abandonner l’aspect
« généraliste » de notre formation et de notre pratique. Si la volonté affichée est effectivement de tendre vers un
décloisonnement de nos disciplines, osons définir des terrains de stage une fois l’étudiant décidé à prendre les
rênes de notre pratique.
À l’heure d’une raréfaction des internes de spécialité en chirurgie digestive et en gynécologie obstétrique,
cette extension pourrait rendre une attractivité certaine aux disciplines déchues. Nous sommes quelquesuns à penser qu’il faut tendre vers ce décloisonnement et vers une multicompétence puisque la
multidisciplinarité connaı̂t ses limites et ses interrogations. Il est insuffisant d’espérer pour être novateurs,
osons mettre en pratique nos convictions et donnons une véritable image de progrès et d’évolutivité.
Pelv Perineol (2007) 2: 3–11
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0100-x
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Du TVM au Prolift® (Gynecare) : évolution d’une technique
de renfort prothétique pour la cure de prolapsus par
voie vaginale à propos d’une série multicentrique
rétrospective de 794 patientes (684 TVM/110 Prolift®)
J. Amblard 1 , M. Cosson 2 , C. Dabadie-Louasil 1 , P. Debodinance 3 , B. Fatton 1 , B. Jacquetin 1
1
2
3
CHU Clermont-Ferrand, Maternité Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand
CHU de Lille, Hôpital Jeanne-de-Flandre, 2, avenue Oscar-Lambret, 59000 Lille
Hôpital général de Dunkerque, 130, avenue Louis-Herbeaux, 59240 Dunkerque
Résumé : Objectif : Apprécier les résultats à court terme
du traitement du prolapsus par voie vaginale avec le
dispositif Prolift® (Gynecare) en les comparant aux
résultats obtenus avec l’étude de faisabilité de la
technique « TVM » (Trans Vaginal Mesh) le précédant.
Maté riel et mé thodes : Il s’agit d’un travail rétrospectif étudiant les résultats de l’évolution d’une
technique de sa conception jusqu’à l’utilisation d’un
dispositif chirurgical finalisé. De novembre 2002 à
décembre 2004, 684 patientes au sein de sept centres
ont été opérées avec la technique TVM au cours de sa
phase d’évaluation. Depuis mars 2005, avec l’apparition
du dispositif Prolift®, les 110 premières patientes opérées
dans trois centres sont colligées et leurs résultats sont
comparés à ceux préalablement obtenus. Toutes les
patientes incluses ont au moins un élément de prolapsus
de degré 3 (à la vulve) en préopératoire. Dans le groupe
TVM, 16,7 % avaient un antécédent chirurgical de cure
de prolapsus, 24,3 % présentaient un antécédent d’hystérectomie ; le suivi moyen était de 3,6 mois (2-18). Dans
le groupe Prolift : 22 patientes (20 %) ont un ou
plusieurs antécédents de chirurgie pour prolapsus, 31
patientes (28,1 %) ont un antécédent d’hystérectomie ; le
recul est de trois mois minimum. Dans tous les cas,
l’intervention consiste en la mise en place d’un treillis
prothétique de polypropylène monofilament tricoté par
voie vaginale (soft Prolene® [Gynecare]) : la prothèse
antérieure est prolongée de quatre bras passés par voie
transobturatrice, la prothèse postérieure est prolongée de
deux bras qui sont fixés au ligament sacroépineux ou
passés à travers par voie transglutéale. Pour le groupe
TVM, 15,8 % des patientes ont bénéficié d’une cure de
prolapsus par prothèse antérieure seule, 14,8 % par
Correspondance : E-mail : [email protected]
prothèse postérieure seule, 69,4 % par prothèse antéropostérieure. Dans le groupe Prolift, on retrouve 20 % de
prothèse antérieure isolée, 26,3 % de prothèse postérieure, 53,6 % de prothèse totale (antérieur + postérieur).
Ré sultats : Les taux de complications semblent légèrement inférieurs dans le groupe Prolift : peropératoires
0,9 contre 2,05 %, et postopératoires 1,8 contre 2,63 %.
Le taux global d’érosion apparaı̂t également inférieur à
trois mois avec le dispositif final, il passe de 11,3 à 4,7 %.
Cependant, 50,3 % des patientes avaient bénéficié d’une
hystérectomie simultanément à la cure de prolapsus lors
de la phase d’évaluation alors qu’à présent le choix de la
conservation utérine est fait dans 81 % des cas. Le taux
d’échec défini par la récidive d’un prolapsus symptomatique et/ou de degré 3 (à la vulve) ou quatre (extériorisé),
quant à lui, est également meilleure passant de 5,3 %
(36 récidives) à 4,7 % (5 cas).
Conclusion : Ces résultats préliminaires de la technique Prolift dans la cure de prolapsus par voie vaginale
confirment la faisabilité et la faible morbidité per- et
postopératoire immédiate de la technique TVM initialement décrite. L’emploi d’un dispositif adapté semble
améliorer ses résultats. Le taux d’exposition prothétique
est maintenant très réduit, inférieur à 5 %, proche de
celui rapporté après promontofixation. Les résultats sur la
statique pelvienne semblent encourageants avec un risque
de récidive également inférieur à 5 %. Ces résultats devront
maintenant être évalués avec un recul plus important et
comparés aux autres techniques comme la promontofixation au sein d’études randomisées.
Mots clés : Complications – Exposition prothétique –
Prolapsus urogénital – Prolift® – récidive – TVM
4
From TVM to Prolift® (Gynecare): the development
of a technique for the treatment of pelvic prolapse
by vaginal route using a prosthetic support,
based on a multicenter, retrospective study
of 794 patients (684 TVM/110 Prolift)
Abstract: Objective: To assess the short-term outcomes of
the treatment of pelvic prolapse by vaginal route with
the Prolift ® (Gynecare) device, by comparing the
outcomes with those of a previous feasibility study of
the transvaginal mesh (TVM) technique.
Materials and methods: This is a retrospective study
assessing the results of the development of a surgical
technique, from its design to its final use as a surgical
device. From November 2002 to December 2004, 684
patients in seven medical centres underwent TVM
surgery during the technique’s evaluation phase. Starting
with the release of the Prolift device in March 2005, the
outcomes of the first 110 patients treated were combined
and compared to previously recorded cases. All the
patients had at least one manifestation of preoperative,
third-degree pelvic prolapse (to the vulva). In the TVM
group, 16.7% had undergone previous prolapse surgery,
and 24.3% had had a hysterectomy; the average follow-up
was 3.6 months (2-18). In the Prolift group, 22 patients
(20%) had had one or more surgical interventions for
prolapse, while 31 (28.1%) had undergone a hysterectomy; the follow-up was a minimum of three months. In
all cases, the procedure consisted in inserting a knitted,
polypropylene, monofilament mesh implant by vaginal
route (soft Prolene® from Gynecare): the anterior
implant has four strap-like extension arms positioned
through the transobturator route, while the posterior
implant has two extension arms that are attached to the
sacrospinatus ligament or positioned using the transgluteal approach. In the TVM group, 15.8% of the
patients received an anterior implant alone, 14.8% a
posterior implant alone, and 69.4% both anterior and
posterior. In the Prolift group, 20% received the anterior
implant alone, 26.3% the posterior alone, and 53.6% both.
Results: The rate of complications was slightly lower
in the Prolift group-0.9% peroperative compared to
2.05%, and 1.8% postoperative compared to 2.63%. At 3
months, the overall rate of erosion also appeared lower;
with the final implant device, it dropped from 11.3% to
4.7%. Nonetheless, during the evaluation phase, 50.3%
of the patients received a hysterectomy at the same time
as the prolapse treatment, although conservation of
the uterus is currently the choice in 81% of cases. The
failure rate, determined by the recurrence of symptomatic and/or third- (to the vulva) or fourth-degree
(protrusion) prolapse, was also lower, dropping from
5.3% (36 recurrences) to 4.7% (5 recurrences).
Conclusion: These preliminary results of using the
Prolift technique to treat pelvic prolapse by vaginal route
confirm the feasibility and low peroperative and post-
operative morbidity immediately following the TVM first
described. The use of an adapted device appears to
improve the outcome. The rate of exposure of the mesh
device is now much lower, less than 5% and similar to
that reported after promontofixation. The results regarding pelvic statics are encouraging, demonstrating a less
than 5% risk of recurrence. The results must now be
assessed over a longer period of time and compared to
other techniques, such as promontofixation, through
randomized studies.
Keywords: Complications – Implant exposure – Urogenital
prolapse – Prolift® – Recurrence – TVM
Introduction
Le prolapsus des organes pelviens de la femme est un
trouble de la statique pelvi-périnéale fréquent. Il constitue
un véritable problème de santé publique notamment en
terme de prise en charge. Aux États-Unis, le risque pour
une femme de développer une IUE ou un prolapsus
génital est évalué entre 9 et 11,1 % [1,2]. Par ailleurs, la
chirurgie des troubles du prolapsus est exposée à un
risque important d’échecs : près de 30 % d’entre elles
nécessiteraient la réalisation de multiples interventions
pour prolapsus [2-4]. D’ailleurs, l’enquête observationnelle prospective de Clark [5] qui concerne 376 femmes
opérées de prolapsus et d’incontinence urinaire suivies
pendant cinq ans, révèle que 13 % des patientes sont
réopérées dans les 71 mois et pour Whiteside [6], 58 %
des patientes opérées de prolapsus présenteront une
récidive au contrôle à un an. L’utilisation de tissus natifs
souvent de qualité insuffisante serait souvent la cause
d’une grande majorité des échecs des procédures
chirurgicales traditionnelles [7].
La promontofixation avec interposition d’un treillis
prothétique antérieur et postérieur semble être le gold
standard dans la prise en charge des prolapsus du dôme
vaginal avec notamment l’apport de la cœlioscopie [4,8],
néanmoins les dernières publications et notamment l’étude
prospective randomisée de C. Maher [9-11] rapportent des
résultats comparables au niveau de la statique de l’étage
moyen avec la sacrospinofixation par voie vaginale. La
réparation du prolapsus de l’étage antérieur en revanche
reste le point faible de la chirurgie vaginale avec un taux de
récidive de cystocèle variant en moyenne de 30 à 50 % selon
les techniques, les reculs et les auteurs....
Si par le passé, seuls quelques chirurgiens vaginalistes
ont eu recours à un renforcement prothétique pour
optimiser les résultats anatomiques avec des résultats
peu convaincants [12], depuis 1996, suite aux bons
résultats et surtout la bonne tolérance du TVT [13], de
plus en plus d’opérateurs ont décrit des techniques
utilisant de tels matériaux. De nombreuses publications
font part de larges plaques synthétiques utilisables par
voie vaginale employées pour renforcer et/ou se substi-
5
tuer aux tissus natifs déficients. C’est dans cet état
d’esprit qu’en juin 2000 naissait le groupe « TVM »
constitué d’un groupe de neuf chirurgiens gynécologues,
intéressés par la statique pelvienne. Leur objectif était
d’aboutir à la mise au point d’un matériel et de la
standardisation d’une technique de cure chirurgicale du
prolapsus urogénital par la voie vaginale.
Cette technique TVM (Tension free Vaginal Mesh)
publiée en 2004 [14] correspond à une intervention
standardisée et reproductible, intégrant certains des acquis
fondamentaux de la chirurgie vaginale : les données
anatomophysiopathologiques modernes bien décrites par
JOL Delancey, la fiabilité de la sacrospinofixation, la bonne
tolérance du polypropylène par voie vaginale, l’innocuité de
la voie transobturatrice [15] et de la voie transglutéale [16].
Elle a d’abord fait l’objet d’une phase d’évaluation de cinq
ans avant d’être secondairement améliorée puis commercialisée sous le label « Prolift ».
Le but de ce travail est de comparer les résultats
préliminaires de cette technique actuellement finalisée à
ceux obtenus dans la phase d’évaluation en espérant
confirmer la faisabilité et la faible morbidité en termes de
complications per et postopératoires en les rapportant
aux résultats anatomiques précoces obtenus.
Matériel et méthodes
De novembre 2002 à décembre 2004, 684 patientes dans sept
centres différents (Brive-la-Gaillarde, Clermont-Ferrand,
Dunkerque, Lille, Nice, Rouen, Strasbourg) ont été opérées
avec la technique TVM au cours de sa phase d’évaluation.
En mars 2005, le dispositif Prolift® (Gynecare) est
commercialisé ; les 110 premières patientes opérées à l’aide
de celui-ci dans seulement trois des précédents centres
(maternité de l’hôtel-Dieu du CHU de Clermont-Ferrand,
hôpital Jeanne-de-Flandre du CHU de Lille, et hôpital
général de Dunkerque) sont donc colligées pour que leurs
résultats soient comparés à ceux préalablement obtenus. Le
consentement des patientes est obtenu verbalement avant
l’intervention après une description loyale et détaillée de la
technique, de ses risques et de ses bénéfices escomptés.
Dans les deux groupes, toutes les patientes bénéficient
d’une évaluation préopératoire complète incluant un interrogatoire spécifique, un examen clinique et un examen
cytobactériologique des urines. Le bilan urodynamique était
effectué en fonction des habitudes de chaque centre et de
façon systématique lorsque la patiente présentait des
troubles urinaires. De même, des examens d’imagerie
(échographie pelvienne ou IRM abdominopelvienne) pouvaient être demandés afin de confirmer ou d’affiner le
diagnostic. Le stade du prolapsus est évalué en position
couchée lors d’une manœuvre de Valsalva et est exprimé
selon la classification française en quatre stades : le stade 1
désigne un prolapsus qui atteint le premier tiers du vagin, le
stade 2 un prolapsus qui atteint le deuxième tiers du vagin, le
stade 3 un prolapsus à la vulve et le stade 4 un prolapsus
extériorisé. Toutes les patientes de l’étude ont au moins un
élément de prolapsus au stade 3 ou 4. Elles bénéficient d’une
estrogénothérapie locale deux à trois mois avant la chirurgie.
La patiente est placée en position gynécologique, les jambes
fléchies à environ 90 . Un badigeonnage soigneux du champ
opératoire est réalisé en début de procédure, de même qu’un
examen cytobactériologique des urines. Une sonde vésicale
est laissée en place pendant toute l’intervention et conservée
24 heures après la chirurgie. Une antibioprophylaxie
peropératoire est systématique mais n’est pas poursuivie
sauf circonstances particulières.
Les interventions sont réalisées selon une technique
standardisée (TVM ou Prolift) sous anesthésie générale ou
locorégionale. Selon les données des évaluations pré- et
peropératoire, des gestes complémentaires sont réalisés
dans le même temps opératoire si nécessaires, tels qu’une
hystérectomie vaginale, une sacrospinofixation, une réparation postérieure ou le traitement d’une IUE... L’évaluation
postopératoire comprend un interrogatoire détaillé et un
examen clinique : un recul minimum de trois mois est
imposé. La ré cidive de prolapsus est définie par la
constatation d’un élément de prolapsus au stade 3 ou 4
dans les conditions classiques d’examen même si la
patiente est asymptomatique. Un é chec est défini soit par
la constatation d’une récidive soit par l’existence d’un
prolapsus symptomatique quel que soit son stade.
Technique chirurgicale
Les patientes du premier groupe ont toutes été opérées
selon la technique opératoire standardisée « TVM »
utilisant une prothèse de polypropylène monofilament
microporeuse à faible grammage, le Soft Prolene®
Fig. 1. Prototype TVM
6
Fig. 2. Kit Prolift (Gynecare®)
(Gynecare), découpée en peropératoire selon un gabarit
standard dans une plaque de 10 cm 15 cm dans les
premiers temps puis prédécoupée en usine en fin d’étude
(Fig. 1). Les patientes du deuxième groupe ont toutes
bénéficié du kit Prolift® (Gynecare) associant une
prothèse de Soft Prolene prédécoupée et un dispositif
de pose à usage unique (Fig. 2) ; ce dispositif spécifique
(canules, aiguilles, dispositif de retrait) a été conçu pour
faciliter le passage des bras prothétiques à travers les
tissus, réduire les risques de déchirure des structures
musculaires et ligamentaires traversées et permettre un
placement optimal de la prothèse [17]. Dans les deux cas,
la dissection préalable à la pose est équivalente, bien que
moins invasive dans le groupe Prolift du fait des
tunneliseurs limitant l’utilisation des valves.
Dans tous les cas, la prothèse pouvait être utilisée :
– de façon monobloc (Fig. 3), en cas d’antécédent
d’hystérectomie ou d’hystérectomie associée, la partie
intermédiaire de la prothèse étant positionnée en arrière
de l’apex vaginal (les ligaments utérosacrés ou les
ligaments cardinaux peuvent être interposés entre le
treillis et le vagin pour réduire les risques d’exposition) ;
– en deux parties pour une cure complète avec
conservation utérine ;
– ou n’utilisant uniquement que la prothèse adaptée
(antérieure ou postérieure) en cas de réparation isolée.
La partie antérieure de la prothèse présente quatre bras
latéraux passés par voie transobturatrice, en s’inspirant de la
technique décrite par Delorme [15]. La partie postérieure de la
prothèse présentait, quant à elle, deux bras latéraux amarrés
aux petits ligaments sacrosciatiques ou passés à travers ceuxci, par la voie transglutéale décrite par Petros [18].
La cure de cystocèle débute par une infiltration de
Xylocaı̈ne® adrénalinée à 2 %, diluée à 50 % dans du
sérum physiologique permettant une hydrodissection de
la paroi vaginale et de la paroi vésicale. La colpotomie
est transversale avec dissection vésicale à rétro en cas
d’hystérectomie concomitante, sinon médiane remontant
Fig. 3. Prothèse Prolift monobloc
Fig. 4. Prothèse antérieure en place
jusqu’à 2 cm du col vésical dans les autres cas. La dissection
est étendue latéralement en prenant soin de laisser le fascia
pubovésical de Halban adhérent au vagin pour limiter les
risques d’exposition du treillis ; elle réalise une ouverture
large des fosses paravésicales dégageant tout le trajet de l’arc
tendineux du fascia pelvien (ATFP) du pubis à l’épine
sciatique. C’est par là que les quatre bras de prothèse
antérieure seront passés, puisque le pédicule obturateur est
largement à distance : ce dernier longe en effet la branche
iliopubienne [19]. On incise ensuite la peau au niveau des
futurs orifices de sortie des bras de la prothèse au niveau des
plis génitocruraux : deux orifices à hauteur du méat urétral
et deux orifices plus externes de 1 et 2 cm plus postérieurs.
Pour le groupe TVM, la vessie est réclinée vers la ligne
médiane à l’aide d’une valve de Breisky, l’aiguille de Emmet
perfore de l’extérieur vers l’intérieur l’aponévrose obturatrice, sous contrôle de l’index de la main opposée introduit
dans la fosse paravésicale homolatérale. Les bras de la
7
prothèse sont ensuite passés dans son chas puis tractés vers
l’extérieur. Les bras postérieurs de la prothèse antérieure
passant en avant des épines sciatiques. Pour le groupe
Prolift, les guides munis des canules vont alors perforer les
structures musculoaponévrotiques puis l’ATFP à 1 cm de son
extrémité distale pour les bras superficiels et 1 à 2 cm en
avant de l’épine sciatique pour les bras profonds ; le guide est
ensuite retiré et le dispositif de récupération est glissé à
l’intérieur de la canule pour permettre le passage des bras
prothétiques. La prothèse est ensuite étalée devant la vessie
par traction douce sur ses bras en « tension free » (Fig. 4).
Si l’hystérectomie n’est pas réalisée simultanément, la partie
postérieure de la prothèse doit être amarrée à l’isthme utérin
par un point non résorbable. Il n’est pas réalisé de
colpectomie et le vagin est refermé par un surjet de
monofilament résorbable.
La cure d’élytrorectocèle débute de même par une
infiltration première de l’espace sous-vaginal par une
solution vasoconstrictive diluée pour faciliter la dissection
entre paroi vaginale et rectale, et réduire les saignements.
La colpotomie peut être médiane ou la dissection à rétro à
partir de la colpotomie transversale initiale et d’une contreincision transversale périnéale. La dissection se poursuit
par l’ouverture de part et d’autre du rectum des fosses
pararectales jusqu’à dégager le ligament sacroépineux. La
peau est incisée au niveau des orifices de sortie des bras de
la prothèse postérieure à 3 cm en dehors de la ligne
médiane et 3 cm en arrière d’une ligne horizontale passant
par le bord antérieur de l’anus. Dans le groupe TVM, une
aiguille type Cousin est introduite par l’incision fessière de
l’extérieur vers l’intérieur, sous contrôle du toucher par
l’index de la main opposée, introduit dans la fosse
pararectale homolatérale par voie transglutéale, elle transfixie le ligament sacroépineux dans sa partie médiane. Les
bras de la prothèse sont ensuite passés dans son chas puis
tractés vers l’extérieur sous contrôle d’une à plusieurs
valves. Dans la série Prolift, c’est le tunneliseur qui est
employé de la même façon, l’aiguille est retirée une fois le
ligament perforé pour laisser place au récupérateur qui
permet d’extérioriser la prothèse dans le tunneliseur
protégeant ainsi les parties molles du risque de lacération
lors du réglage de la tension par un effet « poulie » : tout ce
geste est réalisé sous contrôle palpatoire et ne nécessite pas
de valves. Il est à noter que dans les deux groupes une
fixation directe au ligament, équivalent d’un « Richter »,
pouvait être réalisée (rarement usitée dans le groupe
Prolift). La prothèse est étalée sans tension au-dessus du
plan rectal, les bords latéraux étant appuyés contre la face
supérieure des muscles élévateurs de l’anus (Fig. 5). De la
même façon qu’en avant, en cas de conservation utérine, la
prothèse est fixée à la face postérieure de l’isthme utérin par
un fil non résorbable. Il n’est pas réalisé de colpectomie et
le vagin est refermé par un surjet simple au fil résorbable.
Dans tous les cas, en fin d’intervention, un toucher rectal
contrôle la tension du treillis postérieur et vérifie l’intégrité
du rectum.
En cas d’antécédent d’hystérectomie la prothèse est
mise en place de façon monobloc. La partie intermédiaire
de la prothèse est positionnée en arrière de l’apex
vaginal. Les ligaments utérosacrés ou les ligaments
cardinaux peuvent être interposés entre le treillis et le
vagin pour réduire les risques d’exposition. En cas de
réparation isolée, antérieure ou postérieure, on utilisera
uniquement la prothèse adaptée.
En cas d’incontinence urinaire d’effort associée au
prolapsus, celle-ci était traitée par TVT ou TVT-O
(Gynecare®), selon les techniques habituelles.
La sonde urinaire de Foley et une mèche vaginale
iodoformée étaient maintenues pendant 24 heures. La
surveillance des résidus postmictionnels est assurée
jusqu’à ce que les RPM soient inférieurs à 100 ml.
Résultats
Population globale
Lors de la phase d’évaluation du TVM, 684 patientes
consécutives ont été incluses entre 10/2002 et fin 2004
dans sept centres. En mars 2005, le dispositif finalisé
Prolift® est commercialisé, les 110 premières patientes
opérées à l’aide du kit sont colligées dans trois centres et
leurs résultats sont comparés à ceux préalablement
obtenus. Toutes les patientes incluses ont au moins un
Tableau I. Antécédents chirurgicaux des patientes
Fig. 5. Prothèse postérieure en place
Anté cé dents
TVM (%)
Prolift (%)
Antécédent d’hystérectomie
Antécédent chirurgical de cure
de prolapsus
Antécédent chirurgical de cure
d’IUE
24,3
16,7
28,1
20
11,1
23,6
8
Tableau III. Complications des procédures
Tableau II. Gestes réalisés
Prothèse antérieure seule
Prothèse postérieure seule
Prothèse antéropostérieure
Hystérectomie concomitante
Cure d’IUE associée
TVM
Prolift
Complications
TVM
108 (15,8%)
101 (14,8%)
475 (69,4%)
344 (50,3%)
280 (40,9%)
20 (22%)
29 (26,3%)
59 (53,6%)
15 (18,9%)
45 (40,9%)
Complications peropé ratoires
Hémorragies peropératoires
Plaie vésicale
Plaie rectale
Érosion rectale
2,05 % (n = 684)0,9 % (n = 110)
7
5
1
1
1
Complications postopé ratoires
pré coces
Hématomes pelviens
Abcès périnéaux
Fistule vésicovaginale
Fistule rectovaginale
Cellulite pelvienne
2,6% (n = 684) 1,8% (n = 110)
élément de prolapsus de degré 3 (à la vulve) en
préopératoire. Le suivi moyen était de 3,6 mois, allant
de 2 à 18 mois pour le groupe TVM alors que le recul
moyen est de 25 semaines avec un recul minimal exigé de
12 semaines (seules 106 auront un suivi complet
suffisant).
Les groupes sont superposables en termes d’âge
moyen 63,5 ans (30-94) contre 63,2 ans (29-90) et de
statut hormonal, 84,3 % de femmes ménopausées contre
84,5 % respectivement pour TVM et Prolift.
Les antécédents chirurgicaux se déclinent dans le
tableau I.
Donné es opé ratoires
Dans le groupe TVM, la répartition des gestes opératoires s’effectue de la façon suivante :
– 108 patientes présentant une cystocèle isolée ont
bénéficié d’une cure de prolapsus par prothèse antérieure seule, soit 15,8 % des cures de prolapsus de la
série ;
– 101 patientes présentant une rectocèle isolée ont
bénéficié d’une cure de leur prolapsus par prothèse
postérieure seule, soit 14,8 % des cures de prolapsus de la
série ;
– 475 patientes présentant un prolapsus intéressant
plusieurs compartiments simultanément ont bénéficié
d’une cure de leur prolapsus par prothèse antéropostérieure, soit 69,4 % des cures de prolapsus de la série ;
– 344 (50,3 %) ont eu une hystérectomie concomitante ;
– 280 (40,9 %) ont bénéficié d’un geste urinaire
associé.
Pour le groupe Prolift, la répartition est quelque peu
différente, tant en termes de localisations des prothèses
(20 % de prothèse antérieure isolée, 26,3 % de prothèse
postérieure, 53,6 % de prothèse totale) qu’en termes
d’hytérectomie associée (15 soit 18,9 %) ; seul le taux de
cure d’incontinence réalisée est équivalent (40,9 %)
(Tableau II).
Complications postopé ratoires
tardives
Exposition prothétique
Rétraction prothétique
Récidive de prolapsus
Incontinence de novo
Prolift
13
2
1
1
1
2
(n = 684)
(n = 106)
77 (11,3%)
80 (11,7%)
36 (5,3%)
37 (5,4%)
5 (4,7%)
18 (17%)
5 (4,7%)
5 (4,7%)
complications peropératoires ont été notées au cours de
la phase d’évaluation (sept hémorragies peropératoires,
cinq plaies vésicales, une plaie rectale, une érosion
rectale) pour une seule plaie de vessie, diagnostiquée et
suturée pendant l’intervention et sans conséquence sur le
choix technique et tactique, dans le groupe Prolift. Aucun
cas d’hémorragie peropératoire supérieure à 300 ml ou
de plaie rectale n’a été enregistré.
Complications postopé ratoires pré coces
Les complications postopératoires précoces sont très
légèrement plus élevées dans la phase d’évaluation mais
restent à un taux relativement faible 2,63 % (1,32 %
d’entre elles ont nécessité une reprise chirurgicale). Il a
été retrouvé :
– 13 hématomes pelviens (1,90 %) ;
– deux abcès périnéaux (0,29 %) ;
– une fistule vésicovaginale (0,15 %) à 9,5 mois en
période postopératoire ;
– une fistule rectovaginale (0,15 %) ;
– une cellulite pelvienne (0,15 %), ayant nécessité
une reprise chirurgicale pour ablation de la prothèse
infectée, drainage, antibiothérapie intraveineuse adaptée
à l’antibiogramme et oxygénothérapie hyperbare.
Dans les patientes opérées avec le kit Prolift®, seuls
deux hématomes profonds ont nécessité un drainage
chirurgical respectivement à deux et huit jours (1,8 %) ;
aucune autre complication n’est à déplorer.
Complications (résumées dans le tableau III)
Complications postopé ratoires tardives
Complications peropé ratoires
Exposition prothétique
Le taux de complications semble légèrement inférieur
dans le groupe Prolift : 0,9 contre 2,05 %. En effet, 14
Le taux global d’exposition apparaı̂t également inférieur à
trois mois avec le dispositif final, il passe de 11,3 à 4,7 %.
9
Pour la phase TVM, 77 granulomes ou érosions vaginales
avec exposition prothétique ont été retrouvés, soit 11,3 %
des patientes. Seuls 46 granulomes ou érosions vaginales
avec exposition prothétique ont nécessité une prise en
charge chirurgicale, soit 6,7 % des patientes. Le traitement
médical seul a été suffisant dans 42,1 % des cas restants, il
consiste en l’administration d’un traitement antiseptique
par voie vaginale en cas d’infection manifeste ou d’estrogènes par voie vaginale.
Pour le groupe Prolift, deux cas d’exposition de
prothèse ont nécessité une résection partielle du treillis
sous courte anesthésie générale. Dans les trois autres cas,
un traitement médical a permis d’obtenir un recouvrement parfait de la prothèse.
Rétraction prothétique
Le taux brut de rétraction ne semble pas être modifié par
le changement de dispositif (nous y reviendrons dans la
discussion) : 11,7 % (80/684) rétractions prothétiques
par rapport 17 % (18/106). Cependant, 19 rétractions
appartenant au groupe TVM ont nécessité une prise en
charge chirurgicale, soit 2,8 % des patientes alors
qu’aucune n’a jusque-là été réopérée dans le groupe
Prolift.
Récidive de prolapsus
Tout prolapsus symptomatique quel que soit le stade et
tout prolapsus stade 3 ou 4 même asymptomatique sont
considérés comme des échecs. Le chiffre de récidives de
prolapsus passe de 5,3 % (36/684) à 4,7 % (5/106). Parmi
les cinq qui ont récidivé avec le Prolift, une récidive vraie
est constatée chez quatre patientes :
– une patiente a développé une cystocèle asymptomatique de degré 3 après un Prolift postérieur isolé et n’a
pas nécessité de reprise chirurgicale avec un recul de
neuf mois ;
– une patiente avec un antécédent de chirurgie pour
IUE et qui a bénéficié d’une réparation complète sans
geste urinaire associé, a une cystocèle de degré 3
persistante après la chirurgie.
Cette patiente a été réopérée pour cure de cystocèle et
mise en place d’un TVT-O dans le même temps
opératoire :
– deux patientes ont une hystérocèle de degré 4
persistante après une réparation par Prolift postérieur
simple. Au début de notre expérience la fixation de la
prothèse sur le col utérin était réalisée au fil résorbable et
ces deux échecs précoces nous ont fait préférer une
fixation au fil non résorbable.
Une patiente présente une cystocèle symptomatique de
stade 2 et est donc considérée comme un échec. Il s’agissait
d’une « hernie » du bas-fond vésical apparue au niveau de
la région du col, après rétraction de la partie ventrale d’un
Prolift antérieur. Cette cystocèle limitée et « suspendue » a
nécessité une reprise chirurgicale en raison de la dysurie
dont elle était responsable : l’intervention a consisté en un
renforcement prothétique limité à la zone concernée par un
patch de polypropylène découpé à la demande et sécurisé
simplement au treillis de Prolift initial et a été suivie de la
disparition de la dysurie.
Incontinence de novo
Trente-sept incontinences urinaires d’effort de novo, soit
5,4 % des patientes après TVM contre cinq patientes
(4,7 %) ont une IU de novo.
Discussion
La faible morbidité de la voie vaginale est clairement
reconnue ; c’est d’ailleurs le standard pour le traitement
du prolapsus de la femme âgée au détriment de
l’approche abdominale et à un degré moindre cœlioscopique. Si Benson [11,20] retrouve une morbidité équivalente entre voie vaginale et abdominale, la plupart des
auteurs confirment sur ce point la supériorité de la voie
vaginale [21,22]. Bensinger et al. [23] retrouvent dans leur
série de 121 promontofixations un taux de complications
peropératoires de 2,5 % (deux plaies vésicales et une
digestive), de complications postopératoires plus élevées
que dans notre série : occlusion/subocclusion 3,5 %,
fiévre inexpliquée 9,6 %, transfusions 1,7 %. Les bons
résultats en termes de complications per- et postopératoires du TVM mais surtout du Prolift sont très
rassurants. En effet, la technique chirurgicale employée
nécessite une large ouverture des fosses paravésicales et
pararectales qui n’apparaı̂t pas accroı̂tre le risque
opératoire. L’utilisation d’un dispositif adapté pourrait
expliquer la différence du taux des deux groupes au
bénéfice du Prolift : les tunnelliseurs et les dispositifs de
récupération réduisent l’utilisation des valves, et donc le
risque de dilacérations inhérentes à leur emploi. Dans
notre expérience, le passage au Richter palpatoire à la
pince Endostich avait apporté les mêmes améliorations.
Le taux d’exposition prothétique au cours de la
procédure Prolift est très faible par rapport aux chiffres
habituellement rapportés dans l’utilisation des prothèses
par voie vaginale de 5 à 45 % [20,24]. L’utilisation du kit
participe sans doute à la réduction du taux d’érosion
(traumatismes tissulaires limités, risque de contamination bactérienne diminué) par rapport aux patientes
TVM. Cependant, cette différence presque du simple au
double s’explique aussi par l’évolution d’une technique et
la détermination de facteurs de risque progressivement
supprimés au cours de la phase d’évaluation et bien
évidemment pour cette phase de finalisation. Pour
l’emploi de prothèses par voie vaginale, l’analyse des
complications a clairement mis en évidence le rôle
délétère de l’hystérectomie en termes d’exposition (pratiquement du simple au double en termes de fréquence
avec un OR = 3,15 [1,03-9,62]) : c’est pourquoi 50,3 % des
10
patientes avaient bénéficié d’une hystérectomie simultanément à la cure de prolapsus lors de la phase
d’évaluation alors qu’à présent le choix de la conservation
utérine est fait dans 81 % des cas. D’autres attitudes ont
également évolué : infiltration systématique en début
d’intervention, réduction de la taille des incisions, nonréalisation d’incision de Crossen quand l’hystérectomie
est nécessaire (on lui préfère une dissection rétrograde en
antérieur), absence de colpectomie. Le taux actuel
d’exposition est proche de ceux publiés avec la promontofixation par voie haute. Nygaard [25] dans une
revue de littérature en langue anglaise rapporte un taux
d’érosion de 3,4 % avec des reculs le plus souvent compris
entre six mois et trois ans.
Le taux brut de rétraction ne semble pas modifier pas
le changement de dispositif (11,7 % [80/684] par rapport
17 % [18/106]). En effet, même si ce taux est supérieur
pour le Prolift, il correspond plutôt à un signalement
plus fréquent de ce phénomène. Cette rétraction est, en
effet, une évaluation subjective de diminution de taille de
la prothèse originelle au profit d’une rigidité pouvant
occasionner une traduction clinique (douloureuse le plus
souvent mais pas exclusivement). Notre pratique s’est
donc affinée pour la rechercher et la noter pour
appréhender au mieux les facteurs de risque éventuels
et surtout son évolution dans le temps. Le phénomène de
rétraction est variable (20 à 30 % de la surface initiale).
La rétraction dépend du maillage de la prothèse et du
processus inflammatoire suivant la pose [20]. Tous les
renforcements prothétiques sont exposés au risque de
rétraction, d’où l’intérêt de l’implantation sans fixation
de prothèses suffisamment larges pour couvrir
l’ensemble des défects avec pour objectif de réduire :
– le risque de récidive secondaire à la non-correction
des défects latéraux ;
– le risque de rétractions douloureuses qui risquent de
conduire à l’ablation secondaire du matériel prothétique.
Le cœur du débat se situe sur l’efficacité de cette
technique en termes de récidives. La technique de
promontofixation ou colposacropexie décrite par Scali
[26] est actuellement considérée comme le « gold
standart » pour les prolapsus importants de la femme
jeune, les prolapsus étendus après hystérectomie et les
prolapsus récidivants. Le taux de succès de cette
technique est très élevé compris entre 86 et 100 % ce
qui est corrélé par de très nombreuses études [27-32]. De
plus, une alternative est également possible avec les
techniques de chirurgie endoscopique qui permettent de
réaliser une cure de prolapsus en partie ou en totalité par
voie cœlioscopique ; elles nécessitent cependant des
opérateurs maı̂trisant parfaitement ce type de chirurgie
et un plateau technique adapté [33]. Les résultats sont
équivalents à ceux de la voie abdominale avec une
morbidité moindre [34].
Les résultats obtenus au sein des deux groupes de
notre série oscillent autour de 5 % de risque de récidive.
L’emploi de prothèses par voie vaginale apparaı̂t réduire
très nettement le taux de récurrence, efficacité confirmée
par les résultats publiés par de Tayrac et al. : 230
patientes, 6,8 % de récidives antérieures, 2,6 % en
postérieur [35]. Ces derniers chiffres placent cette
technique opératoire sur un pied d’égalité avec la
promontofixation tant en terme d’efficacité que de
morbidité. Cependant, la voie vaginale permet une
intervention plus rapide avec une convalescence postopératoire plus brève sans plateau technique dédié
contrairement à la cœlioscopie. Des études randomisées
sont maintenant envisageables pour comparer les différentes techniques et devraient nous permettre de
légitimer nos choix techniques et tactiques sur des faits
démontrés plus que sur des impressions du moment
souvent biaisées.
Conclusion
Ces résultats préliminaires de la technique Prolift dans la
cure de prolapsus par voie vaginale confirment la
faisabilité et la faible morbidité per- et postopératoire
immédiate de la technique TVM initialement décrite.
L’emploi d’un dispositif adapté, facilitant la réalisation
de l’intervention en limitant l’utilisation des valves et
rendant mini-invasif le geste, semble diminuer le risque
de complications per- et postopératoires. Le taux
d’exposition prothétique est maintenant très réduit
inférieur à 5 %, proche de celui rapporté après promontofixation. Les résultats sur la statique pelvienne
semblent encourageants avec un risque de récidive
également inférieur à 5 %. Ces résultats devront maintenant être évalués avec un recul plus important et
comparés aux autres techniques comme la promontofixation au sein d’études randomisées.
Références
1. Birch C, Fynes MM (2002) The role of synthetic and
biological prostheses in reconstructive pelvic floor surgery. Curr Opin Obstet Gynecol 14(5): 527-35
2. Olsen AL, Smith VJ, Bergstrom JO, et al. (1997) Epidemiology of surgically managed pelvic organ prolapse and
urinary incontinence. Obstet Gynecol 89(4): 501-6
3. Birch C (2005) The use of prosthetics in pelvic reconstructive surgery. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol 19
(6): 979-91
4. Deval B, Haab F (2003) What’s new in prolapse surgery?
Curr Opin Urol 13(4): 315-23
5. Clark AL, Gregory T, Smith VJ, et al. (2003) Epidemiologic
evaluation of reoperation for surgically treated pelvic
organ prolapse and urinary incontinence. Am J Obstet
Gynecol 189(5): 1261-7
6. Whiteside JL, Weber AM, Meyn LA, et al. (2004) Risk
factors for prolapse recurrence after vaginal repair. Am J
Obstet Gynecol 191(5): 1533-8
7. Cosson M, Boukerrou M, Lambaudie E, et al. (2003)
Biomécanique de la réparation et résistance des tissus
biologiques dans les cures de prolapsus : pourquoi utiliser
11
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
21.
des prothèses ? J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris)
32(4): 329-37
Gadonneix P, Ercoli A, Scambia G, et al. (2005) The use
of laparoscopic sacrocolpopexy in the management of
pelvic organ prolapse. Curr Opin Obstet Gynecol
17(4): 376-80
Maher CF, Qatawneh AM, Dwyer PL, et al. (2004)
Abdominal sacral colpopexy or vaginal sacrospinous
colpopexy for vaginal vault prolapse: a prospective
randomized study. Am J Obstet Gynecol 190(1): 20-6
Maher C, Baessler K (2006) Surgical management of anterior
vaginal wall prolapse: an evidencebased literature review.
Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 17(2): 195-201
Benson JT, Lucente V, McClellan E (1996) Vaginal versus
abdominal reconstructive surgery for the treatment of
pelvic support defects: a prospective randomized study
with long-term outcome evaluation. Am J Obstet Gynecol
175(6): 1418-21 (discussion 1421-2)
Cosson M, Debodinance P, Boukerrou M, et al. (2003)
Mechanical properties of synthetic implants used in the
repair of prolapse and urinary incontinence in women:
which is the ideal material? Int Urogynecol J Pelvic Floor
Dysfunct 14(3): 169-78 (discussion 178)
Kuuva N, Nilsson CG (2002) A nationwide analysis of
complications associated with the tension-free vaginal
tape (TVT) procedure. Acta Obstet Gynecol Scand
81(1): 72-7
Debodinance P, Berrocal J, Clave H, et al. (2004) Évolution
des idées sur le traitement chirurgical des prolapsus
génitaux : naissance de la technique TVM. J Gynecol
Obstet Biol Reprod (Paris) 33(7): 577-88
Delorme E (2001)La bandelette transobturatrice : un procédé mini-invasif pour traiter l’incontinence urinaire
d’effort de la femme. Prog Urol 11(6): 1306-13
Smajda S, Vanormelingen L, Vandewalle G, et al. (2005)
Translevator posterior intravaginal slingplasty: anatomical
landmarks and safety margins. Int Urogynecol J Pelvic
Floor Dysfunct 16(5): 364-8
Reisenauer C, Kirschniak A, Drews U, et al. (2006)
Anatomical conditions for pelvic floor reconstruction
with polypropylene implant and its application for the
treatment of vaginal prolapse. Eur J Obstet Gynecol
Reprod Biol
Petros PE (2001) Vault prolapse II: Restoration of dynamic
vaginal supports by infracoccygeal sacropexy, an axial
day-case vaginal procedure. Int Urogynecol J Pelvic Floor
Dysfunct 12(5): 296-303
Eglin G, Ska JM, Serres X (2003) La prothèse sous-vésicale
transobturatrice. Tolérance et résultats à court terme d’une
série continue de 103 cas. Gynecol Obstet Fertil 31(1): 14-9
Debodinance P, Cosson M, Collinet AL, et al. (2006) Les
prothèses synthétiques dans la cure de prolapsus génitaux
par la voie vaginale : bilan en 2005. J Gynecol Obstet Biol
Reprod (Paris) 35(5): 429-54
Roovers JP, Van der Bom JG, Van der Vaart CH, et al.
(2005) A randomized comparison of post-operative pain,
22.
23.
24.
25.
26.
27.
28.
29.
30.
31.
32.
33.
34.
35.
quality of life, and physical performance during the first
6 weeks after abdominal or vaginal surgical correction of
descensus uteri. Neurourol Urodyn 24(4): 334-40
Roovers JP, Van der Vaart CH, Van der Bom JG, et al.
(2004) A randomised controlled trial comparing abdominal and vaginal prolapse surgery: effects on urogenital
function. Bjog 111(1): 50-6
Bensinger G, Lind L, Lesser M, et al. (2005) Abdominal
sacral suspensions: analysis of complications using permanent mesh. Am J Obstet Gynecol 193(6): 2094-8
Bader G, Fauconnier A, Guyot B, et al. (2006) Utilisation
de matériaux prothétiques dans la chirurgie réparatrice
des prolapsus pelviens. Analyse factuelle des connaissances. Gynecol Obstet Fertil 34(4): 292-7
Nygaard IE, McCreery R, Brubaker L, et al. (2004)
Abdominal sacrocolpopexy: a comprehensive review.
Obstet Gynecol 104(4): 805-23
Scali P, Blondon J, Bethoux A, et al. (1974) Opérations
de support-suspension par voie haute pour le traitement
du prolapsus vaginal. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris)
3(3): 365-78
Baessler K, Schuessler B (2001) Abdominal sacrocolpopexy
and anatomy and function of the posterior compartment.
Obstet Gynecol 97(5 Pt 1): 678-84
de Vries MJ, Van Dessel TH, Drogendijk AC, et al. (1995)
Short-term results and long-term patients’ appraisal of
abdominal colposacropexy for treatment of genital and
vaginal vault prolapse. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol
59(1): 35-8
Deval B, Fauconnier A, Repiquet D, et al. (1997)
Traitement chirurgical du prolapsus urogénital par voie
abdominale. À propos d’une série de 232 cas. Ann Chir
51(3): 256-65
Grunberger W, Grunberger V, Wierrani F (1994) Pelvic
promontory fixation of the vaginal vault in sixty-two
patients with prolapse after hysterectomy. J Am Coll Surg
178(1): 69-72
Lecuru F, Taurelle R, Clouard C, et al. (1994) Traitement
chirurgical des prolapsus urogénitaux par voie abdominale. Résultats d’une série continue de 203 opérations.
Ann Chir 48(11): 1013-9
Scarpero HM, Cespedes RD, Winters JC (2001) Transabdominal approach to repair of vaginal vault prolapse.
Tech Urol 7(2): 139-45
Wattiez A, Boughizane S, Alexandre F, et al. (1995)
Laparoscopic procedures for stress incontinence and
prolapse. Curr Opin Obstet Gynecol 7(4): 317-21
Cosson M, Bogaert E, Narducci F, et al. (2000) Promontofixation cœlioscopique : résultats à court terme et
complications chez 83 patientes. J Gynecol Obstet Biol
Reprod (Paris) 29(8): 746-50
de Tayrac R, Devoldere G, Renaudie J, et al. (2006)
Prolapse repair by vaginal route using a new protected
low-weight polypropylene mesh: 1-year functional and
anatomical outcome in a prospective multicentre study.
Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct
Pelv Perineol (2007) 2: 12–19
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0108-2
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Propriétés pharmacologiques de l’oxybutynine sur la
fonction vésicale chez la souris
A. Deba, P. Lluel, S. Polea
Urosphere, Faculté des sciences pharmaceutiques, 35, chemin des Maraichers, F-31062 Toulouse, France
Résumé : Les antagonistes muscariniques, comme l’oxybutynine, sont le principal traitement pharmacologique
actuel pour l’incontinence urinaire par urgenturie.
L’objectif de cette étude a été d’évaluer l’activité
pharmacologique de l’oxybutynine sur la fonction
vésicale chez la souris. Pour cela, nous avons développé
des nouveaux modèles expérimentaux nous permettant
d’étudier, in vitro, sa puissance antagoniste sur la vessie
isolée et in vivo, son urosélectivité au regard des effets
sur les glandes salivaires ainsi que ses effets sur le cycle
mictionnel en utilisant la technique de cystomanométrie.
L’ensemble des résultats présenté est en accord avec ceux
publiés chez l’homme. Cette espèce apparaı̂t être un
modèle pertinent pour étudier la fonction vésicale.
Mots clés : Incontinence urinaire par urgenturie –
Oxybutynine – Souris – Cystomanométrie – Urosélectivité
Pharmacological effects of oxybutynin on bladder
function in mice
Abstract: Muscarinic antagonists, such as oxybutynin,
provide the most common pharmacological treatments
for urge urinary incontinence. The aim of the present
study is to evaluate the pharmacological effects of
oxybutynin on bladder function in mice. We constructed
new experimental models allowing us to study the in vitro
antagonistic effects on strips of bladder detrusor smooth
muscle, in vivo uroselectivity (effects on vesical pressure
and salivary glands), and the effect on micturition cycles
using cystometry. Overall, our results agree with previous
results reported in studies of humans. Therefore, mice
offer an appropriate model to study bladder function.
Keywords: Urge urinary incontinence – Oxybutynin –
Mice – Cystometry – Uroselectivity
Introduction
L’appareil urinaire est responsable de la continence et de
la miction. Ces deux fonctions résultent d’une intégraCorrespondance : E-mail : [email protected]
tion complexe des circuits parasympathique, sympathique et somatique. Durant la phase de remplissage, des
signaux afférents en réponse à la distension vésicale sont
envoyés au niveau des centres nerveux supérieurs où ils
sont intégrés pour déclencher des signaux efférents
moteurs responsables d’une contraction du détrusor.
Celle-ci implique principalement, au niveau du dôme,
la stimulation des récepteurs muscariniques de type
M2 et M3 par l’acétylcholine. Bien que le sous-type M2
prédomine (80 % de la population), la contraction
vésicale est principalement médiée par le sous-type M3
[1]. Il a été également décrit l’existence d’une composante
purinergique, dont le neurotransmetteur est l’ATP [1].
Il semblerait que cette composante ait uniquement un
rôle au cours du vieillissement [2] et dans certaines
pathologies comme par exemple la cystite interstitielle
ou l’instabilité vésicale [3,4].
L’incontinence urinaire par urgenturie (IUU) est un
symptôme défini par des fuites involontaires d’urine
accompagnées ou immédiatement précédées par une
urgenturie [5]. D’un point de vue urodynamique, elle est
souvent caractérisée par des contractions involontaires
du détrusor, ou hyperactivité détrusorienne (HD),
pendant la phase de remplissage. L’IUU altère profondément la qualité de vie des personnes affectées. Bien
qu’une origine neurogénique [6] et myogénique [7] de
l’HD ait été postulée, sa cause n’est aujourd’hui pas
clairement définie.
Les antagonistes muscariniques sont le principal
traitement pharmacologique actuel de l’IUU. Cependant,
ces molécules ont une efficacité clinique controversée et
des effets secondaires importants [8], pouvant entraı̂ner,
dans 25 % des cas, une interruption du traitement par les
patients [9]. Il est classiquement admis que le bénéfice
clinique des antagonistes muscariniques est dû au
blocage des récepteurs muscariniques du détrusor,
réduisant la capacité de la vessie à se contracter [10].
Cette activité est en accord avec les effets urodynamiques
observés chez l’animal tel que le rat [11] ou le cochon
d’Inde [12] où une diminution de la contractilité
détrusorienne est décrite. Néanmoins, l’augmentation
13
de la capacité vésicale et la diminution de l’urgenturie
observée chez l’homme traité avec des antagonistes
muscariniques [13] ainsi que la découverte récente de la
présence de récepteurs muscariniques au niveau de
l’urothélium et du suburothélium [14], ont fait émerger
l’hypothèse d’une activité de ces molécules également sur
la voie afférente (sensorielle) du réflexe mictionnel [10].
Cependant, les études cystomanométriques réalisées chez
l’animal échouent, généralement, dans la démonstration
de cette activité [12,15].
Les récepteurs muscariniques sont présents dans la
plupart des tissus, et notamment au niveau des glandes
salivaires. La sécrétion salivaire est, comme la contraction vésicale, majoritairement médiée par le sous-type
M3 des récepteurs muscariniques [16,17]. Ainsi, l’effet
secondaire le plus communément observé est l’assèchement de la bouche (xérostomie) [8]. L’oxybutynine a
été, pendant plus de vingt ans, la molécule de choix
parmi les antagonistes muscariniques et de ce fait, est
aujourd’hui la plus étudiée. Cependant, l’importance de
ses effets secondaires a conduit au développement de
nouveaux médicaments plus urosélectifs tels que la
toltérodine et la solifenacine ; l’urosélectivité étant définie comme l’action préférentielle des molécules sur la
sphère urinaire au regard des effets secondaires [18]. La
raison de cette urosélectivité in vivo n’est pas clairement
établie, même si l’implication des propriétés pharmacocinétiques de ces molécules a été proposée [18,19].
Néanmoins, il est encore nécessaire d’améliorer le
rapport efficacité/effets indésirables de ce type de
traitement pharmacologique.
Ainsi, le développement de nouveaux modèles expérimentaux est nécessaire, d’une part, pour mieux
comprendre le contrôle physiologique et pathophysiologique du réflexe mictionnel et d’autre part, pour
sélectionner de nouvelles molécules pour le traitement
de l’IUU plus urosélectives. Ces modèles peuvent être de
type pharmacologique [19,20] et permettre notamment
d’établir des profils de sélectivité tissulaire vis-à-vis par
exemple des glandes salivaires. Ils peuvent être aussi de
type physiologique [11,21,22] et permettre l’exploration in
vivo de l’activité des molécules sur la fonction vésicale.
Ces modèles sont très peu développés chez la souris
[22,23], contrairement aux autres espèces animales
[19,24,25]. Par exemple, il n’existe, à ce jour, aucun
modèle pharmacologique permettant d’étudier in vivo
l’urosélectivité des antagonistes muscariniques vis-à-vis
des glandes salivaires chez la souris [23] et très peu
d’études cystomanométriques ont été réalisées chez cet
animal [26].
Objet de l’étude
L’objectif de cette étude a été d’évaluer l’activité
pharmacologique de l’oxybutynine sur la fonction
vésicale chez la souris. Pour cela, nous avons développé
des nouveaux modèles expérimentaux nous permettant
d’étudier, in vitro, sa puissance antagoniste sur la vessie
isolée et in vivo, son urosélectivité au regard des effets
sur les glandes salivaires ainsi que ses effets sur le cycle
mictionnel en utilisant la technique de cystomanométrie.
Une partie de ce travail a déjà fait l’objet d’une
communication [27].
Matériels et méthodes
Animaux
L’animal utilisé dans nos études a été la souris femelle
C57Bl6J (laboratoire Janvier, France). Dès leur arrivée,
les animaux âgés de 11 semaines (18-23 g) ont été stabulés
pendant quatre jours à l’animalerie. Ils ont été regroupés
à raison de dix par cage et ont eu libre accès à la
nourriture et à l’eau.
Les protocoles ont été réalisés en accord avec la
convention européenne sur la protection des animaux
vertébrés utilisés à des fins expérimentales (European
Communities Council Directive: 24 novembre 1986 [86/
609/EEC]).
Études in vitro
Contractions isomé triques in vitro sur la vessie isolé e
Les souris ont été euthanasiées par dislocation cervicale
et les vessies ont été prélevées jusqu’au col vésical.
Nettoyées des tissus adhérents, les vessies ont été
ouvertes longitudinalement et les extrémités supérieure
et inférieure ont été coupées pour ne conserver que le
dôme vésical. Une seule bande par vessie a été préparée.
Ces bandes vésicales ont été plongées dans des cuves de
25 ml contenant une solution de Krebs-Henseleit
bicarbonatée thermostatée à 37 C et oxygénée par du
carbogène (un mélange de 95 % O2 et 5 % CO2). La
composition de la solution de Krebs-Henseleit a été la
suivante (mmol/l) : 114,0 NaCl ; 25,0 NaHCO 3 ; 2,5
CaCl2 ; 1,2 MgSO4 ; 4,7 KCl ; 1,2 KH2PO4 ; 11,7 glucose
et 1,1 acide ascorbique. Les bandes vésicales ont été
attachées, par l’intermédiaire d’un fil à chaque extrémité,
aux cuves et aux jauges de contraintes. La tension a été
mesurée en utilisant des transducteurs de tension
isométriques (Grass FT03) et enregistrée par un système
d’acquisition MacLab/8e (AD instruments). Une tension
basale de 1 g a été appliquée et maintenue pendant une
période de stabilisation de 45 minutes où des lavages ont
été effectués toutes les 15 minutes.
Une contraction de référence avec 80 mM de KCl a
été réalisée. Après l’obtention d’un plateau de contraction au KCl, trois lavages ont été effectués à 15
minutes d’intervalle. Une courbe concentration-réponse
(CCR) à la méthacholine avec des concentrations
cumulatives (10 nM à 300 mM) a été faite en présence
14
de physostigmine (1 mM, inhibiteur d’acéthylcholinestérase) injectée 15 minutes avant. Après une série de
lavages, effectués toutes les 15 minutes, pendant 45
minutes, les préparations ont été exposées à une concentration d’oxybutynine (30, 100 ou 300 nM) ou à son
solvant (eau). Après une heure d’incubation, une seconde
CCR à la méthacholine en présence de physostigmine a été
réalisée. Une seule concentration d’antagoniste a été
testée par tissu.
Toutes les CCRs ont été exprimées en pourcentage du
maximum de la contraction au KCl 80 mM. L’Emax (effet
maximal exprimé en pourcentage du maximum de la
contraction au KCl) et le pD2 (logarithme négatif de la
concentration molaire d’un agoniste produisant 50 % de
la réponse maximale observée) ont été générés par
régression non linéaire. Le pA2 (logarithme négatif de la
concentration molaire d’un antagoniste pour laquelle il
est nécessaire d’utiliser une dose d’agoniste double pour
obtenir le même effet qu’en absence de l’antagoniste) a
été estimé en utilisant une régression linéaire (Plot de
Shild). Tous ces paramètres ont été générés et comparés
à l’aide du logiciel GraphPad Prism 4.0.
Études in vivo
Anesthé sie et chirurgie des animaux
Les souris ont été anesthésiées à l’uréthane (1,8 g/kg, i.p.).
Une incision médiane de la paroi abdominale a été
réalisée afin de dégager la vessie. Un cathéter en polyéthylène (cathéter PEBD 0,3 mm 0,7 mm, Interchim) a
été implanté dans le dôme de la vessie et fixé grâce à une
bourse. La vessie a été replacée sous la paroi abdominale,
seul le cathéter est resté extériorisé. La veine jugulaire
a été cathéterisée (cathéter PEBD 0,3 mm 0,7 mm,
Interchim) pour l’administration des composés.
Le cathéter vésical a été connecté à un capteur de
pression (Novatrans III Gold, MX 860, MEDEX Medical,
France) et à une pompe de perfusion (Harvard Apparatus, États-Unis). Le capteur de pression a été relié à un
amplificateur, lui-même relié à un système d’acquisition
MacLab/8e (AD instruments). L’analyse des résultats a
été réalisée à l’aide du logiciel Chart (v.3.4.2).
Mesure simultané e de la pression vé sicale
et de la salivation
En plus du protocole chirurgical décrit ci-dessus, l’urètre
a été ligaturé et la vessie a été remplie de sérum
physiologique jusqu’à obtenir une pression vésicale
basale comprise entre 5 et 10 mmHg.
Après stabilisation de la pression vésicale, deux
injections de béthanéchol à 200 mg/kg (100 ml/min, deux
minutes) ont été réalisées à 20 minutes d’intervalle. Après
dix minutes, une première dose d’oxybutynine ou son
solvant (NaCl 0,9 %) a été administrée par voie i.v.
pendant deux minutes, puis une nouvelle administration
de béthanéchol (200 mg/kg) a été réalisée 8 min après. Ce
cycle a été répété deux fois, permettant de tester trois
doses croissantes d’oxybutynine (10, 100 et 1000 mg/kg)
ou son solvant.
La pression vésicale (PV, mmHg) a été mesurée en
continu. La salive a été directement prélevée dans la cavité
buccale, cinq minutes après la fin de l’administration du
béthanéchol, à l’aide d’une pipette et déposée dans un
tube. Le tube prépesé a été immédiatement pesé à l’aide
d’une balance de précision. Les variations de la PV (Delta
PV) et de la salivation (Delta salivation) ont été calculées
comme la différence des réponses avant l’injection de
béthanéchol et la réponse maximale après chaque
administration de béthanéchol. Pour chaque animal, la
moyenne des valeurs des deux premières réponses au
béthanéchol a été définie comme valeur basale.
Toutes les données ont été exprimées en moyenne ±
SEM. Les différences statistiques des effets de l’oxybutynine et de son solvant, sur la pression vésicale et la
salivation par rapport aux valeurs basales, ont été
calculées par une analyse de variance à un facteur avec
mesures répétées suivies d’un test de Dunnett. Les DI50,
qui représentent les doses requises pour inhiber de 50 %
les réponses au béthanéchol (PV et salivation) ont été
déterminées par régression linéaire.
La comparaison des valeurs basales entre les deux
groupes (contrôle et traité) pour chacun des paramètres
étudiés (PV et salivation) et celle des DI50 obtenues pour
la pression vésicale et pour la salivation ont été réalisées
à l’aide d’un test t de Student non pairé.
Cystomanomé trie discontinue
En plus du protocole chirurgical précédemment décrit,
les uretères ont été ligaturés. La vessie a été perfusée en
continu avec du sérum physiologique (NaCl 0,9 % ; 0,6
ml/h) pendant 15 minutes jusqu’à l’obtention de deux
mictions successives. Puis la perfusion a été stoppée
pendant une période de trois minutes durant laquelle la
vessie a été vidangée par une pression manuelle. Ensuite,
une nouvelle perfusion intravésicale de sérum physiologique a été effectuée jusqu’à provoquer une miction, puis
interrompue. Ce cycle a été répété deux fois permettant
la détermination des valeurs cystomanométriques basales. Après une période de trois minutes, le solvant ou
l’oxybutynine (1 mg/kg) ont été administrés par voie i.
v. (100 ml en cinq minutes) puis, dix minutes après la fin
de l’administration, deux mictions ont été à nouveau
provoquées dans les mêmes conditions, à trois minutes
d’intervalle. Le volume résiduel a été collecté après
chaque cycle mictionnel à l’aide d’un papier absorbant.
Les paramètres urodynamiques étudiés ont été : la valeur
max du pic mictionnel (PM, mmHg), la valeur seuil de
pression précédant la miction (PS, mmHg), la capacité
15
Contraction (% KCl 80mM)
PM
50
30
CV
AAS
10
150
125
100
75
50
25
0
PS
FAS
Perfusion
intravésicale
(NaCl 0,9%)
-8
-7
-6
-5
-4
-3
Log concentration méthacholine [M]
Collecte du VR
Plot de Schild
1 min
2
Contrôles (n=18)
Fig. 1. Représentation d’un cycle mictionnel chez la souris femelle
anesthésiée illustrant les paramètres urodynamiques : pic mictionnel
(PM), pression seuil avant miction (PS), capacité vésicale (CV) et
volume résiduel (VR) fréquence (FAS) et amplitude (AAS) de l’activite
spontanée
vésicale (CV, ml), le volume résiduel (VR, mg), la
fréquence (FAS, n/min) et l’amplitude (AAS, mmHg) de
l’activité spontanée. Pour ces deux derniers paramètres,
seules les contractions vésicales ayant une amplitude
supérieure à 5 mmHg ont été analysées sur les deux
minutes précédant chaque miction. L’ensemble de ces
paramètres est illustré figure 1.
Toutes les données ont été exprimées en moyenne ±
SEM. La comparaison des valeurs basales entre les deux
groupes (contrôle et traité) pour chacun des paramètres
urodynamiques étudiés a été réalisée à l’aide d’un test
t de Student non pairé. Les effets de l’oxybutynine et
de son solvant ont été observés sur la moyenne des deux
mictions après administration. La comparaison des
paramètres urodynamiques avant et après traitement a
été réalisée à l’aide d’un test t de Student pairé.
Produits
L’oxybutynine, le béthanéchol, la méthacholine et la
physostigmine ont été fournis par Sigma (Sigma-Aldrich
chimie, L’Isle d’Abeau Chesnes, Saint-Quentin Fallavier,
France). Le sérum physiologique a été fourni par
Centravet (Centravet, Lapalisse, France). Tous les produits ont été solubilisés dans de l’eau distillée pour les
Oxybutynine 0,03 µM (n=6)
Oxybutynine 0,1 µM (n=6)
Oxybutynine 0,3 µM (n=6)
Log (Ratio Dose -1)
Pression intravésicale (mmHg)
175
(pA2) = 7,8
1
0
-7,5 -7,0
-6,5 -6,0
Log concentration oxybutynine [M]
-1
Fig. 2. Effets de l’oxybutynine sur la courbe concentration réponse à la
méthacholine en présence de physostigmine et Plot de Shild de
l’oxybutynine dans la vessie isolée de souris femelle. Chaque point de
la courbe concentration réponse représente la moyenne ± SEM de tissus
différents
études in vitro et dans du sérum physiologique pour les
études in vivo.
Résultats
Contractions isomé triques in vitro sur la vessie isolé e
Pour l’ensemble des préparations, une tension basale
stable a été obtenue. La méthacholine (10 nM à 300 mM),
en présence de physostigmine (1 mM), a contracté de
façon concentration dépendante en atteignant un plateau
aux plus fortes concentrations. La contraction maximale
observée a été de 147 ± 4 % à la concentration de 30 mM
de méthacholine (n = 18, Fig. 2).
L’ajout d’eau, solvant de l’oxybutynine, dans les cuves
n’a pas modifié la réponse contractile à la méthacholine.
Les trois concentrations d’oxybutynine ont déplacé
significativement (p < 0,0001) la CCR à la méthacholine
vers la droite de façon concentration dépendante sans
Tableau I. Réponse à la méthacholine avant et après addition de l’oxybutynine
Concentrations oxybutynine
Eau
3.10–8 M
10–7 M
3.10–7 M
pD2 (± SEM)
Emax ( %) (± SEM)
Premiè re CCR
Seconde CCR
Premiè re CCR
Seconde CCR
6,00 (± 0,05)
6,12 (± 0,07)
6,24 (± 0,04)
6,18 (± 0,06)
6,03 (± 0,05)
5,63 (± 0,07)***
4,78 (± 0,04)***
4,34 (± 0,06)***
150,09 (± 7,24)
149,83 (± 12,03)
146,74 (± 4,01)
137,60 (± 10,90)
164,39 (± 8,05)
149,89 (± 11,46)
134,04 (± 2,79)
115,74 (± 7,49)
Six animaux par groupe : pD2 : logarithme négatif de la concentration molaire d’un agoniste produisant 50 % de la réponse
maximale observée ; Emax : effet maximal exprimé en pourcentage du maximum de la contraction au KCl ; ***p <
0,0001 ; statistiquement différent de la première CCR à la méthacholine en absence d’oxybutynine (test t de Student)
16
10
oxybutynine
ns
8
6
*
4
*
2
0
0
10
100
1000
NaCl 0,9%
30
Pression intravésicale (mmHg)
Delta PV (mmHg)
NaCl 0.9%
NaCl 0,9%
20
10
0
Oxy 10
30
Oxy 100
20
10
béthanéchol 200 µg/kg, i.v.
Delta salivation (mg)
Oxy 1000
0
Doses (µg/kg)
25
NaCl 0,9%
Oxy : oxybutynine µg/kg, i.v.
ns
5 min
Fig. 4. Enregistrements représentatifs de la pression vésicale en réponse
au béthanéchol en présence du solvant (tracé du haut) et de
l’oxybutynine (tracé du bas) chez la souris femelle anesthésiée
20
15
*
10
5
0
*
0
10
100
1000
Doses (µg/kg)
Fig. 3. Effets de l’oxybutynine (barres noires) et de son solvant (barres
blanches) sur l’augmentation de la pression vésicale (Delta PV, mmHg)
et de la sécrétion salivaire (Delta salivation, mg) induites par le
béthanéchol (200 mg/kg, i.v.) chez la souris femelle anesthésiée. Valeurs
exprimées en moyenne ± SEM (n = 5 par groupe). *p <
0,05 ; statistiquement différent des valeurs basales (test Anova avec
mesures répétées et test de Dunnett), nsp > 0,05 ; non statistiquement
différent du groupe NaCl (test t de Student)
affecter la réponse maximale (Tableau I, Fig. 2). Le pA2
calculé de l’oxybutynine a été 7,8 (régression linéaire,
Plot de Shild, Fig. 2).
Études in vivo
Effet de l’oxybutynine sur la pression vé sicale
et la salivation
Les doses répétées de béthanéchol (200 mg/kg, i.v.)
entraı̂nent des contractions vésicales et des sécrétions
salivaires reproductibles au cours du temps (Fig. 3). Par
ailleurs, les valeurs basales des effets du béthanéchol
n’ont pas été significativement différentes entre les
groupes témoin et traité (7,26 ± 0.80 vs 7,30 ± 1,06
mmHg pour la contraction vésicale et 13,21 ± 2,29 vs 17,04
± 2,97 mg pour la sécrétion salivaire, respectivement)
(p > 0,05).
L’oxybutynine a inhibé de façon dose dépendante les
réponses au béthanéchol tant sur la salivation que sur la
PV (Fig. 3). Un enregistrement typique des contractions
vésicales induites par le béthanéchol est illustré figure. 4.
Ces effets ont été significatifs aux doses de 100 et 1000
mg/kg où des diminutions de 47 et de 66 % pour la PV et
de 86 et 100 % pour la sécrétion salivaire, respective-
Tableau II. Doses d’oxybutynine requises pour inhiber de 50 %
les valeurs basales l’augmentation de la pression vésicale et de
la sécrétion salivaire induites par le béthanéchol chez la souris
femelle anesthésiée. Aucune différence significative n’est
observée entre les groupes (p > 0,05 ; test t de Student)
Antagoniste
Oxybutynine
DI50 mgl/kg, i.v.
(± SEM)
Ratio de
Élé vation de
la pression
vé sicale (B)
Sé cré tion
salivaire (S)
Sé lectivité
(S/B)
0,20 (± 0,07)
0,09 (± 0,03)
0,45
ment, ont été observées (p < 0,01). Dans nos conditions
expérimentales, les DI50, calculées par régression linéaire,
des effets sur la PV et sur la sécrétion salivaire, n’ont pas
été statistiquement différentes (p > 0,05) (Tableau II).
Effet de l’oxybutynine sur le ré flexe mictionnel
de la souris anesthé sié e
Le profil mictionnel de la souris anesthésiée est
caractérisé par un pic mictionnel de 43,8 ± 2,8 mmHg,
une pression seuil avant miction de 14,8 ± 1,0 mmHg,
une capacité vésicale de 0,077 ± 0,008 ml, et un volume
résiduel de 0,061 ± 0,009 ml (n = 15, données non
montrées). Pendant la phase de remplissage, des
contractions vésicales non associées à des fuites urinaires, ont été observées dans la majorité des animaux des
deux groupes. L’amplitude et la fréquence de ces
contractions n’ont pas été modifiées par l’administration
de solvant ou de l’oxybutynine (Tableau III). Il est
intéressant de noter que l’amplitude de ces contractions
a parfois été supérieure à celle de la contraction lors de la
miction (Fig. 5).
L’administration intraveineuse de NaCl 0,9 % (n = 7)
n’a pas modifié, de façon significative, les paramètres
urodynamiques mesurés. De plus, les valeurs basales des
17
Tableau III. Effets de l’oxybutynine (1 mg/kg, i.v.) sur les paramètres urodynamiques chez la souris femelle anesthésiée
NaCl 0,9 % :
(i.v., n = 7)
Avant
Aprés
Pourcentage
oxybutynine :
(1 mg/kg, i.v., n = 8)
Avant
Aprés
Pourcentage
Moyenne
PM ± SEM
(mmHg)
Moyenne
PS ± SEM
(mmHg)
Moyenne
CV ± SEM
(ml)
Moyenne
VR ± SEM
(mg)
Moyenne
FAS ± SEM
(n/min)
Moyenne
AAS ± SEM
(mmHg)
41,93 ± 2,36
40,07 ± 2,42
–4,4 ± 2,1
13,94 ± 1,55
13,71 ± 1,97
–1,8 ± 7,4
0,090 ± 0,012
0,081 ± 0,009
–5,2 ± 9,0
74 ± 10
66 ± 9
–6,5 ± 8,5
0,60 ± 0,17
0,61 ± 0,21
–4,5 ± 21,1
8,43 ± 2,52
12,54 ± 3,93
+27,9 ± 20,3
45,48 ± 5,01
41,03 ± 5,12*
–11,0 ± 3,4
15,60 ± 1,19
20,24 ± 1,98*
+30,3 ± 8,4
0,065 ± 0,011
0,086 ± 0,012**
+40,2 ± 11,4
50 ± 14
74 ± 9**
+83,5 ± 24,0
0,71 ± 0,14
0,53 ± 0,15
–14,1 ± 24,9
13,80 ± 2,90
10,47 ± 3,53
–19,6 ± 25,6
PM : pic mictionnel ; PS : pression seuil avant miction ; CV : capacité vésicale ; VR : volume résiduel ; FAS : fréquence de
l’activité spontanée ; AAS : Amplitude de l’activité spontanée. *p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; statistiquement différent des valeurs
basales (test t de Student pairé)
paramètres urodynamiques entre les deux groupes
(témoin et traité) n’ont pas été significativement
différentes (Tableau III). L’oxybutynine (1 mg/kg, n = 8)
a significativement réduit le pic mictionnel et a significativement augmenté la pression seuil avant miction,
la capacité vésicale et le volume résiduel (p < 0,05)
(Tableau III). Un enregistrement représentatif des effets
de l’oxybutynine et de son solvant sur le profil mictionnel
de la souris anesthésiée est illustré figure 5.
50
Après NaCl 0,9%
40
Pression intravésicale (mmHg)
30
20
10
50
Avant
40
Après oxybutynine
(1 mg/kg)
30
20
10
2 min
Miction
Collecte du volume résiduel
Perfusion intravésicale de NaCl 0,9%
Fig. 5. Cystomanométrie discontinue : enregistrements représentatifs de
l’effet du solvant (tracé du haut) et de l’oxybutynine (1 mg/kg, i.v.)
[tracé du bas] chez la souris femelle anesthésiée
Discussion
L’objectif de cette étude était d’évaluer l’activité pharmacologique de l’oxybutynine, in vitro sur la vessie
isolée et in vivo simultanément sur la pression intravésicale et la sécrétion salivaire ainsi que sur le cycle
mictionnel en utilisant la cystomanométrie.
Si la souris est un modèle expérimental classiquement
utilisé en recherche préclinique, peu d’études explorant
la fonction vésicale chez cet animal ont été, à ce jour,
publiées [22,23,26]. La majorité de ces études a été
réalisée in vitro sur la vessie isolée [17,23]. À notre
connaissance, aucun modèle permettant d’étudier l’urosélectivité in vivo au regard des glandes salivaires n’a été
mis en place chez cette espèce. Par ailleurs, les études de
la fonction vésicale chez la souris ont été, pour la plupart,
réalisées chez l’animal éveillé, exclusivement par cystomanométrie continue. Dans cette étude, la cystomanométrie est réalisée sous anesthésie avec une solution
d’uréthane. Cet anesthésique est classiquement utilisé
pour les études cystomanométriques car il a été
démontré qu’il ne bloque pas le réflexe mictionnel,
contrairement aux autres anesthésiques couramment
utilisés [28]. Malgré le caractère non physiologique de
cette condition, il est intéressant de noter que des effets
similaires de l’oxybutynine sur le réflexe mictionnel chez
des animaux éveillés et anesthésiés ont été observés chez
le cochon d’Inde [12]. La cystomanométrie chez des
animaux anesthésiés présente plusieurs avantages par
rapport aux animaux éveillés. Tout d’abord, et d’autant
plus chez la souris, elle permet de s’affranchir des
mouvements des animaux pouvant interférer avec
l’enregistrement cystomanométrique et surtout, elle
permet une mesure directe, précise et reproductible du
volume résiduel.
Dans cette étude, nous montrons que, in vitro,
l’oxybutynine bloque de façon compétitive les récepteurs
muscariniques du détrusor avec un pA2 de 7,8. Ce
résultat, est en accord avec les données publiées sur la
vessie humaine où le pA2 est égal à 7,6 [29]. Par ailleurs,
dans le modèle pharmacologique in vivo que nous avons
mis en place, permettant, sur le même animal, d’évaluer
son urosélectivité au regard de la sécrétion salivaire,
l’oxybutynine a une puissance similaire sur les deux
paramètres testés. Cette absence d’urosélectivité est à la
18
fois en accord avec les données publiées chez le rat [19],
mais aussi avec les données cliniques obtenues chez les
patients traités avec l’oxybutynine, chez lesquels, l’effet
secondaire le plus fréquent est la xérostomie [8].
Néanmoins, il serait intéressant de poursuivre la validation de ce modèle par l’évaluation de molécules décrites
comme plus urosélectives, en particulier la solifénacine
ou la darifénacine.
Dans le modèle de cystomanométrie discontinue,
permettant d’enregistrer le réflexe mictionnel chez la
souris anesthésiée, l’oxybutynine agit pendant la phase de
vidange en diminuant significativement le pic mictionnel
et en augmentant le volume résiduel. Par ailleurs, cette
molécule agit également pendant la phase de remplissage
en augmentant la capacité vésicale et la pression seuil
avant miction. Les effets thérapeutiques des antagonistes
muscariniques sur la fonction vésicale ont longtemps été
considérés comme la conséquence d’une inhibition de la
voie efférente du réflexe mictionnel puisqu’une diminution du pic mictionnel mais aussi une augmentation du
volume résiduel sont généralement observées chez les
animaux de laboratoire [11,12,15]. Une augmentation du
volume résiduel est également décrite chez l’homme après
un traitement avec l’oxybutynine [8]. Ainsi, nos résultats
chez la souris, montrent, comme chez le rat, le cochon
d’Inde et l’homme, que l’oxybutynine agit au niveau de la
voie efférente du réflexe mictionnel. En revanche,
l’augmentation de la capacité vésicale dans nos conditions
expérimentales peut être consécutive à une action de
l’oxybutynine sur la voie efférente comme sur la voie
afférente du réflexe mictionnel. Cependant, de récentes
études chez l’homme [14] mais aussi chez l’animal [30]
soutiennent l’idée d’une activité des antagonistes muscariniques sur la voie afférente. En effet, la majorité des
études cliniques reporte une activité significative des
antagonistes muscariniques sur la voie sensorielle comme
le montrent la réduction de la sensation d’urgence et
l’augmentation de la capacité vésicale après traitement
des patients avec ces composés [13]. Par ailleurs, Kim et al.
[31] ont montré qu’une administration intravésicale
d’oxybutynine inhibait l’hyperactivité vésicale consécutive à une administration intravésicale de carbachol chez
le rat. Enfin, la récente localisation des récepteurs
muscariniques au niveau de l’urothélium et du suburothélium supporte l’implication de ces récepteurs dans la
fonction sensorielle [14,32]. Pour autant, les études
cystomanométriques réalisées chez l’animal [12,15],
après un traitement aigu avec des antagonistes muscariniques, échouent dans la démonstration d’une augmentation de la capacité vés icale comme observé e
chez l’homme. Seule une étude réalisée chez la souris a
montré une augmentation de la capacité vésicale après
administration d’atropine [26]. Ainsi, l’effet que nous
avons observé sur la capacité vésicale chez la souris
anesthésiée, d’une part, peut probablement être consécutif à une activité de l’oxybutynine sur la voie afférente et
d’autre part, suggère l’intérêt de cette espèce dans l’étude
de l’activité des antagonistes muscariniques sur la voie
afférente du réflexe mictionnel.
Conclusion
Cette étude montre que la souris représente un modèle
pertinent à la fois pour la sélection de composés à visées
thérapeutiques et pour l’étude de la voie efférente et
afférente du réflexe mictionnel. Par ailleurs, le développement des techniques de manipulations génétiques chez
cette espèce offre un outil supplémentaire pour la
compréhension des mécanismes moléculaires impliqués
dans le contrôle de la fonction urinaire [33].
Références
1. Andersson KE, Arner A (2004) Urinary bladder contraction and relaxation: physiology and pathophysiology.
Physiol Rev 84: 935-86
2. Yoshida M, Homma Y, Inadome A, et al. (2001) Agerelated changes in cholinergic and purinergic neurotransmission in human isolated bladder smooth muscles. Exp
Gerontol 36: 99-109
3. Palea S, Artibani W, Ostardo E, et al. (1993) Evidence for
purinergic neurotransmission in human urinary bladder
affected by interstitial cystitis. J Urol 150: 2007-12
4. O’Reilly BA, Kosaka AH, Knight GF, et al. (2002) P2X
receptors and their role in female idiopathic detrusor
instability. J Urol 167: 157-64
5. Haab F, Amarenco G, Coloby P, et al. (2004) Terminologie
des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l’International
Continence Society. Progrés en urologie 14: 1103-11
6. de Groat WC (1997) A neurologic basis for the overactive
bladder. Urology 50: 36-52 (discussion, pp 53-6)
7. Brading AF (1997) A myogenic basis for the overactive
bladder. Urology 50: 57-67
8. Herbison P, Hay-Smith J, Ellis G, et al. (2003) Effectiveness
of anticholinergic drugs compared with placebo in the
treatment of overactive bladder: systematic review. BMJ
326: 841-4
9. Yarker YE, Goa KL, Fitton A (1995) Oxybutynin. A review
of its pharmacodynamic and pharmacokinetic properties,
and its therapeutic use in detrusor instability. Drugs Aging
6: 243-62
10. Andersson KE, Yoshida M (2003) Antimuscarinics and the
overactive detrusor-which is the main mechanism of
action? Eur Urol 43: 1-5
11. Modiri AR, Alberts P, Gillberg PG (2002) Effect of
muscarinic antagonists on micturition pressure measured
by cystometry in normal, conscious rats. Urology 59: 963-8
12. Peterson JS, Hanson RC, Noronha-Blob L (1989) In vivo
cystometrogram studies in urethane-anesthetized and
conscious guinea pigs. J Pharmacol Methods 21: 231-41
13. Finney SM, Andersson KE, Gillespie JI, et al. (2006)
Antimuscarinic drugs in detrusor overactive bladder
syndrome: motor or sensory actions? BJU Int 98: 503-7
14. Mukerji G, Yiangou Y, Grogono J, et al. (2006) Localization of M2 and M3 muscarinic receptors in human bladder
disorders and their clinical correlations. J Urol 176: 367-73
15. Angelico P, Velasco C, Guarneri L, et al. (2005)
Urodynamic effects of oxybutynin and tolterodine in
19
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
conscious and anesthetized rats under different cystometrographic conditions. BMC Pharmacol 5: 14
Abrams P, Andersson KE, Buccafusco JJ, et al. (2006)
Muscarinic receptors: their distribution and function in
body systems and the implications for treating overactive
bladder. Br J Pharmacol 148: 565-78
Nakamura T, Matsui M, Uchida K, et al. (2004) M3
muscarinic acetylcholine receptor plays a critical role in
parasympathetic control of salivation in mice. J Physiol
558: 561-75
Hegde SS (2006) Muscarinic receptors in the bladder: from
basic research to therapeutics. Br J Pharmacol 147: S80-7
Ohtake A, Ukai M, Hatanaka T, et al. (2004) In vitro and
in vivo tissue selectivity profile of solifenacin succinate
(YM905) for urinary bladder over salivary gland in rats.
Eur J Pharmacol 492: 243-50
Palea S, Lluel P, Barras M, et al. (2004) Involvement of 5hydroxytryptamine (HT)7 receptors in the 5-HT excitatory
effects on the rat urinary bladder. BJU Int 94: 1125-31
Lluel P, Barras M, Palea S (2002) Cholinergic and
purinergic contribution to the micturition reflex in
conscious rats with long-term bladder outlet obstruction.
Neurourol Urodyn 21: 142-53
Pandita RK, Fujiwara M, Alm P, et al. (2000) Cystometric
evaluation of bladder function in non-anesthetized mice
with and without bladder outlet obstruction. J Urol 164:
1385-9
Oki T, Sato S, Miyata K, et al. (2005) Muscarinic receptor
binding, plasma concentration and inhibition of salivation
after oral administration of a novel antimuscarinic agent,
solifenacin succinate in mice. Br J Pharmacol 145: 219-27
Kobayashi S, Ikeda K, Miyata K (2004) Comparison of in
vitro selectivity profiles of solifenacin succinate (YM905)
and current antimuscarinic drugs in bladder and salivary
25.
26.
27.
28.
29.
30.
31.
32.
33.
glands: a Ca2+ mobilization study in monkey cells. Life Sci
74: 843-53
Nelson CP, Gupta P, Napier CM, et al. (2004) Functional
selectivity of muscarinic receptor antagonists for inhibition of M3-mediated phosphoinositide responses in guinea
pig urinary bladder and submandibular salivary gland.
J Pharmacol Exp Ther 310: 1255-65
Igawa Y, Zhang X, Nishizawa O, et al. (2004) Cystometric
findings in mice lacking muscarinic M2 or M3 receptors.
J Urol 172: 2460-4
Deba A, Lluel P, Palea S (2006) Mesure simultanée de la
salivation et de la pression intravésicale chez la souris
anesthésiée : effets de l’oxybutynine. Pelv Perineol 1: 93-94
Matsuura S, Downie JW (2000) Effect of anesthetics on
reflex micturition in the chronic cannula-implanted rat.
Neurourol Urodyn 19: 87-99
Chess-Williams R, Chapple CR, Yamanishi T, et al. (2001)
The minor population of M3-receptors mediate contraction of human detrusor muscle in vitro. J Auton
Pharmacol 21: 243-8
De Laet K, De Wachter S, Wyndaele JJ (2006) Systemic
oxybutynin decreases afferent activity of the pelvic nerve
of the rat: new insights into the working mechanism of
antimuscarinics. Neurourol Urodyn 25: 156-61
Kim Y, Yoshimura N, Masuda H, et al. (2005) Antimuscarinic agents exhibit local inhibitory effects on
muscarinic receptors in bladder-afferent pathways. Urology 65: 238-42
de Groat WC (2004) The urothelium in overactive bladder:
passive bystander or active participant? Urology 64: 7-11
Bassuk JA, Grady R, Mitchell M (2000) Review article: the
molecular era of bladder research. Transgenic mice as
experimental tools in the study of outlet obstruction.
J Urol 164: 170-9
Pelv Perineol (2007) 2: 20–26
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0101-9
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Transobturator Tape (TOT) en chirurgie ambulatoire
et sous anesthésie locale : étude rétrospective
sur un échantillon de 84 patientes
G. Rathat 1 , C. Defez 2 , C. Courtieu 3
1
2
3
Internat CHU de Montpellier-Nimes, 191, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier, France
AMU, DIM, Hôpital Armand-de-Villeneuve, 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5, France
Clinique Beau-Soleil, 119, avenue de Lodève, 34070 Montpellier, France
Résumé : Objet : Étudier la mise en place d’une bandelette
sous-urétrale transobturatrice sous anesthésie locale et
en chirurgie ambulatoire.
Mé thode : Étude rétrospective portant sur 84 patientes,
ayant bénéficié, en ambulatoire, d’une cure d’incontinence
urinaire d’effort (IUE) par BSU (voie transobturatrice) de
juin 2003 à février 2005. Durant cette période, 91 patientes
ont été prises en charge pour BSU transobturatrice isolée ;
sept (8,3 %) ne répondaient pas aux critères initiaux de
prise en charge ambulatoire. La technique utilisée est la
mise en place d’une bandelette Monarc® (American
Medical Systems). L’anesthésie fut réalisée par voie locale,
potentialisée par une sédation. L’évaluation de cette prise
en charge a été réalisée par lecture rétrospective des
dossiers et par questionnaire de satisfaction téléphonique.
Ré sultats : Sur 84 patientes prévues initialement pour
une prise en charge en ambulatoire, 75 ont pu rentrer
à domicile le soir même de l’intervention (89,3 %). Une
anesthésie générale a pu être évitée dans 80 cas (soit 95 %
de chirurgie sous anesthésie locale). Les causes des échecs
d’ambulatoire furent : deux cas de rétention aiguë d’urine
postopératoire, quatre erreurs de programmation (deux
refus par les patientes le jour de l’intervention, deux
patientes vivaient seules), une pour nausées persistantes,
une pour douleurs persistantes, une pour raison climatique.
Toutes ces patientes sont sorties le lendemain de l’intervention.
Aucune complication peropératoire ne fut à déplorer,
en dehors d’un cas de mauvaise tolérance de l’anesthésie
locale, à type de malaise vagal, ayant eu pour conséquence
une totalisation de l’anesthésie. Aucune réhospitalisation
ni consultation précoce n’ont été nécessaire. L’évaluation
de l’acceptation de cette prise en charge a pu être faite chez
57 patientes (soit 69 % de l’effectif global), par questionnaire téléphonique. 89,47 % d’entre elles ont été satis-
Correspondance : E-mail : [email protected]
faites de cette prise en charge. 94,74 % d’entre elles furent
satisfaites de l’anesthésie locale, et seulement 1,9 % de
cette population auraient préféré une anesthésie générale.
83,93 % n’auraient pas souhaité rester plus longtemps
hospitalisées. 92,98 % (n = 57) conseilleraient à un tiers
de bénéficier de cette intervention dans les mêmes
conditions. Par la même méthode, l’évaluation de l’efficacité du traitement a pu être réalisée, qui est concordante
avec les résultats de l’hospitalisation conventionnelle.
Conclusion : La réalisation de cure d’IUE par BSU
transobturatrice est réalisable en ambulatoire et sous
anesthésie locale pour 82,4 % des indications. Une organisation adaptée du service et une bonne collaboration de
la patiente s’avèrent primordiales pour limiter les échecs
d’ambulatoire. Enfin, il apparaı̂t que la cotation des actes
devrait s’adapter afin de permettre le développement de
cette prise en charge.
Mots clés : Bandelette sous-urétrale – TOT – Chirurgie
ambulatoire – Incontinence urinaire d’effort
Transobturator tape (TOT) in outpatient surgery
and under local anaesthesia: a retrospective study
of 84 patients
Abstract: Objective: To assess the insertion of a transobturator, suburethral sling under local anaesthesia and
in outpatient surgery.
Method: Retrospective study of 84 patients having
received outpatient treatment for stress urinary incontinence (SUI) with a suburethral sling (transobturator route)
from June 2003 to February 2005. During this period,
91 patients were treated with a single, transobturator,
suburethral sling; 7 (8.3%) did not satisfy the initial criteria for outpatient treatment. The technique used
was the insertion of a Monarc hammock sling (American
21
Medical Systems). Local anaesthesia was administered along
with sedation. Assessment of this treatment was carried out
by reviewing medical records and performing a satisfaction
survey by telephone.
Results: Of the 84 patients initially scheduled for
outpatient treatment, 75 were able to return home by
the evening of the same day as the procedure (89.3%).
General anaesthesia was unnecessary in 80 cases (95% of the
surgery was carried out under local anaesthesia). The causes
of failure to maintain outpatient treatment are as follows:
2 cases of acute postoperative urine retention, 4 administrative incidents (treatment refusals by 2 patients on the day
of the procedure and 2 patients who lived alone), 1 case of
persistent nausea, 1 case of persistent pain, and 1 case of
inclement weather. All these patients were discharged the
day after the procedure. There were no peroperative
complications to report, except for one case of low tolerance
to the local anaesthetic, similar to vasovagal syncope and
because of which general anaesthesia was administered.
No rehospitalisation or early medical consultation was
necessary. The assessment of the acceptance of this treatment
was performed for 57 patients (69% of participants) using a
telephone questionnaire. Of these patients, 89.47% were
satisfied with the treatment, and 94.74% were satisfied with
the local anaesthesia, only 1.9% of the group preferring
general anaesthesia. In assessing the length of hospitalisation,
83.93% did not desire longer hospitalisation. Finally, 92.98%
(N = 57) would recommend this procedure to others under
the same conditions. Using the same method, an assessment
of treatment effectiveness was carried out and agreed with the
results of standard hospitalisation.
Conclusion: The treatment of stress urinary incontinence using a transobturator suburethral sling can be
achieved on an outpatient basis and under local
anaesthesia in 82.4% of the cases where indicated. Clinical
management adapted specifically to the facility and close
consultation with patients are crucial in limiting failures
in outpatient care. Finally, the fees charged for these
procedures must be adjusted to make it possible to
establish this line of treatment.
Keywords: Suburethral sling – TOT – Outpatient surgery –
Stress urinary incontinence
Introduction
La prise en charge des incontinences urinaires d’effort
(IUE) de la femme s’est totalement métamorphosée ces
dix dernières années. Parallèlement, la chirurgie ambulatoire a pris un essor tout à fait remarquable, modifiant les
pratiques des chirurgiens, et ce dans toutes les spécialités.
Le traitement de l’IUE par bandelette sous-urétrale fut
décrit par Ulmsten [1] pour la première fois en 1996, et était
proposé, déjà, sous anesthésie locale et en ambulatoire. La
voie transobturatrice fut décrite plus tard (2001) par
Delorme [2], chez des patientes bénéficiant soit d’une
anesthésie générale, soit d’une rachianesthésie, et qui restaient hospitalisées au moins la première nuit.
Devant cette évolution, il nous a paru intéressant
d’évaluer la faisabilité de la voie transobturatrice en
ambulatoire et sous anesthésie locale.
Objet de l’étude
L’objectif de cette étude est d’évaluer la faisabilité d’une
prise en charge en ambulatoire des chirurgies transobturatrices (TOT) dans l’IUE. À qui peut-elle s’adresser ?
Dans quelle proportion des indications est-elle réalisable ?
Est-elle appréciée par les patientes ? C’est pour répondre à
ces questions que nous avons revu les dossiers des patientes
qui ont pu bénéficier de cette chirurgie en hospitalisation
de jour.
Matériels et méthodes
Inclusions
Pour pouvoir répondre à une prise en charge ambulatoire,
les patientes devaient présenter les critères suivants : un
état général satisfaisant, une domiciliation à moins de
50 km de la clinique ; elles devaient comprendre et accepter
cette prise en charge, et ne présenter qu’une indication
isolée de bandelette sous-urétrale (BSU), sans indication
de cure de prolapsus associée (ou tout autre geste
chirurgical). Enfin, elles devaient pouvoir être joignables
par téléphone et un accompagnant devait être présent à
la sortie de la patiente et lors de la première nuit à domicile.
L’indication d’une bandelette sous-urétrale était posée
devant une incontinence urinaire d’effort avec hypermobilité urétrale et manœuvre de soutènement (« TVT-test »)
positive, que cette incontinence soit isolée, mixte, ou
associée à un mécanisme d’insuffisance sphinctérienne.
Prise en charge
L’indication opératoire est posée après au minimum une
consultation de gynécologie, une consultation d’anesthésie
(qui valide la proposition de chirurgie ambulatoire) et un
bilan urodynamique (BUD). Les patientes rentrent en
hospitalisation le matin de l’intervention vers huit heures, à
jeun. Toutes les interventions ont été réalisées par le même
opérateur. Après une préparation usuelle préopératoire
(douche bétadinée et blouse de bloc opératoire), elles sont
ensuite emmenées au bloc opératoire. Après l’intervention,
elles sont surveillées dans leur chambre, puis après
vérification de l’absence de résidu postmictionnel significatif (RPM < 100 cc), elles sortent le soir même vers
18 heures, avec une ordonnance comprenant des antalgiques de premier palier de l’OMS. Une des infirmières du
service les rappelle le lendemain de l’intervention et le suivi
à domicile se réalise en partenariat avec le médecin traitant.
Elles sont ensuite revues en consultation entre 30 et 45 jours
postopératoires, puis à un an.
22
Technique opé ratoire
La patiente est installée en décubitus dorsal, en position
gynécologique. La désinfection cutanée et vulvaire se fait
par double badigeonnage à la bétadine, puis des champs
stériles sont mis en place. La patiente est ensuite sondée
au moyen d’une sonde urinaire (foley n 16) avec un
ballonnet gonflé à 10 cc.
Le premier temps opératoire consiste en la réalisation
de l’anesthésie locale. Pour ce faire, on mélange 20 cc de
Tableau I.
xylocaı̈ne adrénalinée à 1 % dans 100 cc de sérum
physiologique. On injecte tout d’abord avec une aiguille
intradermique 10 cc de la dilution au niveau des orifices
de pénétrations cutanées du sytème TOT. Lorsque l’analgésie
est obtenue, une petite incision cutanée infracentimétrique au
bistouri froid (lame 11) est faite, à hauteur du clitoris, dans
chaque pli inguinocrural. Elle permet la poursuite de
l’anesthésie plus en profondeur : on injecte sur le trajet que
prendra l’aiguille du TOT jusqu’au trou obturateur (25 cc de
chaque côté). On infiltre ensuite en sous-urétral au niveau de
Questionnaire téléphonique
Nom :
Date de naissance :
Prénom :
AL
Date d’intervention :
Ambu
Date du questionnaire :
ATCD :
Questionnaire de satisfaction
Q1. Concernant le résultat de l’intervention, êtes-vous :
& Satisfaite
& Moyennement satisfaite
& Pas satisfaite
Q2. Concernant l’anesthésie pendant l’intervention, êtes-vous :
& Satisfaite
& Moyennement satisfaite
& Pas satisfaite
Q3. Concernant la douleur après l’intervention, êtes-vous :
& Satisfaite
& Moyennement satisfaite
& Pas satisfaite
Q4. Concernant la durée d’hospitalisation, êtes-vous :
& Satisfaite
& Moyennement satisfaite
& Pas satisfaite
Q5. Si c’était à refaire, préferiez-vous être endormie totalement ?
& Non
& Oui
Q6. Si c’était à refaire, souhaiteriez-vous rester plus longtemps à l’hôpital ?
& Non
& Oui
Q7. Conseillerez-vous à une amie ou à un membre de votre famille de bénéficier
de cette opération dans les mêmes conditions ?
& Non
& Oui
Q8. De façon globale, à propos de cette intervention, êtes-vous :
& Satisfaite
& Moyennement satisfaite
& Pas satisfaite
Résultats
IUE :
Non
Oui ! I
Impériosités :
Non
Oui
Fuites par impériosités :
Non
Oui
Utilisation de protections :
Non
Oui
Dans le dernier mois, combien de fuites ?
II
III
23
l’incision vaginale. Cette infiltration est poursuivie en paraurétral gauche et droit en direction des trous obturateurs.
L’intervention se déroule sous la surveillance d’un
médecin anesthésiste qui complètera cette anesthésie locale
le plus souvent par une sédation.
D’un point de vue chirurgical, notre technique est celle la
plus communément utilisée pour la pose de bandelette sousurétrale de type TOT. Nous utilisons le matériel proposé par
AMS : la bandelette de polypropylène monofilament tressée
à introducteur hélicoı̈dal Monarc®. Une incision de la
muqueuse vaginale antérieure, sagittale, de 2 cm est réalisée
entre deux pinces d’Alice à 1 cm du méat urétral. La
dissection est poursuivie latéralement aux ciseaux jusqu’au
contact de la face interne de la branche ischiopubienne. Puis
on réalise le passage transobturateur grâce au tunneliseur
hélicoı̈dal, son retrait par le même trajet laissant en place la
bandelette de polypropylène. On réalise de même de l’autre
côté. Le mode d’anesthésie permet de contrôler la pose de la
bandelette : avant la mise en tension de celle-ci, on gonfle la
vessie à l’aide de 300 cc de sérum physiologique, puis l’on
demande à la patiente des efforts de toux. La fuite urinaire
occasionnée doit être contrôlée par la mise en tension de la
bandelette tout en tolérant une continence imparfaite aux
efforts de toux (une fuite minime d’environ 2 cc), nous
pensons ainsi limiter les dysuries postopératoires (sans que
toutefois cela soit validé par la littérature). Les orifices
cutanés et muqueux sont refermés par des fils résorbables
monofilament. Il n’est pas réalisé de contrôle cystoscopique.
En fin d’intervention, la patiente est désondée. De retour en
hospitalisation, on calcule le résidu postmictionnel par
échographie après la première miction.
Étude
Nous avons rétrospectivement étudié les dossiers des
patientes ayant bénéficié d’une BSU pour IUE par voie
transobturatrice sans autre geste associé entre juin 2003
et février 2005.
Il a été relevé dans ces dossiers les antécédents des
patientes, les dates d’intervention et des consultations
ultérieures, les âges des patientes, les données du BUD,
le type d’incontinence urinaire initial, les éventuelles
complications peropératoires, postopératoires, les durées
d’hospitalisation, le type d’anesthésie, les données des
consultations postopératoires.
Puis nous avons tenté de recontacter les patientes
initialement prévues pour être prise en charge en ambulatoire. Un questionnaire téléphonique (Tableau I) leur a été
soumis par une personne autre que l’opérateur principal.
Après trois appels sans réponses, l’évaluation téléphonique
était abandonnée.
Résultats
Entre juin 2003 et février 2005, 91 patientes présentaient
une indication de BSU par voie transobturatrice pour
Tableau II. Répartition de la prise en charge en ambulatoire
TOT pour IUE
06/03 à 02/05
N = 91
Patientes relevant
d’une [H]
conventionnelle:
N=7
Inclusion
AMBULATOIRE
N = 84
Patientes réellement prises en
charge
en ambulatoire
N = 75
Soit 89.3%
ECHEC AMBULATOIRE
N=9
SOIT 10.7%
- 2 RAU
- 2 refus
- 2 solitaires
- 1 nausées
- 1 douleurs
– 1 météo.
traiter une IUE. L’âge moyen de celles-ci était de 58 ans.
Seulement sept de ces patientes ne présentaient pas les
critères d’inclusions pour une chirurgie ambulatoire.
Quatre-vingt-quatre patientes ont donc été programmées
pour une hospitalisation ambulatoire (Tableau II). Toutes
ces patientes ont bénéficié de l’intervention et 75 (soit
89,3 %) d’entre elles ont effectivement pu regagner leur
domicile le soir même de l’intervention. Parmi les neuf
échecs, la relecture des dossiers relève des causes diverses :
de mauvaises inclusions (deux refus le jour même par
les patientes, et deux patientes vivant seules), des causes
médicales comme des douleurs invalidantes (un cas), des
nausées persistantes (un cas), et deux cas de rétention aiguë
d’urine. Enfin, une cause « météorologique » : des
inondations ont empêché la patiente de sortir le soir
même. Ces neuf patientes ont pu regagner leur domicile dès
le lendemain.
Au total, 82,4 % des indications de BSU pour IUE ont
pu être réalisées en ambulatoire. Aucune réhospitalisation en urgence n’a été nécessaire.
Nous n’avons aucune complication peropératoire à
déplorer sur ces 84 dossiers.
Concernant l’anesthésie, 77 dossiers étaient exploitables.
À la lecture de ceux-ci, on retrouve un taux d’anesthésie
locale de 94,81 % (Tableau III). Seules quatre patientes ont
dû requérir une anesthésie générale. La sédation la plus
communément utilisée fut le midazolam (Hypnovel®) avec
une médiane de posologie à 2,75 mg (68 patientes des 77
dossiers d’anesthésie exploitables), associé parfois (38 cas
des 77 dossiers d’anesthésie exploitables) à une analgésie
Tableau III. Répartition de la prise en charge par anesthésie locale
Inclusion
AMBULATOIRE
N = 84
Anesth. locale et sédation.
N = 80 soit 95%
Retour à domicile
le soir même:
N=3
Echec d’AL,
Anesthésie Générale
N=4
Échec ambulatoire
N=1
24
Tableau IV. Résultats du questionnaire
Concernant le résultat de l’intervention, êtes-vous : Nombre = 57
Concernant l’anesthésie pendant l’intervention, êtes-vous : Nombre = 57
Concernant la douleur après l’intervention, êtes-vous : Nombre = 57
Concernant la durée d’hospitalisation, êtes-vous : Nombre = 56
Si c’était à refaire, préféreriez-vous être endormie totalement ? Nombre = 53
Si c’était à refaire, souhaiteriez-vous rester plus longtemps à l’hôpital ?
Nombre = 56
Conseillerez-vous à une amie ou à un membre de votre famille de bénéficier
de cette opération dans les mêmes conditions ? Nombre = 57
De façon globale, à propos de cette intervention, êtes-vous : Nombre = 57
générale par morphiniques : sufentanyl 5 microgrammes,
(médiane de posologie) ou fentanyl 50 microgrammes
(médiane de posologie).
Par téléphone, 57 questionnaires d’évaluation ont pu être
remplis, soit environ 69 % des 84 patientes. Les résultats
complets sont visibles en dans le Tableau IV. Il en ressort
que 83,93 % des patientes sont satisfaites de leur durée
d’hospitalisation et seulement 16 % auraient préféré rester
plus longuement à l’hôpital. Plus de 98 % d’entre elles ne
regrettent pas d’avoir été conscientes pendant le geste, et
plus de 94 % sont satisfaites de l’anesthésie pendant
l’intervention. Enfin, 93 % environ d’entre elles conseilleraient à une personne proche de bénéficier de cette
intervention dans les mêmes conditions, et 89,5 % sont
globalement satisfaites de cette prise en charge. Ces
questionnaires ont été réalisés entre deux mois et deux ans
postopératoires, avec une médiane de 20 mois.
Discussion
La chirurgie ambulatoire est définie par la loi comme
l’« ensemble des actes chirurgicaux [...] réalisés dans les
conditions techniques de sécurité d’un bloc opératoire,
sous une anesthésie de mode variable et selon des
modalités permettant sans risque majoré la sortie du
patient le jour même de son admission ».
L’étude décrite ici présente les biais liés à ses caractères
rétrospectifs et non comparatifs mais elle est à notre
connaissance la seule évaluant la prise en charge en
ambulatoire dans la voie transobturatrice pour la cure
d’IUE. En effet, si pour la « tension free vaginal tape »
(TVT) la description initiale faite par Ulmsten [1] présente
Satisfaite
Moyennement
Pas satisfaite
Satisfaite
Moyennement
Pas satisfaite
Satisfaite
Moyennement
Pas satisfaite
Satisfaite
Moyennement
Pas satisfaite
Non
Oui
Non
Oui
Non
Oui
Satisfaite
Moyennement
Pas satisfaite
satisfaite
satisfaite
satisfaite
satisfaite
satisfaite
46
7
4
54
1
2
49
5
3
47
6
3
52
1
47
9
4
53
51
2
4
80,7 %
12,28 %
7,02 %
94.74 %
1.75 %
3.51 %
85,96 %
8,77 %
5.26 %
83,93 %
10,71 %
5,36 %
98,11 %
1,89 %
83,93 %
16,07 %
7,02 %
92,98 %
89,47 %
3,51 %
7,02 %
une prise en charge sous anesthésie locale et en chirurgie
ambulatoire, ce n’est pas le cas pour la voie transobturatrice. Delorme [2], même s’il prévoit que cette intervention
puisse être réalisée sous anesthésie locale, décrit une série
de cas réalisés sous rachianesthésie ou sous anesthésie
générale, avec des patientes regagnant leur domicile le
lendemain de l’intervention. De même, lors des séries plus
conséquentes présentées ultérieurement comme celle de
Costa [3], l’hospitalisation est une hospitalisation conventionnelle supérieure à 12 heures.
Au sujet de l’anesthésie locale, il existe d’autres schémas
que celui que nous avons proposé. Ainsi, Dedobinance [4]
utilise 20 cc de ropivacaı̈ne associée à 1 mg d’adrénaline, et
1 gamma/kg de clonidine, l’ensemble étant dilué dans 100 cc
de sérum salé isotonique.
Concernant le questionnaire de satisfaction, même s’il
n’a pu être réalisé chez toutes les patientes, il revêt par son
caractère téléphonique et l’existence d’un interlocuteur
différent de l’opérateur une certaine objectivité. Il ne s’agit
pas d’un questionnaire validé scientifiquement, mais nous
avons pris le parti de préférer des items plus justement
adaptés à notre recherche : satisfaction globale, appréciation du caractère ambulatoire et de l’anesthésie. Le taux de
satisfaction globale de près de 90 % est comparable à ceux
retrouvés dans la littérature, comme par exemple dans
l’étude de nos confrères viscéralistes [5] qui ont pour les
hernies prises en charges en ambulatoire un taux de 92,4 %
de satisfaction. L’étude de Spinosa [6] sur 117 TOT en
hospitalisation conventionnelle retrouvait un taux de
satisfaction générale de 92 %. Bien qu’il serait nécessaire
qu’une étude comparative l’affirme, il ne semble donc pas
que la chirurgie de jour sous anesthésie locale interfère sur
la satisfaction globale de la patiente pour ce type
25
d’intervention. Toutefois, dans cette étude, on peut penser
que le délai parfois long entre l’intervention et
le questionnaire (médiane de 20 mois) puisse être à
l’origine d’une mauvaise évaluation de la satisfaction des
patientes.
La chirurgie ambulatoire présente des avantages
indiscutables comme la réduction des coûts et la
réduction des infections nosocomiales, mais elle reste
faiblement représentée en France, en retard sur les autres
pays européens [7]. Parmi les interventions traceuses de
chirurgie ambulatoire mise en place en France dans les
années 1990 figurent les curetages, les IVG, les interventions sénologiques et les salpingectomies.
Nous retrouvons dans notre étude un taux de réussite de
prise en charge ambulatoire (82 %) comparable à celui décrit
par Dravet [8] dans la chirurgie sénologique oncologique
(87,6 %), avec un taux global de TOT réalisés en ambulatoire
de 80 % environ, contre 54 % dans l’étude de Dravet. Dans
un domaine chirurgical plus proche, l’étude de De Tayrac [9]
sur les injections transurétrales sous anesthésie locale et en
ambulatoire pour des IUE, le taux de réussite ambulatoire
est moins bon (42,1 %) même si l’anesthésie locale a pu être
réalisée dans tous les cas. Chez nos confrères viscéralistes
dans la cure de hernie [4], la prise en charge en ambulatoire
a pu être réalisée dans 80,3 % des cas.
Cette chirurgie mini-invasive se prête par essence ce
type de prise en charge. Cela semble encore plus évident
lorsque l’on voit que le retour à domicile le jour même de
l’intervention est proposé pour des interventions plus
lourdes comme des cœlioscopies pour infertilité, endométriose, kystectomie [10], pour des hystérectomies voie basse
[11] pour des cholécystectomies cœlioscopiques [12], et
pour des interventions sur des nourrissons de quatre mois
[13]... Le taux obtenu dans cette étude semble pouvoir être
amélioré en affinant le recrutement initial. En effet, si l’on
écarte les mauvaises indications d’ambulatoire, à savoir : les
patientes vivant seules, et les patientes refusant de
retourner au domicile le soir même, le taux de réussite de
l’ambulatoire s’élèverait alors à 94 %.
Il est intéressant de noter que les questions n 5 et 6 du
questionnaire (Tableaux II et III) semblaient le plus souvent
totalement incongrues aux patientes, tant la réponse leur
semblait évidente. Puisse en être de même un jour pour les
chirurgiens encore un peu frileux sur ce type de prise en
charge...
Bien sûr, comme le soulignent Berge, Pellerin et Johanet
[14-16], la chirurgie de jour est une contrainte : elle
nécessite une organisation centrée sur le patient, avec une
unité dédiée à ce but, un personnel paramédical et
administratif spécifique. Enfin, des progrès en termes de
tarification sont encore nécessaires.
Conclusion
Au total, il semble que la cure d’IUE par mise en place de
BSU par voie transobturatrice soit réalisable dans plus de 80
% des cas en unité ambulatoire, avec un excellent taux de
satisfaction. Le taux de succès de l’ambulatoire dans cette
indication semble pouvoir être amélioré par un meilleur
recrutement initial. Les progrès en terme de tarification
devraient pouvoir permettre de valoriser ce type de prise en
charge et de contribuer à son expansion. En effet, le système
de tarification actuel en France pénalise les établissements
offrant une prise en charge ambulatoire par rapport à ceux,
qui pour ce même type d’intervention, proposent une
hospitalisation supérieure à deux nuits.
Références
1. Ulmsten U, Henriksson L, Johnson P, Varhos G (1996) An
ambulatory surgical procedure under local anesthesia for
treatment of female urinary incontinence. Int Urogynecol J
Pelvic Floor Dysfunct 7(2): 81–5; discussion 85–6
2. Delorme E (2001) Transobturator urethral suspension:
mini-invasive procedure in the treatment of stress urinary
incontinence in women. Prog Urol 11(6): 1306–13
3. Costa P, Grise P, Droupy S, et al. (2004) Surgical treatment of
female stress urinary incontinence with a trans-obturator-tape
(TOT) Uratape: short term results of a prospective multicentric study. Eur Urol 46(1): 102–6; discussion 106–7
4. Debodinance P (2006) Comment je fais... l’anesthésie
pour la pose de bandelettes sous-urétrales par voie
obturatrice dans la cure d’incontinence urinaire [How I
do the anaesthesia for the trans-obturator urethral sling
in the incontinence surgery] Gynecol Obstet Fertil
34(6): 531–532
5. Jacquet E, Puche P, Alahyane J, et al. (2006) Evaluation of
inguinal hernia in ambulatory surgery: A prospective
monocentric study on 1009 inguinal hernia. Ambulatory
Surgery 12[4]: 167–71
6. Spinosa JP, Dubuis PY, Riederer B (2005) Transobturator
surgery for female urinary continence: from outside to
inside or from inside to outside: a comparative anatomic
study. Prog Urol 15(4): 700–6
7. Sales JP (2001) Place de la chirurgie ambulatoire en
France. Comparaisons internationales. [Role of ambulatory surgery in France. International comparisons]. Ann
Chir 126(7): 680–5
8. Dravet F, Belloin J, Dupré PF, et al. (2000) Place de la
chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude
prospective de faisabilité : prospective study of the
feasibility of outpatient breast surgery. [Role of outpatient
surgery in breast surgery. Prospective feasibility study].
Ann Chir 125(7): 668–76
9. De Tayrac R, Cortesse A, Fernandez H, et al. (2005)
Injections transurétrales sous anesthésie locale en ambulatoire dans l’incontinence urinaire d’effort féminine:
indications, faisabilité et résultats[Transurethral injections under local anaesthesia for ambulatory treatment
of stress urinary incontinence in women: indications,
feasibility and results]. J Gynecol Obstet Biol Reprod
(Paris) 34(7 Pt 1): 702–10
10. Horvath KJ (2003) Postoperative recovery at home after
ambulatory gynecologic laparoscopic surgery. J Perianesth
Nurs 18(5): 324–34
11. Pasternak LR, Johns A (2005) Ambulatory gynaecological
surgery: risk and assessment. Best Pract Res Clin Obstet
Gynaecol 19(5): 663–79 Epub 2005 Jul 11
26
12. Johanet H, Laubreau C, Barei R, et al. (2002) Cholécystectomie par laparoscopie en ambulatoire. Outpatient laparoscopic cholecystectomy. Ann Chir 127(2): 121–5
13. Kalfa N, Forgues D, Rochette A, et al. (2004) Étude comparative
de la faisabilité et des limites de la chirurgie ambulatoire chez le
nourrisson et chez l’enfant de plus d’un an. [A comparative
study of the feasibility and limits of ambulatory surgery in
infants under and over one year of age]. Ann Chir 129(3): 144–8
14. Berge F, Dubourg Y, Lepage B (1996) Anesthésie/chirurgie
ambulatoire : une architecture et une organisation
spécifiques RBM-News, 18[1]: 10–12
15. Pellerin D (2001) La chirurgie ambulatoire. [Ambulatory
surgery] Ann Chir 126(7): 616–7
16. Johanet H (2004) Chirurgie ambulatoire pour une
amélioration de la qualité des soins. [Ambulatory surgery
to improve quality of care] Ann Chir 129(3): 131
Pelv Perineol (2007) 2: 27–32
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0107-3
MISE AU POINT / UPDATE
Varices pelviennes symptomatiques : diagnostic et traitement
M. Greiner
Service de radiologie vasculaire, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital,
75651 Paris Cedex 13 - Université Pierre-et-Marie-Curie - Assistance publique hôpitaux de Paris
Résumé : Les varices pelviennes représentent l’expression
anatomopathologique d’une stase veineuse intéressant un
ou plusieurs secteurs pelviens. La notion de varices
pelviennes symptomatiques reste une entité à découvrir
pour de nombreux spécialistes. Le diagnostic (dg) évoqué
devant une symptomatologie stéréotypée doit conduire à
la réalisation d’un échodoppler endovaginal dont la valeur
prédictive est bonne dans le dg des varices utéro-ovariennes.
Il doit être complété par un doppler transpérinéal à la
recherche de varices périnéales. L’IRM élimine une pathologie pelvienne associée ; sa sensibilité comme celle du
scanner est faible dans le dg des varices pelviennes. Toute
suspicion persistante de pathologie génitale fera discuter
une cœlioscopie. Un tableau clinique typique ou un tableau
évocateur associé à la présence de varices pelviennes à l’une
des imageries en coupe doit conduire à la phlébographie
pelvienne. Cette procédure, peu invasive, est indispensable
au dg et permet de dresser une cartographie anatomique et
hémodynamique du pelvis veineux. La classification des
anomalies veineuses pelviennes que nous avons élaborée,
fondée sur les résultats de la phlébographie, permet
d’orienter les choix thérapeutiques. Le traitement endovasculaire, seule thérapeutique envisageable à l’heure actuelle
pour les varicocèles et anomalies veineuses alimentées par
les afférents iliaques internes, doit respecter les contreindications. Il consiste en l’embolisation par coils, colle
synthétique ou autres matériaux, des varices et/ou de leur
alimentation selon les indications. Ses résultats à long terme
sont excellents s’il est complet. Les varices pelviennes à
l’origine d’une pathologie parfois très invalidante, source
de médicalisation chronique coûteuse, doivent désormais
être diagnostiquées et traitées.
to venous insufficiency in one or several pelvic regions.
This insufficiency, which has a number of possible causes, is
responsible for venous stasis, varicose veins and venous
leaks. A diagnosis based on signs and symptoms should
lead to transvaginal sonography, which has high predictive
value in diagnosing uterovaginal varicose veins. However,
there is a high rate of diagnostic error in detecting pelvic
varicose veins in other regions. It must be complemented
by transperineal ultrasound to search for perineal varicose
veins. MRI can reveal associated pelvic disorders. But,
like CT scans, its sensitivity is too low to diagnose pelvic
varicose veins. Laparoscopy is often used to assess
unexplained chronic pelvic pain. A typical semiology of
pelvic venous stasis or a suggestive semiology associated
with pelvic varicose veins on cross-sectional imaging
indicates pelvic phlebography, which is the only procedure
that can construct an anatomical and hemodynamic profile
of pelvic veins. We report a pretreatment classification of
disorders based on venography and intended to help guide
therapeutic decision-making. Endovascular treatment, the
only possible treatment at present for complex varicoceles
and varicose veins supplied by internal afferent iliac vessels,
is subject to a careful assessment of contraindications.
Depending on the indication, several embolization techniques can be employed, preferably with coils and glue. The
long-term results are excellent if the procedure is complete.
Pelvic varicose veins, sometimes causing disabling disorders
and requiring chronic and expensive medical care, must
now be diagnosed and treated.
Mots clés : Varices pelviennes – Phlébographie pelvienne –
Embolisation veineuses pelvienne
Introduction
Symptomatic pelvic varicose veins:
diagnosis and treatment
Abstract: Symptomatic pelvic varicose veins comprise a
distinct and often overlooked clinical entity. They are related
Keywords: Pelvic varicose veins – Pelvic phlebography –
Pelvic venous embolisation
La pathologie veineuse pelvienne, pathologie essentiellement
féminine, a été très longtemps ignorée en raison de thèses
empiriques qui avaient imprégné la mémoire médicale et
d’explorations complémentaires inexistantes. Il a fallu
attendre la publication princeps de Hobbs [1] pour modifier
les concepts. Pourtant des articles antérieurs, tels ceux de
Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : 01 42 16 35 97
28
A. Gilloux [2] et H. Lefevre [3], en 1964, reliant les varices
utéro-ovariennes aux algies pelviennes essentielles ou celui
de Théodore Massel [4] démontrant l’origine pelvienne de
certaines varices des membres inférieurs, avaient été
révélateurs. S’il est vrai que les varices pelviennes permanentes asymptomatiques sont fréquentes dès la deuxième
grossesse, il n’est plus à démontrer qu’elles peuvent être à
l’origine d’une symptomatologie spécifique parfois très
invalidante, qui requiert une thérapeutique spécifique ; cette
thérapeutique reste confinée à quelques centres.
Signes cliniques
Quelle que soit la cause – varicoses suppléantes
secondaires à des thromboses ; anomalie constitutionnelle du drainage veineux ; incontinence valvulaire
acquise (grossesses) ou congénitale ; anomalie génétique
de la paroi veineuse ; dysfonctionnements hormonaux ; facteurs mécaniques (grossesses, rétroversion
utérine du post-partum) ; facteurs hémodynamiques
(grossesses) – la symptomatologie clinique dépend des
organes et sites affectés par l’atteinte veineuse.
On distingue trois grands types de séméiologie
clinique
Le syndrome de congestion pelvienne
La douleur pelvienne chronique, expression directe de
la stase veineuse est toujours présente. Elle est définie
comme une douleur non cyclique, évoluant depuis plus
de six mois, aggravée par la position debout, en fin de
journée, et en période prémenstruelle. Elle est prolongée
par une dysménorrhée. Une dyspareunie ou des douleurs
postcoı̈tales qui durent 24–48 heures sont souvent
associées. Une pesanteur périnéale (en relation avec des
varices pudendales), une dysurie inexpliquée non pas à
type d’incontinence, mais à type d’urgence mictionnelle
(liée à des varices du trigone vésical), une sensation de
lourdeur de jambes (due à des fuites veineuses pelviennes vers les membres inférieurs) sont inconstantes mais
caractéristiques. Non identifiés, ces symptômes conduisent à l’anxiété, l’irritabilité, la frigidité et la dépression.
L’examen clinique peut mettre en évidence une
sensibilité d’un ovaire ou d’une annexe à la palpation,
des varices des organes génitaux externes, périnéales ou
des membres inférieurs.
L’association d’une palpation annexielle reproduisant
la douleur de la patiente et de dyspareunies chroniques
postcoı̈tales a une sensibilité de 94 % et une spécificité
de 77 % dans la distinction du syndrome de congestion
pelvienne des autres causes de douleur pelvienne [5].
L’interrogatoire note le nombre de grossesses et
l’intervalle libre qui les sépare, l’existence de varices
pendant les grossesses, notamment vulvaires, disparues
après l’accouchement.
Les douleurs pelviennes focalisé es à siè ge constant
Elles peuvent être localisées à un viscère en rapport avec
des varices viscérales (cystalgie chronique) à une fosse
iliaque le plus souvent gauche ou de siège pariétal, dues à
des varices alimentées par les afférents veineux iliaques
internes pariétaux. Il en est ainsi des fessalgies, des
névralgies obturatrices, pudendale interne ou sacrale.
L’origine veineuse est tardivement évoquée. Intolérables,
elles sont la source d’escalade thérapeutique et de
consultation dans les centres antidouleurs et les centres
psychiatriques. C’est dans ce contexte qu’il a été décrit
des suicides [6].
Varices atypiques des membres infé rieurs (MI)
Leur atypie tient à leur topographie, car elles ne suivent
pas le trajet des veines saphènes, mais elles semblent
émerger de la racine de cuisse puis croisent la face
antéro-interne ou postéro-interne de cuisse avant
d’atteindre le creux poplité. Une origine pelvienne ou
suprapelvienne est retrouvée dans 16,6 % des récidives
de varices des MI après chirurgie [7].
Examens paracliniques
L’identification de cette entité clinique doit conduire à
l’échographie endovaginale si possible couplée au doppler. Cet examen de première intention permet une
bonne étude des organes génitaux internes et possède
une excellente valeur prédictive dans le diagnostic des
varices utéro-ovariennes. Le diagnostic des autres sites
variqueux pelviens reste difficile et incomplet en raison
de la complexité du drainage veineux pelvien. La
recherche d’une cause variqueuse n’est pas du domaine
de l’échographie. Cet examen doit être associé au doppler
périnéal à la recherche de varices périnéales et de points
de fuite au canal d’Alcock, et au doppler de l’orifice
superficiel du canal inguinal à la recherche d’un flux à
contre-courant [8]. Un doppler des membres inférieurs
est systématique si l’examen clinique retrouve des
varices à leur niveau. L’apport de l’IRM, excellent
examen pour l’exploration du pelvis, est limité dans la
pathologie veineuse pelvienne [5], mais le radiologue
doit signaler toutes varices d’un secteur pelvien dans un
contexte de douleur pelvienne chronique. Le scanner
n’est pas performant pour le diagnostic des varices
pelviennes [5], mais il constitue un bon examen pour
l’étude de la veine rénale gauche. La cœlioscopie est
réalisée chez la plupart des patientes souffrant d’un PCS
non diagnostiqué à la recherche de maladies inflammatoires, d’endométriose ou autres pathologies génitales. La
constatation de varices ovariennes ou du ligament large
conduit au diagnostic de varices pelviennes mais en
position couchée, ou en Trendelenburg et avec l’insufflation de la cavité abdominale, les dilatations veineuses
29
Tableau I. Classification des anomalies veineuses pelviennes
Type I : anomalies secondaires à une obstruction veineuse
Origine suprapelvienne
Origine pelvienne
Anomalies du retour veineux ré nal gauche
Nutcracker syndrome
Veine rénale rétroaortique
Veine rénale réticulaire
Occlusion veineuse rénale gauche
Primaires
May-Thurner
Anomalies anatomiques des veines
iliaques internes
Pathologie de la VCI
Anomalies constitutionnelles
Compressions extrinsèques
Thrombose
Secondaires
Occlusion iliaque
Compression extrinsèque
Thromboses
Type II : maladies veineuses
Pathologie valvulaire
Incompétence valvulaire congénitale ou acquise
Absence ou destruction des valvules
Dilatation congé nitale ou acquise des veines pelviennes
Malformations veineuses
sont peu visibles et sous-estimées ; sa sensibilité est
médiocre, notée en moyenne à 40 % [5]. Les varices
rétropéritonéales ne sont jamais vues. Même visibles, ces
varices sont rarement mises en cause par le gynécologue
dans la symptomatologie douloureuse pelvienne, ce qui
retarde le diagnostic.
Un syndrome de congestion pelvienne typique ou
l’association d’une douleur pelvienne, ou périnéale qui
ne fait pas sa preuve et de varices pelvi-périnéales
objectivées au cours d’un examen paraclinique doit
conduire à la réalisation d’une phlébographie pelvienne
sélective. Cet examen, réalisé sans hospitalisation ni
prémédication ne connaı̂t pas de complication en dehors
de l’allergie au produit de contraste. C’est le seul examen
actuellement capable de dresser une cartographie anato-
mique et hémodynamique du pelvis féminin, et de définir
une conduite à tenir.
Classification et indication thérapeutique [9]
La classification que nous avons établie (Tableau I)
permet d’éviter les traitements erronés.
En effet, le traitement des suppléances variqueuses
pelviennes secondaires à un obstacle ne peut se concevoir
sans levée de l’obstruction si cette dernière est occlusive.
Il en est ainsi des embolisations de veine génitale dans
le cadre d’un Nutcracker syndrome complet ou majeur
(Fig. 1), qui sont à l’origine de souffrance rénale gauche
dont le premier signe est l’hématurie et de complications
non négligeables à distance, notamment hémorragiques.
Fig. 1. Nutcracker syndrome majeur : (a et b) veine rénale comprimée (flèche noire) et volumineuse veine ovarique de dérivation (flèche blanche) ; (c) étage
pelvien : importante varicocèle gauche (flèche courbe)
30
Les varicocèles de la femme ou dilatation des plexus
pampiniformes ovariens, ou testiculaires méritent une
mention particulière. Nous en distinguons trois types :
– le type 1 correspond aux varicocèles secondaires à une
incompétence veineuse constitutionnelle ou acquise du
système de drainage des plexus pampiniformes. Il regroupe
les incontinences des veines ovariques gauches responsables
d’un reflux du sang veineux rénal gauche dans la veine
génitale gauche, l’absence correcte de drainage de la veine
génitale droite dans la veine cave inférieure, et les
incompétences des afférents veineux iliaques internes de
drainage, notamment des veines utérines. Le traitement
endovasculaire doit être privilégié. Il est peu invasif, adapté à
chaque anatomie veineuse et aux anomalies hémodynamiques. C’est le seul traitement envisageable dans les
varicocèles complexes alimentées à la fois par les veines
génitales et les afférents iliaques internes puisque l’efficacité
thérapeutique nécessite le traitement de l’ensemble des
alimentations ;
– le type 2 regroupe les varicocèles constituant des
voies de suppléance d’un obstacle :
anomalie de drainage du sang veineux rénal
gauche ;
syndrome iliocave obstructif ;
– le type 3 est constitué par les varicocèles secondaires à une cause locale :
dystrophie veineuse du plexus pampiniforme ;
rétroversion utérine du post-partum ;
phénomène adhérentiel postinfectieux ou postchirurgical intéressant une annexe ou la totalité du
système génital responsables de contrainte au retour
veineux ;
destruction du tissu de soutien des paramètres
telle que rencontrée dans le syndrome de Masters-Allen
autorisant une distension veineuse ;
cause traumatique non obstétricale.
Le diagnostic de ces varicocèles suggéré par la
phlébographie est confirmé par la cœlioscopie. Un
syndrome de congestion pelvienne est toujours présent.
La présence d’un reflux rénogénital associé, constitue
un épiphénomène dont la suppression laissera inchangé
le paquet variqueux pelvien, source de réservoir sanguin
qui s’évacuera par les multiples connections au gré du
jeu des pressions. Cela explique l’absence d’amélioration
clinique du syndrome de congestion pelvienne après
embolisation isolée du reflux.
Traitement
Le traitement [9] répond à des exigences précises dont
le respect conditionne les résultats et permet d’éviter
les complications. Il impose une bonne connaissance
anatomique et hémodynamique du pelvis veineux. Il doit
intéresser la totalité de la veine pathologique et doit être
complet c’est-à-dire concerner la totalité des secteurs
pathologiques. L’absence d’amélioration clinique postthérapeutique est le plus souvent liée à la persistance
de paquets variqueux non traités ou à l’utilisation de
techniques non adaptées. Enfin, il doit respecter les
contre-indications.
Le traitement endovasculaire est le seul traitement
actuel des varices alimentées par les veines pelviennes
drainées par le système iliaque interne. Les traitements
chirurgicaux réalisés par quelques équipes dans les
années 1980–1990 [10] ont été abandonnés malgré de
bons résultats en raison de leur morbidité et de la
longueur des procédures. Le traitement des varicocèles
par chirurgie classique ou cœlioscopie est grevé d’un
taux non négligeable de récidives par oblitération
incomplète des voies de drainage [5]. Compte tenu des
moyens diagnostiques et des connaissances actuelles,
il ne peut se concevoir que dans les varicocèles non
alimentées par les afférents iliaques internes (Fig. 2) sous
peine d’inefficacité et ne doit pas détruire une voie
d’accès dans les malformations veineuses des plexus
pampiniformes.
Fig. 2. Varicocèle gauche complexe (a) alimentation par la veine ovarique g ; (b et c) même varicocèle : alimentation par des afférents iliaques
internes (flèches courbes)
31
Le traitement endovasculaire des varicocèles de type 1
c’est-à-dire secondaires à une pathologie de reflux, a été
rapporté dans de nombreux articles [5–14]. Il a beaucoup
évolué ces dernières années et ne peut pas être assimilé
au traitement des varicocèles de l’homme dans le
contexte d’infertilité. Le diamètre des veines ovariques
n’autorise pas l’utilisation de substances sclérosantes. La
technique que nous privilégions [9,13] utilise des coils
permettant de bloquer le flux des principaux afférents de
la veine ovarique au paramètre suivi de l’embolisation de
la veine génitale jusqu’au dernier afférent (parfois très
haut situé), par une émulsion de colle synthétique et de
lipiodol. Cette injection peut être terminée par la pose de
coils. Le résultat est définitif.
Les afférents iliaques internes incompétents, alimentant la varicocèle, sont toujours embolisés dans le
même temps.
Le traitement des varicocèles de cause locale doit être
assimilé au traitement des varices issues des afférents
iliaques internes [9,13]. Il est plus dangereux compte
tenu de la compliance veineuse, des multiples connec-
tions veineuses et de la distance très courte séparant le
site à traiter de la veine iliaque interne collecteur de tout
un hémi bassin. Pour éviter tous risque d’embolie
pulmonaire, nous commençons le traitement des varices
pelviennes alimentées par des afférents iliaques internes
(varicocèles comprises) de gros diamètre (supérieur à
4 mm) par un arrêt de sécurité à l’émergence de la fuite
phlébographique (Fig. 3). Celui-ci est réalisé par mise
en place à l’aide d’une sonde 4Fr d’un coil fibré 0,035
considéré comme l’équivalent d’un filtre ; ce coil est
franchi par microcathéter permettant le cathétérisme
puis l’embolisation des varices par injection de colle. Les
alimentations de petit calibre (< 4 mm) sont embolisées
par la pose de microcoils fibrés 0,018 sur toute la longueur de la fuite.
Complications et résultats à long terme
Le traitement endovasculaire des varices pelviennes est
le traitement de choix, mais requiert une équipe bien
formée et un opérateur entraı̂né au maniement des
Fig. 3 Traitement endovasculaire de varices pelviennes (a) phlébographie initiale : série anatomique après cathétérisme de la veine iliaque
interne ; Flè che ouverte : veine glutéale supérieure (fessière) gauche et sa valvule continente ; tê te de flè che : plexus présacral normal ; flè che
blanche : afférent iliaque interne variqueux et avalvulé ; (b) même patiente après cathétérisme de l’afférent pathologique : varices pudendales
internes à double alimentation ; (c) cliché en cours d’embolisation : injection de colle synthétique et lipiodol (flè che ouverte) par microcathéter
(flè che blanche) après pose d’un coil de sécurité (tê te de flè che) par une sonde 4Fr (flè che pointillé e) ; (d) imagerie de contrôle en fin de procédure
(double embolisation). Noter l’absence d’opacification de varices. L’imagerie des autres afférents est inchangée
32
différentes techniques d’embolisation, et notamment de
la colle synthétique.
La complication majeure rapportée dans la littérature
est celle, rare, de migration de coils au début des
expériences veineuses [5,11,14]. Ils ont toujours fait l’objet
de récupération immédiate sans séquelle par ces équipes
entraı̂nées. C’est une complication qui devient exceptionnelle avec l’expérience et notamment avec l’acquisition de
la compliance veineuse. Quelques migrations de fragment
de colle polymérisée sont également mentionnées sans
traduction clinique ou paraclinique [9] ou à l’origine
d’embolie pulmonaire périphérique très focalisée [11].
Aucune thrombose veineuse pelvienne extensive n’a
jamais été rapportée. Cela s’explique par la diversité des
gradients de pression à l’étage pelvien entretenant la
circulation des flux et l’absence de phénomènes infectieux, facteur déclenchant principal des thromboses
pelviennes. De même qu’il n’a jamais été noté d’atteinte
des organes pelviens ou digestifs en dépit des connections avec des branches drainées par la veine mésentérique inférieure. Enfin, il n’a pas été noté de modification
des taux d’hormones sexuelles (estradiol, progestérone,
FSH, LH) avant puis après embolisation veineuse [5].
Les acquisitions hémodynamiques et physiopathologiques récentes, une meilleure sélection des patientes,
l’application de techniques d’embolisation dérivées des
procédures de neuroradiologie interventionnelle ont
totalement transformé les résultats à long terme puisque
l’amélioration significative ou la guérison voisine actuellement 90 % [5,11,12].
Conclusion
L’anamnèse et l’examen clinique suggèrent le diagnostic de
pathologie veineuse pelvienne. L’échographie endovaginale
recherche des varices pelviennes. L’IRM pelvienne voire la
coelioscopie sont requises pour éliminer une autre
pathologie en cas de doute diagnostique. La phlébographie
pelvienne confirme le diagnostic et permet de décider de la
conduite à tenir.
Le traitement endovasculaire est le seul traitement actuel
des varices issues des afférents iliaques internes et des
varicocèles complexes. Il doit respecter les contre-indications. Bien toléré, peu invasif, il entraı̂ne des occlusions
veineuses sélectives et complètes. Les résultats sont
remarquables lorsqu’il intéresse la totalité des secteurs
pathologiques.
Références
1. Hobbs JT (1990) The pelvic congestion syndrome. Br Med
J 43: 200-6
2. Gilloux A (1964) Considérations étiopathogéniques sur le
syndrome variqueux utéro-ovarien et les algies pelviennes
essentielles. Gynécologie pratique. Vigot Frères Éditeurs 2:
103-12
3. Lefebre H (1964) Broad ligament varicocele. Act Obstet
Gyneco Scand 43: 122-3
4. Massel TB, Graig Heringman E, Greenstone SM (1966)
Lower extremity varicosis originating from the pelvis.
Angiology 17: 121-6
5. Kim HS, Malhotra AD, Rowe PC, et al. (2006) Embolotherapy for Pelvic Congestion Syndrome: Long-term
Results. JVIR 17: 289-97
6. Pearce S, Beard RW (1984) Chronic pelvic pain. In:
Broome A, Wallace L (eds.), Psychology and gynecological
problems. London: Tavistock Publishers, pp 95-116
7. Perrin Michel R, Labropoulos Nicos, Leon Luis R Jr (2006)
Presentation of the patient with recurrent varices after
surgery (REVAS). JVS 43: 327-34
8. Franceschi C, Bahnini A (2004) Points de fuite pelviens
viscéraux et varices des membres inférieurs. Phlébologie
57: 37-42
9. Greiner M, Gilling-Smith GL (2007) Leg varices originating from the pelvis: diagnosis and treatment. Vascular (in
press)
10. Villavicencio JL, Gillespie D, Durholt S, et al. (1997)
Diagnosis and Treatment of the Pelvic Venous Disorders:
pelvic congestion and pelvic Dumping Syndromes. In:
Cann CC (ed.), Surgical Management of Venous Disease;
1st ed. Baltimore: Williams and Wilkins, pp 462-83
11. Maleux G, Stockx L, Wilms G, et al. (2000) Ovarian vein
embolisation for the treatment of pelvic congestion
syndrome: long-term technical and clinical results. JVIR
11: 859-64
12. Anthony C, Venbrux, Andrew H, et al. (2002) Pelvic
congestion syndrome (pelvic venous incompetence):
impact of ovarian and internal iliac vein embolotherapy
on menstrual cycle and chronic pelvic pain. JVIR 13: 171-8
13. Greiner M (2004) Venous Pelvic Leakage: an effective
technique for treating some patients with recurrent
varicose veins. Veith Symposium Vascular 12: S128
14. Zubicoa S, Carrion O, Castro J, et al. (1997) Embolizacion
en el varicocele pelvico. In: Leal J (ed.), Insuficienca
venosa cronica de la pelvis y de los membros inferiors.
Madrid Mosby/Doyma Libros SA, pp 15-128
Pelv Perineol (2007) 2: 33–41
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0111-7
MISE AU POINT / UPDATE
Modélisation de la cavité pelvienne
M. Boukerrou 1 , C. Rubod 1 , N. Coutty 1 , M. Brieu 2 , P. Dubois 3 , M. Cosson 1
1
Pôle de chirurgie gynécologique et obstétrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, centre hospitalier régional universitaire de Lille,
2, avenue Oscar-Lambret, F-59037 Lille, France
2
Laboratoire de mécanique de Lille, école centrale de Lille, boulevard Paul-Langevin, cité scientifique,
BP 48, F-59651 Villeneuve-d’Ascq, France
3
INSERM U703, Institut de technologie médicale, pavillon Vancostenobel, centre hospitalier régional universitaire de Lille,
F-59037 Lille, France
Résumé : Le prolapsus urogénital affecte l’équilibre
anatomique et mécanique de la statique pelvienne. Les
hypothèses physiopathologiques sont nombreuses. Étant
donné la complexité des systèmes biomécaniques en jeu,
il est nécessaire de mettre au point et de développer des
modèles informatiques. Ils constituent une simplification
des systèmes étudiés et permettent de simuler et de
prévoir leurs comportements face à des modifications de
l’environnement. Le modèle simule des situations
physiologiques, pathologiques ou thérapeutiques. Notre
objectif est d’aboutir à une évaluation de la maladie et à
une personnalisation thérapeutique des troubles de la
statique pelvienne. Nous avons défini un premier cahier
des charges représenté par les prérequis au développement du modèle pelvien. Cette méthodologie repose sur
trois axes principaux et incontournables : l’élaboration
d’un modèle géométrique, la caractérisation mécanique
des tissus organiques et la réalisation de mesures de
contraintes mécaniques in vivo. L’étude préliminaire de
faisabilité du modèle de cavité pelvienne a permis
initialement de poser les bases du modèle, les moyens à
mettre en œuvre tant sur les plans humains que
matériels. Le modèle mécanique de cavité pelvienne est
en constante évolution. Son développement répond à une
politique d’évaluation de nos pratiques. Le modèle sera
un outil objectif supplémentaire d’évaluation de la
maladie et des techniques de correction. Il permettra le
développement d’innovations efficaces et sûres pour
diagnostiquer, prendre en charge et traiter le prolapsus.
Il est à l’heure actuelle non exploitable à ce titre, mais en
devenir. Il reste à envisager les solutions pour lever les
verrous technologiques à son développement.
Mots clés : Prolapsus – Modèle mécanique – Géométrie –
Contraintes – Propriété mécanique des tissus – Simulation
Correspondance : E-mail : [email protected]
Mechanical model of the pelvic cavity:
development strategy
Abstract: Pelvic organ prolapse is caused by the anatomical
and mechanical dysfunction of the pelvic floor. Numerous
hypotheses attempt to explain the cause of the condition.
Because many biomechanical systems are involved, the
creation of computer simulation models is necessary.
Modelling not only simplifies the systems under study, but
also makes it possible to simulate and forecast their
behaviour in different environmental contexts. The aim of
mechanical models of the pelvic cavity is to simulate
physiological, pathological and therapeutic situations. We
defined three lines of approach for evaluating a patient’s
condition and determining an individualised treatment
plan. First, we developed a geometrical model, then
determined the mechanics of pelvic organ tissues. As a
third step, we identified in vivo mechanical constraints by
measuring intravaginal pressure. This mechanical model of
the pelvic cavity is in ongoing development, advancing
based on our expanding knowledge. The model will be used
as a tool to assess the disorder accurately and test new,
innovative techniques.
Keywords: Pelvic organ prolapse – Mechanical model –
Geometry – Constraint – Tissue properties – Simulation
Modèle informatique : définition, intérêt
On ne peut envisager de faire une mise au point sur la
modélisation informatique de cavité vaginale ou pelvienne sans préciser et définir les prérequis à toute
modélisation mécanique.
Le modè le correspond à la représentation mathématique
d’un objet ou d’un phénomène, quelle qu’en soit la nature. Il
peut s’agir de modèle géométrique, numérique ou méca-
34
nique de type éléments finis (calcul de structures), ou
modèle mathématique qui permettent d’établir des équations régissant des phénomènes physiques. La modélisation
permet de comprendre les phénomènes décrits ou étudiés, et
de faire progresser les connaissances.
Étant donné la complexité des systèmes biomécaniques
(mécanique du vivant), il est nécessaire de mettre au point
et développer des modèles permettant de réaliser des
recherches complémentaires. Ces modèles permettent
d’aborder les phénomènes biologiques, physiologiques et
d’envisager les évolutions physiopathologiques. Les modèles
constituent une simplification des systèmes étudiés et
permettent d’effectuer des simulations afin de prévoir les
comportements de ces systèmes face à une modification de
l’environnement (physiologique ou pathologique).
Modélisation informatique et statique pelvienne
Dans le cadre de l’étude de la statique pelvienne, tant pour
son équilibre que pour la physiopathologie, les modèles
mécaniques permettent d’étudier les forces, les contraintes
et les mouvements ou déformations en résultant.
La compréhension de l’équilibre et des troubles de la
statique pelvienne est incomplète. La physiopathologie et
les différents facteurs de risque sont encore mal reliés et
ne permettent pas de comprendre tous les cas de figures
rencontrés. Le modèle de cavité pelvienne doit pouvoir
étudier et prévoir les modifications issues des actions et
réactions entre contraintes et déformations affectant la
statique pelvienne.
Le modèle mécanique apporte une évaluation plus
objective des troubles de la statique pelvienne, de la
physiologie, de la physiopathologie et des différentes
chirurgies envisageables [1-4]. Le modèle doit être personnalisé et avoir un contrôle sur toutes les variables
possibles : caractéristiques tissulaires, modifications de
l’anatomie, réplétions des organes creux, orientations et
rapports entre les volumes pelviens et enfin des contraintes
subies par la cavité pelvienne. Le modèle doit permettre
toutes les simulations d’hypothèse chirurgicale, en montrant
les résultats de chaque type de chirurgie pour chaque
patiente avec ou sans matériel de renforcement.
Tout en présentant notre expérience, nous ferons une mise
au point sur les travaux réalisés concernant de près ou de loin
la modélisation informatique en termes de statique pelvienne.
Le cahier des charges précis est défini par les
chirurgiens, les mécaniciens et les autres acteurs de la
collaboration à l’origine du développement.
La première étape réside dans l’élaboration du modèle
géométrique. Il s’agit d’une simple représentation graphique
qui ne possède pas encore de propriétés mécaniques. La
représentation géométrique peut être issue de formulation
mécanique avec application de lois de construction tirées de
logiciel de dessin assisté par ordinateur (DAO) pour
formaliser une conception assistée par ordinateur (CAO)
[5,6]. Cette technique ne correspond pas à la géométrie
anatomique propre à chaque patiente.
Certains auteurs créent le modèle géométrique à partir
de dessins et de planches anatomiques [7]. Ces géométries
sont anatomiquement valides, mais ne représentent pas les
rapports de chaque patiente.
Une autre possibilité est d’extraire de l’imagerie médicale le
modèle géométrique personnalisé. Plusieurs types d’imageries
ont été utilisés pour développer le modèle géométrique :
l’échographie [8,9] la tomodensitométrie [10-12] ou l’imagerie
par résonance magnétique [8,13-17]. L’IRM est l’imagerie la
plus sensible et la plus adaptée au développement du modèle
de cavité pelvienne, les trois principaux volumes étant
constitués de tissus mous dont la taille, la position et la
réplétion peuvent rapidement varier avec le temps.
L’IRM permet également des acquisitions volumiques
en 3D, statiques ou dynamiques. L’IRM permet de mieux
appréhender la géométrie des problèmes de statique
pelvienne, et les conditions aux limites du modèle
(contraintes anatomiques et physiologiques, points fixes,
points mobiles).
Le modèle géométrique construit (Fig. 1), doit être
discré tisé en sous-domaines d’éléments finis pour permettre
les applications de comportement des tissus et les réactions
aux contraintes [17]. Ces sous-domaines appelés mailles sont
Modélisation de la cavité vaginale-pelvienne
Mise au point d’un modè le : gé né ralité
Prérequis
La mise au point d’un modèle mécanique utilisant la
méthode des éléments finis, comme il faut le concevoir
dans l’étude de la statique pelvienne, est standardisée et
doit suivre un cahier des charges.
Fig. 1. Reconstruction géométrique des trois volumes, vessie, rectum
et sonde (vagin)
V : Vessie ; S : Sonde ; R : Rectum
35
Fig. 2. Discrétisation du modèle géométrique par un maillage mécanique
reliés entre eux par des points remarquables : « les nœuds »
du maillage (Fig. 2). La méthode des éléments finis permet la
résolution numérique des équations mathématiques décrivant les problèmes physiques et mécaniques étudiés, ici il
s’agit de l’équilibre de la statique pelvienne.
Une fois la modélisation géométrique réalisée et
satisfaisante, et le modèle facetisé, les coordonnées des
points (x, y, z) correspondant aux contours, épaisseurs et
volumes des organes sont transférés aux logiciels de
calculs mathématiques.
Le logiciel de calculs mécaniques intègre les propriétés et comportement des tissus, les systèmes et
propriétés d’accroche, de fixité des organes, leurs
rapports et possibilités de mouvements ou de modifications de conformations (conditions aux limites).
Le résultat de calcul permet de rendre compte des
déplacements en fonction des contraintes appliquées
(toux, poussée) pour des propriétés de structures
données (caractéristiques des tissus).
À ce stade de la mise au point du modèle, il est
important de valider cette première étape en comparant
les résultats issus des calculs informatiques avec les
résultats issus de l’expérimentation : l’examen clinique.
Le modèle étant validé, il sera possible de modifier les
propriétés du tissu (caractéristiques mécaniques, comportement), toutes les propriétés des moyens de fixations, des
interactions et possibilité de mouvement et rapports
anatomiques des organes (conditions aux limites). Le
modèle permet de simuler toutes applications de contraintes
(conditions de chargement) pour prédire les résultats sur la
statique pelvienne.
Les résultats des chirurgies seront prévisibles et
présentés au chirurgien. L’évolution et la stabilité des
montages à long terme ou les risques de décompensations, et de récidive seront simulés.
Le type de montage chirurgical, tout comme les
différents matériaux utilisés peuvent être intégrés au
modèle si les caractéristiques et comportements mécaniques de chaque composant sont connus [18,19].
Étude préliminaire d’un modèle de cavité
pelvienne
Notre expérience d’un modè le « customisé »
La chirurgie du prolapsus est en perpétuelle évolution,
notamment par voie vaginale. Les techniques de renfort
et de soutènement des organes pelviens permettent le
remplacement des tissus affaiblis et la suspension par la
mise en place de prothèses [2-4,19-21]. Les seules
méthodes d’évaluation des résultats anatomiques et
fonctionnels des techniques existantes sont basées sur
des études cliniques rétrospectives de patientes opérées.
Il n’existe pas de méthode d’évaluation objective et
spécifique du prolapsus ou des troubles de la statique
pelvienne en général. Il n’existe pas non plus d’évaluation objective des différentes techniques opératoires
proposées aux patientes.
Notre étude préliminaire de faisabilité du modèle de
cavité vaginale-pelvienne a permis initialement de poser
les bases du développement du modèle mécanique et les
moyens à mettre en œuvre tant sur les plans humains que
matériels.
Notre méthodologie de mise au point :
patiente et maté riel
La cavité vaginale constitue, à nos yeux, le volume le plus
représentatif des phénomènes mécaniques, contraintesdéformations, modélisables. Nous avons choisi initialement,
dans la perspective d’une simplification, de développer le
modè le gé omé trique sur une base de trois volumes. La vessie,
le rectum et de la cavité vaginale sont définis comme des
enveloppes surfaciques sans épaisseur de paroi (Fig. 1).
La deuxième composante importante du modèle est la
caracté risation mé canique du matériau surfacique.
Initialement, le matériau rendant compte des phénomènes-contraintes déformations était limité au tissu vaginal
réalisant l’interface entre les trois volumes définis, ces
36
Nous avons formulé des hypothèses de travail,
considérant le vagin prélevé comme homogè ne, anisotrope (orthotrope) et ayant des propriétés élastiques
liné aires. Toutes ces hypothèses étaient définies sans
validation, pour faciliter le déroulement de l’étude et en
l’absence de travail préliminaire faisant autorité.
La courbe : Force = f (Allongement), lors de l’essai de
traction, permettait de déterminer la force de rupture (en
Newton) et l’allongement à la rupture (en millimètre). Le
module de Young et le coefficient de Poisson (caractéristiques mécaniques) étaient mesurés expérimentalement pour
être appliqués au maillage de la cavité vaginale.
Pour les essais, nous n’avons pas tenu compte des
conditions d’hygrométrie et de température. Nous
n’avons pas réalisé de tests en fonction des vitesses de
traction, aucune notion de viscosité n’était prise en
compte dans le déroulement des tests.
Fig. 3. Repérage manuel des contours du rectum, coupe sagittale.
Repérage surfacique, un seul contour
caractéristiques mécaniques étaient déterminées expérimentalement.
La troisième étape de la mise au point du modèle
concernait les mesures de contraintes subies par la cavité
vaginale in vivo. Ces mesures étaient réalisées par une
sonde manométrique intravaginale. Un fantôme de cette
sonde était utilisé dans la détermination IRM du vagin et
des rapports anatomiques entre les trois organes.
Le modèle géométrique
Pour la construction géométrique du modèle trois
volumes nous avons choisi l’IRM, pour son accessibilité
et son excellente définition en contraste de l’anatomie
pelvienne normale et pathologique [22].
Nous avons utilisé des séquences pondérées en T2
dans un souci de contraste et de définition anatomique.
La reconstruction 3D des enveloppes surfaciques des
trois « objets » (vessie, rectum, vagin) était possible
grâce au logiciel ArtimedTM opérant à partir de contours
fermés définis sur plusieurs coupes 2D [23].
Le repérage des contours de chaque organe sur
chaque coupe IRM était effectué manuellement en
plaçant des points sur les contours anatomiques (Fig. 3).
Les trois reconstructions étant issues du même examen
IRM pour une même patiente, le logiciel les assemblait dans
un référentiel commun qui respectait les rapports anatomiques (Fig. 1). Chaque volume était maillé (Fig. 2).
Propriétés mécaniques du tissu vaginal
Toutes les patientes de notre étude consultaient initialement pour la cure chirurgicale de leur prolapsus. Au
cours du geste, une partie de la paroi vaginale
postérieure était réséquée.
Étude des contraintes, conditions
de chargement du modèle
Le matériel que nous utilisons pour les mesures des
pressions au niveau de la cavité vaginale avait été testé et
validé lors d’une précédente étude [24]. Nous avons
utilisé une sonde vaginale permettant de recueillir les
pressions vaginales en mmHg à partir de huit capteurs
placés sur la bougie.
Les résultats sont donnés par huit courbes et une série
de valeurs numériques. Nous n’avons conservé que les
efforts de poussée abdominale sous forme de différentiel
de pressions pour les intégrer au modèle.
Modèle mécanique 3D de cavité vaginale
Le logiciel de calculs mécaniques utilisé pour le posttraitement était MARC MENTATTM 2002 (MSC Software).
Pour la mise au point du modèle mécanique, nous avons
formulé les hypothèses de travail et défini les conditions aux
limites en fonction de nos connaissances initiales et des
enseignements tirés du travail préliminaire.
Seule la paroi vaginale modélisée est constituée d’un
maillage « mécanique » déformable, le contact entre la
sonde et le vagin est défini comme un contact de type
glissement. Les zones et types de contact ont été définis
sur les reconstructions graphiques en fonction de nos
connaissances anatomiques pour chaque modèle.
Nous avons, à partir des zones de contacts anatomiques,
défini des zones d’influences mécaniques, entre le vagin et la
vessie ou le rectum, au sein desquelles la contrainte est
considérée comme homogène. Seuls les ligaments utérosacrés (moyen de fixité du fond vaginal) ont été appliqués au
modèle. Ne connaissant pas leurs caractéristiques, nous
avons déterminé, par le calcul, leurs raideurs à partir du
module de Young d’un ligament [25].
Nous avons effectué deux types de calculs : le calcul
gravitaire qui correspond à une application des poids de
37
chaque organe, et l’application des contraintes de
pressions vaginales. Les résultats sont exprimés sous
forme de norme en déplacement.
Résultats de l’étude préliminaire
Reconstruction gé omé trique
Onze patientes sur 25 ont bénéficié d’une IRM pelvienne
avec reconstruction anatomique satisfaisante et exploitable pour la réalisation du modèle.
Les résultats inexploitables l’étaient par : défaut de
transfert des données IRM vers le logiciel de reconstruction ou défaut de contraste (réplétion insuffisante ou
évacuation prématurée de gel hydrique rectal).
Ces pertes d’informations sont liées à la mise en place
du protocole.
Analyse des proprié té s mé caniques du tissu vaginal
Quinze patientes ont pu bénéficier de prélèvements de
tissu vaginal. Les valeurs recueillies nous ont permis de
construire pour chaque essai une courbe contrainte/
déformation. Le type de courbe s’apparente à une courbe
contrainte/déformation de ligaments ou de tendons [25].
L’analyse de la partie linéaire de la courbe nous a permis,
par le calcul de la pente de la droite, d’en déduire le
module de Young (s/e). Le coefficient de Poisson est
calculé : g = e2/e1 (rapport contraction latérale/extension dans le sens de la contrainte).
Analyses quantitatives des contraintes
de pressions vaginales
Nous avons recueilli les pressions vaginales de 25 patientes.
Nous avons obtenu les résultats des transmissions des
contraintes au niveau vaginal pour chacune de nos patientes
sur les huit capteurs. Il existe une grande dispersion des
résultats d’une patiente à l’autre et en fonction de
l’emplacement des capteurs pour une même patiente.
Application au modè le, simulations numé riques
Nous avons effectué deux calculs : le calcul gravitaire et
le calcul d’application des contraintes de poussées
abdominales. Les pressions abdominales en position
couchée ont été ajoutées aux contraintes gravitaires à
l’endroit exact où sont situés les capteurs sur la sonde.
Les résultats visuels sont différents d’une patiente à
l’autre. Les données d’entrée sont différentes et personnalisées pour chaque patiente. Il existe une différence
de répartition des surfaces de contact entre organes
(conformation et rapport anatomique).
Les résultats visuels : « les déformées » sont différents d’une patiente à l’autre en fonction de l’anatomie,
des contraintes et de leurs répartitions.
Discussion, travaux en cours et perspectives
La mise au point d’un modèle mécanique de cavité
vaginale est un exercice difficile, qui nécessite le respect
d’un cahier des charges strict utile à la construction d’un
modèle informatique appliqué à une science mal
définie : la statique pelvienne.
Nous ne sommes qu’aux prémices de la mise au point
de notre modèle, mais globalement en avance par
rapport à d’autres auteurs [7,8,10,15,16,26,27]. Le travail
préliminaire est effectué et il est maintenant nécessaire
de l’affiner et de l’améliorer vers une concordance
anatomique, physiologique et physiopathologique plus
précise entre modèle et patiente [24,28].
Chaque question ou problème soulevé lors de la mise
au point doit être discuté. Des solutions adaptées, à la
frontière entre la précision et la simplification, seront
apportées au cours de travaux ultérieurs.
Il est possible de décrire et de tenter d’expliquer la
physiologie et physiopathologie par l’intermédiaire d’un
modèle informatique. Mais il est d’autant plus important de
décrire et simuler les évolutions et aggravations attendues de
la maladie et de définir au mieux les indications thérapeutiques spécifiques pour chaque type de trouble et pour
chaque patiente. Nous réalisons une sorte de « customisation mécanique » qui permet une personnalisation thérapeutique des troubles de la statique pelvienne.
Les possibilités de modification des paramètres du
modèle seront quasi infinies. Tout en restant cohérent par
rapport à l’anatomie et la physiologie humaine, il sera
possible de modifier les paramètres tant en localisation,
nouvelles fixations, nouveaux degrés de liberté qu’en
caractéristiques mécaniques. Les propriétés mécaniques et
comportements des tissus pelviens pourront être modifiés,
par ajout de propriétés d’une prothèse ou d’une fixation par
exemple (ligamentaire, transtissulaire...).
Cette première étude a permis d’envisager de manière
objective les différentes étapes de la modélisation appliquée
à la statique pelvienne en posant les problèmes et questions
spécifiques se rapportant à la pathologie envisagée. Nous
avons, au cours de cette première approche, défini ce que
nous pensons être le cahier des charges initial nécessaire
pour toute modélisation mécanique de la cavité pelvienne.
Aucune autre étude dans la littérature, à notre
connaissance, ne décrit les différentes étapes d’une
modélisation mécanique de cavité vaginale.
Optimisation, amélioration et standardisation
du modèle gé omé trique personnalisé à partir
de l’imagerie
Plusieurs études se sont intéressées à la modélisation
informatique pelvienne en général. Mais peu d’entre elles
décrivent toutes les étapes nécessaires au développement
complet du modèle. Le plus souvent, il s’agit de modèle
38
géométrique à partir de différentes techniques d’imagerie
comprenant l’échographie [9], la tomodensitométrie
[12,16] ou, comme dans notre étude, de l’IRM
[8,13,14,16,17,28].
De toutes ces techniques de construction d’un modèle
géométrique, celles utilisant l’IRM nous semblent les plus
pertinentes. Toutes dépendent de la qualité de l’imagerie
(contrastes) et nécessitent l’intervention d’un opérateur
radio anatomiste. L’IRM est considérée maintenant comme
l’examen d’imagerie de référence pour l’étude des troubles de
la statique pelvienne [29,30]. Il permet l’analyse des tissus
mous et de la position des organes par rapport à un
référentiel en conditions statiques et dynamiques. C’est un
outil qui permet de personnaliser la géométrie sans injection
de produit de contraste et sans caractère invasif ou iatrogène.
En revanche, il s’agit d’une méthode de reconstruction, qui
ne prend pas encore en compte, au stade de notre étude, les
modifications dynamiques de positions, de rapports anatomiques ou de réplétions d’organes. La méthode de
reconstruction statique doit tendre vers une étude dynamique permettant la prise en compte de tous les paramètres
anatomiques ou physiologiques, et ils sont nombreux.
Notre protocole évolue et nous nous orientons vers une
standardisation et une simplification de la géométrie afin
de permettre une personnalisation du modèle à partir de
données déjà connues ayant permis la construction d’une
structure de base géométrique (canevas). Ce canevas
intégrera les points fixes (osseux ou ligamentaires), les
points mobiles et les types de mobilités, nous y ajouterons
les particularités de chaque patiente. Notre méthode de
reconstruction est maintenant volumique (double contour)
et non plus surfacique (un seul contour) pour bénéficier
d’une épaisseur de l’enveloppe. Les repères fixes osseux
sont représentés par l’os pubien et le sacrum (Fig. 4).
L’IRM est une méthode de reconstruction séduisante,
qui permet une bonne approximation anatomique des
zones de contact et donc d’application des contraintes.
Étude mécanique des tissus vaginaux
et pelviens en général
Mesures initiales
Nos premières mesures mécaniques ont été effectuées sur
des éprouvettes rectangulaires de 3 cm2 de tissu vaginal
« pathologique », il en est de même dans la littérature
[31]. Nos premières hypothèses ont été de considérer nos
échantillons comme homogènes et le milieu comme
anisotrope, continu, possédant des caractéristiques
élastiques linéaires. Il existe une grande dispersion des
résultats entre les patientes et pour une même patiente, le
caractère anisotrope peut donc être discuté. Les prolapsus sont d’expressions cliniques très variables, et les
prélèvements ne sont réalisés qu’aux dépens de la paroi
postérieure, le caractère homogène du vagin ne peut
donc pas être affirmé. Nos premières mesures ont été
réalisées en conditions de température et d’hygrométrie
ambiante et non physiologiques.
Les résultats préliminaires de nos tests montrent un
comportement é lastoplastique du tissu vaginal avec une
très grande capacité de déformation, jusqu’à plus de
250 %. La dispersion des résultats est importante, et les
courbes de résultat sont biphasiques et discontinues [28].
De plus, il existe une grande déformation de ces tissus, il
est donc légitime de remettre en question l’utilisation du
module é lastique de Young. Il ne suffit pas à lui seul à
expliquer et à représenter la réalité mécanique.
Travaux en cours
Fig. 4. Repérage volumique avec double contour de l’organe pour
délimiter l’épaisseur de l’enveloppe et repère de l’os pubien et du
sacrum
À partir des données de notre travail préliminaire, nous
avons mis au point un protocole dédié à l’étude du tissu
vaginal et des autres tissus mous pelviens. Nous avons
montré que les tests peuvent être reproductibles et
valides moyennant le respect de conditions de prélèvement de conservation et de mesure [32]. La caractérisation biomécanique objective du tissu vaginal et des
autres tissus pelviens est une étape indispensable à la
conception d’un modèle de cavité pelvienne.
Comme il est éthiquement impossible d’envisager de
prélever 3 cm2 de tissu vaginal sain pour des tests
mécaniques, nous avons mis au point un protocole à
partir de tissu vaginal de brebis.
À notre connaissance, deux protocoles d’étude
mécanique de tissu vaginal ont déjà été mis au point
[33,34]. Néanmoins, leurs conditions expérimentales
n’ont pas été étayées par des travaux préliminaires, il
existe certaines limites méthodologiques. Aucune validation des choix du protocole expérimental n’était proposée par les auteurs.
39
Notre protocole est non seulement une alternative à
ceux de Cosson et d’Ettema, mais également le seul validé
scientifiquement. Toutes les étapes imposées ont été
justifiées par des essais exhaustifs sur les conditions de
préparation des échantillons et de réalisation des essais.
Notre protocole de mesure validé
Le tissu vaginal peut être congelé à -18 C dans du sérum
physiologique et décongelé pendant une durée de neuf
heures avant les tests. Toutes les éprouvettes devront être
prédécoupées à l’emporte-pièce spécifique (de la forme d’un
diabolo) dans un même sens. La période de stockage dans le
sérum physiologique ne doit pas dépasser 24 heures. La
conservation et les tests pourront êtres réalisés à température et hygrométrie ambiante si la vitesse de traction est
constante et rapide (2 10–2 s–1). Un système de préhension a
été spécifiquement développé et permet la tenue du tissu
sans l’écraser lors des essais. Dans ces conditions, la
reproductibilité des essais est garantie.
Les premiers tests réalisés à partir de ce protocole ont
montré, pour le vagin de brebis ou pour le vagin de
patiente, une excellente reproductibilité avec une variabilité interindividuelle. Il semble exister une influence de
certains facteurs clés dans la statique pelvienne : l’âge, la
parité ou encore le poids des nouveau-nés.
Nous avons montré que le tissu vaginal possède des
propriétés élastiques non linéaires avec des grandes
déformations. Notre étude a mis en évidence les propriétés
viscohyperélastiques du tissu conjonctif vaginal, ce qui n’a
jamais été mis en évidence dans la littérature à notre
connaissance. Nous avons débuté un travail sur les tissus
vaginaux, rectaux, les fascias et ligaments pelviens. Cette
étude est réalisée sur tissu de patiente atteinte de prolapsus
et sur tissus de cadavres de patientes indemnes. Les
perspectives attendues sont représentées par la détermination des comportements mécaniques exacts sur un effectif
plus grand pour obtenir des lois de comportements
applicables à une meilleure compréhension et représentation des prolapsus via la modélisation.
étions intéressés qu’à l’étude statique et non dynamique.
Nos premières mesures étaient trop « précises » ou trop
ponctuelles pour une application au modèle. Enfin, il
existait une variation des contraintes de base du fait de
l’introduction de la sonde et de son maintien par
l’opérateur.
Travaux en cours
Nous avions deux objectifs de recherche concernant les
mesures de contraintes par l’intermédiaire des pressions
vaginales. Dans un premier temps, il s’agissait d’adapter la
sonde de mesure et la chaı̂ne d’acquisition du signal aux
problèmes spécifiques posés par la cavité pelvienne et par
l’application au modèle informatique. Dans un second
temps, il était nécessaire d’évaluer l’instrument, de contrôler
les grandeurs et paramètres de mesures, d’étalonner et de
simplifier la lecture et l’interprétation des résultats. Ce
travail a été réalisé à partir d’un modèle physique de cavité
pelvienne spécifiquement mis au point (Fig. 5).
L’appareil de mesure des pressions comprend la bougie,
son interface électronique et le logiciel de traitement et
d’enregistrement du signal. Un système de fixation sur la
table d’examen permet d’éviter le maintien manuel de la
sonde et assure une fixation rigide de la bougie. Huit capteurs
de nouvelle génération ont été sélectionnés en fonction de
leur possibilité de mesure et de leur petite taille, ils ont été
placés en respect des rapports anatomiques [24,37].
Une gaine lisse d’élastomère de silicone souple facilite
l’entretien, assure une bonne isolation électrique des
capteurs et permet l’introduction vaginale bien tolérée de
la bougie. La chaı̂ne d’acquisition comprend quatre modules
électroniques et permet l’enregistrement en temps réel sur
les huit voies. Le logiciel, de développement interne, permet
la visualisation graphique instantanée des tracés et la
calibration individuelle des capteurs.
Nos deux objectifs sont atteints. Le nouveau dispositif
ergonomique mis au point s’affranchit des imperfections
Mesures des pressions vaginales
Dé veloppement d’un maté riel adapté ergonomique validé
D
Vers une exploration fonctionnelle du prolapsus
Les mesures de pressions au niveau de la cavité vaginale
sont encore en cours d’évaluation. Un travail précédent
avait montré la faisabilité et la reproductibilité de ces
mesures [28]. Nous avons obtenu des valeurs du même
ordre de grandeur que les études préliminaires [35,36]. Il
existe une grande dispersion des valeurs de pressions
abdominales de 12 à 348 mmHg. Cette différence est
probablement due à la position des capteurs et aux types
de prolapsus. Notre première étude a permis de mettre
en évidence quelques biais de mesures. Et nous ne nous
A
C
B
E
Fig. 5. Modèle physique de cavité pelvienne
A : Manomètre ; B : Fantôme de bassin osseux ; C : Fantôme
vaginal ; D : Fantôme vésical ; E : Fantôme rectal
40
de la précédente instrumentation par une simplification
de l’installation (la suppression des cathéters à circulation d’eau, inclusion d’un bras de support rigide et
adoption d’un logiciel conforme au cahier des charges).
Il se révèle bien adapté aux mesures de pressions
simultanées en huit points de la cavité vaginale. Les
enregistrements des données sont facilement exploitables
et nous ont permis de caractériser l’appareil d’un point
de vue métrologique. Les premières mesures in vivo, sur
volontaires saines, ont permis de vérifier la bonne
tolérance du dispositif et la faisabilité des mesures. Les
premiers tests réalisés montrent qu’il existe une bonne
stabilité du système et une bonne reproductibilité des
mesures sur l’ensemble des capteurs.
Le modèle, perspectives plus lointaines
Il existe encore beaucoup de biais et d’inconnues au
développement du modèle. Tous les tissus pelviens ne
sont pas caractérisés et les différents moyens de fixité et
de contact des organes restent encore vagues, même du
point de vue anatomique.
L’étude du versant dynamique, mécanique et même
géométrique doit entrer en ligne de compte dans les
projets futurs avec la définition précise des points fixes et
mobiles qui doivent être identifiés dans l’anatomie
normale et en cas de pathologie de la statique pelvienne.
L’amélioration de la sonde de mesure est une optique
constante et fait l’objet de travaux sur la simplification du
matériel et de la chaı̂ne de mesure, de la lecture et de
l’interprétation des résultats. L’instrument de mesure
finalisé doit posséder une ergonomie adaptée et permettre
des mesures aussi facilement que pour un test urodynamique. Les mesures de pressions vaginales doivent également faire l’objet d’évaluation pré- et postopératoires pour
connaı̂tre les modifications des transmissions de pressions
en fonction des différentes corrections chirurgicales.
L’évaluation des résultats des techniques chirurgicales
pourra être objective. Il pourrait s’agir d’un critère objectif
de choix supplémentaire et personnalisé face à la diversité
des techniques proposées et face aux expressions cliniques
différentes d’une patiente à l’autre.
Chaque étape de la mise au point du modèle doit évoluée
et permettre à terme le développement d’un modèle
personnalisé de cavité vaginale (Fig. 6). Chaque modèle
formalisé et adapté à l’anatomie et la physiologie de chaque
patiente pourra être utilisé pour des évaluations préopératoires des résultats escomptés pour chaque type de
chirurgie. Pour évaluer la conséquence des techniques à
partir du modèle, il faut définir les caractéristiques de
chaque correction tant anatomiques que mécaniques.
Chaque type de fil ou prothèses et système de suspension
doit être évalué et caractérisés avant et après cicatrisation
[18,19,38-40]. Ces données peuvent alors êtres utilisées par le
modèle pour prévoir les résultats thérapeutiques, et
envisager avec la patiente le traitement qui lui est adapté.
Conclusion
Le modèle informatique, mécanique de cavité pelvienne est
en constante évolution. Plusieurs équipes tentent de mettre
au point leur modèle, il s’agit dans tous les cas d’étapes
uniquement géométriques. Nous sommes la seule équipe, à
notre connaissance, à travailler et faire évoluer en parallèle
toutes les étapes de la modélisation de cavité pelvienne.
La mise au point et l’utilisation des modèles sont le fruit
de collaborations multidisciplinaires et multicentriques.
Le développement du modèle de cavité répond à une
politique d’évaluation constante de nos pratiques, il s’insère
entre la clinique et l’imagerie et permet la formulation
d’hypothèses de manière non invasive. Le modèle sera un
outil objectif supplémentaire d’évaluation de la maladie et
des techniques de correction. Il permettra le développement
d’innovations efficaces et sûres pour diagnostiquer, prendre
en charge et traiter le prolapsus. Il est à l’heure actuelle non
exploitable à ce titre, mais en devenir.
Références
Fig. 6. Seconde génération de modèle de cavité vaginal
Représentation de la cavité vaginale sans sonde de conformation,
repères osseux en place, épaisseurs des organes connues et conditions
aux limites applicables (flèches)
1. Maher C, Baessler K, Glazener CM, et al. (2004) Surgical
management of pelvic organ prolapse in women. Cochrane
Database Syst Rev 4: CD004014
2. Maher C, Baessler K (2006) Surgical management of anterior
vaginal wall prolapse: an evidence-based literature review. Int
Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 17(2): 195-201
3. De Tayrac R, Gervaise A, Fernandez H (2002) Cystocele repair
by the vaginal route with a tension-free sub-bladder
prosthesis. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 31(6): 597-9
41
4. Ballanger P (2005) Surgery for genitourinary prolapse:
prosthesis or no prosthesis? Ann Urol (Paris) 39(Suppl 5):
S132-6
5. Tai CL, Shih CH, Chen WP, et al. (2003) Finite element
analysis of the cervicotrochanteric stemless femoral
prosthesis. Clin Biomech (Bristol, Avon) 18(6): S53-8
6. Shim VB, Pitto RP, Streicher RM, et al. (2007) The use of
sparse CT datasets for autogenerating accurate FE models of
the femur and pelvis. J Biomech 40(1): 26-35
7. Paccini A, Tillier Y, Delotte J, et al. (2005) Contribution à
la modélisation par éléments finis d’une opération
chirurgicale sur l’utérus. In: Congrés français de mécanique Troye, 2005
8. Haridas B, Hong H, Minoguchi R, et al. (2006) PelvicSim–
a computational-experimental system for biomechanical
evaluation of female pelvic floor organ disorders and
associated minimally invasive interventions. Stud Health
Technol Inform 119: 182-7
9. Verhey J, Wisser J, Warfield S, et al. (2005) Non-rigid
registration of a 3D ultrasound and MR images data set
of the female pelvic floor using a biomechanical model.
In: Biomedical engineering (in online)
10. Anderson AE, Peters CL, Tuttle BD, et al. (2005) Subjectspecific finite element model of the pelvis: development,
validation and sensitivity studies. J Biomech Eng 127(3):
364-73
11. Crawford RP, Cann CE, Keaveny TM (2003) Finite element
models predict in vitro vertebral body compressive
strength better than quantitative computed tomography.
Bone 33(4): 744-50
12. Marino G, Bignardi C, Pacca M, et al. (2006) Mechanical
characteristics of the human bladder wall and application
of the results in a finite elements model to study the pelvic
floor. Minerva Urol Nephrol 58(2): 213-9
13. Fielding JR, Dumanli H, Schreyer AG, et al. (2000) MRbased three-dimensional modelling of the normal pelvic
floor in women: quantification of muscle mass. Am J
Roentgenol 174(3): 657-60
14. Hoyte L, Schierlitz L, Zou K, et al. (2001) Two- and 3dimensional MRI comparison of levator ani structure,
volume, and integrity in women with stress incontinence
and prolapse. Am J Obstet Gynecol 185(1): 11-9
15. Janda S, van der Helm FC, de Blok SB (2003) Measuring
morphological parameters of the pelvic floor for finite
element modelling purposes. J Biomech 36(6): 749-57
16. Parikh M, Rasmussen M, Brubaker L, et al. (2004) Three
dimensional virtual reality model of the normal female
pelvic floor. Ann Biomed Eng 32(2): 292-6
17. Singh K, Jakab M, Reid WM, et al. (2003) Threedimensional magnetic resonance imaging assessment of
levator ani morphologic features in different grades of
prolapse. Am J Obstet Gynecol 188(4): 910-5
18. Boukerrou M, Lambaudie E, Collinet P, et al. (2006)
Objective analysis of mechanical resistance of tensionfree devices. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 124(2): 240-5
19. Cosson M, Debodinance P, Boukerrou M, et al. (2003)
Mechanical properties of synthetic implants used in the
repair of prolapse and urinary incontinence in women:
which is the ideal material? Int Urogynecol J Pelvic Floor
Dysfunct 14(3): 169-78 (discussion 178)
20. Walters MD (2003) The use and misuse of prosthetic materials
in reconstructive pelvic surgery: does the evidence support
our surgical practice? Int Urogynecol J 14: 365-6
21. Huebner M, Hsu Y, Fenner D (2006) The use of graft
materials in vaginal pelvic floor surgery. Int J Gynaecol
Obstet 92: 279-88
22. Kennedy AM, Gilfeather MR, Woodward PJ (1999) MRI
of the female pelvis. Semin Ultrasound CT MR 20(4): 214-30
23. Vial S, Gibon D, Vasseur C, et al. (2001) Volume
delineation by fusion of fuzzy sets obtained from
multiplanar tomographic images. IEEE Trans Med Imaging 20(12): 1362-72
24. Lambaudie E, Dubois P, Géron C, et al. (2003) New
method of intravaginal pressure measurement. ITBMRBM 24(5-6): 254-63
25. Fung Y (1993) Biomechanical properties of living tissues.
New York: Springer Verlag
26. Li Z, Alonso JE, Kim JE, et al. (2006) Three-dimensional
finite element models of the human pubic symphysis
with viscohyperelastic soft tissues. Ann Biomed Eng 34(9):
1452-62
27. Chen L, Hsu Y, Ashton-Miller JA, et al. (2006) Measurement of the pubic portion of the levator ani muscle in
women with unilateral defects in 3-D models from MR
images. Int J Gynaecol Obstet 92(3): 234-41
28. Boukerrou M, Lambaudie E, Dubois P, et al. (2004) Étude
préliminaire d’un modèle mécanique de cavité vaginale.
ITBM-RBM 25(1): 3-14
29. Gousse AE, Barbaric ZL, Safir MH, et al. (2000) Dynamic
half-Fourier acquisition, single shot turbo spin-echo
magnetic resonance imaging for evaluating the female
pelvis. J Urol 164(5): 1606-13
30. Torricelli P, Pecchi A, Caruso Lombardi A, et al. (2002)
Magnetic resonance imaging for evaluating functional
disorders of female pelvic floor. Radiol Med 103(5-6): 488-500
31. Goh JT (2002) Biomechanical properties of prolapsed vaginal
tissue in pre- and postmenopausal women. Int Urogynecol J
Pelvic Floor Dysfunct 13(2): 76-9 (discussion 79)
32. Rubod C, Boukerrou M, Brieu M, et al. (2006) Experimental Protocol and biomechanical properties of vaginal
tissue. J of Urol (accepté)
33. Cosson M, Lambaudie E, Boukerrou M, et al. (2004) A
biomechanical study of the strength of vaginal tissues. Results
on 16 postmenopausal patients presenting with genital
prolapse. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 112(2): 201-5
34. Ettema GJ, Goh JT, Forwood MR (1998) A new method to
measure elastic properties of plastic-viscoelastic connective tissue. Med Eng Phys 20(4): 308-14
35. Vereecken R (1987) Intravaginal pressure recordings as
alternative to intrarectal pressure monitoring. Urology 29:
225-6
36. Peschers U, Fanger G, Schaer G, et al. (2001) Bladder neck
mobility in continent nulliparous women. Br J Obstet
Gynaecol 108: 320-4
37. Coutty N, Lambaudie E, Boukerrou M, et al. (2006) A new
device for in vivo measurement of intravaginal pressures.
Biomat Res (en lecture)
38. Cosson M, Boukerrou M, Lacaze S, et al. (2003) A study
of pelvic ligament strength. Eur J Obstet Gynecol Reprod
Biol 109(1): F80-7
39. Boukerrou M, Boulanger L, Rubod C, et al. (2006)
Biomechanical properties study of synthetic mesh implanted in vivo. Eur J of Obstet Gynecol (accepté)
40. Boukerrou M, Dedet B, Rubod C, et al. (2006) Tissue
resistance of Tension free procedure. What about healing?
J of Urol (en lecture)
Pelv Perineol (2007) 2: 42–45
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0099-z
CAS CLINIQUE / CASE REPORT
L’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée : une cause
exceptionnelle d’incontinence urinaire d’effort de l’enfant
E. Leveau, L. Le Normand, J.-M. Buzelin, J.-J. Labat, P. Glemain, O. Bouchot, J. Rigaud
Clinique urologique, CHU Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, F-44000 Nantes, France
Résumé : L’incontinence urinaire d’effort concerne entre
10 et 25 % des femmes. Chez la petite fille, elle est exceptionnelle. Elle est dans ce cas malformative (épispadias) ou
d’origine neurologique (spina bifida). Le plus souvent il
s’agit d’une immaturité vésicale avec une incontinence par
impériosités. Nous rapportons, pour la première fois, deux
cas d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée responsable d’une incontinence urinaire d’effort pure chez des
jeunes filles de 6 et 8 ans sans anomalie neurologique ou
malformative de l’appareil urinaire. Nous insistons sur les
difficultés du diagnostic du fait d’une symptomatologie peu
banale à cet âge. Il repose sur la réalisation d’un examen
gynécologique sous anesthésie générale et surtout sur le
profil de pression urétral avec un relâchement des muscles
releveurs de l’anus. Ces patientes ont été traitées avec succès
par l’implantation d’un sphincter artificiel.
Mots clés : Incontinence urinaire d’effort – Agénésie –
Insuffisance – Sphincter – Urinaire – Enfant
Isolated congenital sphincter incompetence: an
exceptional cause of stress urinary incontinence in children
Abstract: Stress urinary incontinence is a disorder that
occurs frequently in women, affecting 10 to 25% of them. In
young girls, stress urinary incontinence is rare; incontinence is often because of bladder immaturity accompanied
by urge leakage. In this circumstance, it is malformative
(epispadias) or of neurological origin (spina bifida). Here
we report, for the first time, two cases of isolated congenital
sphincter incompetence presenting as pure stress urinary
incontinence in two young girls with no neurological or
malformative disorders of the urinary system. We emphasize the issue of diagnostic error due to unusual symptoms
at this age. Likewise, we note the importance in these cases
to carry out a gynaecological exam under anaesthesia and,
above all, a urethral profile with relaxation of the levator
ani muscles to confirm the diagnosis. These patients have
been treated successfully with the implantation of an
artificial sphincter.
Correspondance : E-mail : [email protected]
Keywords: Stress urinary incontinence – Agenesis –
Incompetence – Sphincter – Urinary – Children
Introduction
L’incontinence urinaire d’effort est une pathologie
fréquente de la femme puisqu’elle touche entre 10 et
25 % des femmes soit en France 1,5 million de femmes
entre 25 et 90 ans. Sa prévalence augmente avec l’âge à
partir de 65 ans [1]. L’insuffisance sphinctérienne
favorise l’incontinence urinaire d’effort mais aussi
l’incontinence par impériosités en raison de la perte
des mécanismes d’inhibition vésicale [2].
L’incontinence urinaire de la petite fille est le plus
souvent une incontinence par immaturité vésicale avec des
fuites par impériosités. L’incontinence urinaire d’effort est à
cet âge exceptionnelle. Elle est d’origine malformative
(épispadias) ou neurologique (spina bifida). Elle s’associe
alors à un examen neurologique périnéal anormal, à des
anomalies de la charnière lombosacrée ou à des malformations des organes génitaux externes (bifidité clitoridienne).
Nous rapportons, pour la première fois, deux cas
d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée se manifestant par une incontinence urinaire d’effort pure chez
deux jeunes filles sans aucune anomalie neurologique ou
malformative de l’appareil urinaire.
Observation 1
Christelle, 6 ans, a consulté en 1987 pour une incontinence urinaire. Elle a pour seul antécédent une cure
chirurgicale d’un reflux vésico-urétéral à l’âge de trois
ans selon la technique de Cohen.
Les pertes d’urines survenaient typiquement à l’effort
lors d’hyperpression abdominale (rire, toux,...) sans
impériosité ni dysurie, le jour et la nuit. Elle n’a jamais
été propre (incontinence primaire). Aucun argument, en
faveur d’une maltraitance, n’a été retrouvé.
L’examen morphologique était normal. Il n’y avait pas
d’abouchement urétéral ectopique, pas de malformation
43
Fig. 2. Profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle, réalisé
dans des conditions standards. Interprété comme normal avec une
pression de clôture à 68 cm d’H2O au repos et à 130 cm d’H2O en
retenue
Fig. 1. Profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle,
mettant en évidence une insuffisance sphinctérienne avec une pression
de clôture à 30 cm H2O au repos
vulvaire, pas d’anomalie neurologique générale, pas de
malformation rachidienne ni périnéale. La débitmétrie était
normale ainsi que le contrôle volontaire des mictions.
Du fait de son âge, le diagnostic d’immaturité vésicale a
été posé. Un traitement d’épreuve par oxybutynine a été
instauré mais sans efficacité. Quelques mois plus tard, un
bilan complémentaire a été réalisé devant la persistance des
fuites urinaires diurnes et nocturnes malgré le traitement
anticholinergique. Le bilan radiologique par échographie
vésicorénale, urographie intraveineuse (UIV), imagerie par
résonance magnétique (IRM) médullaire du cône terminal
était normal.
Un examen clinique sous anesthésie générale a été proposé.
Il n’y avait pas d’orifice urétéral ectopique ou surnuméraire (ils
étaient en position compatible avec l’intervention de Cohen). Il
a été mis en évidence une émission d’urines par l’urètre à la
moindre pression hypogastrique. La cystoscopie a mis en
évidence un urètre court.
La cystomanométrie, sous oxybutynine, ne retrouvait
pas de contraction désinhibée du détrusor (pas de
syndrome d’hyperactivité détrusorienne). En revanche,
le profil de pression urétral, par la méthode perfusionnelle, a mis en évidence une insuffisance sphinctérienne
avec une pression de clôture à 30 cm H2O (Fig. 1).
Le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne congénitale
isolé a été posé. Devant la persistance et l’importance des
fuites, un sphincter urinaire artificiel (ANS) a été posé à l’âge
de 10 ans. Les suites opératoires ont été simples. Avec un
recul de plus de 15 ans, elle n’a plus de fuite urinaire aussi
bien le jour que la nuit ni de problème de vidange vésicale.
Observation 2
Nolwen, 8 ans, a consulté en 2004, pour une incontinence
urinaire permanente. Elle avait comme antécédents une
cataracte congénitale gauche opérée, un syndrome de
Wolf Parkinson White et un papillome du col utérin.
Elle n’a jamais été propre (incontinence primaire).
Les fuites survenaient principalement à l’effort. Elles
étaient diurnes et nocturnes sans signe associé, sans
impériosité mictionnelle ni symptôme urodigestif. Elle
ressentait mal l’envie d’uriner. Elle portait au moins deux
garnitures par jour.
L’examen clinique était normal sans malformation
périnéale ou abdominale. L’examen neurologique était
normal. Le débit urinaire maximum était de 27 ml/sec
sans résidu postmictionnel à l’échographie.
Différents traitements anticholinergiques et psychologiques ont été tentés sans efficacité. Un test au bleu de
méthylène a été réalisé, confirmant l’origine urinaire de
ces fuites.
Le bilan morphologique avec échographie vésicorénale, UIV, cystographie rétrograde, IRM rénale et
médullaire était normal sans anomalie urétérale (duplicité), vésicale, urétrale ou neurologique (cône terminal).
La cystomanométrie n’a pas mis en évidence d’hyperactivité détrusorienne. Le profil de pression urétral fait
dans des conditions standards a été interprété comme
normal avec une pression de clôture à 68 cm d’H2O et à
130 cm d’H2O en retenue (Fig. 2).
44
Fig. 3. Profil de pression urétral, selon la méthode perfusionnelle, réalisé
dans des conditions standard et avec une pression périnéale pour
détendre les muscles releveurs de l’anus. Pression de clôture urétrale
sans relâchement des muscles releveurs de l’anus à 47 cm d’H2O au
repos et à 98 cm d’H2O en retenue. Lors de la pression périnéale, la
pression de clôture a chuté à 27 cm d’H2O
Une rééducation périnéale par biofeedback a été sans
efficacité. Devant la persistance des fuites et leur
caractère atypique, un examen sous anesthésie générale
a été réalisé avec une cystoscopie. L’examen clinique
périnéal était normal sans hypospade. Les fuites urinaires étaient provoquées par une simple pression de
l’hypogastre. De même, les fuites ont été déclenchées
par une pression minime sur le périnée de part et d’autre
de la vulve, manœuvre permettant de relâcher les
muscles releveurs de l’anus. La cystoscopie était normale.
Un second profil de pression urétral, selon la
méthode perfusionnelle, a été effectué avec une sonde
de Bohler 10 F, le lendemain de l’examen sous anesthésie
en prenant soin de détendre les muscles releveurs par
une pression périnéale de part et d’autre de la vulve. La
pression de clôture urétrale maximum sans relâchement
des muscles releveurs de l’anus était de 47 cm d’H2O au
repos et de 98 cm d’H2O en retenue. Lors du relâchement
des muscles releveurs de l’anus, la pression de clôture
maximum a chuté à 27 cm d’H2O (Fig. 3).
Le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée (sans malformation urinaire) a été posé et un
sphincter urinaire AMS a été mis en place en mai 2005.
Depuis la patiente n’a plus présenté de fuite d’urine.
Discussion
L’insuffisance sphinctérienne est habituellement une
cause d’incontinence urinaire d’effort dont l’origine est
soit malformative (épispadias, bifidité clitoridienne), soit
neurologique (spina bifida, myéloméningocèle), soit
traumatique. À l’extrême, l’agénésie sphinctérienne, qui
est une absence de développement du sphincter rentre
dans un contexte malformatif urologique. Son diagnostic
fait alors peu de doute et la prise en charge dépend du
contexte malformatif. L’incontinence urinaire de la jeune
fille, sans contexte malformatif, est le plus souvent
consécutive à une incontinence par impériosité du fait
d’une immaturité vésicale. Le tableau clinique associe
des urgenturies mictionnelles et des fuites d’urines à la
fois le jour et la nuit, sans anomalie à l’examen clinique
urologique ou neurologique. Il n’existe pas de fuites à
l’effort. Nous rapportons ici deux cas de jeunes patientes
présentant une incontinence urinaire primaire survenant
exclusivement à l’effort. Dans ces deux cas, il a été noté
une errance diagnostique du fait d’une symptomatologie
peu banale à cet âge.
Le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée a pu être redressé par les examens complémentaires et en particulier par la réalisation d’un examen
sous neuroleptanalgésie sans utilisation de curare. En
effet, ce qui nous semble le plus important pour supposer
ce diagnostic est le déclenchement de fuites d’urines par
le méat urétral à la pression hypogastrique sous
anesthésie. De même le relâchement du muscle releveur
de l’anus (plancher pelvien) par une pression de part et
d’autre du périnée permettant de déclencher des fuites
est un argument évocateur. Ces fuites ne sont pas vues en
cas de sphincter normal. Le bilan radiologique doit tout
de même être réalisé afin de ne pas passer à côté d’une
duplicité pyélo-urétérale avec implantation ectopique
qui est plus fréquente. Une IRM du plancher pelvien
pourrait se discuter à la recherche d’une agénésie ou
d’une hypotrophie sphinctérienne. Il existe toujours une
certaine réticence à réaliser un bilan urodynamique ou
au moins un profil urétral chez l’enfant étant donné le
traumatisme physique et psychologique de cet examen.
De plus, les valeurs normales sont encore mal définies.
Cependant, le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne
doit être porté sur cet examen surtout avant d’envisager
l’implantation d’un sphincter artificiel qui aura des
conséquences pour l’avenir. Cet examen doit être réalisé
dans des conditions normales et également en essayant
de détendre le plancher pelvien par une pression de part
et d’autre de la vulve. En effet, dans le second cas, nous
avons été faussement rassurés par un premier profil
urétral qui a été interprété comme normal mais qui
correspondait à un effet du muscle releveur de l’anus,
mais pas du sphincter.
L’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée pourrait être considérée comme une agénésie sphinctérienne.
Cependant, le diagnostic d’agénésie est plutôt histologique avec une absence de développement du tissu
sphinctérien. Il paraı̂t peu licite de proposer à la patiente
une biopsie de son sphincter pour confirmer ce
diagnostic. De même, un EMG du sphincter urinaire
pourrait être réalisé mais son interprétation, et sa
réalisation chez l’enfant reste très difficile. D’un point
de vue diagnostic, il peut également se discuter une
forme mineure d’épispadias avec un urètre normal mais
45
un défaut de développement sphinctérien. De fait, le
diagnostic d’insuffisance sphinctérienne chez l’enfant
peut être assimilé à une agénésie plus ou moins complète
du sphincter. Il faut savoir y penser en cas de tableau
d’incontinence à l’effort de l’enfant sans syndrome
d’hyperactivité détrusorienne même si l’examen clinique
et morphologique est normal. Dans les deux cas les
patientes ont été traitées par la mise en place d’un sphincter
artificiel avec un excellent résultat fonctionnel. Les
différentes études rapportant les résultats fonctionnels à
long terme de l’implantation d’un sphincter artificiel chez
l’enfant ont mis en évidence un bon résultat fonctionnel
avec un taux de continence en moyenne dans 90 % des cas
[3,4] et une bonne tolérance quel que soit l’âge d’implantation [5]. Il existe bien entendu le problème de « panne de
sphincter » qui pourra nécessiter par la suite des reprises
chirurgicales pour révisions [6,7]. De même, des traitements standard de l’incontinence urinaire d’effort (bandelette sous-urétrale) auraient pu se discuter comme il a déjà
été réalisé [8]. Cependant, le résultat fonctionnel à très long
terme reste encore mal connu.
Conclusion
Nous rapportons, pour la première fois, deux cas
d’insuffisance sphinctérienne congénitale isolée se manifestant par une incontinence urinaire d’effort pure chez
deux jeunes filles sans aucune anomalie neurologique ou
malformative de l’appareil urinaire. Ces observations
permettent d’insister sur le problème d’errance diagnostique de cette pathologie du fait d’une symptomatologie peu banale à cet âge. Il semble important, dans ces
cas d’incontinence, de pousser les investigations par la
réalisation d’un examen sous anesthésie permettant de
provoquer des fuites à la pression hypogastrique et à la
pression périnéale, créant un relâchement des muscles
releveurs de l’anus. De même, la réalisation d’un profil
urétral avec une pression périnéale permet de confirmer
le diagnostic d’insuffisance sphinctérienne. Cette
manœuvre semble intéressante car le profil urétral peut
être faussement rassurant, car il correspond à un effet du
muscle releveur de l’anus et non du sphincter. Ces
patientes ont été traitées avec succès après l’implantation
d’un sphincter artificiel.
Références
1. Haab F, Castel E, Ciofu C, et al. (1999) Physiopathologie et
évaluation de l’incontinence urinaire de la personne âgée
non institutionnelle. Prog Urol 9: 760-6
2. Leroi AM, Le Normand L (2005) Physiologie de l’appareil
sphinctérien urinaire et anal pour la continence. Prog
Urol 15: 123-48
3. Hafez AT, McLorie G, Bagli D, et al. (2002) A single-centre
long-term outcome analysis of artificial urinary sphincter
placement in children. BJU Int 89: 82-5
4. Ruiz E, Puigdevall J, Moldes J, et al. (2006) 14 years of
experience with the artificial urinary sphincter in children
and adolescents without spina bifida. J Urol 176: 1821-5
5. Kryger JV, Leverson G, Gonzalez R (2001) Long-term
results of artificial urinary sphincters in children are
independent of age at implantation. J Urol 165: 2377-9
6. Bosch JL, Klijn AJ, Schroder FH, et al. (2000) The artificial
urinary sphincter in 86 patients with intrinsic sphincter
deficiency: satisfactory actuarial adequate function rates.
Eur Urol 38: 156-60
7. Maillet F, Buzelin JM, Bouchot O, et al. (2004) Management of artificial urinary sphincter dysfunction. Eur Urol
46: 241-5 (discussion 246)
8. Pelzer AE, Akkad T, Schwenter C, et al. (2006) Treatment
of adult female epispadias without exstrophy in the
presence of rhabdosphincter function. Int J Urol 13: 321-2
Pelv Perineol (2007) 2: 46–47
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0102-8
VIE DES SOCIÉTÉS / SOCIETY MEMBER’S NEWS
Histoire de l’urodynamique
J. Susset
152, Middle Highway, Barrington, RI 02806, États-Unis
La science a contribué puissamment à gagner la Seconde
Guerre mondiale. La fondation de l’Institut national de
Santé (NIH) en a été un dividende. Dès 1950, des bourses
de recherche en sciences biomédicales se sont multipliées
transformant la médecine américaine en une industrie
de haute technologie.
Que la société d’urodynamique ait émergé si rapidement est le résultat direct de l’effort scientifique considérable d’après-guerre aux États-Unis.
Le Conseil national de recherche en conjonction avec
l’Académie nationale des Sciences suggère une politique
de recherche dans plusieurs branches du gouvernement
incluant l’Institut national de recherche. Ce dernier avait
pour mission d’établir des priorités en recherche médicale.
C’est à ce moment que la nécessité d’établir des symposiums interdisciplinaires s’imposa.
William Boyce a su souligner l’importance de la
recherche en urologie auprès de ces autorités gouvernementales. Le général Harold Glattley a joué un rôle
fondamental à ce niveau. Ce médecin avait été capitaine
lors de la Bataan Death March et il fut prisonnier des
Japonais, temps pendant lequel il sut gagner le respect
de tous.
À son retour à Washington, il fut en position
d’organiser une série de comités médicaux aviseurs et
Boyce sut le convaincre d’organiser un de ces comités
pour l’urologie.
Cela fut facile pour les raisons suivantes. Beaucoup
de ces politiciens vieillissants s’inquiétaient pour leur
prostate. Ensuite, le président venait de subir une urétérolithotomie et, enfin, les autorisés militaires étaient exaspérées
de voir tant de soldats et de marins en permission de
maladie, due aux urétrites et prostatites. Des conférences et
des symposiums urologiques commencèrent donc par la
lithiase et la prostatite.
Plus directement en rapport avec l’urodynamique,
un symposium sur la pyélonéphrite fut tenu en octobre
1959 à Détroit. Le rôle de l’obstruction dans la pathogénie des pyélonéphrites fut discuté. La même année,
Saul Boyarsky ouvrira une section de recherche sur la
physiopathologie urétérale incluant la pharmacologie et
l’uroradiologie à Albert Einstein à New York.
Correspondance : e-mail : [email protected]
En même temps, Arthur Abramson, dans la même
institution, était un paraplégique blessé médullaire lors du
débarquement de Normandie. C’était un réhabilitateur
crédité pour l’introduction de l’électromyographie du
sphincter strié à l’urologie. Il s’associa à Boyarsky, reliant
ainsi les problèmes neuro-urologiques du bas appareil à la
physiopathologie urétérale dont Boyarsky s’occupait.
Herbert Talbot, à Harvard, ainsi qu’Ernest Bors et
Estin Comarr, de l’hôpital des Vétérans de Long Beach
Californie, étaient déjà des pionniers de la réhabilitation
des blessés médullaires avec un intérêt particulier pour
les problèmes vésicosphinctériens.
Leur collaboration avec Boyarsky et Abramson permit
d’établir une communication entre l’administration des vétérans et l’Institut national de Santé, permettant ainsi d’élargir la base sur laquelle l’urodynamique devait se fonder.
Elkin et Kaplan, des radiologues, s’intéressèrent à la
cinéfluoroscopie de l’uretère et des conduits iléaux ainsi
qu’à l’évacuation vésicale. Ils jouèrent aussi un rôle
important.
Le second symposium sur la pyélonéphrite accorda une
importance toute particulière au rôle de l’obstruction dans
la genèse de l’infection rénale. Celui-ci fut tenu à Boston
City Hospital en 1964, permettant un dialogue intense entre
internistes néphrologues et urologues.
Il parut dès lors évident d’organiser un symposium
sur les vessies neurogènes. Celui-ci fut supporté par
l’administration de réhabilitation vocationnelle (VRA). Ce
symposium eut lieu à l’Université Duke en février 1965. Les
sujets inclurent les sciences fondamentales, de l’anatomie
aux sciences cliniques de recherche. La clinique s’adressa à
la pharmacologie, la médecine physique, la médecine, la
neurochirurgie, la neurologie, la psychologie et l’urologie.
Ce fut à cette réunion que je reportais les risques et
bénéfices de la dérivation par le conduit iléal dans 155 unités
rénales de patients neurologiques présentant une hydronéphrose de différents degrés.
Les participants à ce congrès formèrent un noyau qui
devait devenir bientôt la Société d’urodynamique (the
Urodynamics Society).
L’organisme conjoint fait à l’Académie nationale de
Sciences (NAS) et du Conseil national de Recherche
47
(NRC) par l’intermédiaire de son comité génito-urinaire
autorisa le premier Symposium d’Urodynamique en 1968
à Iowa organisé par Frank Hinman Jr, Saul Boyarsky,
James Pierce et Norman Zinner qui fit l’objet d’un livre
Hydrodynamnics of Micturition.
Ce symposium permit d’introduire la participation
d’ingénieurs biomédicaux à l’urodynamique. Richard
Apsher, Verne Roberts, Bottacini, Art Sterling, Roger
Ritter furent les premiers à s’intéresser au problème
urologique. Il était devenu évident que le génie
biomédical était indispensable à l’introduction de paramètres mesurables pour l’évaluation des problèmes
neuromusculaires rencontrés en pathologie urinaire.
Saul Boyarsky, Brantley Scott, Jim Pierce et moimême avions associé des ingénieurs à notre équipe. À
l’université Mc Gil de Montréal, Kolshorn et Robert
Nagler ont contribué au développement des stimulateurs
vésicaux et sphinctériens. À Sherbrooke, patrick Picker
nous permit de développer un débitmètre urinaire de
précision et d’établir les paramètres de la débitmétrie
normale. Les coopérants militaires ingénieurs tels que
Michel Kretz et Jean Rottembourg contribuèrent à ces
travaux. Daniel Dutartre et Claude Regnier furent d’une
immense assistance à notre activité de recherche pendant
plusieurs années.
Le mot « urodynamique » est né au moment de ce
symposium d’Iowa (1968).
Je l’ai défini en tant que science médicale concernée
par la physiologie et pathophysiologie du transport de
l’urine des reins à la vessie, ainsi qu’à son accumulation
et évacuation par cette dernière.
Norman Zinner suggéra à Saul Boyarsky d’organiser la
Société d’urodynamique qui devait se réunir chaque année à
l’occasion du congrès de l’Association américaine d’urologie. Il s’agira tout d’abord d’un club pluridisciplinaire.
La première réunion a eu lieu à San Francisco en mai
1969. Vingt-sept médecins, ingénieurs et anatomistes y
participaient.
Les principes directeurs de cette nouvelle société ont
alors été établis. D’abord l’introduction de la physique,
de l’anatomie, de la physiologie à une meilleure
analyse et compréhension des problèmes cliniques. Ensuite,
la collaboration étroite de l’urologie, neurologie,
médecine physique et aussitôt que possible gynécologie et
gastro-entérologie au développement des connaissances en
pathologie neuromusculaire. Il faut noter que ces dernières
spécialités n’étaient pas représentées à ce moment et ne le
sont toujours pas aux États-Unis alors qu’elles le sont
superbement ici, à la Sifud.
Cette Société d’urodynamique institue les principes
suivants :
– la tenue de réunions permettant une discussion
approfondie des présentations, non limitées par un
horaire rigide tel qu’il existe lors des congrès habituels.
Il ne s’agissait évidemment alors que d’un groupe d’une
vingtaine de participants ;
– l’invitation et le recrutement de spécialistes en
sciences fondamentales ainsi que d’ingénieurs et de
physiciens avaient pour but l’introduction des mathématiques à la science imprécise qu’est la physiologie ;
– l’établissement d’un forum et d’un processus de
stimulation pour les jeunes chercheurs ;
– enfin, la standardisation de la terminologie.
En 1970, Peter Caldwell, grâce au développement des
stimulateurs électriques sphinctériens qui n’a d’ailleurs
pas eu de suite, organise un club pour le traitement
de l’incontinence urinaire. Celui-ci deviendra l’International Continence Society (ICS) qui s’ouvrira à la
gynécologie, à l’urologie ainsi qu’aux infirmières et aux
ergothérapeutes.
À cette époque, Derek Griffith et Werner Schaeffer
contribuèrent grandement au développement des
concepts nouveaux en urodynamique du bas appareil.
C’est seulement le 31 août 1978 que l’Urodynamics
Society fut incorporée avec Saul Boyarsky président,
Frank Hinman Jr, vice-président et Jacques Susset,
secrétaire. Le comité exécutif incluait aussi Donald
Gleason et Ed Mc Guire.
Une étroite relation avec l’ICS fut instituée et
plusieurs congrès furent organisés en coopération.
L’impact de l’urodynamique en urologie a été
considérable.
Beaucoup d’urologues, de gynécologues, de réhabilitateurs raisonnent maintenant davantage en physiologistes, analysant séparément les forces en présence et
reconstituant les problèmes de leurs malades en fonction
des facteurs de base qu’ils ont appris à identifier et
mesurer.
Cela les a conduits à une plus grande compréhension
de ces problèmes et à des indications thérapeutiques
mieux dirigées.
L’urodynamique a facilité le développement de
techniques chirurgicales telles que dénervation sélective,
stimulation neurologique élective, agrandissement vésical, dérivation urinaire continente, etc.
On lui doit la création des sphincters et prothèses
péniennes implantables. Ces dernières ont été à l’origine
de l’explosion des connaissances dans le domaine encore
ignoré il y a 35 ans, celui de l’impuissance sexuelle. Les
progrès en urologie pédiatrique et dans le traitement de
l’incontinence urinaire et de la réhabilitation vésicosphinctérienne sont largement dus au développement de
l’urodynamique.
Enfin, l’immense progrès en pharmacologie appliquée au système génito-urinaire a été en grande partie
influencé par l’urodynamique qui a permis de mesurer
l’effet de nouvelles molécules avec plus d’exactitude.
Il reste à dire que la Sifud a été créée en 1976, deux ans
avant la formalisation de l’Urodynamics Society, et que
j’en suis très fier.
Pelv Perineol (2007) 2: 48–53
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0106-4
FOCUS / FOCUS
L’approche urodynamique est-elle toujours indispensable
dans la décision thérapeutique ?
J.-M. Buzelin
UFR de médecine de Nantes, 1, rue Gaston-Veil, F-44093 Nantes Cedex 01, France
Résumé : Cet article fait le point sur les paramètres
les plus pertinents à retenir dans l’interprétation des
données urodynamiques, qu’il s’agisse de la débitmétrie,
de la cystomanométrie ou de la sphinctérométrie. Il
souligne les différentes indications du bilan urodynamique au cours des vessies neurologiques, des syndromes
obstructifs et dans les incontinences urinaires.
Mots clés : Urodynamique – Incontinence urinaire –
Obstruction – Vessie neurologique
La reproductibilité n’est plus un problème technique ;
les appareils sont maintenant fiables et ceux qui les
utilisent sont bien formés. Mais, c’est toujours un
problème physiologique car certaines valeurs ne sont
pas des constantes biologiques.
La significativité , est l’aptitude d’un paramètre à
exprimer fidèlement un phénomène physiologique ou
physiopathologique.
Les paramè tres de la dé bitmé trie
Is urodynamic testing still indispensable in making
therapeutic decisions?
Abstract: This article focuses on the urodynamic parameters most important in interpreting urodynamic data,
especially that from flowmetry, cystometry and sphincterometry. We highlight the different indications for
urodynamic testing when evaluating neurogenic bladder,
bladder outlet obstruction and urinary incontinence.
Keywords: Urodynamics – Urinary incontinence – Bladder outlet obstruction – Neurogenic bladder
L’urodynamique « moderne » est née avec les capteurs
électroniques, il y a un peu plus d’un quart de siècle.
Son implantation en urologie s’est faite dans un climat
passionné entre partisans et opposants de ces nouvelles
méthodes d’exploration de la voie excrétrice. En 2007,
le débat ne peut plus se situer sur ce plan. Récuser
globalement l’urodynamique nous ramènerait loin en
arrière. Mais l’expérience a fait le tri parmi les paramè tres
et les indications de ces examens que nous limiterons à
l’exploration du bas appareil urinaire.
Que reste-t-il des paramètres urodynamiques ?
Les débuts de l’urodynamique ont été marqués par un
souci d’identification des paramètres. Sur les courbes de
débit et de pression, ont été individualisées de nombreuses valeurs dont certaines ont survécu alors que
d’autres ont été abandonnées car non reproductibles
ou non significatives.
La débitmétrie fournit des chiffres et des courbes.
Le débit maximum
Il y a vingt cinq ans, de nombreux travaux se sont
attachés à reconnaı̂tre quelles données étaient les plus
significatives de la qualité du jet. Il est apparu que c’était
le débit maximum.
Sa reproductibilité est cependant discutable, pour
des raisons physiologiques, indépendantes du débitmétre. Le débit maximum n’est pas une constante biologique : il varie avec le volume et le nycthémère. Il existe
une relation linéaire entre le débit maximum et la racine
carrée du volume mictionnel, qui peut s’exprimer par
un nomogramme ; en pratique, cette dépendance est
sans conséquence pour des volumes compris entre 150 et
500 ml. Des variations nycthémérales existent chez le
sujet obstrué qui sait, intuitivement, que ses mictions
nocturnes sont plus laborieuses. Ce défaut de reproductibilité pose deux questions :
– doit-on multiplier les débitmétries au cours de la
même consultation, voire hors de la consultation grâce
aux débitmètres ambulatoires ? Ce n’est pas certain et,
pour les renseignements qu’on en attend, il semble
préférable de s’en tenir à une seule débitmétrie à condition
qu’elle soit faite dans de bonnes conditions (respect de
l’intimité, vessie suffisamment, mais pas excessivement
pleine) ;
– quand les valeurs sont différentes, laquelle retenir : la
plus basse, la plus élevée ou la moyenne ? Habituellement,
on retient la plus élevée, comme étant mieux représentative
49
Tableau I.
Une courbe en cloche régulière, monophasique, évoque
l’existence d’une contraction vésicale.
Une courbe polyphasique avec des pics élevés, retombant
à 0, évoque une acontractilité vésicale
Un allongement du temps de débit maximum évoque une
maladie du col
Une courbe basse, en plateau, évoque un rétrécissement de
l’urètre
Un hyperdébit (> 25 ml/s) évoque une instabilité du détrusor.
de la performance ; mais la valeur la plus basse est sans
doute mieux représentative de la gêne fonctionnelle.
En dépit de cette variabilité, le dé bit maximum est-il
un bon indicateur du degré d’obstruction ? En théorie, la
résistance urétrale, correspond aux « pertes de charges »,
c’est-à-dire à l’énergie consommée qui est la différence
entre l’énergie fournie à l’entrée de l’urètre (par la
contraction vésicale et/ou la poussée abdominale) et
l’énergie restituée à sa sortie au méat, c’est-à-dire l’énergie
cinétique, qui propulse le jet plus ou moins loin et vite.
Le débit n’est qu’une expression incomplète de cette
énergie cinétique puisqu’il manque la notion de vitesse :
avec le même débit on peut décaper sa façade au karcher ou
abreuver délicatement ses fleurs avec une pomme
d’arrosoir. En aucun cas elle ne représente l’énergie
consommée. En pratique, on peut se poser la question
différemment en étudiant la corrélation entre la valeur
du débit maximum et le niveau d’obstruction évalué par
la relation pression/débit. Cette corrélation est considérée
comme faible. En fait, l’important est de préciser la valeur
seuil du débit maximum, au-dessous de laquelle l’obstruction devient probable. Un débit maximum égal ou
inférieur à 10 ml/s aurait une valeur prédictive, une
sensibilité et une spécificité excellentes. Entre 10 et 15 ml/s,
la corrélation est moins bonne.
La forme de la courbe de débitmétrie
Elle peut renseigner sur la nature d’une obstruction. Il
n’y a pas d’étude scientifique sur le sujet, mais des
enquêtes d’opinion, telle que celle réalisée auprès des
membres de la Sifud en juin 2005 (Tableau I).
Les paramé tres de la cystomanomé trie
La cystomanométrie et l’instantané mictionnel étaient
initialement considérés comme deux examens bien
distincts, pour deux raisons : l’une explorait la phase
de remplissage, l’autre la phase mictionnelle ; l’une
n’enregistrait que la pression vésicale, l’autre y associait
la mesure de la pression rectale, de l’EMG du sphincter
strié de l’anus. On y ajoutait parfois l’image notamment
Pas d’accord
Plus ou moins
d’accord
Plutô t
d’accord
?
6 (5,6 %)
29 (27,1 %)
70 (65,4 %)
2 (1,8 %)
20 (18,7 %)
43 (40,2 %)
40 (37,4 %)
4 (3,7 %)
22 (20,6 %)
64 (59,8 %)
16 (14,9 %)
5 (4,7 %)
16 (14,9 %)
45 (42 %)
44 (41,1 %)
2 (1,8 %)
57 (53,3 %)
35 (32,7 %)
12 (11,2 %)
3 (2,8 %)
pendant la miction, grâce à la vidéo. Cette distinction
n’est plus justifiée. Bien souvent l’instantané mictionnel
n’est que la phase finale d’une cystomanométie à laquelle
on peut associer l’enregistrement d’autres paramètres
(PR notamment) ou d’images pour aboutir à des
examens plus ou moins complets et complexes. Mais
l’essentiel est la mesure de la pression vésicale pendant
les deux phases du cycle mictionnel.
La capacité vésicale
Elle se situe normalement entre 300 et 600 ml chez
l’adulte, et peut varier considérablement d’une miction à
l’autre chez le même individu. De tous les procédés
permettant de la mesurer, la cystomanométrie n’est
certainement pas le plus fiable ; la valeur mesurée est en
moyenne inférieure de 40 % à la capacité fonctionnelle
calculée par le patient lui-même dans les conditions
« naturelles » en divisant sa diurèse quotidienne par le
nombre de ses mictions. Le calendrier mictionnel est
indiscutablement la façon la plus simple et la plus fiable
d’évaluer ce paramètre dans toute sa variabilité.
La sensibilité vésicale
Elle s’exprime à travers le besoin d’uriner, dont on décrit
plusieurs degrés : le premier besoin (B1), le besoin
normal (B2), le besoin impérieux (B3) et le besoin
douloureux (B4). Percevoir le besoin et à plus forte
raison être capable d’en distinguer les différentes
nuances a une valeur séméiologique indiscutable mais
qui se satisfait très bien de l’interrogatoire. Il est très
difficile d’expliquer au sujet examiné à quelles
sensations correspondent B1, B2, B3 et B4, et plus encore
de leur attribuer des valeurs de volume. Il faut
cependant reconnaı̂tre l’importance de l’exploration de
la sensibilité vésicale dans certaines pathologies notamment : cystalgies, cystites interstitielles, pollakiuries...
Les recherches dans ce domaine sont orientées dans
deux directions : la détermination d’un seuil de
sensibilité électrique et la relation fréquence/volume
sur le calendrier mictionnel.
50
La stabilité vésicale
L’instabilité vésicale et l’instabilité urétrale, deux expressions différentes d’une même instabilité mictionnelle,
sont caractérisées par la survenue de contractions vésicales
ou de relaxations urétrales, non inhibées. Ce symptôme
cystomanométrique (overactive detrusor) n’est pas forcément corrélé au symptôme clinique décrit par l’ICS sous
le terme d’hyperactivité vésicale (overactive bladder)
englobant deux symptômes, la pollakiurie et l’impériosité
mictionnelle. Pourtant ces deux symptômes sont séméiologiquement bien différents (besoins trop fréquents/besoins
trop soudains et non inhibables) et ne relèvent sans doute
pas d’un même mécanisme physiopathologique, l’impériosité se rapprochant de l’urination, (miction complète,
incontrôlable), qu’on observe dans les stimulations corticales, sensorielles (contact ou audition de l’eau, exposition au
froid...) émotionnelles (fou rire, orgasme...), et comportementales (introduction d’une clé dans la serrure...).
Cette confusion des deux symptômes dans une même entité,
imposée par l’ICS, nous paraı̂t donc critiquable. Il n’y a
aucune raison pour que l’impériosité se traduise par
des contractions non inhibées ; elle peut très bien accompagner une contraction à terme (hyperactivité terminale).
La physiopathologie des vessies hyperactives est un vaste
domaine qu’on ne peut pas aborder ici, dans lequel il y a plus
d’hypothèses que de certitudes. En revanche, la valeur de la
cystomanométrie dans l’exploration de ce syndrome est
indiscutable. Dans l’enquête de la Sifud, 90 % des personnes
interrogées pensent que des contractions vésicales non
inhibées sont un signe reproductible, significatif, utile au
diagnostic et au traitement. L’intérêt de la cystomanométrie
ambulatoire et des tests de provocation, à la mode autrefois
pour dépister une instabilité latente, nous paraı̂t, en
revanche, tout à fait accessoire.
La compliance vésicale
La compliance vésicale est un paramètre très reproductible, à condition de respecter le principe d’un remplissage lent, notamment dans les vessies neurologiques
décentralisées, très sensibles à toutes stimulations,
pharmacologiques (test de Lapides) ou mécaniques.
C’est aussi un paramètre très significatif des propriétés
mécaniques de la paroi vésicale. Sa valeur pronostique
pour la tolérance du haut appareil urinaire est indiscutable, à condition de tenir compte dans l’interprétation,
d’autres paramètres comme la résistance urétrale et le
résidu postmictionnel. L’analyse des composantes viscoélastiques de la vessie, par la cystomanométrie rapide,
a été une grande idée, qui n’a malheureusement pas
dépassé le stade de l’expérimentation animale.
La relation pression-débit
La présence d’une contraction vésicale phasique témoigne de l’existence d’un arc réflexe. Son amplitude est
fonction de la résistance urétrale. C’est le principe de la
relation pression/débit, par laquelle on évalue la résistance urétrale. Sa significativité , n’est pas contestable ;
c’est la seule façon de distinguer chez un patient
dysurique, l’acontractilité vésicale de l’obstruction urétrale et, en cas d’obstruction d’en évaluer l’importance.
Sa reproductibilité dépend pour beaucoup de la façon
dont est réalisé et interprété l’examen. Schématiquement,
il y a deux façons de réaliser une étude pression
débit : soit par un enregistrement simultané à l’aide un
cathéter sus-pubien ou d’une fine sonde urétrale laissée
en place pendant la miction, soit par un enregistrement
décalé du débit en début d’examen et de la pression
mictionnelle, sonde en place, en fin d’examen. Il y a aussi
deux façons de l’interpréter : soit finement en calculant
le « coefficient de résistance urétrale (PV/Q2), ou en
appliquant la méthode de Schaëffer, soit plus « grossièrement » sur un abaque pression/débit divisé en trois
zones : obstrué, non obstrué et équivoque. Pour une
évaluation clinique, la méthode décalée et l’interprétation sur l’abaque d’Abrams, nous paraissent largement
suffisantes. Dans ces conditions d’examen et d’interprétation, les résultats obtenus par plusieurs enregistrements successifs au cours de la même séance montrent
bien des variations intra-individuelles, mais qui sont le
plus souvent insuffisantes pour entraı̂ner un changement
de catégorie. Le problème vient de la signification des
résultats « équivoques » qu’il ne faut pas interpréter
comme une obstruction intermédiaire, mais comme une
impossibilité de conclure.
Les paramé tres du profil de pression uré trale
Le profil de pression urétrale est la mesure de la pression
dans l’urèthre. Celui-ci n’étant pas une cavité, mais un
canal à la lumière virtuelle, la pression n’est pas la même
sur toute sa longueur ; les valeurs s’inscrivent sur une
courbe, ou trois paramètres peuvent être étudiés.
La pression urétrale maximum
La reproductibilité des valeurs de pression (pression
urétrale maximum, pression de clôture) et des valeurs
de longueur (longueur totale, longueur fonctionnelle),
est à notre avis excellente quand on a une bonne pratique
de cet examen et qu’on sait reconnaı̂tre, pour les exclure,
les artéfacts. Les critiques sur la reproductibilité appartiennent à une époque ou la méthode n’était pas bien
au point. La pression urétrale évalue la qualité sphinctérienne, plus précisément son tonus basal. Hormis le
rétrécissement urétral qui peut marquer son empreinte
par un pic très étroit quand on réalise une méthode
perfusionnelle, seul un sphincter (naturel ou artificiel)
peut générer une tension circonférentielle capable de
réaliser une telle courbe. Une compression extrinsèque
par une bandelette en est incapable. Une pression
51
urétrale basse (< 30 cm d’eau signifie une hypotonie
sphinctérienne dont la valeur pronostique est maintenant bien admise en matière d’incontinence. Une
pression urétrale élevée (> 100 cm d’eau) signifie une
hypertonie sphinctérienne, toujours pathologique,
qu’on observe dans les syndromes urétrocystalgiques,
les hyperactivités vésicales et les vessies neurologiques.
Elle peut être associée à une hypercontractilité vésicale
(cause ou conséquence ?), parfois à une acontractilité
vésicale par un phénomène d’inhibition réflexe sympathique ou somatique.
La transmission des pressions abdominales
L’enregistrement simultané des pressions dans la vessie
et dans l’urètre pendant un effort de toux montre un
pic synchrone et sensiblement de même amplitude. La
reproductibilité du phénomène au cours du même
examen est satisfaisante ; mais sa significativité est
contestable. La théorie de l’enceinte manométrique proposée par Enhörning est sûrement criticable car beaucoup d’autres facteurs interviennent pour générer un pic
de pression dans l’urètre. Il est donc excessif d’individualiser un type d’incontinence à l’effort « par défaut
de transmission » et d’en déduire la nécessité d’une
chirurgie repositionnant le col dans l’enceinte manométrique abdominale. Mais, quelle qu’en soit l’explication,
le rapport d’amplitude des pics de pression dans
l’urètre et dans la vessie est un indice de la continence
à l’effort ; il se situe normalement entre 90 et 100 %.
La compliance urétrale
La compliance urétrale, est une caractéristique importante
de l’urètre et un facteur essentiel de la continence. La
valeur de la pression urétrale en dépend. La réalisation
de profils urétraux avec des sondes de calibres croissants
est actuellement la seule méthode applicable en clinique,
ce qui explique qu’elle ne soit jamais réalisée. Mais la mise
au point de nouvelles technologies est à l’ordre du jour.
Que reste-il des indications d’un bilan
urodynamique ?
Il ne suffit pas qu’un paramètre urodynamique soit
reproductible et significatif pour qu’il soit utile, c’est-àdire qu’il apporte, mieux que la clinique, une aide pour
poser un diagnostic ou une indication thérapeutique ou
encore avancer un pronostic. Les examens urodynamiques
sont des examens complémentaires, et leur principal mérite
est de le rester ; ils deviennent inutiles dès lors qu’ils
n’apportent rien de plus qu’un bon examen clinique. Mais
on ne peut bien situer leur place quand les replaçant dans
une démarche originale qui ne consiste pas à faire des
diagnostics, mais à expertiser, avant de les corriger, les
éléments d’un équilibre (ou d’un déséquilibre) fonctionnel.
Il faut absolument comprendre cela pour faire de la bonne
urodynamique.
La normalité fonctionnelle se réfère à un résultat
caractérisé par l’absence d’inconfort et de danger ; une
voie excrétrice urinaire qui fonctionne sans désagrément
pour l’individu et sans risque pour ses reins, est une voie
excrétrice fonctionnellement normale. Pour autant elle
peut être anormale :
– anatomiquement, quand sa forme n’est pas celle
décrite par les anatomistes ;
– physiologiquement, quand son fonctionnement
s’écarte du modèle idéal proposé par les physiologistes ;
– épidémiologiquement quand le résultat fonctionnel
est meilleur que celui d’une population donnée ; à 80
ans, il est statistiquement normal, mais fonctionnellement anormal d’avoir la vue qui baisse, les cheveux qui
tombent et les érections plus rares...
Cette normalité fonctionnelle est le résultat d’un
équilibre entre des forces antagonistes qui permettent à
la vessie de contenir fermement et de se vider sans effort.
Ce sont elles que l’on mesure à travers les paramètres
urodynamiques.
Indications de l’urodynamique dans les vessies
neurologiques
C’est dans ce domaine que cette notion d’expertise d’un
équilibre apparaı̂t le plus clairement.
Il y a vingt-cinq ans, la neuro-urologie était abordée
d’une manière essentiellement « neurologique » en fonction
du niveau lésionnel. On distinguait les neurovessies
centrales et périphériques, complètes, incomplètes, ou
mixtes. Cette classification permettait de comprendre le
mode de fonctionnement et, dans une certaine mesure, d’en
prévoir les conséquences ; mais elle ne fournissait pas une
indication précise et « personnalisée » de l’équilibre urodynamique.
Prenons un exemple : un homme de 60 ans et son
épouse du même âge sont victimes d’un accident de voiture
et se trouvent tous deux avec une paraplégie dorsale de
niveau D6. Ce même niveau lésionnel fait qu’ils ont des
dysfonctionnements « qualitativement » comparables, mais
avec des équilibres urodynamiques différents. En effet,
l’adénome prostatique de Monsieur, les maternités de
Madame ont créé des différences dans la résistance urétrale,
en conséquence de quoi la contractilité vésicale va évoluer
différemment, puis la compliance etc.
L’analyse urodynamique a totalement transformé
l’approche diagnostique et thérapeutique des vessies
neurologiques. On ne demande plus (ou presque plus)
une cystomanométrie pour savoir si une vessie est flasque
ou réflectique, mais pour analyser des forces en présence et
améliorer un équilibre qui doit apporter plus de confort et
moins de risque :
– la contractilité vé sicale est toujours le témoin
indirect de la résistance urétrale. Ainsi, des contractions
52
amples et prolongées traduisent en général une obstruction organique ou fonctionnelle (dyssynergie) ;
– la compliance vé sicale, est le facteur pronostique le
plus important : une pression supérieure de 40 cm d’eau
représente, pour l’uretère, un obstacle fonctionnel qu’il
ne peut vaincre. L’altération de la compliance vésicale est
généralement suivie à court terme d’une dégradation du
haut appareil urinaire ;
– l’évaluation urodynamique de la ré sistance uré trale ne
se fait pas, chez le neurologique, sur les paramètres
habituels. La débitmétrie, la relation pression/débit et le
résidu n’ont pas de valeur car ils varient d’une miction à
l’autre au hasard d’une dyssynergie sphinctérienne ou selon
la vigueur de la poussée abdominale. Le résidu n’a plus
la signification péjorative qu’on lui attribuait autrefois,
depuis la pratique des autosondages. En fait, chez le
neurologique, la notion de dysurie doit être remplacée par
celle de travail vésical. Il n’y a pas actuellement de moyen
simple et fiable de le « mesurer ». On se fonde sur
l’amplitude, la durée, la fréquence des contractions. Des
contractions rythmiques de faible amplitude, mais très
régulières peuvent réaliser un travail « cumulé » plus
important que de grandes contractions phasiques espacées,
et conduire plus sûrement à une altération de la compliance.
– la dyssynergie vé sico-sphincté rienne est potentiellement toujours présente, s’exprimant ou non au hasard des
mictions. Ce qui compte pour le pronostic, c’est le
phénomène « quantitatif », c’est-à-dire l’amplitude et la
durée des contractions vésicales d’une part, l’importance
de l’hypertonie sphinctérienne d’autre part. Les meilleurs
critères d’une sphinctérotomie efficace sont un écrêtement
des contractions vésicales et un effondrement de la pression
urétrale.
Indications de l’urodynamique dans les obstructions
sous-vé sicales
L’obstruction sous-vésicale s’exprime par un ensemble de
symptômes que les urologues français regroupent sous le
terme de « prostatisme » et leurs collègues anglo-saxons
sous celui de « lower urinary tract symptoms » (LUTS).
Leur prévalence augmente avec l’âge pour atteindre un
homme sur deux à partir de 70 ans, sans être obligatoirement le fait d’une hypertrophie prostatique, ni même
d’une obstruction. Tout le problème est là : seule la relation
pression/débit permet d’affirmer et de quantifier l’obstruction ; mais il s’agit d’un examen invasif qui nécessite au
minimum l’insertion d’une fine sonde dans l’urètre. Peut-on
faire aussi bien mais plus simplement, et, si non, quand
faut-il se résoudre à faire une étude pression/débit ?
Cette question a conduit à des études de corrélation
entre les symptômes cliniques et les résultats de la relation
pression/débit :
– les symptômes fonctionnels sont classiquement classés en « irritatifs » (pollakiurie diurne et nocturne, impé-
riosité) et obstructifs (lenteur d’apparition du jet, jet faible,
gouttes terminales, mictions incomplètes...). Les premiers,
fonctionnellement les plus gênants, sont bien corrélés à la
cystomanométrie mais peu spécifiques de l’obstruction. Les
seconds sont souvent mal estimés par le patient lui-même et
mal corrélés aux résultats de la relation pression débit ;
– de nombreuses études ont démontré que le score
des symptômes n’est nullement spécifique à l’homme et à
l’adénome de la prostate, et que sa reproductibilité dans le
temps et selon le mode d’utilisation du questionnaire est
assez aléatoire ;
– il est classique de dire que le volume de la prostate n’a
rien à voir avec le degré d’obstruction : une petite prostate
peut être plus obstructive qu’une grosse ;
– l’importance du résidu postmictionnel a toujours
été considérée comme un paramètre décisif de l’indication
opératoire. Mais sa reproductibilité est médiocre et les
gros résidus s’observent plus volontiers dans les vessies
acontractiles que dans les vessies obstruées ;
– la valeur du débit maximum est mal corrélée aux
résultats de la relation pression/débit ; mais l’obstruction
est quasi certaine pour des débits inférieurs à 10 ml/s et
probable pour des valeurs comprises entre 10 et 15 ml/s ;
– des « scores prostatiques » regroupant ces différentes données cliniques ont été proposés. Ils ne sont pas
plus contributifs au diagnostic d’obstruction.
Face à l’impossibilité de remplacer fiablement la
relation pression/débit par des données cliniques, les
attitudes divergent entre ceux qui, avant une intervention
de désobstruction, réalisent l’examen toujours, jamais, ou
parfois. À notre avis, trois situations le justifient :
– la plus importante est l’absence d’obstacle é vident,
cliniquement, radiologiquement ou endoscopiquement,
chez un sujet qui urine mal. On peut alors différencier un
syndrome obstructif d’une hypocontractilité vésicale ;
– la deuxiè me indication, est l’existence d’une symptomatologie insolite, comme la prééminence de signes irritatifs
(pollakiurie, impériosité) sur les signes obstructifs, en
l’absence d’infection urinaire et de troubles neurologiques.
Elle peut être le fait d’une obstruction à débit conservé,
caractérisée par une hypercontractilité vésicale ;
– la troisiè me indication est l’association de plusieurs
pathologies : une hypertrophie prostatique, une maladie de
Parkinson traitée, un diabète..., moins dans le but d’attribuer
la responsabilité des troubles à l’une ou l’autre de ces causes,
que d’expertiser globalement l’équilibre (ou plutôt le
déséquilibre) fonctionnel, afin d’ajuster le traitement.
L’attitude thérapeutique sera différente selon qu’il existe
ou non un syndrome obstructif.
Une autre question est la place de la débitmétrie seule,
dans l’exploration des troubles mictionnels quels qu’ils
soient, et même de manière systématique, chez les
consultants d’urologie. La dysurie est un symptôme
tellement ignoré des patients car fonctionnellement peu
gênant, que sa recherche systématique peut se justifier,
même si la reproductibilité du débit maximum est médiocre
53
chez le sujet obstrué. À notre avis, la débitmétrie doit
faire partie du bilan d’une incontinence urinaire, d’un
prolapsus, d’un syndrome urétrocystalgique ou de cystites
récidivantes, d’une énurésie... et elle ne doit pas être oubliée
lors du contrôle postopératoire d’une incontinence urinaire
ou d’une résection de prostate.
Indications de l’urodynamique dans les incontinences
urinaires
L’intérêt d’une exploration urodynamique dans le bilan
d’une incontinence urinaire féminine est contesté. À notre
avis, elle peut se situer à trois niveaux :
– dépister ou confirmer une instabilité vésicale
soupçonnée cliniquement ;
– pronostiquer les résultats de la chirurgie.
Beaucoup pensent encore que le dépistage d’une
instabilité vésicale est le but principal. Plusieurs études
ont insisté sur l’absence de corrélation entre les données
cliniques et cystomanométriques, justifiant la pratique
systématique de cet examen et celle de test de stimulations.
Un bon interrogatoire, distinguant bien la pollakiurie de
l’impériosité, identifiant bien les pollakiuries psychogènes
de prévention, doit pouvoir réduire ces discordances. Là
où l’examen urodynamique est supérieur au simple interrogatoire, c’est dans l’analyse des forces en présence, car
tous les intermédiaires existent entre des contractions
vésicales de très forte amplitude avec un sphincter superentraı̂né et à l’opposé des contractions vésicales de faible
amplitude avec un sphincter épuisé. Au même symptôme
fonctionnel peuvent correspondre des conditions urodynamiquement différentes ; dans le premier cas il s’agit d’une
maladie du détrusor, dans le second d’une maladie du
sphincter ; le traitement sera fatalement différent.
Contrairement à ce qu’on pense encore communément, la chirurgie de l’incontinence ne restaure pas des
conditions physiologiques, en particulier un repositionnement du col vésical dans l’enceinte de pression
abdominale. En assurant un support solide sur lequel le
col ou l’urètre peuvent venir s’écraser et se fermer à la
toux, en augmentant la résistance urétrale jusqu’à créer
parfois une dysurie plus ou moins importante et durable,
elle rétablit un nouvel équilibre entre l’incontinence et
la dysurie. Cet équilibre est d’autant plus précaire que
la contractilité vésicale et le tonus sphinctérien sont plus
déficients. Une vessie acontractile avec un sphincter
médiocre a des risques de passer directement de la
dysurie à l’incontinence en postopératoire, sans connaı̂tre durablement une période confortable entre les deux.
Toutes les femmes qui perdent leurs urines à l’effort
ne sont donc pas égales devant le chirurgien. La valeur
pronostique d’une insuffisance sphinctérienne n’est plus
à démontrer, et la réalisation d’un PPU doit, à notre avis
être systématique avant toute chirurgie. Elle ne changera
sans doute pas la décision d’opérer, mais préviendra la
patiente des risques plus ou moins grands d’échecs.
Le bilan urodynamique peut-il influencer le choix de la
technique ? En d’autres termes, peut-on espérer rationaliser
les indications, c’est-à-dire identifier, individuellement, les
facteurs d’incontinence pour les corriger spécifiquement.
Cette ambition donnerait toute sa justification aux explorations urodynamiques. Mais en dehors du sphincter artificiel
qui est actuellement la seule méthode connue pour
remplacer un sphincter déficient, on connaı̂t mal tous les
facteurs d’incontinence, les moyens de les explorer et de les
corriger. De plus, à l’opposé de cette démarche rationnelle,
s’est développée, sous la pression de l’industrie de la
médecine, une attitude plaçant l’inocuité et le coût d’une
technique avant son efficacité.
Le bilan urodynamique peut-il dé pister les incontinences
potentielles ? Contrairement à l’incontinence « masquée »,
qui existe réellement, et qu’un bon examen clinique doit
dépister, en réduisant par exemple un prolapsus, l’incontinence « potentielle » n’existe pas en tant que symptôme
clinique, mais devrait exister compte tenu des résultats des
examens complémentaires. Cette notion d’incontinence
potentielle est dérivée d’études comparant les résultats de
ces examens dans des populations de femmes continentes
et incontinentes. Les paramètres les plus discriminants,
c’est-à-dire dont les valeurs séparent au mieux ces deux
populations, ont été retenus pour caractériser une population à risque. Cette démarche serait intéressante, si elle
permettait de prévoir, à coup sûr, l’apparition à court terme
d’une incontinence urinaire et de l’éviter par la rééducation
ou par une intervention, associée, par exemple à la cure d’un
prolapus. Malheureusement ce pronostic est loi d’être
infaillible et rien n’autorise actuellement à opérer une
incontinence qui n’existe pas cliniquement.
Conclusion
L’utilité de l’urodynamique ne peut être remise en cause,
sans revenir à des discussions stériles d’un autre âge.
On a appris à s’en servir, à en connaı̂tre l’intérêt et les
limites, à en préciser les indications. Tout urologue doit
pouvoir y recourir et être capable d’en interpréter les
résultats.
Pelv Perineol (2007) 2: 54–57
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0105-5
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Histoire de la névralgie pudendale : une douleur
presque sans... fondement !
G. Amarenco
Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, unité Inserm U731, hôpital Rothschild,
33, boulevard de Picpus, F-75012 Paris, France
Résumé : L’histoire des névralgies périnéales est rapportée dans cet éditorial. Depuis le concept primitif de
compression nerveuse responsable de troubles sensitifs
aigus chez le cycliste, jusqu’au traitement chirurgical
de libération du nerf pudendal dans le cadre d’algies
périnéales, les différentes étapes de la connaissance de
cette affection sont décrites et discutées.
Mots clés : Névralgie pudendale – Syndrome du canal
d’Alcock
History of pudendal neuralgia: a pain without basis
Abstract: This editorial discusses the history of our
understanding of pudendal neuralgia. From the basic
concept of pudendal nerve entrapment syndrome, which
causes loss of sensation around the pudendal nerve
during cycling, to the surgical neurolysis of the pudendal
nerve to treat chronic perineal pain, the article describes
and comments on the history of our knowledge about
this disorder.
Keywords: Pudendal neuralgia – Alcock’s syndrome
Introduction
Il est des histoires bien curieuses. Des histoires non
écrites. Des histoires qui dérivent. Ni vraiment des
rumeurs, ni certainement des boutades, mais bien
souvent des équivoques. La névralgie pudendale en est
un parfait exemple.
Au fil du temps, la « bonne » médecine, a toujours été
fondée sur de bons principes. Primitivement axée sur
la sacro-sainte méthode anatomoclinique, la médecine a
cru devoir faire preuve de modernisme, et la redoutable
« médecine fondée sur les preuves » est née et a
rapidement fait irruption dans notre quotidien.
La névralgie pudendale épouse-t-elle bien toutes ces
règles ? Assurément non !
La première publication référencée faisant état de
l’existence de douleurs périnéales d’origine neurologique
revient à J. Charpentier qui en 1968 rapportait dans la
Revue Neurologique une observation de « coccygodynie » révélatrice d’une tumeur du filum terminale [1].
Cette observation est d’ailleurs toujours d’actualité dans
le management des douleurs périnéales puisque quels
qu’en soient leur typologie, leur type, leurs irradiations,
leurs circonstances déclenchantes, une cause neurologique proximale de type radiculomédullaire (tumeur de
la queue de cheval ou du cône terminal), voire plexique
(compression ou envahissement des plexus sacrés) doit
toujours de prime abord être évoquée et éliminée. L’IRM
lombosacrée et l’IRM pelvienne sont des préalables
indispensables à toute réflexion diagnostique. Ce sont
des examens certes peu « rentables » en termes de mise
en évidence de ces affections neurologiques dont la
prévalence est sans nul doute assez faible dans le cadre
des algies périnéales, mais ils sont impératifs compte
tenu de la gravité potentielle de ces lésions et de la
simplicité et l’innocuité de leur réalisation.
L’étape suivante a été la description d’un syndrome
canalaire du nerf pudendal, alors appelé à l’époque nerf
honteux interne [2]. Honteux, il pouvait l’être ! Oublié de
tous, il faisait assurément souffrir en silence un certain
nombre de patients. Mais pas forcément de douleur ! Ce
syndrome du canal d’Alcock, terme générique « anatomoclinique » proposé par les auteurs afin d’éviter de passer à
la postérité en apposant prétentieusement leur nom à cette
description, est souvent improprement dénommé « Syndrome d’Alcock ». Rappelons qu’Alcock n’a laissé son nom
qu’au canal pudendal (fosse ischiorectale) et n’a jamais
imaginé une quelconque pathologie en décrivant cette
anatomie. Du moins, il n’en a pas fait mention. Cette
description princeps du syndrome était une description
neurologique pure, rapportant des troubles sensitifs
déficitaires (hypoesthésie et paresthésies dans le territoire
du nerf pudendal) et non pas des douleurs périnéales [2].
Dans cette description initiale était suggéré le mécanisme
physiopathologique suspecté, à savoir la compression
canalaire du nerf pudendal et le lieu de conflit potentiel
(fosse ischiorectale ou canal pudendal d’Alcock). Elle faisait
référence à un conflit aigu, à une compression brutale et
prolongée du nerf, survenant chez des cyclistes. L’originalité n’était pas dans la description de troubles sensitifs
55
dans le territoire du nerf pudendal car des lésions de ce nerf
étaient depuis quelques années connues [3], parfois reliées
à des circonstances particulières comme l’étirement du
nerf pudendal au cours de tractions orthopédiques [4-6].
L’originalité n’était pas non plus dans la circonstance
déclenchante puisque des lésions supposées du nerf
pudendal avec hypoesthésie avaient été décrites dès 1981
par Goodson chez des cyclistes [7]. La vraie idée avait
été en fait d’imaginer que le nerf pudendal puisse être
comprimé dans son canal et constituer ainsi un vrai
syndrome canalaire (entrapment neuropathy des AngloSaxons).
L’étape suivante a été relativement simple. Ces mêmes
auteurs, continuant à explorer la piste « canalaire », et
par simple assimilation à ce que l’on observe pour
nombre de nerfs pérphériques comme le nerf médian
au canal carpien, imaginèrent qu’à côté du syndrome
canalaire aigu responsable de signes déficitaires à type
d’hypoesthésie et de paresthésies, pouvait exister un
syndrome canalaire chronique avec emprisonnement du
nerf s’exprimant alors par des douleurs périnéales [8-10].
Le concept de névralgie pudendale par syndrome
canalaire était né.
Mais ce n’était qu’un concept. En effet pour asseoir
cette hypothèse, les auteurs affirmaient la lésion du nerf
pudendal sur des données électromyographiques, et la
réalité du mécanisme physiopathologique supposé (la
compression canalaire) par l’efficacité d’une infiltration
scannoguidée du nerf [11]. Mais que tout cela était bien
loin de Claude Bernard et de l’evidence based medicine !
En effet, on sait bien désormais toute l’absence de
sensibilité et de spécificité des explorations électrophysiologiques dans la détermination d’une lésion du
nerf pudendal (cf. article spécifique de Le Faucheur et al.
dans cette même revue). De plus, un certain nombre de
tests ont été élaborés sans validation, ni valeurs normales
bien établies comme, par exemple, l’étude des latences
distales motrices du nerf pudendal sur ses branches
périnéales antérieures. C’est dire que même aujourd’hui,
l’exploration électromyographique n’est pas d’un grand
secours dans le diagnostic des névralgies périnéales.
Elle ne doit pas être le prétexte pour éviter de pratiquer
les autres investigations paracliniques à la recherche
d’une autre étiologie potentiellement beaucoup plus
grave. Elle ne doit pas être la pierre angulaire du
diagnostic. Elle n’est indispensable ni au diagnostic, ni à
la surveillance de telles algies. Elle n’a été en fait qu’une
fausse bonne idée pour imaginer le diagnostic de
syndrome canalaire à une époque où sa place n’était
pas encore bien déterminée et peu critiquée.
De même, si l’idée de l’infiltration spécifique était
bonne, elle ne constituait à l’époque pas un test mais un
traitement... dont la validité n’avait pas été établie selon
les bonnes règles. Il ne s’agissait pas d’infiltrations de
produits anesthésiques susceptibles d’apporter des éléments diagnostiques comme aujourd’hui (cf. article
spécifique de Th. Riant dans cette même revue), mais
simplement d’un essai de traitement par corticoı̈des tels
qu’il est proposé dans différents syndromes canalaires
pour tenter d’améliorer une douleur chronique. Mais
même dans ce cadre, aucune étude en double insu,
contrôlée, contre placebo, n’avait été réalisée. Et d’ailleurs toujours pas.
Les travaux suivants sont ceux bien connus de l’école
nantaise. La première étape a été de confirmer par des
travaux anatomiques (dissection) la possibilité de compression du nerf pudendal. Un deuxième site de conflit était
ainsi mis en évidence : outre le canal pudendal d’Alcock, le
nerf pouvait être comprimé au niveau du ligament
sacroépineux à l’épine sciatique [12,13].
La deuxième étape revient à Maurice Bensignor qui
proposa des infiltrations à visée diagnostique par anesthésiques locaux [14,15]. Ce fut une vraie avancée en termes
de diagnostic positif de cette affection et une porte ouverte
à un traitement efficace, à savoir le traitement chirurgical.
La troisième étape sera celle permise par R. Robert qui
décrira la technique chirurgicale princeps de neurolyse
transposition du nerf pudendal et publiera la première
étude randomisée confirmant l’efficacité de celle-ci [16-19].
L’histoire de la névralgie pudendale s’était emballée.
Et les publications fusaient et se faisaient connaı̂tre
outre-Atlantique [20-22].
D’autres expériences ont enrichi nos espoirs mais
aussi nos doutes et plus encore nos craintes.
Espoirs devant la mise au point de nouvelles voies
d’abord [23], de nouvelles pistes physiopathologiques.
Ainsi, la description de nouvelles voies d’abord peut
être plus accessible, la mise en évidence de réactions
locorégionales (hypertonie musculaire localisée suggérant des traitements spécifiques, kinésithérapie, injection
de toxine botulique), voire de véritables syndromes
algodystrophiques locaux débouchant sur la possibilité
d’infiltrations végétatives), la démonstration d’autres
conflits potentiels (nerf clunéal), sont autant d’avancées
plus ou moins prometteuses. Là encore l’équipe de J.-J.
Labat, organisée en consultation multidisciplinaire, fut
un élément moteur.
Mais que de doutes. Doutes sur notre diagnostic. Doutes
sur nos traitements. Et doutes sur le vrai mécanisme de
ces algies. C’est ainsi que l’atteinte authentique du nerf
(atteinte évoquée sur la clinique, suggérée par l’électromyographie, voire confirmée par la chirurgie) n’est pas le
corollaire absolu d’une douleur périnéale par névralgie
pudendale : ce n’est pas parce que le nerf est lésé qu’il fait
souffrir. En effet, la plupart des neuropathies pudendales
sont non douloureuses et restent d’ailleurs dans l’immense
majorité des cas totalement assymptomatiques. C’est le
cas des neuropathies d’étirement succédant à des accouchements, à des constipations, à une simple chirurgie
pelvienne. Ces neuropathies donnent parfois chez la femme
des troubles urinaires par altération des résistances
urétrales activoréflexes ou passives (incontinence d’effort),
56
une incontinence fécale ou quelques troubles sexuels
(hypo-orgasmie). Mais point de douleurs. La vérification
chirurgicale n’est pas aussi une preuve irréfutable : ce n’est
pas même la constatation d’un nerf d’aspect anormal qui
permet d’affirmer que cet aspect suspect est vraiment
responsable de la douleur présentée par le patient. Combien
de patients « asymptomatiques » ont été disséqués ? Quelle
est l’étude qui ait montré une corrélation entre l’aspect
opératoire et l’existence même d’une douleur périnéale ?
Compte tenu de sa situation anatomique exposée, ce n’est
après tout pas d’une très grande banalité que d’être quelque
peu « tourmenté » pour un nerf pudendal ? Et ce, sans
douleur, sans fuites, sans gêne.
C’est dire tout le caractère « probabiliste » du
diagnostic de névralgie pudendale, avec l’absence constante de certitude diagnostique, quels que soient les
données cliniques, les résultats de l’exploration électrophysiologique, des infiltrations et même... de la chirurgie. Cette douleur chronique, plus que toute autre car
lourdement chargée de symbolisme et de tabous compte
tenu de sa topographie, est fortement marquée par
l’intervention du psychisme, qu’il s’agisse des effets
placebo, des cicatrices mnésiques de la douleur ou des
perturbations dépressives et anxieuses.
Et puis nos craintes... La névralgie pudendale est en
effet tombée dans le domaine public. Le vrai public. L’utile,
celui des associations de patients. Celui, toujours discutable, du Web où se dit tout et son contraire, où tout se
trouve y compris le pire ; celui des médias, souvent plus
intéressé par le scoop que par le devoir d’information
(émissions médicales spécifiques mises à part qui font
réellement œuvre utile). Et puis la diffusion de l’information dans le public médical. Excellente chose quand
le médecin généraliste alerté peut référer ce type de
douleurs et pense de toutes les façons à demander IRM
médullaires, pelviennes, scanner du sacrum, examens
urogynécologiques, coloproctologiques, rhumatologiques
et dermatologiques. Très mauvaise chose quand quelques
pseudospécialistes s’accaparent le titre de pudendalogue...
persuadés de leur propre vérité, sans le doute obligatoire
de tout raisonnement médical. Au secours Claude Bernard !
Ta méthode anatomoclinique fout le camp !
Conscient de ces dérives, conscients de nos insuffisances, conscients de nos doutes, certains groupes,
certaines équipes ont poursuivi la réflexion. L’histoire
ne se conçoit qu’avec un futur. C’est pour cela, dans cette
tentative de rationalisation, que sont nés les « Critères de
Nantes ». Sous l’égide du CEP (Club d’électrophysiologie
périnéale), sous l’impulsion de l’équipe nantaise, une
certaine formalisation des données cliniques a pu voir le
jour. Ce n’est que justice compte tenu des travaux de
cette équipe, que le terme de critères « de Nantes » ait
été retenu. Certes, cette approche est encore fort
incomplète, probablement en partie à reconsidérer dans
le futur. Mais elle pose déjà les bases d’une saine
réflexion diagnostique.
Tout aussi important, compte tenu des dérives
constatées, est le travail sur l’électromyographie coordonné par l’équipe de Créteil. Un vrai travail scientifique,
fondé sur des preuves, argumenté, mais aussi réfléchi et
enrichi par la considérable expérience d’un groupe de
spécialistes reconnus. Mais sans passion, sans intérêt
partisan.
Mon cher Alcock, vous ne laisserez donc pas votre
nom uniquement dans un obscur Rouvière oublié au
fond d’un placard, témoin jauni de nos années folles, de
nos années où les fonds de culotte s’usaient sur les bancs
et arrière-bancs de la faculté [24]. Non, mon cher Alcock,
non mon cher Benjamin, l’histoire de la névralgie
pudendale va désormais vous poursuivre. Et nous vous
suivrons à la trace.
Références
1. Charpentier J, Messimy R, da Lage C (1968) Coccygodynie
révélatrice d’un épendymome du filum terminale. Ablation complete sans séquelle. Rev Neurol 118(2): 106-61
2. Amarenco G, Lanoe Y, Goudal H, et al. (1987) La
compression du nerf honteux interne dans le canal
d’Alcock ou paralysie périnéale du cycliste. Un nouveau
syndrome canalaire. Presse Med 8: 399
3. Laubichler W (1978) Traumatische Läsionen des Nervus
pudendus. Akt Neurol 5: 47-50
4. Schulak D, Bear T, Summers J (1980) Transient impotence
from positionning o the fracture table. J Trauma 20: 420-1
5. Hofmann A, Jones R, Schoenvogel R (1982) Pudendal
nerve neurapraxia as a result of traction on the fracture
table. J Bone Jt Surg 64: 136-8
6. Lindembaum S, Flemming L, Smith D (1982) Pudendal
nerve palsies associated with closed intramedullary
femoral fixation. J Bone Jt Surg 64: 934-38
7. Goodson J (1981) Pudendal neuritis from biking. N Engl
J Med, pp 304-65
8. Amarenco G, Lanoe Y, Ghnassia RT, et al. (1988)
Syndrome du canal d’Alcock et névralgie périnéale. Rev
Neurol 144: 523-6
9. Amarenco G, LE Cocquen-Amarenco A, Kerdraon J, et al.
(1991) Les névralgies périnéales. La Presse Médicale 2: 71-4
10. Amarenco G, Kerdraon J, Lecocquen A, et al. (1991) Algies
périnéales d’origine neurologique. Étude de 89 patients.
Ann Readaptation Med Phys 34: 19-24
11. Amarenco G, Kerdraon J, Bouju P, et al. (1997) Traitements des névralgies périnéales par atteinte du nerf
pudendal. À propos de 170 cas. Revue neurologique
(Paris) 153(Suppl 5): 331-34
12. Robert R, Labat JJ, Lehur PA, et al. (1989) Réflexions
cliniques, neurophysiologiques, et thérapeutiques à
partir de données anatomiques sur le nerf pudendal lors
de certaines algies périnéales. Chirurgie 115: 515-20
13. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, et al. (1990) Les
névralgies du nerf pudendal (honteux interne), considérations anatomo-cliniques et perpectives thérapeutiques.
Journal d’Urologie 96: 239-44
14. Bensignor-Le Henaff M, Labat JJ, Robert R, et al. (1990)
Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Doul et Analg 3: 99-101
15. Bensignor M, Labat JJ, Robert T, et al. (1993) Douleur
périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Cahier
d’anesthesiologie 41: 111-4
57
16. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (1993) Bases
anatomiques de la chirurgie du nerf puidendal. Conséquences thérapeutiques dans certaines algies périnéales.
Lyon chirurgical 89: 183-87
17. Robert R, Brunet C, Faure A, et al. (1994) La chirurgie
du nerf pudendal lors de certaines algies périnéales : évolution et résultats. Chirurgie 119: 535-39
18. Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic
basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve.
Surg radiol anat 20: 93-98
19. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2004) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal
neuralgia: a randomized controlled trial and long-term
evaluation. European Urology 47(3): 403-08
20. Silbert P, Dunne L, Edis R (1991) Bicycling induced pudendal
nerve pressure neuropathy. Cli Exp Neurol 28: 191
21. Oberpening F, Roth S, Leusmann D, et al. (1994) The
Alcock syndrome: temporary penile insensitivity due to
compression of the pudendal nerve within the alcock
canal. J Urol 151: 423-5
22. Beco J, Mouchel J (1997) Interet de la décompression du
nerf pudendal pour le chirurgien périnéologique. Gunaı̈kea 2: 44-7
23. Bautrant E, De Bisshop E, Vaini-Elies, et al. (2003)
La prise en charge moderne des névralgies pudendales à
partir d’une série de 212 patients et 104 interventions
de décompression. J Gynecol Obstet Biol Reprod 32: 705-12
24. Benjamin Alcock (1949) The First Professor of Anatomy
and Physiology in Queen’s College, Cork by Ronan
O’Rahilly Review author[s]: D. G. The English Historical
Review 64(252): 411
Pelv Perineol (2007) 2: 58–64
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0115-3
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Anatomophysiologie des algies pudendales
R. Robert 1 , Y. Beaudic 1 , O. Hamel 1 , M. Khalfallah 3 , J.-J. Labat 2 , T. Riant 4
1
3
4
Service de Neurotraumatologie ; 2 Clinique urologique, Hôtel-Dieu, CHU, 1, place Alexis-Ricordeau, F-44093, France
Département de neurochirurgie, CHU Côte-Basque, 13, avenue de l’Interne-Jacques-Loëb, BP 8, F-64100 Bayonne, France
UETD Maurice-Bensignor, centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, F-44202 Nantes Cedex 02, France
Résumé : Les algies pudendales sont périnéales de type
tronculaire et somatique. Elles siègent dans le territoire du
nerf atteint et sont positionnelles, ce qui évoque un
phénomène de compression lors de la position assise.
L’anatomophysiologie de ces douleurs met l’accent sur
plusieurs items : a) définition et innervation du périnée ; b)
étude du parcours des voies de la douleur ; étude des
structures inhibitrices tout au long de ce trajet. Le
périnée : il est embryologiquement situé dans le plan
infralévatorien, et contient les organes érecteurs, les
sphincters et du tissu graisseux. Il s’étend des organes
génitaux à l’anus. Son innervation est mixte : le nerf
pudendal issu de S3 représente l’innervation cutanée et
musculaire striée. Il contient un important contingent de
fibres orthosympathiques qui gagneront la chaı̂ne latérovertébrale. Le pelvis est supralévatorien, contient les viscères
pelviens et n’est innervé que par le système végétatif. Les
voies de la douleur sont issues des trois feuillets embryonnaires. Les douleurs extéroceptives (cutanées) gagnent l’apex
de la corne grise dorsale ; les fibres proprioceptives
(muscles, fascias, tendons) gagnent l’isthme ; les fibres
intéroceptives (viscères) gagnent la base. Des neurones
convergents de la lame V de Rexed vont rassembler les
informations douloureuses dans le tractus spinothalamique
ventral (STV) et dorsal (STD). Dans le tronc cérébral, le STD
monte à petite vitesse et va ensuite gagner le thalamus. De
nombreuses fibres vont être stoppées dans la formation
réticulée. Le STV devient satellite de la voie lemniscale et
gagne le thalamus à grande vitesse avec elle. Dans le noyau
VPL du thalamus, les fibres du STD vont projeter dans le
cortex préfrontal et donner à la douleur sa dimension
qualitative. Le STV arrivé le premier projette immédiatement
dans le gyrus postcentral pour localiser la douleur.
Parallèlement, l’hypothalamus, informé par la réticulée,
accompagne le sentiment douloureux d’un cortège hormonal
réactionnel. Le cortex limbique puisant ses informations du
néocortex stockera ou non la douleur en mémoire, en
l’accompagnant d’une composante émotionnelle. Les voies
de la douleur viscérale sont semblables à celles des douleurs
somatiques dans le système nerveux central. La connaissance
Correspondance : E-mail : [email protected]
de leur composante extra-axiale permet d’orienter les
infiltrations (rameaux communicants). Les structures inhibitrices sont à tous les niveaux : gate control dans la moelle
spinale, filtre réticulaire et thalamique, systèmes inhibiteurs
diffus et néocortex moteur. Leur connaissance oriente vers
les techniques de neurostimulation quand le traitement
étiopathologique échoue.
Au total, devant une douleur périnéale, la connaissance anatomique doit faire évoquer parfois une
pathologie tronculaire somatique et abandonner le
réflexe de rendre responsables des structures viscérales
n’appartenant pas au périnée, et devenant victimes d’un
comportement thérapeutique inadapté.
Mots clés : Anatomie – Douleur – Innervation – Nerf
pudendal – Périnée – Physiologie
Anatomy and physiology of pudendal pain
Abstract: Pudendal pain stems from the perineum and
involves the nerve trunk and somatic nerves. It emanates
from the affected nerve and depends on the body’s
position; the seated position compresses the nerve. The
anatomy and physiology of this type of pain calls for an
emphasis on several points: a) delineation and innervation of the perineum; b) understanding the relevant pain
pathways; c) knowledge of the inhibitory structures
throughout the pathways. The perineum: in the embryo, it
is located in the infralevator region, containing the erectile
organs, sphincters and fatty tissue. It extends from the
genitals to the anus. Innervation of the perineum is varied:
the pudendal nerve extends from S3 nerve roots and provides
cutaneous and striated muscle innervation. It contains a large
number of orthosympathic fibres that run along the
laterovertebral chain. The pelvis is located in the supralevator
region, contains the pelvic viscera and is exclusively
innervated by the autonomic nervous system. The pain
pathways come from the three embryonic germ layers.
Exteroceptive pain (cutaneous) reaches the top of the
posterior grey horn; proprioceptive fibres (muscles, fascia,
59
and tendons) extend to the isthmus; interoceptive fibres
(viscera) run to the base. The converging neurons of Rexed’s
lamina V collect pain information in the dorsal (DST) and
ventral (VST) spinothalamic tract. In the brain stem, the DST
slowly rises, later reaching the thalamus. Many fibres will be
stopped in the reticular formation. The VST becomes a
satellite of the lemniscal pathway and quickly reaches the
thalamus with it. In the ventroposterolateral (VPL) nucleus of
the thalamus, the DST projects into the prefrontal cortex,
giving pain its quantitative dimension. Arriving first, the VST
immediately projects into the postcentral gyrus to localize the
pain. At the same time, the hypothalamus, receiving
information from the reticular formation, responds to the
feeling of pain with the release of a stream of hormones. The
limbic cortex, drawing its information from the neocortex,
may store the pain in memory, adding an emotional
component. The visceral pain pathways are similar to those
for somatic pain in the central nervous system. Knowing their
extra-axial component makes it possible to position
infiltrations (rami communicans). Inhibitory structures
exist at all levels: gate control in the spinal cord, reticular
and thalamic filters, inhibitory systems and the motor
neocortex. When etiopathological treatment fails, knowledge
of these structures makes it possible to employ neurostimulation techniques. When faced with perineal pain, understanding anatomy will sometimes lead to the diagnosis of a
somatic, nerve trunk disorder, avoiding the reflex of
implicating visceral structures outside the perineum and
developing inappropriate therapeutic strategy.
Keywords: Anatomy – Pain, Innervation – Pudendal nerve –
Perineum – Physiology
Introduction
Tout est fait dans l’organisme pour que la douleur ne
parvienne pas à la conscience. Seul un seuil d’excitation
élevé va franchir les barrages imposés à la douleur et
envahir le cortex. Ce peut n’être qu’une simple alerte
transitoire comme on le rencontre dans le cadre des
douleurs aiguës. Ce peut être aussi un envahissement
permanent du cortex avec des retentissements psychocomportementaux propres à la douleur chronique.
Pelvis et périnée sont deux régions distinctes dont
l’innervation est différente. Avant d’étudier les voies de la
douleur et leur système inhibiteur, il convient donc de faire
quelques rappels sur l’innervation du pelvis et du périnée.
gme appelé le muscle levator ani. Ce muscle divise la
région en deux parties : la portion supralevatorienne qui
correspond au pelvis, la portion infralevatorienne qui
correspond au périnée.
L’innervation de ces deux structures est différente : le
muscle levator ani est innervé par les troisième et quatrième
racines sacrales puisqu’il est d’origine caudale. Accessoirement, quelques branches issues du nerf pudendal peuvent
contribuer à cette innervation. Au-dessus de ce plan et donc
dans la région pelvienne, l’innervation est purement
végétative. Il faut d’emblée savoir que seul le système
orthosympathique possède des fibres sensitives et est donc
susceptible de transmettre la douleur. Le parasympathique
n’est lui que moteur. Le périnée bénéficie d’une double
innervation, somatique par le nerf pudendal entre autres et
végétative par le système orthosympathique.
Dans la partie infralevatorienne c’est-à-dire dans le
périnée, une condensation mésenchymateuse s’est faite
autour des tubes urinaires et anaux séparés l’un de
l’autre par l’éperon pelvipérinéal. Ainsi se forment les
sphincters striés de l’anus et de l’urètre. Le nerf pudendal
est le roi du périnée. Lui seul va prendre en charge ces
sphincters constitués de muscles striés ainsi que les
autres muscles striés de la région à savoir les muscles
érecteurs (ischiocaverneux et bulbospongieux et transverses du périnée).
Le périnée reçoit également des fibres végétatives qui
sont, d’une part, médiées par le nerf pudendal qui a un
fort contingent orthosympathique, d’autre part issues du
plexus hypogastrique inférieur qui chemine dans les
lames sacro-rectogénitopubiennes, et vont se délivrer
aux structures effectrices végétatives et, en particulier
aux sphincters lisses.
Concernant la sensibilité, cette région périnéale est
sur le plan cutané, innervée par le nerf pudendal
essentiellement. Il faut noter cependant que des suppléances sont possibles puisqu’il existe des chevauchements métamériques émanant des nerfs ilio-inguinal,
iliohypogastrique, génitofémoral, clunéal inférieur.
Ainsi, s’explique sans doute l’absence habituelle de
déficit sensitif lors de l’atteinte du nerf pudendal.
Au total : il y a donc dans le périnée deux types
d’innervation :
– une innervation somatique par le nerf pudendal ;
– une innervation végétative, qui sur le plan sensitif
est constituée par le système orthosympathique médié à
la fois par le pudendal et par le plexus hypogastrique
inférieur.
Rappels d’anatomie topographique
L’embryologie nous apprend que la partie caudale de
l’embryon possède des myotomes caudaux qui vont
régresser et effectuer un mouvement d’ascension. Ils
vont se placer autour du tube urinaire et du tube rectal,
primitivement réunis dans un cloaque, et constituer
autour d’eux une sangle musculaire, véritable diaphra-
Trajet des fibres sensitives avant leur
entrée dans la moelle
Les fibres somatiques
Elles empruntent le trajet du nerf pudendal. Prenant en
charge la peau de la marge anale, du pénis et des bourses
60
ou du clitoris et des lèvres, de la région intermédiaire
correspondant au noyau fibreux central du périnée, ces
fibres suivent ensuite le trajet du nerf pudendal dans le
canal pudendal d’Alcock tout d’abord, constitué par un
dédoublement du fascia du muscle obturateur interne, se
plaçant ensuite dans un plan supralevatorien à leur sortie
du canal. Elles contournent alors la partie distale du
ligament sacroépineux ou l’épine sciatique, se plaçant
médialement par rapport au nerf sciatique et se placent
dans la région glutéale dans le canal infrapiriforme.
Ensuite, ces fibres confluent vers leurs racines d’origine
majoritairement S3 parfois S2 et S4 et pénètrent les trous
sacrés pour remonter dans la queue de cheval, et gagner
la partie terminale sacrale de la moelle spinale.
Au cours de leur trajet, ces fibres rencontrent des
obstacles qui sont maintenant bien connus : le canal
pudendal d’Alcock lui-même dont le fascia peut être
épaissi et sténose le nerf, le processus falciforme du
ligament sacrotubéral qui peut plaquer le nerf, notamment à la partie dorsale du canal d’Alcock, la pince
ligamentaire dans la portion rétrospinale entre ligament
sacroépineux et le ligament sacrotubéral où le nerf peut
être pris dans une véritable pince.
Les fibres orthosympathiques
Nous avons déjà dit qu’elles pouvaient être médiées par
le nerf pudendal dont un tiers des fibres environ
appartiennent à ce contingent. Cela explique certaines
sensations végétatives avec des douleurs irradiantes,
plurimétamériques, responsables, notamment de sensation de fesses froides, de scrotum froid, de sensation de
corps étranger intrarectal ou intravaginal.
Par ailleurs, ces fibres vont émaner des structures
périnéales, gagner les lames sacro-rectogénitopubiennes
qui sont une condensation infrapéritonéale supralevatoFibres
végétatives
Fibres
somatiques
Chaîne latérovertébrale
rienne de mésenchyme noyant les vaisseaux et les nerfs.
Ces fibres convergent dans le ganglion préviscéral qui est
le ganglion hypogastrique inférieur qui collecte ces fibres
et les envoie dans la chaı̂ne ganglionnaire latérovertébrale orthosympathique d’une part, dans le nerf hypogastrique et le plexus hypogastrique supérieur
d’Hovelacque situé en avant du promontoire en préaortique d’autre part.
Ces fibres orthosympathiques vont nécessairement
gagner la chaı̂ne latérovertébrale. Le mode de migration
de ces fibres se fait autour des artères qu’elles
empruntent et habillent d’un fin treillis. La plupart des
convergences se font au niveau de la jonction thoracolombaire, et notamment à l’étage L1–L2. Les fibres
orthosympathiques ont alors le devoir de quitter la
chaı̂ne latérovertébrale pour gagner une racine sensitive
et donc dorsale avant leur pénétration dans la moelle
(Fig. 1). Nous comprendrons cette nécessité dans les
paragraphes suivants. Précisons ici que les douleurs
somatiques sont bien localisées, de façon radiculaire ou
ici tronculaire alors que les douleurs végétatives, captées
par plusieurs racines sont diffuses, plurimétamériques.
Dans la moelle spinale
La racine dorsale aborde donc la moelle spinale. Sont
mêlées les fibres extéroceptives somatiques d’origine
cutanée, les fibres proprioceptives d’origine musculaire,
osseuse tendineuse et ligamentaire, les fibres végétatives
à la fois médiées par les nerfs somatiques, et notamment
par le nerf pudendal qui nous intéresse ici et par les
fibres d’origine viscérale que nous avons déjà vues et qui
ont quitté la chaı̂ne latérovertébrale (Fig. 2).
Dans la moelle les fibres extéroceptives d’origine
cutanée s’arrêtent au niveau de l’apex de la corne grise
dorsale. Les fibres proprioceptives rejoignent l’isthme.
Les fibres intéroceptives gagnent la base (Fig. 3). Il y a
donc trois tissus embryonnaires ectoderme, mésoderme,
et endoderme ; trois sensibilités extéroceptive, proprioceptive et intéroceptive ; et trois douleurs possibles
d’origine cutanée, d’origine musculaire, d’origine viscérale. Ces fibres peuvent donc transmettre la douleur, or il
1
Muscles
2
Fibres
Motrices
Viscère
Fig. 1. Organisation du métamère végétatif : les fibres roses d’origine
viscérale médiant la douleur rejoignent les fibres bleues
somatosensibles sur plusieurs métamères
3
3 Sheats , 3 Sensibilities, 3 Pains
Fig. 2. Les trois feuillets embryonnaires
61
Éveil
Réponse
motrice
Réponse
végétative
Apex
I
Isthme
II
Base
III
IV
V
VI
3
2
RR
Fig. 3. Répartition des protoneurones dans la corne grise dorsale
3 groupes nucléaires:
1 noyaux du raphé
2 noyaux centraux
3 noyaux latéraux
1
Fig. 5. Les trois composantes de la formation réticulée
1 Réticulée facilitatrice ascendante
2 Réticulée descendante motrice
3 Réticulée latérale végétative
Dans le tronc cé ré bral
Tracti spinothalamiques
2
1 ventral= ne o ST
2 dorsal= paleo ST
1
Fig. 4. Constitution des tracti spinothalamiques
n’existe qu’un faisceau nociceptif : le tractus spinothalamique. Les trois fibres précédemment citées se
terminant dans l’apex, l’isthme et la base vont donc
devoir se projeter sur l’origine du tractus spinothalamique dans la lame V de REXED c’est-à-dire dans la
région isthmique de la corne grise dorsale. Des
interneurones sont ainsi nécessaires et il existe une
convergence entre les influx d’origine cutanée, mésodermique et endodermique. Les fibres du tractus spinothalamique ainsi constituées vont croiser la ligne
médiane, et donc décusser pour former le tractus
spinothalamique dans la partie ventrolatérale de la
substance blanche de la moelle, lequel se répartit en
deux tracti principaux : le spinothalamique ventral et le
spinothalamique dorsal (Fig. 4). Ce faisceau transporte la
sensibilité thermique et douloureuse. La nécessaire
convergence tient au fait que les fibres somatiques qui
vont se prolonger dans la moelle, le tronc cérébral, le
thalamus vont ensuite être enregistrées sur le cortex
pariétal qui a pour mission de localiser la douleur.
À ce niveau siège la formation réticulée qui est composée
de trois groupes nucléaires (Fig. 5).
Les noyaux du raphé appartiennent à la réticulée
facilitatrice ascendante qui reçoivent des impressions
sensitives et sensorielles, et envoient des projections
dans les corps striés et le cervelet expliquant les
comportements moteurs automatiques face à la douleur,
dans l’hypothalamus sur lequel nous reviendrons de
même que dans l’hippocampe qui sera traité plus tard.
Les noyaux centraux de la réticulée constituent la
réticulée descendante ou motrice et vont se charger de l’état
de contraction des muscles, notamment face à la douleur.
Les noyaux de la réticulée latérale de valeur végétative
vont projeter sur l’insula et le noyau amygdalien, et
expliquent les comportements buccaux face à la douleur
(cris, pleurer, morsure), une projection se fait au niveau
des sphincters et peut expliquer leur faiblesse face à la
douleur, un autre contingent de fibres va vers les organes
thoraciques et les gros vaisseaux expliquant les variations tensionnelles face à la douleur.
Le tractus spinothalamique ventral monte dans le tronc
cérébral (Fig. 6) et va s’attacher à la partie dorsale du
lemniscus médial de REIL. Ce lemniscus médial n’est que le
deuxième neurone prolongeant les tracti graciles et
cunéı̈formes de Goll et Burdach qui constituent les cordons
dorsaux de la moelle. Le lemniscus médial ne transporte
aucune sensibilité douloureuse. Il transmet des informations
extéroceptives discriminatives (la sensibilité fine), et la
sensibilité proprioceptive consciente, celle qu’utilise le
funambule pour être en permanence informé de la position
de son corps par rapport à l’espace. Cette voie lemniscale est
62
Dans l’hypothalamus
1
2
3
1 vst
2 dst
3 lem med
Fig. 6. Le tractus spinothalamique ventral (1) monte rapidement vers le
thalamus en accompagnant la voie lemniscale (3) pour renseigner sur la
topographie douloureuse
une autoroute et monte très vite vers le thalamus. Le
spinothalamique ventral est donc un opportuniste. Il va
s’attacher à cette voie comme le fait un cycliste à une
mobylette pour progresser plus vite et va gagner ainsi très
rapidement le thalamus.
Le tractus spinothalamique dorsal a une autre
destinée. Certaines de ses fibres vont monter dans le
tronc cérébral à petite vitesse et gagner à grand peine le
thalamus. D’autres, et elles sont nombreuses, vont
percuter la formation réticulée et au prix de nombreuses
synapses essayer de traverser cette réticulée qui, nous le
verrons, est un filtre de la douleur. Si le stimulus est
suffisant, ces différentes fibres vont gagner à petite
vitesse le thalamus.
Dans le thalamus
Le thalamus est un gros noyau gris central et encéphalique. Il
constitue ce que Lhermitte a appelé le filtre de la douleur. Les
différentes sensibilités que nous avons vues vont percuter le
noyau latéroventral postérieur du thalamus et y être
analysées. Ce thalamus enverra ses impressions au cortex,
c’est-à-dire à la conscience seulement si la douleur vaut la
peine d’être vécue consciemment. Dans le cas contraire,
c’est-à-dire la plupart du temps, il va négocier avec le
cervelet, les corps striés pour agencer une motricité automatique qui, par exemple, va faire varier les points de
pression en position assise, le croisement et le décroisement
automatique des jambes avant que ne surviennent des effets
délétères (escarrification cutanée, ou compression des nerfs
intéressés par cette posture (exemple : le nerf fibulaire
commun sur la tête fibulaire).
La réticulée va envoyer ses informations, notamment
douloureuses à l’hypothalamus. La description qu’en a
fait Cushing est exemplaire : « Dans cette zone archaı̈que
de la base du cerveau que l’ongle du pouce pourrait
cacher, se dissimule le ressort essentiel de la vie
instinctive et affective que l’homme s’est efforcé de
recouvrir d’un manteau, d’un cortex d’inhibition. »
Harvey Cushing voulait dire par là que cet hypothalamus ou cerveau végétatif vrai commande le système
végétatif, répercute ses informations bruyamment sur les
structures effectrices (tronc cérébral avec les nerfs
crâniens et moelle épinière avec les nerfs spinaux). On
peut le schématiser facilement en quatre noyaux : les
noyaux trophotropes situés ventralement sont responsables de l’entretien de la trophicité. Ainsi, s’explique par
exemple le manque d’appétit que cause habituellement la
douleur. Les noyaux hypophysiotropes situés sous les
précédents commandent la glande hypophyse et son
système hormonal. L’aménorrhée des femmes douloureuses chroniques est explicable par ce phénomène. Le
noyau ergotrope du dorsal est la véritable dynamo de
l’organisme et va expliquer le manque d’entrain qu’ont
habituellement les douloureux chroniques avec un
penchant vers un état dépressif. Le noyau mnémotrope
situé sous le précédent est chargé d’emmagasiner dans sa
mémoire les phénomènes douloureux. Cette dernière
fonction est importante. La mémoire de la douleur
permet de mieux se préparer à une douleur identique
survenant éventuellement.
Dans le cortex limbique
Dans un but de simplification, nous ne nous intéresserons qu’à sa fonction émotionnelle et mnésique (Fig. 7).
Le circuit HMTC (hippocampo-mamillo-thalamocingulaire) décrit par Papez nous explique que les différents
points du néocortex vont projeter dans l’hippocampe
ventral lequel projette ensuite ses informations sur le
tubercule mamillaire (noyau hypothalamique déjà vu)
qui transmet au noyau antérieur du thalamus lequel
projette dans le cortex limbique ou cortex péricalleux de
BROCA. Mémoire et émotion utilisent le même parcours,
ce cortex explique les réactions émotionnelles face à la
douleur et à titre d’exemple les noyaux du septum vont
projeter les informations limbiques au niveau des
noyaux des nerfs crâniens du tronc cérébral. Parmi ces
noyaux le nerf facial va jouer un rôle important dans
l’expression de la sensation douloureuse : le sujet a un
masque sardonique par le biais de la contraction des
peauciers de la face sous l’impulsion du noyau branchial
moteur du VII. Parallèlement le noyau lacrymomuconasal parasympathique du VII entraı̂ne les larmes qui
accompagnent habituellement les pleurs. C’est là une
expression visible du sentiment douloureux.
63
1
2
S
3
4
5
Fig. 7. Circuit hippocampo-mamillo-thalamocingulaire de Pappez : il
transporte à la fois la douleur et l’émotion
Les projections néocorticales
Revenons un peu sur le thalamus où nous avons vu
converger dans le noyau latéroventral postérieur le
tractus spinothalamique dorsal et le spinothalamique
ventral. Ce dernier, qui a bénéficié de l’autoroute de la
sensibilité ou voie lemniscale pour gagner rapidement le
thalamus va être dirigé par lui sur le gyrus postcentral ou
circonvolution pariétale ascendante qui est organisée
sous forme d’homonculus où chaque partie du corps est
cartographiée. Il est important en effet de savoir
rapidement où siège la douleur. Le tractus spinothalamique dorsal et les fibres spinoréticulothalamiques
projettent plus lentement dans le cortex préfrontal où
se fait l’analyse de la douleur, ce qui est moins urgent.
Les systè mes inhibiteurs
Ils sont nombreux, diffus, et vont s’efforcer de ne pas
faire parvenir l’impression douloureuse au néocortex.
Au niveau de la moelle spinale
Nous avons décrit les petites fibres qui pénètrent dans la
substance grise et qui vont donner naissance au tractus
spinothalamique. Dans la racine dorsale passent également des fibres extero et proprioceptives qui vont
constituer les tractus dorsaux gracile et cunéiforme de
Goll et Burdach. Ces fibres sont très myélinisées,
conduisent rapidement l’influx, et ont un seuil d’excitation bas. Ce sont des fibres A alpha. Elles transmettent
les sensibilités exteroceptive discriminative et proprioceptive consciente, et sont dégagées de toute fonction
nociceptive. Pourtant, leur simple effleurement lors de la
chirurgie de la moelle quand elle se pratiquait sous
anesthésie locale déclenchait des douleurs vives compa-
Fig. 8. Gate control de Wall et Melzach : bien que discuté, il permet
de comprendre l’inhibition douloureuse métamérique des fibres
nociceptives par les collatérales des fibres myélinisées allant
constituer les cordons dorsaux
1. tracti gracile et cunéiforme
2. collatérales inhibitrices
3. arrivée des fibres sensitives
4. neurone convergent
5. tractus spinothalamique
rables à celles du tabès. Or, les patients tabètiques ont
une destruction de ces tractus.
Wall et Melzack ont élucidé ce problème par leur
théorie du gate control (Fig. 8) qui, si elle est parfois
remise en cause, explique cependant bien des phénomènes cliniques. En fait, les fibres de la racine spinale
dorsale sont compétitives. On peut opposer les fibres A
alpha qui sont rapides aux fibres A delta et C, lentes et
difficilement excitables. Ces dernières ont été décrites
précédemment. Ce sont celles émanant des trois feuillets
et qui vont après synapse constituer le tractus spinothalamique. L’influx porté par les A alpha arrive à la
moelle en premier. Des collatérales issues des tractus
gracile et cunéiforme vont gagner la corne grise dorsale
et par des moyens complexes vont fermer la porte à la
douleur (Gate) l’empêchant d’être captée par les neurones convergents. En pratique courante d’ailleurs la
stimulation de ces grosses fibres par frottement par
exemple après une brûlure superficielle va renforcer le
Gate et rendre la douleur supportable. La stimulation
cutanée et la stimulation des cordons postérieurs
procèdent du même phénomène.
Au niveau du tronc cé ré bral
La formation réticulée est, comme nous l’avons dit, un
filtre de la douleur, rendant périlleux le trajet des fibres
spinoréticulothalamiques. Certains noyaux réticulaires,
64
particulièrement denses au niveau du mésencéphale dans
la substance grise périaqueducale vont envoyer vers la
moelle spinale des fibres sérotoninergiques via les tractus
réticulospinaux qui auront pour mission de renforcer le
gate control.
Au niveau des autres structures
De nombreux systèmes inhibiteurs diffus de la douleur sont
sans cesse mis à jour. Il serait fastidieux de les citer. Un fait
récent mérite cependant d’être retenu. Des équipes neurochirurgicales travaillent actuellement sur la stimulation
corticale antalgique. Leur cible est en fait, et sans explication
scientifique probante à l’appui, le néocortex moteur au
niveau du gyrus précentral (aire de Rolando). Le cortex
moteur ainsi stimulé renforcerait le filtre thalamique.
Conclusions pratiques
La connaissance des voies de la douleur guide le thérapeute
pour la prise en charge des patients douloureux. Il faut tout
d’abord identifier ce qui est une douleur pelvienne et ce qui
est une douleur périnéale. C’est relativement facile lorsque
seul le périnée est douloureux. Après avoir éliminé une
pathologie tumorale par exemple, la responsabilité du nerf
pudendal doit être évoquée. Devant un tableau typique de
douleurs positionnelles (en position assise), l’examen
neurologique étant normal, on évoque un syndrome
canalaire. Associées au traitement médical des douleurs
neuropathiques, les infiltrations constituent un test diagnostique et une arme thérapeutique. La diffusion des
douleurs dans le pelvis et/ou dans les membres inférieurs
fait évoquer une réaction musculaire réflexe ou une
participation végétative.
Les douleurs pelviennes doivent faire rechercher une
pathologie dont le traitement peut être spécifique (kyste
de l’ovaire, endométriose, cystite interstitielle, vestibulite
vulvaire, etc.). Si aucune cause n’est retrouvée, il faut se
résoudre à traiter la douleur en tant que telle. Les
neurostimulations, les blocs pluriétagés sont guidés par
la distribution des fibres orthosympathiques. Le traitement peut être la destruction de ces voies en restant le
moins agressif possible. Les rameaux communicants sont
une cible encore à l’étude. Leur destruction n’entraı̂ne a
priori aucune conséquence ni somatique ni végétative.
Leur infiltration radioguidée commence à se codifier.
L’important est de penser à un processus neurologique
comme cause de la douleur et d’arrêter de sacrifier
chirurgicalement des organes qui ne sont que des
victimes, alors à double titre.
Pelv Perineol (2007) 2: 65–70
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0114-4
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Critères diagnostiques d’une névralgie pudendale (Critères de Nantes)
J.-J. Labat, T. Riant, R. Robert (Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvipérinéales CHU Nantes)
G. Amarenco, J.-P. Lefaucheur, J. Benaı̈m, R. De Tayrac, J.-P. Galaup, M. Guérineau, M. Khalfallah, A. Lassaux,
M. Le Fort, J.-P. Lucot, B. Rabischong, J. Rigaud, L. Siproudhis (Réunion de Nantes, 22-23 septembre 2007)
M.-C. Arné-Bès, V. Bonniaud, K. Charvier, P. Dumas, A.-G. Herbault, E. Lapeyre, A.-M. Leroi, D. Prat Pradal, J.-M. Soler,
M.-F. Testut, P. Raibaut, M.-C. Scheiber-Nogueira, C. Thomas (Club d’électrophysiologie périnéale)
Résumé : Le diagnostic de syndrome canalaire du nerf
pudendal est un diagnostic avant tout clinique. Il n’y a
aucun marqueur clinique ou paraclinique spécifique de
cette pathologie. Un faisceau d’arguments permet cependant d’évoquer le diagnostic. Un groupe d’experts a validé
des critères diagnostiques simples (critères de Nantes).
Les critères indispensables au diagnostic sont : l’existence d’une douleur située dans le territoire anatomique
du nerf pudendal, aggravée en station assise, ne réveillant
pas la nuit, sans hypoesthésie objective à l’examen
clinique mais avec un bloc anesthésique du tronc du
nerf pudendal positif. D’autres éléments cliniques pourront apporter des arguments supplémentaires au diagnostic de névralgie pudendale. En revanche, nous
proposons des critères d’exclusion : douleurs purement
coccygienne, fessière ou hypogastriques, douleurs uniquement paroxystiques, prurit, présence d’anomalies
d’imagerie susceptibles d’expliquer la symptomatologie.
La névralgie pudendale peut être typique mais également
déroutante en raison de signes associés qui témoignent de
réactions d’hypersensibilisation périphérique et centrale
à expression neuropathique, musculaire ou végétative.
Mots clés : Névralgie – Nerf pudendal – Canal d’Alcock
Pudendal nerve entrapment: diagnostic criteria
(Nantes criteria)
Abstract: The diagnosis of pudendal nerve entrapment is
largely clinical, and, although there are no definitive
clinical or paraclinical signs, an array of clinical
arguments makes the diagnosis possible. An expert
group has validated diagnostic criteria (Nantes criteria),
of which the key criteria are: pain located in the
anatomical area of the pudendal nerve; exacerbation of
pain in the seated position; no nocturnal pain; and no
objective hypoesthesia on clinical examination, but
positive anesthetic block of the pudendal nerve trunk.
Other clinical factors can suggest pudendal nerve
entrapment. In addition, we have developed exclusion
criteria: pain limited to the coccyx, buttocks, or hypogas-
tric region; exclusively paroxystic pain; pruritus; radiological evidence that could explain the symptoms.
Pudendal neuralgia could be typical, but sometimes
unclear because of associated signs and symptoms
suggesting peripheral and central hypersensitivity reactions that have neuropathic, muscular or autonomic
nervous system expression.
Keywords: Neuralgia – pudendal nerve – Alcock’s canal
Après avoir été complètement négligé et méconnu, le
diagnostic de névralgie pudendale [1,2] est maintenant
porté assez facilement devant des douleurs périnéales
évocatrices, considérées jusqu’alors comme psychogènes
du fait de l’absence de support lésionnel mis en évidence
sur les examens d’imagerie ou d’endoscopie. La rançon
du succès est que de plus en plus, devant des douleurs de
la région pelvi-périnéo-fessière, ce diagnostic est porté
par excès ou par défaut, en l’absence de tout diagnostic
de pathologie d’organe. Toutes les douleurs aggravées en
position assises ont tendance à recevoir ce diagnostic.
Enfin, si l’électroneuromyogramme (ENMG) nous a
permis d’évoluer considérablement dans la connaissance
de la maladie, nous avons aussi appris à en connaı̂tre les
limites et à lui redonner sa place naturelle d’examen
complémentaire mais en aucun cas d’examen permettant
d’affirmer ou d’éliminer formellement le diagnostic de
névralgie pudendale (cf. article de J.-P. Lefaucheur dans
ce numéro).
C’est la raison pour laquelle nous avons essayé
d’établir des critères diagnostiques de névralgie pudendale qui n’ont aucunement l’ambition de recouvrir
l’ensemble des situations cliniques dans la mesure où
l’expression de ce type de douleur est éminemment
variable et complexe car souvent associée à de multiples
manifestations fonctionnelles déroutantes. L’objectif a
été d’élaborer des critères simples, limités en nombre,
pouvant être diffusés largement pour éviter les erreurs
diagnostiques. Ces critères seront applicables par tout
médecin confronté à un patient présentant une douleur
66
périnéale même si des experts pourront reconsidérer la
situation au cas par cas en fonction du contexte clinique.
Ces critères ont été discutés et validés par un groupe
d’experts multidisciplinaires qui s’est réuni à Nantes les
23 et 24 septembre 2006 (d’où la proposition d’appellation de « critères de Nantes ») puis par les membres
du Club d’électrophysiologie périnéale qui s’est réuni à
Paris le 8 décembre 2006. Cette proposition a reçu l’aval
de la SIFUP PP (Société interdisciplinaire francophone
d’urodynamique et de pelvi-périnéologie).
En l’absence de critères d’imagerie, de biologie et
d’électrophysiologie pathognomoniques, le diagnostic de
névralgie pudendale, comme celui de toute névralgie
reste avant tout clinique et « probabiliste » et devra
constamment être remis en question en fonction de
l’évolution clinique. Le diagnostic de syndrome compressif du nerf pudendal (syndrome « canalaire »), correspond à l’étiologie la plus fréquente et repose également
sur des éléments de suspicion clinique. D’autres étiologies existent [3] : neuropathies herpètiques, neuropathie
d’étirement (bien qu’habituellement, celles-ci soient non
ou très peu douloureuses), polyneuropathie périphérique, neuropathie postradique, compression ou infiltration d’origine tumorale...
En fait, seule la constatation opératoire d’un nerf
comprimé et la disparition de la douleur en postopératoire
[4] peuvent permettre d’affirmer avec certitude le diagnostic de névralgie pudendale d’origine compressive (sauf
à discuter de l’effet placebo de la chirurgie).
Nous avons défini quatre domaines diagnostiques :
– critères indispensables au diagnostic de névralgie
pudendale ;
– critères complémentaires au diagnostic ;
– critères d’exclusion ;
– signes associés n’excluant pas le diagnostic.
Critères indispensables au diagnostic de névralgie
pudendale
Cinq critères sont considérés comme indispensables au
diagnostic et doivent donc être tous présents pour parler
de syndrome canalaire du nerf pudendal ou de névralgie
pudendale d’origine compressive.
Douleur située dans le territoire du nerf pudendal
(de l’anus à la verge ou au clitoris)
Comme il s’agit d’une douleur tronculaire, elle doit être
située dans le territoire du nerf pudendal qui va de l’anus
au clitoris ou à la verge. Elle peut être superficielle ou un
peu plus profonde au niveau anorectal, au niveau
vulvovaginal et au niveau de l’urètre distal. Cela exclut
les douleurs qui sont exclusivement localisées à la région
coccygienne, au sacrum, aux fesses, au pubis et à la
région hypogastrique, mais la douleur peut irradier à ces
zones. Rappelons que si la peau scrotale dépend bien des
racines sacrées et du nerf pudendal, le testicule (comme
l’ovaire) lui-même, l’épididyme et le déférent dépendent
d’une innervation issue des racines thoracolombaires.
Douleur prédominant en position assise
Il s’agit d’une caractéristique clinique essentielle qui
permet d’envisager l’hypothèse d’un syndrome compressif dans le cadre d’un syndrome canalaire. Tout nerf doit
être mobile pour ne pas être contraint lors des mouvements (exemple du nerf ulnaire au coude) ou lors de la
pression en station assise pour le nerf pudendal. Toute
perte de mobilité du nerf (où qu’elle soit) va donc
l’exposer à s’écraser sur les structures ligamentaires
rigides comme le prolongement falciforme du ligament
sacrotubéral [5]. C’est bien l’hyperpression qui est
responsable et non la position assise, ce dont témoigne
parfaitement le soulagement de la douleur sur un siè ge de
toilettes (à la condition que le patient y reste suffisamment longtemps). Cet élément dynamique est essentiel car
si la douleur était liée uniquement à un phénomène de
compression, elle serait continue (ce qui n’empêche pas
une douleur par lésion tumorale qui peut exister debout
ou la nuit en decubitus, d’être aussi aggravée en station
assise).
Très souvent, ce facteur positionnel est exclusif mais
avec le temps la douleur tend à devenir beaucoup plus
continue même si elle restera toujours prépondérante en
station assise.
Douleur ne réveillant pas la nuit
C’est la conséquence directe du critère précédent.
Nombre de patients peuvent souffrir le soir en decubitus
avec des difficultés d’endormissement, mais en règle, ils
ne sont pas réveillés par la douleur périnéale d’origine
canalaire. Ils peuvent être réveillés par des symptômes
d’accompagnement (par exemple des besoins d’uriner)
mais non par la douleur périnéale elle-même. Des réveils
nocturnes dans les phases hyperalgiques sont exceptionnellement retrouvés dans l’histoire clinique des patients,
de façon transitoire.
Absence de déficit sensitif objectif
Devant tout déficit sensitif superficiel périnéal, il faudra
évoquer avant tout une atteinte lésionnelle radiculaire
sacrée (notamment de la queue de cheval), ou plexique
sacrée. Ces atteintes proximales s’expriment souvent
moins par des douleurs que par des déficits, perte de
sensibilité ou troubles moteurs sphinctériens notamment.
Plusieurs explications peuvent être avancées à cette
absence de trouble sensitif objectif. La lésion peut être
insuffisante à provoquer une perte significative en fibres
de la sensibilité superficielle, comme dans les sciatiques,
ou dans nombre de syndromes du canal carpien.
67
L’absence de déficit sensitif objectif repose également sur
les données de l’anatomie, car la sensibilité périnéale
correspond au chevauchement de plusieurs troncs
nerveux, le nerf pudendal, le nerf cutané postérieur de
la cuisse et ses rameaux clunéaux inférieurs, et les
territoires des nerfs issus de la charnière thoracolombaire (ilio-inguinal et génito-fémoral notamment).
Bloc diagnostique du nerf pudendal positif (sous réserve
d’une technique irréprochable)
La réalisation d’une infiltration anesthésique du nerf
pudendal [6] (cf. article de T. Riant dans ce mê me
numéro) doit faire disparaı̂tre la douleur de façon
significative le temps de l’anesthésie locale. C’est un
critère indispensable mais qui n’est pas spécifique de
syndrome canalaire puisqu’il signifie seulement que la
douleur est située dans le territoire du nerf. Le bloc
pourra également être positif pour toute lésion nerveuse
pudendale d’autre nature.
Par ailleurs, un bloc négatif n’exclut pas formellement
le diagnostic s’il n’a pas été réalisé de façon suffisamment
précise ou s’il a été réalisé de façon trop distale (au
niveau du canal d’Alcock par exemple alors que l’atteinte
peut être située à l’épine sciatique). En revanche, si la
technique est bonne, l’utilisation ou non d’un scanner ou
d’une neurostimulation importe peu.
Critères complémentaires au diagnostic
Huit critères sont considérés comme évocateurs ou
compatibles avec le diagnostic de douleur liée à un
syndrome canalaire pudendal, sans pour autant être
requis ou spécifiques au diagnostic.
Sensations de brûlures, décharges électriques,
tiraillement, engourdissement
La névralgie pudendale a les caractéristiques d’une
douleur neuropathique. Les sensations de brûlures, de
décharges électriques, de tiraillement ou de serrement,
d’engourdissement font partie des critères de la douleur
neuropathique même si l’on ne retrouve que rarement
plus de quatre critères au DN4 [7] (échelle comprenant
dix critères dont la présence de quatre d’entre eux est
nécessaire au diagnostic de douleur neuropathique).
Allodynie ou hyperpathie
L’allodynie et l’hyperpathie sont très évocatrices d’une
atteinte neuropathique et s’expriment au niveau périnéal
par une intolérance aux ports de vêtements serrés, des
slips (faisant préférer les caleçons aux slips), ou au
contact vulvaire (comme dans les vestibulodynies) avec
des dyspareunies superficielles.
Sensation de corps étranger endocavitaire
(« sympathalgie » rectale ou vaginale)
Les mots utilisés par les patients qui ont des douleurs
profondes, en général au niveau anorectal, parfois au
niveau vaginal voire urétral, sont en général assez imagés.
Le terme de « corps étranger » est le plus fréquemment
utilisé, d’autres expressions sont évocatrices : sensation de
pieu, de boule, de pesanteur, de balle de tennis, de bête qui
ronge ou qui « grouille »... Cette expression clinique est
parfois appelée de façon abusive : syndrome du releveur,
sans qu’il y ait pour autant de corrélation avec la
constatation d’une hypertonie des élévateurs de l’anus [8].
Ces douleurs ont une connotation végétative et leur
disparition temporaire après un bloc anesthésique des
fibres sympathiques au niveau du ganglion Impar fait
évoquer une médiation par les fibres sympathiques et
donc le fait qu’il s’agisse de « sympathalgies ».
Aggravation de la douleur au cours de la journée
L’absence de douleur le matin au réveil, le niveau faible
des douleurs dans la matinée, l’aggravation au cours de la
journée et le recrutement maximal des douleurs le soir
jusqu’à l’endormissement est un profil temporel très
caractéristique du syndrome canalaire du nerf pudendal.
Douleur à prédominance unilatérale
Une douleur périnéale sera d’autant plus évocatrice
d’une atteinte tronculaire pudendale qu’elle sera unilatérale (et qu’elle sera étendue à l’ensemble de l’hémipérinée d’avant en arrière), mais le caractère médian,
central de la douleur n’élimine en rien le diagnostic.
Douleurs apparaissant aprè s la défécation
Une des caractéristiques des douleurs pudendales
d’origine canalaire à prédominance postérieure est
l’apparition retardée de la douleur après la défécation
(en général de quelques minutes à un quart d’heure).
Présence d’une douleur exquise à la pression
de l’épine sciatique
Lors du toucher rectal ou vaginal, la palpation de l’épine
sciatique (en arrière et un peu latéralement) est très
souvent sensible. Il ne s’agit pas d’un véritable signe de
Tinel dans la mesure où cette pression ne déclenche pas
une douleur ou des paresthésies irradiant le long du
trajet du nerf. Par ailleurs, ce signe n’est pas spécifique
et peut s’observer en dehors de toute compression
nerveuse. En fait les structures anatomiques sont
nombreuses à ce niveau (passage du nerf pudendal au
niveau du ligament sacro-épineux, insertions ligamentaires
du ligament sacro-épineux, faisceaux ischiococcygiens des
68
élévateurs) et il est bien difficile d’interpréter cette douleur
à la pression, qui peut correspondre aussi à une hypersensibilisation diffuse. Cela étant, une douleur provoquée
par la pression à ce niveau aura d’autant plus de valeur
qu’elle sera unilatérale.
Données de l’ENMG chez l’homme ou la femme nullipare
L’accouchement est la cause la plus fréquente de
neuropathie périnéale d’étirement, ce qui enlève toute
spécificité à l’examen ENMG quand il est réalisé chez la
multipare. En revanche, l’existence d’anomalies ENMG,
notamment latéralisées, chez l’homme ou la femme
nullipare peut avoir une signification diagnostique
étiologique, surtout en l’absence d’antécédents de constipation, de chirurgie pelvienne antérieure ou de lésions
proximales connues, myéloradiculaires ou plexiques.
Critères d’exclusion
Quatre critères permettent d’exclure le diagnostic de
douleurs liées à un syndrome canalaire pudendal.
Douleurs uniquement coccygienne, fessiè re,
pubienne ou hypogastrique
Ce type de douleur ne peut être lié à un syndrome
canalaire pudendal, car ces territoires anatomiques ne
correspondent pas à celui du nerf pudendal.
Prurit
Le prurit évoque, avant tout, une lésion dermatologique
(lichen scléroatrophique...) et non une souffrance
neurologique. La notion de prurit, qui inclut un besoin
de grattage, est à distinguer du terme de « démangeaison », qui peut être utilisé par les patients et qui est un
critère de douleur neuropathique du DN4.
Douleurs uniquement paroxystiques
Les douleurs paroxystiques, en éclair ont une tonalité
neuropathique et pourraient évoquer une atteinte
compressive, mais elles correspondent en fait a priori à
l’existence d’une tumeur nerveuse. Cela impose l’exploration par imagerie de la région pelvienne (neurofibrome
ou schwannome du nerf pudendal), la queue de cheval
(schwannome sacré) et de la moelle (méningiome).
Par ailleurs, les proctalgies fugaces sont suffisamment évocatrices pour ne pas les confondre avec les
névralgies pudendales. Elles restent cependant très
méconnues. Il s’agit de douleurs pouvant durer de
quelques minutes à une heure, à prédominance anorectale, essentiellement nocturnes, récurrentes avec des
crises pouvant survenir pendant des années, plusieurs
fois par an, sans évolutivité. Bien que certains auteurs
aient pu évoquer une étiologie neurologique, elles sont
dans l’immense majorité des cas strictement idiopathiques et de physiopathologie controversée [9,10].
Nous ajouterons à ce chapitre les douleurs survenant
exclusivement pendant la défécation (évoquant une
pathologie proctologique), la miction (évoquant une
pathologie urologique), ou les rapports sexuels (vaginisme, vestibulite).
Anomalies d’imagerie pouvant expliquer la douleur
Aucun examen d’imagerie ne permet d’objectiver une
compression nerveuse pudendale d’origine canalaire,
mais ces examens sont utiles pour éliminer d’autres
étiologies de névralgie pudendale. Le « piège » est de
découvrir une pathologie intercurrente, dont le traitement ne changera en rien l’évolution du syndrome
algique. La constatation de kystes arachnoı̈diens reste
notamment un problème difficile, et classiquement, ces
kystes sont considérés comme asymptomatiques. De
toute façon, ils ne peuvent être retenus comme responsables d’un tableau typique de névralgie pudendale.
L’imagerie est indispensable dès que le tableau clinique
sort des critères décrits dans cet article et sera décisive si
elle montre un processus lésionnel pouvant en lui-même
expliquer la douleur (tumeur nerveuse notamment).
Signes associés n’excluant pas le diagnostic
La névralgie pudendale peut s’exprimer de façon simple
dans le cadre des critères diagnostiques détaillés cidessus, mais de nombreux patients ont des symptômes
surajoutés, polymorphes et déroutants que l’on a souvent
du mal à rattacher au nerf pudendal. Même s’ils peuvent
paraı̂tre surprenants, les différents signes traités dans
ce chapitre ne permettent pas d’exclure le diagnostic
comme le montrent la pratique clinique et l’évolution
sous traitement.
Irradiation fessiè re ou au membre inférieur,
notamment en station assise
Certes l’innervation fessière ou sciatique n’est pas
dépendante du nerf pudendal, et une fessalgie isolée,
même survenant en station assise, ne peut pas être
considérée comme une névralgie pudendale. L’association d’une névralgie périnéale à une fessalgie ou à
une sciatalgie peut toutefois être expliquée par un conflit
commun, assez proximal, dans le canal sous piriforme,
avec atteinte concomitante du nerf pudendal, du nerf
cutané postérieur de la cuisse, du nerf glutéal inférieur
ou du tronc sciatique. La douleur fessière peut être en
relation avec des points gâchettes ou un spasme des
muscles fessiers profonds : muscle obturateur interne
et muscle piriforme [11,12]. Cela peut survenir en raison
de contractures musculaires réflexes secondaires à la
69
douleur, en raison d’un syndrome myofascial régional,
extrêmement fréquent dans ce contexte (témoin d’une
hypersensibilisation régionale) ou en raison d’une
hypersensibilisation centrale liée à des phénomènes de
convergence entre les métamères S1-S2 et S3 (cf. les effets
de la stimulation du nerf tibial postérieur sur l’hyperactivité vésicale ou la douleur périnéale). Une irradiation
des douleurs à la face interne de la cuisse peut aussi
survenir et être le témoin d’un syndrome du muscle
obturateur interne entraı̂nant un conflit entre ce muscle
et le nerf obturateur.
Douleur sus-pubienne
Elle peut être le témoin d’une hypertonie du faisceau
puborectal des élévateurs de l’anus. Elles peuvent être le
témoin d’une hypersensibilité osseuse témoin d’un
syndrome douloureux complexe régional secondaire
(algodystrophie à minima).
Pollakiurie et/ou douleurs au remplissage vésical
La pollakiurie est souvent associée à la névralgie
pudendale. Elle a pour caractéristique d’évoluer de
façon intermittente, parallèlement à la douleur, permettant ainsi de la rattacher à celle-ci et non à un
dysfonctionnement vésical. Il existe probablement des
phénomènes d’interconnexion synaptique avec un traitement inapproprié du message douloureux, aboutissant à
la transmission de faux besoins. Parfois le patient signale
des douleurs urétrales ou hypogastriques aggravées par le
remplissage vésical et soulagées par la miction. Cela
justifie la tenue d’un carnet mictionnel, si les volumes
urinés sont faibles et très constants, il est nécessaire de
réaliser une cystoscopie sous anesthésie générale avec
hydrodistension à la recherche de signes de cystite
interstitielle. À l’opposé, si les volumes urinés sont très
variables, on évoquera des phénomènes d’hypersensibilisation vésicale pouvant être liées à des phénomènes
d’hypersensibilisation centrale et végétatifs réflexes.
Douleurs apparaissant aprè s l’éjaculation
Symptôme déroutant en l’absence de contexte infectieux
(absence de vésiculite), ce symptôme isolé ne peut en
aucun cas être évocateur d’un syndrome canalaire du
nerf pudendal. L’association à la névralgie pudendale est
cependant assez fréquente et peut être considérée comme
le témoin d’une hypersensibilsation régionale.
allodynie vulvaire, mais en général, les patientes déclarent ne
pas avoir de douleur pendant les rapports alors que les
douleurs s’aggravent dans les heures suivantes.
Troubles de l’érection
Le nerf pudendal, nerf somatique, n’est que partiellement
impliqué dans l’érection. Classiquement sa fonction
sexuelle est avant tout sensitive (nerf dorsal de la verge
et nerf dorsal du clitoris), il intervient également dans
l’hyperrigidité prééjaculatoire et dans le caractère
clonique de l’éjaculation. Les patients atteints de
névralgie pudendale se plaindront volontiers d’une
sensation d’engourdissement pénien, d’une hyposensibilité sexuelle, voire d’une diminution de rigidité. Les
médicaments à visée antidouleur peuvent également
avoir un impact négatif sur l’érection et l’éjaculation.
Normalité de l’ENMG
L’exploration électrophysiologique n’explore que les
grosses fibres motrices et une atteinte sélective des
petites fibres sensitives, comme il est habituel dans les
syndromes canalaires, n’aura donc pas de retentissement
électrophysiologique. Par ailleurs, du fait du caractère
positionnel de la douleur et des mécanismes physiopathologiques de celle-ci, il est tout à fait envisageable que
la névralgie pudendale ne s’accompagne pas de lésions
structurelles chroniques des fibres nerveuses pudendales, et donc pas d’anomalies ENMG (cf. article de J.-P
Lefaucheur dans ce mê me numéro).
Conclusion
Le diagnostic de névralgie pudendale par atteinte
canalaire est avant tout clinique. Il n’y a pas de critères
pathognomoniques mais des éléments d’orientation plus
ou moins forts. Lorsque sont réunis les quatre critères
cliniques diagnostiques indispensables (douleurs dans le
territoire du nerf pudendal, aggravées en position assise,
ne réveillant pas la nuit et sans hypoesthésie objective) il
est licite de réaliser un bloc diagnostique anesthésique de
nerf pudendal dont la positivité permettra de conforter
ces forts éléments de suspicion clinique. Les douleurs
pudendales sont cependant complexes et souvent associées à un certain nombre de signes dont l’interprétation
pourra aider à une meilleure compréhension et une
meilleure prise en charge de la maladie.
Références
Dyspareunie et/ou douleurs aprè s les rapports
Dans les névralgies pudendales, les rapports sexuels sont en
général espacés. La première raison est que le syndrome
douloureux chronique altère la libido. Les rapports sont
rarement très douloureux : c’est le cas quand il existe une
1. Amarenco G, Lanoe Y, Perrigot M, et al. (1987) Un
nouveau syndrome canalaire, la compression du nerf
pudendal dans la canal d’Alcock ou paralysie périnéale
du cycliste. Presse Med 16: 399
2. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, et al. (1990)
Les névralgies du nerf pudendal (honteux interne).
70
3.
4.
5.
6.
7.
Considérations anatomocliniques et perspectives thérapeutiques. J Urol (Paris) 96: 239-44
Amarenco G, Le Cocquen-Amarenco A, Kerdraon J, et al.
(1991) Les névralgies périnéales. Presse Med 20: 71-4
Robert R, Bensignor M, Labat JJ, et al. (2004) Le
neurochirurgien face aux algies périnéales : guide pratique. Neurochirurgie 50: 533-9
Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic
basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve.
Surg Radiol Anat 20: 93-8
Bensignor-Le Henaff M, Labat JJ, Robert T, et al. (1993)
Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Cah Anesthesiol 41: 111-14
Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, et al. (2005) Comparison
of pain syndromes associated with nervous or somatic
8.
9.
10.
11.
12.
lesions and development of a new neuropathic pain
diagnostic questionnaire (DN4). Pain 114: 29-36
Bauer P (2004) Douleur anopérinéales chroniques, diagnostic et stratégie d’exploration. J Chir (Paris) 141: 225-31
Takano M (2005) Proctalgia fugax: caused by pudendal
neuropathy? Dis Colon Rectum 48: 114-20
Mazza L, Formento E, Fonda G (2004) Anorectal and
perineal pain: new pathophysiological hypothesis. Tech
Coloproctol 8: 77-83
Fishman LM, Dombi GW, Michaelsen C, et al. (2002)
Piriformis syndrome: diagnosis, treatment, and outcome–
a 10-year study. Arch Phys Med Rehabil 83: 295-301
Meknas K, Christensen A, Johansen O (2003) The
internal obturator muscle may cause sciatic pain. Pain
104: 375-80
Pelv Perineol (2007) 2: 71–72
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0116-2
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Autoquestionnaire d’évaluation de la névralgie pudendale
T. Riant 1 , M. Guérineau 2 , J.-J. Labat 2 , J. Rigaud 2 , R. Robert 3
1
2
3
UETD Maurice-Bensignor, centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, F-44200 Nantes, France
Clinique urologique, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, F-44093 Nantes, France
Service de neurotraumatologie, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, F-44093 Nantes, France
Résumé : La névralgie pudendale a pour caractéristique
d’être posturale donc intermittente, c’est ce qui rend son
évaluation particulièrement difficile. Il est pourtant
essentiel d’en avoir une évaluation quantitative, non
tant pour porter les indications thérapeutiques que pour
en estimer les effets. Nous proposons une fiche d’autoévaluation adaptée à ce type de douleurs. L’objectif est
avant tout d’obtenir une grille d’évaluation intraindividuelle qui permette d’apprécier l’évolution de la
douleur à des moments différents, donc le résultat des
thérapeutiques (médicaments, rééducation, infiltrations,
chirurgie). Cette grille n’a pas d’autre ambition que
d’aider à la pratique clinique. Elle pourrait éventuellement être utilisée dans le cadre de protocoles thérapeutiques ultérieurs, associée à d’autres échelles plus
classiques (dépression, qualité de vie…).
Mots clés : Autoquestionnaire – Douleur – Évaluation –
Nerf pudendal – Névralgie pudendale – Qualité de vie
Self-administered questionnaire for assessing
pudendal neuralgia
Abstract: Pudendal neuralgia is posturally induced and,
therefore, intermittent, making its assessment particularly
difficult. It is nonetheless central to have a quantitative
assessment to develop therapeutic indications and determine the impact of the disorder. We have developed a selfadministered questionnaire for this type of pain. Most
importantly, the goal was to create a personal assessment
form that makes it possible to understand the evolution
of pain at various stages of therapeutic treatment (medications, physical therapy, infiltration, and surgery). This
form does not aim to assist in the clinical process. It can
possibly be used within the framework of later therapeutic
protocols associated with other more traditional scales
(depression, quality of life, etc.).
Keywords: Self-administered questionnaire – Pain –
Assessment – Pudendal nerve – Pudendal neuralgia –
Quality of life
72
Autoquestionnaire patient :
0 cm
date :
10 cm
Trait à inscrire par le patient
• Veuillez
noter la douleur maximale au cours des 15 derniers jours
Pas de douleurs
• Veuillez
Peu de douleurs
douleurs intenses
Douleurs
maximales imaginables
douleurs très intenses
noter la douleur minimale au cours des 15 derniers jours
Peu de douleurs
Pas de douleurs
douleurs intenses
douleurs très intenses
Douleurs
maximales imaginables
• Combien de temps pouvez vous rester assis de façon normale (minutes) : T : …….min
• En combien de temps débutent vos douleurs quand vous vous asseyez (minutes): T :….min
• Pour vous asseoir, devez vous utiliser des techniques particulières (sur une fesse, bouée,
coussin)?
jamais
rarement
assez souvent
souvent
très souvent
toujours
• En raison de votre douleur, estimez vous que votre vie sexuelle est
Normale
a lté r ée
Tr ès alt érée
nu l l e
• Cochez si votre vie sexuelle est altérée pour d’autres raisons que la
douleur
•Estimez sur l’échelle ci dessous la « gêne » , « l’empêchement » lié à la douleur
Pas de gêne
peu de gêne
gêne importante
Gêne, empêchement maximal
• Estimez sur l’échelle ci dessous l’altération de votre qualité de vie en rapport
avec votre douleur
Vie normale
Altérée
très altérée
Vie impossible
• Si il y a lieu, depuis votre infiltration, vous vous sentez
Très aggravé
aggravé
inchangé
amélioré
très amélioré
Pelv Perineol (2007) 2: 73–77
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0117-1
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Quelle est la place de l’examen électroneuromyographique
dans le diagnostic des névralgies pudendales
liées à un syndrome canalaire ?
J.-P. Lefaucheur, J.-J. Labat, G. Amarenco, A.-G. Herbaut, D. Prat-Pradal, J. Benaim, B. Aranda, M.-C. Arne-Bes, V. Bonniaud,
P.-M. Boohs, K. Charvier, F. Daemgen, P. Dumas, J.-P. Galaup, S. Sheikh Ismael, J. Kerdraon, P. Lacroix, D. Lagauche, E. Lapeyre,
M. Lefort, A.-M. Leroi, R.-J. Opsomer, B. Parratte, J.-G. Prévinaire, P. Raibaut, J.-Y. Salle, M.-C. Scheiber-Nogueira, J.-M. Soler,
M.-F. Testut, C. Thomas (Club d’électrophysiologie périnéale, CEP)
Résumé : Une compression chronique du nerf pudendal
dans un site d’étroitesse anatomique (syndrome canalaire) peut être à l’origine de douleurs périnéales
invalidantes. Ce type d’atteinte doit être diagnostiqué
de façon spécifique, car cela peut constituer une
indication de neurolyse chirurgicale. Dans ce cadre, il
est usuel de demander un examen électroneuromyographique (ENMG) du périnée, qui sera basé sur l’étude de
l’activité électromyographique de muscles périnéaux, des
réflexes sacrés et des conductions motrices du nerf
pudendal. Différentes considérations physiopathologiques et techniques expliquent certaines limites de
l’ENMG qu’il faut connaı̂tre. C’est ainsi que les méthodes
utilisées n’évaluent pas les anomalies fonctionnelles à
l’origine des douleurs, mais plutôt les altérations
structurelles du nerf pudendal (démyélinisation ou
perte axonale). De plus, seule l’innervation motrice
directe ou réflexe est évaluée, alors que l’étude spécifique
des conductions sensitives serait sans doute plus sensible
à objectiver une compression nerveuse. Enfin, il n’est pas
possible de distinguer l’atteinte compressive des nombreuses autres causes de lésion nerveuse pudendale
(chirurgicales, obstétricales, liées à une constipation
chronique...). Ainsi, l’ENMG périnéal a une sensibilité
et une spécificité limitées dans le diagnostic de syndrome
canalaire pudendal et ne renseigne pas directement sur le
phénomène douloureux. Le diagnostic de névralgie
pudendale répond en fait à des critères cliniques précis
et l’ENMG ne peut que donner des arguments supplémentaires, mais non formels en faveur de ce
diagnostic. L’ENMG périnéal permet surtout de faire un
« état des lieux » de l’innervation périnéale en prévision
d’un geste chirurgical de décompression, et pourrait
éventuellement fournir certains éléments prédictifs de
l’intérêt de l’intervention. En revanche, l’ENMG ne
permet généralement pas de localiser précisément le
site de compression et n’a, dans tous les cas, aucune
utilité dans la surveillance peropératoire.
Mots clés : Compression nerveuse – Douleurs périnéales –
Électromyographie – Latence distale motrice – Nerf
pudendal – Réflexes sacrés
Electroneuromyographic studies and diagnosis of
pudendal neuralgia due to pudendal nerve entrapment
syndrome
Abstract: Severe, chronic perineal pain can result from
pudendal nerve entrapment syndrome. This syndrome
must be specifically diagnosed because subsequent
surgical decompression may provide a significant pain
relief. Electroneuromyographic (ENMG) investigation is
often performed as a diagnostic measure, based on
needle electromyography and the examination of the
sacral reflex and pudendal nerve motor latencies. The
limits of ENMG methods, owing to various pathophysiological and technical considerations, must be clear.
The techniques used do not assess the functional
abnormalities at the origin of pain, but rather correlate
to structural alterations of the pudendal nerve (demyelination and axonal loss). In addition, only direct or
reflex motor innervation is investigated, whereas the
specific measurement of sensory nerve conduction would
be a more sensitive technique for the detection of nerve
compression. Finally, ENMG cannot differentiate entrapment neuropathy from other causes of pudendal nerve
lesions (stretching caused by pelvic surgery, obstetrical
damage, chronic constipation, etc.). The diagnosis of
pudendal neuralgia is mainly based on specific clinical
features. Perineal ENMG has a limited sensitivity and
specificity, does not give direct information about pain
mechanisms, and can only provide additional, but not
Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : +33 1 49 81 26 94. Fax : +33 1 49 81 46 60
Service de physiologie, explorations fonctionnelles, hôpital Henri-Mondor, Assistance publique–hôpitaux de Paris, Créteil, France
74
definitive, clues about the diagnosis of pudendal nerve
entrapment syndrome. The value of ENMG is the
objective assessment of pudendal motor innervation
when surgical decompression is under consideration.
Perineal ENMG can also be used to predict surgical
outcome, but usually cannot localize the site of
compression and is of no value in intraoperative
monitoring.
Keywords: Electromyography – Nerve entrapment –
Perineal pain – Pudendal nerve – Sacral reflexes –
Terminal motor latency
Introduction
Certaines douleurs périnéales chroniques invalidantes
sont liées à un syndrome canalaire du nerf pudendal,
c’est-à-dire liées à une souffrance chronique d’origine
« mécanique » du nerf pudendal dans une zone d’étroitesse anatomique. Cette atteinte canalaire siège dans la
plupart des cas au niveau de la pince ligamentaire formée
par les ligaments sacroépineux et sacrotubéreux, et
moins souvent dans un segment plus distal du tronc
nerveux quand il croise le processus falciforme ou dans
le dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur
interne qui forme le canal d’Alcock [1].
Les névralgies pudendales d’origine compressive
doivent être diagnostiquées de façon spécifique, car
leur traitement peut reposer sur un geste de décompression chirurgicale dont l’indication nécessite d’être posée
à bon escient [2]. Cependant, les atteintes du nerf
pudendal ne se résument pas à ces syndromes canalaires
et par ailleurs, il existe de nombreuses causes de
douleurs périnéales non liées à une atteinte tronculaire
pudendale, de type neuropathique (d’origine radiculoplexique, voire centrale) ou non neuropathique. En cas
de suspicion de syndrome canalaire du nerf pudendal, il
est usuel de demander un examen électroneuromyographique (ENMG) du périnée. L’utilisation peropératoire
de techniques électrophysiologiques a même été préconisée pour guider le geste de décompression chirurgicale du nerf pudendal. Ces techniques d’exploration
posent le problème de leur sensibilité et spécificité, qui
doivent être discutées sur la base de considérations
physiopathologiques et techniques rigoureuses.
Le Club d’électrophysiologie périnéale (CEP)
regroupe depuis près de dix ans une trentaine de
praticiens francophones de diverses spécialités médicales
ayant tous une longue expérience et une importante
implication dans l’exploration des troubles périnéaux
par des techniques de neurophysiologie clinique. Il est
apparu à ce groupe d’experts que de plus en plus
d’indications ou d’interprétations de l’ENMG périnéal
dans le cadre du diagnostic et de la prise en charge des
névralgies pudendales n’étaient pas rationnelles, et ne
tenaient pas compte des mécanismes physiopathologi-
ques en cause, du principe des techniques employées, et
de leur sensibilité. Cela a conduit le CEP à se réunir le
8 décembre 2006 pour produire ce texte qui définit la
place et les limites de l’ENMG dans ce cadre clinique.
Définition du cadre clinique
En tout premier lieu, il faut définir les éléments cliniques
faisant suspecter qu’une compression du nerf pudendal
est à l’origine de douleurs périnéales. Un syndrome
canalaire pudendal est évoqué s’il s’agit d’une douleur de
type neuropathique (sensations de brûlures, de fourmillement, de décharges électriques, d’engourdissement...)
irradiant dans le territoire du nerf pudendal (c’est-à-dire
du périnée postérieur vers le clitoris ou la verge),
prédominant clairement en position assise et ne
s’accompagnant pas de déficit sensitif objectif au niveau
du périnée. Une douleur latéralisée, avec allodynie ou
hyperpathie, s’aggravant au cours de la journée et
soulagée sur le siège des toilettes est particulièrement
évocatrice. À l’inverse, l’existence de douleurs réveillant
la nuit, prédominant à la station debout ou à la marche,
ou de localisation purement coccygienne ou fessière
exclut le diagnostic. Il en est de même si des troubles
urinaires, anorectaux ou génitosexuels sont au-devant du
tableau clinique. Les critères cliniques de diagnostic de
névralgie pudendale liée à un syndrome canalaire seront
discutés plus en détail dans un autre texte (cf. article de
J.-J. Labat et al. dans ce numéro). Le texte présent ne
portera que sur l’indication et l’interprétation de l’ENMG
périnéal en cas de suspicion de syndrome canalaire
pudendal.
Techniques neurophysiologiques
Parmi les différentes techniques neurophysiologiques
applicables à l’exploration du périnée, seules deux types
de techniques ont clairement leur place dans le bilan que
l’on peut mettre en œuvre en cas de suspicion de
syndrome canalaire pudendal :
– premièrement, l’électromyographie (EMG) de
détection à l’aiguille concentrique, réalisée obligatoirement de façon bilatérale et comparative, au niveau des
muscles bulbocaverneux et du sphincter anal ;
– deuxièmement, l’étude des conductions nerveuses
pudendales, effectuée avec les mêmes sites de recueil que
l’EMG et qui comprend la mesure de la latence distale
motrice par stimulation transrectale du nerf pudendal à
l’épine sciatique, et la mesure de la latence des réflexes
sacrés par stimulation du nerf dorsal du clitoris ou de la
verge. Ces deux techniques doivent être associées compte
tenu de la fréquence des compressions nerveuses
proximales, en amont du site de stimulation transrectale.
Une alternative est représentée par la mesure des latences
motrices en réponse à la stimulation magnétique des
racines sacrées aux trous sacrés qui permet d’étudier les
75
paramètres de conduction motrice globalement sur toute
la longueur du nerf pudendal.
Le lecteur pourra se référer à différents articles dans
lesquels sont décrites ces différentes techniques [3–7]. On
soulignera que la seule mesure des latences distales
motrices pudendales par stimulation transrectale, généralement recommandée dans ce contexte, est insuffisante
pour le diagnostic. De plus, les normes habituellement
rapportées dans la littérature pour cette technique (2 à
2,5 ms) sont clairement fausses (trop courtes), ce qui est
probablement lié à un mode de recueil inadapté (recueil
d’artefacts moteurs par les électrodes du Saint-Mark’s
Hospital) [5]. D’autres techniques sont potentiellement
intéressantes, mais d’usage non validé ou trop restreint
pour l’instant, comme la mesure des conductions
sensitives pudendales par stimulation transrectale [8]
ou la quantification des seuils de sensibilité péniens ou
vulvaires à des stimulations thermiques ou mécaniques
[9,10]. La première de ces techniques n’est, notamment,
pas réalisable chez la femme, tandis que la seconde
technique est probablement très sensible mais peu
spécifique. En revanche, les techniques de potentiels
évoqués somesthésiques ou moteurs, et d’enregistrement
des réflexes cutanés sympathiques n’ont pas d’intérêt
dans le diagnostic des syndromes canalaires pudendaux.
Correspondances entre les mécanismes
physiopathologiques et les données ENMG
Les douleurs générées par une compression nerveuse
sont d’abord en rapport avec des modifications locales
d’excitabilité axonale responsables de la génération de
potentiels d’action aberrants ou ectopiques [11]. Ensuite,
dans le cas de douleurs chroniques, s’ajoutent à ces
phénomènes locaux périphériques des phénomènes de
sensibilisation centrale. En aucun cas de tels phénomènes ne peuvent être mis en évidence par les techniques
usuelles d’ENMG, telles qu’elles ont été décrites cidessus. D’où l’absence de corrélation entre les résultats
de ce type d’examen et l’intensité de la douleur pour tout
syndrome canalaire [12,13].
Si la compression nerveuse est suffisamment sévère et
ancienne, des signes de démyélinisation segmentaire surviennent, sans que cela ne s’accompagne forcément d’une
recrudescence des douleurs. La démyélinisation sera
principalement responsable d’un ralentissement focal de
conduction nerveuse, voire d’une anomalie de recrutement
des potentiels d’unité motrice en détection EMG en cas de
bloc de conduction. À un degré de sévérité supérieure,
survient une dégénérescence Wallérienne responsable d’une
perte axonale, qui s’accompagne de fait d’une diminution du
nombre d’unités motrices et donc de tracés EMG appauvris.
Les potentiels d’unité motrice ont une fréquence de
décharge élevée et peuvent avoir une morphologie altérée
(augmentation de la durée, de l’amplitude ou du nombre de
phase en cas de réinnervation par bourgeonnement). Enfin,
il peut exister une activité spontanée de dénervation active.
Les conductions motrices peuvent rester ralenties, comme
en cas de démyélinisation, au prorata de la perte des axones
de grand diamètre.
L’examen ENMG est donc beaucoup plus corrélé avec
l’existence et la sévérité d’anomalies nerveuses « structurelles » (démyélinisation segmentaire ou perte axonale) qu’avec des anomalies « fonctionnelles » comme
celles qui prévalent dans le mécanisme des douleurs
neuropathiques.
Limites spécifiques de l’ENMG dans le cas des
compressions nerveuses pudendales
Outre le problème de fond soulevé dans le chapitre
précédent et qui se pose pour toute exploration de
douleur neuropathique périphérique, certaines limites de
l’examen ENMG sont inhérentes à la question spécifique
du diagnostic de compression nerveuse pudendale.
– D’abord, l’ENMG ne permet généralement pas
d’objectiver le site de compression, notamment si l’on se
contente de comparer les latences des réponses réflexes
sacrées recueillies dans différents muscles du plancher
périnéal. En effet, la situation est complexe et il est difficile
d’établir des corrélations électroanatomiques fiables pour
différentes raisons. Premièrement, il existe des variations
topographiques concernant la division du nerf pudendal en
ses différentes branches [1,14]. Ainsi le nerf rectal inférieur
peut être rapidement individualisé du tronc nerveux
pudendal et échapper à ses contraintes mécaniques,
expliquant des douleurs à projection périnéale antérieure
exclusive alors que le conflit est bien de localisation
proximale, au niveau de l’épine sciatique. En revanche, des
douleurs à projection exclusivement postérieure peuvent
être liées à une atteinte isolée du nerf rectal inférieur lors de
son émergence du canal d’Alcock. Deuxièmement, une
atteinte fasciculaire intraneurale peut expliquer une
symptomatologie limitée à une subdivision du territoire
tronculaire pudendal [15], par analogie aux atteintes
dissociées du tronc sciatique n’affectant que les fibres à
destinée fibulaire [16]. Troisièmement, un conflit situé au
niveau de l’épine sciatique va entraı̂ner une perte de
mobilité du nerf en aval et l’exposer à un conflit en position
assise dans le canal d’Alcock par écrasement sur le
prolongement falciforme du ligament sacrotubéreux sans
qu’il y ait pour autant une compression chronique associée
à ce niveau. Enfin, une compression proximale peut
retentir sur les latences distales simplement du fait de la
perte axonale induite par dégénérescence Wallérienne ;
– ensuite, les techniques utilisées n’évaluent que des
paramètres d’innervation motrice et ne renseignent donc
pas sur l’état de l’innervation sensitive. Or, dans le cas
d’un syndrome canalaire fréquent, le syndrome du canal
carpien, il a été montré que les anomalies sensitives
témoignaient plus précocement que les anomalies
motrices de la souffrance nerveuse liée à la compression
76
chronique [17,18]. L’absence de technique d’étude des
conductions sensitives pudendales aux sites de compression potentielle explique la sensibilité limitée de l’ENMG
périnéal pour le diagnostic du syndrome canalaire
pudendal ;
– enfin, l’innervation périnéale est soumise à de
nombreux facteurs lésionnels, notamment liés aux
manœuvres obstétricales, aux interventions chirurgicales
dans le petit bassin, aux troubles de la statique pelvienne,
ou à la constipation chronique. La plupart des anomalies
ENMG ne permettent pas de distinguer ces différents
types de lésion, témoignant d’une spécificité limitée de
l’ENMG dans le diagnostic de compression nerveuse
pudendale. Cela diffère à nouveau du cas du syndrome
du canal carpien, puisque les autres causes d’atteinte
isolée du nerf médian sont peu nombreuses et de
diagnostic différentiel aisé en fonction du contexte
clinique.
modifications de conduction nerveuse pendant le geste
opératoire qui soient significatives sur le plan fonctionnel.
De la même façon, l’ENMG ne permet pas d’objectiver
l’effet potentiellement bénéfique des infiltrations. Au
contraire, les infiltrations peuvent générer des anomalies
ENMG supplémentaires dans les jours qui suivent,
même en cas de soulagement antalgique. L’examen
ENMG devra dans tous les cas se faire avant ou plus de
six semaines après toute infiltration ou tout geste
chirurgical [20].
Au total, l’ENMG peut être utile pour étayer le
diagnostic, bien qu’il faille garder en tête l’existence
d’une sensibilité et d’une spécificité très imparfaites. Cet
examen est surtout indiqué pour faire le point sur l’état
de l’innervation pudendale motrice, par exemple avant
un geste invasif. Cependant, l’ENMG ne permet généralement pas de localiser précisément le site de compression et n’a, dans tous les cas, aucune utilité dans la
surveillance peropératoire.
Conclusion : intérêt de l’ENMG en cas de suspicion
de compression du nerf pudendal
Références
Donc, si l’on tient compte d’une sensibilité et d’une
spécificité limitées des techniques ENMG, et comme la
mise en évidence d’anomalies ENMG n’est pas corrélée
au phénomène douloureux et ne permet pas de localiser
avec précision le site de compression, on pourrait
raisonnablement se poser la question de savoir s’il
reste une place pour l’ENMG périnéal dans le bilan
diagnostique des névralgies périnéales liées à un possible
syndrome canalaire pudendal.
En fait, l’ENMG périnéal permet de conforter le
diagnostic de souffrance tronculaire dans certains cas,
notamment en mettant en évidence une asymétrie de
latence ou d’innervation, du même côté que les douleurs,
et non expliquée par une autre cause. Par ailleurs, il peut
être utile de faire un « état des lieux » de l’innervation
périnéale, surtout si une solution chirurgicale est
envisagée. L’ENMG permet en effet d’apprécier la
sévérité de la dénervation motrice dans le territoire du
nerf pudendal et il se pourrait que l’importance de la
dénervation ou de l’altération des conductions motrices
pudendales soit corrélée à un plus mauvais résultat
fonctionnel du geste de décompression chirurgicale.
Même si des paramètres ENMG restent à valider
comme critères prédictifs, il paraı̂t de bonne pratique
d’évaluer l’état de l’innervation périnéale préalablement
à une quelconque intervention, ces techniques de
neurolyse étant encore en évaluation [19].
En revanche, en aucun cas l’ENMG ne peut être utile à
l’évaluation peropératoire. En effet, les ralentissements
de conduction sont liés à des phénomènes de démyélinisation ou de perte axonale. Ces lésions mettront au
moins plusieurs semaines à se corriger [20]. Il est donc
impossible que la libération chirurgicale donne lieu à des
1. Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic
basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve.
Surg Radiol Anat 20: 93-8
2. Robert R, Bensignor M, Labat JJ, et al. (2004) Le
neurochirurgien face aux algies périnéales : guide pratique. Neurochirurgie 50: 533-9
3. Amarenco G (1992) Les explorations électrophysiologiques
périnéales. In: Pouget J (ed.) EMG 92. Acquisitions
récentes en électromyographie. Solal éditeurs Marseille,
pp. 182-200
4. Podnar S, Vodusek DB (2001) Protocol for clinical
neurophysiologic examination of the pelvic floor. Neurourol Urodyn 20: 669-82
5. Lefaucheur JP, Yiou R, Thomas C (2001) Pudendal nerve
terminal latency: age effects and technical considerations.
Clin Neurophysiol 112: 472-6
6. Amarenco G, Kerdraon J (2000) Clinical value of ipsi- and
contralateral sacral reflex latency measurement: a normative data study in man. Neurourol Urodyn 19: 565-76
7. Lefaucheur JP (2005) Intrarectal ground electrode improves the reliability of motor evoked potentials recorded in
the anal sphincter. Muscle Nerve 32: 110-2
8. Amarenco G, Kerdraon J (1999) Pudendal nerve terminal
sensitive latency: technique and normal values. J Urol
161: 103-6
9. Vardi Y, Gruenwald I, Sprecher E, Gertman I, et al. (2000)
Normative values for female genital sensation. Urology
56: 1035-40
10. Yarnitsky D, Sprecher E, Vardi Y (1996) Penile thermal
sensation. J Urol 156: 391-3
11. Campbell JN, Meyer RA (2006) Mechanisms of neuropathic pain. Neuron 52: 77-92
12. Longstaff L, Milner RH, O’Sullivan S, Fawcett P (2001)
Carpal tunnel syndrome: the correlation between outcome,
symptoms and nerve conduction study findings. J Hand
Surg [Br] 26: 475-80
13. Padua L, Padua R, Lo Monaco M, Aprile I, Tonali P (1999)
Multiperspective assessment of carpal tunnel syndrome: a
multicenter study. Italian CTS Study Group. Neurology
53: 1654-9
77
14. Mahakkanukrauh P, Surin P, Vaidhayakarn P (2005)
Anatomical study of the pudendal nerve adjacent to the
sacrospinous ligament. Clin Anat 18: 200-5
15. Gustafson KJ, Zelkovic PF, Feng AH, Draper CE, et al.
(2005) Fascicular anatomy and surgical access of the
human pudendal nerve. World J Urol 23: 411-8
16. Katirji B, Wilbourn AJ (1994) High sciatic lesion
mimicking peroneal neuropathy at the fibular head. J
Neurol Sci 121: 172-5
17. Jablecki CK, Andary MT, So YT, Wilkins DE, et al.
(1993) Literature review of the usefulness of nerve
conduction studies and electromyography for the
evaluation of patients with carpal tunnel syndrome.
AAEM Quality Assurance Committee. Muscle Nerve 16:
1392-414
18. Kuntzer T (1994) Carpal tunnel syndrome in 100 patients:
sensitivity, specificity of multineurophysiological procedures and estimation of axonal loss of motor, sensory and
sympathetic median nerve fibers. J Neurol Sci 127: 221-9
19. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2005) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal
neuralgia: a randomized controlled trial and long-term
evaluation. Eur Urol 47: 403-8
20. Rotman MB, Enkvetchakul BV, Megerian JT, Gozani SN
(2004) Time course and predictors of median nerve conduction after carpal tunnel release. J Hand Surg [Am] 29: 367-72
Pelv Perineol (2007) 2: 78–85
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0112-6
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Blocs anesthésiques pudendaux dans le cadre
de la névralgie pudendale par entrapment :
indications, techniques, interprétation
T. Riant 1 , J.-J. Labat 2,3 , R. Roger 2,3 , M. Guerineau 2,3
1
UETD M.-Bensignor, centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, 44200 Nantes, France
Clinique urologique ; 3 Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvi-périnéales, CHU de Nantes,
place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France
2
Résumé : Les blocs anesthésiques pudendaux ont une valeur
essentielle dans le cadre du diagnostic des névralgies
pudendales d’origine compressive. Dans un contexte
clinique évocateur, un bloc diagnostique positif est indispensable pour conforter le diagnostic alors qu’un bloc
négatif exclut ce diagnostic s’il est réalisé de façon correcte.
Cet article aborde les conditions d’interprétation du test, les
critères de positivité, de négativité, les différentes techniques
utilisées. Nous privilégions les infiltrations guidées par
l’imagerie (scanner), avec injection de produit de contraste
pour apprécier la diffusion du produit ; elles sont réalisées
dans un premier temps au niveau de l’épine sciatique
(ligament sacroépineux) puis dans un second temps au
niveau du canal d’Alcock (dédoublement de l’aponévrose du
muscle obturateur interne). Le bloc diagnostique a également un rôle thérapeutique, car il valide l’origine de la
douleur et participe à l’alliance thérapeutique. Il permet
également les injections de corticostéroı̈des à visée thérapeutiques, mais celles-ci n’ont jamais été évaluées.
Mots clé : Bloc anesthésique – Douleur – Infiltration –
Nerf pudendal – Névralgie – Syndrome du canal d’Alcock
Pudendal block in treating pudendal neuralgia
caused by pudendal nerve entrapment: indications,
techniques, interpretation
Abstract: Pudendal blocks are essential in the diagnosis of
pudendal neuralgia resulting from nerve compression. When
there is clinical suspicion of the disorder, a positive diagnostic
block is crucial in confirming the diagnosis, while a negative
result, when the technique is performed correctly, will exclude
the diagnosis. This article addresses how to interpret test
results, the criteria for positive and negative results, and the
various techniques used. We suggest image-guided (scanner)
infiltration, with the injection of a contrast agent to follow the
Correspondance : E-mail : [email protected]
diffusion of the anaesthetic. First, an infiltration is performed
into the ischial spine (sacrospinatus ligament), then into
Alcock’s canal (splitting of the aponeurosis of the obturator
internus muscle). The diagnostic block also plays a therapeutic role because it confirms the origin of the pain and
contributes to the therapeutic alliance. It also opens the way
for the therapeutic injection of corticosteroids, although their
effectiveness has not been investigated.
Keywords: Anaesthetic block – Pain – Infiltration –
Pudendal nerve – Neuralgia – Alcock’s canal syndrome
Introduction
La positivité immédiate aux blocs pudendaux constitue
un critère majeur du diagnostic de la névralgie pudendale par entrapment. Leur négativité est un critère
d’exclusion de ce diagnostic. Ces deux assertions rendent
compte de l’importance qu’il faut accorder à la réalisation du geste et surtout à son interprétation.
Pouvoir dire qu’un bloc est positif ou négatif
implique que l’on soit sûr de la technique utilisée et
que l’évaluation ait pu être réalisée rigoureusement.
Toutefois, soulignons que la positivité d’un bloc
anesthésique (hors problèmes techniques) signifie uniquement la possibilité d’une lésion ou d’un conflit en
aval au point de ponction, mais pas la nature de cette
lésion ou de ce conflit. La constatation d’un bloc
pudendal positif ne suffit pas en soi pour poser le
diagnostic de névralgie pudendale par entrapment.
D’emblée remarquons que les critères de positivité ou de
négativité des blocs ne sont pas symétriques. Ainsi, un bloc
réalisé exclusivement sous stimulodétection peut être
négatif sans que cela ne remette en cause le diagnostic. En
effet, le conflit peut être situé en amont du point de ponction
(stimulation au niveau de l’Alcock et conflit à l’épine). À
79
l’inverse, sous stimulodétection exclusive, un bloc positif
représente un argument fort en faveur d’une névralgie
pudendale (si les autres critères correspondent).
Nous exposerons ci-après les différentes techniques
utilisables en insistant sur les techniques scanoguidées avec
utilisation de produit de contraste qui nous semblent les
plus adaptées. Nous insisterons sur les contre-indications et
complications potentielles de tels gestes.
Auparavant nous établirons les critères d’interprétation de ces gestes.
Par ailleurs, nous n’aborderons pas la problématique du
traitement de la névralgie pudendale, même si les blocs en
font partie et si diagnostic et thérapeutique peuvent se
concevoir en un temps grâce à l’utilisation de solutions ad
hoc. Notons simplement que l’efficacité thérapeutique des
blocs corticoı̈des du nerf pudendal dans les névralgies n’a
jamais été évaluée. De même, nous n’aborderons pas les
différentes techniques pouvant être utiles dans le cadre de
cette pathologie que cela ne soit pour les diagnostics
différentiels ou associés (bloc musculaire et particulièrement
des muscles piriforme et obturateur interne, bloc des nerfs
ilio-inguinaux, cutané postérieur de la cuisse et obturateur,
bloc au niveau du système sympathique : Impar, hypogastrique supérieur et lombaire). Nous n’aborderons pas non
plus l’utilisation des blocs pudendaux dans d’autres circonstances comme en anesthésie proctologique ou obstétricale
comme cela a été proposé, il y a déjà très longtemps [1].
Enfin, last but not least, la réalisation de ces blocs
implique un consentement éclairé du patient. Entre autres,
la réalité de bloc diagnostique positif et de bloc thérapeutique négatif est une notion particulièrement difficile à faire
entendre au patient et parfois à ses médecins.
Il est difficile de terminer cette introduction sans
souligner le travail effectué dans ce domaine par le
regretté Maurice Bensignor [2] qui, s’il n’a pas inventé
toutes les techniques ci-après, les a formalisées et
expliquées à de nombreuses reprises.
Conditions d’interprétation d’un test
Dans le même esprit que l’établissement des critères
diagnostiques et d’évaluation de la névralgie pudendale,
les critères de positivité et de négativité ont été discutés
par un groupe d’expert multidisciplinaire à Nantes les 23
et 24 septembre 2006, puis en novembre 2006 à Nantes
lors de la réunion du groupe de travail spécifique sur les
douleurs pelvi-périnéales de la SFETD (Société française
d’étude et de traitement de la douleur) et enfin devant le
Club d’électrophysiologie périnéale.
Affirmer qu’un bloc pudendal à visée diagnostique est
positif signifie qu’il existe une pathologie (conflit, lésion,
dysfonctionnement) en aval du point de ponction du bloc.
Compte rendu détaillé de l’infiltration :
– au mieux, imageries avec utilisation de produit de
contraste.
Infiltration dans un lieu, ou sur une structure connue :
– repère anatomique (scanner) ;
– repère électrique moteur.
Le test doit d’abord être réalisé au
niveau de l’épine
Car il doit être réalisé à l’endroit le plus accessible et le plus
en amont des sources de conflits potentiels. La précision du
repère anatomique est au mieux affirmée par un scanner
avec injection d’un produit de contraste local.
– La qualité du test est prouvée par :
la bonne diffusion de la solution de contraste ;
la constatation d’une anesthésie du territoire
pudendal intéressé.
– Utilisation d’une solution comprenant des anesthésiques locaux. L’absence d’utilisation d’anesthésiques
locaux rend impossible l’évaluation immédiate de l’infiltration et donc ne permet pas de porter un diagnostic
topographique de la symptomatologie ;
– évaluation de la douleur en position assise pendant
cinq minutes avant et après (ou en fonction du temps
usuel d’apparition de la douleur).
La douleur est le principal, voire le seul symptôme de
la pathologie. Elle est classiquement non continue, voire
exclusivement positionnelle. Il convient donc d’évaluer
l’efficience en situation de contrainte usuelle du patient.
Il faut toutefois un minimum d’intensité douloureuse
avant la réalisation du bloc afin de rendre son évaluation
plus aisée par le patient et surtout plus fiable, justifiant
une EVA supérieure à 40/100 pour rendre le test
vraiment interprétable.
L’utilisation de l’échelle visuelle analogique est le moyen
le plus simple et le plus fiable chez nos patients (pas d’enfant
en bas âge, peu de grabataire pour d’autres raisons).
Qualité de l’évaluation :
– les EVA réalisées avant et après l’infiltration
doivent être réalisées et réalisables (compréhension...)
dans les conditions permettant l’expression de la
douleur. Cela contre-indique formellement la ré alisation
d’une anesthé sie gé né rale de complé ment pour exé cuter
ce type de geste.
Critères de positivité
Affirmer qu’un bloc pudendal à visée diagnostique est
positif signifie qu’il existe une pathologie (conflit, lésion,
dysfonctionnement) en aval de point de ponction du
bloc. Les critères retenus sont :
– Quand la douleur est supérieure ou égale à 40/100
avant l’infiltration : le bloc est considéré comme positif si :
Plus de 50 % d’amélioration de l’EVA ;
ou si gain de 40/100 ou plus (exemple de EVA
passant de 90 à 50).
– Quand la douleur est inférieure à 40/100 avant
l’infiltration : disparition de la douleur.
80
Significativité d’un bloc pudendal diagnostique positif
– Dans le cadre des critères diagnostiques de la
névralgie pudendale :
un test positif est en faveur du diagnostic de
névralgie pudendale isolée ou non ;
un effet placebo pourrait toujours se discuter.
– Hors cadre des névralgies pudendales typiques ;
un bloc diagnostique positif dans le ligament
sacroépineux ou au niveau du canal d’Alcock peut
également se voir dans les névralgies du cutané postérieur
de la cuisse, du nerf obturateur (infiltration Alcock), du
nerf glutéal inférieur étant donné la proximité de ses nerfs :
toute atteinte en rapport avec une pathologie
organique infraligament sacroépineux (par exemple
lichen, névromes, tumeurs, endométrioses...) peut également s’accompagner d’un bloc positif, d’où l’importance
de bien intégrer le geste au contexte clinique.
Critères de négativité
Significativité d’un bloc pudendal négatif interprétable
au niveau de l’épine sciatique :
– par définition, absence de névralgie pudendale au
sens des critères cliniques de Nantes (cf. article
correspondant) ;
– atteinte du nerf pudendal en amont du ligament
sacroépineux (canal sous-piriforme) ;
Critères d’ininterprétabilité d’un bloc pudendal négatif :
– test non réalisé au niveau de l’épine (intérêt de
l’imagerie) ;
– Absence d’utilisation d’anesthésiques locaux rapides (xylocaı̈ne, naropéı̈ne) ;
– Absence d’anesthé sie pé riné ale ;
– Absence d’é valuation immé diate du test (EVA), ou
évaluation non fiable ;
– douleur trop faible avant le test ;
– douleur débutant après une position assise de plus
de cinq minutes ou dans un laps de temps rendant son
évaluation irréalisable ;
– diffusion du produit de contraste de mauvaise qualité.
Blocs pudendaux
Les données peropératoires [3] révèlent deux zones de
conflits principales qui peuvent être isolées ou associées : au
niveau de l’épine sciatique lorsque le nerf rétrocroise le
ligament sacroépineux et/ou au niveau du canal d’Alcock,
c’est-à-dire, soit dans son trajet proximal et postérieur par le
biais du processus falciforme du ligament sacrotubéral, soit
au cours du trajet dans le canal d’Alcock.
C’est partant de ces constatations que nous pouvons
proposer différentes techniques de blocage.
Nous ne reviendrons pas sur le respect des contreindications absolues (cf. ci-après) et, en particulier sur
l’indispensable consentement éclairé du patient.
Fig. 1. Niveau des épines sciatiques sur un bassin de face
À l’é pine (Fig. 1)
Le bloc à l’épine, ou plus exactement au niveau du
ligament sacroépineux constitue à notre sens le premier à
réaliser en cas de suspicion de névralgie pudendale. Il
avait été proposé comme argument diagnostique dès les
années 1990 par Labat [4].
En effet, il s’agit de la zone principale et la plus
proximale de conflit dans le cadre de la névralgie
pudendale par entrapment. Un bloc négatif à l’épine ou
au niveau du ligament sacroépineux constitue un
argument en défaveur d’une névralgie pudendale.
Techniques
Plusieurs techniques ont été proposées.
Sous fluoroscopie (Fig. 2)
Décrite pour la première fois par Schmidt [5] et modifiée
par Bensignor.
Le patient est en trois quarts décubitus ventral afin de
bien dégager l’épine sciatique qui est habituellement
individualisable. L’aiguille est introduite perpendiculairement et dirigée vers l’extrémité interne de l’épine
qu’elle touche. L’aiguille est alors retirée sur 1 cm et
réintroduite plus médialement, elle est enfoncée pour
traverser le ligament sacroépineux dont on notera la
consistance et l’épaisseur.
Après vérification de l’absence d’effraction vasculaire
par aspiration, la solution comprenant des anesthésiques
locaux est injectée au retrait de l’aiguille.
Les avantages de la technique sont son faible coût, sa
relative innocuité (risque de perforation rectale et traumatisme du nerf sciatique néanmoins), sa facilité de réalisation.
Les inconvénients de la technique sont surtout représentés par son manque de précision qui associée aux
variations anatomiques peut être responsable de faux
négatifs.
81
Fig. 2. Infiltration à l’épine sciatique. À gauche ES = épine sciatique ; à droite : aiguille en place à la pointe de l’épine
Fig. 3. Infiltration des ligaments sacroépineux. A gauche : extrémités aiguilles dans les ligaments sacroépineux ; A droite solution de contraste
moulant les ligaments sacroépineux
Sous neurostimulation
Certains [6] ont proposé l’utilisation de neurostimulation afin de mieux localiser le nerf pudendal.
Si la valeur du test en cas de positivité du test est
indiscutable, une négativité n’apporte que fort peu de
renseignement.
La technique habituelle se réalise sur un patient en
décubitus ventral.
Elle peut se faire par voie transvaginale, mais est dans ce
cas peu aisée chez certains patients (homme par exemple).
En outre, s’agissant de douleurs périnéales survenant
fréquemment dans un contexte d’hypersensibilisation locale
ou locorégionale, il n’est pas évident que le geste lui-même
soit exempt de complication (récurrence d’un syndrome de
stress posttraumatique par exemple) ou d’inconfort perturbant la réalisation et l’interprétation du test.
Sous échographie
Décrite récemment, cette technique permettrait selon les
auteurs, une bonne reconnaissance topographique au
niveau de l’épine [7]. Cela pourrait constituer une alternative
intéressante à l’utilisation du scanner au moins en utilisation
diagnostique des infiltrations pudendales.
Sous scanner (Fig. 3)
C’est la technique de référence, décrite pour la première
fois par Mac Donald [8], le patient est en décubitus
ventral [9], on repère la coupe horizontale sur laquelle
les épines sont les plus grandes [10] (de telle façon à voir
le bout distal interne de l’épine). On distingue alors le
ligament sacroépineux. L’aiguille est introduite au niveau
de la moitié externe de ce dernier qu’elle pénètre.
Une injection test d’anesthésique local et de produit
de contraste est alors effectuée afin de confirmer le bon
positionnement de l’aiguille et la bonne diffusion du
produit qui va mouler le ligament sacroépineux formant
une lentille biconvexe oblique en haut et en dedans
(patient en décubitus ventral).
Les avantages de la technique sont représentés par sa
sûreté (traumatisme du nerf sciatique exceptionnel,
82
bonne vision du rectum, moindre effraction vasculaire
du paquet pudendal qui est souvent situé très proche de
l’extrémité de l’épine), par la réalisation d’une iconographie permettant de juger de la diffusion de la solution
et donc de la qualité du geste lui-même.
La diffusion du produit sur l’intégralité du ligament
sacroépineux améliore notablement la sensibilité de la
technique (seuls les nerfs pudendaux rétrocroisant
l’épine et non le ligament sacroépineux échappent à la
solution). La spécificité en pâtit un peu : bloc associé du
nerf cutané postérieur de la cuisse, voire bloc du
ganglion IMPAR (dernier ganglion de la chaı̂ne sympathique prévertébrale situé juste en avant de la région
sacrococcygienne).
Les inconvénients sont représentés par le coût de la
technique qui utilise un temps scanner, un temps
médecin incompatible avec la nomenclature actuelle.
À ce propos, la technique idéale qui associerait
scanner et stimulodétection imposerait un coût double
au précédent, ce qui transforme son utilisation en
pratique en vœu pieux.
Limites
Les limites propres de la technique de blocage au niveau
du ligament sacroépineux sont essentiellement en
rapport avec son manque de spécificité.
Toutefois, la valeur prédictive négative d’un tel bloc
réalisé sous scanner avec utilisation de produit de contraste
est bonne et justifie son utilisation en première intention.
La valeur prédictive positive est limitée par le manque de
spécificité qui ne fera pas la part des choses entre nerf
pudendal, nerf cutané postérieur de la cuisse, nerf du muscle
obturateur interne, ganglion IMPAR, voire nerf obturateur
(surtout si infiltration réalisée sous scopie) [11].
Enfin, les risques propres de ce type de bloc sont la
ponction des vaisseaux pudendaux, mais surtout iliaques, par le traumatisme du nerf sciatique ou à un degré
beaucoup moins grave par son anesthésie transitoire
responsable d’un risque de chute dans les suites
immédiates du bloc.
Au canal d’Alcock (Fig. 4)
Fig. 4. Hauteur de la coupe horizontale à effectuer pour l’infiltration
du canal d’Alcock : ligne passant par la moitié des trous obturateurs
Par définition ce type de bloc se réalise exclusivement
sous scanner, utilisation de produit de contraste le plus
souvent, au mieux en couplant avec une stimulodétection
(cf. remarques ci-dessus). On comprend que si le but est
d’injecter le canal d’Alcock, seules les techniques
permettant de le visualiser sont justifiées.
Fig. 5. Infiltration du canal d’Alcock : à gauche aiguille en position dans la partie proximale du canal d’Alcock. À droite solution radio-opaque
diffusant au bord interne du muscle obturateur interne moulant le canal d’Alcock
83
Technique (Fig. 5)
Sous scanner, le patient est en décubitus ventral, on
repère les trous obturateurs et l’on effectue une coupe
passant par le milieu de ces derniers. Sur la coupe, on
repère le muscle obturateur interne, sa poulie de
réflexion. L’aiguille est alors introduite au niveau de la
partie supérieure, pelvienne, et le plus interne possible
du muscle obturateur interne.
Une dose test de solution contrastée est alors injectée
afin de vérifier la diffusion de cette dernière qui va mouler le
bord interne de la partie pelvienne du muscle obturateur
interne.
Limites
La situation la plus fréquemment rencontrée, en particulier en cas de non-utilisation de contraste est celui
d’une infiltration de la fosse ischiorectale. On comprend
alors que le bloc puisse être négatif en cas de névralgie
pudendale.
L’autre limite est liée à la diffusion du produit dans le
muscle lui-même et/ou trop en antérieur, ce qui rend
l’interprétation d’une positivité du bloc peu aisée. En
effet, une telle infiltration procure un bloc du pudendal,
une anesthésie du muscle obturateur interne, voire un
bloc du nerf obturateur (qui court à la face externe de la
partie endopelvienne du muscle obturateur interne).
Une critique souvent opposée à ce type de bloc
concerne les variations anatomiques du nerf pudendal
dans le passage du canal d’Alcock, en particulier la
hauteur et la direction de ce canal. Notre expérience
montre en fait que la solution diffuse sur toute la face
interne du muscle obturateur interne de sa partie
supérieure à sa partie inférieure.
Elle pose le problème du mode de réalisation de ces
blocs, qui à notre sens doivent être au minimum réalisés
en présence d’un membre de l’équipe soignante.
Trouble de la crase
Bien entendu les troubles de la crase sanguine iatrogène
ou non constituent une contre-indication formelle à la
réalisation de ces blocs.
Infection cutané e ou gé né ralisé e
L’infection de la zone de ponction et plus généralisée
(surtout en cas d’utilisation concomitante de corticoı̈des) est
une contre-indication absolue à la réalisation de tels gestes.
Allergie
L’allergie, en particulier aux produits de contraste
constitue évidemment une contre-indication à leur
emploi, mais pas à l’infiltration diagnostique qui pourrait être réalisée, soit à l’aide d’un neurostimulateur (en
couplant la TDM), soit en s’aidant de microbulles d’air
pour affirmer le bon positionnement de l’aiguille.
L’allergie aux anesthésiques locaux est exceptionnelle,
mais pose alors de réels problèmes. Une alternative serait
l’utilisation de péthidine.
Diabè te et HTA
Il s’agit ici d’une contre-indication relative qui est plus
en rapport avec l’usage des corticoı̈des dans la solution et
est donc hors de notre présent propos.
Impossibilité d’é valuer
Contre-indications
Les contre-indications sont classiques de toutes infiltrations.
Information
L’information préalable, des buts, moyens et risques est
un préalable indispensable qui va bien au-delà de la
simple précaution légale ou éthique.
En effet de ces explications, dépendra la qualité de
l’évaluation immédiate qui est le motif principal de
réalisation de ce geste.
En outre, s’agissant de patients aux douleurs chroniques particulièrement invalidantes, particulièrement
illégitimes (non visualisables sur les examens) le bloc
diagnostique est en soi un geste thé rapeutique.
Il permet de renforcer l’alliance patient–soignant, et
surtout de valider sa plainte. Cette étape de validation de
l’origine périphérique de la plainte est fondamentale
dans la prise en charge.
L’impossibilité d’évaluer l’efficacité immédiate du bloc
réalisé constitue à l’évidence une contre-indication à son
utilisation en tant que bloc diagnostique.
Cette impossibilité peut avoir différentes origines : en
particulier l’absence de douleur le jour de l’infiltration,
ou la communication peu aisée.
Complications
Traumatisme du nerf pudendal, voire du nerf
sciatique ou de nerf obturateur
Une pénétration douce et prudente de l’aiguille, un arrêt
d’injection en cas de douleurs fulgurantes sont les
meilleures garanties d’une absence de lésions définitives.
En revanche, se pose le problème de l’éventuelle toxicité
des anesthésiques locaux utilisés. Nous savons que cette
toxicité est directement en rapport avec la concentration in
situ du produit et temps d’exposition du nerf à ce produit.
84
Cet aspect rend prudent quant à l’utilisation de solution
fortement concentrée (type xylocaı̈ne à 2 % ou plus).
Il existe une possibilité de compression nerveuse par
hématome (cf. infra).
Effraction vasculaire
Il a été décrit des hématomes [12] importants de la fesse [13]
ou du rétropéritoine [14] lors de la réalisation de blocs
pudendaux, ce qui impose le respect des contre-indications
concernant les troubles de la crase sanguine et rappelle la
sécurité que procure le scanner sur les autres techniques.
Infection
Les infections [15–18] peuvent avoir deux origines :
– défaut d’asepsie lors de la réalisation du geste ou
non-respect des contre-indications ;
– effraction de la barrière digestive particulièrement
lors de la réalisation du geste « en aveugle » sans scanner.
Incontinence
La réalisation de blocs pudendaux bilatéraux peut être à
l’origine d’une incontinence [19–21] particulièrement
urinaire [22] par altération transitoire de la tonicité
volontaire [23–24]. Cela impose de recommander au
patient de vider la vessie avant la réalisation de tels blocs.
Anesthé sie sciatique
La possibilité d’une anesthésie sciatique [25] particulièrement lors de la réalisation de blocs au niveau de l’épine
sciatique impose de prévenir le risque de chute pendant
les heures qui suivent et d’interdire la conduite automobile pendant ce même laps de temps.
Cela justifie, comme le point précédent, l’utilisation
d’anesthésiques locaux de courtes durées d’action (lidocaı̈ne).
Surdosage en anesthé siques locaux
Cela ne concerne pas les blocs diagnostiques dans la
mesure où les doses utilisées sont faibles [26].
Conclusion
Les blocs pudendaux anesthésiques sont d’une importance capitale dans le diagnostic de névralgie pudendale
même s’ils n’en représentent qu’une étape qui survient
après un démembrement clinique qui est fondamental.
Par-delà leur rôle dans le diagnostic, ils sont en soi
thérapeutiques en tant que validation de l’origine
périphérique des douleurs.
Ils pâtissent du fait que leur réalisation impose le plus
souvent l’utilisation de scanner et requiert un temps
d’utilisation machine et un temps médecin dont le moins
que l’on puisse en dire est qu’ils ne sont pas honorés à
leur juste prix par la nomenclature actuelle.
Ils imposent le respect de règles rigoureuses dans leur
réalisation et leur interprétation afin d’apporter le
maximum de renseignements.
Enfin, ils nécessiteraient une évaluation plus scientifique, en particulier concernant la concordance anatomoclinique.
Références
1. Kimball CD (1950) Pudendal block. Trans Pac Coast Obstet
Gynecol Soc 18: 168–75
2. Bensignor-Le Henaff M, Labat JJ, Robert R, et al. (1991)
Douleur périnéale et souffrance des nerfs honteux internes. Agressologie 32: 277–9
3. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2005) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal
neuralgia: a randomized controlled trial and long-term
evaluation. Eur Urol 47: 403–8
4. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, Buzelin JM (1990) Les
névralgies du nerf pudendal (honteux interne). Considérations anatomocliniques et perspectives thérapeutiques. J
Urol (Paris) 96: 239–44
5. Schmidt RA (1989) Technique of pudendal nerve localization for block or stimulation. J Urol 142: 1528–31
6. Bolandard F, Bazin JE (2005) Nerve stimulator guided
pudendal nerve blocks. Can J Anaesth 52: 773 ; author
reply 773–4
7. Kovacs P, Gruber H, Piegger J, Bodner G (2001) New, simple,
ultrasound-guided infiltration of the pudendal nerve: ultrasonographic technique. Dis Colon Rectum 44: 1381–5
8. McDonald JS, Spigos DG (2000) Computed tomographyguided pudendal block for treatment of pelvic pain due to
pudendal neuropathy. Obstet Gynecol 95: 306–9
9. Abdi S, Shenouda P, Patel N, et al. (2004) A novel technique
for pudendal nerve block. Pain Physician 7: 319–22
10. Choi SS, Lee PB, Kim YC, et al. (2006) C-arm-guided pudendal
nerve block: a new technique. Int J Clin Pract 60: 553–6
11. Obach J, Aragones JM, Ruano D (1983) The infrapiriformis
foramen syndrome resulting from intragluteal injection. J
Neurol Sci 58: 135–42
12. Bazan Sosa T, Alvarado Duran A (1968) [Vascular lesions
as paracerival and pudendal block complications]. Ginecol
Obstet Mex 23: 649–57
13. Augustin P, Daluzeau N, Dujardin M, et al. (1984)
[Hematoma of the pyramidal muscle. A complication of
anticoagulant treatment]. Rev Neurol (Paris) 140: 443–5
14. Kurzel RB, Au AH, Rooholamini SA (1996) Retroperitoneal hematoma as a complication of pudendal block.
Diagnosis made by computed tomography. West J Med
164: 523–5
15. Wenger DR, Gitchell RG (1973) Severe infections following
pudendal block anesthesia: need for orthopaedic awareness. J Bone Joint Surg Am 55: 202–7
16. Qvigstad E, Jerve F (1980) Severe infection following
pudendal anesthesia. Int J Gynaecol Obstet 18: 385–6
17. Rilling GJ (1950) Ischio-anal abscess due to faulty
technique of pudendal block in obstetrics. Am J Surg
79: 186–8
18. Svancarek W, Chirino O, Schaefer GJ, Blythe JG (1977)
Retropsoas and subgluteal abscesses following paracervical and pudendal anesthesia. JAMA 237: 892–4
19. Matzel KE, Schmidt RA, Tanagho EA (1990) Neuroanatomy of the striated muscular anal continence mechanism.
85
Implications for the use of neurostimulation. Dis Colon
Rectum 33: 666–73
20. Kim J, Lee DS, Jang SM, et al. (2005) The effect of
pudendal block on voiding after hemorrhoidectomy. Dis
Colon Rectum 48: 518–23
21. Thind P, Lose G (1992) The effect of bilateral pudendal
blockade on the static urethral closure function in healthy
females. Obstet Gynecol 80: 906–11
22. Gray HO, Lapides J, Rawling JC (1956) Function of striated
muscles in control of urination. I. Effect of pudendal
block. Surg Forum 6: 611–2
23. Frenckner B, Euler CV (1975) Influence of pudendal
block on the function of the anal sphincters. Gut
16: 482–9
24. Gabrielli F, Cioffi U, Chiarelli M, et al. (2000) Hemorrhoidectomy with posterior perineal block: experience
with 400 cases. Dis Colon Rectum 43: 809–12
25. De La Cuadra-Fontaine JC, De Tran QH (2006) Pudendal
nerve extension of a sciatic nerve block. Reg Anesth Pain
Med 31(2): 185–6
26. Dutton WA (1955) Convulsions following pudendal block
by lidocaine. Lancet 269: 1368–9
Pelv Perineol (2007) 2: 86–91
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0113-5
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Chirurgie de la névralgie pudendale par voie transglutéale
M. Khalfallah 1 , J.-J. Labat 2 , R. Robert 3 , T. Riant 3 , M. Guérineau 2 , R. Richardson 1 , C. Deschamps 3
1
Département de neurochirurgie, centre hospitalier Côte Basque, Bayonne, France
Clinique urologique, CHU Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, France
3
Service de neurotraumatologie, CHU Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, Nantes, France
Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvipérinéales du CHU de Nantes, France
2
Résumé : Le traitement chirurgical de la névralgie
pudendale est proposé en cas d’échec des traitements
« conservateurs » (médicaments de la douleur neuropathique, infiltrations du nerf pudendal, kinésithérapie).
L’indication opératoire impose qu’au moins un bloc
anesthésique du nerf pudendal ait été positif. L’approche
transglutéale permet de visualiser toutes les zones de
conflit pouvant être observées au niveau du canal souspiriforme, au niveau de la pince ligamentaire entre
ligament sacrotubéral et sacroépineux et au niveau du
canal pudendal d’Alcock. Elle permet une libération et
une transposition du nerf, permettant de lui redonner
liberté et mobilité. Cette chirurgie est « sûre » et permet
d’améliorer de façon significative deux tiers des patients.
L’âge en est le facteur pronostique essentiel. Un
protocole randomisé a permis de valider la libération
chirurgicale du nerf pudendal par abord transglutéal,
c’est la seule méthode thérapeutique validée dans ce
domaine. L’installation en position génupectorale et la
neurotomie du nerf du muscle obturateur interne sont
deux évolutions techniques qui pourraient permettre
d’en améliorer les résultats.
Mots clés : Douleur pelvienne – Nerf pudendal –
Neurochirurgie – Névralgie – Sydrome canalaire –
Syndrome du canal d’Alcock
Transgluteal decompression of the pudendal nerve
Abstract: The surgical treatment of pudendal neuralgia
is considered when conservative treatments, such as
neuropathic pain medication, pudendal nerve infiltration, and physical therapy, fail. The indication for
surgery depends on at least one positive result of
pudendal block. The transgluteal approach makes it
possible to see all the conflicting areas visible at the subpiriform canal, pince ligamentaire – between the
sacrotuberal ligament and sacrospinatus ligament – and
Correspondance : E-mail : [email protected]
pudendal canal. It allows the release and transposition
of the nerve, restoring its freedom and mobility. This
surgical procedure is safe and significantly improves the
condition of two-thirds of patients. Age is an important
prognostic factor. A randomized study has validated the
surgical release of the pudendal nerve by transgluteal
approach; it is the only treatment method that has been
validated for this disorder. Performing the procedure in
knee-chest position and the neurotomy of the obturator
internus muscle nerve are two technical advancements
that can improve outcome.
Keywords: Pelvic pain – Pudendal nerve – Neurosurgery –
Neuralgia – Tunnel syndrome – Alcock’s canal syndrome
Ces vingt dernières années ont été à l’origine d’un
important développement du cadre nosologique des
douleurs périnéales chroniques [1]. Le caractère neurologique de certaines douleurs et leur localisation dans
le territoire innervé par le nerf pudendal ont permis
d’identifier le tableau de névralgie pudendale et d’en faire
un syndrome canalaire [2].
Données anatomiques
Le nerf pudendal naı̂t à la face antérieure du sacrum de la
racine S3, et d’anastomoses S2-S4, il forme la branche
terminale du plexus honteux. Il quitte la région
endopelvienne en passant sous le muscle piriforme. Il
présente des rapports de contiguı̈té à ce niveau de type
musculaire mais également nerveux et plus particulièrement avec le nerf du muscle obturateur interne et le nerf
glutéal inférieur mais également avec le tronc du nerf
ischiatique et cutané postérieur de la cuisse. La
convergence des différents éléments nerveux à ce niveau
et une meilleure connaissance des différentes cibles
sensitives et motrices ont permis de mieux comprendre
87
la richesse des symptômes observés et les difficultés
initialement rencontrées pour déterminer un cadre
nosologique précis. Par ses branches collatérales le nerf
pudendal assure l’innervation motrice du sphincter
externe de l’anus, du releveur de l’anus, des muscles
bulbocaverneux et ischiocaverneux, du muscle transverse superficiel du périnée, du muscle transverse
profond du périnée, du sphincter externe de l’urètre.
Son territoire sensitif inclut la peau de la région anale, la
partie postérieure du scrotum, la muqueuse urétrale et le
bulbe du pénis. Chez la femme, il innerve les grandes
lèvres, le méat urétral externe, le vestibule vaginal. Enfin,
le nerf dorsal de la verge donne les rameaux sensitifs
pour la peau du pénis et du gland. Le nerf dorsal du
clitoris donne les rameaux sensitifs au clitoris [3]. La
possibilité d’une compression de ce nerf a été initialement suggérée par la constatation d’anomalies électrophysiologiques périnéales chez ces patients [4,5].
La mise en évidence de plusieurs zones de conflits :
dans le canal sous-piriforme, au niveau de la pince
ligamentaire (entre le ligament sacroépineux et le
ligament sacrotubéral) et dans le canal d’Alcock au
sein du dédoublement du fascia du muscle obturateur
interne [6] éclaire les mécanismes lésionnels et s’accorde
sur le fait que le nerf est la victime d’un conflit direct
dans son trajet pelvien. Les zones de conflits se révèlent
multiples et s’étendent de son émergence sous le muscle
piriforme jusqu’au niveau des organes cibles. Les zones
de conflits les plus souvent observées vont de son
émergence sous le muscle piriforme jusqu’à sa sortie du
canal d’Alcock. La participation de la pince ligamentaire
(sacroépineux–sacrotubéreux) est incontestable mais se
révèle inconstante.
Données thérapeutiques
L’hypothèse d’une souffrance neurogène d’origine
compressive est maintenant acquise. Ce syndrome est
actuellement reconnu et ne cesse de s’affiner dans sa
définition clinique depuis les formes typiques jusqu’à
certaines formes considérées comme atypiques. Le diagnostic repose sur le territoire douloureux, le caractère
neurologique de la douleur exacerbée ou provoquée par la
position assise, la normalité de l’examen clinique et de
l’imagerie pelvienne et lombosacrée. La positivité des
blocs anesthésiques réalisés au voisinage du nerf pudendal permet, définitivement le diagnostic de névralgie
pudendale sur syndrome canalaire [7].
Le traitement médical doit être tenté en première
intention. Il associe un traitement médicamenteux, des
infiltrations locales (anesthésiques locaux pour le bloc
diagnostique et corticoı̈des pour un bloc éventuellement
thérapeutique) [8], et une kinésithérapie spécifique. La
prise en charge doit être d’emblée pluridisciplinaire et ne
surtout pas ignorer le retentissement psychologique de
ces douleurs qui évoluent sur de nombreuses années.
Cette prise en charge permet d’améliorer de manière
significative 70 % des patients [3]. Trente pour cent
des patients restent en échec et se voient proposer
une intervention chirurgicale de libération du nerf
pudendal.
La prise en charge chirurgicale doit également être
envisagée dans un encadrement pluridisciplinaire. Elle
est vécue par les patients comme le dernier recours.
L’amélioration est le plus souvent différée et progressive
sur une année. Durant cette période l’encadrement
médical est indispensable. Ce dernier doit pouvoir
renforcer le traitement et entreprendre de nouvelles
approches palliatives en cas d’échec du traitement
chirurgical (30 % des cas).
Différentes voies d’abord chirurgicales
Depuis la chirurgie princeps proposée par Robert en 1989
[9], différentes voies d’abord chirurgicales ont été
décrites, la voie transglutéale, la voie transpérinéale, et
la voie transvaginale. Leurs différences dépassent le
simple niveau technique et mérite d’être clarifiées.
Voie transvaginale [10]
Elle aborde cette pathologie sur un versant uniquement
ligamentaire. Le ligament sacroépineux est sectionné. Il
n’y a pas de libération du nerf ni de dissection à proximité
du nerf. Le canal d’Alcock n’est pas visualisé. Son entrée
est identifiée et le canal est exploré au doigt. À aucun
moment le nerf n’est visualisé et ne peut donc être libéré
des autres formes de conflits. Les résultats publiés
apparaissent cependant globalement superposables à ceux
de la voie transglutéale, mais n’ont jamais été randomisés.
Voies transgluté ale et para-ischiorectale
Elles sont axées sur le nerf qui est la victime du ou des
conflits. Elles abordent donc cette pathologie telle qu’est
habituellement traitée la pathologie nerveuse conflictuelle (nerf médian, nerf cubital). L’expérience montre
qu’il est indispensable de voir le nerf de manière à palier
les variations anatomiques (trajet transligamentaire) qui
exposent le nerf au risque de lésion. Visualiser le nerf
permet de vérifier son état et de le libérer de conflits qui
sont le plus souvent multiples.
Voie para-ischiorectale [9,11]
Elle aborde le nerf par sa portion distale dans la graisse
pararectale à la recherche de la branche rectale du nerf
pudendal. Ce dernier sert ensuite de guide pour poursuivre la libération du nerf dans le canal d’Alcock.
88
Au-delà, la profondeur des structures ne facilite pas une
section contrôlée du ligament sacroépineux et l’exploration du canal sous-piriforme. Certains auteurs continuent à utiliser la voie para-ischiorectale. Cependant,
leurs indications chirurgicales (l’incontinence anale,
urinaire, les troubles de l’érection…) sont le sujet de
controverses. Les résultats sur la douleur sont difficiles à
interpréter et il semble que la population ciblée soit assez
différente des névralgies pudendales invalidantes et
rebelles [12].
Voie transgluté ale
Elle est d’accès plus aisé [6]. Elle permet une analyse,
plan par plan, des différentes structures pouvant être à
l’origine de conflit avec le nerf. Seule cette approche
explore une participation du ligament sacrotubéreux
dans le conflit. Ce dernier peut être très épais et
compressif pour le nerf. Il présente une extension
falciforme qui est parfois la seule source de conflit. Le
ligament falciforme est individualisé très précocement,
en regard de l’épine. Il refoule le nerf en dehors. Par sa
face inférieure acérée, il peut avoir une action irritante
sur le nerf dans le canal d’Alcock.
Après la section du ligament sacrotubéral, le nerf est
visualisé de son émergence du canal sous-piriforme
jusqu’à son entrée dans le canal d’Alcock. Le nerf est
alors le guide principal. On peut apprécier la qualité du
nerf (sténosé, dissocié, entouré de veines, inflammatoire,
dégénéré) et en déduire un facteur pronostique. Dans son
trajet sous le muscle piriforme, il existe souvent des
adhérences importantes que l’on clive aisément. On
poursuit la libération du nerf à la face dorsale du
ligament sacroépineux. À ce niveau, 15 % des patients
opérés peuvent présenter des conflits non liés à la pince
ligamentaire. Il peut s’agir de conflits vasculaires avec de
véritables empreintes artérielles ou de paquets variqueux
volumineux enveloppant le nerf [3]. On observe parfois
des trajets dans un dédoublement du ligament sacroépineux ou une différenciation de type musculaire du
ligament avec un nerf emprisonné dans un faisceau de
fibres. L’ensemble de ces variantes anatomiques ne peut
pas être identifié avant l’invention. Elles augmentent le
risque de léser le nerf et sont peut-être à l’origine de
certains échecs lors du choix d’une approche chirurgicale
qui ne permet pas d’identifier le nerf.
Dans le canal d’Alcock, la position opératoire en
décubitus ventral simple ne permet pas de visualiser le
nerf après son entrée dans le canal d’Alcock. La
libération était jusqu’alors effectuée par digitoclasie en
l’absence de contrôle visuel du nerf dans cette région.
Toutefois, la libération permet d’explorer au doigt la face
médiale et la face latérale du nerf.
Le ligament sacroépineux est ensuite sectionné et le
nerf libéré de tout conflit est transposé en dedans de
l’épine sciatique, dans la graisse pararectale.
Résultats de l’approche transglutéale
et facteurs pronostiques
Cette approche reste incontestablement la seule voie qui
aborde cette pathologie en cherchant à individualiser « le
conflit nerveux » et surtout à libérer le nerf. Deux tiers
des patients perçoivent une amélioration (gain de trois
points sur l’échelle Eva) dont 44 % s’estiment très
améliorés ou guéris (gain > 5 points EVA) [3,6].
Cependant, un tiers des patients ne perçoivent aucune
amélioration malgré la constatation peropératoire et la
libération de conflits importants.
La libération-transposition du nerf pudendal par
abord transglutéal est actuellement la seule voie dont le
bénéfice a pu être démontré par une étude prospective
randomisée [13]. Celui-ci, réalisé chez des patients de
moins de 70 ans, montre l’apport de la chirurgie puisqu’à
un an ; 10 sur 14 patients opérés sont améliorés de façon
significative contre 1 sur 15 dans le groupe témoin. Les
bons résultats se maintiennent à quatre ans.
Une thèse rétrospective [14] portant sur 158 patients
et 238 nerfs opérés a recherché des facteurs prédictifs du
résultat. Les principaux facteurs pronostiques des
résultats de la chirurgie sont avant tout l’âge, avec un
facteur péjoratif après 70 ans et une nette amélioration
des résultats avant 50 ans. Les autres facteurs prédictifs
sont : la durée des symptômes (péjoratif au-delà de
7 ans), la notion de traumatisme déclenchant, l’aspect
du nerf en peropératoire. Ne sont pas considérés comme
prédictifs : le sexe, le caractère uni- ou bilatéral de la
symptomatologie, l’intensité de la douleur préopératoire.
Les valeurs de latence distale supérieure à huit millisecondes sont de pronostic péjoratif sans que cela soit
significatif. Le traitement des lésions à l’épine où le
nerf est bien visualisé est de bon pronostic. En revanche,
la mise en évidence des lésions au canal d’Alcock où le
nerf n’est pas visualisé (traitement effectué par digitoclasie) n’est pas corrélée à une amélioration chez ces
patients. Au contraire, la présence de lésions au canal
d’Alcock se révèle de mauvais pronostic chez les patients
opérés.
Cette étude conforte la nécessité de voir le nerf pour
corriger au mieux les conflits. Elle montre l’effet
bénéfique apporté par la libération du nerf en regard
de l’épine sciatique. Elle confirme la possibilité de
plusieurs zones de conflits sur le trajet du nerf. Enfin,
la digitoclasie se révèle insuffisante pour corriger les
facteurs de conflits au niveau du canal d’Alcock.
Améliorations techniques récentes
Dans l’objectif d’une meilleure décompression distale du
nerf, deux modifications techniques à la voie transglutéale ont été apportées : la position génupectorale et la
dénervation du muscle obturateur interne [15].
89
Fig. 1.
Fig. 2. A) Après section du ligament sacro-tubéreux (LST), le nerf pudendal (NP) est exposé à son émergence par le canal sous piriforme (étoile)
puis à la face dorsale du ligament sacro-épineux (LES) ; B) Le canal d’Alcock (CA) est complètement ouvert. Le nerf pudendal (NP) donne ses
collatérales à destinés rectale (NRI) et périnéale profonde qui quittent le CA
La bascule du bassin ainsi obtenue par la position
génupectorale (Fig. 1) optimise la vision de la partie
distale du canal d’Alcock. Ainsi le nerf est libéré de son
émergence sous le muscle piriforme jusqu’à sa sortie du
canal d’Alcock. Elle est actuellement la seule voie qui
permette un contrôle visuel du nerf sur l’ensemble de son
trajet pelvien (Fig. 2). Le canal d’Alcock est alors ouvert
largement sous contrôle visuel. Les ramifications du
nerf pudendal sont libérées de toutes contraintes
fibreuses et suivies jusqu’à leur sortie du canal d’Alcock.
On peut également analyser et traiter au mieux un rôle
compressif l’aponévrose du muscle obturateur interne.
Les conflits dans le canal d’Alcock (présents dans moins
de 30 % des cas en position ventrale [6]) deviennent
quasi constants en position génupectorale et confirment
la nécessité du contrôle visuel pour traiter au mieux les
conflits.
La position génupectorale se révèle être la position
idéale pour cette chirurgie. Cette nouvelle installation en
simulant en partie la position assise (qui habituellement
renforce la douleur de ces patients) rend mieux compte
des conflits positionnels. Les conflits au niveau de l’épine
passent de 42 % (en position ventrale simple [6]) à 80 %.
L’innocuité de la dénervation du muscle obturateur
interne a été testée préalablement par les injections de
toxine botulique. Elle est effectuée dans l’objectif de
diminuer définitivement la pression dans le canal
d’Alcock par l’amyotrophie qu’elle entraı̂ne. Le nerf est
recherché sur la face dorsale et latérale du ligament
sacroépineux. Sa stimulation peropératoire est confirmée
de visu par une contraction du muscle obturateur
interne. L’identification du nerf reste malheureusement
inconstante. Cette dénervation n’entraı̂ne pas de conséquence fonctionnelle, au niveau moteur (compensation
90
Fig. 3. Amyotrophie du muscle obturateur interne gauche
par les autres pelvitrochantériens) ou de nouvelle
douleur. Cette amyotrophie est confirmée par les
examens d’imagerie (Fig. 3).
Les sections ligamentaires nécessaires à la libération
chirurgicale du nerf pudendal (ligament sacrotubéral et
sacroépineux) n’ont pas de caractère iatrogène. Des
études sur le cadavre n’ont pas montré de modification
significative des mobilités pelviennes avant et après
section de ces ligaments. La notion de dysfonction de la
sacro-iliaque secondaire parfois évoquée par certains
thérapeutes ne devrait être évoquée qu’à la condition
d’avoir eu une évaluation à ce niveau en préopératoire
par le même examinateur et d’avoir connaissance des
critères diagnostiques reconnus puisque ceux-ci sont
loin de faire l’unanimité [16].
Qui opérer ?
La meilleure connaissance de critères diagnostiques, de
facteurs prédictifs de la chirurgie peut permettre de
définir un « profil » de patients qui serait de meilleurs
candidats à la chirurgie. Dans la mesure où la chirurgie
n’apporte pas de résultats constamment favorables, il ne
peut être question de la proposer d’emblée à tous les
patients. Elle ne s’adresse donc qu’aux patients ayant une
douleur invalidante et rebelle aux thérapeutiques médicamenteuses et à la rééducation (quand celle-ci est
justifiée par la constatation d’une composante myofasciale). La douleur doit persister malgré au moins une
infiltration stéroı̈de réalisée à l’épine sciatique et au
niveau du canal d’Alcock, à la condition que ces
infiltrations aient été réalisées dans des conditions
satisfaisantes, ce qui justifie, la certitude de blocs
diagnostiques positifs. Ce critère est bien sûr incontournable à l’indication opératoire d’où son importance (cf.
article de T. Riant dans le même numéro).
Dans la pratique, étant donné qu’il existe des patients
dont la douleur peut évoluer de spontanément de façon
régressive (au moins dans les premières périodes, mais
l’évolution ultérieure n’est bien sûr pas prévisible
initialement), étant donné le fréquent retard de diag-
nostic, étant donné le temps nécessaire à la réalisation
des infiltrations, il est rare qu’une indication opératoire
soit portée moins d’un an après le début des symptômes.
De façon idéale, le « bon candidat » à la chirurgie
devrait souffrir depuis environ un an, avoir moins de 50
ans, peu d’altérations électrophysiologiques. On pourrait
rajouter un certain nombre de paramètres qui mériteraient d’être étudiés mais qui relèvent surtout du bon
sens comme le bénéfice temporaire des infiltrations,
l’absence de troubles comportementaux ou psychiatriques, l’absence d’hypersensibilisation centrale marquée,
l’absence de fibromyalgie.
On ne peut pour autant considérer que la chirurgie ne
doit s’intéresser qu’à ces patients hypersélectionnés (ce
qui améliorerait peut-être les résultats des séries
chirurgicales).
Les ré alité s cliniques font que le candidat à la chirurgie
est simplement celui qui reste en é chec des autres thé rapeutiques et cela quels que soient son âge, son histoire.
Information du patient
Le patient doit être informé des résultats attendus de la
chirurgie en sachant qu’il ne s’agit que de statistiques,
que l’objectif est d’apporter une amélioration la plus
importante possible (ce qui est donc loin de la promesse
de guérison). L’information du patient et du médecin
traitant commence par l’explication du principe chirurgical à savoir la libération chirurgicale du nerf sur
l’ensemble de son trajet, le terme de neurolyse doit être
évité car source de confusion avec une éventuelle section
du nerf. On peut lui préciser l’absence de tout trouble
sphinctérien secondaire (en l’absence de troubles antérieurs) sur une pratique de plus de 1 500 patients opérés
et un risque d’atteinte sensitive périnéale inférieur à
1 pour mille. Il doit être informé que la libération
chirurgicale du nerf pourrait ne pas être poussée à
l’extrême si le chirurgien l’estime à risque de traumatisme neurologique.
Il doit savoir que la chirurgie est rarement vécue
comme très douloureuse, que l’intervention, par un
91
chirurgien expérimenté, dure environ 30 minutes pour
un côté, que l’hospitalisation est de quatre-cinq jours, et
qu’il pourra s’asseoir dans les mêmes conditions
qu’avant l’intervention puisque la cicatrice opératoire
au niveau fessier est au-dessus des points d’appui
ischiatiques. L’amélioration clinique est la plupart du
temps secondaire (débutant trois à six mois après
l’intervention et pouvant évoluer sur un an ou plus).
Une infiltration secondaire du nerf pudendal pourra être
proposée deux ou trois mois après la chirurgie si les
douleurs perdurent de façon inchangée et ciblée en
fonction des constatations peropératoires. Il doit être
informé des risques éventuels : 1 % d’hématomes ou de
sepsis, 30 % en moyenne de patients non améliorés, 1 %
de patients s’estimant aggravés. Cette notion d’aggravation mérite discussion : le patient qui se dit aggravé en
matière de douleur l’est par définition, encore faut-il le
corréler à l’évolution sur les échelles d’évaluation pré- et
postopératoire. Beaucoup de patients ont une EVA à 10
en préopératoire ou ont une douleur qui ne fait que
s’aggraver dans le temps, une absence de bénéfice de
la chirurgie associée aux espoirs déçus peut donc
expliquer dans ces conditions cette perception d’aggravation postopératoire non synonyme d’aggravation
par la chirurgie.
Conclusion
La libération chirurgicale du nerf pudendal par abord
transglutéal est actuellement le seul traitement validé en
matière de syndrome canalaire du nerf pudendal. Cette
chirurgie s’adresse aux patients en échecs des différents
traitements algologiques. Cette chirurgie est « sûre » et
permet de soulager de façon significative deux tiers des
patients. Le facteur prédictif principal est en relation
avec l’âge. L’installation du patient en position génupectorale facilite l’accès chirurgical et son influence sur
les résultats devront être évalués. Cette approche
chirurgicale doit s’intégrer dans le cadre d’une évaluation et d’une prise en charge multidisciplinaire tant en
préopératoire qu’en postopératoire car la difficulté
principale sera de continuer à accompagner les patients
en échecs et de trouver de nouvelles propositions
thérapeutiques (médicaments, traitements de l’hypersensibilisation centrale, neurostimulation…).
Références
1. Labat JJ, Rigaud J, Robert R, et al. (2006) Les douleurs
neuropathiques somatiques pelvipérinéales. Pelv Perineol
1: 100-12
2. Amarenco G, Lanoe Y, Perrigot M, et al. (1987) Un
nouveau syndrome canalaire, la compression du nerf
pudendal dans la canal d’Alcock ou paralysie périnéale du
cycliste. Presse Med 16: 399
3. Robert R, Prat-Pradal D, Labat JJ, et al. (1998) Anatomic
basis of chronic perineal pain: role of the pudendal nerve.
Surg Radiol Anat 20: 93-8
4. Amarenco G, Savatovsky I, Budet C, et al. (1989)
Névralgies périnéales et syndrome du canal d’Alcock.
Ann Urol (Paris) 23: 488-92
5. Labat JJ, Robert R, Bensignor M, et al. (1990) Les
névralgies du nerf pudendal (honteux interne). Considérations anatomocliniques et perspectives thérapeutiques.
J Urol (Paris) 96: 239-44
6. Robert R, Brunet C, Faure A, et al. (1993) La chirurgie du
nerf pudendal lors de certaines algies périnéales : évolution et résultats. Chirurgie 119: 535-9
7. Bensignor M, Labat JJ, Robert R, et al. (1992) Douleurs
périnéoscrotales essentielles. Cah Anesthesiol 40: 537-41
8. Amarenco G, Kerdraon J, Bouju P, et al. (1997) Efficacité
des traitements des névralgies périnéales par atteinte du
nerf pudendal (syndrome du canal d’Alcock). Cent
soixante-dix cas. Rev Neurol (Paris) 153: 331-4
9. Robert R, Labat JJ, Lehur PA, et al. (1989) Réflexions
cliniques, neurophysiologiques et thérapeutiques à partir de
données anatomiques sur le nerf pudendal (honteux interne)
lors de certaines algies périnéales. Chirurgie 115: 515-20
10. Bautrant E, de Bisschop E, Vaini-Elies V, et al. (2003) La
prise en charge moderne des névralgies pudendales. À partir
d’une sériede 212 patientes et 104 interventions de décompression. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 32: 705-12
11. Shafik A (1994) Pudendal canal decompression in the
treatment of erectile dysfunction. Arch Androl 32: 141-9
12. Beco J, Climov D, Bex M (2004) Pudendal nerve decompression in perineology: a case series. BMC Surg 4: 15
13. Robert R, Labat JJ, Bensignor M, et al. (2005) Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal
neuralgia: a randomized controlled trial and long-term
evaluation. Eur Urol 47: 403-8
14. Deschamps C (2002) la neurolyse transposition du
nerf pudendal dans les névralgies pudendales. Étude
rétrospective à propos de 158 patients opérés. Thèse Nantes
15. Khalfallah M, Labat JJ, Riant T, et al. (2006) Chirurgie de
la névralgie pudendale par voie transglutéale : améliorations techniques. Pelv Perineol 1(Suppl 5): NS63
16. Berthelot JM, Labat JJ, Le Goff B, et al. (2006) Provocative
sacroiliac joint maneuvers and sacroiliac joint block are
unreliable for diagnosing sacroiliac joint pain. Joint Bone
Spine 73: 17-23
Pelv Perineol (2007) 2: 92–98
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0118-0
PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE
Le blessé médullaire : quelle sexualité ?
J.-C. Colombel
CDBV 66290 Cerbère, France
Résumé : Les troubles de la fonction sexuelle sont
fréquents chez le blessé médullaire. Les dysfonctions
organiques responsables des troubles sont étroitement
imbriquées avec la dimension psychique, toujours
indispensable à évaluer et à prendre en compte dans la
prise en charge thérapeutique. Ces données sont
présentées et la place du soignant précisée.
Mots clés : Blessé médullaire – Sexualité – Composante
psychogène
Spinal cord injury and sexuality?
Abstract: Sexual disorders are very frequent in spinal
cord injuries. Organic lesions, cause of sexual dysfunctions, are overlapped with psychogenic alterations which
are always necessary to evaluate and take in account for
the therapeutic management. These data are presented
and role of care giver discussed.
Keywords: Spinal cord injury – Sexuality – Psychogenic
alteration
Nous savons que la rééducation du blessé médullaire a
pour but principal la réadaptation fonctionnelle dont fait
partie, à l’évidence, la fonction sexuelle. Mais cette
évidence n’est pas toujours claire ni sereine. Pour les
soignants, que leur pratique quotidienne auprès du
patient place dans une intimité à ciel ouvert, cette
évidence les confronte sans ménagements à leur sexualité
personnelle, à leur équilibre affectif et à leurs mécanismes de projection. Dans la famille, où les mécanismes
d’identification s’ajoutent à la souffrance, cette intimité
angoissante du corps meurtri et dénudé réveille de
manière particulièrement ambiguë une problématique de
la relation, de la bonne distance et de l’inceste, qui
paraissait depuis longtemps résolue. Quant au partenaire
du patient, indépendamment des questions qui se
poseront un jour des capacités motrices et sexuelles
restantes, l’image statique et peu valorisante du handicapé ne conserve pas facilement un attrait érotique en
rapport avec ce qu’il pouvait être auparavant.
Du reste, cette gêne et cette difficulté générale
aboutissent à des comportements qui ne correspondent
en rien à la place de la sexualité pour le handicapé par
blessure médullaire. Pourtant, cette place est au moins
aussi importante pour lui que pour le sujet ordinaire. En
fait, elle est l’une des hantises de tout patient, à partir du
moment où il découvre que la blessure de la moelle n’a
pas atteint seulement ses capacités motrices et sensitives,
mais également ses capacités sexuelles. L’ampleur de
cette réalité traumatique dépasse d’ailleurs très largement le bilan lésionnel, puisqu’elle atteint l’individu dans
l’image qu’il a de lui-même. Malgré les artifices d’un
vocabulaire dramatiquement correct et lui-même handicapé (qui peut bien être une « personne à mobilité
réduite » ?), elle fait resurgir non seulement les fantasmes de l’infirmité, mais ceux de la monstruosité, de la
tare, ceux qui retirent tout droit à une vie relationnelle
normale et à plus forte raison, à toute vie sexuelle. Enfin,
comment être suffisamment disponible à cette souffrance
que les mots diront si peu ? Comment faire de l’écoute
non pas un moyen de prescrire quelque recette, mais
l’acte fondateur d’une relation de confiance à maintenir
dans son cadre de respect et de dignité, autrement dit
dans ce que toute relation thérapeutique devrait
s’attacher à reconstruire en priorité ?
Faudra-t-il un jour reconnaı̂tre simplement que toute
atteinte lésionnelle de la moelle peut déterminer un
syndrome de déficit sensitivomoteur et sexuel ?
Mais qu’est-ce que la sexualité ?
D’une façon générale, nous pourrions définir la sexualité
par l’ensemble des caractères morphologiques, physiologiques et psychiques déterminés par le sexe. Nous
pourrions la définir aussi par l’ensemble des comportements déterminés par l’instinct sexuel. Mais ce ne sont
pas des définitions satisfaisantes, parce qu’elles ne
parlent pas de la sexualité de l’être humain dans ce
qu’elle a de spécifique, très au-delà du capital génétique
et de l’instinct.
Bien que toujours rattachée à la fonction reproductrice, c’est-à-dire au triomphe de la vie sur la mort grâce
au relais des générations, la sexualité humaine déborde
largement la sphère de l’instinct et du besoin. Dans
nos civilisations occidentales, après deux millénaires
de répression, elle se déploie vers le plaisir, tout en
93
subissant l’empreinte de la Loi et des croyances. D’où
l’aspect festif et conflictuel à la fois, transgressif et
parfois pervers ou sulfureux, qui est souvent le sien
aujourd’hui. La société actuelle recommande et valorise
la consommation, la jouissance immédiate et les masques
galants de la séduction. Quelle est la place de l’amour par
rapport à la sexualité, autrement dit, quelle mise en
perspective existe aujourd’hui entre le soma et l’affect ?
Tels sont quelques-uns uns des mystères et des
paradoxes de la sexualité d’aujourd’hui. Mais vouloir
en faire une sorte d’inventaire est impossible. Et c’est
heureux, car dans ses formes symboliques, elle va
toujours à la rencontre de cette part inconnaissable que
chaque être préserve en soi, sans y avoir jamais tout à fait
accès.
En effet, dans ce qu’elle a d’apparent, la sexualité de
l’être humain conserve bien sa finalité biologique, qui
l’inscrit dans le temps et donc dans l’histoire. Elle se
fonde sur l’instinct de reproduction, qui la fait apparaı̂tre
comme un besoin. Mais elle pourrait être abordée
comme un territoire identitaire, définissant la personne
par son sexe, avec une image de soi et un aspect
culturellement fixés par la société où elle vit. À cet aspect
des choses nous pourrions rattacher sa dimension
relationnelle, qui va de l’intimité avec ou sans autrui,
jusqu’à la famille, au groupe et à la société. Mais la
sexualité a aussi une dimension hé donique, qui fait se
croiser en quantités variables le désir, le plaisir, la
pudeur et les conflits. De même qu’à l’envers du décor,
elle possède un soubassement fantasmatique particulièrement riche et dans lequel les pulsions se déploient à
travers les images de fusion, d’interdits et de transgression. Enfin, nous devons la rattacher à sa dimension
mé taphysique, celle qui unit encore les croyances et les
rituels, la descendance et ses aspects juridiques, comme
elle unit l’espace et le temps, et plus encore l’amour
et la mort.
Autre traumatisme
La seule chose dont nous sommes certains et que nous
devons affirmer avec force, c’est qu’avant son accident, le
blessé médullaire s’est construit, comme tout individu,
avec tous ces éléments comme autant de repères
fondamentaux pour son existence et son identité.
Certains brusquement se dérobent ou ne lui sont plus
accessibles. D’où le second traumatisme de la lésion
médullaire, et qui est un traumatisme sexuel. Ce
traumatisme frappe avec d’autant plus de violence qu’il
opère en deux temps. Au moment de l’accident, l’urgence
des premières interventions le fait passer au second plan,
puis sa réalité et sa gravité s’imposent peu à peu, pour se
révéler considérables au fil des semaines. Nous savons
que, pour certains patients, il peut d’ailleurs passer au
premier plan, le handicap sensitivomoteur étant ressenti
de manière moins douloureuse que le handicap sexuel.
Ce traumatisme sexuel s’ajoute aux déficits neurologiques de manière insidieuse mais de plus en plus
évidente, et surtout après la fin du choc spinal. Il
contribue à bloquer le travail de deuil parce qu’il crée
une régression fonctionnelle massive et qu’il détruit des
évidences identitaires, au point de plonger le blessé
médullaire dans une situation très infantile. C’est pour
cela que les problèmes de sexualité du blessé médullaire
ne pourront jamais être réglés par des solutions
purement techniques, telles que la médecine
d’aujourd’hui nous en offrirait volontiers. Pas plus chez
le blessé médullaire que chez l’individu ordinaire, ce qui
est du ressort de la sexologie ne saurait se borner à une
approche univoque, dont les intentions et les buts
seraient de l’ordre du dépannage ou de la réparation
mécanique. La démarche de soin doit tenir compte des
multiples composantes d’une sexualité qui ne peut se
résumer au sexe, mais qui appartient d’abord au sujet
avec son histoire personnelle et les éléments culturels qui
l’ont façonné. Et c’est ce qui en fait la complexité et la
difficulté, mais aussi la richesse et l’intérêt pour celui qui
veut soigner un blessé médullaire.
Déficits neurologiques
Pour prendre en compte le mieux possible l’impact du
traumatisme, il nous semble nécessaire de tenir compte à
la fois des aspects neurologiques et des conséquences
psychologiques des lésions médullaires. Nous en
connaissons bien l’aspect « mécanique ». Il se caractérise
par deux types de troubles.
Leurs composantes
– Selon la hauteur de l’atteinte lésionnelle, on va
trouver une paraplégie ou une tétraplégie avec un
syndrome de dé ficit moteur et sensitif bien précis. Ce
syndrome atteint la partie du corps en aval de la lésion.
Or, il n’y a pas de sexualité sans mouvement ni sensibilité.
En ce qui concerne la moelle, dans les deux sexes, la
partie interne des organes génitaux dépend des niveaux
D10, D11 et D12, tandis que la partie externe des organes
génitaux dépend de S2, S3 et S4. C’est-à-dire que la
sensibilité des organes externes disparaı̂t pour des
lésions du cône médullaire remontant jusqu’en S2. Par
rapport aux vertèbres, le cône médullaire est juste
derrière la jonction L1-L2. La sensibilité des organes
génitaux internes est absente pour des lésions de niveau
D10 et au-dessus.
Mais toute lésion au-dessus de D10 a pour conséquence une altération ou une abolition de la sensibilité
des organes sexuels internes et externes. Quant à la
motricité volontaire des sphincters et du plancher
pelvien, elle dépend entièrement de l’intégrité des
niveaux S2 à S4, par le nerf honteux interne (voir infra,
note numéro 2).
94
– En outre, il existe un syndrome fonctionnel, dont
fait partie l’aménorrhée, mais la baisse de la libido chez
la femme comme chez l’homme en sont aussi les témoins.
Il est probable que la cause de ces anomalies est
hormonale et psychogène à la fois, ainsi que nous
pouvons le constater dans la plupart des grands
traumatismes psychiques ou dans les syndromes dépressifs sévères.
Chez la femme, on sait que la disparition des cycles
menstruels peut durer plusieurs mois, et qu’elle est
rarement inférieure à quatre mois. Pour certaines, ce
blocage les renvoie à la période prépubertaire de leur vie.
D’autres sont renvoyées plus en arrière dans la petite
enfance, en raison des soins d’hygiène dont elles sont
dépendantes et qu’elles doivent subir dès le premier jour
de la prise en charge. D’autres encore mettent en rapport
ce blocage ovarien avec les dégâts de nature trophique
provoqués par les lésions neurologiques. Pour elles,
l’image dégradée qu’elles ont de leur corps se rapproche
du délabrement physiologique de la vieillesse annonciatrice de la mort. La disparition de cette preuve de leur
féminité constitue une blessure narcissique profonde,
non seulement parce qu’elle leur interdit la jouissance de
leur âge réel, mais parce qu’elle est une atteinte à leur
identité même.
Quant aux hommes, l’absence d’érections leur fait
penser qu’il doit se passer quelque chose de grave ou de
très sournois, justement parce que c’est un mal
inapparent, mais qui s’accorde implacablement à l’idée
d’impuissance. Pire encore, l’angoisse des érections
incongrues, par exemple au cours de la toilette ou des
sondages comme c’est le cas dans certaines paraplégies
spastiques. Elles surgissent à l’improviste, et dont on ne
sait quel réservoir d’animalité inconnue. Elles sont
d’autant plus humiliantes qu’elles s’affichent d’une
manière totalement impudique, qu’elles ne s’accompagnent d’aucune sensation ni d’aucun désir, et qu’elles
laissent indifférents le regard et la main gantée des
soignants.
Quels qu’en soient les mécanismes et leurs possibles
combinaisons, ces déficits fonctionnels participent aux
sentiments de dévalorisation narcissique des patients et
de castration symbolique, qui alimentent leurs fantasmes
de régression et d’indignité.
Ces deux types de troubles apparaissent dans un
contexte psychologique très particulier, mais qui va
évoluer dans le temps. Du point de vue de la sexualité, on
peut y relever tour à tour des implications identitaires,
relationnelles, hédoniques ou fantasmatiques. Parfois
violentes, parfois douloureuses, elles sont le plus souvent
marquées par une coloration d’étrangeté et d’irréalité.
Pourquoi cette irré alité et cette é trangeté ?
À la phase initiale, de sidération médullaire, le patient est
couché le plus souvent. Ce que nous observons est une
grave perte d’autonomie, d’où sa situation de dé pendance. Mais nous pouvons nous étonner de la soumission presque naturelle dont il fait preuve à l’égard des
soins élémentaires qui lui sont donnés. Le patient accepte
comme normale la pénétration dans son intimité
anatomique, à laquelle la plupart des soignants se livrent
avec un air parfaitement professionnel. Les gestes répétés
que sont les injections, les prélèvements, les contrôles
divers, les manœuvres de prévention contre les escarres,
les soins d’hygiène et les évacuations à heures régulières
ne paraissent pas le choquer. Nous constatons cet état
que nous avons qualifié de régressif, notamment parce
que le patient ne se révolte pas contre l’accès répété à son
corps et la violation de son territoire de pudeur. La
neutralité aseptisée du soignant et sa perfection gestuelle
viennent confirmer la désérogénéisation des orifices
corporels, qui sont revenus à un rôle purement
physiologique et passif.
En fait, il existe trois ordres de signes qui, de proche
en proche, se relient l’un à l’autre et qui nous permettent
de mieux comprendre cette absence de révolte.
– D’une part et d’un point de vue neurologique, les
afférences sensitives et proprioceptives sont bloquées au
niveau de la lésion médullaire. Elles demeurent par
conséquent ignorées du patient : au-dessous de la lésion,
le corps ne lui donne plus sa position. Il n’est pas
qu’immobile, il reste silencieux et vide. Pour un sujet
tétraplégique, il n’a d’existence que visuelle. Pour un
paraplégique, toute sensation disparaı̂t à partir d’une
région du corps qu’il peut parfaitement repérer lui-même
avec ses doigts. Au-dessous, c’est un corps sans vie, un
corps qui se fait oublier et qu’il ne reconnaı̂t plus comme
sien. Nous pouvons même dire qu’il le désinvestit, et
qu’il met à distance tout ce qui le concerne.
– D’autre part, dans cette partie privée de motricité et
de sensibilité, exactement comme chez les amputés, un
corps de substitution va se greffer au point de jonction,
entre la partie vivante et la partie morte. Pour des raisons
que nous ne savons pas expliquer avec suffisamment de
pertinence, le patient est persuadé qu’à la place de ce
corps sans vie, il dispose d’un autre corps. Un corps
fantô me certes, ou un fantôme de corps, mais un corps
bien vivant puisqu’il bouge et qu’il remplit l’espace audessous de la lésion. Il permet à nouveau la jouissance
complète d’un intérieur corporel, dans la mesure où il est
raccordé à la partie sus-lésionnelle. D’ailleurs, il lui
attribue parfois les douleurs et les contractures qui
peuvent s’en emparer. En fait, il n’en dispose pas autant
qu’il le voudrait, même si ce corps mobile et sensible lui
permet de rêver qu’il marche encore et qu’il se déplace à
sa guise. Ce corps, qu’il s’approprie et qui devient donc le
sien, se place dans des configurations aberrantes,
impossibles à tenir. Mais elles s’imposent à l’esprit du
patient comme étant un peu ce que l’on aurait autrefois,
appelé le fait du prince. Et il s’en accommode d’autant
mieux qu’il peut l’habiter à nouveau.
95
– Enfin, d’un point de vue subjectif, nous connaissons les ré actions de dé ni qui sont si habituelles chez les
traumatisés médullaires. Pour inquiétantes qu’elles
soient, elles n’en sont pas moins la meilleure arme
défensive contre la catastrophe qui frappe un sujet en
bonne santé jusque-là. À partir du moment où le déni
s’installe, l’accident est minimisé et surtout, ses conséquences sont niées. Le blessé médullaire est convaincu
du caractère bénin et temporaire de cette histoire, même
s’il doit, pour cela, se maintenir dans cette zone
irrationnelle que vient occuper toute illusion de l’esprit.
Il s’agit peut-être d’une forme de croyance, grâce à
laquelle il préserve un avenir acceptable par-dessus une
véritable déroute neurologique et psychologique.
Si nous mettons en perspective son corps sans vie,
son corps fantôme et sa réaction de déni, nous entrons
dans un monde étrange et tout à fait irréel.
C’est un monde clos, dont nous avons parfois
l’intuition furtive lorsque, au détour d’une phrase, le
patient nous paraı̂t n’avoir jamais entendu parler de son
état neurologique, ou encore lorsqu’un lapsus révèle la
confusion qu’il fait entre membres réels et membres
fantômes. Mais c’est un monde dont la logique et les
contenus nous sont peu accessibles. Pour nous, la
difficulté est de rentrer dans ce monde irréel, car nous
sentons qu’il se tient toujours au bord du désespoir qui
pourrait survenir s’il venait à disparaı̂tre. Et la conscience que nous avons de cette étrangeté douloureuse
nous retient peut-être de chercher à mieux le
comprendre.
Il nous faut admettre que l’irréalité cultivée n’est pas
un luxe, ou une folie, mais une nécessité pour lui. Cette
nécessité ne préserve pas le patient du doute, ne serait-ce
que parce que la perception de son état s’affronte en
permanence à l’illusion qu’il s’est fabriquée. Elle ne le
préserve pas non plus de la souffrance, parce que toute
souffrance refuse la perte de ce qui n’est plus. Tel est le
rôle du deuil et son paradoxe. Le deuil entretient la
présence malgré la disparition réelle. Le deuil rend
visible ce qui est absent. C’est en cela qu’il s’appuie sur le
déni qu’il finit par justifier. Ici, la souffrance du deuil
prend la forme symbolique d’un trait d’union entre ce
qui vit et ce qui ne vit plus. La part vivante finit par
remplacer la partie morte avec ce que nous appelons un
corps fantôme, lequel est au moins aussi réel que le corps
anatomique. Ainsi, peuvent cohabiter et se maintenir
dans une parfaite entente, les éléments qui résultent
1
d’une conjugaison hasardeuse mais tenace, entre
destruction extériorisée et reconstruction à l’intérieur
de soi.
La destruction est placée dans le domaine du concret,
du visible, c’est-à-dire de ce qui appartient à l’autre, le
soignant en particulier. Il s’empare volontiers de cette
défaillance, il s’occupe de cette absurdité du corps dont
une partie se situe en territoire extérieur, à laquelle le
patient n’a plus accès et vers quoi rien ne l’attire. D’une
image, nous pouvons dire qu’inconsciemment le patient
se déleste de cette partie absente de ses sens et qu’il la
projette au dehors, vers le soignant qui lui est le plus
proche et qui la « prend en charge ». Le soignant est
alors mis dans la place d’un double, avec toute
l’ambiguı̈té que suppose cette place. Il peut y ressentir
le plus grand trouble, s’il perçoit comme une agression
cette projection qui le charge de mort parce qu’il se sent
visé personnellement. Il peut aussi devenir agressif luimême, simplement en se mettant hors de portée de ce
mouvement, qui n’est en fait qu’une demande d’aide
pour limiter la destruction et construire autre chose.
À l’opposé, la construction se développe dans
l’intimité du domaine intérieur, qui est le domaine du
secret, des rêves et des fantasmes. Le secret du patient
concerne ce qu’il préserve de plus précieux, et qui ne
peut s’échanger que dans la confidence. C’est le secret de
ses membres fantômes et de son désir retrouvé. C’est
aussi, parfois, la jouissance obscure de douleurs qui
redessine son corps et peut même le rendre réhabitable1.
De même que les douleurs, les rêves sont dans le champ
de l’espoir et, comme souvent chez tout sujet normal,
leur matière est celle du désir réalisé. Ils le font courir et
danser chaque nuit, non sans quelques plaisirs érotiques
à l’occasion. Tandis que les fantasmes utilisent la
complétude retrouvée pour affleurer au moment des
soins, sous la forme d’images de viol ou de pénétration
sadique de la part des soignants.
Apprentissages
Ainsi, s’établit le partage souterrain entre ce qui est
perçu et ce qui est « halluciné ». La priorité qu’il donne à
ce qui n’est que virtuel démontre amplement que la
sexualité n’est pas absente des angoisses et des émotions
du patient, même lorsque sa dépendance lui donne en
apparence une posture totalement asexuée.
Tels sont, chez le blessé médullaire, les paradoxes des douleurs neurogènes. Elles se manifestent dans des régions corporelles qui
sont privées de sensibilité. Une fois sur deux, elles peuvent se déclencher et atteindre soudain des paroxysmes fulgurants pour des
stimulations non nociceptives (allodynie), ou pour des stimulations nociceptives modérées (hyperpathie). Elles sont épuisantes et
destructrices à tous points de vue. Elles ont tendance à isoler le patient. Il n’ose plus bouger, il se replie sur lui-même, il se coupe du
monde, comme s’il vivait dans ses douleurs. Et pourtant, si un traitement parvient à les supprimer, le patient est déconcerté : son
corps disparaı̂t à nouveau, et il souhaiterait souvent que l’on en laisse réapparaı̂tre un peu, en laissant « revenir un peu de douleur »
pour mieux ressentir son corps. On peut y deviner les rapports complexes qui vont de la douleur au plaisir mais peut-être aussi, sur
un plan philosophique, les relations que la douleur peut entretenir avec le sens même de la vie de l’être humain.
96
Les choses changent lorsque réapparaı̂t l’automatisme
médullaire. C’est un moment de basculement, autant
pour le soignant que pour le patient.
Quels changements ?
Pour le soignant, la fin du choc spinal change
radicalement la technique des soins et son approche du
patient. Désormais, il va pouvoir tirer parti de ce que
signale la réapparition du réflexe bulboanal, puisque
d’une façon générale, les sphincters ne vont plus
conserver leur tonus permanent, chose qui avait entraı̂né
un syndrome de rétention pure. Il va pouvoir enseigner
au patient divers gestes de déclenchement pour la
miction et la défécation.
Nous savons que ce n’est pas toujours facile pour lui,
à la manière dont on peut dire que l’acquisition d’une
technique nouvelle précède forcément un éloignement
entre maı̂tre et élève. La maı̂trise du sondage par le
patient lui-même en est un exemple particulièrement
démonstratif. Certaines difficultés ne sont pas dues à la
maladresse dans l’apprentissage de gestes inconnus, mais
à la crainte de perdre ces moments de relation privilégiée
dont il s’était jusque-là, très bien accommodé. De
manière symétrique, certains soignants ne parviennent
pas à développer leurs qualités pédagogiques autant
qu’ils le voudraient, parce qu’une autonomie plus grande
de leur patient les renvoie à une solitude inscrite dans
leur propre histoire.
Pour le patient, qui avait mis un peu de fantasmes
dans beaucoup de réalité, c’est le moment où il va
commencer à mettre un peu de réalité dans beaucoup de
fantasmes. S’il est en mesure de faire sa toilette intime,
ses doigts redécouvrent la contraction réflexe des
muscles du plancher pelvien. Pour la femme, c’est aussi
le moment où les gestes exploratoires font réapparaı̂tre la
congestion des organes génitaux externes et les sécrétions vaginales réflexes. Pour l’homme, les érections
redeviennent possibles dans les mêmes conditions.
Quel plaisir ?
Mais, si ce corps reprend vie, si l’ingéniosité humaine
parvient à tirer parti de l’automatisme de la moelle, que
deviennent alors le corps fantôme et le déni ? Pouvonsnous pour autant parler d’une réconciliation du patient
avec son corps et d’une reconquête de son statut
d’adulte ?
2
Rien n’est moins assuré. L’expérience montre que le
corps fantôme ne disparaı̂t pas pour autant, et qu’il
continue à cohabiter avantageusement à côté du corps
réel. Cette ténacité de l’illusion confirme que l’apparition
des réflexes médullaires n’a pas grand-chose à voir avec
l’amputation sensitivomotrice provoquée par les lésions
de la moelle. Quant au déni, même s’il n’est plus aussi
absolu que les premières semaines, il n’en maintient pas
moins son emprise et sans doute aussi par voie de
conséquence, ses effets antidépresseurs.
De la même manière que le changement dans la
relation entre soignant et patient offre à chacun des deux,
un bénéfice qui passe nécessairement par une perte, la
découverte des mouvements réflexes des sphincters
n’apporte pas que des avantages. Sous ses doigts, un
fonctionnement vésical, génital et anal redevient possible2. Son corps s’anime, retrouvant dans ce domaine et
grâce à un habile compromis, sa soumission à la volonté
du sujet. Avec une montre, un doigtier et une sonde, il
peut être vidé régulièrement de ses urines et de ses
matières fécales. Mais, il faut continuer à le maintenir
sous la même surveillance, parce qu’il est fragile. Il est
guetté par des complications invraisemblables, plus
encore dedans que dehors. Toutes ne seront pas évitées,
mais s’il en a la capacité, le patient doit consacrer une
bonne partie de son emploi du temps à prévoir, à
anticiper, à mesurer, à examiner les différents risques,
tout en pensant aux erreurs possibles.
Silence du corps
En outre, c’est un corps insensible, un corps qui persiste à
ne rien communiquer de ce qui se passe en lui. Il se
maintient juste au-delà de l’unité corporelle, à l’extérieur
de la conscience, loin des sensations, toujours un peu
étranger. Son intérieur est toujours rempli de mystères,
et donc d’images inquiétantes et de fantasmes chargés de
menaces. En témoignent quelques rêves angoissants,
avec des scènes d’agression ou de dévoration par des
animaux sauvages, dont les patients nous parlent avec un
étonnement très défensif (« comment suis-je allé chercher tout ça ? »).
S’ajoutent à ces mystères et à cette perplexité les
sentiments un peu troubles qui proviennent des manœuvres manuelles ou techniques, réalisées pour obtenir le
réveil des manifestations réflexes des organes génitaux.
Le patient est renvoyé à la phase d’adolescence, celle où
le corps se transforme et où les parents n’ont plus accès
Si les lésions de la moelle ont détruit les centres dorsaux et lombaires (D10 à L2), aucune réaction réflexe n’est possible. C’est la
même chose lorsque les centres sacrés sont atteints (S2 à S4). Pour la femme, un gel de lubrification vulvovaginale est nécessaire.
Pour l’homme, on a recours aux injections intracaverneuses de vasodilatateurs ou à l’implantation de prothèses intrapéniennes
avec, si besoin, l’utilisation d’une sonde d’électrostimulation intrarectale pour obtenir une éjaculation. Lorsque l’atteinte médullaire
est au-dessus de D10, il ne peut y avoir que des réponses réflexes, c’est-à-dire en particulier après manœuvres masturbatoires ou
vibromassage. Mais lorsque l’atteinte n’est pas complète, certaines réponses réflexes peuvent être ressenties, cependant elles sont
toujours très émoussées ou très altérées.
97
au domaine physique et psychique, qui devient une zone
de secret. C’est un moment où il est aussi dans l’attente
du retour de sa fonction é rotique, totalement éteinte
jusque-là. Mais l’obtention d’une érection ou d’une
lubrification vaginale ne s’accompagne pas du plaisir
espéré. S’il existe une jouissance, il n’y a pas accès. Elle
lui demeure interdite : c’est le corps qui la garde pour
lui. D’où un mélange douloureux de sentiments de
frustration et de culpabilité, où s’affrontent les interdits
éducatifs et métaphysiques de la masturbation de
l’adolescence, et le combat actuel pour retrouver un
statut d’adulte à part entière, tout en étant soumis au
pouvoir mystérieux de son corps.
De tels sentiments entraı̂nent souvent le patient vers
des attitudes ambiguës d’agressivité ou de séduction à
l’égard des soignants, qui se retrouvent soudain placés en
position fantasmée de parents ou de partenaires possibles. D’où également le recours au savoir des autres
patients, à leurs astuces et à leurs recettes en matière de
manœuvres ou de produits. Alors, les rumeurs circulent,
les dernières théories tiennent lieu de découvertes, les
spectaculaires émissions télévisées fournissent des brassées de certitudes. Le plus souvent, et comme chez les
adolescents, ce sont des conversations plus ou moins
codées, à travers lesquelles certains en instruisent
d’autres en tant qu’initiateurs ou maı̂tres secrets
comme le sont les gourous. D’autres fois, ce sont des
groupes où le retournement de la souffrance en
plaisanteries scabreuses tient lieu de fonctionnement
cathartique. Pour certains, c’est une forme de réaction
contre la proximité inaccessible des soignants des deux
sexes, et de révolte contre la prise de possession aseptisée
qu’ils ont faite de leur corps. Et les résultats de ces
conversations ne font qu’accentuer la désunion entre la
partie saine du corps et l’autre partie, sorte de mauvais
objet qui détourne un capital de plaisir pour son propre
compte. Mais pour chacun, cet étalage public à l’envers
de toute pudeur, contribue à disloquer et à déshumaniser
les composantes les plus intimes de la sexualité,
s’opposant ainsi de manière assez traumatique au travail
de deuil et de reconstruction de la cohésion du Moi.
Autre ?
Comment le corps pourrait-il retrouver l’une de ses
premières qualités, qui était de procurer du bien-être,
n’était-ce que par la satisfaction des besoins externes et
internes ? Cette question, qui nous renvoie aux tout
premiers temps de l’être humain, ne doit pas être
négligée. Elle implique nécessairement l’intervention
d’autrui, d’autant qu’elle apparaı̂t ici comme le prolongement naturel de la relation qui s’est établie entre le
soignant et le patient, dès le début des soins. En cela, elle
nous rappelle que dès le commencement de son
existence, l’homme est un être de relation et que de
cette relation peut dépendre le plaisir3. Mais dans la
situation du blessé médullaire, l’autre peut-il être
transformé en pourvoyeur de plaisir ? La question doit
être posée si le soignant ne sait que faire lorsque, entrant
dans la chambre, il est confronté à une scène de
masturbation, voire à une demande d’aide sexuelle, ou
d’implication personnelle en tant que partenaire. Toutefois, il peut être tenté de régler le problème en parlant de
respect, de dignité et de liberté, ce qui est une manière
pertinente de le situer dans le domaine philosophique de
l’essence de l’être. Il est en effet le premier « autre » en ce
qui concerne les soins. Il l’est peut-être aussi en tant
qu’adulte idéalisé, ou même désiré. Mais nous sentons
bien que cette manière si défensive de répondre ne
parle qu’en termes de frontières et de territoires séparés4.
C’est oublier que le patient est dramatiquement inscrit
dans la séparation, et que sa question actuelle va
précisément à la recherche de l’autre, réel ou fantasmé,
c’est-à-dire à la recherche de la réunion des morceaux
perdus.
Cette recherche se situe encore dans la lutte et la
négociation qu’il mène pour préserver un petit peu
d’espoir, en échangeant un peu de déni contre un peu de
rêve. Alors, faut-il se contenter de former les soignants à
comprendre leur propre malaise comme révélateur d’une
demande authentique d’accepter enfin la réalité du
handicap ? Faut-il aménager des espaces d’intimité où,
après les conseils du thérapeute, des essais pourront être
tentés par le patient avec son partenaire comme dans la
vie d’un couple ? Ou bien faut-il, comme dans certains
pays, avoir recours à des personnes formées pour être
éventuellement des partenaires de réentraı̂nement à la
vie sexuelle ? Tout dépend sans doute des définitions que
l’on donne à la sexualité, car la perspective dans laquelle
se place l’institution de soins n’est jamais que le reflet
exact de la société qui l’a produite.
3
Nous pourrions développer l’analogie de situation entre l’incomplétude du nouveau-né et sa nécessaire dépendance à un adulte
contenant, avec les rôles multiples du soignant auprès du patient. Pour l’un et pour l’autre, et comme à l’envers du plaisir donné,
reçu mais aussi échangé, la solitude signifierait la mort, comme c’était le cas avant les progrès de la prise en charge des blessés
médullaires. Par certains côtés particulièrement intimes, cette prise en charge repose sur l’acceptation réciproque d’une relation qui
puise précisément ses gestes dans l’histoire de la mère et de l’enfant. Cette histoire comporte surtout la fin de la fusion originelle,
par la première séparation d’où va naı̂tre le sujet, et par laquelle se constitue aussi l’apprentissage de toute relation à soi-même et à
autrui.
4
À titre complémentaire, nous pouvons dire que ce genre de réponse redouble très clairement le clivage entre une partie mécanique
et donc non animée, à laquelle serait renvoyé le patient, et une partie vivante, c’est-à-dire dotée d’une âme, que détient le soignant.
Dans ce cas, et très inconsciemment, les soins techniques ne sont là que pour certifier l’exclusion et la perte d’humanité d’un blessé
médullaire, lorsqu’il est identifié à sa lésion.
98
Vers une double perspective
Toutes ces questions nous démontrent amplement que
nous devrions être capables de toujours considérer les
solutions techniques comme un moyen et non comme
une fin. Leur fin est de permettre qu’un sujet soit en
mesure de rétablir avec autrui une relation d’adulte la
plus harmonieuse possible. Autrement dit, l’habileté à
résoudre les problèmes physiologiques devrait être
considérée avec la même admiration que celle que nous
éprouvons par exemple pour le musicien qui maı̂trise
parfaitement l’instrument dont il joue. Mais au-delà de sa
virtuosité, et grâce à elle, nous pouvons dire qu’il y a
l’émotion qu’il fait passer de même que, dans le domaine
de la sexualité, chaque personne peut découvrir un jour
la différence qui existe entre le désir et l’amour.
Sur un plan technique en effet, selon les déficits, il
sera fait appel à des moyens physiques, chimiques ou
chirurgicaux qui vont permettre, pour chaque patient, de
reprendre confiance dans ses capacités sexuelles et de
restaurer l’image de soi. Mais c’est précisément là que se
pose la question de la qualité de l’intervention du
soignant, lorsqu’il veut recréer les conditions de
l’intimité entre partenaires en évitant la robotisation de
l’acte sexuel. Les contraintes ne manquent pas, et le
patient doit apprendre à se préparer en vidant sa vessie
et son rectum. Le soignant doit savoir conseiller le
patient sur les positions qui conviendront le mieux et sur
la plus grande durée des préliminaires. Il doit l’informer
du risque d’hyperréactivité autonome et au besoin lui
donner les moyens de le prévenir. Il peut suggérer à la
femme paraplégique d’accompagner de la main le sexe de
son partenaire pour mieux ressentir l’acte sexuel. Il peut
même conseiller aux deux partenaires d’aller à la
découverte de zones érogènes qui avaient été secondaires
jusque-là. Nous savons que le blessé médullaire est
capable d’érotiser certaines zones sus-lésionnelles, et de
les incorporer à l’accomplissement de l’acte sexuel. C’est
le mystère de la translation du plaisir ressenti grâce à
l’éveil d’autres régions, ou parfois même du détournement de certains symptômes d’hyperréactivité vers un
éprouvé de plaisir. Nous sommes peut-être tout près
des mécanismes de sublimation, lorsque la pulsion
sexuelle étant dérivée vers un nouveau but, chacun des
partenaires va apprendre à en retirer une nouvelle
jouissance.
Mais, ce faisant, le thérapeute doit aussi être
conscient des limites qu’il n’a pas à franchir, et qui
sont celles de la relation amoureuse dans un couple,
quelles qu’en soient les composantes. Et pourtant, la
société actuelle privilégie le culte de l’apparence, dont elle
a fait un paradis artificiel. Les médias illuminent nos
rêves avec des êtres magnifiques et séduisants comme
des demi-dieux. La puissance de l’homme aux épaules
musclées répond admirablement à la silhouette fuselée
de la femme idéale aux jambes interminables. Et nous
avons là sûrement une source de blessure supplémentaire pour celui qui ne parvient pas à s’accepter ne seraitce qu’un peu. À ce jeu, l’homme paraplégique n’est pas si
désavantagé, dans la mesure où ses épaules seront
bientôt celles d’un haltérophile. Qu’importe alors si son
image flatteuse est celle d’un géant assis qui veut oublier
ses pieds d’argile. Mais le regard que la femme porte sur
son corps est tout autre. Si l’unique problème de la
femme idéale est son pouvoir de séduction, alors que lui
reste-t-il pour séduire ? Est-ce dans ce but qu’elle a
tendance à attirer le regard de l’autre sur la moitié
supérieure de son corps, en mettant en valeur sa coiffure,
le maquillage de son visage et les formes de sa poitrine,
tandis que le bas du corps est comme « effacé » par un
vêtement couleur de muraille ? Nous avons le sentiment
que cette façon de s’habiller n’est pas un masque, mais
bien au contraire qu’elle porte sur elle la souffrance qui
la coupe en deux, une partie comme un leurre, une partie
qui repousse. C’est sans doute pour cela qu’avant toute
maı̂trise sphinctérienne, l’homme se préoccupe de
récupérer sa capacité de « faire l’amour », selon
l’expression la plus couramment employée. Tandis que
la femme se pose la question de la possibilité d’une
grossesse, ce qui est sans doute une manière de placer de
l’amour à l’intérieur de soi, mais aussi de ne pas mourir,
et parfois aussi de cesser d’être une femme.
Il reste pourtant une autre voie, moins brisée que les
chemins modernes de la séduction, et qui est celle de
l’amour. Un peu d’amour de soi, pour défaire la carapace
défensive de la souffrance, un peu d’amour de l’autre,
pour que chacun échange non ce qu’il a, mais ce qu’il est.
L’amour peut réparer les blessures narcissiques, dénouer
les angoisses de séparation, bouleverser les efforts de
réorganisation psychosomatique et faire aboutir le
travail de deuil. Mais nul ne sait encore en exposer la
technique ou en donner le mode d’emploi.
Pelv Perineol (2007) 2: 99–104
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0104-6
PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE
Évaluation urodynamique des résistances urétrales chez la femme
J.-F. Hermieu
Clinique urologique, CHU Bichat, 46, rue Henri-Huchard, F-75018 Paris, France
Résumé : Les fonctions urétrales peuvent être explorées
par le Valsalva Leak Point Pressure et la mesure des
pressions urétrales en profilométrie. Ces tests peuvent
avoir un apport intéressant dans le diagnostic et
l’évaluation pronostique préopératoire des incontinences
urinaires à l’effort de la femme.
une manœuvre de Valsalva (effet progressif de poussée
abdominale à glotte fermée) en l’absence de toute
contraction détrusorienne. Ce test a pour but d’étudier
globalement la fonction de clôture de l’urètre. Ainsi, un
VLPP bas témoignerait d’une insuffisance sphinctérienne.
Mots clés : Incontinence urinaire d’effort – Valsalva leak
point – Sphinctérométrie
Conditions de réalisation de l’examen
Urodynamic evaluation of urethral resistance in women
Abstract: Urethral function can be evaluated using
Valsalva leak point pressure and sphincterometry.
These assessments can help in diagnosing and determining a prognosis for urinary stress incontinence,
especially before surgical intervention.
Keywords: Stress urinary incontinence – Valsalva leak
point – Sphincterometry
L’évaluation urodynamique des résistances urétrales chez
la femme, repose d’une part sur l’étude du leak point
pressure et d’autre part sur la profilométrie urétrale.
Leak point pressure (LPP)
Le LPP se définit comme la pression vésicale ou
détrusorienne à laquelle se produit une fuite d’urines
par le méat urétral.
Le detrusor leak point pressure (DLPP) se définit comme
la pression détrusorienne à laquelle se produit une fuite
d’urines en l’absence d’hyperpression abdominale. Un
DLPP élevé est corrélé avec un risque élevé de retentissement sur le haut appareil. Cette élévation du DLPP peut
être liée à un trouble de la compliance vésicale ou à
l’apparition de puissantes contractions du détrusor associées à une bonne fonction de clôture urétrale n’assurant
pas un rôle de soupape protégeant le haut appareil.
Le Valsalva leak point pressure (VLPP) se définit
comme la plus petite pression intravésicale générée par
Le LPP est mesuré lors d’une cystomanométrie à l’eau
durant la phase de remplissage vésical. Si le principe de
définir la pression à laquelle se produit une fuite d’urines
paraı̂t simple, la méthodologie de réalisation de la mesure est
plus complexe car dépendante de nombreux paramètres.
Calibre du cathéter utilisé
Decter [1] montra l’influence du calibre du cathéter
utilisé sur le DLPP. Plus le cathéter était important, plus
le DLPP élevé, probablement par un effet obstructif.
Bump [2,3] montra que le VLPP était significativement
plus élevé en utilisant un cathéter 8 CH qu’un cathéter
3 CH. Cependant, certaines patientes voyaient paradoxalement leur VLPP diminuer en utilisant un cathéter
de plus gros calibre. Ces variations montrent, une fois de
plus, les interactions complexes et pas toujours prévisibles d’un cathéter sur l’urètre.
Lieu d’enregistrement des pressions
La mesure du DLPP est toujours effectuée dans la vessie.
En revanche, la mesure du VLPP a pu être réalisée dans
la vessie, le vagin ou le rectum. La mesure rectale permet
d’éviter l’effet obstructif d’un cathéter urétral. Mais, elle
ne permet pas de détecter des contractions non inhibées
éventuelles du détrusor. Le rectum est, d’autre part,
animé de contractions péristaltiques et rempli d’un
contenu hétérogène (gaz, matières solide et liquide)
peu propice à une mesure fiable de pression. Bump [3]
affirme que la mesure du VLPP en ces différents sites
n’est pas identique et semble préférer le site vésical.
Payne [4] retrouve des pressions plus élevées en utilisant
Correspondance : E-mail : [email protected]
100
un cathéter urétral et préfère le site rectal également
préconisé par le comité de standardisation de la Sifud [5].
Position de la patiente
Aucune étude ne compare la mesure du VLPP dans les
différentes positions possibles. La position idéale la plus
proche des conditions physiologiques est la position debout.
Pour des raisons pratiques évidentes, tant de bonne fixation
de la sonde que de confort de l’opérateur, le VLPP est le plus
souvent réalisé en position assise ou semi-assise.
Volume de remplissage vésical (VLPP)
Pour la plupart des auteurs [6-8], il existe une relation
inversement proportionnelle entre VLPP et remplissage
vésical. Cette relation serait liée à une fatigabilité
sphinctérienne lors de l’examen, à une élévation de la
pression vésicale lors du remplissage, à une infundibulisation progressive du col vésical. Pour d’autres auteurs
[9] il n’existerait aucune corrélation entre degré de
remplissage vésical et VLPP.
Le comité de standardisation de la Sifud [5] recommande de pratiquer la mesure du VLPP à 200 ml de remplissage ou à 50 % de la capacité vésicale lorsqu’il s’agit
d’une petite vessie. Si le test est négatif, il sera répété tous
les 100 ml jusqu’à la capacité vésicale maximale.
Type d’effort de poussée abdominale (VLPP)
Selon Bump [3], la mesure du VLPP serait plus élevée lors
d’un effort de toux que lors d’une manœuvre de Valsalva.
La plupart des auteurs et certaines sociétés savantes [5]
préconisent le choix de la manœuvre de Valsalva. En effet,
la toux entraı̂ne une variation de pression abdominale très
rapide, importante et fugace, donc difficilement mesurable.
Par ailleurs, l’effort de toux s’accompagne normalement
d’une contraction périnéale réflexe concourant à élever le
seuil de fuites à l’effort [10].
Mode de détection des fuites
Dans la mesure où le LPP se définit comme une pression
de fuites, le mode de détection de cette fuite est essentiel.
La technique initiale du VLPP utilisait une détection
vidéoscopique. La vessie était initialement remplie de
produit de contraste et l’effort de poussée réalisé sous
contrôle scopique. Cette technique est reproductible [11]
et permet une analyse rétrospective. Elle a pourtant
l’inconvénient de nécessiter un investissement très
coûteux pour un test présenté comme simple.
La détection visuelle de la fuite semble préférable. Elle
peut être facilitée par la coloration des urines par du bleu
de méthylène.
Mode de transmission des données
Pour des raisons humaines et techniques évidentes, la
pression enregistrée ne peut correspondre exactement
à l’instant précis où se produit la fuite. Il existe en effet
un délai incompressible entre la survenue de la fuite,
la visualisation de la fuite par l’opérateur et le relevé de
la pression à laquelle elle se produit.
Il existe aussi un certain délai de transmission entre
le cathéter mesurant la pression et l’unité informatique.
Ces délais inévitables sont de l’ordre de quelques
dixièmes de secondes et ne peuvent être méconnus.
Variations liées à la patiente
Certaines patientes ne peuvent réaliser un effort de Valsalva
suffisant pour entraı̂ner une fuite d’urines [3,12]. Le test
sera donc considéré comme faussement négatif.
La plupart des auteurs [13-15] considèrent qu’une
volumineuse cystocèle, par l’effet obstructif et par l’amortissement des pressions qu’elle entraı̂ne, rend inapplicable
la mesure du VLPP. Le test sera soit négatif, soit surévalué,
non par les forces de clôture urétrale mais par les conditions
anatomiques particulières liées au prolapsus génital.
Interprétation du LPP
Bump [2,3] a démontré que la mesure du VLPP était
reproductible chez 80 % des patientes avec néanmoins
des variations individuelles difficiles à prédire, parfois
très importantes. Heritz [13] considère le test comme
parfaitement reproductible inter- ou intraexaminateur.
Le DLPP a pour objectif de détecter essentiellement,
dans la population neurologique, les patientes à risque de
dégrader leur haut appareil urinaire. La valeur de 40
cmH2O paraı̂t être la valeur seuil pour ce risque [14,16].
Le VLPP a pour but d’évaluer de manière globale la
fonction sphinctérienne chez la femme. McGuire [17] et
Niitti [18] étudiant des femmes incontinentes par examen
vidéo-urodynamique ont constaté que lorsque le VLPP était
inférieur à 60 cmH2O, l’incontinence urinaire était préférablement liée à une insuffisance sphinctérienne. Au-delà de
90 cmH2O, elle était liée à une hypermobilité cervicourétrale. Entre 60 et 90 cmH2O, l’incontinence urinaire était
liée à l’association de ces deux causes. Ces constatations ont
conduit à proposer ce test comme aide au diagnostic
d’incontinence urinaire d’effort féminine. Aucune publication à ce jour n’a cependant montré l’intérêt de ce test dans
le choix thérapeutique ou une amélioration des résultats
thérapeutiques en fonction de la valeur du VLPP.
De nombreuses publications ont porté sur la comparaison de la mesure de la pression urétrale et du VLPP
censés évaluer la fonction sphinctérienne.
Mac Guire [17], comparant ces deux tests chez 125
femmes incontinentes, concluait qu’ils n’étaient pas
101
corrélés. Cependant, aucune donnée statistique ne venait
préciser cette conclusion.
Sultana [19] démontrait, au contraire, une corrélation
statistiquement significative. Le VLPP permettait de
prédire de basses pressions urétrales avec une sensibilité
de 100 % et une spécificité de 34,7 %.
Swift [20] étudiait l’aptitude du VLPP à détecter une
pression de clôture maximale de l’urètre (Pcmu)
inférieure à 20 cmH2O en fonction de différentes valeurs
seuil. Pour un VLPP de 45 cmH2O, le test avait une très
bonne spécificité (90 %) et une sensibilité correcte
(80 %). Pour un VLPP de 60 cmH2O, le test avait une
excellente sensibilité (90 %) mais une mauvaise spécificité. Le choix de la valeur seuil est donc essentiel selon
que l’on souhaite disposer d’un outil de dépistage ou de
diagnostic précis d’une Pcmu basse.
Théofrastous [21] quant à lui démontra que, lorsque la
fuite d’urines survenait lors d’une manœuvre de Valsalva
sur une vessie peu remplie, la Pcmu était en règle basse.
Aucun argument ne permet d’affirmer la supériorité
du VLPP ou de la mesure de la pression urétrale pour
évaluer la fonction sphinctérienne. Ces deux tests évaluent
l’urètre de manière différente et apportent des renseignements complémentaires, l’insuffisance sphinctérienne ne
pouvant être affirmée sur un argument clinique ou
paraclinique mais sur un faisceau d’arguments [22-24].
Profilométrie urétrale
Réalisée pour la première fois par Bonney en 1923 [25], la
mesure du profil urétral consiste à enregistrer la pression
tout au long de l’urètre par l’intermédiaire d’un cathéter
retiré progressivement de la vessie au méat urétral. Cette
pression peut être mesurée dans des conditions de repos
(profil statique) ou lors de manœuvres particulières telles
que l’effort de retenue ou la toux (profil dynamique). La
mesure de la pression urétrale permet d’évaluer de manière
globale l’ensemble des forces et contraintes appliquées à
l’urètre (force musculaire lisse et striée, vascularisation, tissu
urétral et périurétral) [26].
Le but de cette mesure est de tenter de connaı̂tre la
fonction sphinctérienne urétrale dont l’appréciation est
difficile cliniquement ou par d’autres examens complémentaires endoscopique, radiographique ou échographique. L’évaluation du sphincter urétral est pourtant
essentielle car de nombreuses publications ont montré que
les techniques usuelles de correction de l’incontinence
urinaire d’effort féminine avaient de mauvais résultats
lorsque la fonction sphinctérienne était médiocre.
Conditions de réalisation de l’examen [27]
La mesure du profil urétral nécessite d’enregistrer
simultanément la pression dans l’urètre (Puh) et la
vessie (Pv) tout au long du retrait du cathéter.
Deux capteurs de pression sont nécessaires. La
plupart des machines modernes d’urodynamique calculent la différentielle pression urétrale-pression vésicale
correspondant à la pression de clôture de l’urètre.
Le cathéter est retiré au mieux par un bras de retrait
automatique à vitesse connue et constante.
Le cathéter utilisé peut être soit un microcapteur
électronique, soit un cathéter perfusé selon la méthode
de Brown et Wickham [28]. Afin de réaliser une
perfusion à débit constant et connu de ce cathéter, de
nombreux laboratoires d’urodynamique utilisent une
poche de liquide soumis à une pression de 300 mmHg
grâce à un brassard pneumatique. Un régulateur de débit
opposant une forte résistance à cette contre-pression est
placé sur la ligne de perfusion. D’autres laboratoires
utilisent comme dispositif de perfusion une seringue
électrique.
Plusieurs retraits sont habituellement réalisés afin
d’étudier la reproductibilité des mesures.
Les retraits sont effectués prolapsus réduit dans une
position de repos.
L’absence de variation de la pression urétrale lorsque
le capteur est immobilisé au point où la pression urétrale
est maximale permet de s’assurer de l’absence d’instabilité urétrale.
Le profil de retenue se définit comme la variation de
pression, mesurée au point où la pression urétrale est
maximale, lors de l’effort de retenue.
L’étude de la transmission des pressions se définit
comme l’analyse des variations de pression dans la vessie
et dans l’urètre lors de la toux à différents points du
profil.
Interprétation de l’examen
La mesure du profil urétral peut être influencée par de
nombreux paramètres.
Le calibre du cathé ter utilisé n’a pas d’influence sur la
mesure en dessous de charrière 12 [29].
Les capteurs é lectroniques ou les capteurs perfusé s
monotrou mesurent la pression urétrale en un point.
L’orientation du capteur modifie le résultat obtenu. La
longueur fonctionnelle mesurée à douze heures est plus
courte que celle mesurée à six heures, la pression urétrale
mesurée à 12 heures est plus élevée que celle mesurée
à six heures [30]. Afin d’éviter l’effet d’orientation du
cathéter, certains auteurs [27] recommandent d’utiliser
des cathéters perfusés multitrous effectuant une mesure
circonférentielle et évitant cet effet d’orientation.
Les cathéters perfusés ne mesurent pas une pression
mais mesurent une résistance à l’écoulement. Ainsi, un
trouble de la compliance urétrale peut se traduire par un
pic de pression simulant une activité sphinctérienne
[27,31].
La vitesse de perfusion des cathéters est habituellement de 2 ml/mn [28,29,32]. Trop lente, la perfusion peut
102
réduire l’amplitude du profil ; trop rapide, elle peut
fausser le résultat.
La vitesse de retrait du cathéter a peu d’influence sur
le profil urétral. La vitesse de retrait habituellement
utilisée est de 1 mm/s [27].
Le remplissage vé sical entraı̂ne une augmentation de
la pression urétrale [33-36]. Chez la femme non ménopausée, non incontinente à l’effort, la pression urétrale
augmente au fur et à mesure du remplissage vésical. Cette
augmentation n’est pas retrouvée chez la femme incontinente à l’effort [37-40].
La position de la patiente n’est pas sans conséquence
sur la mesure du profil urétral. Chez la femme continente
à l’effort, la pression de clôture urétrale est plus élevée
en position debout qu’en position couchée [41], cette
augmentation n’étant pas retrouvée chez la femme
incontinente à l’effort. Pour Bhatia [37], le passage de
la position couchée à la position debout entraı̂ne une
diminution de la pression urétrale.
L’exté riorisation d’un prolapsus ne modifie pas, selon
Schussler [42], la pression urétrale au repos. Elle peut, en
revanche, par son effet pelote masquer une incontinence
urinaire à l’effort.
La mesure uré trale est enfin influencée par le statut
hormonal de la femme [30], la grossesse [43], l’accouchement [44,30], une activité intellectuelle pendant
l’examen [45], l’anesthésie générale avec curarisation
[46] et certains traitements agissant sur les récepteurs
alpha cervico-urétraux.
Quatre paramètres sont principalement étudiés lors
de la profilométrie urétrale :
– la longueur fonctionnelle de l’urètre se définit
comme la longueur où la pression urétrale dépasse la
pression vésicale. Son unité de mesure est le centimètre
et sa normale 3 0,5 cm. Ce paramètre, populaire dans
le milieu gynécologique, est en réalité peu fiable. Il ne
peut être utilisé comme critère diagnostique de l’incontinence urinaire féminine en raison de chevauchements
de valeurs entre femmes continentes et incontinentes
[29,32]. La colposuspension augmente la longueur
fonctionnelle [47,48] de l’urètre mais sa mesure ne peut
être considérée comme critère pronostique dans la
mesure où il n’existe aucune corrélation entre la valeur
de la longueur fonctionnelle et le résultat postopératoire
[49] ;
– la pression urétrale maximale se définit comme la
pression la plus élevée mesurée au cours du profil
urétral. La pression de clôture maximum de l’urètre
(Pcmu) se définit comme la différence entre la pression
urétrale maximale et la pression vésicale. L’unité de
mesure est le centimètre d’eau. Les pressions urétrales
sont corrélées à l’âge. Certains auteurs proposent pour
définir les valeurs normales « des formules » (pression
urétrale maximale = 92-l’âge [29]), d’autres des intervalles de valeur par tranche d’âge [50]( 20-39 ans : 53,5 10,6 ; 40-49 ans : 49,1 12,4, 50 à 59 ans : 44,5 9,3 ; 60-69 ans : 43,5 15,7). On admet cependant
qu’une valeur inférieure à 30 cmH2O témoigne d’une
insuffisance sphinctérienne. Lors de l’effort de retenue,
différentes structures urétrales permettent de maintenir
la continence [51]. Le gain de pression attendue est de
l’ordre de 30 %. En dessous de cette valeur on parle
d’incompétence sphinctérienne.
L’interprétation du profil urétral nécessite de tenir
compte d’une grande variabilité d’une mesure à l’autre,
bien démontrée par de nombreux auteurs [30,52-55].
La pression urétrale ne peut être considérée comme
un test utile pour diagnostiquer une incontinence
urinaire féminine. Il existe en effet de très importants
chevauchements entre femmes incontinentes à l’effort et
femmes continentes [56,57]. Une pression urétrale élevée
n’est par ailleurs pas obligatoirement le témoin d’une
activité sphinctérienne efficace.
Il est en revanche bien établi qu’une pression urétrale
basse est un facteur d’échec postopératoire des techniques classiques de correction de la cervicocystoptose
[58,59]. Cette constatation n’a cependant à ce jour pas été
démontrée avec des techniques plus récentes de cure
d’incontinence urinaire d’effort telle que la technique
TVT :
– la transmission des pressions se définit comme
l’étude du rapport de l’élévation de pression uétrale/
vésicale générée par la toux tout au long du profil urétral.
Cette transmission se mesure en pourcentage. Normalement cette transmission doit être proche de 100 %. Une
mauvaise transmission des pressions, se traduisant par
un pic de pression moins élevé dans l’urètre que dans la
vessie lors de l’effort de toux, définit un défaut de
transmission et serait selon la théorie d’Enhorning [60]
un critère diagnostique de l’incontinence urinaire
d’effort par cervicocystoptose. Cependant, pour Richardson [58], ce test serait très spécifique et peu sensible
alors que pour Bump [61], il serait très sensible et peu
spécifique. En réalité cette mesure est influencée par de
nombreux paramètres la rendant peu fiable (variation
selon le lieu de mesure [62], la toux utilisée [63,64],
l’orientation du capteur [65], le remplissage vésical [66],
l’extériorisation et la réduction du prolapsus), est source
d’une grande variabilité individuelle [67], est peu
reproductible [64,68,69], n’est pas corrélée au degré
d’hypermobilité urétrale [70]. D’autres paramètres
comme la position de la patiente [71] n’ont, en revanche,
pas d’influence sur la mesure du taux de transmission
des pressions. Pour toutes ces raisons, cette mesure ne
peut être utilisée pour analyser une incontinence urinaire
d’effort [72] ni comme un critère prédictif du résultat
postopératoire [73,59] ;
– la stabilité urétrale est le dernier paramètre
couramment analysé au cours du profil urétral. Son
étude nécessite de bloquer le capteur de mesure au
niveau du point du profil où la pression urétrale est
maximale et d’étudier les variations de pression. Certains
103
auteurs ont suggéré que des variations de la pression
urétrale pouvaient correspondre à un phénomène
pathologique et être à l’origine de symptômes urinaires
[55,74]. Cet engouement pour le concept « d’instabilité
urétrale » a trouvé peu d’écho au-delà des années 1980.
Sorensen [39] a montré qu’il existait des variations
physiologiques de la pression urétrale atteignant parfois
plusieurs dizaines de centimètres d’eau. Les artéfacts
techniques liés au déplacement de la sonde ou de la
patiente peuvent aussi simuler une instabilité urétrale.
Dans sa sagesse, un rapport de l’ICS indique que
le concept d’instabilité urétrale nécessite d’autres études
et investigations, l’instabilité urétrale pouvant se définir
comme d’importantes variations de la pression de
clôture urétrale s’annulant ou se négativant. La physiopathologie, les conséquences cliniques et les possibilités
thérapeutiques de cette entité demeurent encore mystérieuses.
Références
1. Decter RM, Harpster L (1992) Pitfalls in determination of
leak point pressure. J Urol 148: 588-91
2. Bump RC, Elser DM, McClish DK (1993) Valsalva leak
point pressure in adult women with genuine stress
incontinence: reproducibility, effect of catheter caliber,
and correlation with passive urethral pressure profilometry. Neurourol Urodyn 12: 307-08
3. Bump RC, Elser DM, Theofrastous JP, et al. (1995) Valsalva
leak point pressures in women with genuine stress
incontinence: reproducibility, effect of catheter caliber,
and correlations with other measures of urethral resistance. Am J Obstet Gynecol 173: 551-57
4. Payne CK, Raz S, Babiarz JW (1994) The Valsalva leak point
pressure in the evaluation of stress urinary incontinence:
technical aspects of measurement. American Urological
Association, San Francisco, 151, 478A, 1001, 14-19 may
5. Haab F, Amarenco G (1998) Méthodologie de réalisation
du VLPP. Société internationale Francophone d’urodynamique (SIFUD), Lisbonne, 14-16 Mai
6. Haab F, Dmochowski R, Zimmern PE, et al. (1997)
Variabilité du Valsalva leak point pressure en fonction
du volume de remplissage de la vessie. Prog Urol 7: 422-25
7. Miklos JR, Sze ED, Karram MM (1995) A critical appraisal
of the methods of measuring leak point pressures in
women with stress incontinence. Obstet Gynecol 8: 349-52
8. Theofrastous JP, Cundiff GW, Harris RL, et al. (1996) The
effects of increasing vesical volume on Valsalva leak point
pressure in women with pure genuine stress urinary
incontinence. Obstet Gynecol 87: 711-14
9. Petrou SP, Kollmorgen TA (1998) Valsalva leak point
pressure and bladder volume. Neurourol Urodyn 17: 3-7
10. Walsh IK, Stone AR (2000) Cough versus Valsalva abdominal
leak point pressure: which is the best? American Urological
Association, Atlanta, 163, 265, A1175, 29 April-4 May
11. Song JT, Campo R, Chai TC, et al. (1995) Observer
variability in stress leak point pressure measurement
using fluorourodynamics. American Urological Association, Las Vegas, 153, 492A, 1056, 23-28 April
12. Haab F, Ciofu C, Pedron P, et al. (1997) Valsalva leak point
pressure : un test pas toujours facile à mesurer, Société
internationale francophone d’urodynamique, Annecy,
p341, 15-17 Mai
13. Heritz DM, Blaivas JG (1995) Reliability & specificity of the
leak point pressure. American Urolgical Association, Las
Vegas, 153, 492A, 1055, 23-28 April
14. McGuire EJ, Cespedes D, O’Connell HE (1996) Leak point
pressure. Urol Clin North Am 23: 253-62
15. Usui A, McGuire EJ, O’Connell HE, et al. (1995) Abdominal
leak point pressure in stress incontinence. American
Urological Association, Las Vegas, 153, 493A, 1057, 23-28
April
16. McGuire EJ, Woodside JR, Borden TA (1981) Prognostic
value of urodynamic testing in myelodysplastic children.
J Urol 126: 205-09
17. McGuire EJ, Fitzpatrick CC, Wan J, et al. (1993) Clinical
assessment of urethral sphincter function. J Urol 150: 145254
18. Nitti VW, Combs AJ (1996) Correlation of Valsalva leak
point pressure with subjective degree of stress urinary
incontinence in women. J Urol 155: 281-85
19. Sultana CJ (1995) Urethral closure pressure and leak-point
pressure in incontinent women. Obstet Gynecol 86: 839-42
20. Swift SE, Ostergard DR (1995) A comparison of stress leakpoint pressure and maximal urethral closure pressure in
patients with genuine stress incontinence. Obstet Gynecol
85: 704-08
21. Theofrastous JP, Cundiff GW, Harrus RL, et al. (1995) The
effects of increasing vesical volume on Valsalva leak point
pressure (VLPP) in women with pure genuine stress urinary
incontinence (GSI). Neurourol. Urodyn 14: 409-10
22. Bump RC, Coates KW, Cundiff GW, et al. (1997)
Diagnosing intrinsic sphincteric deficiency: comparing
urethral closure pressure, urethral axis and Valsalva leak
point pressures. Am J Obstet Gynecol 177: 303-10
23. Haab F, Ciofu C (2000) Place du Valsalva leak point pressure
(VLPP) dans l’exploration de l’incontinence urinaire de la
femme. In: Amarenco G, Serment G (ed.), L’insuffisance
sphinctérienne de la femme. Elsevier, Paris, pp 143-52
24. Hermieu JF, Boccon-Gibod L (1999) Le Valsalva Leak
Point Pressure (VLPP). RGO 6: 123-26
25. Bonney V (1923) On diurnal incontinence of urine in
women. J Obst Gynec Brit Emp 30: 358-65
26. Awad SA, Downie JW (1976) Relative contribution of
smooth muscles to the canine urethral pressure profile.
Br J Urol 48: 347-54
27. Hermieu JF (2000) Sphinctérométrie : techniques, paramètres, interprétation. In: Amarenco G, Serment G (ed.),
L’insuffisance sphinctérienne de la femme. Elsevier, Paris,
pp 121-36
28. Brown M, Wickham J (1969) The urethral pressure profile.
Br J Urol 41: 211-17
29. Edwards L, Malvern J (1974) The urethral pressure profile:
theoretical considerations and clinical applications. Br J
Urol 46: 325-36
30. Van Geelen JM, Doesburg WH, Martin CB (1984) Female
urethral pressure profile; reproducibility, axial variation and
effects of low dose oral contraceptives. J Urol 131: 394-98
31. Susset J, Plante P, Servot-Viguier D (1977) Rôle du profil
de pression uréthrale chez la femme dans l’évaluation de
l’élasticité de l’urèthre et de différents traitements visant
au contrôle de l’incontinence ou de la dysurie. J Urol
Nephrol (Paris) 83(suppl 2): 563-70
32. Abrams P (1979) Perfusion urethral profilometry. Urol
Clin North Am 6: 103-10
33. Griffiths DJ (1973) The mechanics of the urethra and of
micturition. Br J Urol 45: 497-507
34. Karlson S (1953) Experimental studies on the function of
female urinary bladder and urethra. Acta Obstet Gynecol
Scand 32: 285-307
104
35. Obrink A, Bunne G, Ulmsten U (1977) Intra-urethral and
intravesical pressure in continent women. Acta Obstet
Gynecol Scand 56: 525-29
36. Tanagho EA, Miller ER, Meyers FH, et al. (1966)
Observations on the dynamics of the bladder neck. Br J
Urol 38: 72-84
37. Bhatia NN, Ostergard DR (1982) Urodynamics in women
with stress urinary incontinence. Obstet Gynecol 60: 552-59
38. Mayer R, Wells TJ, Brink CA, et al. (1994) Correlations
between dynamic urethral profilometry and perivaginal
muscle activity. Neurourol Urodyn 13: 227-35
39. Sorensen S (1992) Urethral pressure variations in healthy
and incontinent women. Neurourol Urodyn 11: 549-91
40. Toews HA (1967) Intraurethral and intravesical pressures
in normal and stress incontinent women. Obstet Gynecol
29: 613-24
41. Cadogan M, Awad S, Field C, et al. (1988) A comparison of
the cough and standing urethral pressure profile in the
diagnosis of stress incontinence. Neurourol Urodyn 7: 327-41
42. Schussler B, Hesse U, Lentsch P, et al. (1987) Artefacts in
urethrometry caused by marked genital prolapse. Neurourol Urodyn 6: 154-55
43. Iosif CS, Ingemarsson I (1980) Urodynamic studies in
normal pregnancy and in puerperium. Am J Obstet
Gynecol 137: 696-700
44. Cotelle O (1983) Accouchement et incontinence urinaire.
Rééducation urogynécologique post-natale. Thèse, Paris
45. Aranda B, Letzt-Ribinik P (1991) Effect of voluntary attention
on urethral pressure. Neurourol Urodyn 10: 571-78
46. Bump RC, Huang KC, McClish DK, et al. (1991) Effect of
narcotic anesthesia and skeletal muscle paralysis on
passive and dynamic urethral function of stress continent
and incontinent women. Neurourol Urodyn 10: 523-32
47. Faysal MH, Constantinou CE, Rother LE, et al. (1981)
The impact of bladder neck suspension on the resting
and stress urethral pressure profile: a prospective study
comparing controls with incontinent patients pre operatively and post operatively. J Urol 125: 55-60
48. Shaw J (1991) Urethral pressure profile. In: Krane RJ,
Siroky MB (ed.), Clinical Neuro-Urology. Little, Brown
and Company, Boston, pp 185-99
49. Reid RE, Laor E, Tiola BM, et al. (1985) Intraoperative
profilometry. J Urol 133: 203-04
50. Henriksson L, Ulmsten U, Andersson KE (1977) The effect
of changes of posture on the urethral closure pressure in
healthy women. Scand J Urol Nephrol 11: 201-06
51. Colstrup H (1985) Voluntary contractions in the female
urethra. J Urol 134: 902-06
52. Bruskewitz R, Raz S (1979) Urethral pressure profile using
microtip captheter in females. Urology 14: 303-07
53. Plante P, Susset J (1980) Studies of female urethral
pressure profile. Part I. The normal urethral pressure
profile. J Urol 123: 64-9
54. Plante P (1987) L’uréthromanométrie. In: Buzelin JM,
Richard F, Susset J (ed.), Physiologie et pathologie de la
dynamique des voies urinaires. FIIS, Paris, pp 184-90
55. Plevnik S, Janez J (1983) Urethral pressure variations.
Urology 21: 207-09
56. Blaivas JG, Chancellor MB (1996) Urethral pressure profiles.
In: Blaivas JG, Chancellor MB (ed.), Atlas of urodynamics.
Williams – & Wilkins, Baltimore, pp 77-87
57. Mac Guire EJ (1995) Urodynamic evaluation of stress
incontinence. Urol Clin N Amer 22: 551-55
58. Richardson DA (1986) Value of the cough pressure profile
in the evaluation of patients with stress incontinence.
Am J Obstet Gynecol 155: 808-11
59. Weil A, Reyes H, Bischoff P (1984) Modifications of the
urethral rest and stress profiles after different types of
surgery for urinary stress incontinence. Br J Obstet
Gynaecol 91: 46-55
60. Enhorning G (1961) Simultaneous recording of intravesical
and urethral pressure. A study on urethral closure in
normal and stress incontinent women. Acta Chir Scand
276: 1-68
61. Bump RC, Copeland WE, Hurt WG, et al. (1988) Dynamic
urethral pressure profilometry pressure transmission ratio
determinations after continence surgery: understanding
the mechanism of success, failure, and complications.
Am J Obst Gynecol 159: 749-55
62. Heidler H, Wolk H, Jonas U (1979) Urethral closure
mechanism under stress conditions. Eur Urol 5: 110-12
63. Beco J, Serilas M, Schaaps JP (1988) « Toux maximale » et
pression de clôture résiduelle : leur importance dans le
bilan urodynamique Sifud (montréal), 26-29 Mai
64. Richardson DA, Ramahi A (1993) Reproducibility of
pressure transmission ratios in stress incontinent women.
Neurourol Urodyn 12: 123-30
65. Constantinou CE (1988) Urethrometry: considerations of
static, dynamic, and stability characteristics of the female
urethra. Neurourol Urodyn 7: 521-39
66. Constantinou CE (1985) Resting and stress urethral pressures
as a clinical guide to the mechanism of continence in the
female patient. Urol Clin North Am 12: 247-58
67. Cundiff GW, Harris RL, Theofrastous JP, et al. (1997)
Pressure transmission ratio reproducibility in stress
continent and stress incontinent women. Neurourol
Urodyn 16: 161-66
68. Amarenco G, Le Cocquen A, Bosc S, et al. (1996)
Reproductibiliité DT intra et interexaminateur du calcul
de ratio de transmission chez les femmes incontinentes
à l’effort. Société internationale francophone d’urodynamique, Marrakech, 1996, 11-13 Avril
69. Schick E (1994) Regarding « reproducibility of pressure
transmission ratios in stress incontinent women ». Neurourol Urodyn 13: 81-83
70. Meyer S, de Grandi P, Caccia G, et al. (1997) Pressure
transmission ratio: is it a reliable parameter in increased
urethrovesical junction mobility. Neurourol Urodyn 16:
277-84
71. Constantinou CE, Govan DE (1982) Spatial distribution
and timing of transmitted and reflexly generated urethral
pressure in healthy women. J Urol 127: 964-69
72. Rosenzweig BA, Bhatia NN, Nelson AL (1991) Dynamic
urethral pressure profilometry pressure transmission ratio:
what do the numbers really mean? Obstet Gynecol 77: 586-90
73. Bergman A, Ballard CA, Koonings PP (1989) Comparison
of three different surgical procedures for genuine stress
incontinence: prospective randomized study. Am J Obstet
Gynecol 160: 1102-06
74. Abrams P, Blaivas JG, Stanton SL, et al. (1988) Standardisation of terminology of lower urinary tract function.
Neurourol Urodyn 7: 403-27
Pelv Perineol (2007) 2: 105–106
© Springer 2007
DOI 10.1007/s11608-007-0110-8
REVUE DE PRESSE / PRESS REVIEW
Revue de presse
G. Amarenco
J. Lee, K. Hersey, C.-T. Lee, N. Fleshner
Climacturie après prostatectomie radicale : un symptôme méconnu. Climacturia following radical
prostactectomy: prevalence and risk factors. J Urol 176: 2562-5, December 2006
Résumé : Cette étude a eu pour but d’évaluer la prévalence et le retentissement de l’incontinence urinaire pendant
l’orgasme (climacturie) au décours d’une prostatectomie radicale pour cancer. Quarante-deux patients d’âge moyen
58,9 ans ont été inclus. Le recul moyen après la prostatectomie était de 23,6 mois.
Soixante-huit pour cent des patients rapportaient une climacturie occasionnelle ou rare et 21 % un tel symptôme
survenant la plupart du temps ou toujours lors des rapports sexuels. Cinquante-huit pour cent des patients estimaient
que les fuites étaient peu importantes (quelques gouttes), mais 16 % rapportaient des fuites importantes. Cinquantedeux pour cent des patients ne s’estimaient peu ou pas du tout gênés alors que 48 % estimaient la gêne importante.
Vingt et un pour cent estimaient que ce symptôme était gênant pour leur partenaire. Les moyens de prévention utilisés
étaient dans 84 % la miction avant le rapport sexuel alors que 11 % des patients utilisaient des préservatifs. Aucun
facteur prédictif de la climacturie n’était retrouvé (âge, score de Gleason, délai depuis la chirurgie, débit maximum en
débimétrie, IPSS...).
Commentaires : La climacturie est sans aucun doute un symptôme fréquent, mais rarement spécifiquement
étudié. L’incontinence au cours de l’orgasme a été plus évaluée chez la femme chez laquelle elle est rangée à côté des
autres incontinences aux paroxysmes émotionnels (frayeur, fou rire). On peut regretter que cette étude n’ait comporté
que des données cliniques et non pas urodynamiques pour mieux préciser le mécanisme physiopathologique de ce
type d’incontinence. Il est quand même bien probable qu’il s’agisse là d’une défaillance sphinctérienne. Des études
complémentaires seraient intéressantes.
V. Gudziol, M. Mück-Weymann, O. Seizinger, R. Rauh, W. Siffert, T. Hummel
Sentir ou... Sildenafil affects olfactory function. J Urol 177: 258-61, January 2007
Résumé : L’olfaction a été évaluée chez 20 jeunes volontaires après administration de 50 et 100 mg de sildénafil
ou de placebo dans le cadre d’une étude en double insu. La fonction olfactive était évaluée en utilisant un test
standardisé et validé (Sniffin’Sticks®). Il existait une altération significative de l’olfaction lors de la prise de sildénafil
à la dose de 100 mg (pas de trouble à la dose de 50 mg).
Commentaires : Le sildénafil est l’un des traitements très classiques de la dysfonction érectile. Approximativement
20 % des patients se plaignent de congestion nasale. Cette étude démontre bien qu’à forte dose le sildénafil créait
une dysfonction olfactive transitoire. Il peut être donc recommandé de ne pas absorber cette molécule avant... de
passer à table ou pour le moins de prévenir les patients d’un tel effet secondaire possible...
H. Vanden Broucke, K. Everaert, W. Peersman, H. Claes, D. Vanderschueren, M. Van Kampen
Temps de latence éjaculatoire et sensibilité pénienne. Ejaculation latency times and their relationship
to penile sensitivity in men with normal sexual function. J Urol 177: 237-40, January 2007
Résumé : Il s’agit d’une étude menée chez 58 volontaires sains âgés de 20 à 40 ans, ayant une fonction sexuelle
normale. Le but de l’étude était de corréler le temps de latence éjaculatoire et la sensibilité pénienne. L’éjaculation
106
et son temps de latence étaient testés suivant trois procédures (rapport sexuel, masturbation au laboratoire,
masturbation à la maison) et testés grâce à un biothésiomètre (seuil de sensibilité) et un vibromètre (seuil de
sensibilité vibratoire). Le temps de latence éjaculatoire moyen était plus élevé durant le rapport sexuel (8,25 minutes
en moyenne) comparativement à la masturbation au laboratoire (moyenne 7,22 minutes) ou à domicile (moyenne
4,89 minutes). Il existait une parfaite reproductibilité chez chacun des sujets. Il n’existait aucune corrélation entre
les seuils de sensibilité tactile ou vibratoire et les temps de latence éjaculatoire.
Commentaires : Plus blanc que blanc... Si la méthodologie de cette étude semble excellente, on ne comprend
pas très bien quel en était le but. En effet, comment retrouver une corrélation chez des sujets par définition même
normaux sur le plan neurologique ? La distribution des seuils de sensibilité tant superficielle que vibratoire va être
totalement gaussienne et bien évidemment non superposable à une autre mesure quelle qu’elle soit (satisfaction
sexuelle, temps de latence éjaculatoire, durée de l’érection, fréquence mictionnelle, taille du sujet, poids, etc.). Il en
serait vraisemblablement tout autrement en cas de groupes pathologiques et, notamment chez des patients avec
neuropathie périphérique. Il faut cependant noter que l’objectif principal de l’étude était de déterminer des valeurs
normales et la reproductibilité des temps de latence éjaculatoire chez les sujets normaux, ce qui a été parfaitement
réalisé.
M. Fader, S. Glickman, V. Haggar, R. Barton, R. Brooks, J. Malone-Lee
Instillation intravésicale d’atropine dans l’hyperactivité détrusorienne : étude randomisée en double insu.
Intravesical atropine compared to oral oxybutynin for neurogenic detrusor overactivity: a double blind,
randomized crossover trial. J Urol 177: 208-13, January 2007
Résumé : Il s’agit d’une étude ayant évalué l’efficacité d’une injection intravésicale d’atropine comparée à un
traitement oral par oxybutinine dans l’hyperactivité détrusorienne de patients souffrant de sclérose en plaques.
Cinquante-sept sujets ont été inclus (âge moyen 51 ans). Ils recevaient un traitement de 14 jours, soit avec de
l’oxybutinine par voie orale, soit une instillation intravésicale d’atropine puis les traitements étaient intervertis
(Crossover). L’efficacité a été jugée sur un calendrier mictionnel avec comme critère principal la capacité vésicale.
La dose d’atropine était de 6 mg 4/j (diluée dans 20 ml de sérum salé à 0,9 %). L’oxybutinine était donné à dose
de 5 à 20 mg. L’augmentation moyenne de la capacité vésicale était de 55,5 ml pour l’oxybutinine versus 79,6 ml
pour l’atropine. Il n’existait en revanche pas de différence significative dans les épisodes d’incontinence entre les
deux groupes ou en ce qui concerne la fréquence mictionnelle. Les effets secondaires et, notamment la sécheresse
buccale était moindre dans le groupe atropine.
Commentaires : Cette étude démontre l’efficacité de l’injection intravésicale d’atropine dans le contrôle des
hyperactivités détrusoriennes. L’instillation intravésicale d’anticholinergiques n’est pas nouvelle. Il pourrait s’agir
d’une thérapeutique alternative en cas d’hyperactivité détrusorienne rebelle avant d’autres solutions de type
neuromodulation des racines sacrées ou injection intradétrusorienne de toxine botulique. On n’a cependant pas la
notion d’amélioration urodynamique, deuxième élément de réponse indispensable après la qualité de vie dans la
décision d’un traitement pour l’hyperactivité du détrusor.