TRENTE-DEUX SAYNETES POUR LE THEÂTRE

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TRENTE-DEUX SAYNETES POUR LE THEÂTRE
TRENTE-DEUX SAYNETES POUR LE THEÂTRE
Vous désirez jouer ou mettre en scène, merci de contacter l’auteur sur :
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TRENTE-DEUX SAYNETES POUR LE THEATRE
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN : 978-1-4478-7030-2
Dépôt légal : Septembre 2011 – 2012 – 2013 - 2014
© Daniel Pina
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Les jumelles
Comédien imbibé
Lettre aux parents
Anatole
Les madeleines
Miss FIV
Chatte honnête
Voisin, voisine
Le nouveau chef
L’heure des hommes
Le silence et la solitude
La journée de la femme
Betty
Apparences
Auguste
Rencontre
Bonjour le monde
Casting
Colombine et Pierrot
Comédiens
Errance
Isabelle et le clochard
Je suis Harlem
Le pompier
Légitime défense
Loufoque tribunal
Quiz cool
Rapacité
Rendez-vous fantôme
La vie 3000
Enfance
Les justes rev…s
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Les jumelles
Monologue pour femme - Durée approximative : 4 minutes 40
Les didascalies sont laissées à la discrétion de la comédienne
Nous sommes deux sœurs jumelles. Nées sous le signe dé-sastreux. Line et Sarah. Et moi à votre
avis, je suis laquelle ?
De toute façon c’est toujours pareil c’est ma sœur que vous allez choisir.
Mais si, je connais le résultat. Vous voulez parier ? Allez, faites votre choix.
Vous avez une chance sur deux vous me direz, et pourtant je suis sûre de la réponse. Alors, je
suis Line ou Sarah, je suis Sarah ou bien Line ?
Eh bien non c’est pas d’ bol, moi c’est Sarah pas Line. Vous voyez ce que je vous disais !
Mais je ne suis pas la Sarah qui chasse les ours en Alaska, non ! Moi je suis l’autre, je suis Sarah
la discrète, l’effacée, celle dont on ne parle pas.
La jumelle sans objectif, je ne suis pas celle sur qui on se focalise.
C’est comme ça depuis la naissance, il y a Line la divine, et moi. Line la blanche colombe et
Sarah, le crapaud.
Line l’in-ébranlable et Sarah, l’in-efficace. En d’autres mots Line est branlable et Sarah est
ébranlée. Je sais, ce n’est pas beau la jalousie.
Mais tout lui réussit, elle aime tout le monde et tout le monde l’adore. Voilà pourquoi j’ai les
boules.
J’ai grandi sans bisou, sans compliment, sans réconfort, c’est ma sœur qui a tout pris.
Nous sommes des sœurs jumelles, ça veut dire que je suis née d’une grossesse stéréozygote. Mais
avec ce qu’elle me fait subir ça fait belle burette que je fonctionne en mono.
Pourtant j’avais tout pour faire la paire, je poursuivais un objectif, je portais des lentilles, mais tout
ce que je fais, je loupe.
Vous pensez que je n’ suis pas fute-fute, ben oui, c’est ma sœur qui a tout pris.
Elle est le Yin et moi le Yang, elle est le rouge et moi le noir, elle est la tête et moi les jambes,
bref, ma jumelle et moi sommes les meilleures ennemies du monde.
D’ailleurs ma sœur ce n’est pas une jumelle, c’est un périscope.
Rien ne lui échappe, elle voit tout, entend tout, et surtout elle comprend tout.
Elle a une sacrée mémoire vous savez, elle n’oublie rien, c’est l’in-altérable. Je vous le dit, c’est
un micro pro cette sœur.
Elle est tout mon contraire, elle est belle, drôle, sexy, intelligente… salope ! C’est l’in-oubliable
quoi !
Alors que moi je suis envieuse, stressée, vieux jeu et parfaitement stupide. La ratée de la famille,
l’œuf non couvé, le mouton noir, le corbeau blanc.
Elle a muri et moi je suis restée une enfant, Sarah gosse.
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Je suis la jumelle qu’on ne voie pas, qu’on ne veut pas voir. Je connais la musique hé ! À force de
subir le chromatisme mon champ de vision à diminué.
Que me reste-t-il alors ? Rien, c’est ma sœur qui a tout pris.
J’avais des rêves et des ambitions, j’aurais pu faire un métier d’avenir, j’aurais pu devenir je sais
pas moi, star académicienne.
Tout le monde aurait pu ainsi me voir en vert, moi, la jumelle de « la » jumelle. Star
académicienne en vert, mais surtout contre tous oui !
Personne ne m’aime. Mais pourtant j’aime ma sœur, pas comme la prunelle de mes yeux, non,
mais je l’aime… bien… quand elle est loin… à perte de vue, comme une jumelle quoi !
Ma sœur est une tête d’ange dans un corps de démon. Moi je suis terne et elle brille, elle est la
jumelle… et moi alors, gémellaire de quoi ?
Elle est blonde et moi brune, elle a les yeux bleus les miens sont noirs. Ma poitrine ! Quoi ma
poitrine ? Ben non je n’ai pas de seins, c’est ma sœur qui a tout pris !
Pour ma sœur je demeure non pas sa jumelle mais rien qu’une sœur. Jamais je ne serai Line, je ne
suis que Sarah, et reste persuadée que je suis et resterai son boulet, son brouillon, son jouet et sa
bête noire, pour ma sœur je ne suis que Sarah, sa racaille.
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Comédien imbibé
Monologue – durée approximative : 6 minutes
Comment ça qu’est-ce que je fais sur cette scène, que voulez-vous donc que j’y fasse ?
Je m’imprègne, je m’insinue, je ne fais qu’un avec la salle, avec le public, avec le décor.
Je vois bien qu’il n’y a pas de public je ne suis pas complètement saoul, du moins pas encore, faut
dire qu’il n’est que neuf heures du matin.
Avec ou sans public nous les comédiens restons des comédiens, mais vous ne pouvez pas
comprendre vous n’êtes que le ?... directeur du théâtre et le metteur en scène !
Ah oui quand même ! Alors ne cherchez plus vous avez trouvé le bon comédien.
Votre pièce se joue ce soir donc vous n’avez plus besoin de personne, comme moi… surtout
comme moi.
Pourquoi surtout comme moi ? Vous savez donc qui je suis ?
Pour ceux qui ne me connaissent pas je suis Alain Fournier. Pour ceux qui me connaissent je suis
aussi Alain Fournier, le même pareil.
C’est vrai on m’appelle le grand Morne, et alors ?
Vous êtes bien placé pour savoir que dans ce métier on ne se fait pas de cadeau pas vrai ?
Est-ce que je bois toujours autant ? Il m’est arrivé de m’égarer de temps en temps mais, ça fait
bien 15 minutes que je n’ai pas bu une goutte.
Vous voulez savoir quel bon vin m’amène ? Ah ah ! Est-ce que je recherche une pièce en vers,
c’est amusant.
Je préfère boire à la bouteille car vous devriez savoir que le vert porte malheur au théâtre.
Plus sérieusement je cherche un rôle. Bof heu ! N’importe quoi, de toute manière pour vous je suis
n’importe qui et je joue n’importe comment n’est-ce pas ? Oui, j’ai oublié n’importe où.
Vous me considérez comme un bon à rien, un raté, vous ne pouvez pas le cacher. Oh je ne vous en
veux pas, allez ! Vous pensez être mieux que moi.
Avant j’étais un comédien, un bon comédien. Aujourd’hui je suis tacteur. Si si, je dis bien tacteur.
Tout est dans la gestuelle, dans le verbe, moi je fais dans le tact, je suis un tacteur véritable, entier,
pur… pur malt si vous voulez, mais pour servir le public, pour servir le théâtre.
Vous me demandez si je suis imbibé ? Mais bien évidemment que je le suis, comment voulez-vous
vivre la vie des autres sans vous souciez de la vôtre sans soutien… logistique ?
Montez sur scène et se mettre à nu devant une salle comble pour des gens qui paient pour nous
voir jouer la comédie, vous croyez que c’est facile ? Tartuffe !
C’est vrai, pour moi c’est devant une salle vide… c’est un comble !
De toute façon le public quand il est là je ne le vois pas et quand il est absent je l’imagine, et je le
vois.
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Oui j’aurais pu jouer Roméo, Cyrano ou Hamlet. Mais pas Richard trois hein, j’aurais été
complètement bourré avant d’avoir tout lu.
N’empêche que c’est dur de ne pas être reconnu par la profession. Bon ! Pour être RE-connu il
faut déjà être connu, c’est pas con !
J’aurais pu être le connu magnifique, le dindon de la force.
Au lieu de ça je suis à la ramasse, j’erre de théâtre en théâtre, balloté telle une bouteille dans
l’océan des illusions perdues.
Je n’ai plus aucune proposition depuis longtemps. La seule chose que je reçoive c’est le RMI, la
Revue Mensuelle des Intermittents.
Je suppose que grâce à vous demain la critique va m’en mettre plein la gueule, ceux qui ne sont
jamais venus me voir m’enterreront définitivement.
Oui monsieur le directeur du théâtre metteur en scène, vous commencez à me saouler avec votre
morale.
Ok ok ! Je m’en vais ! Un dernier regard aux fauteuils, au rideau et aux projecteurs, une dernière
pensée à tous ceux qui ont cru en moi, un jour. Le grand Morne vous salue.
Malgré mes déboires je ne suis pas fini et je reste persuadé que je remontrai sur les planches, ne
vous en déplaise.
Je suis sûrement un comédien imbibé je ne le nie pas, mais j’ai eu mon heure de gloire, et à
l’époque mon débit n’était pas que de boissons.
Oui c’est bon je pars, une chose est sûre c’est que je ne peux pas vous faire de l’ombre, vous
voulez savoir pourquoi ? Mais parce que vous n’êtes pas une lumière, monsieur le directeur
metteur en scène.
Ce n’est pas la peine de crier. Vous n’êtes qu’un imbécile, monsieur le directeur metteur en scène.
Si vous l’êtes, sinon vous ne diriez pas que je ne suis qu’un bouffon !
C’est un honneur d’être un saltimbanque, un baladin, je pensais en arrivant ici que vous l’auriez
remarqué. Un bon directeur metteur en scène aurait senti immédiatement que je suis un artiste,
certes décadent, mais un artiste.
Qu’est-ce que vous dites ? Et si on discutait pour un rôle éventuel ? Non merci pour la charité.
C’est vous le bouffon, hypocrite.
Je voulais revoir ce théâtre qui m’a fait tant vibrer avant de tirer ma révérence.
Je vais trinquer à ma santé. Alain Fournier vous salue bien. Vous me demandez qui je suis
vraiment ? Vous ne comprenez décidément rien.
Pas facile d’être un comédien qui prend de la bouteille. Cette scène se passe de commentaire alors
je vais me taire et me suivre mon destin, celui d’une étoile qui s’éteint et qui va essayer de briller
ailleurs, dans une autre galaxie.
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Sur scène chaque comédien donne une part de lui-même, mais certains dont vous faites partie ne
donne rien, ou que du négatif.
Je n’irai pas plus loin, car par trop de stress et d’alcools je ne me souviens plus de mon texte.
Mais par contre avant de partir, j’aimerais vous dire que vous le vouliez ou non je demeure un vrai
comédien de théâtre.
Aussi, monsieur le directeur metteur en scène, avec grandiloquence je vous dis merde, avec tout le
respect, et le tact que je vous dois.
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Lettre aux parents (la classe de mer)
Issue de la pièce pour ados « Bienvenue dans notre monde »
Durée approximative : 4 minutes
4 personnages – 2 filles – 2 garçons
Chacun se trouve sur scène et tient sa lettre entre les mains.
F 1 – Mes chers parents. La classe de mer c’est bien. Il y a la classe, il y a la mer. La mer c’est la
classe !
G 1 – Mes chers parents. Je vous écris pour vous dire que je vais vous écrire. Mais là j’ai pas l’
temps, j’ai rendez-vous avec Charlotte.
F 2 – Mes chers parents bonjour. Ça va ne vous inquiétez pas, les nouvelles sont fraîches, les
anciennes un peu moins.
G 2 – Mes chers parents. Je suis bien arrivé, les autres également.
F 1 – Aujourd’hui je me suis baignée sous la pluie, comme ça quand je suis sortie, la pluie ne m’a
pas mouillée.
G 1 – J’avais promis de vous écrire pour vous donner de mes nouvelles, voilà !
F 2 – Ce matin nous devions bronzer sur la plage, mais comme il pleut nous bronzerons à
l’intérieur.
G 2 – Les copains m’ont enfermé dans la cantine, aussi j’ai renversé de la nourriture partout, faut
dire qu’ils avaient fermé le couvercle.
F 1 – Le directeur est très sévère. Mais dans le fond il est assez sympa, dommage qu’il n’aille pas
plus souvent dans le fond.
G 1 – Mon rendez-vous avec Charlotte ne s’est pas bien passé, notre aventure a duré 15 minutes.
Je renonce à la demander en mariage.
F 2 – Hier j’ai mangé des bulots pour la première fois, c’est pas mauvais, mais qu’est-ce que c’est
dur à croquer !
G 2 – C’est vraiment bien la classe de mer, nous avons vu le film intouchables, aussi c’est décidé,
dans la vie je veux faire Omar. Si !
F 1 – Je suis contente car j’ai appris à nager. Si nous revenons l’année prochaine je pourrai me
mettre à l’eau pour la première fois.
G 1 – Sur la plage j’ai rencontré une fille, elle s’appelle Lamerconvoidanserlelondesgolfes. Son
prénom est Claire. J’ai eu un coup de foudre.
F 2 – S’il vous plaît mes parents quand je rentrerai à la maison ne me faites pas de coquillages,
j’ai un poids sur l’estomac depuis que j’ai bu l’eau.
G 2 – Aujourd’hui j’ai passé beaucoup de temps avec Charlotte, elle a beaucoup parlé d’elle,
d’ailleurs elle ne parle que d’elle. C’est vrai aussi qu’elle sort d’une rupture récente.
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F 1 – Pour nous la forme est comme la marée, basse, car nous rentrons demain.
G 1 – Charlotte m’a quitté, Claire ne veux plus entendre parler de moi. Si vous voyez notre
voisine Noémie dites-lui que je l’aime toujours.
F 2 – À la soirée d’adieu j’ai embrassé un garçon pour la première fois. Maman tu avais raison,
j’ai hâte d’en embrasser un autre.
G 2 – À la soirée d’adieu j’ai embrassé une fille pour la première fois. Papa tu avais raison, les
appareils dentaires c’est vraiment pas top !
G 1 – Ah oui mes chers parents je voulais vous dire pendant que j’y pense…
F 1 – …ne faites pas comme la dernière fois, n’oubliez pas de venir me chercher au car…
G 2 – …parce qu’après un si beau séjour je n’aimerais vraiment pas…
F 2 – …mais alors vraiment pas rester sur un souvenir… amer.
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Anatole
Monologue – femme ou homme – durée approximative : 2 minutes
Vous avez quelques instants à me consacrer ?
Je vous ai déjà parlé d’Anatole ? Non ! Alors j’aimerais le faire.
C’est un être merveilleux, si, je vous assure. C’est un brave gars, il est vraiment formidable.
Lorsque je l’ai connu il était sans domicile fixe.
Souvent, je passais près de lui et je pouvais lire dans son regard un grand roman d’amour.
Se dégageait de ses grands yeux tristes une réelle douceur, qui me fendait le cœur jusqu’à me tirer
les larmes.
Je lui apportais ce qui lui faisait le plus plaisir, une baguette bien sèche et un fruit. Il adore ça.
À chaque fois le même rituel, il partageait tout ce qu’il avait avec son compagnon d’infortune,
Anicet.
Anatole et Anicet, deux fameux compères ces deux-là !
Je reste près d’eux autant que je le peux car je m’y sens bien.
Ils m’apportent la sérénité et la paix intérieure. Ce sont des sages. À cause de ce qu’ils ont vécu,
sûrement ! De ce qu’ils sont, aussi.
Nous partageons des instants privilégiés. Ils sont tellement reconnaissants de tout ce qu’on peut
faire pour eux que lorsque je les quitte je n’ai qu’une seule envie, revenir très vite à leur côté.
Entre nous pas de bavardage inutile, nous nous comprenons.
Pas besoin de longs discours pour nous apprécier, pour nous aimer.
Je tenais à vous dire que la vie d’Anatole a changé, celle d’Anicet également.
Ils ont trouvé la paix et la vie qu’ils méritaient d’avoir.
Ils ont été adoptés par une personne qui les aime autant que je les aime, ils ne manquent plus de
rien.
Le destin leur a été favorable. Y auraient-ils sur cette terre quelques êtes humains qui soient
capables d’amour et de compassion ?
C’est réconfortant de le penser.
Foin et herbe à volonté, paille et céréales, gourmandises, et du bonheur au quotidien.
Je peux venir les embrasser, les caresser quand je le désire et croyez-moi, je ne m’en prive pas.
Anatole et Anicet deux petits gars formidables, deux ânes qui ont pris mon cœur, de la même
manière que j’ai pris le leur.
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Les madeleines
Monologue – femme – durée approximative 5 minutes
Est assise et mange des madeleines.
Telle que vous me voyez là, je cherche l’amour. Pour dire la vérité, ça fait trente ans que ça dure.
Mais… je garde l’espoir, tout en me morfondant, mouais !
Mon voisin le chinois, Zhou, me prépare des nougats au sésame, mais je préfère les madeleines.
Les madeleines c’est génial pour tromper l’ennui, et la solitude.
Beaucoup de personnes autour de moi se plaignent d’avoir perdu l’amour, en ce qui me concerne
je me plains de ne pas l’avoir trouvé.
Au début je ne le cherchais pas ; eh ben lui non plus !
Et puis « on » m’a dit : l’amour on ne le cherche pas, on le trouve.
Balaise non ? Alors j’ai rétorqué : mais si on ne le cherche pas on ne risque pas de le trouver !
Alors « on » a ajouté : tu sauras que c’est l’amour quand tu l’auras trouvé. Logique non ?
J’ai demandé : comment savoir si c’est l’amour ou le grand amour que j’ai rencontré ?
« On » m’a répondu : ça, tu ne le sauras que quand tu l’auras perdu. Perso, je préférerais le savoir
quand je l’aurais trouvé.
Pour ma part, j’aimerais bien rencontrer un tout petit amour, pour commencer. Et puis je le
bichonnerai, et je l’élèverai au rang de grand amour, puis d’amour pour la vie.
J’aurai la médaille du mérite de l’amour. Aujourd’hui plus qu’hier, mais bien moins que demain.
(*)
Exactement comme hier, comme aujourd’hui je n’ai rien, alors demain j’en aurai encore moins.
Zhou, mon voisin chinois, pense que l’amour ne se mesure pas à une inscription sur une médaille.
Ce n’est pas faute de chercher pourtant ! Mon âme sœur n’attend que le moment de me rencontrer,
j’en suis certaine.
L’homme de ma vie se trouve là, quelque part. Ah ça oui ! Pour être caché, il est bien caché.
Mais le jour où nous allons nous rencontrer ce sera peut-être… oui, c’est ça, trop tard.
(Mange une madeleine) Les madeleines c’est génial pour tromper l’ennui, et la solitude.
J’ai tout essayé pourtant. Le minitel, les petites annonces dans le chasseur français, les agences
matrimoniales, l’incruste dans les mariages, rien n’y fait.
Zhou pense que parfois nous allons chercher bien loin ce qui est à nos côtés. Zhou, c’est mon
voisin chinois, je vous en ai déjà parlé ?
Là, je me suis inscrite sur web story, mais si : web story vous savez ? L’amour à tout prix. Tu
parles !
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Avant je n’avais pas l’amour mais j’avais un peu d’argent. Maintenant je n’ai toujours pas trouvé
l’amour et je n’ai plus d’argent.
Web story l’amour à tout prix ? Non ! Web story l’amour m’a tout pris !
Et pourtant je suis attirante, je dirais même sexy. Mais ce qui est dommage c’est que les hommes
ce qu’ils aiment avant tout chez moi, c’est mon gros Q.I
L’annonce disait : bien sous tous rapports… oh ! On se calme tout de suite là ! J’ai beau être
canon je n’en suis pas pour autant un objet sexuel, d’accord ?
Je suis méfiante, c’est sûr. Faut dire que j’ai vu la mort de près. Qui a dit que même elle n’a pas
voulu de moi ?
C’est facile de critiquer hein ! C’est facile !
Non c’est ça quand on est intelligente, les hommes ne s’intéressent… qu’aux autres !
C’est la rançon de la gloire. Sauf que les autres ont la gloire et moi je paie la rançon.
Mon idéal masculin ? Je le vois cuisinier, ou pâtissier, drôle, aimant, un peu philosophe.
Tout disposé à me faire de la bonne cuisine, et surtout des madeleines !
Eh ben oui c’est vrai, je ne suis pas une fille facile. Ni à aborder, ni à vivre, ni à inviter, je n’y
peux rien, je suis une célibataire exigeante. J’ai mes tics.
Je le sais bien allez, mes plus belles années sont passées. Peut-être que si je deviens une peau de
vache il me restera l’amour est dans le pré ?
L’existence n’est pas chose facile. Il a bien raison mon voisin le chinois, la vie est une dure lutte.
Mais comment il a fait Proust pour aller à la recherche du temps perdu ?
Quand j’ai demandé ça à mon voisin Zhou, il a dit : (avec l’accent asiatique) et si tu allais voir du
côté de Sichuan !
Zhou en chinois ça veut dire aide. Je crois bien avoir besoin d’aide, je crois bien avoir vraiment
besoin de Zhou.
Alors tout compte fait je pense me mettre au régime nougats au sésame.
Dites, il me reste quelques madeleines, ça intéresse quelqu’un ?
(*) Aujourd’hui plus qu’hier, mais bien moins que demain. Phrase issue du poème de Rosemonde
Gérard intitulé : L’éternelle chanson.
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Miss FIV
Monologue – femme – durée approximative 5.30 minutes
Légèrement grisée. Tient une bouteille dans la main
Il paraît que je bois un peu trop, et que je n’ai aucune raison de le faire.
Allez donc ça n’arrête pas, on arrose à tour de bras, les moyens sont à disposition et tous les
prétextes sont bons.
On arrose une sortie entre potes, puis son premier vélo, on arrose une première rencontre, et puis
toutes les suivantes.
On remet ça à chaque coupe du monde… de football… de ski… de rugby… de patinage
artistique… sans parler des coupes d’Europe et tous les championnats.
On arrose la médaille de natation, sa première mobylette, ses boutons sur la tronche et ses
premiers jeans troués.
On remet ça pour les vacances, sa première cuite, ses premières escapades, son premier
flirt, et l’on continue pour fêter ce fameux soir où l’on s’est déniaisée.
On remet ça pour le passage dans la classe supérieure, son entrée à l’université, ou pour
fêter son premier job.
On arrose les anniversaires, les fêtes, les grands-mères, les grands-pères, on arrose les
fleurs… tiens ? Ah oui quand on est fleuriste ! (En chuchotant) ça fait pousser la recette.
On remet ça pour la fête nationale, la fête à neuneu, la fête à la fête.
On arrose la célébration des morts, la saint Valentin, le saint truc et la sainte glanduchette.
On remet ça pour fêter l’armistice, l’assomption, et noël. Sans oublier bien sûr le premier
de l’an, l’épiphanie, mardi-gras, mais aussi les rameaux.
Sans oublier cette belle fête de Pâques, et puis le premier mai, suivi par le huit mai, et le
onze novembre.
On remet ça pour les fiançailles, puis pour le mariage, la naissance du petit, et son premier
rot sans vomir, ses premiers pas sans se tenir.
On arrose le baptême, et le vendredi saint, la pentecôte, la Fête-Dieu, et l’annonciation.
Sa première voiture, son premier accident. La mort de la grand-mère, le décès du grandpère.
Et puis arrivent les deux fêtes tellement importantes, la fête des mères, et la fête des pères.
Non mais franchement, comment voulez-vous que j’arrête de picoler ?
Je suis née de père inconnu et j’ai été conçue par une éprouvette.
(Boit à la bouteille)
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Ça s’arrose non ? Qu’est-ce que je dois dire au juste, bonne fête le tube ? Ou, bonne fête
gamète.
Comment voulez-vous que j’arrête, (en criant) je suis née dans un verre !
Bah ! Toutes ces fêtes me donnent soif, normal.
Alors tous les ans je fais la même démarche, un peu titubante j’en conviens.
Je vais me réfugier dans l’église du village. Lieu de sérénité, où personne ne me juge, où
personne ne se moque, mais où personne ne boit !
Alors moi, la miss FIV comme les autres se plaisent à m’appeler, moi qui suis triste et
grise, je regarde ces merveilles de couleurs et de lumière, dans cette merveilleuse église.
Et pour quelques instants je prends place près de ces saints au regard si doux, et comme
eux je souris.
J’oublie mes origines et mes douleurs cachées, je fais don de mon corps et de mon cœur
blessé, alors je deviens rose lorsque je prends la pause, comme ces statues perchées.
Puis je deviens le chœur, et la rosace, et je deviens lumière pour offrir ma beauté que tant
je redoute, là sont oubliés et mes peurs, et mes doutes.
Sereinement je ferme les yeux, je suis en état de grâce.
Je suis comme toutes les autres, fragile et forte à la fois, et je puise mon énergie en ce lieu
de recueillement.
Je n’ai plus de rancœur mais l’envie folle d’une vie saine à partager.
Tant de bonheur à venir ça s’arrose n’est-ce pas ? Ça se fête ! Allez, on remet ça !
Mais non je rigole ! C’est du thé pas de l’alcool.
Je suis miss FIV, animatrice dans un centre anti alcoolique. Je recense les prétextes pour
boire. Boulot éreintant. Goulot à plein temps !
J’ai connu la détresse quand j’ai su que j’ai été conçue non pas par une bistouquette mais
par une pipette.
Je me suis déchirée me croyant mal aimée.
Il m’a fallu du temps et de la persévérance avant d’acquérir sagesse et sérénité.
Aujourd’hui, je dispense des conseils à qui veut les entendre, à ceux qui sont tombés dans cette
dépendance, je leur porte secours, et je panse ces blessures purulentes, un sourire libéré pour toute
récompense.
Si vous avez besoin je suis libre de suite, rassurez-vous c’est gratuit, les pourboires sont
interdits.
Nous avons tous de bonnes raisons de nous laisser aller, la vie est difficile.
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Tout est prétexte à boire et à faire la fête, c’est bien, mais il faut rester raisonnable. La vie
est un cadeau mais, c’est du consommable.
Chaque fois que vous aurez envie de vous souler pensez à moi très fort, et dans l’église,
entrez !
Car j’ai eu de la chance en étant devenue, et je n’en suis pas peu fière, à l’instar des miss
France et des miss météo, après bien des galères et des nœuds au cerveau, une miss… in vitro.
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Chatte honnête
Monologue – femme – durée approximative : 3 minutes
« Vous me regardez ? Vous avez raison, j’adore ça. Vous avez vu comme je suis belle ?
Passez la main sur la joue, puis sur l’oreille.
Il faut dire que je fais tout pour ça.
Une de mes principales activités est de plaire.
Je prends un soin tout particulier à sauvegarder mon apparence, qui vous l’aurez constaté, est tout
simplement, magnifique.
Je sais, ma robe est vraiment au poil. Miaou !
Je suis la coqueluche des matous du quartier, mes rivales en font une maladie.
Je suis belle c’est comme ça, je n’y peux rien.
Ça n’a pas toujours été le cas, j’en conviens avec humilité ! Mais que cela reste entre nous.
Le jour de mon arrivée j’étais sale, maigre et affamée.
À vous je peux bien le dire, j’étais à bout de forces et complètement désespérée.
Ça faisait des jours que je marchais en quête de nourriture.
Epuisée, je me suis tapie dans l’herbe mouillée et j’ai fermé les yeux. Je vivais là, c’était évident,
les dernières heures de mon existence.
J’ai senti mon corps se soulever, puis quelque chose le caresser.
J’ai entendu des pas, une porte claquer, des odeurs agréables, de la chaleur.
J’étais au paradis des chats, sans doute.
Je n’osais pas ouvrir les yeux, puis par curiosité, je l’ai fait.
Couchée j’étais sur un coussin hyper confortable, installée devant une cheminée où brûlait un
super feu.
Un bol de croquettes hyper attirantes était posé à proximité.
Deux humains, un mâle et une femelle me parlaient comme si j’étais attardée.
Mais quand ils se sont approchés pour me caresser, j’ai adoré qu’ils me prennent pour une chatte
débile.
Ils m’ont fait confiance et pour ça, je ronronne au quart de tour.
Depuis ce jour leur maison est la mienne. Accès libre sans restriction aucune.
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En retour, je leur donne tout l’amour dont ils font preuve à mon égard. C’est un débit permanent,
et en illimité.
Ils m’ont sauvée et pour toutes les gentillesses qu’ils me prodiguent au quotidien, je les aime.
Miaou !
Bien ! Ce n’est pas que je m’ennuie mais j’ai des activités qui m’attendent.
Ce n’est pas parce que je suis devenue une chatte de bonne famille qu’il faut que je me laisse aller.
Bon allez je vous lèche. Je vais me dégourdir les pattes.
La déco ici ne me plait pas trop, je vais refaire tout ça en y mettant ma griffe.
Eh oui, en plus je suis une artiste.
Je sais, j’ai toutes les qualités. C’est comme ça quand on est heureux.
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Voisin, voisine
Monologue – femme ou homme – durée approximative : 5 minutes
C’est quoi un bon voisin ? C’est un voisin mort !
Ben si, avec les voisins à un moment ou à un autre, rien ne va plus.
La courtoisie qui nous lie semble forte, inébranlable. Hélas, la plus petite étincelle peut mettre le
feu à un baril de poudre qui ne demande qu’à exploser.
Une poubelle mal placée, une haie mal taillée ou une réflexion pour un passage de tondeuse tardif
en dehors des heures autorisées, et pouf !
Comme par désenchantement, l’entente la plus cordiale se transforme en haine farouche, en coups
fourrés, en une véritable vendetta.
Est déclarée alors une guerre sans merci dont personne ne sort indemne.
Ah les voisins ! Pourtant, qui n’a jamais fantasmé sur eux ?
Au cours d’une soirée ou d’une rencontre inopinée dans un endroit propice à la libération des
mœurs. Allez !
Messieurs, qui n’a jamais pensé plonger en plus du regard, une main dans le décolleté généreux
d’une voisine inhibée après un repas bien arrosé ?
Mesdames, qui n’a jamais pensé poser une main sur la cuisse du mari de cette femme ?
Je vous en prie ! Un peu de sincérité que diable, Dieu ne vous en tiendra pas rigueur.
Je vous dis ça parce que je me suis fâché(e) avec mes voisins.
(Pour un homme) Non pas à cause de sa femme, bien qu’elle soit belle et attirante, mais à cause
de Jésus.
(Pour une femme) Non pas à cause de son homme, bien qu’il soit beau et attirant, mais à cause de
Jésus.
Je n’aime pas la période de noël, j’ai le droit tout de même !
Tout a commencé à cette période. Je devrais dire, tout s’est terminé à cette période.
Je n’étais pas ami(e) avec mes voisins, mais entre nous la courtoisie était de mise, bonjour,
bonsoir, caresses au chien, banalités sur le temps, bla-bla-bla !
Jamais un mot plus haut que l’autre. C’était sûr, ça ne pouvait pas durer.
Je rentrais du travail fatigué(e) et quelque peu désabusée(e), lorsque je vis un soir de décembre
mon cher voisin affairé sur une échelle.
Sa femme et ses enfants semblaient tout excités.
Qu’était-ce donc la raison de cette effervescence ?
19
Les guirlandes électriques de noël, c’était ça le détonateur.
Afin de remporter le concours de la plus belle rue il ne manquait plus que ma maison à décorer, et
à éclairer.
Seulement voilà, il n’était pas question que je me plie à cette débile tradition.
Lorsque le ton est monté je lui ai fait comprendre qu’il était déjà perché.
Bien évidemment il n’a pas apprécié la blague.
En tant que fête chrétienne je me devais de commémorer la naissance de Jésus, et les décorations
faisaient partie de ce rituel.
De leur rituel, pas du mien.
Je leur ai dit alors que j’avais le droit de ne pas être croyant(e), et que ce n’est pas très écolo
d’allumer des centaines d’ampoules pendant des jours et des nuits, tout ça pour célébrer une fête,
fut-elle celle de la nativité.
Pour eux, il était inconcevable de ne pas l’aimer.
D’abord je n’ai pas dit que je ne l’aimais pas, et de toute façon, ça ne regardait que moi.
Conclusion, pas de décorations pas d’amour dans le cœur à partager. Un peu facile comme
raccourci quand même.
Pour ma part, mon petit sapin artificiel près de la crèche et de la cheminée me suffisaient
amplement.
Les injures ont fusé de toutes parts, et tout ça pour une chose aussi banale. Je peux vous dire que
noël n’était pas à la fête ce soir-là !
Sa gentille femme est devenue méchante, et lui a campé sur ses positions en me traitant d’infâme
païen sans foi, ni loi.
Ses gentils et beaux enfants sont devenus les plus bêtes et les plus moches qui soient.
Même le chien adorable et câlin s’était transformé en monstre sanguinaire.
(Pour un homme) Arrivé à ce stade il était certain que jamais je ne plongerai ma main dans le
décolleté de ma voisine.
(Pour une femme) Arrivée à ce stade il était certain que jamais je ne poserai ma main sur la cuisse
de mon voisin.
Ça ne restera qu’un fantasme et au train où vont les choses, c’est sûrement mieux ainsi.
Et Jésus dans tout ça ?
Eh bien même si, sur ce coup-là il est à mes côtés, je ne lui demanderai pas d’intervenir, car en
aucun cas je ne veux me fâcher avec lui, car Jésus, croyez-le ou pas, c’est le meilleur voisin que je
n’ai jamais eu.
20
Le nouveau chef
Monologue – femme ou homme – durée approximative : 5 minutes 15
« La venue d’un nouveau chef est un peu comme l’arrivée du beaujolais nouveau.
Un nez subtil prolongé d’une bouche veloutée et d’une dominante fruitée dans une merveilleuse
longueur en bouche riche de complexité aromatique.
Ça sonne bien n’est-ce pas. C’est la même chose pour le chef, on s’attend à quelque chose de
nouveau et on a presque hâte qu’il arrive, pour qu’enfin les choses changent.
Peut-être la chance d’un nouveau départ avec du sang neuf, donc neutre. Pas de préjugé puisqu’il
ne me connaît pas.
Mais une fois débarqué, la déception est grande. L’espoir aura été de courte durée.
Rapidement, nous nous apercevons que c’est le changement dans la continuité et que ça risque
même, de devenir pire qu’avant. Ce n’est pas peu dire !
Vu son comportement, il sait. Il sait quoi ? Ce qu’il doit savoir sur chacun de nous pardi !
Il débarque avec l’esprit d’entreprise, avec la niaque de changer tout ce que son prédécesseur a
mis sur pied.
Histoire de marquer son territoire, de prouver que c’est lui qui décide, de tout.
Sans être parano, il est évident que des consignes ont été passées. Les copains de l’ancien seront
les copains du nouveau. C’est ainsi que ça fonctionne.
On prend les mêmes et le cirque recommence. Le bal des faux-culs est ouvert, à eux la danse, à
moi la contredanse.
Car je refuse, j’exècre, je renie cette autorité préfabriquée, cette infernale machine qui ne s’arrête
jamais de détruire ceux qui comme moi n’acceptent pas d’être corvéables et malléables.
La nouvelle broyeuse est en place, implacable. Et ça rempli de joie les collègues hypocrites qui ne
savent plus quoi inventer pour entrer et rester dans ses bonnes grâces.
Ça bave, ça critique parce que je ne suis pas comme eux, parce que mes réactions et mon
comportement sont différents des leurs.
Pourtant, je n’ai pas toujours été dans cet état d’esprit, celui de révolte à force d’injustices.
J’y ai cru au début. Naïvement, je pensais que le travail et l’honnêteté étaient récompensés et
qu’ils ouvriraient les portes d’une carrière, qui se voulait, prometteuse.
C’était sans compter sur la mentalité instaurée dans l’entreprise.
Il aura suffi d’un chef, d’un seul, une fois, qui aura réfuté mon travail et mon caractère pour me
reléguer définitivement au rang des mauvais éléments.
Pestiféré tu es, pestiféré tu restes. Et la venue d’un nouveau chef ne changera pas la donne.
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C’est écrit dans mon dossier, à l’encre indélébile.
J’aurai beau tout tenter rien n’y fera, il n’y a plus de page à tourner.
Je me suis donc réfugié dans le mutisme afin de fuir cet environnement hostile et dangereux. Une
carapace de solitude pour mon bien-être intérieur.
Mais même ça il me le reproche, et me le fait payer cher, très cher.
Ce qu’il aime ce chef arrogant et méprisant ce sont ceux qui lui lèchent les bottes, et je peux vous
dire qu’elles brillent de mille feux. Parmi eux, se trouve un meneur.
Oui le malheur c’est que dans chaque entreprise, dans chaque service, dans chaque bureau une
sorcière sévit, archétype de l’arriviste prête à toutes les bassesses pour arriver à ses fins.
Son but, à la sorcière bien nommée, masquer son manque d’intelligence et ses lacunes
professionnelles par un comportement de drague intensive.
Mais pas avec n’importe qui, non, avec ceux qui comptent, avec ceux qui peuvent l’aider à gravir
les échelons.
Grande copine de l’ancien chef, oups ! C’est étonnant ça ! Toujours à l’affût des conversations.
Elle rit quand le chef rit et pleure quand il pleure, elle casse, elle broie les collègues gênants,
même ses soi-disant copains, afin d’être la plus appréciée de cette hiérarchie aveugle et
consentante.
Et le plus extravagant c’est que ça marche ! C’est consternant. La bonne copine des chefs a droit à
des augmentations, quand pour certains c’est l’austérité.
Elle prend trois heures de pause-café par jour quand certains sont sanctionnés pour avoir pris vingt
minutes.
Elle passe le reste du temps au téléphone, à ricaner comme une bécasse, à bavasser avec sa copine
d’en face, et sort un dossier de temps en temps.
Elle ne laisse pas tomber, elle n’est pas fragile, être une sorcière libérée tu sais ce n’est pas si
facile !
En attendant le mal qui est fait est incurable, et tous ces anciens et nouveaux chefs qui brisent ainsi
des vies professionnelles, nous blâment en plus de ne pas le prendre positivement.
Décidément ils ne manquent pas d’air car ils voudraient en plus que nous gardions le sourire.
En ce qui me concerne je le retrouve une fois sorti d’ici, et même si j’ai perdu mes illusions, je
garde ma personnalité et ma conscience intactes.
Tout le monde ne peut pas en dire autant, n’est-ce pas !
Ma vie privée est magnifique, aussi, je les laisse baigner dans leur médiocrité quotidienne.
Même s’il n’est pas très bon, je vais boire un verre de vin à ma santé, et espérer qu’elle reste
intacte elle aussi, pour qu’elle m’aide à les supporter jusqu’à mon départ, que j’espère imminent.
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Oui je vais boire un coup, parce que la différence entre le beaujolais et le chef, c’est que le
beaujolais peut toujours se bonifier.
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L’heure des hommes
Issue de la pièce « les évadés du temps »
(À partir de 3 personnages – 3 hommes)
Narrateur (trice) entre – La nuit ne porte pas toujours conseil, surtout lorsque la soirée s’éternise
et que l’on boit un peu plus que de raison.
Se délient alors les langues de plomb dévoilant la véritable personnalité de ceux réunis autour
d’un verre, qui ne se vide jamais complètement.
Face à leurs insomnies, c’est l’heure des hommes, ouverts aux confidences.
H 1 – Bon allez ! Un petit dernier.
Sert à boire
H 2 – Tu es pressé, quelqu’un t’attend ?
H 1 – Non ! Mon chat n’est plus là.
H 3 – C’est pour cette raison qu’on picole un p’tit peu, pour oublier les malheurs qui s’abattent sur
nous.
H 2 – Alors tu as bien le temps de rentrer.
H 1 – J’ai le temps oui, mais plus aucune raison.
H 2 – Oh là là ! Après tout ce n’était qu’un chat.
H 3 – C’est là où tu te trompes.
H 1 – On voit bien que tu n’en as jamais eu.
H 2 – Ben non, jamais, et je m’en porte pas plus mal.
H 3 – Alors mon vieux tu as loupé des moments formidables.
H 1 – Ce n’était pas un chat, c’était mon chat.
H 2 – Nous tes potes on est là !
H 1 – C’est vrai, ça me fait plaisir mais vous n’êtes pas ma famille, lui, si !
H 2 – Comment un chat peut-il faire partie de la famille ?
H 1 – Oh vois-tu ce n’est pas compliqué. Il est triste quand tu quittes la maison et te fait la fête
quand tu reviens.
H 2 – Ça ne vaut pas une femme quand même.
H 3 – T’en connais beaucoup qui t’accueille comme un roi à n’importe quelle heure et qui
ronronne quand tu les caresse ?
H 1 – Ils sont beaux comme le jour et ne donnent que de l’amour.
H 3 – Ils sont délicats, intelligents et d’une gentillesse infinie.
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H 1 – Et fidèle mon vieux, extrêmement fidèle.
H 2 – Oui bon ! La fidélité devant la gamelle de croquettes, rien d’extraordinaire !
H 1 – Ils draguent un peu partout mais reviennent se blottir au pied du lit.
H 2 – Mon ex-femme faisait ça elle aussi !
H 3 – N’empêche que quand la mienne est morte si je n’avais pas eu de chat, je n’ose imaginer ce
qui se serait passé.
H 2 – Eh bien tu aurais fait comme moi quand la mienne m’a quitté.
H 3 – C'est-à-dire ?
H 2 – J’ai poussé un ouf de soulagement et j’ai enfin profité de la vie.
H 3 – Je vois ! Mais qui vient t’accueillir lorsque tu rentres chez toi ?
H 2 – Personne. C’est très bien comme ça !
H 1 – Un chat n’est pas qu’un chat, c’est aussi un ami, un confident. Je vous ai dit que j’en
héberge un autre ?
H 2 – C’est sûr qu’il ne risque pas de te contrarier.
H 1 – Tu devrais en adopter un.
H 2 – Seulement s’il boit du vin !
H 3 – Tu te sentirais moins seul.
H 2 – Je ne le suis pas, vous êtes là !
H 1 – Arrête de te mentir, tu es malheureux, ça se voit.
H 2 – Mais non !
H 3 – Tu as souvent une poussière dans l’œil ces temps-ci.
H 1 – Nous avons subi nous aussi pas mal de tempête de sable tu sais, nous comprenons !
H 2 – Même un chat ne pourrait pas me supporter.
H 3 – On y arrive bien nous !
H 2 – J’suis pas un mec bien, je mérite de finir tout seul, j’ai fait trop de mal autour de moi.
H 1 – Un chat ne te jugerait pas !
H 3 – Il ne poserait pas de question sur ton passé et t’aimerait tel que tu es.
H 2 – Je n’en veux pas, point final.
25
Resserre à boire
H 2 – Vous êtes veufs tous les deux ce n’est pas pareil.
H 3 – La solitude est la même pour tous.
H 1 – Qu’on soit veuf, divorcé ou malade, quand le cœur saigne ça fait très mal.
H 2 – Je suis divorcé et malade.
H 3 – Tu es malade ?
H 2 – Oui j’ai la rage de n’avoir pas su la garder.
H 1 – Y a-t-il une chance qu’elle revienne ?
H 2 – Aucune !
H 1 – Alors passe à autre chose et vite, sinon…
H 2 – Quoi ?
H 1 – À notre âge nous savons très bien ce qui nous attend, faut pas se bercer d’illusion mon
vieux.
H 2 – Tant qu’il y a de la vie y a de l’espoir non ?
H 1 – Ce qu’on peut espérer de mieux c’est partir rapidement et sans souffrance.
H 3 – Il a raison, nous sommes sur le banc de touche, des spectateurs, que veux-tu faire de
mieux ?
H 2 – Je suis divorcé, vieux, con et sûrement alcoolique, mais je ne désespère pas de rencontrer
quelqu’un.
H 3 – Avec ce que tu viens de nous décrire tu crois vraiment qu’il y en a une qui voudra de toi ?
H 2 à H 1 – Et toi, pourquoi es-tu seul, tu n’as pas d’enfants ?
H 1 – Si, deux.
H 3 – Ils te rendent visite de temps en temps ?
H 1 – Non, jamais.
Resserre à boire
H 2 – Encore un divorce qui a mal tourné.
H 3 – Tu en connais qui se sont bien passés ?
H 1 – La mère de mes enfants est partie avec un riche industriel, et ils m’ont tournés le dos
définitivement depuis ce jour. C’est tout. C’est banal.
26
H 2 – Et triste.
H 3 – Je vois. Attirés par l’odeur de l’argent.
H 1 – C’est ça ! Quelques années plus tard j’ai rencontré ma seconde femme qui est morte l’an
dernier.
H 2 – Saloperie de destin !
H 3 – Et après on s’étonne de picoler !
H 2 à H 3 – Et toi tu es veuf depuis longtemps, pas de femme en vue ?
H 3 – Non, rien de tout ça. Elle était et restera le seul grand amour de ma vie.
H 1 – C’est beau.
H 2 – Et triste.
H 1 – Qu’est-ce qui est triste ?
H 2 – De n’avoir eu qu’un seul amour dans sa vie, moi j’ai connu des tas de femmes, je me suis
éclaté au moins.
H 3 – Oui je vois ça, et tu continues.
H 2 – Oui monsieur je continue… d’être le minable que j’ai toujours été.
Resserre à boire
H 1 – On fait un peu pitié non !
H 3 – Nous sommes vivants merde, de quoi on se plaint !
H 2 – Allez ! On trinque.
H 1 – Ah ça oui pour trinquer, on trinque !
H 3 – Vous savez ce que nous sommes ? Des accidentés de la vie, et puis c’est tout.
H 1 – Et on vient de faire le constat.
H 3 – Mais là, on ne sera pas remboursés.
H 2 – Nous sommes passés de la lumière dans l’ombre.
H 3 – On a du pot sur ce coup-là on aurait pu passer de vie à trépas !
Silence
H 1 – Bon allez ! Un petit dernier.
H 2 – Pourquoi on n’est pas bien ici ?
27
H 1 – Si on est bien, mais j’ai quand même hâte de retrouver mon fils.
H 3 – Ton fils ! Quel fils ?
H 1 – Mon chat cette bonne blague !
H2 se lève en titubant un peu, fait quelques pas, puis revient vers la table où il pose ses deux
mains.
H 2 – Tu peux me donner l’adresse d’un refuge ?
Rideau ou obscurité
28
Le silence et la solitude
(À partir de 4 personnages)
Issue de la pièce « les évadés du temps »
Personnage du « silence » debout sur un côté. Personnage de la « solitude » debout de l’autre.
H ou F assis côte à côte.
H ou F – C’est terrible le silence. Vous l’avez déjà capté ? Il fait un bruit assourdissant.
Il me réveille, il me fait peur. Il m’oppresse, me ceint jusqu’à l’étouffement.
Je tends la main pour le surprendre, le faire fuir, mais il est menaçant. Il fait la sourde oreille.
Ce sont les miennes qui bourdonnent, qui sifflent, qui bouillent. C’est un malin vous savez ! Il fait
diversion mais, reste à l’écoute, tapis dans l’ombre, ou bien en pleine lumière.
Il me fait la nuit écarquiller les yeux, et le jour j’ai si peur de le voir se matérialiser qu’il m’oblige
à les fermer.
J’ai besoin de sa présence dans la fureur de la ville, je veux qu’il s’en aille lorsqu’il me crève les
tympans.
Je tempête, je sclérose, puis je me ravise en prenant conscience que s’il vient me hanter tous les
jours c’est que je n’ai que lui, auprès de moi, et rien d’autre, et personne d’autre.
Silence
F ou H – C’est terrible la solitude. Vous l’avez déjà vécue ? Elle est sournoise et dangereuse, elle
s’insinue dans notre vie, se faisant passer pour une amie.
Elle domine et nous trompe, nous plongeant chaque nouveau jour dans une terrible dépendance.
Elle nous fait délirer, parler seul(e) aux objets, attentive à nos moindres réactions. Je regarde,
j’écoute, je ne vois qu’elle, je n’entends qu’elle.
Présente dès mon réveil, elle dirige ma vie, elle me dicte ma conduite tout en me rendant
responsable de mes actes, de mes décisions.
Et quand elle daigne me laisser en paix, enfin, après des heures d’un combat déloyal, je me
retrouve face à moi-même pour encore parler d’elle.
Elle prend possession de mon corps, et mon esprit s’abandonne à tous ses caprices.
Silence
H : Le silence – Alors la solitude, que penses-tu de ceux-là ?
F : La solitude – Ah le silence, mon vieux complice, toujours présent pour les bons coups !
H : Le silence – Nous formons une sacrée belle équipe.
F : La solitude – C’est vrai ! (se tourne vers H et F) nous avons bien œuvré encore cette fois.
Regarde le résultat !
H : Le silence – Pas mal du tout, ils sont complètement défaits.
F : La solitude – Mais oui, nous sommes capables de faire déprimer la planète entière.
H : Le silence – Personne ne peut se passer de nous, extraordinaire paradoxe.
F : La solitude – Les humains vivent ensemble pour nous éviter, mais tôt ou tard ils sont
confrontés à nos personnalités.
H : Le silence – Ils recherchent ma compagnie pour dormir, méditer, récupérer.
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F : La solitude – Ils fuient la mienne afin de rompre avec toi.
H : Le silence – Mais le monde est conçu de manière formidable, d’un côté il nous rend
indispensables…
F : La solitude – …et de l’autre dès que nous avons envahi leur espace ils deviennent entièrement
dépendants…
H : Le silence – …car ils sont à nous…
F : La solitude – …bien à nous…
H : Le silence – …nous sommes un couple…
F : La solitude – …inséparable…
H : Le silence – …et devenu indissociable…
F : La solitude – …nous sommes les nouveaux rois du monde…
H : Le silence – …plus les humains sont nombreux et plus notre règne s’étend…
F : La solitude – …ainsi que notre pouvoir.
H : Le silence – Nous devons lutter contre l’adversité.
F : La solitude – Je hais les clubs de rencontre.
H : Le silence – Je déteste la musique et le bruit.
F : La solitude – Les gens heureux me dépriment.
H : Le silence – Heureusement, ils sont de moins en moins nombreux.
F : La solitude – Le bonheur dans ce monde fond comme neige au soleil.
H : Le silence – Normal que le nombre de nos adhérents augmente.
F : La solitude – Nous ne devons pas nous inquiéter, nous avons de très beaux jours devant nous.
Silence
H – C’est vraiment calme comme endroit, vous ne trouvez pas ?
F – Très calme en effet, un peu trop à mon goût.
H – Vous vivez seule, c’est ça ?
F – Qu’est-ce qui vous permet de le dire ?
H – Parce que c’est mon cas, je connais les symptômes.
F – Ça se voit tant que ça alors !
30
H – Vous êtes je pense actuellement dans la phase deux, vous hésitez entre tout laisser tomber et
repartir à zéro dans une autre ville, ou…
F – Ou quoi ?
H – Quitter définitivement ce monde qui vous a totalement oublié.
F – En réalité je suis dans une phase intermédiaire.
H – Qui est ?
F – Je donnerai tout ce que j’ai pour partager quelques instants de vie.
H – Ça peut paraître un peu cavalier mais, vous voulez bien sortir avec moi ?
F (se lève, puis répond d’une manière très enjouée, quasi euphorique) – Oui je le veux ! Oui !
Oui ! Oui ! J’ai déjà perdu tellement de temps.
H (se lève à son tour) – Waouh !
F – J’ai rêvé de ce moment tant de fois !
H – Alors comme ça je vous plais ?
F – Ne gâchez pas tout ok !
H – Désolé ! Que voulez-vous faire ?
F – Danser, faire l’amour, chanter, faire l’amour, parler, rire, faire l’amour, vivre tout simplement,
manger, vivre, boire, Je veux vivre enfin, partager, exister, vivre.
Ils s’étreignent. Silence
F : La solitude – J’ai comme l’impression qu’ils nous échappent ces deux-là.
H : Le silence – Ce n’est pas bien grave, nous les récupèrerons bientôt.
F : La solitude – Tu as raison, et puis nous en aurons d’autres, beaucoup d’autres.
H : Le silence – J’espère qu’on ne se séparera jamais toi et moi.
Silence (plusieurs secondes)
F : La solitude – Merci, je garderai en moi cette minute de silence.
H : Le silence – Et moi je te suis infiniment reconnaissant pour ces grands moments de solitude.
Rideau ou obscurité
31
La journée de la femme
Saynète pour une femme – durée approximative 6 minutes 30
C’est la journée de la femme.
Je pensais avoir tout entendu, mais c’était sans compter sur sa capacité qu’il a depuis des siècles à
détruire ce que nous avons de plus beau.
À qui je fais allusion ? Mais à l’homme pardi ! Qu’a-t-il de mieux dans son existence, hein ? Non
monsieur ce n’est pas sa bagnole, c’est « la » femme, c’est nous quoi !
L’homme est une catastrophe et puis basta ! Mais si, tout le monde le sait. C’est un provocateur
naturel de conneries, haut débit, sans abonnement, et en illimité.
Il piétine et ne respecte rien. Surtout pas nous, surtout pas celle qu’il ose appeler sa « moitié ».
Mais moitié, ça veut dire partagé également en deux. Or, ses signes sont plus pour lui, moins pour
nous, résultat de l’opération, égale diviser.
Ce que je peux vous dire c’est qu’en général il n’est pas tendre avec sa souris le bougre, sa meuf,
sa gonzesse, je vous fais grâce des autres synonymes de pétasse. Pouf-pouf, ça sera toi que je
choisirai !
En vérité, chez nous qu’est-ce qui les intéresse les mecs, l’égalité des droits ? Bien évidemment
que non, ce qu’ils veulent (poser les mains sur la poitrine) ce sont nos amis pour la vie, les
produits laitiers. (Poser les mains sur les fesses) Et la charcuterie qui va avec, c’est tout.
Tous des cochons. Bon ! De là à dire qu’il y a une femme dans chaque porc ! Peut-être que ça
arrivera, mais comme dit le proverbe, qui vivra « verrat » !
C’est la journée de la femme. C’est « ma » journée. Je suis « la » femme de la journée. Une
journée par an à ne rien faire, à ne penser à personne d’autre qu’à moi, et me faire dorloter.
Dormir plus longtemps, me faire servir le petit déjeuner au lit, être une princesse le temps d’une
journée sans souci, sans responsabilité, se laisser aller à la belle vie, comme un homme.
Pas de ménage, pas de cuisine à faire, pas de linge à laver et à repasser, une journée de travail
offerte par « mon » homme et « mon » patron, une journée pour réaliser mes rêves.
Tu parles d’un cadeau ! En vérité je vous le dis, la journée de la femme c’est vivre pendant vingtquatre heures la vie de toute une année d’un homme. Merci, c’est extrêmement généreux.
Et encore, pour celles qui ont la chance de vivre une telle journée. Ma voisine par exemple, son
mari lui a dit (bourré) c’est la journée de la femme, je vais arroser ça avec mes potes.
Demain j’aurai tout le ménage à faire, la bouffe immangeable à jeter, le linge à relaver, après une
double journée de travail pour rattraper le retard accumulé.
Une vie de princesse quoi ! Eh bien je vais vous dire, je n’en veux pas de cette journée parce que
ça prouve, si besoin était, que nous sommes injustement punies 364 jours par an.
Aussi, j’ai décidé en accord avec moi-même, ma conscience et mon chat, qu’à partir d’aujourd’hui
je vais m’octroyer 364 journées de la femme par an.
Et les années bissextiles, je m’accorderai le droit de coucher avec des femmes. Oui, je suis pour la
bissextilité. Oh hé ! Se laisser aller tous les quatre ans ce n’est pas exagérer que je sache !
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Ça leur donnera à réfléchir à ces machos men qui dirigent le monde alors qu’ils ont moins de
diplômes et plus de revenus que nous, qu’ils sont souvent moins compétents avec plus de
responsabilités.
La plupart des hommes ne nous méritent pas. Cessez de nous sous-estimer, hommes des
casernes… comment ? On dit des cavernes, c’est la même chose.
En vérité je vous le dis, nous les femmes, nous sommes capables de donner la vie, aussi attention,
qui peut la donner… peut aussi combattre une cause dans une lutte sans merci.
Nous ne voulons pas vous combattre pour vous rendre malheureux, nous voulons combattre pour
acquérir des droits fondamentaux, afin que nous soyons heureux, ensemble, et aussi sans vous.
La société minimise nos capacités sous prétexte qu’un homme est plus fort, plus disponible, mais
un jour viendra où nous serons la réelle moitié que vous considérez aujourd’hui comme une demie
portion.
Des millions de femmes se sont distinguées dans des domaines où vous n’avez pas toujours
excellés. Nous sommes complémentaires, admettez-le, cela ne vous rendra pas moins homme, il
est temps d’évoluer.
Les américains ont lancé la sonde Pioneer 11 en 1974 avec un dessin représentant la femme et
l’homme, pour prouver aux éventuels extraterrestres que nous existons, dans une égalité parfaite.
J’aimerais que cette égalité devienne réalité, avant que ces extraterrestres viennent constater par
eux-mêmes que cette affirmation est parfaitement erronée.
Afin que l’homme ne passe pas pour un menteur à leurs yeux mais pour un être respectable et
respectueux.
Je sais, nous en sommes à des années lumières mais, je ne désespère pas. Des femmes, et des
hommes aussi d’ailleurs, se battent au quotidien pour que les mentalités évoluent pour rendre ce
monde plus juste.
L’homme sans la femme ne serait pas. Alors un peu d’humilité et de reconnaissance et sur cette
journée, rien qu’à moi, un rayon de soleil viendra égayer la grisaille de mon quotidien de femme
moderne.
Certes, la journée de la femme ne suffira pas à chasser des siècles d’obscurantisme machos, on dit
d’obscuranto machismes ?
Mais nous sommes au 21 ème siècle, si si je vous assure, et en vérité je vous le dis, le temps est
proche, je le sais, nous le voulons, où les femmes deviendront des êtres humains.
33
Betty
(Entre dans un bar et s’assied sur un tabouret. S’adresse à un homme assis là.)
Durée approximative 4 minutes.
Salut, j’suis la petite amie de …, ben il est où encore ? Je vais finir par croire qu’il me fuit.
Il est de Mauléon, c’est sans doute pour cette raison qu’il ne veut pas que je lui colle aux basques.
Ça m’ soule, ça m’ gave !
Pourtant il n’est pas malheureux avec moi, un vrai coq sur pattes.
Ah bon ! Vous ne connaissez pas mon… vous n’êtes pas le…
Comment ? Vous voulez m’offrir un verre ? Non ça va, j’en ai plein mes placards. Ah, un
apéritif ! C’est quand même non.
Ce n’est pas du tout une question d’argent mais de principe, je ne bois pas le premier soir, c’est
tout.
De toute façon je n’ suis pas libre. Ça n’engage à rien, c’est vous qui le dites !
Je connais les hommes, vous demandez notre main et après vous l’ignorez pour ne vous occupez
que du reste.
Je sais que l’argent n’a pas d’odeur… en chuchotant alors c’est lui qui pue.
Pardon ? Moi c’est Betty. Mais tout l’ monde m’appelle Betty.
Non c’ n’est pas une plaisanterie ! Croix de bois croix de fer, parce que si je mens, j’ vais m’en
faire…
Si je viens souvent ? Seulement quand c’est ouvert. Y a du monde ce soir hein !
C’que j’aime dans la vie ? Euh ! Parcourir le monde, ouais, j’suis comme on dit une grosse
trotteuse.
Hier à Lafourguette, demain au Capitole, j’ai tellement la tête dans les nuages que je peux voir
Washington d’ici. Toujours sur les casquettes de roues.
Absolument, je voyage en avion… et bien non, perdu, je ne suis pas hôtesse de l’air, je suis… je
suis… Betty !
Je sais, j’aime bien rigoler, on me dit tout l’ temps que j’ai beaucoup d’humeur.
Mais non ce n’est pas dangereux de voyager, de toute façon on vit en permanence avec au-dessus
de nous une épée de Périclès.
Bon il fait quoi mon mec là, je n’ vais pas passer la soirée à l’attendre, je travaille moi.
Bon d’accord je vous le dit, je suis pilote... de lignes. Sur quel appareil ? Brosse, peigne, pinceau,
blush, fond de teint.
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Bien sûr que c’est vrai, je suis pilote DE lignes DE produits DE beauté. Vous êtes marrant les
mecs, et d’un curieux !
Je suis comme qui ? Commerciale ! Je n’ sais pas j’ l’a connais pas.
J’adore ce que je fais, je suis comme une fée qui transforme la grisaille en lumières et paillettes.
Avec mes produits de beauté je produis de la beauté, c’est pas beau ça !
À force d’avoir la tête dans les nuages je fais des rêves cosmétiques.
Je vends de l’espoir, de la magie. Pour faire profiter davantage les nuances de couleurs il faudrait
que j’ouvre un bar à teint. Il serait joli oui, avec une belle enseigne, ce serait un beau bar.
Pour le moment, je ne suis qu’un petit caillou mais qui sait, peut-être qu’un jour je deviendrai
rocher, et mon but serait atteint.
Attendez ! Je rêve ou quoi, vous me demandez si je veux vous… oh ! Mais quel goujon ce type !
En colère Vous dites ? Je ne suis pas brillante ! Je ferai bien d’utiliser mes produits à des fins
personnelles !
Je vais le prendre ce verre… pour vous le mettre dans la tronche. J’ vous jure, les hommes sont
vraiment des buffles.
Tiens ! Mon chéri revient, je vous conseille de ne plus me manquer de respect, car je vous
préviens il est fort comme un truc.
Se lève
On rentre chéri je suis fatiguée. Lui là, ce type ? C’est rien du tout, juste une couleur qui n’existe
pas sur la palette, une minabilité de l’univers de ceux qui ne brillent pas, qui ne brilleront jamais.
Vos odeurs incommodent monsieur, aussi, je vous suggère de mettre l’expression suivante en
pratique, comme on fait son lit, on se douche.
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Apparences
Monologue
Homme
Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? C’est toujours ce qu’on dit n’est-ce pas.
C’est peut-être parce que je suis devenu ce que je suis, et que c’est sans nul doute pour cette
raison que je le mérite.
Mais quand je vois mon enveloppe corporelle, je me dis que celui qui a fait ça n’a vraiment pas de
mérite.
Non mais tu as vu le résultat, tout le monde est capable d’en faire autant. Oui, voire pire aussi,
c’est vrai. J’espère.
Qui a pu me donner une dégaine pareille ?
Maman ? Papa ? Un copain de papa ?
Franchement, j’estime que je méritais mieux quand même, mon bref passage sur terre aurait dû se
faire en beauté, au lieu de ça, je suis raté en beauté.
Ce n’est pas ma faute si ceci, je ne suis pas responsable de cela, toujours en train de se plaindre
nous sommes, tou-jours. Bon, dans mon cas y a de quoi !
La cause ? Je n’sais pas moi ! C’est peut-être parce que je ne pratique aucune religion, c’est vrai,
je ne crois en rien, Dieu merci !
Il paraît qu’on trouve toujours pire que soi, et aussi plus moche. Oui bon, chacun sa croix !
C’est vrai, parce qu’hier matin j’en ai vu un qui descendait de sa Limousine, en habits de scène, un
moche… de toute beauté.
Rien à dire, la laideur parfaite, horrible, celle qui fait peur, celui qui fait fuir. Et pourtant, la
surprise passée j’ai vu en lui quelque chose de beau, une attirance.
Ses yeux ? Non ! Son visage ? Non plus ! Son corps ? Encore moins ! Vous voulez savoir ce qui
m’a vraiment plu chez lui ? Sa femme !
Elle était aussi jolie que lui était laid. Blonde, sensuelle, maquillée sublimement, un corps de rêve
dans une robe de star. L’apparition d’un ange de perfection, aux délicieux relents de Marilyn. Bon
sang qu’elle était belle.
C’est à ce moment que je l’ai reconnu, une de mes comédiennes préférées. C’était la première fois
que je la voyais de près, la surprise était telle que j’ai failli ne pas la reconnaître.
J’y ai pensé la journée entière, m’imaginant me promener à ses côtés tel le garde d’un corps qu’on
doit regarder, mais surtout pas toucher, fier comme si j’étais le créateur de cette merveille.
On est comme ça les mecs, l’instinct de propriété, probablement.
J’ai passé des heures à attendre sur le banc en face du théâtre où ils étaient entrés. L’affiche
précisait, dernière répétition, alors je voulais être présent comme un fan désire approcher la
vedette qu’il adule.
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Aussi, quand la Limousine est revenue les chercher, je me suis avancé vers la porte en espérant
revoir cette beauté sublime.
Elle est sortie la première, puis arrivée à ma hauteur ses yeux ont croisé les miens. Ultime chance
de lui adresser la parole, de réaliser un fantasme maintes fois tourné dans ma tête tout au long de
ce long après-midi.
Je lui ai tendu l’affiche achetée quelques instants plus tôt pour qu’elle la dédicace, esquissant un
timide sourire, gêné de la déranger dans son quotidien de comédienne. Mais tellement heureux
d’avoir pu la frôler.
Elle est passée, fière, sans un regard, sans un sourire, sans esquisser le moindre geste de bonté
pour cet anonyme que j’étais, et que je comptais rester.
Elle m’a ignoré, comme si j’étais invisible, transparent, comme si je n’existais pas.
Elle avait changé de tenue, elle était comme les autres, devenue banale, commune, malgré les
bijoux étincelants qui ornaient ses bras, ses mains et son cou.
Certains criaient son nom, les flashs crépitaient de toutes parts, puis sans un mot elle s’est
engouffrée dans la Limousine, comme heureuse d’avoir pu échapper à la foule, surtout à moi.
Je suis resté le bras tendu, bête, et pour la première fois depuis longtemps, je me suis senti
ridicule, humilié.
Son arrogance de star l’avait soudain rendue d’un coup beaucoup moins sympathique. Elle
m’avait zappé, volontairement, et je me suis juré à ce moment-là, de faire la même chose la
prochaine fois que je la verrai quelque part, que ce soit dans la rue, au spectacle ou à la télévision,
oui, je ferai comme elle, je zapperai.
J’étais sur le point de partir lorsque mon bras fut saisi par la main de son mari. J’étais le fan qui
étais là à leur arrivée et qui avait attendu trois heures, devant l’entrée du Théâtre, afin d’obtenir
une petite dédicace, sur un petit bout de papier, qui m’aurait tant fait plaisir.
Il en était ému, et son embarras devant l’attitude de sa belle était grand, bien qu’il n’en fût pas
responsable. Il a pris l’affiche, y a griffonné quelques mots, puis m’a offert deux places pour le
spectacle.
Devant mon refus de prendre les billets il a ajouté « ne venez pas pour elle, mais pour tous les
autres, je vous assure que ça en vaut la peine ». Je l’ai remercié et je suis rentré chez moi, à la fois
amer, et satisfait.
Après mûres réflexions j’y suis allé, comme il me l’avait demandé.
J’étais installé à la première rangée du carré d’or, fauteuil face à la scène, entouré de personnalités
prestigieuses du monde des arts et du spectacle.
Il avait eu raison de m’inviter, la pièce était formidable.
J’ignore par quel miracle la comédienne prétentieuse qui m’avait ignoré quelques jours auparavant
m’a ce soir là indiscutablement reconnu, mais elle en était très perturbée.
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De me voir au premier rang son jeu de scène fut pitoyable, peut-être regrettait-elle de ne pas
m’avoir accordé quelques secondes de son temps. Elle fut la plus mauvaise de la troupe de
comédiens qui se produisaient, et je ne fus pas le seul à le constater.
Son mari eut les honneurs des spectateurs comblés par sa prestation, et le mien fut de l’applaudir
dans une superbe « standing ovation ».
La soirée passa trop vite, comme tous les bons moments de la vie.
Le lendemain matin, au réveil de la comédienne, à quinze heures, son mari lui mit sous le nez un
article de journal décrivant les qualités de l’auteur de la pièce et des comédiens.
Ils étaient tous cités, son mari avait droit, lui, aux commentaires les plus élogieux, mais pas une
ligne sur elle, pas un mot.
Elle entra dans une colère noire et s’en pris à son mari, qui de son côté, avait l’habitude des
caprices de sa comédienne de femme.
Voilà, je n’en étais pas plus fier que ça mais, quand on est comme moi rédacteur en chef d’un
grand quotidien national, on peut s’octroyer à l’occasion un petit privilège.
Comme celui de zapper le nom d’une actrice bêcheuse, comme trouver un homme avec un cœur
gros comme ça, au physique peu avantageux mais beau de par son comportement, très beau de par
sa nature gentille et naturelle.
Lorsque son épouse lui demanda ce qu’elle pouvait avoir fait pour mériter ça, il répondit :
« C’est sûrement parce que tu es devenue ce que tu es, et que c’est sans nul doute pour cette
raison, que tu le mérites. »
Dans ce monde à part qu’est l’opulence, où règnent en silence des clinquantes violences, où tout
être différent pour eux est transparence, bercé au quotidien par tant d’indifférence nous font dire, à
nous, les gens sans connaissance, qu’il ne faut surtout pas se fier aux apparences.
38
Auguste
Saynète
Issue de la pièce : ODARODEL (pour ados)
Monologue
Un clown est assis au centre de l’arène. Il est triste car le clown avec qui il faisait son
numéro, vient de mourir.
« Je savais que tôt ou tard notre association s’arrêterait, et quotidiennement j’ai prié pour que ce
jour n’arrive jamais.
Hélas ! Mes prières n’ont pas été exhaussées.
Comment vais-je faire maintenant pour que les enfants rient, puisque tout en moi n’est que
tristesse ?
Ce soir, une lumière s’est éteinte sur la terre et dans mon cœur.
Cette lueur était tellement intense qu’elle apportait de la chaleur à tous ceux qui l’ont approché.
Il rendait belles les âmes en faisant disparaître les aléas que peuvent apporter les épreuves d’une
vie dure et souvent si injuste.
Il rendait le sourire à ceux qui pensaient ne plus jamais pouvoir l’afficher.
Il était plus qu’un ami, plus qu’un clown. C’était un magicien. Il transformait la vie des gens en les
faisant rêver.
À son contact, chacun oubliait le mauvais, le noir, il peignait la vie des spectateurs aux couleurs de
l’arc-en-ciel.
Il faisait battre le cœur de tous ceux qui croyaient ne plus en avoir.
Il leur donnait envie d’être bons, envie d’être bien en faisant renaître l’espoir.
Grâce à lui, ils gardent au plus profond d’eux-mêmes cette candeur, cette étincelle qui ne brille que
dans le regard ébloui des enfants, lorsqu’ils sont heureux.
C’était un donneur d’amour qu’il a si généreusement offert tout au long de sa vie.
Rendre heureux le temps d’une représentation n’est pas à la portée de tout le monde, j’ai vraiment
aimé partager avec lui sur la piste ces moments d’émotions, de franches rigolades même dans les
heures les plus difficiles.
Terminée notre association, terminés les éclats de rire, les projecteurs aussi se sont éteints.
Le rideau est tombé et pour moi aussi le spectacle est fini, car sans lui je n’existe pas, je n’existe
plus.
Je n’ai plus le cœur à rire, ni à faire rire
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Je sais, je pourrais devenir un clown triste, mais je n’en ferai rien.
La tristesse est trop présente dans ce monde, il a besoin de gaîté, de tendresse et d’humour.
Seuls les clowns semblent capables d’accomplir ce miracle, les clowns oui, mais pas moi.
C’est un tour de force et les miennes m’abandonnent. Je le regrette, mais j’abandonne.
Notre numéro s’arrête ce soir.
Je te salue, l’artiste. »
Il se lève pour quitter l’arène, fait quelques pas puis s’arrête, lève la tête vers le ciel et répond à
une voix que lui seul peut entendre.
« Quoi ! C’est moi que tu viens traiter de lâche ? Mais c’est toi qui me trahi en partant comme un
voleur.
Pourquoi tu me fais ça ? À nous deux on a fait rire des milliers de personnes mais tout seul, je ne
suis rien.
Les enfants ? Bien entendu que je pense à eux, tu crois que je n’ai pas de cœur ! Mais c’est trop
dur de penser évoluer tout seul après tant d’années passées ensemble, est-ce que tu te rends
compte ?
Ha ! Ha ! C’est à mourir de rire. Non pardon, je ne voulais pas dire ça.
Comment veux-tu que je fasse après toutes ces années de complicité, de réparties, d’échanges.
Nos numéros étaient écrits pour nous deux, comment veux-tu aujourd’hui que je trouve
l’inspiration pour de la création alors que je suis anéanti.
Tiens elle est marrante celle-là, il faudra que je la ressorte.
Non ! Je n’ai pas dit que j’allais continuer. Non !
Je sais qu’avec le temps le chagrin s’atténue, oui je sais que personne n’est irremplaçable, arrête de
me parler comme ça tu veux !
Comment je ne suis pas un vrai clown, tu n’as pas honte de me traiter de la sorte ?
Non monsieur je ne m’apitoie pas sur mon sort, mais tu ne comprends pas que je suis malheureux,
que je suis inconsolable de t’avoir perdu !
Evidemment que je suis lié au serment de la commedia dell’arte, nous le sommes tous.
Je te trouve bien philosophe depuis que tu es au ciel.
Oui ! Je sais ce qu’on dit quand une telle chose se produit, le spectacle continue.
Tu crois que j’en serai capable ?
Merci pour le compliment.
C’est vrai, tu regarderas toujours par dessus mon épaule ?
Alors, dans ces conditions, je veux bien essayer.
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Oui ! Je leur dirai à chaque représentation que le firmament compte désormais une étoile de plus.
Moi aussi mon ami, moi aussi je t’aime.
Malgré tout ce qui nous sépare, tu l’as vu ?
Oui, je l’avoue, c’est une larme, il faudra du temps avant que je m’en remette, tu le sais bien n’estce pas ? »
Il refait deux pas puis à nouveau s’arrête, se retourne et regarde la piste :
« D’accord je m’en souviendrai, oui j’ai compris ce que tu me dis, je ne pourrai jamais t’oublier,
tous ceux qui sont venus au spectacle ne pourront jamais t’oublier, pour la simple et bonne raison,
un clown ne meurt jamais. »
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Rencontre
(1 femme – 1 homme)
Décor : deux chaises côte à côte.
Un homme qui cherche une rue s’adresse à une femme assise sur une chaise, (un banc) avec
qui il engage la conversation.
H – Madame s’il vous plaît, pouvez-vous me dire où se trouve la rue Bonne Nouvelle ?
F – Non mais, je peux vous en donner une.
H – Ah oui, laquelle ?
F – Je quitte cet endroit.
H – Cette ville ?
F – Absolument.
H – Je peux m’asseoir ?
F – Je vous en prie.
H – Quelque chose me dit que vous en êtes très heureuse.
F – J’ai vécu l’enfer ici, alors pouvoir partir loin d’ici c’est comme, une renaissance.
H – Je vois. Ça me fait plaisir vous savez.
F – Ah oui, pourquoi ?
H – De constater qu’enfin un être humain peut être satisfait.
F – Satisfaite ? Oui je le suis. Heureuse ? J’ai encore un sacré bout de chemin avant de pouvoir
l’être.
H – Vous avez un objectif pourtant !
F – Mais rien ne dit que je le serai un jour.
H – Ce n’est pas le genre de chose que l’on peut présager.
F – J’aimerais tellement le devenir !
H – Et si nous en demandions trop à la vie !
F – Vouloir le bonheur est parfaitement légitime il me semble.
H – C’en est un déjà que de partir d’ici, non ?
F – Oui mais, en réalité je ne pars pas, je fuis.
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H – Vous fuyez pour être heureuse ?
F – Pour ne plus souffrir.
H – Là où vous allez il n’y aura pas de souffrances ?
F – J’espère qu’elles resteront ici, avec mes souvenirs.
H – Mais vos souvenirs demeureront en vous, quoi que vous fassiez, où que vous alliez !
F – Je pars pour oublier ma peine, et ne plus revivre le cauchemar auquel j’ai été confrontée ici.
H – La souffrance est souvent causée par des actes, des paroles, des mauvais choix également.
F – Certes ! Mais nous ne pouvons pas savoir si ceux que nous faisons sont les bons.
H – Donc, vous n’êtes pas sûre d’être heureuse là où vous vous rendez ?
F – J’ai fait des tas d’erreurs dans ma vie, et j’en ai payé le prix fort. Je veux changer ma vie, je
veux changer de vie.
H – Quoi qu’il se soit passé elle continue, différemment, c’est tout.
F – Mais j’ai radicalement changé ma ligne de conduite, je ne vois plus les choses de la même
façon, je veux dire que j’ai chassé mes idéaux et fais place à d’autres priorités.
H – Je crois que vous fuyez non pas pour trouver le bonheur mais pour ne plus être malheureuse.
F – Ça fait une différence ?
H – Si vous fermez les issues qui y mènent, alors oui, ça fait une différence.
F – Ne plus être confrontée aux choses qui m’ont fait souffrir est un combat gagné, et une victoire
ça rend heureux.
H – Peut-être bien, mais c’est éphémère.
F – Mais tout est éphémère dans ce monde. Comme je vous l’ai dit je compte mener ma vie à
l’inverse de ce qu’elle a été jusqu’à ce jour, comme je n’ai jamais été heureuse, je compte bien le
devenir.
H – C’est bien. C’est le but de chaque être humain, je vous souhaite de réussir. Mais que se
passera-t-il si vous échouez ?
F – Que voulez-vous dire ?
H – Si une fois installée dans votre vie qui a changée vous n’arrivez pas à trouver ce que vous êtes
allée chercher, le supporterez-vous ?
F – Je… j’avoue que… je n’envisage pas l’échec, j’ai décidé… je ne laisserai personne gâchée ma
vie, non, plus personne.
H – Sage décision.
F – Ce qui va être le plus difficile pour moi, c’est de refaire confiance.
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H – J’imagine. Mais, si vous désirez être heureuse il le faudra bien à un moment ou à un autre ?
F – Vous parlez… d’amour là ?
H – Pensez-vous être heureuse sans lui ?
F – Avec lui je n’ai connu que souffrances et désagréments.
H – Ce n’était pas celui qui vous convenait, il ne méritait pas ce nom, c’est tout.
F – C’est tout ! Croyez-vous que le fait de rencontrer quelqu’un peut effacer des années de misère
et de larmes ?
H – Parfaitement, je pense que ça peut suffire pour trouver la personne qui vous aimera et vous
rendra heureuse, quant à effacer ce que vous avez vécu, je crains qu’il vous faille vivre avec ça le
restant de vos jours.
F – Je pense que vous avez raison.
Ils regardent droit devant eux, silencieux, plusieurs secondes.
F – Je suis heureuse d’avoir parlé avec vous.
H – Ah oui ?
F – Oui, vraiment.
H – Je suis heureux de vous avoir rendu heureuse pendant quelques minutes.
F – Ah oui mais n’allez pas vous imaginez des choses pour autant !
H – Oh non, non, ne vous inquiétez pas, je constatais juste que vous avez employé le mot,
heureuse.
F – C’est vrai ?
H – C’est déjà une grande étape de franchie.
F – Vous croyez ?
H – J’en suis sûr.
F – Mais vers quoi à votre avis ?
H – Le bonheur peut-être ?
F – Pensez donc. S’il suffisait de prononcer les mots pour qu’ils se transforment en ce qu’ils
devraient être, je le ferais à longueur de temps.
H – Pourquoi pas.
F – Bonheur, argent, amour, vous voyez je les prononce mais il ne se passe rien pour autant.
H – Vous en êtes persuadée ?
F – Pas vous ?
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H – Et s’ils devaient être accompagnés d’actes pour qu’ils soient, comment dire, opérationnels ?
F – Comment ça ?
H – Quand je dis argent, peut-être que si j’en touche à ce moment précis je vais en avoir plus.
F – Vous êtes un rêveur.
H – Pourquoi pas !
F – Ah oui je vois, vous êtes un adepte de la méthode Coué, la pensée positive.
H – Une approche positive pour renforcée la confiance en soi. Vous m’avez dit que vous étiez
heureuse de parler avec moi, c’était une pensée positive.
F – Ce n’est pas faux. Je dois avouer que…
H – Quoi ?
F – Non rien.
H – Continuez, laissez-vous aller à la confidence, ça ne vous engage à rien.
F – J’allais ajouter que… j’ai vraiment aimé partager ces instants avec vous, voilà !
H – Vous m’en voyez ravi.
F – J’espère que vous ne pratiquez pas la manipulation mentale avec moi ?
H – Débordante est votre imagination.
F – Je suis fragile, donc vulnérable.
H – J’ai personnellement l’impression que vous maîtrisez parfaitement la situation.
F – Je pense que vous y êtes pour beaucoup.
Silence
H – J’ai été heureux d’avoir fait votre connaissance.
Il se lève.
F – Vous partez ?
H – Mais vous aussi vous devez partir.
F – Pendant quelque instant ça m’était sorti de la tête. J’ai la curieuse sensation de vous connaître
depuis longtemps. Mais pardon, sûrement qu’une personne vous attend quelque part.
H – Personne ne m’attend nulle part.
F – Oh ! Vous êtes une âme errante vous aussi ?
H – C’est joliment dit.
Elle se lève à son tour.
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F – Que diriez-vous si… non, c’est complètement fou.
H – Dites toujours.
F – J’ai pensé bêtement vous demander si vous seriez d’accord pour faire un bout de chemin en
ma compagnie, pour contribuer au changement de ma vie… désolée…je suis folle.
H – D’accord.
F – Vous dites ?
H – J’accepte votre invitation, je n’ai aucune attache et j’avoue ne pas être indifférent à votre
charme, alors après tout pourquoi pas !
F – Qu’allez-vous penser de moi ?
H – Peut-être la même chose que vous pensez de moi ?
F – Je n’ai que des ondes positives à votre égard.
Elle lui prend le bras.
H – Vous venez en quelque sorte de me sauver la vie vous savez !
F – Je veux tout savoir de vous.
Ils se dirigent vers la sortie, lentement.
H – Bonne nouvelle.
F – Ah oui au fait, je ne connais pas cette rue.
H – Tant mieux, si vous l’aviez su ma vie en aurait été bouleversée, mais je préfère de très loin le
cours qu’elle vient de prendre.
F – C’est la providence qui vous envoie…
H – Allez savoir !
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Bonjour le monde
Saynète - Issue de la pièce : C’EST TOUT NOUS, ÇA !
Aujourd’hui, la Terre effectue le recensement de chaque élément indispensable à sa vie.
Entre Un et Trente-deux comédiens
SCENE UNE
Terre – Bonjour le Monde, c’est moi, la Terre. Je vais procéder à l’appel de ce qui est
indispensable à ma vie et aux êtres que j’héberge. Merci de vous présenter à moi. J’appelle le
Printemps !
Printemps – Présent, je prépare des jours plus heureux et plus doux.
Terre – L’Eté !
Eté – Présent, mais à force de me déranger je ne serai jamais prêt à temps.
Terre – L’Automne ! (Ne répond pas) l’Automne es-tu là ?
Automne – Oui pardon ! Je suis un peu dur de la feuille.
Terre – L’Hiver !
Hiver – Je suis bien présent et quand mon tour viendra, préparez-vous à trembler.
Terre – Le Ciel !
Ciel – Aujourd’hui vous avez de la chance j’ai réussi à me dégager.
Terre – Le Soleil !
Soleil – J’ai beau en connaître un rayon, avec l’hiver je ne peux pas en placer un.
Terre – Le Vent !
Vent (essoufflé) – Excuse-moi, j’étais en train de faire une bise.
Terre – La Lune !
Lune – Le plus difficile avec moi c’est de me faire des marées.
Terre – Le Temps !
Temps – Présent, toujours prêt, vingt quatre heures sur vingt quatre.
Terre – Le Brouillard ! (Ne répond pas) que fais-tu le Brouillard ?
Brouillard – J’étais en train de m’éteindre… en brume.
47
Terre – La Pluie ! (Ne répond pas) alors la Pluie !
Pluie – Ça va, pas de précipitation. C’est quoi après l’averse ? Ben alors là, je sèche.
Terre – L’Air ! (Ne répond pas) que fais-tu l’Air ?
Air – Je reprends ma respiration, c’est pas évident de vivre toujours en courant.
Terre – Le Nuage ! (Ne répond pas) Nuage, qu’est-ce que tu fais ?
Nuage – Heu oui ! Excuse-moi j’étais au petit coin de Ciel, je faisais pluie-pluie.
Terre – L’Etoile !
Etoile – Je brille par ma présence, normal, je suis une star.
Terre – Le Jour !
Jour – Malheur à celui qui me nuit.
Terre – La Nuit !
Nuit – Présente, je ne suis pas sectaire, je vous offre un bonjour.
Terre – L’Arbre !
Arbre – C’est bien de prendre racine mais j’aimerais bien changer de branche.
Terre – Fleur !
Fleur – Présente partout pour embellir votre vie.
Terre – L’Herbe !
Herbe – Une pousse par ci, un brin par là, je fais de mon mieux pour rester au vert.
Terre – L’Eau ! (Ne répond pas) l’Eau, viens, pourquoi te caches-tu ?
Eau – Présente, enfin pour le moment, j’avoue avoir vraiment peur de bientôt complètement
m’évaporer.
Terre – Le Passé ! (Ne répond pas) le Passé, tu pourrais te manifester !
Passé – Ben oui mais je ne peux pas répondre… présent.
Terre – Le Présent !
Présent – Présent. Mais en tant que Présent je me demande bien ce qui va se passer.
Terre – L’Avenir !
Avenir – Je vais passer sur le présent, mais je garde un œil sur demain.
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SCENE DEUX
Terre – Merci à tous mais qu’allez-vous faire pour moi aujourd’hui ? Le Printemps !
Printemps – Egal à moi-même, merveille des merveilles, moi je sors la nature d’un trop profond
sommeil.
Terre – L’Eté !
Eté – Je suis bien impatient à tous de présenter, celle qui sera enfin la plus longue des journées.
Terre – L’Automne !
Automne – Vous allez grâce à moi peindre le quotidien et vivre pleinement un bel été indien.
Terre – L’Hiver !
Hiver – Je vous offre le gel, la neige et les frimas, mon climat est propice aux premières joies de
glisses.
Terre – Le Ciel !
Ciel – Espace illimité, que la rêverie perdure, ce qui me va le mieux, c’est la couleur azur.
Terre – Le Soleil !
Soleil – Moi j’ai le feu sacré en mon âme, en mon cœur, gracieusement j’inonde le monde de ma
chaleur.
Terre – Le Vent !
Vent – Vous avez de la chance vraiment que je sois là, car je souffle mais jamais personne ne me
voit.
Terre – La Lune !
Lune – J’illumine vos nuits et quartier par quartier, pénètre votre esprit pour capter vos pensées.
Terre – Le Temps !
Temps – Pas l’ temps pour bavarder, pas une minute à moi, car le monde doit tout l’ temps
pouvoir compter sur moi.
Terre – Le Brouillard !
Brouillard – Je crée une atmosphère magique et irréelle, j’enveloppe les choses, pouvoir
surnaturel.
Terre – La Pluie !
Pluie – Je suis indispensable, on ne m’aime pas tant pis, mais c’est moi qui protège et perpétue la
vie.
Terre – L’Air !
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Air – Rien n’existe sans moi, je parais furibond, si j’ai bien mauvais air, faute à la pollution.
Terre – Le Nuage !
Nuage – À ma guise je couvre et découvre les cieux, et le vent et la pluie sont des amis précieux.
Terre – L’Etoile !
Etoile – La nuit tombe et soudain arrivons par milliers, et scintillons avec l’étoile du Berger.
Terre – Le Jour !
Jour – J’offre l’aube et l’aurore, lueurs pâles et légères, puis à mon apogée ma plus belle lumière.
Terre – La Nuit !
Nuit – On me dit sombre et noire, sans intérêt, sans cœur, nombreux sont ceux qui croient que je
viens pour faire peur.
Terre – L’Arbre !
Arbre – Moi je suis ton poumon, je fais battre ton cœur, même mort je réchauffe de nombreuses
demeures.
Terre – Fleur !
Fleur – Palette de couleurs ma beauté embellit, facette de douceur, je parfume la vie.
Terre – L’Herbe !
Herbe – Parmi les champignons, les feuilles et de la mousse et malgré le béton, où je peux, moi je
pousse.
Terre – L’Eau !
Eau – Sans moi rien ne serait, mais il faut que ça dure, faites que je demeure à l’infini, si pure.
Terre – Le Passé !
Passé – Si je suis révolu, oui je crée vos espoirs, je suis la référence, je suis votre mémoire.
Terre – Le Présent !
Présent – C’est un cadeau divin offert généreusement, permettant à chacun de vivre cet instant.
Terre – L’Avenir !
Avenir – On me dit incertain, battez-vous sans faiblir, afin que le meilleur, toujours, reste à venir.
Terre – Mais nous sommes en sursis, au bord de la détresse, vous l’avez bien compris on lance un
S.O.S. Sauvez-moi, aimez-moi, je le crie à genoux.
Tous les éléments (puissamment) – Car la Terre n’en peut plus. Sauvez-nous. Aimez-nous.
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Casting
Monologue (Homme)
C’est quoi ici ? Tu parles d’un endroit.
Bonjour la place, c’est morbide, on s’croirait dans une gare, pour train électrique.
C’est aussi crasseux que ma chambre.
Ça doit être là, suivez les flèches, et ben pour l’instant j’en ai pas croisé beaucoup.
Regarde le public et pousse un cri de surprise
Vous êtes là pour le casting ?
Moi j’ vous l’ dis, avec tout ce monde on n’est pas couché. Quoi que, si on veut être pris !
Mais non, je rigole ! On n’est pas obligé de coucher… pas tout d’ suite.
Comment ça ce n’est pas un problème, parlez pour vous, t’as vu comment j’ suis gaulé ?
La seule chose qu’on puisse me proposer c’est une PUB pour broyeur, avec le saut à l’élastique
avant la prise, vous savez, histoire de bien mettre la… (Montre les intestins) du désordre làdedans quoi, voyez ce que je veux dire. En condition ! Simple, économique, une seule prise.
Ça fait longtemps que vous attendez ? Deux jours, ah quand même !
Oui remarquez, ça commence à se voir. Faites gaffes c’est pas bon pour le rendu les yeux du
mérou déprimé. Enfin, quand je parle de rendu !
Ce qu’il y a de bien dans la publicité aujourd’hui c’est qu’ils prennent même les plus moches…
ben oui sinon je n’ serais pas là… hein !... vous non plus !... avec le maquillage ça devrait
s’arranger un peu. Pardon ? Vous êtes déjà maquillés… vous aussi on vous a fait sauter à
l’élastique ? J’ai peut-être une chance alors ! Le retour du broyeur Cudor. (Chuintement) Sani
broyeur Cudor sans cesse est disponible pour mieux vous soulager.
Merde alors… je rêvais de porter les toilettes, pas de les tester… Quand c’est Cudor, j’y vais
encore.
Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire.
Y a un de ces désordre ici, on dirait ma chambre.
Moi ? Non ce n’est pas la première fois, j’ai tourné dans deux ou trois spots, ma foi très
intéressants. Vous me reconnaissez ! Ben non, c’est normal.
Je me suis présenté pour la Fiote 500, vous savez le pot de yaourt, mais au final ils ont choisi
Mimi Mathy… moi non plus j’ai pas compris. Elle se décolore… stop ! Assez parlé d’elle, sinon
elle va appeler son ange-gardien… celui du château.
Bon ! Ils se grouillent parce que je commence à fatiguer moi, je suis debout depuis midi quand
même.
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J’ai failli faire celle de Maxwell, vraiment je suis passé à deux doigts, je me présente devant le
responsable après cinq heures d’attente et je lui dis, d’un ton parfaitement travaillé et sûr de moi…
je viens pour Roswell… je pense vraiment pouvoir faire… l’affaire… ?... il me dévisage, des
pieds à la tête, et me dit… non, Maxwell, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Là, j’ai bu la tasse.
Vous allez voir, le responsable du casting va arriver avec sa collaboratrice, prête à exécuter le
moindre de ses caprices et ses ordres. Ça se passe toujours ainsi…
Voix efféminée
Il me faut un homme… on tourne d’abeurd la pub pour l’après rasage, va chercher les hommes
mon chou, on n’a pas toute la nuit, je garde le meilleur pour la fin puisqu’on terminera sur la
seucisse, allez ! On ne perd pas de temps aujourd’hui mes chéris, faut bouger son p’tit cul, faut
que ça débite.
Qu’est-ce que c’est que ça ? Non Catherine je te demande, c’est quoi ça ? Je veux des hommes,
des vrais, pas des routiers, pas des soudeurs à l’arche.
Et lui, je suis sûr qu’il est charcutier, ou boucher, beurk ! On tourne dans dix minutes. Remue ton
derche trésor et trouve-moi la perle rare.
Non mais t’as vu ses bras, on dirait mon teurse, fais voir ton teurse mon grand… tu t’es trompé de
plateau mon chou, le tournage des Simpson c’est à côté.
Et celui-ci, mon Dieu qu’il est laid, écoute, ne te décourage pas mon grand, à mon avis tu aurais
une chance dans plus belle la vie.
Et lui là, fais voir ton cou. Non chéri, j’ai dit ton cou… rhabille-toi… merci !
Bon ! Ceux qui font plus de soixante-cinq kilos, merci d’être venus, ceux qui font moins de trentecinq, j’ peux plus rien faire pour vous les enfants. Je suis déseulé, rentrez chez vous, si vous en
avez encore la force.
Combien il en reste Catherine ? Deux !
On va voir ça !
Ouvre la bouche. Tu ouvres la bouche parce que je te demande d’ouvrir la bouche.
Ah bon ! Tu ne veux pas ouvrir la bouche et tu veux que je ferme la mienne !
Catherine, dis-lui de partir à celui-là, on est tombé sur un violent méchamment susceptible.
Oh ! C’est dommage, il avait un beau... cou, un très beau… cou. Vraiment deumage.
Voix normale
Il ne restait plus que moi. Que lui. Lui et moi… et elle. Je parle de Catherine.
Il m’a touché le cou, les épaules, et le torse.
Il a tâté mes biceps et là, a ajouté.
Voix efféminée
Je dois me rendre à l’évidence mon chou, il ne reste que toi.
Bon écute, tu as la peau pour tourner dans la planète des singes, mais pour un après-rasage tu vas
tout faire foirer.
Et puis mon keupin, moi je veux un mec musclé, bien preupeurtieunné, genre maître-nageur tu
vois, et toi mon lapin, tu devrais sérieusement te mettre au développement du râble.
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Par contre, concernant le personnage de la prochaine campagne, si tu as des champignons sous les
ongles… tu pourrais l’incarner.
Comment ça Catherine et la seucisse ! Ah oui ! La seucisse.
Zut de zut ! J’aurais dû garder quelques déménageurs. Tant pis !
Déseulé hein mon chou mais avec Jean-Guy, c’est fini.
Voix normale
Ce n’est pas de tout repos un casting pour la pub, faut en vouloir. À propos…
… vous savez ce qui vous attend ? Eh bien, je vais vous l’ dire.
Au petit déjeuner une tartine de Butella, à midi couscous Zarbit, à quatre heures café espagnol, ou
café olé !
Et pour le dîner un cassoulet… Zappetté… ben oui !
Après avoir ingurgité tout ça, personnellement j’aurais fait une campagne jumelée avec le
(chuintement) sani broyeur Cudor sans cesse disponible pour mieux vous soulager.
Histoire de repartir l’esprit tranquille… en paix.
C’est moi qui vous l’ dis, la pub est à consommer avec modération… parce que j’ f’rai pas ça tous
les jours.
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Colombine et Pierrot
SAYNETE
Issue de la pièce : C’EST TOUT NOUS, ÇA !
(Pour enfants)
Deux personnages
Colombine – Pierrot ! Hé Pierrot, tu dors ? Pierrot !
Pierrot – Oui, mais plus maint’nant.
Colombine – Est-ce que tu entends ?
Pierrot – Quoi ?
Colombine – Tu n’entends rien ?
Pierrot – Non !
Colombine – Ben moi non plus.
Pierrot – Tu me réveilles pour me dire qu’il n’y a pas d’ bruit ?
Colombine – Ça ne te paraît pas bizarre ?
Pierrot – C’est toi que je trouve bizarre.
Colombine – Ils ont disparu.
Pierrot – Mais qui a disparu ?
Colombine – Les bruits, les bruits de la ville.
Pierrot – Ce ne sont pas les bruits ma pauvre qui sont partis.
Colombine – Ah bon !
Pierrot – C’est nous.
Colombine – Qu’est-ce que tu racontes ? T’es pas bien réveillé.
Pierrot – Tu sais c’est pas compliqué, s’il n’y a rien à écouter y a pas trente six explications mais
deux, soit on est morts, soit on est devenus sourds.
Colombine – Mais… On s’entend !
Pierrot – Ouais ! Conclusion ?
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Ils se regardent et éclatent de rire.
Colombine – Ah la la, j’adore cet endroit.
Pierrot – Oui, il est plus aéré et surtout plus propre. On va se plaire ici, je l’ sens bien.
Colombine – Un bon dépoussiérage nous a fait le plus grand bien on dirait !
Pierrot – Le fait est qu’on en avait besoin.
Colombine – Je me sens belle.
Pierrot– Mais tu l’es.
Colombine – Flatteur !
Pierrot – C’est une réalité je t’assure, malgré ton très grand âge tu es bien conservée.
Colombine – Tu t’es regardé espèce de mufle ?
Ils rient de nouveau.
Pierrot – Et les autres, ils vont arriver quand tu crois ?
Colombine – Je ne suis pas pressée de les voir tu sais, on est bien tous les deux.
Pierrot – Oui, on a intérêt à en profiter.
Ils s’approchent l’un de l’autre et posent un baiser sur le bout des lèvres.
Pierrot – Oui, jusqu’au prochain grand chamboulement.
Colombine – La place qui nous est réservée à l’air bien tu ne trouves pas ?
Pierrot – Tout ce qu’il faut pour deux amoureux.
Colombine – Une fois que le musée sera aménagé on en prendra pour cent ans, au moins.
Pierrot – C’est un minimum pour des pantins de soie que nous sommes. Bienvenue dans ta
nouvelle demeure. Je t’aime ma Colombine.
Colombine – Je t’aime mon Pierrot.
55
Comédiens
Saynète
Monologue
« Je vous ai bien observé, c’est fascinant.
L’être humain est fascinant.
Le plus incrédule d’entre nous, le plus retors, le plus mutin, le plus imperturbable peut devenir
soudain un être à l’écoute, dominé par l’émotion, imprégné de doutes et de valeurs insoupçonnés,
des trésors enfouis au plus profond de notre insondable ego, sentiments inexplorés qui émergent,
l’espace d’une représentation.
C’est un pouvoir inconnu et bienfaisant qui transforme notre scepticisme obsessionnel en désir de
douceur, d’égalité, de fraternité.
Renaissent alors l’espoir, l’envie, de comprendre et d’accepter la métamorphose apaisante de notre
état d’esprit, celle qui nous rend généreux, celle qui nous rend humain et tolérant.
La vie semble devenue simple, belle.
Mais elle ne l’est pas devenue, elle l’a toujours été.
C’est nous qui avons changé.
Qui a eu le pouvoir de transformer l’être insensible que nous étions en spectateur heureux, en
amateur d’Art averti ?
Ce sont eux, les comédiens.
Ils nous transportent dans leur courant et nous submergent par le flot de leurs jeux de scène, de
leurs textes, de leur magie, nous donnant le pouvoir de pouvoir et nous offrent à nous pauvres
enchaînés, le pouvoir de vouloir nous évader.
Ils sont Eux, puisqu’ils sont tout le monde.
Soyons Nous, dans ce monde immonde.
Imprégnons-nous de leurs forces et de leurs talents et jouons ces pièces de la vie au quotidien.
Vivons en toute humilité ces tragédies, ces comédies, puisque nous ne sommes que des êtres
humains, mais nous devenons tellement humains et fascinants, quand nous dévoilons nos dons, de
comédiens. »
56
Errance
Saynète
Sur une idée originale de Nathalie Pina
Deux personnages
Une femme (Gabrielle) erre dans les couloirs de l’entreprise où elle travaille.
Elle finit par croiser une collègue (Bérénice)
Bérénice – Et bien dis donc t’en as une p’tite mine, ça ne va pas ?
Gabrielle – J’ai connu des jours meilleurs, j’avoue !
Bérénice – Viens prendre un café si tu veux ?
Gabrielle – Merci non, je suis assez énervée comme ça.
Bérénice – Pourquoi ? Tu as des problèmes ?
Gabrielle – En quelque sorte.
Bérénice – C’est Chamuzeau qui te fait des misères ? T’inquiète pas il est plus taquin que méchant,
c’est un pince sans rire mais quand on le connaît mieux…
Gabrielle l’interrompt.
Gabrielle – Non c’ n’est pas lui.
Silence.
Gabrielle – Qui ?
Bérénice – Problème perso alors ?
Gabrielle – Non !
Silence.
Bérénice – Tu ne veux pas en parler, je peux le comprendre tu sais.
Gabrielle – C’est pas ça, je n’ sais pas ce qui se passe.
Bérénice – Qu’est-ce qui t’arrive ? Je veux bien t’aider mais seulement si tu m’expliques.
Gabrielle – Comment expliquer ce que moi-même je ne comprends pas.
Bérénice – Essaies toujours !
Silence.
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Gabrielle – C’est vraiment dur à dire. Voilà ! Quand j’ai quitté mon bureau pour aller aux toilettes
tout était en ordre… enfin j’ veux dire… chaque chose était à sa place… mon bureau, mon PC,
mon téléphone, et quand… quand je suis revenue, y avait plus rien.
Bérénice – Comment plus rien ?
Gabrielle (catastrophée) – Plus rien ! Mon bureau avait disparu, mon PC et mon téléphone aussi.
Et c’est pas tout.
Bérénice – Ah bon !
Gabrielle – Figure toi que le couloir aussi.
Bérénice – Quoi le couloir ?
Gabrielle – Le couloir aussi, avait disparu.
Elle la regarde d’un air inquiet.
Bérénice – Tu es sûre que ça va ?
Gabrielle – Pas trop non, ça m’a fichu un drôle de coup.
Bérénice – Tu travailles où exactement ?
Gabrielle – Bureau treize, service contentieux.
Elle la fixe intensément durant quelques secondes.
Bérénice – Service contentieux tu dis, tu en sûre ?
Gabrielle – Oui pourquoi ?
Bérénice – Parce que dans notre société il n’y a pas de service contentieux.
Gabrielle (en hurlant) – Quoi ?
Bérénice – Désolée de te le dire mais non, on n’a jamais eu de service contentieux.
Gabrielle – Tu plaisantes ?
Bérénice – Je t’assure que non.
De plus en plus inquiète.
Gabrielle – Mais si, encore ce matin j’étais là, j’ai même reçu des coups de fil de réclamation de
clients mécontents. Enfin je crois.
Bérénice – Quel numéro de bureau tu dis ?
Gabrielle – Treize.
Bérénice – C’est impossible, la société n’en compte que quatre.
58
Silence.
Gabrielle – Je deviens folle.
Bérénice – Tu prends des médicaments ?
Gabrielle – Non. Enfin… non !
Bérénice – Le couloir dont tu parles se trouve où par rapport ou l’on est ?
Gabrielle – Tu vois les toilettes, on passe devant puis à gauche et mon bureau se trouve là, juste
derrière et dans ce couloir il y a un distributeur de boissons et le secrétariat.
Bérénice – Désolée de te le dire mais derrière les toilettes il n’y a jamais eu de bureau.
Gabrielle – C’est pas possible ?
Bérénice – De plus, le distributeur de boissons se trouve à l’entrée du bâtiment et c’est là qu’est le
secrétariat.
Gabrielle – Tu me fais marcher ?
Bérénice – Non je t’assure, ce couloir n’a jamais existé.
Gabrielle – Tu crois qu’on est passé dans une autre dimension ?
Bérénice – J’y connais rien, mais pourquoi pas !
Gabrielle – J’ai compris ! Vous me faites marcher, elle est où la caméra ? Vous êtes en train de
bien rigoler, hein !
Bérénice – Ecoute, je te suggère de chercher tes affaires et d’aller consulter, tu dois être dans une
mauvaise passe.
Gabrielle – Alors y a pas d’ caméra ?
Bérénice – Pas plus qu’il n’y a de bureau treize et de couloir derrière les toilettes.
Gabrielle – Qu’est-ce qui m’arrive ?
Bérénice – On a tous des passages à vide, je suis convaincue que ça va s’arranger.
Gabrielle – Tu as sûrement raison, je vais aller chez le médecin.
Elle pousse un cri.
Gabrielle – Ma veste, mon sac à main.
Bérénice – Et bien quoi ?
Gabrielle – Ils sont dans le bureau.
Bérénice – Allons les chercher !
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Gabrielle – Mais… mais mon bureau a disparu.
Bérénice – Heu ! Oui !
Silence.
Gabrielle – Ça fait longtemps qu’on se connaît toute les deux ?
Bérénice – C’est la première fois que je te vois.
Gabrielle – Depuis huit ans que je travaille ici on ne s’est jamais croisées ?
Bérénice – Pas à ma connaissance.
Gabrielle – Pourquoi tu me parles alors ? Et comme si on était grande copine.
Silence.
Bérénice – Je suis aux ressources humaines donc j’ai l’habitude d’aller vers les gens et de parler
avec eux.
Gabrielle – Tu es là depuis longtemps ?
Bérénice – Une dizaine d’années.
Gabrielle – Ah !
Silence.
Gabrielle – On est nombreux à travailler ici ?
Bérénice – Heu ! Douze plus monsieur Chamuzeau ça fait treize.
Gabrielle – De mieux en mieux.
Bérénice – Pourquoi dis-tu ça ?
Gabrielle – Juste une question comme ça, quel est le nom de la société qui nous emploie ?
Bérénice – Tu n’ te rappelles pas ?
Silence.
Bérénice – Etablissements Chamuzeau.
Silence.
Gabrielle – Jamais entendu parler.
Bérénice – Mais où tu crois qu’on est ?
Gabrielle – Je n’ crois rien sinon que je débloque complètement.
Bérénice – Tu penses souffrir d’une amnésie passagère ?
60
Silence.
Bérénice – Je sais que ça arrive parfois après un grand stress ou un grand choc. Tu as subi un
grand choc ?
Silence.
Bérénice – Tu te rappelles de ta fonction ici ?
Gabrielle – Je suis… enfin… j’étais responsable du service contentieux, et mon patron Jacques
Delattre m’a même proposé une association. À moins que j’ai inventé tout ça. Je ne sais vraiment
plus.
Bérénice – Jacques Delattre tu dis ? Je ne connais personne de ce nom là.
Gabrielle – Je vois.
Bérénice – Et ton nom, tu te souviens de ton nom ?
Silence.
Gabrielle – Qu’importe ! Tu veux bien m’appeler un taxi, je vais rentrer chez moi, ça ne va pas du
tout.
Bérénice – Va dans le hall m’attendre, tu pourras t’asseoir en l’attendant.
Bérénice attend que sorte Gabrielle.
Puis, elle prend son téléphone portable et compose un numéro.
Bérénice – Allô ! Hôpital psychiatrique Saint-François ? Oui bonjour docteur, je vous ai appelé ce
matin pour une patiente potentielle, oui c’est moi, alors c’est la société Delattre, c’est ça Delattre, si
vous pouvez venir la chercher le plus vite possible car elle va très mal, pardon ! Oui elle devient
très dangereuse. Merci, au… oui merci… au revoir.
Silence.
Bérénice – Oh oui ça va très mal pour toi ma vieille et là où tu vas, j’ peux te dire qu’on n’est pas
prêt de te revoir. Il se passera pas mal de temps avant que tu comprennes, si un jour tu y arrives.
Quant à moi, je serai devenue depuis longtemps l’associée de Jacques Delattre, notre cher patron,
qui va très prochainement pour l’occasion devenir mon amant.
Je bénie le vingtième siècle qui a vu l’invention de l’hologramme.
Pauvre Gabrielle, pourtant je t’aimais bien. J’ai bien fait de la faire interner car pour moi tu
devenais vraiment… très dangereuse.
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Isabelle et le clochard
Saynète
Trois personnages
Isabelle, un baladeur à la ceinture et les écouteurs sur les oreilles s’assied sur un banc public.
Elle remue la tête en cadence et tape la mesure avec son pied.
Après quelques instants, un homme vient s’asseoir à l’extrémité du banc.
Clochard – C’est quoi comme musique ?
Isabelle ne répond, elle ne l’entend pas.
Clochard – Si jeune et déjà sourde. C’est pas bon ces machins sur les oreilles. Remarque, moi
j’entends pas bien non plus mais pas pour les mêmes raisons. Toi, c’est à cause des écouteurs et
moi de la crasse, à chacun ses bouchons hein !
Isabelle se rend compte de sa présence.
Isabelle – Vous m’avez parlé ?
Clochard – C’est bien c’ que vous écoutez ?
Isabelle – Excusez-moi mais, c’est vous qui sentez comme ça ?
Clochard – J’ pense que mon déodorant est un peu éventé oui.
Isabelle – Oh ! Désolée, je n’ voulais pas vous mettre mal à l’aise vous savez.
Clochard – J’ai l’habitude.
Isabelle – Vraiment désolée.
Clochard – J’ai pris une douche ce matin, mais les fringues, je n’ai que celles-là et ça fait un
moment que j’ les porte.
Isabelle – Y a longtemps que vous êtes dehors ?
Clochard – Quelques années.
Isabelle – Tant qu’ ça ? Où est-ce que vous pouvez vous doucher ?
Clochard – Je vais au Centre des Jonquilles, on peut y manger, boire et dormir un peu.
Isabelle – Mais c’est affreux !
Clochard – Quoi donc ?
Isabelle – Ça, cette vie, ce qui vous arrive.
Clochard – Être à la rue est un cancer, mais la communauté en est un autre.
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Isabelle se rapproche de lui.
Isabelle – Pourquoi vous êtes là ?
Clochard – Pour parler.
Isabelle – Non, j’ veux dire…
Clochard – J’ai bien compris.
Isabelle – Bien sûr, désolée.
Clochard – Cessez d’être désolée.
Isabelle – Je n’ veux pas être indiscrète.
Clochard – D’un autre côté, ça serait bien que les jeunes comme vous sachent comment on en
arrive là.
Isabelle – Vous faisiez quoi avant d’être un…
Clochard – Clodo.
Isabelle – J’allais plutôt dire SDF.
Clochard – Le résultat est le même, quand on est à la rue on n’est plus rien, plus personne, qu’un
parasite que tout le monde voudrait voir disparaître.
Isabelle – Pourquoi ?
Clochard – Parce qu’on dérange tout l’ monde, les gens normaux, les respectables, les sans-abri
eux-mêmes.
Isabelle – Vous exagérez.
Clochard – Vous croyez ça !
Isabelle – Vous êtes aigri, c’est normal. Vous faites quoi pour vous en sortir.
Clochard – Je n’ peux plus m’en sortir.
Isabelle – On peut toujours s’en sortir.
Clochard – La dureté de vos propos n’est que l’optimisme de votre jeunesse, ça vous fait perdre
les notions de vie du monde moderne, c’ n’est pas votre faute, vous n’ pouvez pas vous rendre
compte.
Isabelle – Nous les jeunes on a toujours tout faux, c’est ça ?
Clochard – C’ n’est pas à moi qu’il faut faire des reproches ou une crise d’adolescence, la
souffrance, je connais.
Isabelle – Moi aussi je vous connais.
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Clochard – Hein !
Isabelle – Je vous ai déjà vu vous savez.
Clochard – Ah oui !
Isabelle – J’habite un peu plus loin, là, voyez.
Clochard – Bel appartement, vous vivez avec vos parents ?
Isabelle – Ma mère seulement.
Clochard – C’est quoi cet air maussade d’un seul coup ?
Isabelle – Rien.
Clochard – Je connais un peu la vie et les gens, vous êtes en colère, je l’ vois. C’est votre père
n’est-ce pas ?
Isabelle – Psychologue !
Clochard – C’ n’était pas bien difficile.
Isabelle – Il a plaqué ma mère il y a dix ans, je n’ai jamais eu de ses nouvelles, voilà !
Clochard – C’est la version de votre mère ?
Isabelle – Oui pourquoi ?
Clochard – Rien. Vous êtes sûre que c’est la bonne ?
Isabelle – Ça veut dire quoi ça ?
Clochard – C’est pas grave.
Isabelle – Qu’est-ce que vous cherchez à m’ dire ?
Clochard – Vous n’avez peut-être pas le bon reflet de la réalité.
Isabelle – Qu’est-ce que vous en savez d’abord ?
Clochard – Evidemment. Je n’en sais rien. Je n’ suis qu’une cloche.
Isabelle – Il faut que j’y aille, j’ai un devoir pour demain.
Clochard – On dirait que c’est mon tour de vous mettre mal à l’aise, hein !
Isabelle – Pas du tout.
Clochard – Vous reviendrez écouter de la musique alors ?
Isabelle – On verra.
Isabelle se lève et s’en va, sans rien ajouter, ni se retourner.
64
Clochard – Merde ! Merde et merde !
Arrivée d’un garçon qui s’assied sur le banc.
Garçon – Et bien, on dirait que tu as une nouvelle copine ?
Clochard – Ce n’est pas une copine.
Garçon – Ah bon ! Tu n’ la connais pas ?
Clochard – Si, je la connais.
Garçon – C’est qui ?
Clochard – Je crois que… c’est ma fille.
65
Je suis Harlem
Saynète
Issue de la pièce : ODARODEL
(Pour ados)
Monologue
« Je suis Harlem, mon prénom est déjà un handicap je sais, aussi je manie les bombes mais avec
précaution. Non ne soyez pas inquiet, je tague, artiste peintre des temps modernes en quelque
sorte, le Rembrandt d’ la cité, sauf que la ronde de nuit ici est faite par les keufs, à chacun son
époque.
J’ai l’œil y paraît alors j’en profite, je tague, c’est ma passion, d’ailleurs les potes m’appellent
Rocky, l’œil du tigre pensez-vous, non mieux qu’ ça, l’Eye of the tagueur.
Notre vie quotidienne est dominée par le gris, le noir, le sombre, moi j’en ai marre de jouer en
nocturne, vive la lumière, vive les couleurs vives, je colore, je ravive, je crée.
Trébuche en voulant de déplacer.
C’est le comble, un peintre qui se mélange les pinceaux !
Je n’ fais pas que taguer hein ! Je surf aussi de temps en temps, non pas chez moi bien sûr, au
cyber café, on n’a pas les moyens à la maison, et puis de toutes façons mon père est contre
l’ordinateur, comme il dit « je ne veux pas chez moi d’Internet haut débile ».
Il a d’ l’humour mon père, l’autre jour il chantait à tue-tête, je lui demande « c’est quoi déjà cette
chanson ? »
« Hôtel California » qui m’ dit en hurlant, alors j’ lui dis « pourquoi tu cries » et y m’ répond
« parce qu’y gueule ».
L’humour, c’est le moteur de la famille, sans lui il serait mort mon père, ma mère s’est tirée quand
il avait quarante ans, chômeur à cinquante, j’ vous fais grâce de la suite.
L’autre jour mon père et moi étions chez pompes land et il demande à la vendeuse où se trouve les
tongs, elle lui dit « rayon détente » et lui de lui répondre, « oui merci, mais on cherche des tongs
pour hommes ».
Il est comme ça mon père, cru mais c’est d’ l’humour, que voulez-vous il ne lui reste pas grandchose d’autre.
C’est l’homme le plus chouette que j’ connaisse.
On a failli avoir des problèmes en passant près d’une mosquée, on a entendu des prières et puis
plus rien, il a demandé à l’homme qui se tenait sur le pas de la porte si y avait une panne de Coran.
La femelle du condor pour lui c’est la chambre à coucher, car c’est là qu’on dort.
Le comble du dentiste est de rentrer à l’improviste et de trouver sa femme couchée dans son lit
avec un mâle dedans.
66
Un veau qui pète c’est le veau qu’a bu l’air.
Pour lui le pire pour un écrivain déprimé c’est de passer ses vacances sur une plage blanche.
Il improvise mon père, il est comme ça.
Voilà, je voulais juste vous parler de lui, parce qu’il en vaut la peine, tout le monde n’a pas la
chance d’avoir un père comme lui.
Malgré les épreuves qu’il a traversé dans sa chienne de vie il a été et est toujours là pour moi, c’est
grâce à lui si je suis ce que je suis, c'est-à-dire, un mec bien, vous n’ trouvez pas ?
Pour conclure et sans rire, si je suis là aujourd’hui c’est pour vous dire que si mon paternel était un
film ça serait sans aucun doute « mon père, ce héros. » »
67
Le pompier
Saynète
Deux personnages
Un narrateur un peu coincé est venu faire partager sa passion pour la lecture d’œuvres inédites.
Son intervention ne se passe pas comme il l’aurait souhaité, car un drôle de personnage
l’interrompt durant sa lecture.
Le narrateur ouvre son livre, ferme les yeux un instant et prend une grande inspiration en
regardant fixement devant lui, puis lit.
Narrateur – Mon âme est en berne et mon coeur est en pleures depuis qu’elle est partie, mes
forces m’abandonnent.
Cette fille est une farce, une illusion, une CATA.
Je suis sûr qu’il est trop tard car à plus rien je n’ai de goût.
Ce qui coule dans mes veines ce n’est plus du sang mais du feu, la chaleur de mon cœur a fait
fondre mes larmes, mon corps n’est plus qu’un brasier.
Mais qui pourrait circonscrire ce foyer, cet incendie qui… »
Le pompier chargé de la sécurité, à l’accent campagnard très prononcé, installé un peu en
retrait, intervient.
Pompier – C’est moi !
Narrateur – Qu’est-ce que c’est ?
Pompier – C’est moi, l’ pompier d’ service.
Narrateur – Et alors ?
Pompier – Ben alors si y a l’ feu, c’est moi qui va l’éteindre pardi !
Narrateur – Je vois ! Ecoutez, vous êtes gentil, je ne sais pas si vous l’avez compris mais, je narre
voyez-vous, je narre, c’est de la littérature, c’est un texte, il n’y a pas de danger, d’accord ?
Pompier – Ben d’accord !
Narrateur – Alors s’il vous plaît, laissez-moi reprendre le cours de ma lecture, voulez-vous ? Plus
d’interruption ?
Pompier – Plus de … hein ! Vouais !
Le narrateur troublé décide de reprendre sa lecture à son début, après une nouvelle grande
inspiration.
68
Narrateur – Mon âme est en berne et mon cœur est en pleures depuis qu’elle est partie, mes
forces m’abandonnent. Cette fille est une farce, une illusion, une CATA.
Je suis sûr qu’il est trop tard car à plus rien je n’ai de goût.
Ce qui coule dans mes veines ce n’est plus du sang mais du feu, la chaleur de mon cœur a fait
fondre mes larmes, mon corps n’est plus qu’un brasier.
Mais qui pourrait circonscrire ce foyer, cet incendie qui me dévore et vient m’ôter tout espoir, de
reconquête ou de revanche. Qui pourrait maîtriser ce feu ?
Pompier – Ben moi !
Narrateur – Non, c’est pas vrai !
Pompier – Ah ben dame si c’est vrai, c’est moi, l’ pompier service, j’ te l’ai d’jà dit t’à l’heure,
t’es sourd ou quoi ?
Le narrateur s’énerve.
Narrateur – Mais enfin, cessez donc de m’interrompre pendant ma lecture, vous voyez bien que
c’est de la littérature, c’est du faux vous comprenez.
Pompier – Ben vouais !
Narrateur – Vous êtes vraiment lourd mon vieux, vous ne comprenez rien ou quoi ? Vous êtes
stupide ?
Pompier – Ben non, j’ suis l’ pompier d’ service.
Narrateur (Phrase à prononcer avec le même accent que celui du pompier) – Et alors ! Ça ne
vous donne pas le droit de m’interrompre. (Voix normal) Je ne sais plus où j’en suis moi. C’est
malin, maintenant je suis complètement stressé par votre faute, je ne suis pas sûr de pouvoir
continuer ma lecture.
Pompier – T’affole mon gars, t’as qu’à leur expliquer aux gens.
Narrateur – Expliquez quoi ? C’est foutu maintenant.
Pompier – Ben c’est pas ben dur de leur expliquer.
Narrateur – Vous croyez ça vous ?
Pompier – Ben oui mon gars, même moi j’ai tout compris qu’est-ce qui s’ passe.
Narrateur – Et bien allez-y puisque vous êtes si malin, prenez ma place, allez !
Le narrateur ferme son livre et le garde jalousement serré contre lui.
Le pompier se met à la place qu’il occupait, ferme les yeux un instant puis prend une grande
inspiration. Le narrateur reste auprès de lui.
Pompier – Alors voilà. Si vous n’avez pas compris, c’est l’histoire d’une gisquette qui est partie à
Berne et qui pleure parce qu’elle n’a plus de forces.
69
Cette fille est une garce, une allusion à une catin, j’ crois bien.
Son mec il est sur l’ trottoir et il sent les égouts.
Du coup, l’ mec croit qu’il a pas d’ veine et s’ fait du mauvais sang, en plus il a oublié d’ fermer l’
radiateur parce qu’il a très chaud, un vrai coup d’ chaleur qui fait fondre l’alarme, alors l’ mec y s’
plaint d’ son corps, j’ crois qu’il a l’ feu au… quèque part quoi… où l’ pompier pourrait circoncire
le loyer.
Alors tu vois, comme tu dis mon gars la ligature c’est pas difficile.
Le narrateur se prend la tête à deux mains. Puis, il jette le livre à terre et sort de la pièce, fou de
rage.
Pompier – Ben attend mon gars, pourquoi tu t’en vas si vite, y a pas l’ feu.
70
Légitime défense
Saynète
Trois personnages
Un frère et une sœur se retrouvent après l’enterrement de leur mère.
Frère – Décidément, toujours aussi superficielle.
Sœur – C’est à moi que tu t’adresses ?
Frère – Mais oui, à toi, la pleureuse, je n’ te trouve pas très crédible en fifille accablée, tu as attiré
l’attention avec tes jérémiades mais je n’ suis pas dupe.
Sœur (ton courroucé) – Pourquoi tu ?... comment ?... comment tu peux dire une chose pareille ?
Frère – Pas très dure frangine, je t’ai pratiqué pendant des années.
Sœur (ton pleurnichard) – Notre mère vient de mourir et toi… toi… tout ce que tu trouves à faire,
c’est de m’hum… m’humi… lier.
Frère – Te force pas allez ! On n’est que tous les deux, tu peux faire ton cinoche devant les autres
mais moi je sais.
Sœur (ton agressif) – Tu sais ! Tu sais quoi ?
Frère – Ton chagrin est simulé, ta peine est calculée et tes larmes sont artificielles.
Sœur – Tu n’es qu’un sale type pourri gâté égoïste et sans cœur.
Frère – Egoïste et sans cœur, tu parles de ce que tu connais bien là.
Sœur – J’aimais notre mère, tu n’as pas le droit d’en douter.
Frère – Oh mais je n’en doute pas ! Tu n’ pouvais que l’aimer, Ta mère.
Sœur – Parfaitement.
Frère – Tu m’étonnes ! Elle n’avait d’yeux que pour toi, ma p’tite chérie par ci, ma p’tite louloute
par là, laisse ton frère se débrouiller seul il faut qu’il apprenne, viens et reste près de moi. J’ignore
le nombre de fois que j’ai entendu cette phrase de Ta chère mère. Mais tu vois, préférer un enfant à
un autre ouvertement je n’appelle pas ça de l’amour.
Sœur – Tu as le cœur aussi dur que du bois pour le prétendre.
Frère – Mais ma chère sœur je ne le prétend pas (en criant) je le hurle, j’exècre, je grave mon
mépris dans le bois de mon cœur, je l’inscris profondément sur le vernis de ton indifférence, je ne
le dis pas je le vomis, je hais cette femme dont tu t’es servie (le ton se radouci) parce qu’au cas où
tu ne l’aurais pas remarqué, elle m’a blessé pour la vie en préférant ta présence à la mienne, en
t’aimant plus que moi… tellement plus que moi…
71
Quelques secondes s’écoulent, silencieuses.
Sœur (ton arrogant) – Que voulais-tu que j’y fasse ?
Frère – Tu étais donc consciente de la situation ? Bien évidemment, comment ai-je pu en douter ?
Tu n’as jamais rien fait pour éviter que les choses s’enveniment.
Sœur – Tout ça c’est la faute de notre mère.
Frère – De notre mère, tu t’entends, tu n’es même pas capable de prononcer le mot.
Sœur – Le mot ! Quel mot ?
Frère – Quel mot ? Tu dis que tu l’aimais mais il t’est impossible de l’appeler maman, malgré les
privilèges dont tu as bénéficiés toute ta vie, pas une seule fois tu ne l’a appelé maman.
Sœur (ton méprisant) – Tu as raison, elle me préférait, et alors ? Ça n’avait pas tellement l’air de
t’affecter !
Frère – C’est facile de dire ça quand on est du bon côté de la barrière, tu t’es soucié de savoir ce
que j’éprouvais ? S’est-on jamais parlé d’ailleurs ?
Sœur – Comment voulais-tu parler, dès que j’étais avec elle tu disparaissais.
Frère – Ça ne t’a jamais étonnée ?... vous n’étiez toujours que toutes les deux.
Sœur – Ouais ! Je suppose que je n’ai jamais eu envie de me poser de question.
Frère – Faut dire que c’était une sacrée manipulatrice.
Sœur – Elle est morte maintenant tout ça n’a plus d’importance, tirons un trait sur le passé, hein !
Et si on en parlait plus, et si on oubliait ? C’est il me semble et de loin la meilleure solution.
Frère – Je ne suis pas sûr que ce soit aussi facile.
Elle se dirige vers lui et le serre dans ses bras.
Sœur – Je ne sais que dire tellement je suis désolée.
Frère – Pas autant que moi ma vieille.
Sœur – Je regrette tu sais. Vraiment. Je te demande humblement pardon.
Frère – Je ne suis pas sûr que ce soit possible tu vois.
Sœur – Si, mais si, je suis sûre qu’on est capable de repartir sur des bases saines, je le sens.
Frère – On n’ peut pas faire du neuf avec du vieux.
Sœur – Ça vaut le coup d’essayer, non ?
Il se prend la tête entre les mains.
Frère – Peut-être as-tu raison tout compte fait !
72
Elle l’embrasse à nouveau, joyeuse et libérée.
Sœur – Super ! Ecoute, je file chez moi, rejoins-moi on va fêter nos retrouvailles, tu veux ?
Frère – Ça marche frangine. Je viens dans pas longtemps.
Elle sort.
Il prend un téléphone portable dans l’une de ses poches et compose un numéro.
Frère – Ouais c’est moi, c’est bon mon ami, le poisson est dans le filet, tu peux le remonter.
Il se met à genoux en levant les bras au ciel.
Frère – Alléluia ! La morue est dessalée, à moi l’héritage.
Son portable sonne, il se relève et répond.
Frère – Alors c’est fait ?
La sœur réapparaît, armée, et se dirige vers lui le bras tendu.
Sœur – Qu’est-ce qui est susceptible d’être fait mon cher frère, ne serait-ce pas ma liquidation par
hasard ? Ferme ce portable tu veux, là où je vais t’envoyer tu n’en auras plus besoin.
Il demeure sans voix.
Sœur – Tu pensais vraiment pouvoir te débarrasser de moi aussi facilement mais c’est mal me
connaître, et me sous estimer, ton ami est également le mien, tu as oublié que dans ce bas monde
tout s’achète, surtout… les gens.
L’ami fait irruption et pointe son arme vers elle.
Ami – Désolé ma belle, tu sais bien que ta mère ne pouvait pas se passer de toi, alors tu vas la
rejoindre, et salue la pour nous.
Il tire et la tue.
Le frère se précipite vers son ami pour l’étreindre.
Frère – J’ai eu chaud dis donc, t’es arrivé au bon moment, tu es vraiment plus qu’un ami, t’es un
frère pour moi, un véritable frère.
L’ami le repousse violemment.
Ami – Tu as presque raison, un véritable demi-frère.
Frère – Qu’est-ce qui tu racontes ?
Ami – La vérité mon frère, la pure vérité, tu as vécu dans l’ombre de ta sœur et moi dans l’ombre
de ton ombre, mais notre mère vois-tu n’était pas la moitié d’une garce, elle.
Frère – Tu veux dire qu’on est frangin ? Sérieux ?
Ami – Tout juste !
73
Frère – Ouah ! Mais c’est chouette ça !
Ami – Chouette oui ! Surtout pour moi.
Il pointe son arme et tire.
Ami – Désolé frangin, il était légitime que pour une fois l’illégitime enfant puisse hériter de tout.
Salut la famille. Vous ne m’avez pas laissé l’ombre d’une chance, donc, je considère votre
disparition comme un acte de légitime défense.
74
Loufoque tribunal
SAYNETE
Issue de la pièce : C’est tout nous, ça !
(Pour enfants)
Trois personnages
Un juge un peu…farfelu…va rendre son verdict
Avocate – Maître Hesse pour la défense votre Honneur.
Juge – La séance est couverte.
Prévenue – Ben alors on va pas avoir froid.
Juge – Faites entrer la fusée… l’accusée.
Prévenue – Je suis là monsieur l’ juge.
Juge – Accusée, lavez-vous.
Avocate – Objection votre Odeur !
Prévenue – Mais m’sieur l’ juge je suis propre !
Juge – Silence ou je fais évacuer la propre… la salle.
Prévenue – Je n’ai rien à me reprocher.
Juge – Oh mais, moi non plus… je n’ai rien à me reprocher.
Prévenue – Alors je suis blanchie ?
Juge – Oh attention hein… à l’outra à magistrage !
Avocate – Je proteste et demande l’ajournement.
Juge – Si l’ajournement, il ira en prison.
Prévenue – Je suis innocente.
Juge – Moi c’est Robert.
Avocate – Objection votre Honneur !
Juge – Silence dans ma sur… dans ma suc… surcussale.
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Avocate – De quoi est accusée ma cliente ?
Juge – Heu ! Cherche ses papiers attendu… que je n’ai… pas une Minute…
Prévenue – Je suis libre ?
Juge – Ah bon ! Moi aussi je suis libre.
Avocate – Objecteur votre Honnion !
Juge – Hein ? Attendu que je n’en ai pas une, je prononce… dissolution.
Avocate – Laquelle retenez-vous monsieur le juge ?
Juge – Je ne la retiens pas… chaton, gribouillez !
Avocate – Votre Honneur !
Juge – Bon, greffier inscrivez.
Avocate – Objection !
Juge – Rejetée.
Avocate – Ma cliente est ravie.
Juge – Elle a été enlevée ?
Avocate – Non, elle attend votre décision.
Juge – Libérez la propre… à rien… on ferme.
Prévenue – Je suis libre alors ?
Juge – J’ai faim, je déclare la maison close…
Avocate – Objection !
Juge – Retenue… vous serez jusqu’à ce soir vingt heures.
Avocate – Vous n’ pouvez pas, je suis avocate, je suis Maître Hesse.
Juge – Moi c’est Robert.
Avocate – Je proteste.
Juge – Je me ferai un plaisir d’écouter vos objections.
Prévenue juste avant de sortir – Au revoir monsieur l’ juge, un salut de la main Maître Hesse.
L’avocate prend une bouteille au sol.
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Juge – Faites évacuer la salle, pas vous, maîtresse ! Quelle est donc cette bouteille que vous
sortez de je n’ sais où ?
Avocate – De la vodka.
Juge – Verriez-vous un inconvénient à me faire partager la vodka de la défense ?
Avocate en protestant – Votre Honneur ! En riant : pas d’objection.
77
Quiz cool
Saynète issue de la pièce : ODARODEL
(Pour ados)
Deux personnages
Un animateur accueille un candidat pour un jeu télévisé afin de déterminer s’il est apte à être
sélectionné.
Animateur – Mesdames et messieurs bonsoir, je vous demande d’accueillir Manu.
Bienvenue Manu à notre sélection, je vais vous poser une série de questions auxquelles vous êtes
obligés de répondre et correctement bien entendu, si vous voulez avoir une chance de participer à
une émission télévisée. Nous pouvons commencer ?
Manu – Je suis prêt.
Animateur – Place à notre Quiz Cool. Voici donc la première question. Quelle est la principale
culture de l’île de la Réunion ?
Manu est impressionné et hésite à donner une réponse. L’animateur l’aide un peu.
Animateur – Ca…Canne…Canne à…
Manu – Cannabis.
Animateur – Parfait, on continue. Citez-moi un présentateur d’un jeu télévisé en Iran.
Manu – Heu ! Julien le Perse.
Animateur – Pouvez-vous me citer une œuvre de la Rochefoucauld ?
Manu – Qui veut gagner des millions ?
Animateur – Allez on enchaîne, qui a fondé le parti des écologistes ?
Manu – Prévert.
Animateur – Qui fut avec Charlie Chaplin un interprète du cinéma muet, du to-nnerre ?
Manu – Keaton. Buster qui tonne.
Animateur – Dans Notre Dame de Paris, qui a réussi à créer les costumes sur un gars aussi mal
foutu que Quasimodo ?
Manu – Hugo Boss.
Animateur – Qui est devenue journaliste du village d’ASTERIX ?
Manu –Je sais, je sais, heu ! Anne Sophie LAPIX.
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Animateur – Dans les DOM-TOM, quel peintre est synonyme d’argent ?
Manu – Gauguin.
Animateur –Toujours dans les DOM-TOM, quel proverbe tire t’on du postier qui n’arrive pas à
nouer sa cravate ?
Manu – L’agent ne fait pas le beau nœud.
Animateur – Connaissez-vous le nom de l’âne errant sans but sur la pelouse du stade de France ?
Manu – Elka.
Animateur – Pardon !
Manu – L’âne Helka.
Animateur – Faut dire que le choix est large. Qui est l’inventeur du pansement ?
Manu – Victor Urgo.
Animateur – Citez-moi une denrée périssable de l’île de la Réunion ?
Manu – Miss France.
Animateur – Connaissez-vous une œuvre de Puccini ?
Manu – Oui, Julie Lescaut.
Animateur – Manon !
Manu – Mais si.
Animateur – Quelle phrase a été prononcée par le Préfet de Corse avant les élections.
Manu – Ils vont encore nous casser les urnes.
Animateur – En France pour la majorité des travailleurs, quel est le pluriel d’un salaire ?
Manu – Un salaire, dérisoire.
Animateur – À quelle émission peuvent participer les joueurs de l’équipe de France de foot après
la coupe d’Europe 2008 ?
Manu – Le maillot… faible.
Animateur – Quelle est le film préféré des banquiers ?
Manu – Le bonheur est dans le prêt.
Animateur –Comment appelle t’on une pièce de monnaie tombée à l’eau ?
Manu – Un sou marin.
79
Animateur – On ne dit plus couvrir la piscine, mais ?
Manu – Bâche l’eau.
Animateur – Quelle est la chanson préférée d’un bardot ?
Manu – Heu ! Harnais Davidson.
Animateur – Toi qui es Breton pourquoi joues-tu du biniou ?
Manu – Parce que jouer de la corne m’use.
Animateur – Bien Manu nous arrivons au terme de notre Quiz Cool, je vais donc vous poser
l’ultime question. Comment appelle t’on, en politique, l’image de Simone sur un PC ?
Manu – Un écran de Veil.
Animateur –Nous avons enregistré vos réponses.
Manu, je peux d’ores et déjà vous révéler que vous ne pourrez pas participer aux émissions
suivantes : star académie, nouvelle star, kho lanta, l’île de la tentation, questions pour un champion,
motus, fort boyard, ni a des chiffres et des lettres, encore moins à tout le monde veut prendre sa
place et encore encore moins à motus, votre niveau Manu, étant hélas trop élevé. Attention à la
marche !
En revanche, vu vos résultats, vous pourrez participer à la roue de la fortune et pourrez peut-être
ainsi gagner une croisière.
Manu – Ah non ! Surtout pas, c’est bien trop fatiguant.
Animateur – Pourquoi donc ?
Manu – Parce que la croisière, en soupirant ça m’use.
Animateur – Dans ce cas Manu, chao.
80
Rapacité
Saynète
Issue de la pièce : ODARODEL
(Pour ados)
Entre un et trente-deux comédiens
« Nous c’est vrai dans la zone on vit et on fait peur à cause de ça
–
on nous prend tous pour des vauriens de la caillera on n’en est pas
–
on est simplement des ados et on veut vivre comme tout l’ monde
–
seulement voilà on n’a pas d’ pot car on n’est pas dans le bon monde
–
on bosse dur pour séduire la chance pour nous elle fait la sourde oreille
–
quoi qu’on fasse c’est perdu d’avance pour nous la nuit pas de soleil
–
on se bat et on se débat au milieu des bandes de loosers
–
boulot école c’est bien trop dur pour nous de se sentir vainqueur
–
si nous on rêve de sable fin c’est qu’on en a marre du béton
–
on veut du fric et un bon job de l’amour et puis des chansons
–
des rendez-vous simples et sympas de l’amitié de la tendresse
–
mais dans ce quartier ce qu’on a c’est la galère et la tristesse
–
car toutes les maisons du quartier sont comme le moral délabrées
–
on aime le rap et la cité mais tout n’est que rapacité
–
on est trop jeunes pour déguster nous on veut seulement s’éclater
–
on n’a pas l’ temps pour somnoler la vie est courte il faut foncer
–
l’av’nir c’est nous l’av’nir c’est quoi c’est poudre blanche mortels combats
–
on n’est pas nés pour être esclaves nous on est disponibles et braves
–
on aime le rap et la cité mais tout n’est que rapacité
–
tous ces caïds qui font la loi et font de la zone un non droit
–
notre quartier est populaire et on voudrait que nos grand-mères
–
puissent faire leurs courses sans avoir peur chez elles ou au distributeur
81
–
un jour viendra et c’est tant mieux où l’on pourra y vivre heureux
–
les politiques seront intègres quand il n’y aura plus la pègre
–
à nous d’ prouver qu’on n’est pas morts et qu’on peut devenir plus forts
–
que tous ceux qui voudraient nous faire du mal et nous voir en enfer
–
ceux-là vont tomber sur un os puisque notre union fait la force
–
nous tous on va se révolter contre ces inégalités
–
banlieusards veut pas dire ringards on aime le rap et la cité
–
nous les jeunes on va supprimer sans flingues sans flics et sans bagarres
–
toutes formes de rapacités car on a droit aux mêmes égards
–
en tant que citoyens du monde au respect…
–
à la liberté »
82
Rendez-vous fantôme
SAYNETE Issue de la pièce : C’est tout nous, ça !
(Pour enfants)
Trois personnages
Deux fantômes en attendent deux autres pour fêter leurs retrouvailles.
Garçon 1 – Alors mon cher fantôme du Louvres, comment ça va depuis la dernière fois ?
Garçon 2 – Franchement, ces mille ans je ne les ai pas vus passer. Et toi, toujours à l’Arc de
Triomphe ?
Garçon 1 – Oui, mais j’en ai assez de tout ce monde, j’ai envie d’un peu de calme, je vais aller me
reposer au Père-Lachaise.
Garçon 2 – Les fantômes de l’Opéra et des Gares sont encore en retard ?
Garçon 1 – Comme tous les mille ans.
Arrivée du fantôme des Gares.
Garçon 2 – Tiens, un revenant !
Garçon 1 – Alors mon cher fantôme des Gares, tout est au quai ?
Fille – Le train-train quotidien.
Garçon 1 – Et ton nouveau projet ?
Fille – Je suis sur la bonne voie.
Garçon 2 – Hé ! Bien ton maquillage !
Fille – Ouais sympa hein ! J’ai mis du far fardet.
Garçon 1 – C’est génial le progrès, pour nous les tenues modernes, plus de linceul, tout en
décontracté.
Fille – Il faut voyager léger, plus de boulet, sans chaîne on se déchaîne.
Garçon 2 – Allez ça s’arrose ! Barman s’il vous plaît, trois morts subites.
Le téléphone portable du fantôme du Louvres, sonne.
Garçon 1 – Allodelà ! J’écoute ! Y a personne au bout, je suis sûr que c’est le fantôme de l’Opéra,
toujours muet comme une tombe celui-là.
Fille – Et il arrivera cent ans après la bataille, comme d’habitude.
83
Garçon 1 – Et sur la pointe des pieds, scélérat.
Garçon 2 – Bon moi je vais rentrer.
Garçon 1 – Déjà ? Mais y a pas l’ feu follet !
Garçon 2 – Vous savez bien que les séries TV me hantent, je lutt’hein, mais bon, c’est bientôt
l’heure de ma préférée.
Fille – C’est laquelle, Casper ?
Garçon 2 – Non ? Bones. Bon allez tout l’ monde, bon suaire. On s’ revoit dans mille ans.
Garçon 1 – Et qui va régler les consommations ?
Fille – Ouah t’inquiètes pas, le fantôme de l’O paiera.
84
La vie 3000
Monologue
Homme
Je vous ai déjà parlé de mon père ?
Il a toujours été un homme mystérieux.
Toujours pressé, en avance sur son temps, il vivait à cinq mille à l’heure même quand c’était
limité à deux mille.
Avec mon père on ne s’est jamais beaucoup parlé, ni lui ni moi n’aurions reçu le prix Nobel de la
communication, mais après tout, à quoi bon !
À notre décharge, on n’a pas vraiment eu le temps de se connaître.
Après une vie trépidante, mon père est mort à l’âge de treize ans.
Dans la faiblesse de l’âge. Usé.
C’est un paradoxe me direz-vous ?
Mais la vie en est un permanent.
C’est sûr qu’on est plus sûr de mourir de fatigue que de rire.
Malgré ça, l’espérance de vie augmente, la moyenne est passée de 15 à 18 ans. C’est prometteur.
C’est vachement bien, aux dernières statistiques, attendez, elles dataient de quand déjà, ah oui, en
3122 n’était que douze ans.
La génération dont je fais partie a peut-être une chance de dépasser la vingtaine.
Pour les hommes seulement.
Parce que pour les femelles dès qu’elles mettent bas, elles sont condamnées à être consommées.
De toute façon si elles atteignent six ans et qu’elles n’ont pas eu d’enfant, on les bouffe d’office.
La société évoluée dans laquelle nous vivons ne peut pas se permettre d’assister les improductifs.
C’est que la famine est un fléau sur notre vaisseau !
Elles peuvent choisir quand même entre finir en potage, en steak haché ou à la broche.
On a plus le droit de les manger ni crues, ni vivantes, trop cruel paraît-il !
Leurs cris arrivaient à faire perdre l’appétit à certains des convives, du coup la rentabilité s’en
ressentait, normal.
Et puis, certaines d’entre elles arrivaient à s’échapper, remarquez, elles ne pouvaient pas aller bien
loin grâce au bouclier électrique qui entoure notre camp et empêche toute personne de quitter la
communauté.
J’ai entendu dire qu’elles sont meilleures comme ça, elles restent bien moelleuses à l’intérieur,
bien grillées à l’extérieur.
85
Faut bien nourrir ceux qui ne font rien n’est-ce pas ! Si, pardon, ils gouvernent. Enfin, ils tiennent
le gouvernail d’un navire immobilisé pour l’éternité.
Dont ils ont pris les commandes d’autorité, sans la moindre résistance.
Les choses ont un peu changé depuis les années 2100, depuis le jour où cette pauvre vieille Terre a
quitté son axe pour aller percuter Mars et s’écraser sur Jupiter.
Plus d’animaux, plus de végétations ni de cultures, tout a disparu.
Les plus chanceux, c'est-à-dire les riches, les puissants et quelques magouilleurs rusés, ont réussi à
quitter la planète avant qu’elle n’explose, emportant avec eux quelques milliers de spécimens
destinés d’abord à les servir, ensuite à leur servir de nourriture.
Une partie du vaisseau où de la terre végétale avait été entreposée est aujourd’hui destinée aux
cultures où travaillent 24 heures sur 24 les pauvres de l’ancien monde, pour nourrir les riches du
nouveau.
Justement, il paraît que la fin du monde était prévue pour 2012, tout compte fait, ils n’étaient pas
très loin dans leur prédiction !
L’air qu’on respire, je pense que ça influe sur notre métabolisme.
La bulle sous laquelle nous vivons renouvelle l’air artificiellement, mais de respirer l’air déjà
respiré par les autres, c’est un coup à en manquer.
Dans quelques semaines, je serai obligé d’aller travailler pour récolter une graine qui permet aux
dirigeants de ce vaisseau de vivre au moins une cinquantaine d’années. Elle leur est réservée.
Ces gens n’entrent évidemment pas dans les statistiques de l’espérance de vie.
D’après ce que je sais, rien n’a changé depuis des siècles.
Dans une quinzaine de jours ma mère se préparera à être engloutie, moi à être opérationnel en
qualité de paysan condamné au travail forcé, et je finirai comme elle, dans l’assiette d’un horrible
puissant, une fois que j’aurai à mon tour donné la vie à un pauvre petit être, qui prendra mon tour.
Et si j’ai de la chance je vivrai, jusqu’à quinze, ou peut-être seize ans.
Je ne pourrai jamais me résoudre à le faire comme un ilote, en baissant la tête.
Me connaissant, je m’échapperai de cet enfer et je me révolterai et s’ils veulent me supprimer,
qu’ils ne se gênent surtout pas, je préfère mourir que vivre à genoux et ramper.
Bon allez, je dois vous laisser car je suis en train de naître.
(Voix off ou présence sur scène d’un comédien)
« Naissance de 2 853 478
Mâle issu de 2 691 373
Testons sur lui le bracelet anti-révolte avant d’effectuer le lavage du cerveau.
Les courbes concernant les tentatives d’évasion sont en fortes hausses, j’espère que ce nouveau
dispositif portera ses fruits.
86
Nous devons produire plus de pilules si nous voulons vivre plus longtemps, donc, ils doivent
travailler davantage, plus vite et plus longtemps.
Ah ! 2 691 373 vient de rendre l’âme, balancez-la contre le bouclier avant qu’elle refroidisse,
un grand merci à tous, et bon appétit.»
- Oh merde ! Quelque chose me dit que c’est loin d’être gagné !
87
Enfance (en alexandrins)
Mon enfance sans faim mais sans bonheur non plus
S’en est trop vite allée, au gré des conséquences,
Je n’étais pas un homme mais un enfant déchu,
Tout offert à la vie, sans arme et sans défense.
Animal effrayé dans cette jungle hostile
Je me suis débattu autant que faire se peut,
Mes erreurs et mes choix m’ont rendu plus fragile
Jusqu’à me rendre fort, moins jeune, mais pas heureux.
Je me souviens de tout ce qui a fait ma vie,
Les bonheurs torturés, puis les pleures banales,
À rechercher en vain de nouvelles envies,
Je savourais toutes mes tensions matutinales.
De mon premier amour aux envies délirantes
Je garde son sourire, et puis de moi la gêne,
Car elle était si belle, et mes mains si tremblantes,
Nous avions vingt-deux ans mais à nous deux, à peine.
Je me souviens de tout, des roses flamboyantes,
De l’odeur des glycines sur le mur lézardé,
De mon sourire forcé, de ses joues rougissantes,
De mon audace folle à vouloir l’embrasser.
Je me souviens en fait de vraiment pas grand-chose,
Les souvenirs enfouis le restent à jamais,
Une enfance envolée, un baiser, une rose,
Les bribes d’un bonheur bien trop vite achevé.
88
Ainsi prend déjà fin la saga familiale
Aux relents de tensions, de jalousies cachées,
Qui m’ont longtemps fait croire à l’amour filial,
Mais qui n’aura vécu que dans mon cœur blessé.
De ce qui aurait pu être une histoire divine
Avec le temps qui passe le peu de feu s’éteint,
Visages déformés, paroles orphelines,
J’en ai rêvé souvent. Je n’me souviens de rien.
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Les justes rev...s
(Justes rêveurs ou justes révolutionnaires)
À partir de deux comédiens, femmes ou hommes.
Échanges de points de vue sur l’être humain et sa capacité à se révolter face aux inégalités, aux
injustices dont certains sont victimes.
– J’adore regarder le soleil se lever.
– C’est un merveilleux spectacle que nous offre la nature.
– C’est pour mieux éclairer la misère du monde.
– C’est vrai, mais il n’y a pas que ça quand même !
– Exact ! Ce n’est qu’une question de temps.
– Voir le printemps revenir et redonner des couleurs à la vie, recréer les odeurs, c’est plutôt
réjouissant.
– Réjouissant sans doute, mais pas rassurant pour autant.
– Pourquoi ne voir que le côté sombre de la vie ?
– Ah ! Et depuis quand existe-t’il une face éclairée ?
– La lumière a toujours existée, elle est juste en conflit avec les ombres.
– C’est l’éternel combat du mal contre le bien.
– Une journée qui débute par un sourire c’est la chaleur assurée !
– Quand je vois la tête des autres, je me dis que nous ne sommes pas près d’attraper des coups de
soleil.
– Oui les autres, tout est toujours la faute des autres.
– Le simple fait de devoir me lever me fait grincer les dents.
– Ce n’est pas au fond du lit que nous pouvons régler les problèmes.
– Justement, trop de problèmes dans tous les domaines nous assaillent, on ne sait plus comment
s’en sortir.
– Tout problème a sa solution.
– J’en ai une.
– Laquelle ?
– Une bonne révolution.
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– C’est ça qui réglerait les problèmes ?
– Peut-être pas, mais que faut-il faire pour réveiller les consciences endormies ?
– Qui te dit que ces consciences ont envie de l’être ?
– Tout le monde aspire à une existence meilleure.
– Je reconnais que la vie est de plus en plus difficile.
– Pourquoi dans ces conditions ne pas la rendre plus douce !
– Une révolution c’est la violence, et la violence n’engendre que la violence.
– Ce que nous subissons au quotidien est encore plus violent que la violence d’une révolution.
– C’est quoi au juste faire la révolution ?
– Renverser l’ordre établi pour plus de justice et d’équité.
– Je vois ! C’est être un juste rêveur.
– Ou bien un juste révolutionnaire.
– Pourquoi ne pas croire que les choses peuvent évoluer ?
– C’est bien de rêver d’une belle vie pour chacun d’entre nous.
– L’espoir ne suffit pas à rendre chacun de nous heureux.
– Le seul but de l’existence est bien de le devenir quand on ne l’est pas !
– Et de sauvegarder le bonheur quand nous avons la chance de l’avoir trouvé.
– Dominer son prochain afin d’en tirer un maximum de profits voilà la réalité de notre société.
– Admettons qu’une révolution nous fasse prendre la place de ceux que nous aurons combattus,
deviendrions-nous meilleurs pour autant ?
– Le but est d’être heureux !
– Oui d’accord, mais à n’importe quel prix ?
– Le bonheur des uns n’est pas forcément celui des autres.
– Dans notre société le bonheur absolu c’est le matériel.
– L’amour fait partie intégrante du bonheur il me semble !
– Ce n’est pas ce qui domine le monde.
– Qu’est-ce qui domine le monde ?
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– Le pouvoir et l’argent d’un côté, la misère et la peur de l’autre.
– Pas si évident de choisir un camp.
– De quel camp parles-tu ?
– Être juste rêveur ou juste révolutionnaire.
– Et si c’était la même chose ?
– Il faudrait essayer pour le savoir.
– Pourquoi faire la révolution, pour être plus heureux ou pour avoir plus d’argent et de pouvoir ?
– À vouloir réaliser nos rêves nous risquons de les perdre.
– Peut-être, mais aussi de gagner le bonheur.
– Donc, le bonheur ne dépend pas de l’amour que nous avons trouvé !
– Le bonheur dans ce cas c’est avoir de l’argent.
– Avoir de l’argent, donc du pouvoir, et dominer ceux qui ne possèdent ni l’un ni l’autre.
– Quoi qu’il en soit n’est pas révolutionnaire qui veut.
– Trop de différences séparent les êtres humains, combattre pour une même cause est quasiment
impossible.
– Pas facile d’être un juste rêveur.
– Ni un juste révolutionnaire.
– Et si nous étions des faux rêveurs !
– Et des faux révolutionnaires !
– Ou des révolutionnaires rêveurs.
– Peut-être que lorsque la limite à ne pas franchir le sera, verra-t’on de vrais révolutionnaires
défendre une cause commune !
– Mais il ne faut pas rêver.
– J’espère seulement encore pendant longtemps voir le soleil se lever.
– Et nos rêves se réaliser.
– Que notre Terre continue ses révolutions.
– Car les nôtres ne contribuent, hélas, qu’à l’assouvissement des ambitions personnelles.
– Mais la réalité du jour, si nous sommes bel et bien au fond de notre cœur de vrais
révolutionnaires, j’espère que nous ne sommes pas devenus de faux rêveurs, pour toujours.
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