THOMAS KNEUBÜHLER 4

Transcription

THOMAS KNEUBÜHLER 4
THOMAS
KNEUBÜHLER
OBSERVATOIRE
4
ZONES
Du 13 novembre au 14 décembre 2002
Vernissage : le samedi 16 novembre de 14h à 17h
Causerie et projection de diapos par l’artiste: le
samedi 30 novembre à 14h
© T h o m a s K n e u b ü h l e r,
sans-titre,
s ér i e z o n e s ,
2002
Avec la collaboration du Consulat Général de Suisse à Montréal
D'origine suisse, Thomas Kneubühler vit actuellement à Montréal. Il vint pour la première fois au Canada à titre
d'artiste en résidence. En 1998, il est le commissaire d'un programme d'art vidéo suisse présenté à Montréal,
Québec et Toronto. Récemment son travail photographique a comme sujet la relation entre les humains et
la technologie. Son travail a été présenté dans de nombreux solos et expositions de groupe en Suisse,
en Allemagne et au Portugal. Dernièrement, il faisait partie de l'exposition Life in Real Time à l'Espace Vox
à Montréal. On retrouve ses oeuvres dans plusieurs collections suisses.
Thomas Kneubühler is a Swiss-born artist currently living in Montreal. He came to Canada for the first time
in 1996 as an artist in residence. In 1998 he curated a program of recent Swiss video art, which was shown
in Montréal, Québec City and Toronto. In the last few years, his photographic work has dealt mostly with
the relationship between human beings and technology. His work has been in numerous solo and group
exhibitions in Switzerland, Germany and Portugal, and most recently, he was part of the group show Life in Real
Time at L'Espace Vox in Montreal. He is represented in a number of Swiss collections.
O b s e r v a t o i r e
4
372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 426, Montréal (Qc), H3B 1A2 –Tél. 514 866 5320
Heures d’ouverture de la galerie : du mercredi au samedi de 12h à 17h
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Cette ambivalence est révélatrice. À la façon des églises, leur magnificence émane de leur grandeur surhumaine et de leur affolante complexité. À l'inverse des églises, les aéroports sont hostiles. Les églises sont des points d'arrivée, les aéroports sont des points de départ. Dans une église,
nous sommes une congrégation, dans un aéroport, nous sommes des passagers solitaires qui se dirigent frénétiquement vers la sortie.
Les aéroports ne sont pas des lieux; ils ne procurent ni abri, ni stabilité, ni identité. Ils sont des pivots dans un réseau. Ce ne sont pas des contenants
mais des conduits, des éléments essentiels de ce que le sociologue Manuel Castells nomme l'espace de circulation. Leur logique fondamentale est dominée
par leurs connections plutôt que par leur contenu ou par leur entourage. Leur taille s'évalue non pas par le nombre de personnes qu'ils peuvent contenir
mais par le nombre de ceux qui passent et par les tonnes de cargo traitées.
Les aéroports constituent une réalité spatiale cohérente, distincte et indépendante, séparée des localités traditionnelles. Ce sont des zones plutôt que
des lieux. Partout, les aéroports internationaux sont quasiment identiques; ils utilisent les mêmes éléments architecturaux, le même langage visuel. On y
retrouve les mêmes boutiques, les mêmes restaurants et la même efficacité dans le traitement des personnes et des marchandises.
Toutefois, sous la surface de cette globalisation efficace, cachée dans les plis d'une idéologie de flots ininterrompus, se cache une contradiction.
Les aéroports ont une aussi une fonction différente. Ils sont des lieux privilégiés pour interrompre le flot des passagers et des marchandises. Ainsi,
les aéroports ne sont pas seulement des lieux d'anonymat solitaire et fugace, mais aussi des lieux d'une intense surveillance institutionnalisée qui nous
oblige à nous arrêter, à nous relier de nouveau à un quelconque référent "stable". Nulle part ailleurs la nationalité d'un individu est scrutée aussi
fréquemment que dans les espaces dits anonymes des aéroports internationaux.
Depuis que les palestiniens ont amorcé les détournements d'avion dans les années soixante-dix, ils sont devenus des objectifs de choix pour
les terroristes. Le onze septembre, cette réalité a atteint l'Amérique du Nord. Depuis, les aéroports souffrent, à l'échelle mondiale, de leur contradiction
interne: évacuer et arrêter.
Néanmoins, les aéroports sont en plein essor. À l'intérieur de leur périmètre, de nouvelles villes émergent qui n'ont rien à voir avec celles qui leur ont
donné leur nom. Elles servent avant tout de centre pour cette population internationale toujours grandissante que l'architecte Rem Koolhaas nomme
l'élite kinétique. Ainsi le cercle se referme: le transit comme destination.
Felix Stalder
Traduction de Hedwidge Asselin
THOMAS KNEUBÜHLER
Z O N E S
The Culture of Conduits
In zones photographer Thomas Kneubühler investigates airports, those pivotal points of contemporary experience where architecture creates spaces
without places and jetlag separates bodies from souls. Airports are our cathedrals. Both represent enormous collective efforts devoted to the most central,
most advanced institutions of their times. As little as we can imagine the Middle Ages without the church, as little can we imagine the present without
airlines. Both medieval religion and air travel are mass phenomena, essential to their culture offering an experience of disembodiment.
Virtually everyone who is not poor, ill or incarcerated is either on a trip or in between trips. More and more time is being spent in airports and other highly
artificial spaces of transit. Thomas Kneubühler's digital photography reveals them as magnificent and hostile at the same time.
This ambivalence is indicative. Like churches, their magnificence radiates from their super-human size and dizzying complexity. Contrary to churches
airports are also hostile. Even if we go there all the time, we are not supposed to be there. Churches are places of arrival, airports are spaces of
departures. In a church, we are a collective congregation, on an airport, we are solitary passengers frantically heading towards the exit.
Airports are not places, they do not provide shelter, stability or identity. They are hubs in a network. They are not containers but conduits, essential
elements of what sociologist Manuel Castells calls the space of flows. Their core logic is dominated by what they connect to, rather than by what they
contain or by what surrounds them. Airports are measured not by how many people they can hold, but by how many can pass through and how many
tons of cargo can be processed.
Airports constitute a distinct, coherent and self-contained spatial reality detached from traditional localities. They are zones rather than locales.
International airports everywhere are virtually identical, using the same architectural elements, the same visual language, containing the same stores
and food outlets, all in the service of processing people and goods as efficiently as possible.
However, just underneath the surface of efficient globalization, hidden in the folds of an ideology of uninterrupted flows, lurks a contradiction. Airports
also serve a different function. They are privileged places for interrupting the flow of people and goods. Airports are not only places of solitary, fleeting
anonymity, but also of intense institutionalized surveillance where we are forced to stop, to reconnect with some "stable" referent. Nowhere is
the accident of nationality more frequently affirmed than in the de-localized space of international airports.
Airplanes have been a preferred site for terrorists ever since the Palestinians began hijackings in the 1970s. On September 11, this reality reached
North America. Ever since then, airports around the world are straining under their internal contradiction: to move and arrest.
Nevertheless, airports are booming. Within their perimeters, new cities are emerging, cities that have no connection to those that gave their names to
them. They serve primarily as hub for the growing international population that architect Rem Koolhaas calls the kinetic elite. With that, we are coming
full circle: transit as destination.
Felix Stalder
372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 426, Montréal (Qc),H3B 1A2 –Tél. 514 866 5320
Directrice : Josette Oberson - Heures d’ouverture de la galerie : du mercredi au samedi de 12h à 17h
En fait, tout individu qui n'est pas pauvre, malade ou incarcéré est, ou bien en voyage ou bien entre deux voyages. De plus en plus de temps se passe
dans les aéroports ou autres espaces artificiels de transit. Les photographies digitales de Thomas Kneubühler les révèlent à la fois magnifiques et
hostiles.
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Dans zones, le photographe Thomas Kneubühler examine les aéroports, ces pivots de l'expérience contemporaine où l'architecture crée des espaces
sans place et où les troubles dûs au décalage horaire séparent les âmes des corps. Les aéroports sont nos cathédrales. Les deux édifices représentent
d'énormes efforts collectifs consacrés aux institutions les plus importantes, les plus poussées de leur temps. Il nous est impossible d'imaginer le MoyenÂge sans les cathédrales comme il nous est impossible d'imaginer notre temps sans aviation. La religion médiévale et le voyage aérien sont tous deux
un phénomène de masse, lequel est essentiel à leur culture ouverte aux expériences de désincarnation.
OBSERVATOIRE 4
La culture des conduits