Egora - Nanobiotix

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GRAND ANGLE
egora # 68
La révolution de la nanomédecine
F
aisant appel à une « constellation » de nanoparticules de composition chimique et de
fonction variées, la nanomédecine est déjà
une réalité, avec 230 produits identifiés sur l’ensemble du marché ou en cours d’essais cliniques de
phase II ou III. Quarante-neuf produits sont commercialisés. De nombreux domaines de santé sont
concernés. Parmi eux, d’abord le cancer, mais aussi
les maladies cardiovasculaires, neurodégénératives,
musculo-squelettiques et inflammatoires. La nanomédecine exploite les propriétés spécifiques d’un
matériau à l’échelle nanométrique (10- 9 m), c’est-àdire un milliardième de mètre, 50 000 fois plus petit
que l’épaisseur d’un cheveu !
Si les applications sont nombreuses et variées, il est
néanmoins possible de déterminer deux grands
axes qui correspondent à deux générations de produits. La première génération de nanomédecine a
concerné des systèmes visant à améliorer la délivrance de principes actifs, la distribution des produits dans l’organisme et/ou à diminuer leur toxicité.
La plupart sont des « nanovecteurs »
nanoparticule elle-même qui va générer
chargés en médicaments, qu’ils transun effet physique à l’intérieur de la celportent jusqu’au cœur de leur cible, en
lule pour en modifier le comportement.
cancérologie la cellule tumorale. Pour
C’est l’approche de la société alleles guider, les chercheurs incorporent
mande Magforce, qui a développé une
à leur surface des molécules capables
nanoparticule chargée en particules
de se lier à un « récepteur » porté par
magnétiques (oxyde de fer). Une fois
les cellules tumorales. Mais on peut
injectée dans la tumeur, elle vibre sous
aussi utiliser la capacité spontanée de
l’effet d’un champ magnétique : cette
certaines nanoparticules à s’accumuler
vibration dégage de la chaleur, qui
Selon Laurent Levy,
vice-président de
dans les foyers tumoraux. En concenbrûle les cellules tumorales. Les autol’Etpn et président du
trant les molécules thérapeutiques au
rités sanitaires européennes ont apdirectoire de la PME
cœur des foyers tumoraux, ces nanoprouvé ce dispositif. Une autre approche
spécialisée en nanoparticules augmentent leur efficacité,
est développée par la société Nanobiotix,
médecine Nanobiotix,
« une vague
en diminuant leur toxicité à l’égard des
une PME française qui développe des
d’innovations arrive,
tissus sains. « Boosté », un anticancétraitements à partir de nanoparticules :
et son potentiel est
reux classique peut ainsi connaître une
l’enjeu est de renforcer la puissance
remarquable ».
« nouvelle vie ». Cette approche a donné
destructrice de la radiothérapie dans
des outils plus efficaces, mais n’a pas
les cellules tumorales, tout en dimichangé les fondamentaux car elle fait intervenir des
nuant sa toxicité pour les tissus sains.
molécules thérapeutiques classiques qui gardent
Cette deuxième génération de produits est l’inverse
leurs caractéristiques intrinsèques.
d’une médecine personnalisée, ciblée, qui s’adresse
à un petit nombre de patients, elle concerne une
large population de malades. « D’une personne à
Des moyens nouveaux
l’autre, la biologie change. Alors que la physique
pour intervenir sur le vivant
est la même pour tout le monde. Si vous chauffez
En revanche, la deuxième génération de produits est
des cellules cancéreuses, elles meurent toutes »,
une vraie rupture, car les propriétés physiques des
explique Laurent Levy, vice-président de l’Etpn (Eunanoparticules elles-mêmes sont mises à profit
ropean Technology Platform for Nanomedicine) et
pour un effet thérapeutique. Il ne s’agit plus du prinprésident du directoire de Nanobiotix.
cipe du médicament pour lequel les interactions
biologiques jouent un rôle prépondérant, mais de la
WILLIAM PARRA
Les promesses de
la nanomédecine sont
innombrables. À l’échelle
« nano », il devient possible
de concevoir des dispositifs
­thérapeutiques agissant de
façon purement physique
­directement dans la cellule.
500 PME en Europe
NANOBIOTIX
Des nanoparticules NBTXR3
­cristallines et inorganiques
d’oxyde d’hafnium (HfO2)
d’un diamètre de
50 nanomètres sont conçues
pour absorber
­spécifiquement les rayons X
­utilisés en radiothérapie
­(représentation
d’une nanoparticule en
bas à droite). Une fois
injectées dans la tumeur,
les nanoparticules
s’accumulent dans
les cellules cancéreuses
(à gauche de l’illustration).
L’Europe est particulièrement bien placée, avec
des centres de recherche, des universités et des
entreprises, au total plus de 1 500 acteurs. « Avec
500 PME dans le domaine de la nanomédecine,
l’Europe est pour le moment mieux placée que les
États-Unis pour relever le défi », précise Laurent
Levy. Et c’est à Paris que les leaders européens de
la nanomédecine ont décidé d’implanter leur centre
névralgique, véritable vitrine européenne, l’Etpn.
Créée en 2005, cette plateforme est un « joint-venture » entre la Commission européenne, l’industrie
(de grands groupes européens de technologies de
santé tels qu’à l’origine Philips, Siemens, UCB, GE
Healthcare, Biomérieux, etc.) et
ÃÃÃ
l
28 SEPTEMBRE›4 OCTOBRE 2015
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ÃÃÃ des PME innovantes telles que Nanobiotix, Onxeo (BioAlliance Pharma), etc., et des laboratoires de recherche académique. La plateforme
contribue à mettre en place de nombreux projets
européens. Elle apporte une vision stratégique sur la
recherche et les innovations à venir, dans le but d’aider au transfert efficace des résultats de la R&D en
produits ­innovants disponibles pour les patients.
Selon Laurent Levy, « une vague d’innovations
­arrive, et son potentiel est ­remarquable. D’ici cinq
ans, tous les laboratoires pharmaceutiques disposeront d’un programme de nanomédecine ». Selon
les dernières analyses, l’ensemble du marché de la
nanomédecine devrait ­représenter 129 milliards de
dollars en 2016.
L’exemple de Nanobiotix
Nanobiotix est un exemple de ces sociétés innovantes. Spin-off de l’université de Buffalo, créée en
2003, elle a développé une approche révolutionnaire
dans le traitement local du cancer, la technologie
NanoXray (NBTXR3), qui permet de maximiser l’absorption des rayons X à l’intérieur des cellules cancéreuses et d’améliorer l’efficacité de la radiothérapie.
« Elle repose sur le mode d’action physique de nanoparticules inertes et inorganiques d’oxyde d’hafnium
(HfO2) d’un diamètre de 50 nanomètres, explique
Laurent Levy. Elles sont conçues pour absorber spécifiquement les rayons X utilisés en radiothérapie.
egora # 68
deux groupes de traitement ont un protocole classique, avec cinq ­semaines de radiothérapie, suivies
de la résection chirurgicale de la tumeur. La phase
pivot de l’étude a été lancée à la suite des résultats
de phase I présentés lors de la conférence de l’Asco
2014, faisant la preuve de concept du produit. Cette
étude internationale devrait être terminée à la fin de
l’année 2016 (156 patients),
avec des résultats interméEffets démultipliés de la radiothérapie avec
diaires à la fin du premier
le produit NBTXR3 dans les cancers de la tête ­semestre 2016 (104 paet du cou et le sarcome des tissus mous
tients). Il s’agit de la dernière
étape avant l’enregistrement
du ­produit (marquage CE), qui
la formation de radicaux libres dans la cellule tumo- est prévu pour la fin de ­l’année 2016.
rale qui, à leur tour, endommagent les cellules can- Récemment, un essai clinique de phase I/II a décéreuses et provoquent localement leur destruc- marré dans deux nouvelles indications, le carcinome
tion. » L’efficacité de la radiothérapie est ainsi hépatocellulaire et les métastases du foie. « Nous
­démultipliée. En revanche, les tissus sains reçoivent allons poursuivre l’extension du développement clinique de NBTXR3 en lançant d’autres études
une dose standard de rayons X.
Ce produit est actuellement testé dans plusieurs comme dans le cancer de la prostate, prévue aux
études cliniques. C’est dans le sarcome des tissus États-Unis d’ici la fin de l’année », explique Laurent
mous que les essais sont le plus avancées, et Nano- Levy.
biotix a annoncé récemment des résultats prélimi- Nanobiotix est entrée en Bourse en octobre 2012.
naires positifs de son essai de phase I/II. L’étude La société est cotée sur le marché réglementé
d’enregistrement de phase II/III permettra de com- ­d’Euronext. Installée à Paris, Nanobiotix a ouvert
parer l’activité antitumorale de NBTXR3 (administré une filiale aux États-Unis, à Cambridge, près de
par injection intratumorale) avec radiothérapie par ­Boston. •
Dr Philippe Massol
rapport à une radiothérapie seule. Les patients des
Une fois injectées dans la tumeur, les nanoparticules
s’accumulent dans les cellules cancéreuses. Grâce
aux propriétés physiques de l’oxyde d’hafnium, les
nanoparticules émettent des quantités très importantes d’électrons lors de l’exposition aux rayons X,
amplifiant ainsi de façon considérable la dose
d’énergie létale reçue par la tumeur. Cela provoque
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