Le manque de sommeil a-t-il une influence sur le poids, la masse

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Le manque de sommeil a-t-il une influence sur le poids, la masse
Le manque de sommeil a-t-il
une influence sur le poids,
la masse musculaire et les
performances
sportives?
(partie 2/2)
Dans l’article précédent, j’ai discuté du fait que dans notre
société actuelle nous dormons de moins en moins et que cela a
plusieurs conséquences à long terme sur notre santé. De plus
en plus d’études lient le manque de sommeil à des problèmes de
santé chroniques, au gain de poids et à un risque accru
d’obésité, plus particulièrement chez les enfants et les
femmes d’âge moyen. Notamment, en ayant un impact sur le
comportement alimentaire. Ceci dit, le manque de sommeil
pourrait-il aussi avoir des effets négatifs sur la prise de
masse musculaire et les performances sportives?
b) Prise de masse
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Durant le sommeil, plusieurs processus physiologiques
s’accomplissent tels que la régénération des cellules, des
muscles et des tissus du foie, de même qu’une sécrétion plus
élevée des hormones de croissance et de la testostérone.
Récemment, il est devenu clair que la production de
testostérone est dépendante du sommeil, atteignant
généralement un pic pendant les trois (3) premières heures de
sommeil ininterrompu et, du moins chez les jeunes hommes,
coïncidant avec le moment de la première période de sommeil
paradoxal (51). D’ailleurs, selon Gunning 2001, 95% de la
production journalière de ces hormones survient durant le
sommeil non-paradoxal, soit les phases 1 à 3 du sommeil lent
(52). D’autres études confirment également l’effet de la
privation de sommeil sur la diminution de la testostérone (53,
54, 55).
1- Dans une première étude effectuée sur 1274 hommes âgés de
plus de 65 ans, les chercheurs ont constaté une relation en U
inversé entre le nombre d’heures de sommeil, la production de
testostérone et la masse musculaire, avec une corrélation
positive jusqu’à concurrence de 9,9 heures de sommeil (56).
2-
Dans une seconde étude publiée dans le Journal of the
American Medical Association (JAMA) et effectuée à
l’Université de Chicago, cette fois-ci auprès de 10 jeunes
hommes minces et en bonne santé d’environ 24 ans, les effets
du manque de sommeil sur les taux de testostérone ont été
apparents après seulement une semaine. Les sujets qui avaient
dormi moins de 5 heures par nuit avaient des niveaux de
testostérone 10 à 15% inférieurs que lors de nuits complètes
(57).
24-Hour Profiles of Serum Testosterone and Serum Cortisol
According to Bedtime Condition. Effect of 1 Week of Sleep
Restriction on Testosterone Levels in Young Healthy Men. JAMA.
2011;305(21):2173-2174.
Ces faibles taux de testostérone ont d’ailleurs une foule
conséquences négatives car celle-ci est essentielle
développement de la force, de la masse musculaire et de
densité osseuse. De plus, l’horaire ou le « timing »
sommeil pourrait être encore plus important que la longueur
de
au
la
du
du
sommeil lui-même dans la détermination des niveaux de
testostérone (58). Car, bien que le premier 3-4 h de sommeil
soit essentiel pour déterminer l’augmentation du taux de
testostérone, tel que mentionné précédemment, une étude
récente a démontré qu’un temps de sommeil limité à 4,5 h est
associé à un niveau de testostérone matinal plus bas lorsque
la perte de sommeil se déroule durant la première moitié de la
nuit plutôt que la seconde (59). Cela confirme sans doute le
fait que de se coucher plus tôt soit aussi associé à une
production plus élevée de testostérone (60). D’ailleurs, ceci
n’étant probablement pas contradictoire puisqu’il a été
démontré que les niveaux de testostérone tendent à diminuer
avec le rapprochement de l’heure d’éveil (61).
Composition corporelle
Le manque de sommeil peut aussi affecter la composition
corporelle d’un athlète en modifiant la réponse post-exercice
du système endocrinien. En effet, une réduction de la durée du
sommeil est associée à une élévation du niveaux de cortisol
sanguin et à une diminution de la libération de l’hormone de
croissance, qui tous deux contribuent à la création d’un état
catabolique (62). En d’autres termes, le manque de sommeil
chez les athlètes contribue à un bilan protéique négatif en
réduisant les mécanismes de resynthèse protéique musculaire,
et en stimulant ceux qui aboutissent à la dégradation
musculaire. Les conséquences à moyen terme d’un manque de
sommeil récurrent n’ont jamais encore été étudiées, mais il
est fort probable que cela:
Conduise à la perte de muscle et au gain de masse
grasse. Une élévation du cortisol incite le corps à
stocker plus de graisses et à utiliser d’autres tissus
mous, comme les muscles, pour l’énergie.
c) Performances sportives
Il est bien établi que le manque de sommeil a des effets
négatifs sur les performances mentales, notamment sur le
jugement, le temps de réaction, la prise de décisions, la
motivation et la concentration en sport (réf. 63 à 72).
Toutefois, ses effets sur les performances physiques sont
ambigus. Tout d’abord, il semble que le sommeil n’ait aucun
impact sur les efforts de type anaérobie et sur la force
musculaire d’un individu (69, 73, 74, 75, 76). Au niveau de la
performance aérobie, le manque de sommeil agirait
principalement sur la perception et la tolérance à un effort
intense et prolongé (réf. 77 à 82). Autrement dit, le manque
de sommeil ne modifierait pas la capacité de travail maximale
de l’athlète, mais il réduirait le temps de travail à
l’épuisement d’environ 11% (83). De façon secondaire, le
manque de sommeil pourrait aussi avoir un impact négatif sur
la performance de par une certaine atteinte des voies aérobies
(84). Notamment, en entraînant une légère hausse des
fréquences cardiaques, de la ventilation et du ratio VE/VO2
dans les efforts sous-maximaux et maximaux (82, 83, 85). Le
rapport VE/VO2 représente le nombre de litres d’air qu’il faut
ventiler pour consommer un litre d’oxygène. Toutefois, il
n’est pas clair à l’heure actuelle comment cette perception
accrue de l’effort et cette modification des voies aérobies
peuvent affecter à eux seuls les performances physiques des
athlètes.
Récupération
Le manque de sommeil peut aussi avoir un effet délétère sur la
récupération d’un athlète. Il altère les mécanismes de
restauration en substrats énergétiques du muscle, comme le
glycogène, qui sont nécessaires à l’exercice. Donc les
réserves d’énergie. Ainsi, le manque de sommeil:
Augmente le stress psychophysiologique associé à
l’exercice et mène à une prolongation de la période
nécessaire à la récupération post-exercice (86).
Or, en préparation physique, la récupération et la
regénération post-exercice d’un athlète sont aussi importants
que le régime d’entraînement pour le processus adaptatif
complexe d’amélioration des performances sportives. De ce
fait, la fondation de la récupération et de la regénération
est le repos, ayant principalement cours dans le sommeil. À
cet égard, l’effet du sommeil sur les performances sportives
est devenu ces dernières années un sujet de grand intérêt en
raison de la masse croissante de preuves scientifiques ayant
démontré une relation majeure entre les facteurs critiques du
sommeil (la durée du sommeil, la qualité du sommeil et les
rythmes circadiens du sommeil) et la performance humaine. En
effet, ces trois paramètres du sommeil affectent la capacité
d’un athlète à s’entraîner, à maximiser la réponse de
l’entraînement et à récupérer. Avoir un bon sommeil permettra
donc de réduire le risque de surentraînement et d’améliorer la
récupération après un exercice physique intense. Il est donc
indispensable en période d’entraînement intense ou de
compétition de veiller à ce que les athlètes obtiennent
suffisamment de sommeil.
Conclusion
En résumé, plusieurs connexions existent entre le sommeil, la
gestion du poids, la prise de masse musculaire et les
performances sportives. Le sommeil peut influencer le succès
d’un objectif d’entraînement et devrait davantage être pris en
considération dans les habitudes de vie d’un individu. Tout
d’abord, les gens qui essaient de perdre du poids en réduisant
leurs calories et en faisant de l’exercice pourraient trouver
difficile de se sentir rassasié, d’ignorer les fringales pour
des aliments malsains et de faire suffisamment d’exercice si
elles manquent de sommeil. Ensuite, un adepte de musculation
ne réunirait sans doute point les conditions nécessaires à son
objectif de prise de masse et d’optimisation de la composition
corporelle. Enfin, un athlète éprouverait une capacité à
s’entraîner et à récupérer réduite, augmentant ainsi le risque
de surentraînement et de blessures. Bref, malgré notre société
obsédée par la performance, le sommeil ne devrait pas être
négligé par manque de temps et constitue un changement
d’habitudes relativement simple pour une vie saine en général.
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