L`intolerance religieuse dans Les Loisirs de Philothée

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L`intolerance religieuse dans Les Loisirs de Philothée
L'intolerance religieuse
dans Les Loisirs de Philothee
Jacques Bouchard
a Catherine Coumarianou
E
n novembre 1716 Nicolas Mavrocordatos (1680-1730) est enleve
par les Autrichiens de son palais de Bucarest ou il vient a peine
d'etre intronise vOlvode de Valachie. On l'emmene en Transylvanie
avec sa famille: i1 est garde deux ans en residence surveillee d'abord
a Hermannstadt (Sibiu), puis a Karlsburg (Alba Iulia). Pendant son
sejour, i1 occupe ses loisirs a rediger en grec litteral un Traite des
devoirs, qu'il publiera a Bucarest en 1719, seul de ses ouvrages edite
de son vivant. II compose en outre pendant la meme periode une
«espece de roman», sous Ie titre enigmatique de cI>1.Ao8eou II&pepyex
(Les Loisirs dePhilothie). En vertu d'une clause du traite de Passarowitz
(1718), Nicolas reintegre son trone de vOlvode de Valachie en 1719.
Apres avoir tente en vain de faire traduire son roman en fran<;:ais
par Ie polygraphe d'Amsterdam Jean Le Clerc, Ie prince Nicolas
abandonna l'idee de Ie publier, mais continua a y travailler, d'abord
pour en peaufiner Ie style, mais aussi et surtout pour en attenuer
certaines affirmations par trop irritantes. Aujourd'hui, on connait
une bonne douzaine de manuscrits de cette cruvre, couverts de
corrections successives dont l'interet n' est plus a demontrer.!
1
Sur la vie etl'reuvre de l'auteur, voir: Nicolas Mavrocordatos, Les Loisirs dePhilnthee, texte etabli,
traduit et commente par Jacques Bouchard, avant-propos de C.Th. Dimaras (AthenesMontreal: Association pour l'etude des Lumieres en Grece, Les Presses de I'Universite de
Montreal, 1989). Les chiffres entre parentheses renvoient aux pages de cette edition.
EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 15, Number 3-4, April-July 2003
730
EIGHTEENTH-CENTURY FICTION
En 1800, 70 ans apres la mort de l'auteur, Gregoire Constantas, un
acteur important de l'Aufklarung grecque, publie ce roman a. Vienne,
en en soulignant la brUlante actualite. II reconnaissait par la. Ie
caractere novateur, voire unique, de ce texte, ecrit a. l' epoque meme
ou Montesquieu redigeait ses Lettres persanes (1721).
Cette premieTe tentative d' ecriture romanesque de la litterature
neo-hellenique peche par nombre de maladresses techniques, mais
son interet en est a. peine diminue: 2 l'auteur est un prince grec
phanariote, Ie premier a. regner sur les Provinces danubiennes; de
plus, son roman fournit des indications precieuses concernant les
preoccupations politiques, philosophiques, religieuses et litteraires
des Phanariotes a. l'Epoque des Tulipes.
La Friihaufklarung grecque trouve en Nicolas Mavrocordatos son
premier representant, eminent non seulement par son esprit critique,
mais aussi par son information encyclopedique avant la lettre: digne
fils d' Alexandre Mavrocordatos l'Exaporite (1641-1709), Nicolas passe
au crible de la raison opinions, theories et persuasions. II se montre
eclaire et critique envers les Anciens et les Modemes, cinglant parfois
envers les personnes ou les nations dont il reprouve les opinions ou
les actions. La forme romanesque lui permet de critiquer vertement
a. loisir en pretanlla virulence de ses anathemes a. tel ou tel personnage
du recit, ce qui pourra toujours servir de caution a. un auteur reticent
a. l'idee de signer son ceuvre, une fois son trone recupere. 3
Les Loisirs de Philothie mettent en scene un narrateur, anonyme peutetre-on ne sait trop s'il s'appelle Philothee ou s'il faut traduire ici
<ptAo8eo<; par un nom commun: les loisirs d'un craignant Dieu.
Toujours est-il que Ie narrateur se pose en censeur universel de la
Republique des Lettres,4 et en particulier dans Ie domaine des
convictions religieuses. II affiche d' emblee son identite propre: il est
«de nation on ne peut plus hellenique» Crwv (Xyav '.E)')..Tjvwv, p. 78)
et il a «pour religion celle du Christ, l'irreprochable et la pure» (i)
XPW1:wvup0<;, i) <xpWPTJ'W<; Kat <XK1)pa1:0<;, p. 78), c' est-a.-dire qu'il est
2
Dimaras, NeodJ,11v\KO<; 6.\aqJw"t\o]lo<; (Athenes: Hermes, 1983), pp. 263-82.
3
Bouchard, «ErciKpw11 "t11<; Ava"toA* Kal "t11<; 6.15011<; o"ta <p\AOOeOU IIapepya "tou N\KoAaou
MaupoKopoa"tou [Censure de l'Orient et de I'Occident dans Les LoisiTS de Philothee de
Nicolas Mavrocordatosl dans 0 eAA11V\KO<; K00]l0<; ava]lwa o"t11v Ava"toAt] Ka\ "t11 6.15011
1453-1981 (Athenes: Ellenika Grammata, 1999), 1:47-53.
4
Voir Bouchard, «Nicolas Mavrocordatos, censeur de la Republique des Lettres»,
"1:.15YKP\011jCompomison 12 Athenes (octobre 2001), 29-33.
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grec orthodoxe. Persuade d' etre Ie depositaire exclusif de l'unique
vraie religion d'origine divine, Ie narrateurjuge les autres confessions
avec l'assurance sereine d'un docteur de la foi et censure autant
l'islam, Ie judaisme, Ie paganisme que les deviations occidentales du
christianisme. Mais peut-etre faut-il mentionner au prealable que
l'intolerance religieuse du narrateur est Ie fait d'un particulier qui,
par aill eurs , apprecie en matiere religieuse la tolerance politique
dont iljouit comme tous les autres sujets ottomans de son epoque,
une epoque d' ouverture pronee par Ie sultan Ahmet III. II est en effet
permis a quiconque de pratiquer la religion qu'il a re<;:ue de ses
parents (won: nanl. llev e~eivat Hll~v, llV cilla 'L4> lllFP4><¥ yaAaKH
lloVOVOUXl. onaoallEvo<; E'LUXE 8pT}OKdav, p. 100); en revanche, une
fois converti a l'islam, on ne peut retourner a sa foi premiere: les
Ottomans punissent de mort les relaps.
Vivant dans la capitale de l'Empire ottoman, OU toutes les nations
d'Orient et d'Occident se rencontrent, Ie narrateur a eu Ie loisir
d' etudier a fond la religion predominante, l'islam. On doit faire ici une
distinction fondamentale inherente a la conception ottomane, c' est
que les «nations» (millet) reconnues par les Ottomans se distinguent
les unes des autres par leur appartenance religieuse. 5 En outre, a
l'interieur de l'islam, des differences sont notoires: les Ottomans ne se
confondent pas avec les Turcs, ni ces deux derniers avec les Arabes.
Les Ottomans forment la classe des notables musulmans de langue
turque mais d' origines diverses, souvent des convertis a l'islam, qui
administrent l'Empire: Ie narrateur les estime, par certains aspects de
leur caractere et de leur «genie», comparables aux anciens Grecs,
mais illes blame d'avoir la folie en haute estime. En effet, nombre
d' entre eux, dit-il, entretiennent une cour de fous, car ils croient que
Dieu fait des revelations a travers les confusions de leur delire. Et
pour epier les vrais dements, les Ottomans placent parmi eux des
gens parfaitement sains d'esprit qui simulent la folie et rapportent a
leurs maitres les incoherences susceptibles d' etre interpretees. Cette
croyance religieuse est extremement funeste: elle finira par saper Ie
pouvoir ottoman, dit Ie narrateur, puisqu'a la fin les gens senses
sombrent eux-memes dans la folie a force de frequenter les vrais fous.
Le gouvernement de l'Empire est donc a la merci des divagations
5
Voir Lambros Kamperidis, «The Notion of Millet in Mavrokordatos' PhilotheouPaTergaand
His Perception of the Enlightened Ottoman Despot», foumal of the Hellenic Diaspora 18
(1992),67-78.
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EIGHTEENTH-CENTURY FICTION
d'alienes. Comme les Ottomans croient que les fous posse dent la
marque incontestable de la saintete, l'auteur montre les dignitaires
litteralement assieges par des santons depraves, licencieux, ivrognes
et libertins (p. 186).
Quant a la populace turque, elle croupit dans la superstition,
l'obscurantisme et Ie fatalisme. Le narrateur donne l'exemple d'un
vieux batelier de la Corne d'Or qui expose aux passagers de son
embarcation sa philosophie simpliste: il croit en la vertu des talismans
qui Ie protegent des maladies, il respecte Ie vendredi des musulmans,
Ie samedi des juifs et Ie dimanche des chretiens, par crainte de
deplaire aDieu, mais meprise l'instruction profane, car elle conduit
a l'impiete ('tTJV yap m::pat'tepCD natodav Sl1l.Lia<; dvat npo~l::vov d<;
acre[3l::tav unocrupoucrav, p. 114). Le narrateur fustige en fin la
fatalisme de ce vieux Turc qui, ayant perdu femmes, enfants et
maison par suite d' epidemies et d'incendies, loue pourtant la divine
providence avec une naivete deconcertante.
De leur cote, les Arabes musulmans sont representes comme des
imposteurs (ana'tI::WVCDV Kat. ayup'twv . Apa[3CDv, p. 86) et des croyants
imbus de superstitions, enclins a decrypter la fatalite dans les reves,
les aboiements et croassements, qui s'abiment dans une priere
perpetuelle et un rituel excessif, faisant intervenir des «esprits
aeriens» (evaepta nVl::uJ.la'ta, p. 166): ils melangent superstition,
magie et religion.
Le narrateur n'a guere meilleure opinion des juifs, qu'il traite
d' «engeance criminelle» ('to napavoJ.lov 'tWV . IouoatCDv q>i)).ov,
p. 164), repetant par la des expressions que l'on trouve dans la
liturgie orthodoxe de la semaine sainte (A.ao<; oucrcrl::[3TJ<; Kat.
napavoJ.lo<; [peuple impie et criminel] p. 228n148). 11 impute au
Talmud les inepties debitees par les juifs sur l'anthropomorphisme de
Dieu, la metempsycose et l'immortalite de l'ame r~servee aux etres
superieurs. Le narrateur mentionne aussi, en Ie discreditant, un juif
qui a abjure sa foi pour embrasser l'islam. Le narrateur incrimine en
outre les juifs pour les brutalites perpetrees autrefois par les Ottomans contre les chretiens: les juifs auraient voulu se venger ainsi des
chretiens qui les avaient chasses d'Espagne. L'auteur avait d'abord
ecrit que les Ottomans avaient ete excites «par ces viperes» dejuifs
(uno 'twv io[30A.CDV eKl::tVCDV Oq>I::CDV, p. 100), une expression raturee
par la suite. 11 compare les juifs hargneux et vindicatifs contre les
chretiens a «des Erinyes et des menades surgies des profondeurs de
L'INTOLERANCE RELIGIEUSE
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I'Hades en furie et transportees de delire» (wcrnEp ec; ~oou
KEU8/.lwvrovavappaYEiam . EptvUEC; 'ttvec; Kat /.lmVaOEC; el;e/.lllVaV Kat
el;E/3aKXEucrav Ka'ta 'twv Xptcr'ttavwv, p. 100), une comparaison
infamante qui se trouve dans sept manuscrits, avant d' etre rayee. Pour
completer Ie tableau, deja peu favorable, des juifs de l' epoque, Ie
narrateur fait Ie portrait d'un certain Jacob, converti a l'islam,
emprisonne pour divers crimes: elixirs de fertilite mortiferes, potions
abortives, meurtres, impostures (pp. 162-64).
Les Armeniens, pour leur part, «sont atteints de nestorianisme,
mais souilles d'une telle heresie par ignorance de mieux plutot que
par mechancete deliberee» (vOcrOUV'tEC; yap 'ta NEcr'toplou, /.l<XA,A,OV
O· ayvolQ: 'taU KpElnovoc; " /.l08XllplQ: npOatpecrEroc; 'til 'tOlau'tTI
aipecrEl Ka'tappunmvO/.lEvOl, p. 102). L'auteur avait d'abord ecrit,
puis biffe, devant NEcrwplou Ie qualificatif oUO'(JE/3ouc; [impie]; il avait
qualifie la religion armenienne de /3oEA,uplav [abomination], terme
remplace par Ie plus correct DOl;av [confession] par la suite.
Les catholiques romains sont l' objet d'un traitement ambivalent:
d'une part, Nicolas, qui avait suivi des cours de latin et de franc,:ais
d'un jesuite dans sa jeunesse, qui avait frequente les jesuites de
Karlsburg pendant son internement, menage les membres de la
Societe deJesus: lesjesuites qui avaient tente de convertir les Armeniens sont appeles «savants et intrepides» (croq>oiC; avopacrt, nav'toc;
'tE Ka'ta'tOA,/.lwcrt KtvOUVOU, p. 102). Un des personnages, un
Chypriote, loue la saintete et la science des pretres franc,:ais chez qui
il a etudie en Egypte (croq>oiC; cmo raA,A,lWV avopacrtv, Ot Kat
iEprocrUVTI Kocr/.lOU/.lEVOl, p. 106). D'autre part, 1'auteur debusque et
pourfend chez les Occidentaux-surtout les Franc,:ais-Ies perversions
de la religion que sont Ie quietisme, la libre pensee et 1'atheisme.
II est manifeste que Nicolas Mavrocordatos connaissait l' <ruvre de
Fenelon, dont il partage souvent lesjugements. Mais il s'accorde avec
Bossuet pour condamner «I'abominable heresie des quietistes» ('tT)v
ano'tponawv 'twv i]cruxacr'twv aipEcrtv, p. 178), une condamnation
qui se trouve aussi au debut de son Traite des devoirs.6 La doctrine de
Mme de Guyon et de Fenelon «sous pretexte d'amour divin induit
6
Jutilise I' edition hilingue procuree par Stephane Bergler: N. Mavrocordatos, Liber de Officiis
(Leipzig: Fritsch, 1722), pp. 13-14: «ou Ka:ra TOU<; T)O"uxuO"1:a<;, 01 {mAth'll CtVoO"lonl'rl KUl
Ctvm/)Ei'q, 1:0Aj.lWO"tv Ct7rU1:~V oi 7rUAUj.lVUlOl ElEov 1:E, Kul euuTOu<;, Kul1:oV 7rAljO"iov» [non
camme les quietistes qui, avec une impiete sacrilege et une impudence sans borne, osent,
les scelerats, duper Dieu, eux-memes et leur prochainl.
734
EIGHTEENTH-CENTURY FICTION
sans scrupule a la jouissance de toutes sortes de plaisirs defendus»
(SEiou epoyco<; 1t po crXll Jla:n, d<; 1tav'tOocl.1tWV Kat a1tEtpllJlevWv
iJoovwv a1toA.aumv aOEw<; a1toOUOJleVllV, p. 178).
Abordant 1'atheisme, Mavrocordatos cite et commente Ie verset
biblique (p. 178): «Ei m:v a<ppwv ev K(xpOi~ (xlYWU OUK eon eeo<;»
[L'insense dit en son creur: il n'y a point de Dieu. Psaume 13:1 et
52:2]. II explicite la sentence biblique en faisant de l'athee un malade
atteint de folie (TllV avotav 'twv aSdav vocrouv'twv, p. 180).7 II lui
semble deceler pareiUe ten dance dans la philosophie de certains
Modernes qui ne peuvent discerner en toute chose la marque
evidente de la divine providence. A l'instar de Francis Bacon, il place
la piete dans un juste milieu, entre l'atheisme et la superstition
(p. 230nI78). Parmi les esprits forts qu'il denigre puisqu'ils mettent
en doute l' existence de Dieu, Mavrocordatos place les adeptes
modernes d'Epicure (p. 176): sans les nommer nominatim, il s' en
prend a Gassendi et a Saint-Evremond. Sa con damnation est aussi
peremptoire dans son Traite des devoirs.8
Considerant enfin les Anciens sous l'angle de la religion, il estime
que Platon, dans la Ripublique et les Lois, formule certaines lois
entachees de superstition et d'impiete (evtou<; 'twv vOJlWV, Ot yE
JlE'ta1;u nvwv OEtmOatJlOvta<; Kat avomo'tll'tO<; JlEcr'tWV otaA.cXJl1toum,
p. 118). Meme les arguments de Socrate sur l'immortalite de l'ime lui
paraissent nettement inferieurs aux temoignages des martyrs
chretiens, en particulier des saints Ignace et Polycarpe (p. 118). 9 Par
ailleurs, louant la sagesse et la piete de Thales, dont Mavrocordatos
semble avoir fait son propre precurseur,lO il ecrit: «la piete envers la
divinite est une marque tres insigne de noblesse» (iJ yap 1tEpt 'to SElov
Eucref3Eta emcrll Jlo'ta'tO<; EUYEvEta<; xapaK'tllP, p. 132).
Nicolas Mavrocordatos affiche en fait une double attitude: d'une
7
Voir Bouchard, "Sagesse et Folie dans I'reuvre de Nicolas Mavrocordatos», Revue des Etudes
SudrEstEuTOpeennes 21 (1983),107-16.
8
Mavrocordatos, Liber de Officiis, p. 18: . E7t\KOUP0<;, TO &KTPCOIlU 'tTj<; rXv8pC07t\VT)<; <pUO"ECO<;, 'to
rXv8pa7to8ov i)8ov,,<; rX7t07t'tUO"TOU (Epicure, cet avorton du genre humain, cet ilote de la
volupte abjecte).
9
Fenelon ecrit en 1714: «II faut avouer que Platon fait raisonner foiblement Socrate sur
l'immortalite de l'ame». LeUn, a. l'Acadhnie, ed. Emesta Caldarini (Geneve: Droz, 1970), p. 132.
10 Voir Bouchard, «Le type de "I' immigrant fortune" dans I'reuvre de Nicolas Mavrocordatos»,
Proceedings of the FiTSt International Congress on the Hellenic Diaspom flam Antiquity to Modern
Times, Congres tenu iiAthenes en mai 1988 (Amsterdam: Gieben, 1991),2:83-89.
L'INTOLERANCE RELIGIEUSE
735
part, son education, son temperament et ses gouts Ie portent a
adherer ala modernite qu'il voit poindre aI'aube des Lumieres. Son
information encyclopedique, son esprit critique, son rationalisme,
son activite litteraire, mais aussi sa theorie et sa pratique du pouvoir
Ie placent parmi les premiers tenants europeens des Lumieres.
D'autre part, son statut de prince chretien orthodoxe lui impose
certains devoirs, dont celui de defendre et d'illustrer sa foi. En depit
d'un pragmatisme politique exempt d' etats d'ame quand illui fallait
neutraliser ses ennemis, Nicolas sut se construire une image de
prince-philosophe louee par I'archeveque William Wake de Cantorbery.ll En outre, la publication de son Traite des devoirs confirma en
Occident sa reputation de prince tres chretien, que Jean Le Clerc se
charge a de mettre en valeur dans sa Bibliotheque Ancienne et Modeme. 12
Certes, il serait injustifie d'identifier I'intolerance des personnages
d'un roman avec la disposition personnelle de son auteur. Le vOlvode
Nicolas Mavrocordatos manifesta une ouverture d' esprit exemplaire
dans ses relations avec les non-orthodoxes: il rec;:ut a sa cour entre
autres les Saxons Stephane Bergler et Nicolas Wolff, l'Italien Antoine
Epis, Ie marrane portugais Daniel da Fonseca, l'Anglais Everard
Falkener; il correspondit entre autres avec l'Allemand Thomas
Fritsch, Ie Suisse Jean Le Clerc, I'archeveque anglican William Wake.
Le Clerc resume bien I'attitude de Nicolas Mavrocordatos lorsqu'il
ecrit a Wake, en 1721: «est Religione Graecus, sed minime superstitiosus aut alienus ab Anglicanae Ecclesiae placitis».13
Enfin, detail significatif, l' epoque de Nicolas Mavrocordatos ne
connaissait pas de mot simple pour parler en grec de tolerance
religieuse. L'intelligentsia hellenique dut attendre jusqu' en 1768 pour
disposer d'un terme apte a l' exprimer: dans son Traitesur la tolerance,
inspire de celui de Voltaire, l' ecclesiastique orthodoxe Eugene
Voulgaris propos a alors Ie neologisme cXVE~t8pl1(jKEia, ce qui marque
Ie debut d'une veritable revolution des mentalites a cet egard. 14
Universite de Montreal et Universite McGill
11 Bouchard, «Les relations epistolaires de Nicolas Mavrocordatos avec Jean Le Clerc et
William Wake», 0 EpUVl(H* (Athenes, 1974-77), pp. 67-92.
12 Voir Anne Barnes,Jean Le Clerc (1657-1736) et In. RijJllbliqlle des LeUTes (Paris: Droz, 1938).
13 Bouchard, «Les relations epistolaires», p. 91.
14 Dimaras, NEOEAAllvlKOC; LllU<pconcrll0C;, pp. 10,.434.
• •
Li ralrle
Droz
Jean-Jacquu RoUJJeau et 0 ArtJ vuu£u. Actes
du colloque de Neuchatel (20:23 sept 2001)
edites par Frederic S. Eigeldinger
Volume 45, 2003, 680 p.
52 US$
Led Jpectac0 it PariJ penQant fa Revolution.
Repertoire analytiqu£, chronologiqu£ et
bibliographiqu£ .,., (1792-1795)
ISBN: 2-600-00815-2
2002,528 p.
Bibliotheque uu Ltunieru
Le TempJ Qe MontNquieu. Actes du Colloque
international de Geneve (28-31 oct 1998)
Articles reunis par Michel Porret et
Catherine Volpilhac-Auger
2002, 422 p.
59 US$
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ISBN: 2-600-00816-0
Titre Courant
Rene DEMORIS
Le Roman it fa premiere perJonne. Dlt C/aJJicume
aux LltmierN. Seconde edition revue
2002, 512 p.
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ISBN: 2-600-00626-5
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COMllU franfaiJ all Magreb (1700-1840)
2002, 640 p.
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Mythologie gauloue, arcblologie et linguiJtiqlte
it l'lige c/aJJiqu£. 2002, 320 p.
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