RENCONTRES CINEMATOGRAPHIQUES DE DIJON

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RENCONTRES CINEMATOGRAPHIQUES DE DIJON
RENCONTRES CINEMATOGRAPHIQUES DE DIJON
L’EXCEPTION CULTURELLE 2.0
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COMPTE-RENDU DU DEBAT :
LE CINEMA INDEPENDANT FACE A DE NOUVELLES MENACES :
QUELLES CONDITIONS D'ACCES AUX SALLES A L’HEURE NUMERIQUE ?
SAMEDI 20 OCTOBRE 2012 DE 9H00 A 10H30
Le numérique facilite la multiprogrammation en salles mais cette multiprogrammation entraîne des
bouleversements sur la présence des films en salles (durée, nombre de séances).
Le numérique, une fois déployé en salles, pose la question des nouveaux engagements de programmation
souscrits notamment par les Circuits. Faut-il instaurer dans les cinémas porteurs des « jours interdits de
déprogrammation au cinéma » (notamment le vendredi, samedi et dimanche)? Toutes les salles arrivent
elles à accéder aux films indépendants et au prix de quelles contorsions ?
Quel est le coût économique pour les distributeurs de l’accès aux salles des circuits (bandes-annonces
payantes, la pratique variable sur le cout des VPF)? Au regard de ce coût et de la conception mutualiste du
soutien, le comportement commercial vertueux des salles à l’égard des distributeurs indépendants ne peutil être valorisé par une majoration du soutien financier automatique délivré par le CNC?
Animé par :
- Michel Ferry, Auteur Réalisateur Producteur, Gérant du Cinéma des Cinéastes
Avec :
-
Xavier Blom, Exploitant du Ciné Massy, membre du Conseil d’Administration de l’AFCAE
Renaud Davy, Programmateur, ARP Sélection
Etienne OIlagnier, Distributeur, Jour2Fête
Carole Scotta, Distributrice, Haut et Court
Alain Sussfeld, Directeur Général d’UGC
Michel FERRY souhaite ajouter d’emblée deux volets au débat : les conditions d'accès des salles aux films à
l'heure du numérique et le coût de ce dernier. Il précise que le but n’est pas de faire le procès des
distributeurs ou des exploitants qui ne jouent pas le jeu mais de trouver des solutions permettant de
rendre le système plus vertueux à l'aune de l'expérience du numérique. Il ajoute tout de suite à ce sujet
que l’explosion du nombre de copies que l’on craignait n’a pas eu lieu, même si la tranche des 200 à 500
copies a beaucoup augmenté, ce qui a multiplié les doublons dans les salles.
Il donne à ce sujet la parole à Etienne OLLAGNIER, Co-président de Jour2Fête et Président du Syndicat des
distributeurs indépendants, qui note que le marché évolue et qu’il est de plus en plus difficile de
programmer des films fragiles, en particulier à Paris. Il explique que certains films sont très demandés (ce
qui correspond à entre 20 et 25 copies), d’autres moins (ce sont les films du milieu, à raison d’environ 8
copies) et d’autres encore moins (avec souvent moins de 5 copies), et qu’ils ne sont pas projetés dans les
mêmes salles, la multidiffusion pouvant aussi jouer sur la place des films indépendants.
Michel FERRY lui demande son avis sur les engagements de programmation. Etienne OLLAGNIER souligne
que cela ne concerne pas tous les exploitants. Il en ressent l'impact davantage sur de gros films que sur des
films comme par exemple « Entre les bras », qu’il a produit.
Michel FERRY donne ensuite la parole à Renaud DAVY, Directeur des ventes et de la distribution chez ARP
Sélection, pour qu’il parle de la façon dont cela s’est passé avec « Margin call », premier film américain
d’art et essai un peu atypique. Renaud DAVY indique qu’il n’est sorti qu’en numérique et en VO, alors que
moins de 90 % du parc était équipé, et surtout dans les grandes villes, notamment dans des salles UGC et
Gaumont Pathé (parce que les salles indépendantes se sont méprises sur son contenu par rapport à son
thème), où il a fait de très belles entrées.
Carole SCOTTA, Co-présidente du DIRE et exploitante, a au contraire l’impression que toutes les salles
(particulièrement dans les zones concurrentielles) ont envie des mêmes films, c’est-à-dire ceux
susceptibles de faire le maximum d’entrées. Elle donne l’exemple d’un film qui va sortir dans quelques
semaines, « Rengaine », soutenu à la fois par UGC à travers son label découverte et l’AFCAE, sur lequel il a
fallu se passer du label Europalaces pour que la programmation soit cohérente.
Renaud DAVY évoque également l’impact de la presse et le fait, quand la période est très propice, que ce
soit bénéfique en termes d’entrées même si cela peut rendre plus difficile l’accès aux salles.
Pour Carole SCOTTA, qui précise qu’ils sont en train d'être renégociés, les engagements de programmation
sont exactement l'outil qu’il faut pour accentuer les rapports de confiance avec les films. Ils vont être
adaptés au numérique et les salles devront s'engager sur des films pour une durée un peu plus longue, ce
qu’elle juge positif car ce n’est pas seulement le distributeur qui doit s’engager.
Renaud DAVY insiste sur l'importance, surtout en province, des séances du samedi soir et du dimanche à
16h, qui peuvent représenter jusqu’aux deux tiers des entrées d’un film.
Il explique en réponse à Michel FERRY que selon lui un délai de 4 à 8 semaines est un minimum pour
assurer la mise en place d’un film en salle avant sa sortie et établir d’éventuels engagements. Carole
SCOTTA note que les films-annonces sont diffusés aujourd’hui bien moins longtemps à l’avance (trois
semaines maximum), ce qui est dû à l’accroissement du nombre de films.
Etienne OLLAGNIER explique qu’en province les délais sont plus longs mais que c’est très difficile avec les
salles qui programment à la semaine, car le succès des films précédents joue, avec des incertitudes sur la
programmation finale d’un film. A ce propos, Michel FERRY se demande, quand un film est très demandé,
si cela modifie le plan de sortie.
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Renaud DAVY évoque aussi le problème du renouvellement du public, qui est plus senior, dans les salles
art et essai. Etienne OLLAGNIER prend l’exemple de « Royal affair », qui est demandé à la fois par les
circuits et les salles indépendantes, Renaud DAVY soulignant aussitôt que c’est dans de tels cas de figure
que les engagements peuvent entrer en ligne de compte. Etienne OLLAGNIER pense en effet que des
durées très longues peuvent compenser la surexposition.
Michel FERRY donne ensuite la parole à Alain SUSSFELD, Directeur général d’UGC, qui tout d’abord se
réjouit que des films de qualité soient demandés par beaucoup de salles et salue l'état global du marché
français, qu’il faut tout faire pour conserver. On ne peut atteindre les 200 millions de spectateurs ou plus,
que grâce à la diversité de l'offre. Il prend l’exemple de l’Espagne et de l’Italie (le cinéma américain
domine, à raison de 75 à 80 % de parts de marché, et les marchés nationaux tombent à 100-110 millions de
spectateurs) alors qu’en France le marché américain est globalement stable depuis vingt ans (environ 110
millions d'entrées), la progression provenant des autres cinémas. Le débat sur les opérateurs des films est
second par rapport au potentiel des films en France.
Il s’inquiète de l’impact de la numérisation sur la diffusion des œuvres car il pense que la souplesse peut
conduire au pire comme au meilleur (projeter le même film dans un très grand nombre de salles ou le
conserver à l’affiche pendant plusieurs mois). Il a toujours défendu les engagements de programmation
mais il n’est représentatif ni du marché de l'exploitation ni du marché global. Il les considère comme un
outil clé dans l'environnement numérique pour que les exploitants respectent le plan de diffusion et ne
puissent pas supprimer des films à l’affiche afin de surexposer des blockbusters.
Les engagements doivent être jugés quotidiennement et non de façon hebdomadaire, en tout cas pour
toutes les grandes ou moyennes villes. Dire qu’on les respecte en diffusant les films difficiles à des horaires
impossibles n’est pas jouer le jeu. Le premier des combats doit concerner l’obligation de plafonner la
diffusion d’un film en termes de nombre d'écrans et de fauteuils sur une journée et non sur une semaine.
Il évoque également les obligations minimum de diffusion pour tous les films qui sortent dans les salles de
cinéma en première semaine. L’exploitant doit assumer une part de responsabilité en s'engageant, pour
une période minimum de deux semaines, à diffuser un film à presque toutes les séances. Ce n'est pas
contradictoire avec la diversité permise par le numérique parce qu’au-delà, la possibilité de multiplier les
programmations et de jouer sur les heures des séances permettent à des films de rester à l’affiche pendant
plusieurs mois dans certaines salles.
Il constate que les films moyens (entre 600 000 et 1 000 000 entrées) ont une carrière plus longue
qu’avant. La courbe de fréquentation n'est pas la même et à partir de la cinquième semaine l'accès aux
salles est gratuit ; les distributeurs n’ont pas à payer de VPF. Il explique que l’on concilie le maintien en
exploitation des films dans les villes majeures tout en permettant aux villes moyennes et petites d'accéder
librement à des films complémentaires, ce qui donne un flux plus long d'exploitation.
A contrario, il note pour les films en milieu de gamme, à 200 000 entrées, un ralentissement fréquent au
cours de la troisième ou quatrième semaine d'accès : même si les exploitants ne gardent pas le film en
plein écran, ils veulent garder le DCP. Pour lui, les objectifs sont simples :
- des engagements de programmation
- réduire la surexposition
- garantir au distributeur un minimum d'expositions
- permettre simultanément la multidiffusion.
Il pense que quand on est propriétaire d'un réseau significatif en France, on se doit de participer à l'intérêt
collectif, c’est-à-dire à la diversité culturelle. Pour lui, l’objectif est d'étendre le nombre de films moyens et
d'accroître la curiosité du public.
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Michel FERRY se demande si l’on ne pourrait pas imaginer, comme il y a des jours interdits pour le cinéma
à la télévision, des jours hors films dans les salles de cinéma. Alain SUSSFELD signale que c’est déjà ce que
certaines salles font, le samedi soir ou en sacrifiant un film en fin de carrière, mais il ne trouve pas cela
pertinent car pour lui le cinéma est d'abord pour les films, même si cela ne veut pas dire que l'on ne doit
pas utiliser les autres offres, et en particulier l'opéra ou les ballets, pour valoriser les lieux de diffusion et
faire revenir au cinéma des spectateurs qui n’ont plus l'habitude d'y aller. Il faut prendre garde à un excès
de contraintes qui ferait que l'on deviendrait « un peu trop stalinien ».
Michel FERRY, qui note le caractère vague de la réglementation à ce sujet, demande à Alain SUSSFELD s’il
pense qu’il faudrait pousser la négociation. Ce dernier rappelle que c'est la nouvelle réglementation qui a
rendu les engagements de programmation publics, en 1982. Il insiste par ailleurs sur le rôle du médiateur,
une collaboration ayant été instaurée entre ce dernier, qui apprécie les engagements, et le CNC, qui les
homologue. Il engage d’ailleurs à consulter le site du médiateur sur le respect des engagements de l'année
2011, qui constitue une sorte de guide devant servir de référence pour les engagements à souscrire en
2013 et 2014.
Olivier WOTLING (CNC) rappelle que c’est la médiatrice du cinéma qui engage le processus d'évaluation et
de bilan et soumet des avis, le CNC prenant une décision. Il indique que d'ici la fin de l'année une série
d'auditions auront lieu avec les organisations professionnelle concernées, les engagements devant être
renouvelés au 1er janvier.
Les engagements qu’ils prennent permettent de connaître la détermination des opérateurs et le texte
prévoit quatre grands ensembles d'engagements possibles (sur la promotion d’œuvres
cinématographiques européennes peu diffusées, le maintien d’un tissu de distributeurs indépendants, le
hors film et le plafond à la multidiffusion) qui pourront être revus en fonction de l'impact du numérique,
étant entendu qu’ils peuvent être très différents selon qu’un opérateur est dans une ville en situation de
quasi monopole ou non. Il précise qu’en France 807 établissements sont soumis à des engagements de
programmation qui représentent 60 % des écrans, 80 % des entrées et environ 3 300 écrans.
Il laisse sur ce sujet la parole à Isabelle GERARD, assistante de la médiatrice du cinéma, qui souligne
d’entrée de jeu que les nouveaux engagements prennent davantage en compte les zones de chalandise, la
situation concurrentielle dans celles-ci et les établissements qui assurent déjà une diversité, le but étant
que ce soit le cas partout.
Michel FERRY propose de passer à l'accès des salles aux films. Il note qu’à Paris les films d’art et essai
porteurs ont accès à de plus en plus de salles, y compris de circuits, ce qui est une bonne chose pour eux
mais tend la situation pour certaines salles. Il voudrait connaître l’opinion de Xavier BLOM, programmateur
de plusieurs salles indépendantes parisiennes, administrateur de l’AFCAE, responsable de son groupe
« Actions promotion » et Directeur du cinéma de Massy.
Ce dernier déclare adhérer totalement aux propos d’Alain SUSSFELD mais souhaite évoquer en plus de
celle de l’offre et de la demande, la diversité des lieux de diffusion. Il indique que plus de 1 100 cinémas
assurent en France les carrières des films les plus fragiles et qu’ils ont besoin pour boucler leurs budgets
d’un accès facilité à de grands films d’auteurs que souvent l’art et essai a contribué à faire découvrir. Il
ajoute que 70 à 75 % de ces films font leur carrière dans des salles indépendantes, ce qui montre leur
importance pour la diversité.
Il explique que la mission du groupe Actions promotion de son association est de soutenir les films,
d’organiser leur diffusion en province, quand c’est possible des tournées d'animation avec les équipes des
films et de mettre à la disposition des salles un document de 4 pages en amont de la sortie des films.
Il observe que déjà avant l'arrivée du numérique on pouvait constater une tendance qui semble s’être
accélérée, à la surexposition dans les grandes villes et à la sous-exposition dans les villes moyennes. En
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écho aux propos d’Alain SUSSFELD, il souligne que l'accès des films à la cinquième semaine est très difficile
dans les zones rurales ou les petites salles du fait du phénomène de rotation, problème aggravé par la
surexposition dans les grandes villes, y compris à l'intérieur des mêmes équipements qui se répercute sur
les salles indépendantes.
La loi de 2010 était censée favoriser et protéger les indépendants mais une lecture un peu trop rigide et la
recommandation d’éviter la simultanéité à la journée pénalisent très fortement les petites salles, alors qu’il
faudrait profiter de la souplesse du système pour améliorer la diffusion dans celles-ci. Cependant, il est
d’accord avec Michel FERRY sur le fait que la mise en place de l’ADRC numérique et la clé de répartition
sont une évolution qui va dans le bon sens. Cependant, parfois des éditeurs vidéo qui montent sur la
distribution salles, viennent ajouter des films supplémentaires ; et il arrive que des distributeurs ne
trouvent pas de salles, ce qui est un vrai problème. Pour les films qui font l’objet de moins de 5 copies une
multiprogrammation dès la première semaine, il propose un engagement sur une certaine durée et un
meilleur accompagnement. Il explique qu’il a procédé ainsi au Lucernaire avec « La femme aux cinq
éléphants » et que les résultats ont été très bons. Michel FERRY pense en effet qu’un certain nombre de
salles parisiennes pourrait mener ce type d’expérimentation.
Xavier BLOM donne l’exemple de Gaumont Pathé, qui a 22 écrans à Montparnasse, pour montrer que dans
de tels cas c’est plus une question de remplissage que de choix, pour les alimenter. Il évoque aussi l’effet
pervers des cartes, qui font que des films restent assez peu longtemps sur les écrans, ce qui écourte
largement leur carrière.
Bojana MOMIROVIC, auteur, réalisateur et producteur de Tom Production et membre de l’AFPF et de la
SRF, évoque le fait que des films ont été déprogrammés en faveur d' « Intouchables », comme celui de
Mélanie LAURENT, qui venait de sortir. Cela illustre pour Michel FERRY l’utilité des engagements de
programmation, afin que les exploitants ne puissent pas dépasser un certain pourcentage de séances et
procéder à la « déprogrammation sauvage » de certains films. Bojana MOMIROVIC souligne cependant
qu’il n’existe pas de pénalités en la matière et que donc les salles font ce qu’elles veulent.
Alain SUSSFELD abonde dans son sens et insiste sur le fait qu’il est très compliqué de faire comprendre que
l'intérêt global est l'optimisation de l'année, non de la semaine. Pour lui, la province (en particulier les villes
moyennes et petites) est en la matière un enjeu majeur pour la diversité, sinon quoi on va reculer et
« perdre des batailles ».
Il reconnaît que des difficultés ponctuelles se posent malgré la disponibilité des salles de réseaux et leur
compatibilité avec les salles d’art et essai mais que globalement UGC fonctionne très bien à Bordeaux avec
Utopia. En revanche, la désertification de toutes les villes moyennes, où même les films français qui font
600 000 ou 800 000 entrées n’ont plus de carrière, lui semble présenter un vrai risque. Il pense à cet égard
qu’il est sage de se battre pour des films qui ont potentiel de 50 000 entrées mais qu’il faut commencer par
le faire pour ceux qui en ont un de 300 000 à 400 000 entrées, car il pense que si la diversité se limite à
Paris et aux grandes métropoles de province un immense problème de production se posera demain.
Il rappelle qu'un marché sain est un marché solidaire dans lequel la production nationale existe, représente
au moins 35 % de part de marché et finance en partie le marché de la production étrangère non
américaine, le marché américain ne représentant que 50 % du total des entrées. C'est ce schéma vertueux
qu'il faut défendre. Il est indispensable de démontrer la solidarité entre les créateurs, les producteurs et les
diffuseurs, car un marché qui n'a plus de créateurs n'a plus de production. Il évoque à titre d’exemple le
déclin de la production espagnole, qui a conduit à terme au déclin global du marché cinématographique
espagnol puis du cinéma américain en Espagne. Il est à cet égard dommage que les autorités européennes
n'aient jamais compris que l'intérêt du cinéma américain est la force du cinéma national et européen.
Michel FERRY aborde la dernière partie du débat, c’est-à-dire le coût de l'accès aux salles et notamment la
gestion par des régies (autonomes ou non) de la promotion des films des salles dans lesquelles ils vont être
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diffusés, avec un label créé par les salles permettant un accès à la promotion à coût réduit ou
gratuitement. Il note que c’est plus compliqué quand c’est l'exploitant lui-même qui s’occupe de la
promotion et se demande si ce type de problème ne pourrait pas être réglé par les engagements puisqu'ils
concerneront dorénavant aussi la promotion des films.
Renaud DAVY évoque la quasi disparition de l'affichage promotionnel gratuit et la réduction du nombre de
films annonce éditoriaux étant donné l’importance de la publicité, surtout à certaines périodes de l’année.
Du fait de la dématérialisation de l'affichage et du visuel, il faut trouver d'autres pistes pour assurer la
visibilité des films dans les salles.
Carole SCOTTA souhaite connaître la position d'UGC par rapport au fait qu’EuroPalaces a décidé de limiter
ses avant-séances à 15 minutes et de favoriser les bandes annonces gratuites. Elle se demande par ailleurs,
quand le distributeur n'aura plus à payer de VPF pour accéder aux salles, si un certain nombre de coûts de
promotion ne pourront pas lui être attribués, en soulignant qu’ils ont triplé en cinq ans pour les
distributeurs. Michel FERRY note qu’en effet les coûts de promotion sont passés de 2010 à 2011 de 33 à
98 M€ dans les salles de cinéma.
Alain SUSSFELD revient sur la limitation volontaire de 15 minutes d'avant-séance plus 4 minutes de
publicité, qui est plutôt selon lui une expérimentation sur la limitation de la publicité commerciale à 4
minutes pour faire plus de place aux bandes-annonces gratuites et payantes. Il se déclare totalement
opposé à cela. Il est pour sa part demandeur de publicités commerciales pures et du moins possible de
bandes-annonces payantes, car il y a un décalage entre les choix éditoriaux ou films projetés, et les bandesannonces, qui sont principalement achetées par les « major » américaines et pas obligatoirement pour
leurs meilleurs films. Il défend les bandes-annonces gratuites pour la partie éditoriale et fait remarquer
dans les salles UGC une sous-exposition systématique de la promotion de blockbusters comme « Harry
Potter » car il pense qu’ils n’en ont absolument pas besoin, contrairement aux films d’art et essai. Carole
SCOTTA objecte que les distributeurs achètent des bandes-annonces pour être présents dans les salles.
Alain SUSSFELD insiste sur le fait que des films n’ont pas les moyens d’investir dans des frais d'édition, d'où
l'idée de mettre en avant des films éditorialisés avec des labels pour qu'ils soient identifiés par le
spectateur, UGC jouant ainsi son rôle de prescripteur ; c’est pour lui essentiel dans un monde confus. Il
ajoute que c’est rendre service aux spectateurs face à l’abondance de films. Entre 600 et 650 films sortent
dans l'année, dont la moitié ne fait que 2 % de part de marché.
Quant aux VPF, ils ne sont pas le problème du distributeur, qui est de choisir intelligemment le nombre de
salles adaptées au potentiel d’un film et d’organiser sa notoriété ainsi que le bouche à oreille. Il dit « aimer
faire marcher des films qui ne devraient pas marcher les jours où le cinéma ne marche pas ».
Etienne OLLAGNIER note que des salles indépendantes de province accompagnent les films gratuitement
et achètent encore des affiches : ainsi des films qui ont du potentiel peuvent faire de bien meilleurs scores
qu’à Paris ou dans de grandes villes où l’offre est considérable. Il faut répondre aux différentes typologies
de films par des propositions qui le soient aussi, avec notamment des horaires et des programmations
différents.
Michel HAZANAVICIUS n’est pas très à l'aise avec la notion de « film fragile » parce qu'il pense que tous les
films le sont au moment de leur sortie, y compris ceux qui ont coûté très cher. Il évoque le cas de « The
Artist », qui est ressorti après avoir obtenu des récompenses et dont le score a ainsi doublé, pour dire que
la question de la promotion est essentielle. Il s’interroge sur la possibilité d'utiliser le Net et la VàD en la
matière, ce qui pose la problématique de la chronologie des médias, et de permettre la publicité à la
télévision pour les films, avec un système où les plus forts et les plus riches auraient un accès prioritaire
mais s’accompagnant de taxes qui feraient qu’en fait ils redonneraient aux moins riches.
Carole SCOTTA se déclare contre la publicité du cinéma à la télévision. Elle note que dans les pays où c’est
possible les cinémas nationaux sont beaucoup moins représentés qu'en France ; même en établissant des
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quotas pour certains films, cela créerait un écart encore plus grand entre ceux qui ne demandent qu'à
dépenser plus et pourront bénéficier d'une présence à la télévision, et ceux qui n'y auront pas accès. Elle
ne perçoit d’autant pas la nécessité d’une telle publicité que le marché se porte bien et se développe.
Michel FERRY note qu’en revanche on voit de la publicité pour la télévision au cinéma, ce qui est selon lui
un paradoxe intéressant. Pour Alain SUSSFELD, le combat cinéma-télévision est terminé. Pour lui, la
télévision s'est atomisée avec les écrans et horaires multiples et a perdu sa fonction sociale, que le cinéma
a récupérée. Le cinéma va bien parce qu'il est un lien social majeur et a retrouvé dans la société une place
qu'il avait perdue au moment où la télévision était dominante.
Il se veut radicalement conservateur et tous les films qui veulent aller sur la VàD ou le Net en direct
n'auront pas de place dans les salles UGC. Il se veut un défenseur radical de la chronologie des médias au
sens historique du terme. C’est pour lui ce qui permet à UGC de produire 200 films français et des
coproductions minoritaires. Il faut préserver une zone d'exclusivité après la diffusion et que le public
comprenne qu’il faut attendre un certain nombre de mois pour pouvoir visionner des films sur un nouveau
support.
Xavier BLOM, qui se veut un peu provocateur pour conclure la séance, n’est pas certain que les VPF vont
s’arrêter, Carole SCOTTA objectant que c’est prévu dans la loi.
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