Osram Sylvania ltée c. Ministère de l`Environnement et Johanne

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Osram Sylvania ltée c. Ministère de l`Environnement et Johanne
Dossier n° : 00 13 82
OSRAM SYLVANIA LTÉE
la demanderesse,
c.
MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT
l’organisme,
et
DION, JOHANNE
et
BISSONNETTE, ANDRÉ
les mis en cause
DÉCISION
Le 7 juin 2000, les mis en cause s’adressent à l’organisme afin d’obtenir copie des
documents en rapport avec le dossier de l’usine de la demanderesse sise à
Drummondville. Le 19 juin suivant, l’organisme leur fait parvenir une série de
documents, mais en retient trois au motif qu’il doit consulter les personnes qui ont
fourni les renseignements qu’ils contiennent avant de statuer sur leur accessibilité.
Deux de ces trois documents concernent la demanderesse.
Le 19 juin qui suit, l’organisme consulte la demanderesse afin d’obtenir ses
commentaires sur l’application possible des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels1 pour l’un des documents et l’application de l’article 118.4 de la Loi sur la
qualité de l’environnement2 quant au deuxième document intitulé « Rapport final de
caractérisation environnementale préparé par Géolab inc. pour Osram Sylvania ltée,
septembre 1999 ».
1
L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi » ou « la Loi sur l’accès ».
2
L.R.Q., c. Q-2, ci-après appelée la « LQE ».
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Le 4 juillet 2000, l’avocat de la demanderesse fait connaître à l’organisme
l’opposition de sa cliente à la communication de ces deux documents et ce, pour les
motifs énoncés dans cette lettre.
Le 25 juillet 2000, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) avise la
demanderesse que malgré son opposition, il compte communiquer les deux
documents en cause au motif qu’ils sont tous les deux visés par l’article 118.4 de la
LQE et que l’article 28 de la Loi sur l’accès, seule exception à l’accès recevable dans
ce cas, ne s’applique pas en l’espèce.
Le 27 juillet 2000, la demanderesse se prévaut de son droit de contester la décision
du Responsable de communiquer les documents et demande à la Commission
d’accès de réviser cette décision en vertu de l’article 136 de la Loi sur l’accès.
Une audience se tient aux bureaux de la Commission en la ville de Montréal, le 27
mai 2002.
L’AUDIENCE
L’avocat des mis en cause fait savoir à la Commission, avant l’audience, qu’il n’y
participera pas. Il annonce toutefois qu’il endosse entièrement la décision de
l’organisme de permettre l’accessibilité des documents en cause à ses clients et
réitère que les oppositions de la demanderesse à cette décision sont mal fondées en
faits et en droit.
Dès le début de l’audience, l’avocat de la demanderesse, Me Jean Piette, fait savoir
que sa cliente ne s’oppose plus à la communication, par l’organisme, d’un des deux
documents en cause, soit une lettre de sa cliente adressée le 24 novembre 1999 à
M. Serge Lévesque. Sa cliente maintient cependant son opposition à la
communication
du
document
intitulé
« Rapport
final
de
caractérisation
environnementale préparé par Géolab inc. pour Osram Sylvania ltée, septembre
1999 ».
LA PREUVE
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L’avocat de l’organisme, Me Jean-Sébastien Gobeil-Desmeules, fait témoigner MM.
René Houle (M. Houle), répondant régional en accès chez l’organisme et Gilles
Gaudette, (M. Gaudette) géologue, tous deux œuvrant à la Direction régionale de la
Mauricie et du Centre du Québec de l’organisme. Le témoignage de M. Gaudette,
déclaré témoin expert aux fins d’identifier les éléments d’application des articles 1 et
118.4 de la LQE, se déroule ex parte et à huis clos, sauf à l’égard de la partie
demanderesse qui est présente.
L’avocat de la demanderesse fait témoigner MM. Mario Beaulieu (M. Beaulieu),
directeur des ressources humaines et de l’environnement chez la demanderesse, et
Jean Halde (M. Halde), consultant en environnement, ingénieur-géologue, membre
de l’Ordre des ingénieurs, membre consultant du Réseau-Environnement. M. Halde
est déclaré témoin expert après avoir fait valoir ses compétences spécifiques.
M. Houle a traité la demande d’accès et dépose, en liasse sous la cote O-1, la
correspondance intervenue à cet égard entre l’organisme et la demanderesse, d’une
part, et l’organisme et les mis en cause, d’autre part, du 7 juin au 28 juillet 2000.
M Houle dépose entre les mains de la Commission, sous pli confidentiel, le rapport
en litige.
MM. Gaudette et Halde déclarent que le document en litige contient, en substance,
des renseignements concernant la simple présence d’un contaminant dans
l’environnement au sens des articles 1 et 118.4 de la LQE. L’essentiel de leur
témoignage tend à établir également que le document ne contient pas de
renseignements permettant de conclure que des contaminants sont émis, dégagés
rejetés ou déposés vraisemblablement par une source précise de contamination.
M. Beaulieu témoigne du traitement confidentiel des renseignements en litige tant
chez la demanderesse que chez d’autres industries. Il dépose, sous la cote D-1, une
lettre du Directeur des opérations chez P.P.G. Canada Inc. (Produits chimiques
industriels) aux fins d’établir le traitement confidentiel de ces renseignements dans
d’autres industries.
M. Halde affirme que les renseignements en causes ont été fournis par la
demanderesse à l’organisme dans le cadre d’une demande de certificat d’autorisation
et qu’ils sont des renseignements de nature technique et scientifique.
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LES ARGUMENTS
L’ORGANISME
L’avocat de l’organisme plaide qu’il est démontré que les renseignements en litige
sont des renseignements visés par l’article 118.4 de la LQE. À ce titre, par le jeu du
paragraphe 1° de l’article 171 de la Loi sur l’accès, ils deviennent l’objet d’un droit
d’accès plus étendu que celui que prévoit la Loi sur l’accès avec ses exceptions, dont
celle prévue à son article 23, laquelle exception, si ce n’était du paragraphe 1° de
l’article 171, devrait, en raison des prescriptions de l’article 168 de cette même Loi,
avoir prépondérance sur l’article 118.4 de la LQE.
Il argue donc, en conclusion, que les renseignements en litige sont accessibles aux
mis en cause nonobstant l’article 23 de la Loi sur l’accès.
LA DEMANDERESSE
L’avocat de la demanderesse plaide que, bien que visés par l’article 118.4 de la LQE,
les renseignements demandés ne peuvent être communiqués aux mis en cause en
l’absence du consentement de la demanderesse, laquelle ne consent pas comme la
preuve le démontre. En effet, ces renseignements sont visés par l’article 23 de la Loi
sur l’accès, comme l’établit la preuve.
Il rappelle que l’amendement à l’article 118.4 qui étend les droits d’accès du citoyen
aux renseignements concernant la simple présence d’un contaminant (L.Q. 1990, c.
26), indépendamment de la source et de la notion de diffusion du contaminant, est
survenu en 1990, après, donc, l’adoption de la Loi sur l’accès en 1982. Il souligne
également que cet amendement, postérieur à la Loi sur l’accès, ne prévoit pas
s’appliquer malgré la Loi sur l’accès ou malgré son article 23.
Il en conclut que, par l’effet de l’article 168 de la Loi sur l’accès qui consacre la
prépondérance de celle-ci sur toute loi postérieure qui lui serait contraire, la
demanderesse peut invoquer l’exception prévue à l’article 23 de la Loi et ce, à
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l’encontre du droit d’accès que confère l’article 118.4 aux mis en cause, droit qui est
manifestement contraire aux droits conférés à la demanderesse par l’article 23.
RÉPLIQUE DE L’ORGANISME
L’avocat de l’organisme plaide que le paragraphe 1° de l’article 171 suffit, à lui seul,
pour solutionner le litige. En effet, ce paragraphe prévoit qu’un droit d’accès plus
grand consenti à un citoyen par n’importe quelle loi, fut-elle postérieure à la Loi sur
l’accès, ne doit jamais être restreint par l’application de l’une ou l’autre des
dispositions de la Loi sur l’accès, sauf si la divulgation des renseignements demandés
portait atteinte à la protection des renseignements personnels, ce qui n’est pas le
cas ici.
L’examen de l’époque à laquelle le droit d’accès plus « généreux » a été consenti par
le législateur au citoyen n’est pas pertinent puisque l’article 171 s’applique malgré
l’article 168 et que son premier paragraphe vise toutes les lois plus « généreuses »
et non pas seulement les lois antérieures à la Loi sur l’accès.
DÉCISION
Selon la preuve, la demanderesse et l’organisme reconnaissent que les
renseignements contenus au document en litige concernent la présence d’un
contaminant dans l’environnement et sont donc de la nature de ceux visés par
l’article 118.4 de la LQE.
Les mis en cause et l’organisme fonde leur droit à la communication de ces
renseignements sur cet article 118.4 de la LQE :
118.4. Toute personne a le droit d’obtenir
du ministère de l’Environnement copie de
tout renseignement disponible concernant
la quantité, la qualité ou la concentration
des contaminants émis, dégagés, rejetés ou
déposés par une source de contamination
ou,
concernant
la
présence
d’un
contaminant dans l’environnement.
Le présent article s’applique sous
réserve des restrictions au droit d’accès
prévues à l’article 28 de la Loi sur l’accès
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-6aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements
personnels (chapitre A-2.1).
La demanderesse base son droit au refus de les communiquer sur l’article 23 de la
Loi sur l’accès :
23. Un
organisme
public
ne
peut
communiquer le secret industriel d'un tiers
ou un renseignement industriel, financier,
commercial, scientifique, technique ou
syndical de nature confidentielle fourni par
un tiers et habituellement traité par un tiers
de
façon
confidentielle,
sans
son
consentement.
Le droit d’accès conféré par l’article 118.4 LQE est contraire au droit de protection
conféré par l’article 23 de la Loi sur l’accès. C’est pourquoi la demanderesse se croit
fondée d’invoquer l’article 168 de la Loi sur l’accès pour faire prévaloir son droit de
protection sur le droit d’accès des mis en cause, puisque ce dernier droit est né
postérieurement au sien, sans que le sien n’ait été mis de côté expressément en
faveur du droit d’accès nouvellement conféré :
168. Les dispositions de la présente loi
prévalent sur celles d'une loi générale ou
spéciale postérieure qui leur seraient
contraires, à moins que cette dernière loi
n'énonce expressément s'appliquer malgré
la présente loi.
Cette argumentation se défendrait si le paragraphe 1° de l’article 171 de la Loi sur
l'accès ne venait affirmer clairement que le droit d’accès conféré par une loi,
ancienne ou nouvelle, ne peut être restreint par l’une ou l’autre des dispositions de la
Loi sur l’accès, sauf par celles relatives à la protection des renseignements
personnels, et ce, malgré le caractère de prépondérance résultant de l’application de
son article 168 :
171. Malgré les articles 168 et 169, la
présente loi n'a pas pour effet de
restreindre :
1o l'exercice du droit d'accès d'une
personne à un document résultant de
l'application d'une autre loi ou d'une
pratique établie avant le ler octobre 1982, à
moins que l'exercice de ce droit ne porte
atteinte à la protection des renseignements
personnels;
2o la protection des renseignements personnels ni l'exercice du droit
d'accès d'une personne à un renseignement
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-7nominatif la concernant, résultant de
l'application d'une autre loi ou d'une
pratique établie avant le ler octobre 1982;
3o la communication de documents
ou de renseignements exigés par le
Protecteur du citoyen ou par assignation,
mandat ou ordonnance d'une personne ou
d'un organisme ayant le pouvoir de
contraindre à leur communication.
En édictant le paragraphe 1° de l’article 171 de la Loi sur l'accès, le législateur a
voulu que la Loi sur l’accès constitue réellement, dans le paysage législatif du
Québec, un minimum garanti d’accès pour le citoyen, soumis à une seule restriction,
dans tous les cas : celle de ne pas porter atteinte à la protection des renseignements
personnels.
L’article 23 de la Loi sur l’accès est une restriction au droit d’accès conféré par
l’article 118.4 de la LQE que le paragraphe 1° de l’article 171 de la Loi sur l'accès
interdit à la demanderesse d’invoquer. L’examen de ses conditions d’application est
donc inutile.
La décision de l’organisme de donner accès au document en litige aux mis en cause
est fondée.
POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission
REJETTE la demande de révision.
Québec, le 9 août 2002
DIANE BOISSINOT
Commissaire
Avocat de l'organisme :
Me Jean-Sébastien Gobeil-Desmeules
Avocat de la demanderesse :
Me Jean Piette
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Avocat des mis en cause :
Me Richard Généreux
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