M. Dominique de Legge
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M. Dominique de Legge
Conférences introductives M. Dominique de Legge Délégué interministériel à la Famille Monsieur le président, mesdames, messieurs, si le ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, monsieur Xavier Bertrand, m’a demandé de le représenter aujourd’hui, c’est tout à la fois parce que l’actualité très dense ne lui permet pas de se joindre à vous, comme il l’aurait souhaité, cet après-midi, mais aussi parce que les missions et le rôle d’Enfance et Partage sont de toute première importance et, bien évidemment, intéressent en premier lieu notre ministère. En cette journée internationale des droits de l’enfant, vous avez choisi, pour souligner votre engagement, d’inscrire cette année vos discussions et vos études autour de l’éthique et de l’engagement collectif. Ces deux notions sont en effet au cœur de l’action en faveur de l’enfance, et c’est fort justement que vous en déclinerez les différents aspects lors de vos tables rondes. L’engagement collectif m’inspire deux réflexions. D’abord, chacun sait – les intervenants, les bénévoles, les professionnels de la protection de l’enfance – que l’on ne fait rien seul ou, tout au moins, qu’on le fait moins bien. Ensuite, chacun sait que chercher à fédérer les volontés et les énergies, mais aussi à discerner les bonnes pratiques, les expériences des uns et des autres, est une façon de constituer un patrimoine commun, une richesse collective. Il s’agit toujours d’un bien pour tous et d’abord pour les enfants et pour les familles. Aujourd’hui, éthique et engagement collectif passent assurément par une meilleure organisation de l’intervention des différents acteurs. Engagement collectif ne veut pas dire multiplicité des intervenants. L’engagement collectif n’est pas le synonyme d’une inflation des interventions, de successions d’actions auprès de l’enfant et de la famille. C’est même, j’ose le dire, tout le contraire, tant celles-ci peuvent soit se perdre dans les différents diagnostics soit, au pire, pour certaines, être tentées de manipuler les uns et les autres au profit de quelques calculs à court terme. Je ne vous apprends rien, à vous, qui êtes confrontés tous les jours aux réalités du terrain : l’éthique, en matière de protection de l’enfant, consiste par exemple à s’organiser pour que l’information préoccupante ne se perde pas au fil des aléas d’une situation familiale et des transferts de dossiers entre intervenants. Les informations préoccupantes doivent pouvoir être connues de chaque professionnel concerné par la situation d’un enfant et d’une famille. Organisation de l’action collective d’un côté et adaptation des pratiques aux exigences d’efficacité, de l’autre, auront encadré les réflexions préparatoires à la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance. Le dispositif de la protection de l’enfance, en France, devait être adapté. Alors que les familles évoluent, que les réalités auxquelles elles sont confron“ L’engagement collectif tées ont changé, passe désormais par que les enjeux des personnels, des le décloisonnement bénévoles sont de de l’information.” plus en plus complexes, le cadre législatif, lui, n’avait pas évolué depuis dix-huit ans. Son champ d’application se limitait, par exemple, aux enfants maltraités. C’était loin de couvrir l’ensemble des situations rencontrées par les familles et par les enfants, comme l’isolement ou l’éclatement de certaines familles. Il fallait adapter la loi, c’est ce qui a été fait. La procédure a été améliorée. La loi a clarifié par exemple le rôle des différents intervenants. En étant désigné sans ambiguïté chef de file de la protection de l’enfance, le Conseil général a vu sa mission renforcée ; il joue désormais clairement un rôle pivot. Ainsi doit-il mettre en place les outils d’aide à la décision alimentés par l’ensemble des intervenants de la protection de l’enfance. La cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations qui sera mise en place au sein de chaque département, est l’un de ces outils. L’engagement collectif passe désormais par le décloisonnement de l’information, tout en veillant, bien sûr, au respect des caractéristiques professionnelles liées au type d’intervention. Le partage d’informations relatives à une situation familiale est venu régler la délicate question du secret professionnel. Cette notion, telle que définie dans le Code de l’action sociale et de la famille, s’applique à tous les professionnels participant aux missions de l’aide sociale à l’enfance. Dans la pratique, le partage d’informations pertinentes pour la bonne compréhension de la situation familiale était courant. Cela posait une vraie question éthique : comment articuler l’obligation du secret avec la nécessaire transmission d’informations pour mener à bien l’action en faveur des personnes ? Aussi la solution du secret partagé est-elle venue concilier les deux objectifs légitimes que sont le respect de la personne et l’efficacité de l’intervention. Plus généralement, l’objectif du texte va dans le sens d’une assistance éducative adaptée à chaque famille, qui ne soit pas sans cesse remise en question et qui permette de limiter le recours à la justice aux seules situations qui l’imposent. Tout en reconnaissant et sauvegardant les spécificités de la justice des mineurs, la justice pourra concentrer désormais son action sur les cas les plus graves de maltraitance. Cette “ Il n’y a d’éthique et approche permet d’engagement collectif aux associations et qu’avec une valorisation aux professionnels du rôle des parents du travail social et de l’accompagnement dans les mesures social d’être égaled’assistance éducative.” ment confortés. Le principe de la subsidiarité ainsi affirmé fait primer l’approche préventive. Les dispositifs judiciaires ne doivent être convoqués qu’après épuisement des mesures administratives. Enfin, il n’y a d’éthique et d’engagement collectif qu’avec une valorisation du rôle des parents dans les mesures d’assistance éducative. C’est le cas notamment lorsque le père, la mère, d’autres personnes exerçant l’autorité parentale ou encore, le tuteur, sont préalablement informés, sauf, bien entendu, dans le cas où cette information nuirait à l’intérêt de l’enfant. Je terminerai en rappelant que l’État n’est pas absent, vous vous en doutez, du nouveau dispositif. Il reste garant de l’égalité d’accès des citoyens au dispositif social d’aide à l’enfance et responsable d’un certain nombre de compétences essentielles dans l’architecture globale de la protection de l’enfance en France. Je veux parler des services de la justice, de la police, de la médecine scolaire ou encore des structures de soins psychiatriques. Je voudrais conclure en me félicitant et en vous félicitant de cette initiative que vous prenez en ce jour symbolique et former des vœux pour que les travaux que vous allez maintenant engager soient porteurs de nombreux fruits. En ce qui nous concerne, au ministère de la Famille, nous serons particulièrement attentifs et intéressés aux conclusions que vous voudrez bien nous faire parvenir. Je vous remercie, bon travail maintenant. Monsieur Frédéric Amar ne pourra pas venir, pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure : il est auprès de son ministre et, comme vous l’avez compris, j’ai le privilège, moi, d’être près de vous, et je m’en réjouis.