Le paradoxe de François Hollande Bruno Le Roux Député de Seine
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Le paradoxe de François Hollande Bruno Le Roux Député de Seine
Le paradoxe de François Hollande Bruno Le Roux Député de Seine-Saint-Denis Président du Groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain. Je me souviens de la colère de Pierre Mauroy découvrant le tome un de Verbatim, ce récit clinique du premier septennat de François Mitterrand. Tonitruant, Pierre Mauroy dénonçait certaines approximations, réfutait certaines scènes et certains propos et récusait la démarche qui consistait à prétendre chroniquer l’histoire au moment même où elle se faisait. Tout allait trop vite déjà ! Aujourd’hui, les Verbatim de Jacques Attali, côtoient La décennie Mitterrand de Pierre Favier et Michel-Martin Rolland, les trois tomes de «C’était De Gaulle» d’Alain Peyrefitte et d’autres ouvrages de même nature, dans la tentation - toujours louable en définitive, qui peut le contester ? - de livrer des matériaux pour l’histoire. C’est à cet exercice que le Président a souhaité consacrer un peu de son temps, choisissant pour ce faire deux journalistes parmi les moins complaisants. Résultat : en attendant de s’imposer comme un livre d’histoire politique, l’ouvrage de Gérard Davet et de Fabrice Lhomme s’est transformé en objet politique, suscitant trouble et malaise au sein de la majorité et jusqu’au premier cercle si l’on en croit les commentateurs. Je fais partie du premier cercle. Je suis un ami de François Hollande. Un ami depuis plus de vingt ans. Un ami politique - nous ne partageons ni vacances, ni weekend communs - aucune intimité. Entre nous, la distance est la bonne qui permet l’échange, la franchise et la complicité politique. Ce livre ? Je reste convaincu que la lecture qui s’en imposera dépendra au final du moment où nous choisirons de le relire. En attendant, je sais une chose : il y a plus de vingt ans, j’ai tout de suite su que les qualités de François Hollande seraient un jour utiles au pays, à la réforme et à la cause du progrès. C’est un homme qui porte en lui une véritable vision de l’avenir de la nation française, des évolutions nécessaires de la gauche et un véritable amour du pays. C’est un homme attentif. C’est un homme tenace. C’est un homme décidé, qui sait prendre les décisions qui s’imposent au moment où elles s’imposent. Bien loin de l’image 1 sans cesse renvoyée. Bien loin des commentaires les plus répandus sur son action. Et par exemple, cet art, qu’on lui reconnait pour la synthèse, pour mieux le dénoncer, n’est pas la marque d’un équilibriste mais d’un responsable – souvent le premier – qui ne cède jamais au rapport de force gratuit et cherche toujours la solution. C’est un homme intègre – il ne devrait pas être nécessaire de le mentionner mais dans une période où l’intégrité ne va pas toujours de soi, il est toujours préférable de le faire. C’est un homme qui entretient avec l’argent un rapport sain et distant. Malgré ces qualités que nous lui connaissons les uns et les autres, ce n’est pas le moindre des paradoxes de François Hollande : l’homme publique et politique qu’il est et qui dans l’exercice de ses fonctions a, de tout temps, entretenu avec la presse des rapports suivis et étroits, voit depuis toujours sa propre image lui échapper totalement. D’une certaine manière et en creux et en plein, le livre de Davet et Lhomme permet de poser un autre regard sur François Hollande et de contextualiser les propos et l’action du Président de la République. Au-delà des petites phrases François Mitterrand n’était pas avare de phrases assassines, De Gaulle pratiquait la sentence vacharde - François Hollande y apparait à la fois constant et déterminé, grave et impliqué, décidé et tenace, habité par le souci constant de l’unité du pays, y compris dans les pires moments qu’il a eu à affronter au cours de son quinquennat. Et surtout, soucieux d’expliquer le mécanisme de la décision. Son opportunité et sa pertinence. Résultat là encore : jamais, il n’aura dévié, quel qu’en fut le coût politique, de la ligne qu’il s’était fixée pour redresser le pays et faire en sorte que la France recouvre sa souveraineté économique. Davet et Lhomme l’établissent. Ils font même remonter ses convictions relatives à ce que l’on appelle la politique de l’offre à ses jeunes années de pigistes au Matin de Paris ! Jamais, il n’a renoncé à la place de la France dans le concert international et il a su, pas à pas, réimposer notre pays dans le paysage diplomatique à sa juste place. Sans esbroufe et sans faux semblants. Résultat : alors que dans le monde, le regard posé sur notre pays n’a pas toujours été des plus tendres, il est, lui, désormais, plébiscité par la majorité des chefs d’Etat de la planète. Et la voix de la France compte réellement. Il a aidé la Grèce et au final sauvé son maintien dans l’Union en lui apportant un soutien immédiat non seulement politique mais aussi technique et humain. Et je pourrais continuer. Alors même que le pays était attaqué, que Paris était meurtri, François Hollande a su être présent, au-delà même du danger, se plaçant au cœur de la douleur du pays et lui permettant ainsi de préserver et sa 2 dignité et son unité – qui n’en garde pas un souvenir ému ? Le Président a toujours été au rendez-vous de l’intérêt général. Le livre en tient la chronique sans faille. Une seule chose demeure, qui chagrine, y compris les auteurs d’ailleurs et ce n’est pas le moindre de leurs paradoxes, chacun le sien : un certain renoncement au sacré. Au florentin, au byzantin. Au monarchique. Avec François Hollande, il y a comme un parfum qui se dissipe, c’est vrai. Car au final, ce qui s’impose au terme de cette longue chronique est que François Hollande s’adresse à des citoyens. Toujours, il fait appel à leur intelligence et à leur raison. Il fait le pari de la maturité démocratique de notre pays. Il l’encourage. Dit autrement, François Hollande est le premier Président de la Vème République à revendiquer de n’être pas le grand Homme, le père la Nation, le prophète, mais d’être totalement et simplement un homme d’Etat, pleinement investi, qui exerce un mandat le plus honnêtement et le plus courageusement possible au service de l’intérêt général et des intérêts supérieurs du pays. Sans emphase. Sans convoquer matin et soir et Valmy et De Gaulle et Jaurès et Blum. Par sa pratique des institutions et sa conception de la fonction - «la présidence normale» n’était pas qu’une critique du quinquennat précédent - François Hollande aura voulu, dans le pays de la passion politique, séculariser et la politique et la gauche. Rendant peut-être cette dernière et le pays avec elle, orpheline du romantisme politique dans lequel elle baignait. Un sacrilège ou un progrès démocratique ? Les électeurs auront l’occasion de le dire. Bruno Le Roux 3