Le Président de la République récolte 83% d

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Le Président de la République récolte 83% d
Économie matin 7 novembre 2014
Jacques Bichot
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Le Président de la République récolte 83% d'opinions défavorables en
ce mois de novembre 2014.
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83 % Le Président de la République récolte 83% d'opinions défavorables en
ce mois de novembre 2014.
Une des premières phrases prononcées par le Président de la
République devant les caméras de TF1 ce soir du 6 novembre
2014 fut : « je me cramponne ». Cette formule résume bien
l'attitude qui a été la sienne sur ce plateau, comme elle l'a été à
l'Élysée depuis que les promesses mirifiques de la campagne
électorale et de la première année du quinquennat ont fait «
pschitt » comme des baudruches qui se dégonflent.
François Hollande n'avait certes pas la partie facile. Mais pourquoi avait-il choisi ce terrain
pour livrer bataille ? Une émission dont une partie était du type permanence électorale où l'élu
reçoit les plaintes de ses électeurs et essaye de les persuader qu'il fait tout pour les protéger
un verbe qu'il a désigné lui-même comme répondant le mieux à sa conception de la fonction
présidentielle. Une émission où, pour une autre part, l'homme politique joue le rôle du taureau
dans l'arène, face aux picadors qui testent ses défenses à coup de banderilles. Ne savait-il pas
que les Français aspirent à être gouvernés, à sentir qu'à la tête de l'État se trouve une
personnalité forte ayant une conception claire et lucide des problèmes et des solutions ? En
cédant à la mode de l'égalité, par rapport à quatre invités de la société civile et par rapport à
trois journalistes, il a commis la même erreur que Giscard allant partager le repas de Français
moyens : rabaisser la fonction présidentielle en mettant le chef au même niveau que les
citoyens ordinaires. Le commandant de bord en lequel on a confiance ne vient pas dans la
cabine discuter avec quelques passagers de l'itinéraire à suivre ; il leur annonce par interphone
dans quelles conditions se déroule le vol dont il assume l'entière responsabilité.
Ce pilote ne passe pas non plus son temps, comme l'a fait François Hollande, à dire : « moi,
j'ai fait ceci ; et je ferai encore cela ». Il indique le chemin parcouru, et celui qui reste à faire,
en précisant éventuellement les conditions météorologiques qui facilitent le vol ou au
contraire peuvent provoquer des secousses, voire des retards à l'arrivée. Notre Président, lui, a
passé son temps à essayer de nous faire croire qu'il décidait tout, depuis les aides aux
entreprises jusqu'aux modalités d'une nouvelle variante du service civil qui pourrait s'appeler
« service universel ». Comme un commandant de bord qui croirait rassurer ses passagers en
leur disant qu'il a lui-même contrôlé les réacteurs et inventé un nouveau modèle de train
d'atterrissage. L'impression qui en est résulté est celle d'un homme seul, sans équipe autour de
lui ; un homme manquant de confiance en lui à tel point qu'il essaye de se rassurer en
affirmant, pour se convaincre lui-même autant que pour convaincre les téléspectateurs, que
c'est lui qui tire toutes les ficelles de l'État.
Largement dominé par Thierry Demaizière, François Hollande a souvent répondu, en début
d'émission, comme un candidat impressionné lors d'un entretien d'embauche, essayant avec
assez peu de pouvoir de conviction d'expliquer pourquoi il est l'homme de la situation. « Je
suis moi-même », « je vais jusqu'au bout réformer mon pays, le rendre plus fort », « toute ma
vie j'ai montré que j'aimais les gens » : on avait l'impression d'une tentative pour se faire
passer pour un homme altruiste, bien dans sa peau, déterminé et compétent. Tentative presque
touchante, car on sentait l'homme chercher désespérément à donner de lui-même une bonne
impression, mais tentative nullement convaincante.
Le dialogue avec Joelle, chômeuse de 60 ans, qui aurait surtout voulu que Pôle emploi soit
plus efficace, fut surréaliste : le Président annonça qu'il va mettre en place un contrat pour les
personnes auxquelles il manque quelques trimestres d'assurance vieillesse de façon à ce
qu'elles exercent un emploi fortement subventionné jusqu'à ce qu'elles puissent liquider leur
pension au taux plein. Proposer de l'assistance à une personne semble-t-il vraiment désireuse
de gagner dignement sa vie, ce n'est certes pas cela qui redressera la France !
Karin, à la tête d'une entreprise familiale de 650 personnes, surclassa tellement le Président
que j'en vins à le plaindre. Posant le problème crucial de la machine à complexifier toujours
en fonctionnement, avec notamment la mise en place des comptes pénibilité et l'insécurité
juridique dans le domaine du droit du travail, elle n'eut droit qu'à de bonnes paroles sur le
choc de simplification. Passant aux difficultés en provenance de syndicats sans légitimité qui
se substituent à la négociation avec le personnel de l'entreprise, Karin obtint une réponse
incroyable : mais avec qui donc pourrai-je discuter, moi président, si je n'avais pas les
partenaires sociaux nationaux ? Là où était posée de façon concrète la question d'une
organisation plus conforme au principe de subsidiarité, François Hollande a répondu en
montrant qu'il était incapable de sortir de sa bulle élyséenne et de son centrage sur lui-même.
Hassan, qui essayait d'expliquer le manque d'efficacité de la formation universitaire qu'il avait
suivi dans l'idée de trouver un emploi, eut droit à la promesse que les « emplois d'avenir »,
comme on dit pour désigner des emplois fortement subventionnés qui sont rarement
pérennisés, seraient ouverts aux jeunes diplômés lorsque ceux-ci viendraient des quartiers
sensibles. L'assistance est visiblement pour François Hollande ce qu'était la saignée pour
Diafoirus : le remède universel « politiquement correct », bien qu'il ait surtout pour effet
d'affaiblir le malade.
Enfin Catherine, assistante maternelle tracassée par la disparition programmée du collège de
son petit bourg rural, eut droit à un triomphant « j'ai mis les moyens pour l'Éducation
nationale », ainsi qu'à un vibrant plaidoyer en faveur de l'enseignement numérique, qui
semble être un des sirops Typhon préférés du Président, capable de guérir la peste et le
choléra.
Lorsqu'Yves Calvi, attaquant bille en tête, émit des doutes sur la capacité de François
Hollande à gouverner, la réponse consista en un couplet pathétique : le président n'a cessé de
prendre toutes les décisions, il a décidé toutes les réformes et pris tous les risques pour
protéger les Français. Nous bénéficiâmes ensuite d'un superbe engagement : d'ici la fin du
quinquennat, pas un impôt en plus de ce qui a été d'ores et déjà décidé.
À la question de l'introduction d'une dose de proportionnelle il fut fait une réponse ambiguë :
d'une part le journaliste fut accusé de faire diversion en parlant de cela, et d'autre part le
Président affirma que l'engagement qu'il avait pris, il le tiendrait, comme toutes ses
promesses.
Jacques Bichot
Économiste

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