Flexible hop hop - Archives

Transcription

Flexible hop hop - Archives
En tournée dans le département de Loire-Atlantique
© Matthieu Guesné
© Jean-Julien Kreamer
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Entretien
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De
Mise en scène
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Lumières Philippe Berthomé
Scénographie et costumes Joëlle Bondil
Son Anita Praz
Avec
Serge Gaborieau Ouvrier Un
Bertrand Fournier Ouvrier Deux
Sandrine Monceau Denise
Valérie Kéruzoré Brigitte
François Macherey Patron Deux
Patrick Sueur Patron Un, Monsieur Le
Production
Le Théâtre Dû
En tournée dans le département de Loire-Atlantique
Spectacle présenté dans le cadre de l’opération « Collèges au théâtre en Loire-Atlantique »
Espace Cap Nort / Nort-sur-Erdre
Jeudi 12 novembre à 14h
Vendredi 13 novembre à 10h et 14h
Carré d’Argent / Pontchâteau
Jeudi 19 novembre à 10h et 14h
Vendredi 20 novembre à 14h et 20h30
Quartier Libre / Ancenis
Espace de Retz / Machecoul
Jeudi 3 décembre à 14h
Vendredi 4 décembre à 10h et 14h
Samedi 5 décembre à 20h30
Jeudi 10 décembre à 10h et 14h
Vendredi 11 décembre à 10h et 14h
Samedi 12 décembre à 20h30
: 1h10
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Maurice et André travaillent dans l’usine des frères Klang. Les machines ont été supprimées,
trop chères, trop de place. Alors nos deux hommes fabriquent des Klangs faits main !
Flexible hop hop ! est une comédie burlesque sur le monde du travail, l’usine, les gestes
répétés pendant toute une vie. La musicalité de la langue d’Emmanuel Darley, les rythmes
des personnages et la volonté de faire rire sur ce que ce monde peut avoir de violent ne
seront pas sans évoquer l’univers de Tati ou de Chaplin.
« Une des commandes de l'année 2005. C'est Patrick Sueur qui me la propose. Je l'ai
rencontré plusieurs fois, il a travaillé avec Laurent Gaudé (Combat de possédés), un moment
il a pensé monter Une Ombre.
La commande : une comédie.
J'ai depuis pas mal de temps envie d'écrire sur le travail, le monde du travail, le besoin de
travail mais aussi l'aliénation. J'ai dans mes carnets, quelque part, une petite chose notée,
vague dialogue, deux types effectuant une tâche absolument imbécile, un simulacre de
travail, simplement matérialisé par un bruit.
Note prise dans un car au Maroc, à la vision des petits métiers de là-bas, petits métiers
dérisoires de la rue. Je reprécise le bruit, cela devient KLANG !
Je suis l'actualité (l'horreur économique comme dirait l'autre), je vois les délocalisations, la
flexibilité tant rêvée par le patronat, j'entends de charmants responsables se gargariser de
mots, j'écoute le matin les chroniques économiques à la radio (merci Brigitte Jeanperrin).
Tout cela se mêle. C'est assez jouissif de transformer la rage, la colère en farce, faire rire de
ça. J'ai quelques souvenirs d'ANPE qui s'intègrent bien. Et puis le livre de François Bon,
Daewoo, qui nourrit bien. »
Emmanuel Darley
© Jean-Julien Kreamer
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Flexible hop hop !, une comédie sur le monde du travail et Être humain, un oratorio à
partir d'un fait divers, la prise d'otages d'une école maternelle à Neuilly en 1993, sont
réunis dans un même recueil. Deux facettes surprenantes d'Emmanuel Darley.
La rentrée d'Emmanuel Darley est très chargée. Une dizaine de compagnies monte ses
pièces cet automne. Rendez-vous est pris à Laval, jour de la première de Flexible, hop
hop ! par le Théâtre Dû. En parcourant son site internet, une rubrique " vague bio "
laisse présager qu'il est plutôt pudique. L'interview est chaleureux, entrecoupé de
silences, de phrases en suspens et de rires.
Sur votre site internet, vous écrivez : « Né à Paris en 1963. Circule d'abord beaucoup
derrière ses parents. Afrique, Lorraine, banlieue parisienne. Retour en 1977 dans la
capitale. Ensuite déménagements réguliers en son nom pour atterrir finalement
actuellement dans l'Aude. » Quel goût vous laissent tous ces voyages ?
Mon père travaillait dans la culture, nous avons déménagé suivant les postes occupés. Dans
l'enfance et l'adolescence, j'ai toujours eu l'impression de déménager. Je pense qu'on se
fabrique des enfances. Pendant longtemps, je me suis dit que la mienne n'avait pas été très
heureuse, ce qui est sans doute faux. J'étais plutôt solitaire, ce n'était pas toujours facile,
parce que je débarquais, je n'avais pas d'attache dans les lieux.
Très tôt, par le travail de votre père, vous êtes proche du monde du spectacle ?
C'est marrant, malgré cela, j'ai toujours tendance à dire que je n'avais pas une vraie culture
théâtrale. J'étais plutôt intéressé par la musique, le cinéma, la littérature. Mais comme mon
père travaillait dans ce domaine-là, j'aidais à ranger les chaises à la fin du spectacle, j'adorais
ça ou alors j'assistais aux répétitions, je restais avec celui qui réglait les lumières, ce sont des
choses sans doute bien ancrées.
Avant l'écriture, il y a d'abord eu la musique...
J'ai découvert le rock à peu près en 77, au moment de l'explosion punk. La musique constitue
un grand regret et une grande passion. Je n'ai pas autant persévéré dans ce domaine que
pour l'écriture. Mais ce désir premier a vraiment à voir avec ce que je pense de l'écriture, dans
l'idée d'utiliser une sorte de rage et de colère. Au départ, je pensais que la musique était le
moyen le plus spontané d'extérioriser cela. L'écriture c'est une autre façon de dire les choses
que je trouve maintenant plus intéressante, moins physique, moins bruyante et plus dans la
retenue.
Ensuite si nous reprenons la " vague bio ", vous écrivez lapidairement : « Études
courtes de cinéma puis vie professionnelle. Libraire quelques années. »
Mes études de cinéma ne durent pas très longtemps, car je ne suis pas très doué pour les
études. Jusqu'alors j'écrivais des textes courts, des chansons. Je me suis alors attaché à
n'écrire qu'une seule chose et à aller au bout. J'ai donc commencé Des petits garçons en
pensant à un scénario. Et c'est devenu un roman. Au bout d'un moment, j'ai eu besoin de
travailler financièrement. J'ai donc été libraire à Paris chez Tschann pendant pratiquement
quinze ans. À un moment j'étais quasiment responsable de la librairie. J'étais à deux doigts de
faire ça toute ma vie, je me suis arrêté juste à temps.
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Comment se passe la publication Des Petits Garçons, un premier roman hanté par la
folie, le meurtre, l'enfermement ?
J'ai commencé à écrire ce texte en 1987. J'ai mis beaucoup de temps à l'écrire. Puis à me
décider à l'envoyer à un éditeur, P.O.L. J'ai eu la réponse un an après avoir envoyé mon
manuscrit. J'avais renoncé à écrire entre temps, je m'étais dit, n'obtenant pas de réponse, que
mes écrits n'en valaient pas la peine.
Votre écriture est d'emblée très singulière, avec des trous, elle dispense au lecteur des
bribes sans qu'il sache où il se trouve : dans la réalité ? Dans la tête de quelqu'un ?
Est-ce une manière de nous obliger à remplir des vides ?
Au départ pour Des petits garçons et Un gâchis, c'est vraiment inconscient. Ensuite l'écriture
de théâtre m'a précisé là-dedans. Tout de suite, j'étais en réaction contre le bavardage, les
descriptions, j'avais envie d'être beaucoup plus brut, de rechercher la simplicité. Et de ne pas
situer les choses, ni géographiquement, ni temporellement. Ce qui m'intéresse c'est d'arriver à
reproduire ce qu'on fait chaque jour, entre ce qu'on dit à voix haute aux gens et ce qu'on
pense intérieurement, j'essaie de mettre tout ça en même temps, comme c'est réellement.
Évidemment, ça peut paraître confus.
Votre deuxième roman, Un gâchis, vous l'écrivez en restant libraire ?
J'aimais bien travailler en librairie. Puis l'écriture a pris de plus en plus de place, j'ai dû faire
un choix. J'ai arrêté de travailler en librairie en 1999. Autrement j'aurais continué à n'écrire
qu'un seul livre à la fois, sur plusieurs années. Un gâchis je mets quatre, cinq ans à l'écrire.
Avec plusieurs versions différentes que je propose à P.O.L qui les refuse. La première fois, j'ai
réécrit, je pense qu'il avait raison, le résultat n'était pas terrible, j'ai retravaillé pour aboutir à la
version qui maintenant est publiée. Et il l'a refusée de nouveau. Donc, soit je jetais mon
manuscrit et j'arrêtais l'écriture, mais j'avais évolué entre temps, je suis donc allé voir Verdier
qui a dit oui de suite.
Comment est reçu Un gâchis ?
C'est assez violent. C'est un texte qui a été assez dur à défendre. (Le texte évoque l'errance
d'un homme qui se termine par le meurtre d'un enfant, ndlr).
Votre écriture peut être
compliment?
Oui, c'est un compliment.
perçue
comme
miraculeusement
gênante,
c'est
un
Vous cherchez à déranger ?
Pas forcément. Mais je préfère ça qu'être lisse et insignifiant.
Après vos deux premiers romans, deux pièces de théâtre, Badier Grégoire et Une
ombre, qui semblent faire partie d'un même cycle explorant une violence faite à
l'enfance, une même incomplétude et difficulté à être.
Tous ces textes-là sont plus ou moins autobiographiques. Je voulais dire des choses de moi
et j'ai trouvé pour le faire des moyens de fiction. Pour Un gâchis, je me suis intéressé à un fait
divers, un meurtre d'enfant. Derrière ça, il y a plein de questions sur la solitude, l'identité, le
renoncement. C'est un cycle. Les choses circulent entre les textes. C'est ce que j'aime
beaucoup. Ensuite, j'ai eu l'impression d'avoir fait le tour de cela, je suis passé à autre chose.
Comment fabriquez-vous vos histoires, que gardez-vous d'un fait divers par exemple ?
Pour Une ombre, le point de départ est venu d'une vision dans une rue à Paris : un type
absolument immobile, contre un mur, qui avait l'air d'attendre depuis longtemps. Je l'ai vu le
matin et le soir, à la même place, dans la même position, ça m'avait très impressionné. J'ai
toujours été fasciné par les gens dans la marge. À cette image, j'ai mêlé un fait divers que
j'avais récolté dix ans auparavant d'un type assez âgé qui avait vécu pendant six mois avec
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sa soeur morte. Puis il y a beaucoup de choses des textes d'avant, l'errance, le fait de
marcher, et en même temps il y a déjà les prémices de Pas bouger.
De quelle manière prenez-vous de la distance par rapport au fait divers ?
En imaginant une existence, des pensées, des sentiments à des personnes qui sont
dépeintes soit par un acte violent soit par une image qu'elles renvoient d'elles-mêmes.
J'essaie de voir ce qu'il y a derrière.
Dans un texte écrit sur votre grand-mère peintre, vous dites : " Qu'est-ce qui inspire et
qu'est-ce qui hante ? " Cette question a-t-elle une réponse ?
Tout ça est très inconscient. Quand je relis maintenant mes premiers textes avec beaucoup
de distance, c'est intéressant car je vois ce qui vient vraiment de moi, ce qui est pioché dans
des articles, ce qui est inventé, c'est une espèce de mélange. Il y a des fois où les choses qui
hantent ne se retrouvent pas dans l'écriture, pas encore en tout cas, ça avance quoi...
Avec Pas bouger, vous parlez de la naissance de votre écriture théâtrale.
C'est un drôle de moment. Badier Grégoire et Une ombre, je pense toujours que ce n'est pas
réellement du théâtre, c'est une forme plus dialoguée, mais il n'y a pas encore une langue
différente. Je rencontre Jean-Marc Bourg (de la Compagnie Labyrinthes, à Montpellier, ndlr).
Dans un laboratoire, il avait demandé à six scénographes de proposer une maquette de
décors à partir desquelles six dramaturges devaient écrire. Je pars d'une proposition assez
abstraite de Christiane Hugel, comme un casse-tête, avec des petits bouts de bois verts,
alignés, un seul est rose, et de l'autre côté, un petit personnage comme un soldat de plomb
sauf que c'est un cycliste. J'aime bien ça, car quand j'étais petit à l'école, on jouait au Tour de
France. Donc ça me plaît beaucoup et il se passe quelque chose ce jour-là, je ne sais pas
très bien quoi, j'écris Pas bouger en pratiquement une journée, dans une espèce de frénésie
incroyable, je ne m'arrête même pas pour manger ni rien...Trois jours après, une lecture est
faite par Jean-Marc Bourg et Alex Selmane, dans les rôles qu'ils auront par la suite. À la
lecture, tous les gens présents rigolent et ça, c'est incroyable, parce qu'en fait jusqu'à présent
j'ai écrit des textes sinistres alors que je suis plutôt un type rigolo. (rires)
C'est à ce moment-là que vous débutez un travail sur la langue comme un travail de
partition ?
L'envie est venue de là de travailler vraiment la langue, les sonorités, la ponctuation. Je me
met à écrire, non pas à voix haute, mais à l'oreille interne on va dire. Quand j'écris, j'ai un
rythme de phrase auquel je me tiens. C'est comme une contrainte poétique d'un nombre de
pieds, sauf que c'est moins mathématique et contraignant.
De fait, votre écriture donne l'impression d'avoir énormément bougé.
Au début l'écriture c'était très instinctif, physique, comme un besoin et puis petit à petit, je suis
allé voir du côté de la grammaire, de la conjugaison. Apprendre à construire, à travailler la
langue, la façon de raconter les choses. En prendre plus conscience.
Est-ce qu'il y a un style Emmanuel Darley ?
Après Pas bouger c'était difficile, en plus la pièce avait bien marché, j'ai écrit trois quatre
textes dans la même veine. J'ai changé ensuite avec Quelqu'un manque. Je ne pense pas
écrire toujours pareil, c'est sûr qu'il y a certaines choses qui se retrouvent, les élisions,
l'absence d'articles... Mais je suis attaché à différentes formes. Il y en a deux dans le théâtre.
Plutôt un côté comédie, qui joue vraiment sur la langue, le rythme, les sonorités, et un autre
du côté de Quelqu'un manque ou d'Etre humain, où la phrase est plus longue, où elle se
déroule sur le souffle. Après, il y a la langue des romans, c'est autre chose encore.
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Quand Jean-Marc Bourg parle de votre écriture, il détourne l'expression d'Aragon, les
mots des pauvres gens et la transforme en les pauvres mots des gens. Pour lui, vos
mots ont plusieurs goûts, et leur pauvreté les rénove.
J'aime beaucoup être attentif à ça, aux expressions, je trouve la langue très vivante dans la
bouche des gens et pas forcément chez les personnes les plus cultivées. Je m'intéresse
beaucoup aux gens, comment ils parlent dans les villages, les campagnes, les régions, les
cafés, les journaux. Je note beaucoup, des phrases, des expressions que je réutilise ou que
je détourne. J'ai toujours un carnet dans la poche arrière de mon pantalon, mon carnet de
poche fessière. Dedans, il y a un mélange incroyable, des numéros de téléphone, la liste des
courses à faire, mais en même temps des choses entendues, des noms de rue, de gens, des
expressions, des titres... Certaines notes, je les réutilise tout de suite. D'autres ne serviront
peut-être jamais ou dans très longtemps. Régulièrement, quand je suis dans le flou, je revisite
les carnets d'avant et je retrouve des idées de forme ou de sujets à traiter.
De fait, il se dégage toujours beaucoup d'humanité dans vos textes.
Je suis toujours partagé entre on pourrait dire, moi individu qui ai tendance à détester
l'humanité (rires), et en même temps j'ai toujours une grande tendresse pour les gens. J'aime
bien les regarder. Il y a plein de petites choses comme ça, même parfois sinistres, des petits
gestes de quelqu'un tout seul dans son coin, j'aime bien ça, on se sent vivant.
Les deux nouvelles pièces qui viennent de paraître, Être humain et Flexible hop hop !
amorcent un autre cycle par rapport à vos précédents textes.
Le point de départ de ce changement, c'est Quelqu'un manque (le texte va être édité
prochainement aux Éditions Espaces 34, ndlr), l'un des rares textes pour le théâtre écrit sans
commande. C'est venu à un moment où je sentais que je pouvais m'enfermer dans la langue
de Pas bouger. J'avais envie de parler de la maladie, de l'agonie, de trouver une légèreté
pour dire ça et d'aller plus loin dans le fait de ne pas savoir où et quand ça se passe, de faire
parler des personnages alors qu'ils sont morts. Comme pour Être humain.
Être humain questionne la prise d'otages par cet homme qui se faisait appeler H.B., les
deux mêmes initiales de Human Bomb, bombe humaine et Human Being, être humain.
En vous passant commande de ce texte, Jean-Marc Bourg a vu juste, sur ce
questionnement qui vous est proche, autour de l'humanité d'un être dont il ne reste
plus que des initiales et qui choisit de mourir dans une école maternelle, le lieu de
l'enfance.
Quand Jean-Marc Bourg m'a demandé d'écrire sur ce fait divers, le souvenir de cet
événement était très vivace pour moi. Je crois qu'il avait envie d'un texte assez politique. Et
j'ai vraiment cherché ailleurs, vers ce qui se passe dans la tête de cet homme à ce momentlà, qu'est-ce qui fait qu'il est venu là, quelque chose de l'ordre de l'intime. Que pense un
homme qui sait très bien qu'il est déjà mort ?
Les morts prennent souvent la parole dans votre œuvre ?
Pour moi, ils sont toujours là, même si c'est dans le souvenir des autres et la petite chose
qu'ils n'ont pas eu le temps de dire, ils peuvent la dire une dernière fois.
Comment avez-vous travaillé Être humain avec J.-M. Bourg ?
Il m'a fait la proposition du sujet. Ensuite j'ai écrit plusieurs versions. La plupart ont été de
mon fait. Puis tout un travail de réécriture est venu du plateau, de manière très précise, par
rapport à la langue, au rythme de l'écriture, pour aller à l'essentiel de ce que je veux dire. Ce
travail de précision, Jean-Marc Bourg le fait très bien. Pour moi, le texte de théâtre, c'est un
matériau. Il peut bouger, il est prêt à recevoir les propositions des autres, je ne suis pas figé,
même si je ne transige pas à certains endroits.
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Vous inventez dans Être humain, des espaces de représentation en rupture, des flashback, mais aussi des séquences qui sont peut-être seulement rêvées.
C'est comme si les personnages faisaient leur mise en scène. C'est souvent présent dans ce
que j'écris, c'est très enfantin, on fait semblant de, on joue à si on disait qu'on était ailleurs.
Flexible hop hop ! est une farce sur le monde du travail, très efficace. Vous avez
retrouvé la jubilation de faire rire sur un sujet d'actualité ?
Flexible hop hop ! est né d'une commande de Patrick Sueur. J'avais comme consigne d'écrire
une comédie pour un nombre précis d'acteurs. J'ai amené l'idée du travail (dans la pièce, il
s'agit de fabriquer des klang faits main, les employés doivent donc dire klang en cadence,
ndlr). Le point de départ de Flexible, hop hop !, c'est des phrases que j'ai entendues dans la
bouche de ministres et qui sont totalement vides, comme cette expression de Jean-Louis
Borloo : l'ascenseur social. Ces discours de ministres ou de responsables du patronat me
mettent vraiment en colère. Et c'est jouissif de transformer la rage en colère.
Dans vos derniers textes, le rapport au monde s'affirme de plus en plus.
C'est sans doute vrai. Pendant longtemps j'ai eu l'envie de ne pas raconter l'époque, de faire
quelque chose qui soit hors du temps, hors d'un lieu précis. Une première commande C'était
mieux avant (une farce politique, ndlr) m'a fait beaucoup avancer. J'ai commencé à avoir
envie de parler de choses bien réelles, de notre époque, sur la politique, le travail. Je suis
parti d'un endroit où je parlais de moi et petit à petit c'est plus tourné vers les autres.
Dans vos textes, il y a un mélange d'extrême pudeur et d'extrême violence, c'est un
grand écart difficile à tenir, comment ça se passe ?
Je ne sais pas. Tout ça est très violent de toute façon, même la pudeur, c'est violent, je crois.
C'est une violence contenue.
Cette violence-là reste toujours aussi présente ?
Oui ça va (rires)... Maintenant je trouve des formes différentes en écrivant pour le théâtre, en
travaillant sur l'idée de la comédie, mais le moteur reste un mélange de colère, de violence et
de rage. C'est ça le vrai moteur dans l'écriture.
Propos recueillis par Laurence Cazeau
Le Matricule des Anges, août 2009
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« Parler du monde du travail aujourd’hui, discussions avec Emmanuel Darley et puis idée du
travail à la chaîne – l’usine – vies toutes entières autour d’un geste.
J’ai toujours regardé ça, ces gestes-là, depuis tout petit – les costumes, les bleus de travail.
Trouver ce qui peut prêter à rire – le rire pour évoquer la violence de ce monde-là, le
désastre. Les ouvriers, les patrons, comment les raconter. Ce qui est proposé comme
nouvelles figures du travail, cette grande farce des formations et reclassements !!
La simplicité de la langue, son rythme, son évidente physicalité.
Travailler à une mécanique, une gestuelle – un travail très précis sur les différentes
caractéristiques physiques des personnages.
Rendre compte du dire, du souffle, du rythme qui finissent par induire une sorte de
chorégraphie liée aux mouvements de l’écriture (le bref, le long, le haché, le ponctué…).
Explorer les caractéristiques des personnages, donc leurs possibles actions dansées et
chorégraphiées, indissociables de leurs rôles dans « le travail ».
Quelle que soit leur place dans cet univers, des comportements émergent, des états
corporels et émotionnels se précisent, se transforment, ponctuent au gré des histoires de
vies, de relations, de corps…
Se servir des ressorts inhérents à la comédie pour bâtir. Osciller entre la dérision, le décalé,
le loufoque et le réalisme d’une situation.
Une scénographie dépouillée permet une circulation d’acteurs imaginée comme un souffle,
une partition musicale, laissant place à des propositions de dynamiques dans les
trajectoires, des déplacements qui suggèrent, sculptent et racontent l’espace, le temps. »
Patrick Sueur et Paule Groleau
© Jean-Julien Kreamer
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Emmanuel Darley est un écrivain et dramaturge
français né le 30 décembre 1963 à Paris.
Enfant, Emmanuel Darley voyage dans le sillage de
ses parents : premières années au Togo, puis deux
ans en Lorraine avant de revenir en région
parisienne. De retour à Paris, il suit d'abord des
études de cinéma à l'université Paris-3 avant de
travailler plusieurs années en librairie. Par la suite, il
s'installe dans l'Aude. Il continue de voyager, en
Afrique de nouveau (retour au Togo, plus tard au
Mali), en Asie un peu (passages au Japon, au
Vietnam), en Europe enfin, sur des lieux de conflits, à
Sarajevo, ou de tensions, à Lampedusa.
© Bruno Nuttens Actes Sud
Il publie pour commencer deux romans : Des petits garçons (éditions POL, 1993) puis Un
gâchis (éditions Verdier, 1997). Après cette entrée dans le domaine romanesque, c'est la
rencontre avec le théâtre, avec des compagnies, avec des metteurs en scène, des acteurs
comme avec d'autres auteurs. Il va alors se consacrer largement à l'écriture dramatique.
Certaines de ces pièces seront lues, d'autres mises en espace, éditées, d'autres enfin
jouées. Pas bouger, créée en 2001 par la compagnie Labyrinthes à Montpellier, a été
traduite en plusieurs langues et largement représentée en France comme à l'étranger.
Il revient au roman en 2003 avec Un des malheurs (éditions Verdier), prix Charles Brisset,
puis en 2007 avec Le Bonheur (éditions Actes Sud). Ces deux derniers textes, tout en
revenant à une forme romanesque, prolongent en une large part sa démarche théâtrale. Ce
sont des œuvres polyphoniques, donnant à entendre les voix de nombreux personnages
placés hors d'un schéma narratif classique : voix des combattants ou des assiégés, des
vivants et des morts dans Un des malheurs, roman autour de la guerre ; voix d'immigrés,
voix de migrants en fuite, de passeurs, ou de ceux restés au pays dans Le Bonheur, roman
du déracinement.
Il écrit Flexible hop hop ! en 2005, sur une commande de Patrick Sueur.
Il poursuit son activité théâtrale en 2007-2008 avec Bonheur ?, texte écrit pour la mise en
scène d'Andrès Lima à la Comédie-Française (mars-avril 2008 au Théâtre du VieuxColombier).
Depuis 1999, Emmanuel Darley anime des ateliers d'écriture. Il participe également à divers
projets initiés par des villes autour de la mémoire des quartiers, en collaboration notamment
avec le photographe Jean-Claude Martinez.
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Ses œuvres
Romans
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Des petits garçons, POL, 1993.
Un Gâchis, Verdier, 1997.
Un des malheurs, Verdier, 2003.
Le Bonheur, Actes Sud, 2007.
Théâtre
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Badier Grégoire, Théâtre ouvert, 1998.
Pas bouger, suivi de Qui va là ?, Actes Sud-papiers, 2002.
Une ombre, monologue, Théâtre ouvert, 2000.
Indigents, Actes Sud-papiers, 2001.
Souterrains, Théâtre ouvert, 2001.
Soldat Cheval, in Kaboul, ouvrage collectif, Espace 34, 2003.
Tous autant que vous êtes…, in Monologues pour…, ouvrage collectif, Espace 34,
2003.
C'était mieux avant, Actes Sud-papiers, 2005.
Flexible hop hop ! suivi de Être humain, Actes Sud-papiers, 2005.
Quelqu'un manque, Espace 34, 2005.
Le Mardi à Monoprix suivi de Auteurs vivants, Actes Sud-papiers, 2009.
Jeune public
•
•
•
Plus d'école, École des loisirs, 2002.
Là-haut la lune, École des loisisrs, 2003.
Les Cinq Doigts de la main, ouvrage collectif, Actes Sud-papiers, 2006.
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Paule Groleau
Formée aux techniques de danse de Peter Goss, de Merce Cunningham et de Karin
Waehner, elle poursuit son rôle d’interprète dans la compagnie Point Virgule. Depuis 2001,
elle met son expérience de danseuse au service des mises en scène, d’écritures
contemporaines et des comédiens : développer la conscience du mouvement et approfondir
les multitudes possibilités de l’acteur, jouer entre chorégraphier les corps dans un espace
théâtralisé et ajuster la qualité du geste, répondre à la musicalité d’un texte, donner de
l’image aux mots…
Patrick Sueur
Après une formation au conservatoire national supérieur d’art dramatique, il privilégie un
parcours en compagnie. Patrick Sueur développe un travail en collaboration avec Paule
Groleau mettant en relation la parole, le mouvement et l’univers sonore autour d’un
répertoire de textes contemporains questionnant les rapports de l’individu au collectif.
Patrick sueur a joué…
au théâtre, dans
Abel et Bela de R. Pinget mis en scène par Marie-Pierre Horn
La Mission de H. Muller mis en scène par E. Disdier
Salinger de B. M. Koltès mis en scène par K. Abdelli
Les Joueurs de N. Gogol mis en scène par R. Chéneaux
Les Emigrés de S. Mrozek mis en scène par K. Abdelli
Fort Gambo de M. Redonnet mis en scène par B. Sultan
au cinéma, dans
Un vrai bonheur - réalisation D. Caron
Franck Spadone - réalisation R. Bean
L'Extraterrestre - réalisation D. Bourdon
Voyage à Paris - réalisation M.H. Dufresne
Droit dans le mur - réalisation P. Richard
à la télévision, dans
Navarro - réalisation J.M. Seban
Maternité - réalisation A. Selignac
Cordier juge et flic - réalisation J.M.Seban
Crime en série - réalisation P. Dewölf
Blagues à part - réalisation P. Chaumeil
Commissaire Moulin - réalisation Y. Rénier
P.J. - réalisation G.Verges
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Le Théâtre Dû est implanté à Mayenne (53). Il est soutenu par la Ville de Mayenne, le
Conseil régional des Pays de la Loire et le Conseil général de la Mayenne. Il concilie
un travail de création avec une démarche de sensibilisation du public au théâtre
contemporain. La compagnie évolue au croisement du théâtre et de la danse où
l’apport chorégraphique s’évalue au même titre que l’acte théâtral.
« On fonde une compagnie pour développer un langage, celui du plateau de théâtre. Celui-ci,
en ce qui me concerne, se structure autour de la langue d’un écrivain. De la langue nous
faisons forme : forme des corps, forme de l’espace, forme du temps théâtral. Je tente de
mettre l’espace théâtral en résonance avec les mots employés, d’adapter la forme du
spectacle, de l’objet théâtral, au souffle d’un auteur, partant du postulat que tout écrivain
réinvente une forme, que l’idée même de représentation est à réinterroger à chaque texte. »
Patrick Sueur
© Jean-Julien Kreamer
Les créations de la compagnie
2009 La Mastication des morts de Patrick Kermann
2007 Cendres sur les mains de Laurent Gaudé
2005 Flexible hop hop ! d'Emmanuel Darley
2003 Combats de possédés de Laurent Gaudé
2001 Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès
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Deux : Je fais quoi ?
Un : Ben, tu me suis. Tu m'accompagnes, quoi. Tu complètes. Je fais klang ! et toi, une
deux, tu comptes une deux, et klang ! Pareil.
Deux : D'accord. Une, deux. Klang.
Un : Ouais ouais. Une deux. Mais bon, pas klang, klang, non. Klang !
Deux : Ah oui, d'accord. Energique.
Un : Enlevé même.
Deux : Compris. Klang !
Un : Voilà.
Un temps.
Un : Attention !
Une sonnerie.
Un : Klang !
Deux : Klang.
Un : Ah mais non. Pas de suite. T'as compté, un deux ? C'est pas vrai, ça !
Deux: Je me concentre.
Un : Klang !
Deux : (…) Klang !
Un : Ouais ! C'est bon, ça ! Très bon. Bien en rythme. Klang !
Deux : (…) Klang !
Un : Une belle équipe, on va faire nous deux. Klang !
Deux : (…) Klang !
[...]
15
B : Bon alors. Quelles sont vos compétences ? Il faut que l'on fasse le tour de vos
compétences. Vous en avez des compétences, non ? Parlez-moi un peu de votre parcours,
votre job parcours.
Un : J'ai commencé chez Interklang tout p'tiot.
B : D'accord. Je le note. Je le note, je le note. Je l'inscris dans votre dossier. Tout
informatique. Je tape, tiptiptip, et hop, c'est dans votre dossier. Dès aujourd'hui, vous avez
un dossier, là, dans mon ordinateur. C'est ainsi. Il vous faut en passer par là pour rebondir.
Construire l'avenir. Prendre l'ascenseur.
Un : Enfin, bon, au début, au départ quoi, quand j'étais p'tiot, c'était pas encore Interklang,
hein. C'était Klang et fils.
B : D'accord. D'accord. C'est une entreprise ?
Un : Ensuite, bon, le père Klang passé, c'est changé, devenu Klang frères. Les deux frères
Klang, quoi. Maurice et André.
B : D'accord. Bon. Je le note. On fait le point, hein, sur vos compétences. Klang, là, c'est une
entreprise ? Une entreprise de ?
Un : Et puis après, y a des autres là, un groupe de concurrence qu'ont pris les parts.
B : Les parts, d'accord. Je le note.
Un : Le camembert, là, vous voyez ? Les parts égales quoi, enfin, les trucs avec les couleurs
et les pour cent.
B : Oui. Bien sûr, oui. Mais, vos compétences alors ?
Un : Et donc, l'ont transformé en Interklang tel que c'est aujourd'hui encore. C'est un
holdingue me semble.
B : Bien.
[…]
16
!
#
« L'écriture parfaitement rythmée du texte d'Emmanuel Darley évoque les usines fermées en
catimini, les salaires de misère, sur un ton rappelant Charlot des Temps modernes et l'univers
décalé de Jacques Tati. Pas facile de faire rire sur les ravages de la mondialisation et le
travail à la chaîne. Le dynamisme de la mise en scène, les personnages et les situations de
cette fable caustique, ainsi que le jeu subtil et énergique des comédiens y parviennent
parfaitement. »
Ouest France - 2006
« [...] Interprétée par des superbes comédiens, cette pièce mêle habilement écriture originale
et humour absurde sur fond de réalité sociale »
Eclaireur – 2005
« Flexible hop hop ! comédie sur le thème du travail est servie avec le savoir-faire habituel
d'une équipe rompue à l'efficacité et à la délicatesse. Travail finement ciselé où le mot, le son,
se donnent la réplique, jouent, dansent, s'épanouissent comme pour honorer la richesse et la
diversité des techniques théâtrales et donner à l'écriture d'Emmanuel Darley une ampleur
maximale. Le plaisir est total. Il y a du sens : la flexibilité est bien évidemment un sujet très
actuel qui ne laisse personne insensible. Il y a des sens : le regard, l'oreille sont constamment
sollicités pour nous immerger dans une atmosphère décalée et absurde, comme pour nous
plonger dans un ailleurs lointain, aux antipodes de notre quotidien. D'ailleurs, qui se
permettrait aujourd'hui de rire de cette réalité économique aussi implacable et cruelle ? Avec
un humour bien dosé, grinçant comme il faut, on rit sans être dupe, on sourit aux arguments
du patronat, on pouffe sans s'esclaffer aux chansons qui résonnent comme des hymnes
révolutionnaires. Le Théâtre Dû nous offre une fois de plus un théâtre intelligent et sensible,
un de ces moments scéniques qui pourraient bien donner envie d'y revenir encore… »
Ouest France - 2007
« Lucien Attoun a voulu cette saison laisser son bien nommé Théâtre Ouvert à la disposition
d'Emmanuel Darley [...]. Mises en voix, rencontres, et enfin représentation d'un spectacle
enthousiasmant [...] Darley revient aujourd’hui à Théâtre Ouvert avec une pièce tout à fait
passionnante. [...] La scénographie dépouillée de Joelle Bondil permet une grande fluidité
dans les déplacements des personnages. Certaines scènes ont été conçues comme de
véritables chorégraphies. Les effets de lumière de Philippe Berthomé contribuent également,
en dehors de la fonction traditionnelle qui consiste à créer des atmosphères, à donner un
rythme soutenu à la pièce. En ce qui concerne la distribution (celle-ci) est excellente. A
relever la prestation de Valérie Kéruzoré, qui est remarquable en cadre de l'ANPE dont la
tâche principale est de relayer le discours patronal auprès des demandeurs d'emploi. Et celle
aussi de Patrick Sueur, qui interprète un des deux patrons et un homme politique à la fois
terrifiant et ridicule. Au total, cette petite comédie est l'un des spectacles les plus intéressants
de la saison qui s'achève. »
Revue Europe - 2007
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Dossier réalisé à partir des documents fournis par
le Théâtre dû
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