RELATION D`ADJONCTION - University of Macau Institutional

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RELATION D`ADJONCTION - University of Macau Institutional
RELATION D’ADJONCTION
HONG KONG ET MACAO
UNE SOUVERAINETÉ, DEUX SYSTÈMES SOCIAUX,
TROIS TRADITIONS JURIDIQUES : LE DEGRÉ ÉLEVÉ
D’AUTONOMIE DES RÉGIONS ADMINISTRATIVES
SPÉCIALES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Jorge A. F. GODINHO
Maître de conférences de Droit public, Université de Macao
Cet article résume les caractéristiques essentielles des solutions trouvées et
pratiquées à Hong Kong (HK) depuis 1997 et à Macao depuis 1999 et valables
pendant 50 ans, jusqu’en 2047 et 2049. Ces deux Régions administratives spéciales
(RAS) présentent de nombreux points communs. HK et Macao n’étaient pas et ne
seront pas des États indépendants. Elles font partie de la République populaire de
Chine (RPC). Cependant, elles ne constituent pas des sociétés purement chinoises,
loin de là ; elles sont très occidentalisées (sous l’influence européenne) et multiculturels. Chacune a une identité régionale spécifique, résultat d’un long mélange des
peuples et des cultures, dont les Macanais, un groupe ethnique eurasien, sont
l’expression humaine la plus claire.
Le mélange commença il y a cinq siècles. À partir du XIXe siècle, les deux
territoires étaient gouvernés comme des colonies. Après que le siège de Taiwan à
l’ONU passa de Taiwan à la RPC, en 1972, la RPC les fit rayer de la liste des
territoires dépendants, marquant son intention de réunification et de rejet de
l’indépendance. De 1974 à 1999 Macao était gouverné dans un cadre postcolonial.
Les deux territoires disposent actuellement d’une formule constitutionnelle spécifique d’autonomie qui prévoit plusieurs liens essentiels à la souveraineté chinoise.
Du fait de leur statut spécial et de leur petite taille, ces Régions connaissent
les mêmes problèmes que les petits États (villes ou micro-États) et les collectivités
sub-étatiques du Pacifique. Ainsi, par exemple, on trouve une absence de masse
critique juridique. Malgré les efforts importants de leurs communautés juridiques et
de leurs universités, leurs systèmes juridiques manquent d’élaboration doctrinale
dans tous les domaines. Dans de nombreux cas, Macao dépendra toujours de la
doctrine portugaise, comme HK (et Singapour, indépendant) continue à dépendre
des œuvres et de la jurisprudence anglaises. À Macao, c’est aussi vrai pour les
magistrats. Une absence de masse critique capable de soutenir la totalité des besoins
juridiques caractérise les petits systèmes juridiques. Macao et HK ont à apprendre
avec d’autres expériences régionales d’autonomie et de cadres sociaux mixtes. Peutêtre d’autres – outre Taiwan, pour qui la formule « un pays, deux systèmes » est un
terrain d’expérimentation – pourront en profiter en appréciant les avantages et les
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Destins des collectivités politiques d’Océanie
limites des solutions adoptées en RPC sur une façon particulière de structurer les
collectivités politiques sub-étatiques.
I.
Évolution historique
Macao a une histoire beaucoup plus longue, mais comme HK constituait un
modèle pour les solutions constitutionnelles trouvées, nous l’étudierons d’abord. Les
principaux événements sont brièvement résumés. Cette partie traite des événements
jusqu’à la rétrocession à la RPC. Les événements qui suivirent seront discutés dans
la IIIe partie.
A.
Hong Kong
L’île de HK fut cédée à perpétuité en 1842 par la Chine impériale (la
dynastie Qing) suite à la victoire anglaise dans la première guerre de l’opium. En
1860, on agrandit la possession pour y intégrer la péninsule de Kowloon, également
à perpétuité. Finalement, la grande région connue sous le nom de Nouveaux
Territoires fut donnée en bail emphytéotique en 1898 pour 99 ans.
HK fut occupé par le Japon en 1941. Après la guerre, la population augmenta
rapidement parce que les habitants fuyaient la guerre civile en Chine entre le
Kuomintang et le parti communiste qui reprit en 1946 pour finir avec la création de
la RPC en 1949 et le retrait du Kuomintang vers l’île de Taiwan (Formose). Pendant
les années 1950 et 1960, la RPC ne céda pas à la tentation de reprendre HK et
Macao par la force, surtout pendant la Révolution culturelle. Après la mort de Mao
Tse Tung en 1976 et la montée de Deng Xiaoping, qui devint chef suprême en 1978,
la Chine se lança dans une politique de réformes économiques qui déclencha un
développement économique extrêmement important, qui se poursuit à l’heure
actuelle.
En 1979, le Royaume-Uni souleva la question de HK auprès de Pékin afin de
clarifier les droits sur la terre nécessaires pour l’investissement. En 1982, Margaret
Thatcher conduisit des négociations sur HK avec Deng Xiaoping en vue de
renouveler le bail des Nouveaux Territoires. Il semblerait que la question fût
soulevée d’une manière qui irrita les dirigeants de Pékin, qui refusèrent de
renouveler le bail, dénoncèrent les traités du XIXe siècle comme étant des « traités
déséquilibrés » et réclamèrent le retour des terres. S’ensuivit une négociation
délicate, qui aboutit à la déclaration conjointe sino-britannique de 19841.
Le massacre de Tienammen le 4 juin 1989 eut des répercussions sur le
gouvernement britannique de HK. Le dernier gouverneur, Chris Patten (1992-1997),
mit en œuvre une série de réformes démocratiques, ce qui conduisit à diverses
confrontations diplomatiques avec la RPC, qui reporta en partie les réformes après la
rétrocession le 1er juillet 1997.
1
Voir Starr J., Understanding China. A Guide to China’s Economy, History, and Political Culture, New
York, Hill and Wang, 2010, p. 301.
Jorge A. F. GODINHO
B.
311
Macao
L’histoire de Macao est beaucoup plus longue. Au XVIe siècle, les Portugais
furent les premiers Européens à arriver en Asie par la voie maritime (Jorge Álvares
est arrivé en Macao en 1513), ce qui annonça le début de la mondialisation.
Pendant de nombreuses années Macao vécut sous un système judiciaire
mixte, avec des autorités et des douanes portugaises et chinoises. La loi portugaise et
la loi et les coutumes chinoises s’y appliquaient. En 1845, le gouverneur Ferreira do
Amaral arriva à Macao pour la transformer en une « vraie » colonie et mettre fin au
pouvoir chinois. Bien qu’il fût assassiné en 1849, sa politique réussit et dura : il
expulsa les mandarins de Macao, abolit les douanes chinoises, mit un terme au
paiement du « loyer du terrain », ouvrit le port, construisit des routes et occupa l’île
de Taipa. Le statut de Macao, formalisé en 1887 par le traité d’amitié et de
commerce (traité de Pékin), semblait être un bail perpétuel et gratuit.
Pendant la seconde guerre mondiale le Portugal demeura neutre et le Japon
n’envahit pas Macao.
Pendant la Révolution culturelle, des émeutes graves éclatèrent à Macao en
décembre 1966, mais la présence portugaise demeura. L’Armée de libération du
Peuple et les dirigeants plus modérés de la RPC évitèrent une invasion de Macao par
les Gardes Rouges, afin d’éviter des répercussions à HK et sur le plan international.
À partir de 1949 le Portugal avait relations officielles avec Taiwan, non avec
Pékin. Le régime dictatorial de droite de l’Estado Novo, ou Deuxième République
(1926-1974), ne voulut jamais avoir des relations diplomatiques avec l’État
communiste chinois. Mais après la révolution démocratique de 1974 la situation
changea : en 1975-1976 le Portugal donna l’indépendance à ses anciennes colonies.
On mit fin aux relations avec Taiwan en janvier 1975 et la Constitution de 1976 ne
considère pas Macao comme territoire portugais, ce qui sous-entend qu’il s’agit d’un
territoire chinois. Cependant, Macao ne pouvait devenir indépendante ; ainsi la
question était plus compliquée et ne pouvait pas avoir de solution rapide2.
Dans ce contexte, l’administration portugaise se poursuivit, d’une façon
postcoloniale : le statut de 1976 réformait le régime en créant l’assemblée législative, composée de façon partiellement démocratique. Après l’accord sur HK en
1984, il était inévitable que le même modèle allait s’appliquer à Macao, et c’est ce
qui arriva avec quelques modifications mineures. En fait, en 1979 on était parvenu à
un accord secret et en 1985 les deux pays annonçaient que Macao retournerait à la
Chine. Les négociations eurent lieu de juin 1986 à mars 1987. Le 13 avril 1987 la
déclaration commune était signée à Pékin. L’attitude conciliante du dernier
gouverneur de Macao, Vasco Rocha Vieira (1991-1999) était à l’opposé de celle de
Chris Patten à HK.
2
Le mémoire du gouverneur Garcia Leandro (1974-1979) décrit très clairement et en détail toutes les
transformations de cette période : Leandro J., Macau nos Anos da Revolução Portuguesa 1974-1979,
Lisboa, Gradiva, 2011.
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Destins des collectivités politiques d’Océanie
C.
Une souveraineté, deux systèmes sociaux, trois traditions juridiques
HK et Macao se trouvent dans un cadre internationalisé : l’administration
chinoise doit durer 50 ans (1997/99-2047/49) sous des conditions acceptées par le
Royaume-Uni/Portugal et la RPC. Au moment où elle recouvrait la souveraineté, la
RPC créa les RAS de HK et Macao. La formule qui illustre la complexité qui résulte
de cette évolution est : « une souveraineté, deux systèmes sociaux, trois traditions
juridiques »3. Seule la RPC détient la souveraineté, mais :
- la RPC a un système socialiste (la Chine continentale) et deux systèmes à
l’occidental fondés sur l’État de droit et sur la protection des droits fondamentaux
(Macao et HK) ;
- la RPC a un système de Common law (HK) et deux différents variantes de
la large tradition de droit civil continental (Macao et la Chine continentale).
1.
L’État de droit et les droits fondamentaux
L’État de droit et la protection des droits fondamentaux sont deux traits
communs aux deux RAS. Dans le cas de HK, ces caractéristiques appartiennent au
droit anglais depuis longtemps. Dans le cas de Macao, les caractéristiques furent
apportées du Portugal entre 1974 et 1999.
La tradition de l’État de droit des deux RAS les différencie du système
socialiste de la RPC, exposé dans la Constitution de 1982 et qui a une conception
différente du rôle du droit. Le principe « un pays, deux systèmes » signifie qu’à HK
et Macao le système et les politiques socialistes ne seront pas appliqués, comme le
dispose le préambule des deux Lois fondamentales.
La protection des libertés et des droits fondamentaux est régie par le
chapitre III des deux lois fondamentales. Les instruments internationaux principaux
des droits de l’homme approuvés dans le cadre de l’ONU, le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels s’appliquent dans les deux RAS. Actuellement, ils
ont une très grande importance et sont utilisés dans les tribunaux en même temps
que d’autres instruments du droit international4.
2.
Common law et droit continental
HK a un système de Common law qui relève de la variante anglaise. Ses
caractéristiques bien connues sont notamment l’importance de la jurisprudence et
l’absence de codification5. Ceci posait le problème de la continuité de la Common
3
C’est notre adaptation du titre d’un important ouvrage collectif : Oliveira J. et Cardinal P. (éds.), One
Country, Two Systems, Three Legal Orders. Perspectives of Evolution, Berlin/Heidelberg, SpringerVerlag, 2009.
4
Voir Cardinal P., « The Judicial Guarantees of Fundamental Rights in the Macau Legal System : a
Parcours under the Focus of Continuity and of Autonomy », in Oliveira J. et Cardinal P. (éds.), op. cit.,
p. 220 et s.
5
Voir Zweigert K. et Kötz H., An Introduction to Comparative Law, 3rd ed. (traduction Tony Weir),
Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 180 et s. ; David R. et Jauffret-Spinosi C., Les grands systèmes de
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law après 1997, abordée de plusieurs façons : l’anglais est une langue officielle et la
loi fondamentale dispose que les tribunaux de la RAS de HK peuvent se référer à
des précédents d’autres systèmes de Common law (art. 84). À la Court of Final
Appeal on prévoit également la présence de juges en provenance d’autres juridictions de Common law.
Macao a un système juridique romano-germanique fondé sur la variante
portugaise, caractérisée par la réception du droit continental depuis le Moyen Âge
jusqu’à la tradition pandectiste6 germanique. Il suit une tradition fondée sur des
hypothèses méthodologiques établies par Savigny (1779-1861). La codification y
joue un rôle important. Le Code civil de 1999 est fondé sur le Code portugais de
1966, lui-même fondé sur le BGB7 allemand. Le Code pénal de 1995 est fondé sur
celui de 1982, lui-même fondé sur le StGB allemand. Cette variante s’applique
également dans divers autres pays lusophones. Entre 1987 et 1999 on fit un travail
considérable, qui comprenait des négociations entre la RPC et le Portugal afin de
moderniser les codes et les approuver localement. Ainsi, l’héritage de l’administration portugaise a laissé une variante moderne de la tradition du droit continental
en RPC8. Le système est bilingue : chinois et portugais.
II.
Les caractéristiques fondamentales de l’autonomie
A.
La portée
Pour la plupart des questions les lois fondamentales équivalent à une
Constitution. Elles disposent que les régions bénéficient d’une grande autonomie et
décident de leurs pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, des droits fondamentaux,
de l’économie, des politiques sociales et d’autres domaines.
Les RAS ont quelque compétence en matière de relations internationales
mais pas dans les matières réservées à des États souverains. Elles peuvent faire
partie d’organisations internationales qui s’occupent de questions économiques,
mais elles ne sont pas limitées à ce domaine. Elles délivrent des passeports RAS, ont
leur propre monnaie (le dollar HK et la pataca de Macao) ; elles ont leur propre
police aux frontières et peuvent conclure des accords de suppression de visa avec
des régions ou des États étrangers. Le système judiciaire comprend trois degrés et un
droit contemporains, 10th ed., Dalloz, 1992, p. 251 et s. Ni Hong Kong ni Macao ne devraient être décrits
comme des systèmes juridiques mixtes au sens technique.
6
Au XIXe siècle, le Portugal était influencé par la France, mais au cours des premières décennies du XXe
il est passé sous la sphère allemande. En 1923, on fit une réforme des universités et on suivit le déroulement des études tel qu’il existait en Allemagne. Voir Cordeiro A., Tratado de direito civil português, I,
Parte general, tomo I, Coimbra, Almedina, 1999, p. 69 et s. En 1808, Napoléon engagea la procédure de
traduction du Code civil en portugais en vue de le faire entrer en vigueur au Portugal, mais cette initiative
n’a jamais abouti. Voir Silva N., História do direito português. Fontes de Direito, 2nd ed., Lisboa,
Fundação Calouste Gulbenkian, 1991, p. 374 et s.
7
Voir Godinho J., Macau Business Law and Legal System, Hong Kong, LexisNexis, 2007, p. 31 et s.,
p. 49 et s. ; Pessanha L., « The Macau civil Code under the Shadow of the BGB : the Schuldrechtsreform
of 2002 », in Godinho J. (éd.), Studies on Macau Civil, Commercial, Constitutional and Criminal Law,
Hong Kong, LexisNexis, 2010, p. 67 et s.
8
Ce qui reflète l’influence du droit européen. Voir Ferreira I., « The Macau SAR Legal System. Is the EU
Law a Source of Inspiration for Macau Lawmakers ? », in Godinho J. (éd.), Studies…, op. cit., p. 39 et s.
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Destins des collectivités politiques d’Océanie
jugement en dernier ressort9. L’on peut dire que les RAS ont plus de compétences
qu’un État fédéré.
Dans le domaine économique, le principe fondamental est que le système et
les politiques socialistes ne seront pas pratiquées ; le système et le mode de vie
capitalistes en vigueur devront subsister pendant au moins 50 ans. Le droit à la
propriété privée est protégé par la loi.
Les RAS n’ont pas de compétence en matière de défense et, en principe, pas
en matière d’affaires étrangères, ces domaines étant du ressort du Gouvernement
central de la RPC.
B.
Le chef de l’exécutif
Dans les régimes politiques des RAS c’est le chef de l’exécutif et non le
Parlement qui prévaut. Ceci est visible lorsqu’on constate l’ordre des chapitres des
deux lois fondamentales, qui définissent et traitent du chef de l’exécutif avant le
Parlement. Le chef de l’exécutif représente la RAS et il est responsable devant les
autorités centrales. Il peut dissoudre l’assemblée ; il s’agit d’un régime présidentiel.
Le chef de l’exécutif n’est pas élu au suffrage universel. Il est choisi par une
commission (composée de 800 membres à HK et 300 à Macao) provenant de
secteurs divers et est nommé par le Gouvernement central populaire. Son mandat est
de cinq ans renouvelable une fois. Il dirige le gouvernement et il est conseillé, à titre
consultatif, par le conseil exécutif.
1.
Hong Kong
Tung Chee Wa, homme d’affaires du transport maritime, fut le premier chef
de l’exécutif. Il exerça ses fonctions pendant un mandat complet (1997-2002) mais
ne termina pas son second mandat. En mars 2005, il démissionna pour des raisons
de santé mais la raison véritable est politique.
Donald Tsang, fonctionnaire de carrière qui avait été secrétaire aux Finances
de 1995 à 2001 (il convient de noter : avant et après 1997), devint le deuxième chef
de l’exécutif en juin 2005. Dans une interprétation polémique de la loi
fondamentale, il fut décidé qu’il ne serait en fonction que pour le reste du second
mandat de Tung (jusqu’au 30 juin 2007) et non un mandat complet. En 2007, Tsang
fut élu pour un deuxième mandat, de cinq ans.
2.
Macao
Comme on s’y attendait depuis plusieurs années avant la rétrocession,
Edmund Ho Hau Wa, banquier, fut nommé premier chef de l’exécutif en 1999. En
2004 il fut nommé pour un second mandat. Le deuxième et actuel chef de l’exécutif,
9
Pour une étude détaillée voir Godinho J. et Cardinal P. (à paraître), « The Macau Court of Final Appeal.
The First Decade », in Young S. et Ghai Y. (éds.), Hong Kong’s Courts of Final Appeal : Justice and the
Development of the Law in China’s Hong Kong, Cambridge, Cambridge UP.
Jorge A. F. GODINHO
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Fernando Chui Sai On, qui était secrétaire pendant les dix ans d’Edmund Ho, prit
ses fonctions le 20 décembre 2009 et la plupart des secrétaires du gouvernement
précédent furent reconduits.
C.
Le Parlement
Les deux RAS ont un parlement : HK a le Legislative Council (le LegCo) et
Macao l’assemblée législative. Ces deux chambres ne sont pas pleinement démocratiques et constituent des structures plutôt complexes ; elles comprennent différents
types de députés, certains élus au suffrage universel et d’autres non.
1.
Hong Kong
L’histoire du LegCo remonte à 1843. Actuellement il compte 60 membres :
30 élus directement et 30 élus par le biais de « circonscriptions fonctionnelles ». On
a dit que le système d’élection de ces derniers est « byzantin » et on réclame régulièrement une augmentation du nombre des élus au suffrage universel. À HK on
trouve des partis politiques. Les pro-démocrates ont toujours gagné les élections.
2.
Macao
L’origine de l’assemblée législative remonte à 1976, date à laquelle le Statut
Organique établit le suffrage, avec 6 députés élus au suffrage universel direct, 6 au
titre des circonscriptions fonctionnelles et 5 nommés par le gouverneur. Le système
perdure en grande partie tel qu’il était à l’origine, la différence principale étant que
l’assemblée compte actuellement davantage de membres, soit 12 députés élus au
suffrage universel direct, 10 par le biais des circonscriptions fonctionnelles et
7 nommés par le chef de l’exécutif. Ces dernières années on a lancé de nombreux
appels pour avoir plus de démocratie en augmentant le nombre de députés élus au
suffrage universel et en réduisant celui des autres, ou pour supprimer ceux qui sont
nommés par le chef de l’exécutif.
À Macao il n’existe pas de partis politiques mais plutôt des associations.
Comme à HK, le camp des pro-démocrates gagne toujours les élections.
L’assemblée n’a jamais purement et simplement rejeté un projet de loi
présenté par le gouvernent, mais ceci a failli se produire en 2009 dans le cas de la loi
contre la corruption dans le secteur privé. En tout état de cause, l’assemblée ne
devrait pas être considérée comme une « chambre d’enregistrement » et ces
dernières années elle a commencé à gagner en importance.
D.
Liens avec les autorités centrales
Le modèle des RAS est de large autonomie, avec peu mais d’importants liens
avec le Gouvernement central à Pékin, surtout le pouvoir de nommer l’organisme
local le plus puissant (le chef de l’exécutif) ainsi que les secrétaires et d’autres
dirigeants principaux. Dans les processus de sélection du chef de l’exécutif le
résultat n’a jamais fait aucun doute et dans la plupart des cas il y avait un candidat
unique. Une fois ce chef élu, les liens politiques avec le Gouvernement central sont
tout à fait clairs et réels. Ainsi, l’influence s’étend jusqu’aux parlements par
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Destins des collectivités politiques d’Océanie
différents processus : par le biais des députés pro-Pékin à travers les circonscriptions
fonctionnelles et, dans le cas de Macao, à travers les membres nommés par le chef
de l’exécutif.
Les autorités centrales gardent le pouvoir de réviser et d’interpréter la loi
fondamentale et d’opposer leur veto aux lois ordinaires qui vont au-delà des
compétences permises par l’autonomie. Le pouvoir d’interpréter a déjà été exercé un
certain nombre de fois à HK, ce qui causa une grande polémique10 et des inquiétudes
parce que ces interprétations par un organisme politique sont susceptibles de saper
les droits fondamentaux11.
III. La pratique de l’autonomie
A.
Le cadre général
Après 1997 et 1999, les RAS se trouvent prises entre leur héritage européen
(qui découle de leur histoire et traditions juridiques) et la culture chinoise millénaire.
Dans ce contexte, l’héritage des administrations coloniales européennes est confronté aux valeurs et politiques chinoises.
La question consiste à analyser les premières années des RAS afin de
comprendre ce qui a changé dans un contexte d’évolution fondée sur la notion de
continuité. Avant 1997, quelques auteurs exprimèrent des inquiétudes concernant
HK sur l’interaction ou le conflit entre les valeurs occidentales et les traces caractéristiques ou traditionnelles de pensée chinoise. Au risque de généralisations
hâtives, divers auteurs signalent notamment une importance moindre accordée à la
loi, une composante communautaire plus importante où chaque membre intègre une
hiérarchie, une préférence pour la conciliation et la résolution des conflits sans
perdre la face, une préférence pour les façons de faire moins formelles, l’importance
de la famille, l’accent mis sur les devoirs et non sur les droits, la conception des
conflits avec des critères élastiques ou une grande exigence de confidentialité12.
Les institutions des RAS ont été plus ou moins dominées par les élites locales
du monde des affaires alignées sur Pékin, dans un contexte général donnant la
priorité aux questions économiques. L’extension de la démocratie se fait très
lentement, mais globalement l’expérience de l’autonomie est positive si l’on tient
compte du contexte complexe dans lequel elle se déroule. Les RAS sont bien utiles
en tant que plate-forme institutionnelle appropriée pour reconnaître la diversité
singulière et la différence de caractère par rapport à la RPC. Les autonomies ont
réalisé leur objet, à savoir le fait qu’elles constituent un statut juridique destiné à
permettre la continuité de cadres économiques et culturels différents au sein de la
10
Concernant HK, voir Ghai Y., « The intersection of Chinese Law and the Common Law in the Special
Administrative Region of Hong Kong : Question of Technique or Politics? », in Oliveira J. et Cardinal P.
(éds.), op. cit., p. 13 et s. Ghai Y. met l’accent sur le fait que les questions politiques l’emportent sur les
arguments juridiques, p. 46.
11
Voir Wong Y.-B., Autonomy and Protection of Fundamental Rights in the Hong Kong Special
Administrative Region, Hong Kong, LexisNexis, 2007, p. 354.
12
Voir Dellapenna J., « The Lesson of the Triple Twisted Pine : Plum Blossoms on Mountain Peaks and
the Future of the Rule of Law in Hong Kong », Vanderbilt J. Transn. Law, 1997, p. 637 et s.
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même souveraineté. Le contexte dans lequel elles s’appliquent consiste en différentes langues, ethnies, religions, cadres culturels, valeurs, différents mode de vie et
visions du monde. Dans un très vaste pays comme la Chine, il existe une grande
richesse culturelle. Le système négocié dans la déclaration conjointe et exposé dans
les lois fondamentales reconnaît les diversités et fournit une plate-forme sûre pour la
continuité du mode de vie antérieur.
Macao et HK demeurent attachés au concept de l’État de droit dans le
contexte des traditions du droit continental et de la Common law, mais l’autonomie a
été vécue de manières légèrement différentes.
B.
Hong Kong
Il existe un fort sentiment concernant la préservation de l’autonomie et la
résistance à ce qu’on appelle « l’interférence de Pékin ». Les interprétations de la loi
fondamentale (à commencer par l’affaire Ng Ka Ling) ont été considérées sous cet
angle et la population est méfiante à l’égard de tout changement imposé de son
mode de vie, comme on le voit à travers les manifestations imposantes tout au long
des années et dans les commémorations de masse annuelles des événements du
4 juin13. Conformément à ceci, HK a un système judiciaire très indépendant et actif
en matière de protection des droits fondamentaux. Si la population accepte la
souveraineté de la RPC et est fière d’être chinoise, il existe une exigence nette de
démocratie et de responsabilité des dirigeants devant le peuple.
C.
Macao
On constate une plus grande complaisance à l’égard de Pékin et moins
d’antagonisme, dans ce qui est peut-être une vision du monde plus traditionnelle.
Depuis 1999, il n’y a eu aucun progrès vers la démocratie, au-delà de ce qui a déjà
été dit depuis 1993 dans la loi fondamentale. En 2008, le règlement de l’art. 23 de la
loi fondamentale fut adopté sans polémique14. Mais l’évolution globale n’est pas
négative. La société civile prend conscience de son rôle et la liberté totale de la
presse est une réalité. On entend des appels à des réformes démocratiques. Mais des
éléments de culture traditionnelle chinoise sont visibles, à savoir une tendance à
centraliser et concentrer l’administration, avec une certaine méfiance des organismes
de réglementation indépendants (ce qui serait normal, comme dans le cas de la
réglementation des jeux). En droit pénal on assiste à une tendance en faveur de
peines plus sévères. On ne parle pas de « l’interventionnisme de Pékin » comme à
HK et les débats portent sur des aspects juridiques comme la non-discrimination,
l’usage du portugais et d’autres points où il pourrait y avoir une « compression »
inacceptable de « l’autre », le non Chinois.
13
La manifestation la plus grande rassembla un demi-million de personnes en juillet 2003. Voir Fu H.,
Petersen C. et Young S., National Security and Fundamental Freedoms : Hong Kong’s Article 23 Under
Scrutiny, Hong Kong, Hong Kong UP, 2005 ; Sing M. (éd.), Politics and Government in Hong Kong :
Crisis Under Chinese Sovereignty, London and New York, Routledge, 2009.
14
Voir Godinho J., « The Regulation of Article 23 of the Macau Basic Law : A commentary of the Draft
Law on the Protection of State Security », 2008, disponible sur SSRN (http://ssrn.com/
abstract=1303245).
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Destins des collectivités politiques d’Océanie
CONCLUSION
Les régimes politiques des RAS donnent davantage de poids au chef de
l’exécutif aux dépens de parlements qui ne sont que semi-démocratiques et qui en
fait n’ont que des vagues traces de démocratie. Dans une certaine mesure, ceci peutêtre inévitable : pour garder les liens avec le souverain, les parlements ne sauraient
avoir les pouvoirs qu’ils auraient dans une démocratie totale, où ils serviraient de
base à la légitimité politique. Dans une région, la légitimité doit découler, ne seraitce que partiellement, du pouvoir central, le lien se faisant par le biais du chef de
l’exécutif. Les autorités chinoises disent bien que si le chef de l’exécutif et les
parlementaires étaient élus au suffrage universel, alors Pékin n’aurait plus de moyen
de contrôle des événements dans les régions. En ce sens, on peut dire que le cadre
juridique est, sur le papier, relativement satisfaisante.
Compte tenu d’une tendance à la rigidité constitutionnelle, il faudrait tourner
l’attention vers la pratique. Depuis 1997/1999 ça a, à l’évidence, permis au Gouvernement central de contrôler la plupart des décisions politiques générales et
spécifiques. L’on ne devrait pas en rendre responsable le cadre juridique mais les
attitudes, la pensée stratégique et les inclinations des élites politiques et de la
population15. Il s’agit plus d’un gouvernement par les hommes que par les lois : le
devenir de l’autonomie dépend plus des personnes et de leur allégeance continue à
Pékin, qui fonctionne conformément aux caractéristiques culturelles chinoises. En
tout état de cause, la démocratisation préférée par Pékin16, lente, progressive et qui
se déroule en bon ordre, est susceptible de se poursuivre.
15
On dit qu’une culture chinoise spécifique fondée sur les réseaux, les relations personnelles et les
associations au niveau de la base joue un rôle important pour garder la loyauté et le soutien. Pour une
discussion détaillée, voir Kwong B, Patron-client politics and elections in Hong Kong, London,
Routledge, 2010. Pour jeter un doute sur l’argument culturel comme explication du sous-développement
démocratique à Hong Kong, voir Ma N., « Democratic development in Hong Kong : a decade of lost
opportunities », in Cheng J. (éd.), The Hong Kong Special Administrative Region in its First Decade,
Hong Kong : City University of Hong Kong Press, 2007, p. 49 et s.
16
Contre le camp favorable à la démocratie à Hong Kong, voir Lo S., Competing Chinese Political
Visions : Hong Kong vs Beijing on Democracy, Santa Barbara, California, Praeger Security International,
2010, p. 228 et s.