PHYSIOLOGIE DE L`EXERCICE UV 104 Chronobiologie Appliquée
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PHYSIOLOGIE DE L`EXERCICE UV 104 Chronobiologie Appliquée
PHYSIOLOGIE DE L’EXERCICE UV 104 Chronobiologie Appliquée Bachelier J.P. 1 Chronobiologie appliquée PLAN Chronobiologie appliquée 1 Chronobiologie et performance 1.1 Performance intellectuelle 1.2 Performance physique 2 Chronobiologie et nutrition 2.1 Rythmes et prises alimentaires 2.2 Chronobiologie des nutriments 3 Chronobiologie et traumatologie 3.1 Chronobiologie et inflammation 3.2 Chronothérapie aux AINS 1 Chronobiologie et performance 1.1 Performance intellectuelle Observées et décrites de façon empirique autrefois, les variations périodiques de la performance intellectuelle font maintenant l’objet d’études expérimentales en psychologie clinique. Le but est de mieux comprendre le fonctionnement intellectuel en fonction du temps, afin par exemple d’envisager l’optimisation des rythme scolaires. Les protocoles expérimentaux, généralement complexes, doivent d’une part évaluer la pertinence et l’adéquation des indicateurs et, d’autre part, éviter ou imputer les biais liés aux méthodes. Par exemple, concernant l’observation comportementale, les bâillements, affalements ou frottements des yeux sont considérés comme indicateurs de passivité ou de faible activation cérébrale, alors que les déplacements ou agitations sont considérés comme indicateurs d’hyperactivité ou de forte activation cérébrale. Concernant l’objectivation de la performance intellectuelle des tests sont utilisés comme, par exemple, le test de barrage de nombres, qui consiste à barrer un maximum de nombres répondants au critère, en un temps donné. 2 Pourcentage moyen tout au long de la même semaine scolaire (Testu) Des études sur les variations circadiennes (F. Testu, H. Montagner et coll.) montrent que les performances intellectuelles moyennes des élèves de tous âges sont : - faibles vers 8h30 (entrée du matin) importantes vers 11h30 très faibles vers 13h30 (entrée de l’après midi) moyennes vers 16h30 Il en ressort que la période globale favorable aux acquisitions intellectuelles est assez brève (~ 4 h/j) et qu’il convient, pour faciliter l’éducation, de s’orienter vers une journée plus courte avec un nombre de jour par an plus élevé. Le premier créneau du matin 8h30 – 9h30 (peu favorable à l’acquisition intellectuelle) est donc mieux adapté à un « réveil » physique qui optimise la synchronisation du rythme de la vigilance, alors que le premier créneau de l’après midi 13h30 – 14h30 semble mieux adapté développement de « l’esprit créateur » (activités artistiques) qu’à l’acquisition intellectuelle. 1.2 Performance physique De la même façon que pour la performance intellectuelle, la variabilité périodique de la performance physique a été empiriquement constatée et décrite depuis longtemps. En physiologie du sport, de nombreuses études chronobiologiques se sont intéressées à ces variabilités, l’objectif étant ici de tenter d’optimiser la performance. Divers aspects peuvent être étudiés concernant l’apport de la chronobiologie dans la performance sportive, aspects pouvant concerner tous les niveaux sportifs : 3 1 - pratiquants de loisir : optimisation de l’activité physique dans la démarche de bien être Compte tenu de la démarche, il convient ici « d’utiliser » l’activité physique raisonnée, au-delà de son impact psycho-physiologique, comme facteur de synchronisation. Les activités dites « toniques » (squash, aérobic, etc.) devant être pratiquées le matin vers 9/10 h (rôle de synchroniseur diurne) avec un échauffement pertinent (la température corporelle est encore faible) ou vers 17/18 h (en corrélation avec l’acrophase du rythme circasemidien de vigilance et l’acrophase du rythme de la température). Les activités dites « douces » (stretching, yoga, etc.) seront plutôt pratiquées en début d’après midi (13/14 h) ou en soirée (20/21 h) c'est-à-dire en synchronisation avec les « baisses » du rythme circadien de vigilance. Il est important de remarquer que le constat n’est pas amiable entre ce qu’il conviendrait de faire et ce qui est fait, effectivement il est observé dans les « fitness center » une forte affluence aux cours d’aérobic de 20 h ! (ce qui favorise les dyschronismes par retard de phase et peut entraîner des troubles fonctionnels ; c’est comme le jogging dans les rues de Paris : cela part d’un bon sentiment, mais … !). 2 - pratiquants sportifs : optimisation de l’élaboration du plan d’entraînement (méthodologie de l’entraînement) La plupart des études en physiologie appliquée au sport montrent que la disponibilité de la performance est variable sur de nombreuses périodes. Sur la période circadienne (H. Schmidtke et coll.), cette disponibilité présente 2 crêtes situées en moyenne vers 11 h et vers 18 h (il existe une assez bonne similitude entre les performances intellectuelle et physique). Ces 2 moments correspondent donc à des périodes favorables pour l’entraînabilité du sportif et la « pratique » est souvent cohérente à cet apport théorique. Variations circadiennes de la disponibilité à la performance (Schmidtke) 4 Moins pris en compte sont les variations ultradienne et infradienne de cette entraînabilité. La principale variation ultradienne est celle liée au rythme de la vigilance (~ 90 mn) et fait que la performance peut être meilleure (si elle est réalisée vers l’acrophase) ou moins bonne (si elle est réalisée dans le creux) à seulement 45 mn de différence (une hémi période). L’expérience rend ainsi l’athlète confirmé plus performant que le débutant, car « l’écoute de ses sensations » lui permettra, le cas échéant, d’attendre « d’être dedans ». Les variations infradiennes de certains rythmes biologiques sont également à prendre en compte en recherche d’optimisation de l’entraînement. Le niveau plasmatique des hormones stéroïdiennes conditionne en partie d’une part l’entrainabilité du sportif et d’autre part ses mécanismes de sur-compensation (donc de progression). Par exemple, les études (T. Hettinger) sur les variations périodiques circannuelles de l’augmentation de la force sont cohérentes avec celle du rythme de la testostérone (pour lequel l’acrophase se situe en octobre), et montrent que c’est en automne que le gain de force est le plus important : septembre/octobre est donc une période favorable à la planification d’un cycle d’entraînement de la force. Variations circannuelles de l’augmentation moyenne de la force (Hettinger) 3 - sportifs de haut niveau : optimisation d’une compétition à l’étranger. La problématique du sportif devant faire une compétition à l’étranger est liée au vol transméridien donc au décalage horaire. C’est le nombre de fuseau et le sens du vol qui sont donc les facteurs à prendre en compte : un Paris-Dakar est donc moins désynchronisant qu’un Paris-Moscou (alors que Dakar est plus éloigné que Moscou). Les athlètes Français qui vont aller à Pékin vont, par exemple, subir une forte désynchronisation. Il est donc important d’estimer la période moyenne nécessaire à la resynchronisation si l’on souhaite que le sportif exploite pleinement son potentiel. Rappelons que 5 même s’il ne se manifeste pas par des troubles fonctionnel (ce qui est souvent le cas pour des athlètes de haut niveau qui sont jeunes et « en forme ») le dyschronisme existe bel et bien. Dans les fédérations sportives, on admet généralement que 1 jour par fuseau traversé est nécessaire à la resynchronisation, or les études sur le temps nécessaire à la resynchronisation (A. Reinberg) montrent que pour un décalage Est –Ouest de 6 h il faut environ : - 3 jours pour le rythme de vigilance 12 jours pour le rythme de la température orale 20 jours pour le rythme du K+ urinaire Concernant Pékin 2008 (8 h Est-Ouest) il serait donc nécessaire de prendre 3 semaines pour s’assurer de la resynchronisation quasi totale de l’organisme. Sur place de nombreux facteurs peuvent êtres utilisés pour faciliter la resynchronisation du sportif : - utiliser au maximum les synchroniseurs locaux se coucher et se lever aux heures normales locales dès le premier jour prendre des douches de lumière forte (le matin pour un décalage Est-Ouest). 2 Chronobiologie et nutrition 2.1 Rythmes et comportement alimentaire La fonction « nutrition » est réalisée par de nombreuses actions allant de la prise alimentaire au métabolisme intra-cellulaire. Cette fonction est donc un processus psycho-physiologique complexe mettant en jeu de nombreuses régulations, centrales, périphériques, hormonales ou encore métaboliques. L’étude du comportement alimentaire spontané de l’homme a permis de mettre en évidence des rythmes ultradiens (nourrisson – T. Hellbrügge et coll.), circadiens et circannuels (enfant et adulte – F. Sargent). La persistance de ces rythmes en expérience « hors du temps » (C. Migraine et coll.) appuie l’hypothèse de l’existence de composantes endogènes de ces rythmes. Par ailleurs, des expériences de diètes alimentaires (M. Apfelbaum) montrent que la plupart des rythmes biologiques significatifs sont conservés ce qui tend à dire que la prise alimentaire n’est pas un synchroniseur fort des rythmes biologiques fondamentaux. 2.2 Chronobiologie des nutriments En moyenne, le métabolisme d’un nutriment présente un rythme circadien (important) et un rythme circannuel (faible). Les variations périodiques des métabolismes des nutriments ne dépendent 6 pas du nutriment en lui-même (qui est stable dans le temps) mais des processus physiologiques de la fonction « nutrition ». Le devenir métabolique d’un nutriment en fonction du temps (chrononutrition) est donc très comparable à celui d’un médicament (chronopharmacologie). L’épreuve d’hyperglycémie provoquée (1 g / Kg de poids de glucose sur sujet à jeun) montre que la réaction insulinémique est dépendante du moment dans la journée (Cmax de l’insulinémie est plus faible lorsque l’épreuve est faite l’après-midi) et du moment dans l’année (Cmax de l’insulinemie est plus faible lorsque l’épreuve est faite en avril). L’étude du quotient respiratoire (Vco / Vo) montre que l’organisme utilise de manière différentes les sources énergétiques dans la journée (rythme circadien) et dans l’année (rythme circanuel). La persistance du rythme du QR en période de diète glucidique tend à montrer une composante endogène dans son rythme circadien. Les variations circadiennes du métabolisme énergétique font que la glycolyse est souvent prédominante le matin par rapport au soir. C’est principalement sur ce genre de résultats qu’il est souvent recommandé de plutôt adopter un gros repas le matin et un petit le soir (le fameux : l’avoine du matin va dans le crottin, l’avoine du soir dans le popotin !). Hors, rappelons une fois encore, que les mécanismes chronobiologiques présentent des variations inter-individuelles importantes et que, chez certains, le petit repas du matin sera préférable. Seule une démarche individualisée et prenant en compte les mécanismes des rythmes biologiques, permettra donc au professionnel en nutrition de proposer des solutions plus performantes intégrant quantité, qualité et « moment » des prises alimentaires. 3 Chronobiologie et traumatologie 3.1 Chronobiologie et inflammation Si le processus inflammatoire peut avoir de nombreuses causes différentes, son déroulement est relativement codifié. La « triade de l’inflammation » correspond à (1) une vasodilatation vasculaire, une exsudation plasmatique et une agrégation plaquettaire ; (2) une migration leucocytaire vers le tissu et une phagocytose (antigènes) ; (3) une libération de médiateurs (amines vasoactives, kinine, etc.). Ce processus a pour effet d’entraîner douleur et impotence fonctionnelle dont les variations périodiques circadiennes (circannuelles dans les maladies dégénératives) sont empiriquement connues. Par exemple, c’est en début de journée que raideur et douleur sont maximales dans la polyarthrite rhumatoïde (I.C. Kowanko et coll.), alors qu’elles sont maximales en fin d’après midi dans l’ostéoarthrite (N. Bellamy et coll.). 3.2 Chronothérapie aux AINS 7 De la même façon que pour les nutriments, le devenir d’un médicament (chronopharmacologie) dépend du moment de son ingestion. La chronopharmacocinétique se propose d’en étudier la biodisponibilité (Cmax, Tmax, T1/2, etc.) et la chronergie les effets sur l’organisme, toujours en fonction du moment de l’ingestion. La chronergie se décompose en deux « disciplines » : la chronoefficacité, variations des effets désirés et la chronotoxicité , variations des effets non désirés. Les variations périodiques des effets du médicament dépendent effectivement des variations périodiques de la susceptibilité du système cible (chronesthésie). Dans une étude en double aveugle sur les effets du Kétoprofène (Perpoint et coll.), entre l’administration du matin (groupe A) et du soir (groupe B), il ressort que si l’efficacité est assez comparable dans les 2 cas, la toxicité est deux fois plus importante pour le groupe du matin. La connaissance de la chronopharmacologie permet donc réellement au praticien d’optimiser son traitement, soit sur l’efficacité, soit sur la moindre toxicité. Chronothérapie au Kétoprofène dans l’ostéoarthrite (Perpoint) 8