les dispositions de la loi macron sur le travail le dimanche et
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les dispositions de la loi macron sur le travail le dimanche et
Livre blanc | Loi Macron Quels impacts sur le droit social ? LES DISPOSITIONS DE LA LOI MACRON SUR LE TRAVAIL LE DIMANCHE ET LE TRAVAIL DE NUIT, OU COMMENT « FAIRE LA PART DU FEU » par Marc Véricel, Professeur de droit privé (CERCRID), doyen de la faculté de droit de Saint-Étienne Article paru dans la rubrique Études de la Revue de Droit du Travail N°9/15 Télécharger le livre blanc Loi Macron : quels impacts sur le droit social ? © Éditions Dalloz 2015 RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 504 ÉTUDES 504 I Les dispositions de la loi Macron sur le travail le dimanche et le travail de nuit ou comment « faire la part du feu » par Marc Véricel Professeur de droit privé (CERCRID), doyen de la faculté de droit de Saint-Étienne Après la loi Maillé de 2009, voici la loi Macron, destinée elle aussi (dans l’un de ses chapitres) à régler la question du travail le dimanche. Ce texte procède, en fait, d’une vision plus économique que sociale. Son idée-force est de simplifier la réglementation fort complexe issue de la loi Maillé pour atténuer les tensions sur le délicat problème du travail des salariés le dimanche et pour réduire les distorsions de concurrence entre les différents types de commerce. Les promoteurs de cette loi se sont efforcés de faire « la part du feu » en élargissant les dérogations au principe du repos dominical, tout en encadrant et limitant cet élargissement, et aussi en améliorant les garanties des salariés. Mais cette amélioration reste limitée, notamment aucune disposition de la loi ne généralise, à l’ensemble des salariés travaillant le dimanche une majoration minimale de la rémunération. La loi n° 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, du nom du ministre de l’économie porteur du projet, a été définitivement adoptée par le parlement le 10 juillet 2015 dans le cadre de la procédure législative accélérée prévue par l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le gouvernement ayant engagé sa responsabilité sur le projet de loi, ce projet a été déclaré adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale en raison de l’absence de dépôt d’une motion de censure 1. À la suite de cette adoption, plusieurs parlementaires ont saisi le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité de certaines dispositions de la loi (les dispositions sur le travail le dimanche n’étaient pas concernées). Dans une décision n° 2015-715 du 5 août 2015, cette juridiction a jugé anticonstitutionnelles dix-huit dispositions de la loi (concernant notamment la réforme de la justice prud’homale et le plafonnement des indemnités en cas de licenciement injustifié). La loi Macron a été promulguée le 6 août 2015. La loi Macron constitue une loi-fleuve comportant des dispositions touchant à des domaines très divers. Le texte, réparti en trois titres – libérer, investir et travailler – vise à agir sur tous les leviers pour favoriser la relance de la croissance, de l’investissement et de l’emploi. Dans le premier titre (Libérer l’activité), la loi révise le cadre des professions réglementées. Le titre II (Investir) a pour objet de simplifier et accélérer les procédures applicables aux projets industriels. Enfin, le titre III (Travailler) concerne le travail dominical et la justice prud’homale. Les dispositions concernant le travail dominical font l’objet du chapitre Ier du titre III. Ces dispositions ne sont pas nécessairement les plus importantes de la loi, mais ce sont celles qui ont été les plus médiatisées lors des débats parlementaires, sans doute en raison de leur caractère emblématique en matière d’orientations politiques du gouvernement et de sa majorité parlementaire. On sait d’ailleurs que toute réforme de la réglementation en matière de travail dominical des salariés consti- (1) Le projet de loi avait été déposé à l’Assemblée nationale le 11 décembre 2014. Une motion de censure, déposée le 17 février 2015 par 111 députés, fut rejetée lors du vote intervenu le 19 février 2015 et le projet de loi fut donc adopté en première lecture. Le 12 mai 2015, le Sénat adopta le projet de loi, en première lecture, après modifications. Après passage en Commission mixte paritaire, le projet fut de nouveau déposé devant l’Assemblée nationale. À l’issue des débats, une seconde motion de censure fut déposée, la motion ayant été rejetée le 18 juin 2015, le projet de loi a donc été considéré comme adopté en nouvelle lecture, par l’Assemblée nationale. Au cours de sa séance du 1er juillet 2015, le Sénat adopta avec modifications, en nouvelle lecture, le projet. Le 10 juillet 2015, ce texte fut donc adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. 504 I Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 505 (2) Source : DARES, oct. 2009, n° 42.1, « Le travail du dimanche en 2008 », http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2009-10-42-1.pdf. (3) M. Véricel, « La loi du 10 août 2009 relative au travail dominical: réaffirmation du principe du repos dominical ou généralisation du travail le dimanche? », RDT 2009. 593; V Bernaud, « Travail dominical: le Conseil constitutionnel sacrifie la protection du salarié sur l’autel de la consommation », Dr. soc. 2009. 1081. (4) Dérogations dont seuls peuvent bénéficier les établissements relevant du périmètre défini et non ceux implantés à proximité, mais de l’autre côté de la limite. Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail I 505 ÉTUDES façon continue (art. L. 3132-14). Les préfets pouvaient encore délivrer des dérogations temporaires à un établissement lorsque l’interdiction du travail dominical se révélait préjudiciable au public ou au fonctionnement normal de cet établissement (art. L. 3122-20). Par ailleurs, dans les commerces de détail alimentaire, le travail le dimanche, depuis toujours, est autorisé de plein droit le dimanche matin (art. L. 3132-13) et tous les commerces de vente au détail situés dans les zones touristiques bénéficient aujourd’hui de dérogations à l’interdiction du travail dominical (art. L. 3132-25). Enfin, pour l’ensemble des commerces de détail, le repos dominical peut être supprimé par décision du maire jusqu’à cinq dimanches par an (art. L. 3132-26). En fait, le mécanisme s’est déréglé petit à petit par l’insertion progressive, dans la liste des dérogations de droit de R. 3132-5, d’activités commerciales sans lien avec les activités indispensables aux nécessités de la production et aux besoins fondamentaux du public, tels que les commerces de jardinage et ceux d’ameublement. La rupture de logique dans cette liste a aiguisé les revendications d’autres types d’établissements. Par la suite, la loi Maillé n° 2009-974 du 10 août 2009 3 a développé incompréhension et contestation du système. Cette loi a considérablement élargi les possibilités d’ouverture des commerces dans les zones touristiques. Elle a surtout inventé le dispositif extrêmement complexe des PUCE, c’est-à-dire des périmètres d’usage de consommation exceptionnel. Selon ce dispositif, dans les unités urbaines de plus d’un million d’habitants (agglomérations de Paris, Lyon, Aix-Marseille et Lille), tous les commerces de détail, autres que les commerces de détail alimentaire (qui bénéficient eux d’une autorisation de travail de plein droit le dimanche matin), peuvent demander au préfet une dérogation leur permettant de faire travailler leurs salariés le dimanche, à condition qu’ils soient situés dans un de ces périmètres (PUCE) établis par les préfets sur demande du conseil municipal de la commune concernée. Or ce dispositif des PUCE a beaucoup compliqué le système et généré des inégalités entre établissements de même nature, en introduisant une nouvelle catégorie de dérogations en faveur des commerces de détail implantés dans certaines zones 4. C’est ce dispositif qui a fait perdre toute cohérence au système des dérogations et à, en quelque sorte, fait exploser ce système. C’est ainsi que nombre d’enseignes commerciales n’ayant pas pu profiter de ce dispositif ont cherché à faire pression sur les pouvoirs publics en se mettant délibérément en infraction avec l’interdiction de faire travailler leurs salariés le dimanche. À la suite de la polémique générée par cette attitude des enseignes commerciales refusant de se soumettre à ET tue un sujet particulièrement sensible dans l’opinion publique française en raison de l’existence d’une pluralité de revendications, a priori, tout à fait antagonistes. D’un côté, les milieux commerciaux, essentiellement les grandes surfaces (généralistes ou spécialisées dans les activités de loisirs), voudraient faire exploser le principe de l’interdiction du travail dominical en vue de profiter au maximum du potentiel de gain que représentent les nouvelles habitudes du grand public, générées par l’évolution de la société de consommation. D’un autre côté, il y a ceux qui contestent cette conception purement économique et qui sont hostiles à tout assouplissement d’envergure au principe du repos pour tous, le dimanche en vertu de conceptions plus sociales : préserver des temps de repos communs consacrés à l’exercice collectif, en famille ou entre amis, d’activités de loisirs et de détente et aussi préserver la santé des salariés. De fait, une étude de la Dares publiée en octobre 2009 2 a établi que les salariés qui travaillent le dimanche sont surtout des femmes et des jeunes, travaillant à 96 % le samedi également et à titre habituel et qu’ils sont fréquemment soumis à de lourdes contraintes (variabilité des horaires sans possibilité de prévision – travail en nocturne) ainsi qu’à des pénibilités particulières et à des risques d’accident. Ceci étant il est clair que l’évolution de la société de consommation ces dernières décennies va dans le sens du souhait du public d’élargir les possibilités d’ouverture des commerces le dimanche. De plus en plus de citoyens estiment normal de consacrer une partie du dimanche à faire leurs courses ou à emmener promener les enfants dans les grandes surfaces. On peut certainement regretter cette évolution et s’efforcer de l’endiguer, mais on ne peut pas ne pas en tenir compte. La loi du 13 juillet 1906 posant le principe du repos hebdomadaire et celui de l’interdiction du travail le dimanche avait instauré un dispositif assez équilibré a priori, du moins sur le plan purement économique, qui admettait au principe du repos dominical, les dérogations indispensables aux besoins vitaux de la population et aux nécessités inhérentes à certaines industries. Cette loi avait institué notamment des dérogations permanentes de droit en faveur des établissements dont les services sont indispensables quotidiennement (art. L. 3132-12) et dont une longue liste, donnée par décret (R. 3132-5 s.), comprend actuellement 182 cas (établissements reconnus dans l’impossibilité d’interrompre leurs travaux, industries traitant de matières rapidement périssables, commerces alimentaires, services de santé, activités de secours et de sécurité, de production et distribution d’énergie). Des dérogations étaient également possibles par voie d’accord collectif dans les entreprises industrielles fonctionnant de RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 506 l’actuelle réglementation du travail dominical, le premier ministre a chargé M. Jean-Paul Bailly (ancien président de la Poste) de formuler, dans un rapport, des propositions permettant de réaliser un nouvel équilibre de la réglementation en la matière. Ce rapport a été rendu le 2 décembre 2013 5 et les promoteurs du projet de loi Macron se sont très nettement inspirés de ce rapport. Les promoteurs de la loi du 20 août 2015 ont cherché à la fois à assouplir l’interdiction du travail dominical au profit de certains commerces (I) et à améliorer les garanties des salariés appelés à travailler le dimanche (II). L’idée directrice des dispositions du texte a été, d’une part, de simplifier le système des dérogations au repos dominical et, d’autre part, d’arriver à un double équilibre entre les divers intérêts en concurrence (ceux du patronat et ceux des salariés, mais aussi ceux des grandes enseignes commerciales et ceux du petit commerce). Le résultat apparaît pour le moins mitigé. I. - Assouplissement de l’interdiction du travail dominical pour les salariés de certains commerces Cet assouplissement a été recherché dans deux directions : une réforme des zones géographiques dérogatoires au principe du repos dominical : zones touristiques et zones commerciales, et, d’autre part, un élargissement des facultés de dérogations dont disposent les maires des communes. Il s’est accompagné de dispositions diverses concernant les autres cas de dérogations. A. - Les nouvelles dérogations au repos dominical sur un fondement géographique Antérieurement à la loi du 10 août 2009, le Code du travail autorisait les préfets à accorder, dans les communes touristiques et thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, une dérogation au repos dominical pendant la période d’activité touristique, pour certains commerces de détail. La loi de 2009 avait élargi de manière conséquente la faculté de déroger au repos dominical dans ces mêmes secteurs, en supprimant toutes les restrictions figurant dans ce Code. L’autorisation de dérogation n’était plus limitée aux seuls établissements commercialisant des biens ou des services facilitant l’accueil du public ou ses activités sportives et récréatives ou culturelles ; elle concernait tous les établissements de vente au détail installés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques précitées (autres que les commerces de détail alimentaires déjà bénéficiaires d’une dérogation d’ouverture de plein droit le dimanche matin). De plus, cette autorisation de dérogation n’était plus limitée dans le temps aux seules périodes d’activité touristique, elle devenait applicable tout au long de l’année. Enfin les établissements concernés n’avaient plus à solliciter une autorisation préfectorale, ils bénéficiaient d’une dérogation de plein droit. Par ailleurs, afin de permettre le travail le dimanche dans les centres commerciaux des grandes villes de France 6, la loi Maillé avait introduit une nouvelle hypothèse de dérogations à l’interdiction, concernant tous les commerces de détail fournissant des biens ou des services (autres que les commerces de détail alimentaire) pourvu qu’ils soient situés dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE) 7. Il s’agissait d’une dérogation devant être accordée, sur la demande des entreprises, par le préfet du département, soit à titre individuel, soit à titre collectif pour les commerces exerçant la même activité. La dérogation était limitée à une durée de cinq ans. La loi Macron supprime ces deux types de zones dont la délimitation était fort complexe pour les remplacer par deux nouvelles zones géographiques : les zones commerciales (ZC) et les zones touristiques (ZT) et créer un troisième type de zones : les zones touristiques internationales (ZTI). Dans ces trois zones, les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services, c’est-à-dire les commerces de détail non alimentaires, pourront donner le repos hebdomadaire par roulement, pour tout ou partie du personnel. La dérogation à la règle du repos dominical sera de plein droit. Ces établissements n’auront ainsi plus besoin de solliciter une dérogation préfectorale en adressant à l’administration une demande devant être motivée par des arguments spécifiques à la situation de l’entreprise ou de l’activité en cause. Ce seront les élus locaux qui demanderont la création de la zone auprès de l’administration et qui devront justifier du bien-fondé de cette demande de création. 1. - Les zones touristiques et les zones commerciales Les zones touristiques concernées par la nouvelle exception à l’interdiction de travail dominical sont définies comme les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes et les zones commerciales, comme les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentiellement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière (art. L. 3132-25 et L. 3132-25-1). Un décret en Conseil d’État viendra préciser la définition de ces zones. D’un premier projet de décret, il ressort que le nombre potentiel de zones touristiques serait limité, tandis (5) V. M. véricel, « Le rapport Bailly sur le travail le dimanche : simplification limitée et subsistance des inégalités », RDT 2014. 51. (6) L’objectif était de sécuriser les équilibres de consommation créés par l’usage et d’éviter des fermetures de commerces et des licenciements. (7) Ce périmètre était caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre. 506 I Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 507 consiste en une délimitation des périmètres fondée sur des critères a priori plus clairs et logiques (encore qu’il faille attendre les précisions qu’apporteront sur ce point les décrets d’application de la loi). Mais l’amélioration la plus nette réside dans l’organisation d’une réelle concertation au niveau local de l’ensemble des parties concernées (y compris les petits commerçants dont les intérêts sont souvent différents de ceux des grandes enseignes commerciales) permettant de prendre en compte le particularisme de chaque territoire. En effet ce qui vaut, par exemple, pour les grandes agglomérations françaises ne vaut pas forcément pour des territoires plus ruraux). On notera également le souci, fort logique en la matière, de renforcer le rôle des structures intercommunales, y compris dans la demande de délimitation des zones. Dans l’immédiat, les actuelles communes d’intérêt touristique ou thermales et zones touristiques d’influence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente constitueront de plein droit des ZT au sens de la loi nouvelle et les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle constitueront de plein droit des ZC (article 257 de la loi). (8) Cette distance fait référence aux dispositions applicables en matière d’appréciation des zones de chalandise du commerce de détail en droit de la concurrence. (9) V., sur le projet de décret, Liaisons soc. quotidien n° 16871, 9 juill. 2015. Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail I 507 ÉTUDES 2. - Les zones touristiques internationales (ZTI) La France est la première destination touristique du monde, notamment Paris (près de 30 millions de touristes en 2012 dans notre capitale). Il est indéniable que le shopping pratiqué par les touristes étrangers génère un très important chiffre d’affaires pour les commerces des grandes artères parisiennes, notamment les commerces de luxe, dans les secteurs de la mode, du parfum de la beauté et de l’équipement des maisons. Cette manne génère à son tour un gisement d’emplois non négligeable surtout en période de chômage récurrent. C’est pourquoi les promoteurs de la loi ont voulu autoriser les commerces des zones de forte influence touristique, à Paris et dans les autres grandes villes touristiques de France, à faire travailler leurs salariés à la fois le dimanche et, dans la semaine, en début de nuit. Les commerces de détail qui mettent à disposition des biens et des services (commerces de détail non alimentaires) situés dans une zone touristique internationale (ZTI) pourront donner le repos hebdomadaire par roulement dans les mêmes conditions que les commerces de détail situés dans les zones touristiques et les zones commerciales (art. L. 3122-24). Les zones touristiques internationales seront délimitées directement au niveau national, par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce. La décision sera prise compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidants hors de France et de l’importance de leurs achats, après avis du maire ou du président de l’établis- ET que les zones commerciales couvriraient un champ territorial nettement plus large que la quarantaine de PUCE actuellement créées. D’après ce projet, les critères à prendre en compte pour la délimitation des zones commerciales seraient les suivants : 1. un ensemble commercial d’une surface de vente totale supérieure à 20 000 m² (ce qui correspond au seuil d’auto saisine de la commission nationale d’aménagement commercial) ; 2. un nombre annuel de clients supérieurs à 2 millions ou bien une population de l’unité urbaine supérieure à 100 000 habitants ; 3. des infrastructures adaptées et l’accessibilité par les moyens de transport individuel et collectif. Un seuil réduit (2 000 m² de surface de vente et 200 000 clients par an) serait applicable dès lors que l’on se trouve en situation de concurrence transfrontalière dans un rayon de moins de 30 km 8. Quant aux zones touristiques, ce sont les critères actuellement donnés par l’article R. 3132-20 qui subsisteraient : rapport entre la population permanente et saisonnière, nombre d’hôtels et autres hébergements, nombre de places de stationnement automobile 9. La demande de délimitation ou de modification des zones touristiques et des zones commerciales sera faite par le maire, ou bien, lorsque le périmètre de la zone concernée excédera le territoire d’une seule commune, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale, après consultation des maires concernés. La demande sera transmise au préfet de région ; elle devra être motivée et comporter une étude d’impact justifiant notamment l’opportunité de la création ou de la modification de la zone. Le préfet de région statuera sur les demandes au terme d’une large consultation. Il devra recueillir l’avis du conseil municipal des communes dont le territoire est concerné, celui des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale dont sont membres les communes dont le territoire est concerné, celui des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, celui du comité départemental du tourisme, pour les zones touristiques, et des chambres de commerce et d’industrie et des métiers de l’artisanat, pour les zones commerciales. L’avis de ces organismes sera réputé donné à l’issue d’un délai de deux mois à compter de leur saisine, en cas de demande de délimitation d’une zone (délai ramené à 1 mois en cas de demande de modification d’une zone existante). Le préfet de région statuera dans un délai de six mois sur la demande de délimitation dont il est saisi (délai ramené à trois mois pour une demande de modification d’une zone) (art. L. 3132-25-2). Par rapport au système des zones touristiques et des PUCE, le nouveau dispositif qu’instaure la loi Macron comporte deux améliorations indéniables. La première RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 508 sement public de coopération intercommunale dont la commune est membre, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés intéressés. De l’intervention du ministre chargé de l’économie lors des débats parlementaires il découle que la philosophie devant guider la délimitation serait la recherche de zones où il est avéré que l’ouverture le dimanche et en soirée crée de l’emploi et de l’activité. M. Macron a évoqué les Champs Élysées ou le boulevard Haussmann à Paris, la rue de paradis à Nice et certains quartiers de Deauville et de Cannes 10. Un décret en Conseil d’État devra déterminer les modalités d’application de cette disposition. Le projet de décret précité, publié en juillet 2015 énonce 4 critères de délimitation : 1. le rayonnement international en raison d’une offre commerciale, culturelle, de loisirs ou patrimoniale de renommée internationale ; 2. la desserte par des infrastructures de transport d’importance nationale ou internationale ; 3. une influence exceptionnelle de touristes résidant hors de France ; 4. l’importance des achats de ces touristes résidant hors de France, évaluée par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d’affaires total de la zone. Trois ans après la délimitation d’une zone touristique internationale, le gouvernement devra remettre au parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation (art. L. 3132-24) ; cette disposition résulte d’un amendement du député B. Le Roux qui vise à permettre d’évaluer l’impact de la création des ZTI sur le chiffre d’affaires des commerces concernés et sur les salariés de ces commerces (nombre de salariés concernés, rythmes de travail, contreparties accordées, etc.). Les mêmes commerces de détail bénéficieront, par ailleurs, d’une dérogation à la réglementation du travail de nuit. Alors que l’article L. 3122-29 dispose que tout travail entre 21h et 6h est considéré comme travail de nuit, pour ces commerces le début de la période de nuit pourra être décalé jusqu’à 24 h, étant entendu que lorsque ce début sera fixé au-delà de 22 h, la période de nuit ne s’achèvera qu’à 7h (au lieu de 6h) (art. L. 3132-29-1). Les commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales (ZTI) ou situés dans les emprises de gares non incluses dans une telle zone bénéficieront de la dérogation d’ouverture de plein droit jusqu’à 13h le dimanche matin. De plus, ils pourront également être autorisés à donner le repos hebdomadaire par roulement après 13h dans les conditions prévues pour les commerces de détail situés dans les zones touristiques et les zones commerciales par les articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. Par ailleurs, les commerces de détail qui mettent à disposition des biens et des services (commerces de détail non alimentaires) et qui sont situés dans l’emprise d’une gare non incluse dans une zone touristique internationale pourront être autorisés à donner le repos hebdomadaire par roulement, par un arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce, compte tenu de l’affluence exceptionnelle de passagers dans la gare en question 11. L’arrêté d’autorisation sera pris après avis du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale et des représentants des employeurs et des salariés des établissements concernés 12. Les commerces concernés devront cependant respecter les exigences posées pour les commerces de détail situés dans les zones touristiques et les zones commerciales par les articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 (art. L. 3132-25-5 et L. 3132-25-6). Lors des débats parlementaires, le ministre chargé de l’économie a eu l’occasion de préciser que la notion de gare ne se limite pas aux seules gares ferroviaires mais peut potentiellement s’étendre aux gares autoroutières ainsi qu’aux gares maritimes (mais pas aux aéroports) ; en revanche les parvis des gares ne seraient pas concernés 13. B. - Élargissement des possibilités de dérogation accordées par les maires des communes Le rapport Bailly estimait le dispositif des « cinq dimanches du maire » nettement insuffisant pour satisfaire aux attentes tant des grandes surfaces que des consommateurs dans la mesure où ces cinq dimanches sont généralement absorbés par les fêtes de fin d’année. Il préconisait d’étendre les facultés d’ouverture des commerces à d’autres événements rythmant la vie économique : rentrée des classes, départ en vacances, fête des Mères, fêtes locales, etc., c’est cette logique qui a été adoptée par les promoteurs de la loi nouvelle. À compter de janvier 2016, le maire ou, à Paris, le préfet pourra accorder aux établissements de commerce de détail (alimentaire ou non) où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, l’autorisation de supprimer ce repos jusqu’à douze dimanches par an, contre cinq actuellement (art. L. 3122-26). Pour l’année 2015, ce nombre est fixé à neuf (art. 257 de la loi). La liste de ces dimanches devra être arrêtée avant le 31 décembre, pour l’année suivante. La loi nouvelle précise que la décision du maire devra être prise après avis (conforme ou non) du conseil municipal et, lorsque le nombre de ses dimanches excédera cinq, la décision du maire devra être prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale dont la commune est (10) Débats Ass. nat., 3° séance du vendredi 13 févr. (11) Lors des débats parlementaires le ministre chargé de l’économie a eu l’occasion de préciser que la liste des gares appelées naturellement à bénéficier de ce dispositif compterait 12 gares : les 6 gares parisiennes, la gare d’Avignon TGV, la gare de Lyon Part-Dieu, la gare de Marseille Saint-Charles, la gare de Bordeaux Saint-Jean, celle de Montpellier Saint-Roch et celle de Nice ville. Débats Ass. nat., 3° séance du vendredi 13 févr. (12) Ces avis seront réputés donnés à l’issue d’un délai de 2 mois à compter de la saisine de la personne ou de l’organisation concernée. (13) Débats Ass. nat., 3° séance du vendredi 13 févr. 508 I Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 509 1. Jusqu’à présent, les autorisations de dérogation au principe du repos dominical accordées par le préfet sur le fondement de l’article L. 3132-20 (cas où le repos simultané du personnel le dimanche est préjudiciable au public ou au fonctionnement normal de l’établissement) étaient accordées pour une durée limitée, non précisée par le Code. La loi nouvelle dispose désormais que les autori- 2. La loi nouvelle précise que lorsque a été pris un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture le dimanche de l’ensemble des établissements d’une profession dans une zone géographique donnée, à la suite d’un accord entre les organisations syndicales de salariés et celles d’employeurs de cette zone, l’arrêté doit être abrogé lorsque les organisations précitées exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession dans cette zone le demandent. L’abrogation doit prendre effet dans un délai minimal de trois mois (art. L. 3132-29). Cette mesure vise les arrêtés de fermeture obligatoire devenus obsolètes. Il s’agit de répondre à des situations de distorsion de concurrence pouvant exister dans certains secteurs, soit parce qu’un seul commerce souhaite vraiment ouvrir et que tous les autres le font de façon contrainte, pour ne pas subir une concurrence déloyale, soit parce que le secteur compte de nombreux et importants commerces familiaux sans salariés et donc non soumis à l’interdiction du travail dominical. II. Un régime de garanties renforcé pour les salariés travaillant le dimanche La loi Maillé du 10 août 2009 avait instauré un régime de garantie pour les salariés travaillant le dimanche fort complexe et largement inégalitaire reposant sur une distinction essentielle entre deux situations : celle des salariés travaillant le dimanche en vertu de dérogations permanentes de plein droit et celles des salariés travaillant ce jour-là en vertu de dérogations temporaires accordées par l’autorité administrative. S’agissant des seconds, pour rendre plus facilement acceptable l’élargissement des hypothèses de dérogation, notamment dans le (14) Dans le cadre de cette concertation préalable à la désignation des dimanches, dans l’année suivant la promulgation de la loi Macron, le maire devra soumettre au conseil municipal et, le cas échéant à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, la question de l’ouverture des bibliothèques – art. L. 3132-26. Cette dispositions constitue une suggestion pour les maires d’ouvrir les bibliothèques municipales le dimanche pour inciter le public à exercer une activité plus culturelle que la visite des grandes surfaces. (15) Débats Ass. nat., 2e séance du samedi 14 févr. 2015. (16) Référence à un arrêt du Conseil d’État du 20 octobre 1993 (nos 143024 et 143859, Lebon ; RJS 1993, n° 1206) ayant jugé qu’une durée de validité de 3 ans satisfaisait à la condition de durée limitée. Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail I 509 ÉTUDES C. - Dispositions concernant les autres possibilités de dérogation Deux dispositions, dites diverses, de la loi Macron, d’importance non négligeable, concernent les pouvoirs des préfets à autoriser des dérogations à certaines entreprises en vertu de l’article L. 3132-20 et à ordonner la fermeture le dimanche au public de tout établissement d’une profession dans une zone donnée en vertu de l’article L. 3132-29. sations de dérogation prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans 16. Comme antérieurement, la décision préfectorale nécessite la prise de certains avis. Les avis requis sont ceux du conseil municipal (ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale), de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune. Mais ces avis préalables ne sont pas requis en cas d’urgence dûment justifiée et lorsque le nombre de dimanches pour lequel l’autorisation de dérogation préfectorale n’excède pas trois dimanches (rétablissement de l’article L. 3132-21 abrogé par la loi du 10 août 2009). ET membre (à défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant la saisine de cet organe, son avis est réputé favorable) 14. Les promoteurs de la loi ont cependant voulu limiter l’impact de l’élargissement des « jours du maire » pour les grandes surfaces en adoptant une disposition visant à limiter le cumul avec l’ouverture les jours fériés. Pour les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil de 400 m² posé par la loi n° 72657 du 13 juillet 1972 en faveur de certaines catégories de commerçants, c’est-à-dire les supermarchés et hypermarchés, lorsque les jours fériés – à l’exception du 1er mai – sont travaillés, ils devront être déduits par l’établissement des dimanches désignés par le maire, dans la limite de trois (art. L. 3132-26). Par ailleurs, dans le périmètre de chaque schéma de cohérence territoriale, le préfet de région devra organiser une large consultation locale, chaque année. Il devra réunir les maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale avec les associations de commerçants et les organisations représentatives des salariés et des employeurs du commerce de détail. Cette concertation locale sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces de détail se fera au regard des dérogations au repos dominical autorisées par les maires et de leur impact sur les équilibres en termes de flux commerciaux et de répartition des commerces de détail sur le territoire (art. L. 3132-27-2). Cette mesure est destinée à vérifier que, sur chaque territoire, s’opère une régulation des flux commerciaux afin de trouver le bon équilibre entre les intérêts des grandes surfaces et ceux des petits commerces de proximité 15. RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 510 cadre des PUCE des grandes unités urbaines, les promoteurs de la loi avaient accordé plusieurs garanties au profit des salariés. Les dérogations ne pouvaient être accordées qu’au vu d’un accord collectif ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum, fixant les contreparties accordées pour les salariés privés de repos dominical. Par ailleurs, le principe du volontariat pour travailler le dimanche était affirmé, avec l’exigence d’un accord écrit et l’interdiction de toute mesure discriminatoire en cas de refus d’un salarié de travailler le dimanche. Par contre, pour les salariés privés de repos le dimanche en vertu des différentes dérogations permanentes de droit, notamment celle concernant les établissements dont l’ouverture le dimanche est rendue nécessaire par les contraintes de la production ou les besoins du public (art. L. 3132-12) et l’ensemble des commerces de détail situés dans une commune ou zone touristique, les salariés privés de repos le dimanche bénéficiaient simplement d’un repos un autre jour par roulement. Les promoteurs de la loi de 2009 avaient considéré que, dans ces hypothèses de dérogations, le travail le dimanche était, en quelque sorte, inhérent à la nature des emplois et qu’il était donc normal que les salariés ne bénéficient d’aucun avantage ou garantie particuliers. Toutefois la loi de 2009 avait imposé, dans les commerces de détail, aux organisations patronales – ou à l’employeur – et aux syndicats de salariés, d’entreprendre une négociation en vue de la conclusion d’un accord collectif relatif à des contreparties applicables aux salariés privés de repos dominical (mais l’obligation portait uniquement sur l’engagement d’une négociation, pas sur la conclusion d’un accord) 17. Les dispositions de la loi Macron aboutissent à un renforcement non négligeable des droits des salariés travaillant le dimanche, notamment ceux employés dans les commerces des zones touristiques, des zones touristiques internationales et des zones commerciales. Ceci dit, ces dispositions ne suppriment pas l’ensemble des inégalités existantes entre les salariés travaillant le dimanche. 1. Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement dans les zones touristiques, les zones touristiques internationales et les zones commerciales ainsi que dans les gares non situées dans une ZTI mais caractérisées par une affluence exceptionnelle de passagers, les commerces de vente de détail non alimentaire devront nécessairement être couverts par un accord collectif accordant plusieurs garanties. L’accord peut être soit un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement ou encore un accord conclu à un niveau territorial, ou, en l’absence de délégués syndicaux, un accord conclu par des représentants élus du personnel expressément mandatés à cet effet ou, en l’absence de représentants du personnel, par un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet dans (17) C. trav., art. 2, IV, de la loi. 510 I Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail les conditions posées par l’article L. 5125-4, II à IV, relatif aux accords de maintien de l’emploi. Les accords de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement et les accords territoriaux devront prévoir une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche. Tous les accords devront fixer les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical, ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Cette disposition s’applique également aux établissements dont certains des salariés travaillent dans la surface de vente d’un établissement situé dans une des zones précitées. Les accords devront prévoir également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés du repos dominical et fixer les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants. Ils devront fixer aussi les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle de ses salariés et déterminer les modalités de prise en compte d’un changement d’avis du salarié privé du repos dominical. Lorsque le commerce comporte moins de onze salariés, à défaut d’accord collectif ou d’accord territorial, la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement sera ouverte après consultation par l’employeur des salariés concernés sur les mesures précitées et approbation de la majorité d’entre eux. En cas de franchissement du seuil de 11 salariés, l’établissement devra être couvert par un accord collectif, un accord territorial, un accord conclu par des représentants du personnel ou des salariés mandatés, à compter de la troisième année consécutive au cours de laquelle l’effectif atteint le seuil de 11 salariés. Par ailleurs, la loi nouvelle prévoit que les organisations liées par un accord collectif dont les stipulations sont applicables aux commerces de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services doivent ouvrir des négociations sur les thèmes obligatoires de l’accord collectif ou territorial imposé dans les zones touristiques ou commerciales pour employer du personnel le dimanche. Les négociations devront s’ouvrir dans les six mois de la promulgation de la loi (art. L. 3132-25-3). En matière de compensation à accorder aux salariés employés le dimanche, l’idée-force des promoteurs de la loi – reprise d’ailleurs du rapport Bailly – est donc l’obligation pour les employeurs d’ouvrir des négociations aboutissant à un accord avec les représentants des salariés sur ces contreparties ; à défaut d’accord sur les contreparties, il n’y a pas de possibilité de déroger à la règle du repos dominical. L’idée d’un plancher minimal pour des contreparties salariales a été écartée, malgré plusieurs amendements de parlementaires déposés dans ce sens, par souci de ne pas RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 511 3. Dans les commerces de détail alimentaire, qui sont autorisés de plein droit à faire travailler leurs salariés le dimanche jusqu’à 13h, ces salariés bénéficient actuellement d’un repos compensateur, par roulement et par quinzaine, d’une journée entière (art. L. 3132-13). La loi nouvelle a complété cette disposition en prévoyant que lorsque la surface de vente du commerce est supérieure au seuil de 400 m², les salariés employés le dimanche devront bénéficier d’une rémunération majorée d’au moins 30 % par rapport à leur rémunération normale. Le seuil de 400 m² permet de toucher l’ensemble des grandes surfaces : hypermarchés, mais aussi supermarchés et discounters. Cette nouvelle disposition, a priori assez inégalitaire entre les salariés employés dans les différents types d’éta- (18) S. Travert, rapporteur thématique de la commission spéciale, et E. Macron, ministre de l’économie, Débats Ass. nat., séance du samedi 14 févr. (19) E. Macron, Débats Ass. nat., séance du jeudi 12 févr. Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail I 511 ÉTUDES 2. la loi nouvelle étend à quasiment l’ensemble des salariés travaillant le dimanche le principe du volontariat. Les salariés employés le dimanche dans les commerces de vente au détail non alimentaires situés dans des zones touristiques, des zones commerciales, des zones touristiques internationales ainsi que dans les gares non situées dans une ZTI mais caractérisées par une affluence exceptionnelle de passagers devront être volontaires pour travailler ce jour-là. La même règle s’appliquera aux salariés employés le même jour dans des établissements bénéficiant d’une dérogation préfectorale au repos dominical en vertu de l’article L. 3132-20 (cas où le repos simultané du personnel le dimanche est préjudiciable au public ou au fonctionnement normal de l’établissement). La loi exige même que ces deux catégories de salariés donnent leur accord écrit à leur employeur. Une entreprise ne pourra prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher ou prendre à son encontre une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, et le refus de travailler le dimanche ne constituera ni une faute ni un motif de licenciement. L’accord collectif mentionné ci-dessus (ou les mesures proposées par l’em- ployeur) déterminera les modalités de prise en compte d’un changement d’avis du salarié privé du repos dominical (art. L. 3132-25-4). Pour l’application de l’article L. 3132-20 (dérogation préfectorale accordée lorsque le repos simultané le dimanche est préjudiciable au public ou au fonctionnement normal de l’établissement), à défaut d’accord collectif applicable, l’employeur demandera chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle, ou un emploi équivalent, ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. À cette occasion, il l’informera de son droit de ne plus être employé le dimanche ; si le salarié entend utiliser ce droit, son refus d’être employé le dimanche prendra effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur. Le salarié qui travaille le dimanche pourra à tout moment demander à bénéficier de cette priorité de retour à un emploi ne comportant pas de travail dominical. Toujours en l’absence d’accord collectif, le salarié privé de repos dominical conservera la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile à condition d’en informer l’employeur en respectant un délai d’un mois. L’employeur devra prendre toutes mesures nécessaires pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote lors des scrutins nationaux et locaux ayant lieu le dimanche (art. L. 3132-25-4). L’ensemble de ces dispositions s’appliquera également aux salariés employés dans les établissements concernés à compter du 24e mois suivant la publication de la loi. « Jusqu’à l’expiration de ce délai demeurent applicables les accords collectifs et les décisions unilatérales de l’employeur prises en vertu de la loi du 10 août 2009 ; mais lorsque un accord collectif vient à être régulièrement négocié dans les conditions de la loi nouvelle, cet accord s’applique dès sa signature en lieu et place de la décision unilatérale de l’employeur » (art. 257 de la loi). ET pénaliser les petits commerces. Selon le rapporteur thématique de la commission spéciale, fixer une compensation plancher, telle que le doublement de la rémunération normale, serait certes une règle adaptée aux grandes enseignes mais impossible à appliquer pour un grand nombre de petits commerces qu’il est souhaitable de protéger, dans la mesure où ils assurent l’animation et l’identité des bourgs et des centres-villes 18. Le problème posé par cette conception est qu’elle ne tient pas vraiment compte du rapport de force très défavorable aux salariés dans le secteur du commerce où le taux de syndicalisation est extrêmement faible (2 % toutes organisations syndicales confondues) et où les salariés travaillant le dimanche sont surtout un public en situation de précarité (essentiellement des femmes et des étudiants) et ce rapport est particulièrement défavorable aux salariés en période de chômage de masse. Toutes ces dispositions s’appliqueront aux salariés employés dans les établissements concernés à compter du vingt-quatrième mois suivant la publication de la loi. Jusqu’à l’expiration de ce délai demeurent applicables les accords collectifs et les décisions unilatérales de l’employeur prises en vertu de la loi du 10 août 2009. Ce délai assez long de deux années s’explique par le souci de donner aux partenaires sociaux un temps suffisant pour négocier afin d’aboutir à de bons accords 19. Mais lorsque un accord collectif viendra à être régulièrement négocié dans les conditions de la loi nouvelle, cet accord s’appliquera dès sa signature en lieu et place de la décision unilatérale de l’employeur (article 257 de la loi). RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 512 blissements, est censée rétablir un équilibre concurrentiel entre les commerces quelle que soit leur surface de vente. Selon M. Macron, lorsqu’un supermarché situé dans un chef-lieu de canton ouvre un dimanche matin, cela entraîne une baisse du chiffre d’affaires des boulangeries, boucherie ou des magasins de vêtements qui ont la possibilité d’ouvrir ; il importait donc de réparer cette injustice 20. Les promoteurs de la loi ont voulu imposer aux grandes surfaces un effort particulier en faveur de leurs salariés, justifié par les profits qu’elles retirent de l’ouverture le dimanche, effort considéré comme impossible à exiger des petits commerces 21. 4. Dans les commerces de détail, lorsque le repos dominical est supprimé en vertu d’une décision du maire (ou du préfet de Paris), la loi nouvelle a laissé subsister l’exigence du doublement de la rémunération des salariés appelés à travailler le dimanche (en raison du caractère exceptionnel de ce travail dominical et de l’imprévisibilité des dimanches où ces salariés seront amenés à travailler). De plus, cette loi a ajouté une garantie nouvelle pour ces salariés en les faisant bénéficier de l’exigence du volontariat et de celle d’un accord écrit pour pouvoir travailler le dimanche. Également, la prise en considération du refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher ou prendre à son encontre une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail sera interdit et le refus de travailler le dimanche ne constituera ni une faute ni un motif de licenciement (art. L. 3122-27-1). La loi Macron apporte donc de nouvelles garanties pour plusieurs catégories de salariés employés le dimanche. Il n’en demeure pas moins qu’elle laisse subsister de fortes inégalités entre ces salariés. Ainsi les salariés travaillant le dimanche en application des diverses dérogations permanentes de droit dont bénéficient certains établissements eu égard aux nécessités des contraintes de la production ou les besoins du public (art. L. 3132-12) ne bénéficieront toujours d’aucune garantie de majoration de leur rémunération ni d’aucun mécanisme de négociation visant à aboutir à une telle majoration. Les promoteurs de la loi nouvelle ont repris, comme l’auteur du rapport Bailly, l’idée du législateur de 2009 selon laquelle l’absence de régime social plus favorable se justifie dans ces secteurs d’activité où le travail le dimanche est inhérent à la nature de l’activité (mais où sont cependant employés environ les deux tiers des salariés travaillant le dimanche). Les salariés des commerces de vente de détail non alimentaire situés dans les zones touristiques, les zones tou- ristiques internationales et les zones commerciales, ainsi que dans les gares caractérisées par une affluence exceptionnelle de passagers, bénéficieront eux des contreparties qui résulteront d’un accord collectif – mais sans plancher légal 22. Seuls finalement les salariés des commerces de détail alimentaire employés le dimanche matin et ceux appelés à travailler lors des dimanches faisant l’objet d’une autorisation de dérogation de la part du maire, bénéficieront d’une exigence légale de majoration de leur rémunération (allant jusqu’au doublement dans le second cas). Actuellement le quart environ des travailleurs du dimanche bénéficie d’une compensation quelconque (majoration de salaire, congés supplémentaires, régime de retraite plus favorable) 23. Les dispositions de la loi Macron devraient aboutir à une augmentation non négligeable de salariés bénéficiaires de contreparties pour la perte de leur repos dominical. Mais, dans la plupart des cas, ces contreparties resteront certainement très faibles, alors même que nombre des employeurs bénéficieront eux de profits supplémentaires plus ou moins substantiels. C’est pourquoi un député avait imaginé un mécanisme de surplus de rémunération lié à la valeur ajoutée créée par l’ouverture de l’établissement le dimanche 24. Mais cette idée, il est vrai difficile à mettre en œuvre techniquement, n’a pas été retenue. 5. On a vu que la loi nouvelle accorde aux commerces de détail qui mettent à disposition des biens et des services (commerces non alimentaires) et qui sont situés dans une zone touristique internationale (ZTI), une dérogation à la réglementation du travail de nuit leur permettant de décaler le début de la période de nuit jusqu’à 24 h. Mais cette faculté sera elle aussi subordonnée à une double condition. En premier lieu, chacune des heures de travail effectuées durant la période fixée entre 21h et le début de la période de travail de nuit devra être rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donner lieu à un repos compensateur équivalent en temps. Fidèle à leur logique, les promoteurs de la loi ont considéré que les grandes enseignes, à qui appartiennent essentiellement ces commerces et auxquelles la dérogation au travail de nuit rapporte de substantiels profits, devaient en conséquence être tenues d’offrir des contreparties suffisantes à leurs salariés. En second lieu, ces commerces devront être couverts par un accord collectif de branche, d’entreprise, de groupe, d’établissement ou territorial prévoyant cette faculté d’employer des salariés entre 21h et 24h. L’accord (20) Débats Ass. nat., deuxième séance du samedi 14 févr. 2015. (21) Ibid. (22) Certains des salariés actuellement employés dans les PUCE, destinés à devenir des zones commerciales, verront même leurs garanties réduites par la loi nouvelle car la loi Maillé leur avait accordé, en l’absence d’accord collectif, la garantie d’un doublement de la rémunération. (23) Ce chiffre baisse à 17 % dans le secteur de l’hôtellerie restauration : étude conditions de travail en 2013, réalisée par la DARES, publiée le 10 juin 2015. (24) J.-C. Fromantin, Débats Ass. nat., troisième séance du vendredi 13 févr. 2015. 512 I Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail RDT09-05_ETUDES_Mise en page 1 10/09/2015 19:40 Page 513 Télécharger le livre blanc Loi Macron : quels impacts sur le droit social ? Septembre 2015 - Revue de Droit du Travail I 513 ÉTUDES vail de nuit avec des obligations familiales impérieuses (art. L. 3122-37), la consultation obligatoire du médecin du travail avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification de l’organisation du travail de nuit (art. L. 3122-38), la surveillance médicale (art. L. 3122-42) et les possibilités de retour au travail de jour (art. L. 3122-45). En outre, lorsqu’au cours d’une même période de référence, le salarié aura accompli des heures de travail en soirée, entre 21h et 24 h, et des heures de travail entrant dans la définition du travail de nuit donnée par l’article L. 3122-31, les heures seront cumulées pour apprécier le nombre d’heures minimal prévues par cet article (art. L. 3132-29-1). En définitive, autant que l’on puisse en juger « à chaud », juste après la promulgation du texte, il nous semble que, dans leur recherche d’équilibre, les promoteurs de la loi ont mieux réussi dans la clarification (bien que relative) du système des dérogations et dans la réduction des distorsions de concurrence entre les différents types de commerce que dans l’aménagement des relations employeurs et salariés. Les salariés appelés à travailler le dimanche obtiennent certes un certain renforcement de leurs garanties. Cependant ces garanties demeurent limitées, tant dans leur champ d’application, que dans leur contenu. Les promoteurs de la loi nouvelle ont fait la « part du feu » en déminant une situation complexe et difficile à gérer et également, sans doute, en débloquant un certain gisement d’emplois (diverses études ont montré une augmentation de l’emploi de 4 à 12 % dans les entreprises ouvrant le dimanche). Mais il n’est pas certain que la plupart des salariés du dimanche trouvent réellement leur compte dans l’application des nouvelles dispositions. ET prévoira notamment, au bénéfice des salariés employés entre 21h et le début de la période de nuit, la mise à disposition de moyens de transport pris en charge par l’employeur permettant aux salariés de regagner leur lieu de résidence, les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelles et, en particulier, les mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants, la fixation des conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés et, en particulier de leur changement d’avis. Pour les salariées en état de grossesse, la liberté de choix de ne plus travailler entre 21h et le début de la période de nuit sera d’effet immédiat. Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord écrit à leur employeur pourront travailler entre 21h et 24h. Une entreprise ne pourra prendre en considération le refus d’une personne de travailler entre 21h et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher ou prendre à son encontre une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Enfin, le refus de travailler entre 21h et le début de la période de travail de nuit ne constituera ni une faute ni un motif de licenciement. Les principales dispositions protectrices des salariés en cas de travail de nuit seront applicables aux salariés qui travailleront entre 21h et 24h dès lors qu’ils accompliront sur cette période le nombre minimal d’heures de travail définissant le travailleur de nuit (soit accomplir, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien – soit accomplir, au cours d’une période de référence, un nombre minimal d’heures fixées par accord collectif ou à défaut par décret – art. L. 3121-31). Ainsi, leur seront applicables l’exigence de compatibilité du tra- Retrouvez les ouvrages ayant servi à constituer ce dossier. 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