d`où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques
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d`où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques
D'OÙ VIENT LA SUPÉRIORITÉ DES ENFANTS CORÉENS EN MATHÉMATIQUES ? Hee Yean Cho et al. Armand Colin | Carrefours de l'éducation 2008/2 - n° 26 pages 185 à 200 ISSN 1262-3490 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2008-2-page-185.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Cho Hee Yean et al., « D'où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? », Carrefours de l'éducation, 2008/2 n° 26, p. 185-200. DOI : 10.3917/cdle.026.0185 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Article disponible en ligne à l'adresse: D s Hee Yean Cho, Annick Weil-Barais [email protected] [email protected] epuis plus de quarante ans, les évaluations internationales ont établi une supériorité systématique des élèves asiatiques par rapport aux élèves occidentaux en ce qui concerne les performances en mathématiques. Ceci a donné lieu à toute une série de travaux visant à comprendre l’origine de ces différences. Le fait que, d’une part, il n’y a pas de lien entre les dépenses des pays en matière d’éducation et le score global moyen en mathématiques, et que, d’autre part, les élèves des pays d’Amérique du nord d’origine asiatique ont des performances supérieures aux élèves d’origine européenne a conduit à rechercher des explications concernant l’origine des différences du côté de facteurs culturels. Plusieurs pistes ont jusqu’alors été explorées : linguistiques et éducatives. Au plan linguistique, plusieurs auteurs ont relevé que le système de désignation des nombres des langues asiatiques était régulier contrairement à l’anglais et au français, ce qui facilite la compréhension du système décimal (Miura, Okamoto, Kim, Steere et Fayol, 1993 ; Miura, Okamoto, Kim, Chang, Steere et Fayol, 1994 ; Suk-Han Ho et Fuson, 1998). Fuson et ses collaborateurs (1997) ont réalisé une étude apportant la preuve de l’avantage de la suite régulière des mots-nombres dans les langues de l’est asiatique. Cette étude concerne des enfants hispanophones des quartiers défavorisés de Detroit (Etats-Unis). Ils ont comparé l’enseignement de deux suites verbales numériques : la suite conventionnelle dans les langues d’apprentissages du calcul et cette même suite régularisée « à l’asiatique ». Fuson et al. ont choisi une classe où l’enseignement mathématique se faisait en américain et une autre en espagnol, les langues maternelles des enfants. Par exemple, pour le nombre 53, les élèves apprennent à le dire « cinq dix et trois uns » dans leur langue maternelle : « five tens and three ones » en américain et « cinco dieces y tres unos » en espagnol. Les résultats sont très intéressants car, Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin n Dossier 2. Psychisme, culture et apprentissage. International D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? ••••••••••••••• International Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin en fin d’année, les élèves ayant participé à l’expérimentation étaient même parfois supérieurs à ceux des élèves asiatiques. Rappelons qu’en France, au xviiie siècle, Condorcet avait formulé une proposition semblable à celle de Fuson (1997) dans son dernier ouvrage, Moyens d’apprendre à compter sûrement et avec facilité, publié après sa mort, en 1799, par sa femme. Cette proposition a été reprise récemment par Brissiaud, Clerc et Ouzoulias (2001). Au plan éducatif, de nombreux déterminants ont été étudiés : les programmes scolaires (Stigler, Lee, Lucker et Stevenson, 1982 ; Stevenson, Azuma et Hakuta, 1986), le volume horaire consacré à l’apprentissage des mathématiques à l’école (Stevenson et al. 1986 ; Fischer, 2002) ou à la maison (Chen et Stevenson, 1989), les activités demandées aux élèves (Perry, VanderStoep et Yu, 1993), les formes d’organisation du travail scolaire (Stigler, Lee et Stevenson, 1987), le style du maître (Stigler, Lee et Stevenson, 1987), les représentations et valeurs sociales concernant les connaissances et la réussite en mathématiques (Stevenson, Lee, Chen, Stigler, Lee, Hsu, et Kitamura, 1990 ; Stevenson, Cheng et Lee, 1993), le rôle des parents (Crystal et Stevenson, 1991 ; Geary, 1996 ; Holloway et al., 1986 ; Huntsinger et al., 2000 ; Stevenson et Stigler, 1992). Les recherches citées sont loin d’être exhaustives mais elles tendent, dans leur ensemble, à établir que, tendanciellement, les parents asiatiques sont plus exigeants à l’égard de l’apprentissage des mathématiques de leurs enfants que les parents nord-américains et que les enfants eux-mêmes y consacrent plus de temps ; leur conception de la réussite et de l’échec diffère également : par exemple, les parents japonais étudiés par Stevenson, Cheng et Lee (1993) expliquent les mauvais résultats plutôt par un manque d’effort alors que les parents américains le rapportent plutôt à un manque de capacités. Ces différences entraînent des stratégies éducatives très différentes. Les parents japonais sont enclins à faire un effort pour les élèves faibles, alors que les parents américains seront plutôt enclins à réorienter leur enfant s’il échoue en mathématiques. À ces différences s’ajoutent des différences de fonctionnement pédagogique en classe de mathématiques : dans les pays asiatiques étudiés, des activités plus concrètes réalisées en groupe, davantage d’interventions informatives de la part des maîtres jouant un rôle de leaders, alors qu’en Amérique du Nord, les formes individuelles de travail sont privilégiées, accompagnées d’un plus grand effacement du maître. L’ensemble des études réalisées jusqu’alors concerne essentiellement des enfants d’âge scolaire (niveau collège et lycée). L’étude de Huntsinger et al. (2000) qui compare l’évolution des performances d’enfants nord-américains d’origines européenne et chinoise entre 5 et 9 ans constitue une exception. La supériorité initiale des enfants d’origine chinoise se maintient au cours du développement, alors même qu’ils fréquentent le même type d’école. Ceci attesterait de l’importance du rôle de la famille et de sa culture de référence. On peut légitimement penser que c’est à un âge très précoce que se construit le rapport de l’enfant avec les connaissances mathématiques, au sein même de sa famille. Cette idée est fondée à la fois sur les conceptions vygotskiennes du développement qui attribuent aux adultes un rôle • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin 186 187 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin majeur, à travers les médiations sociales dont l’enfant bénéficie dans le cadre des interactions langagières et sur le modèle écosystémique proposé par Bronfenbrenner (1993) qui fait jouer au micro-système composé des personnes qui entretiennent des relations immédiates avec l’enfant un rôle fondamental, notamment en invitant ou empêchant l’engagement dans des interactions soutenues, progressivement plus complexes, avec et dans l’environnement immédiat. L’enjeu de l’étude présentée est de mettre en évidence des différences quant à la manière dont les parents de deux pays très contrastés du point de vue des performances en mathématiques des élèves, engagent les jeunes enfants dans des activités numériques. Il s’agit de la France et de la Corée. Cette étude a été conduite à l’occasion de la réalisation d’une thèse en sciences de l’éducation, en France, par un chercheur de nationalité coréenne (Cho, 2007). Il s’agit d’une étude exploratoire concernant des enfants d’âge préscolaire, tous scolarisés dans une école maternelle française, dont l’âge s’étale entre 3 et 5 ans. L’ampleur de la classe d’âge s’explique par le fait que, faute d’études antérieures, il était impossible de situer a priori la période la plus intéressante à considérer pour mettre en évidence des différences. Nous présenterons tout d’abord quelques aspects qui différencient ces deux pays. Dans un second temps, l’étude sera décrite et discutée. La Corée et la France : deux pays contrastés Nous relèverons trois aspects qui différencient ces deux pays du point de vue des connaissances mathématiques : les performances scolaires en mathématiques, le système linguistique de désignation des nombres et les modalités de l’éducation à l’âge pré-scolaire. Les performances en mathématiques La consultation des résultats des évaluations internationales concernant les élèves de collège montre que les élèves coréens se situent dans le peloton de tête des pays impliqués, ce qui n’est pas le cas des élèves français qui se situent dans la zone moyenne. Les données concernant les deux pays aux deux enquêtes internationales de référence (TIMSS et PISA) sont récapitulées dans le tableau 1. La France n’a participé à l’enquête TIMSS qu’en 1995. La Corée se maintient à la seconde place dans les deux enquêtes postérieures à 1995. . International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA), Trends in International Mathematics and Science Study (TIMSS), 1995, 1999, and 2003, http://timss.bc.edu/ . L’enquête internationale PISA organisée en trois vagues respectivement – 2000, 2003 et 2006 – est un projet mené conjointement par l’Unesco et l’OCDE visant à évaluer les acquis des élèves de 15 ans, des pays membres et de certains autres pays. Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? ••••••••••••••• 188 International TIMS 1995 – grades 4 et 8 Corée Scores 607 France 577 2 e Rangs Scores moyens PISA 2003 Corée France 538 492 542 511 13 20 3 16e e e sur 41 pays sur 41 pays 495 466 e sur 40 pays sur 40 pays 500 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Concernant les très jeunes enfants, on dispose de peu de données comparatives entre la France et la Corée, notamment pour ce qui concerne la connaissance des nombres et des opérations. Song et Ginsbourg (1987) ont comparé les performances d’élèves coréens et américains, âgés de 4 à 8 ans, au TEMA (Test of Early Mathematical Ability). Dans la tranche d’âge supérieure (7 et 8 ans), les élèves coréens se sont avérés supérieurs aux Américains, ce qui n’est pas le cas pour les plus jeunes. Miura, Kim, Chang et Okamoto (1988) ont comparé des enfants coréens d’âge préscolaire, à des enfants japonais, taiwanais et américains en utilisant une épreuve permettant de cerner la conception du nombre des enfants : représenter les nombres 11, 13, 28, 30 et 42 avec des cubes unités et des barres de dix unités. Les enfants américains privilégient les constructions avec des cubes unités, correspondant à une représentation du nombre par comptage un par un, alors que les enfants asiatiques privilégient les représentations par groupes (par exemple, pour 42, 4 barres et 2 cubes unités ou 3 barres et 12 cubes unités). Ceci traduit une meilleure compréhension du système numérique, au plan conceptuel. Les résultats montrent des réussites coréennes très supérieures aux réussites américaines : 98 % des élèves coréens ont réussi le test, contre 13 % des Américains. La réussite des autres groupes d’enfants asiatiques est également élevée : 76 % des taïwannais et 79 % des Japonais réussissent l’épreuve. Une étude postérieure de Miura et al. (1993) a comparé, avec la même épreuve, des élèves de première année d’école en Chine, Japon, Corée, France, Suède et Etats-Unis. Les résultats sont semblables aux résultats antérieurs : les élèves chinois, japonais et coréens préfèrent utiliser à la fois les barres et les cubes unités ; par contre, les élèves français, suédois et américains préfèrent utiliser les collections d’unités, suggérant qu’ils se représentent le nombre comme un groupement d’objets comptés. Un seul élève français sur les 23 a réussi l’épreuve alors qu’elle est réussie par 23 élèves coréens sur 24. On relèvera cependant que les élèves français sont un peu plus jeunes que les Coréens (6 ans 4 mois versus 7 ans 1 mois). • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Tableau 1. — Comparaison des scores en mathématiques des enquêtes internationales TIMS et PISA, pour la Corée et la France. D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? 189 Le système linguistique de désignation des nombres Dans les langues de l’est asiatique (le chinois, le japonais, le coréen), les suites de mots de nombres sont régulières et structurées logiquement comparativement aux suites non asiatiques, particulièrement les suites anglaise et française. Dans les langues asiatiques, le statut particulier des groupes de dix est beaucoup mieux marqué, par exemple, la transcription de la suite chinoise est la suivante : Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin En Corée, deux suites de nombres coexistent. La première, qualifiée de « régulière » est tout à fait analogue à la suite chinoise ; la seconde, qualifiée « d’irrégulière », présente des irrégularités pour les noms de dizaines. Par exemple, dans la suite régulière, où 2 se dit Ee, 3 Sam, 4 Sa, 5 Oo, 6 Yuk, 7 Tchil, 8 Pal, 9 Gu et 10 Sip, 20 se dit Ee-sip, 30 Sam-sip, 40 Sa-sip, 50 Oo-sip, etc. Puis, dans la suite irrégulière, où 2 se dit Dool, 3 Set, 4 Net, 5 Dasot, 6 Yeosot, 7 Ilgop, 8 Yeodulp, 9 Ahop et 10 Yeol, 20 se dit Sumool, 30 Seoren, 40 Maheun, 50 Shin, 60 Yeosun, 70 Iren, etc. Les deux suites sont enseignées en première année d’école. Mais la plupart des enfants coréens apprennent les deux types de suite avant la scolarisation. Comme le mentionne Fischer (1990), la suite irrégulière est apprise informellement aux enfants coréens et, ensuite, la suite régulière est utilisée dès le début de l’apprentissage en mathématiques. Certaines comptines numériques coréennes utilisent ces deux suites pour mémoriser la correspondance entre les deux. Selon Song et Ginsbourg (1988), aucun des jeunes coréens, sur les 23 testés ne souffre initialement du fait de leur bilinguisme numérique et, à l’âge de 4 ans, ils peuvent compter sans difficulté jusqu’à trente. Les modalités de l’éducation préscolaire La quasi-totalité des enfants de 3 à 5 ans sont scolarisés en école maternelle aujourd’hui en France. Par contre, en Corée le projet de l’éducation gratuite en école maternelle est en cours et le taux de scolarisation en école maternelle ne dépasse pas 35 % pour toutes les tranches d’âge. C’est donc la famille qui, pour la majeure partie, assure l’éducation des enfants. En Corée, du fait du travail des femmes et du coût de la scolarisation, les familles à enfant unique sont majoritaires et investissent beaucoup dans leur éducation. Les mères, femmes au foyer, s’occupent entièrement de l’éducation de leur enfant. Elles leur enseignent les mathématiques, les lettres coréennes, l’anglais, etc. avec des outils pédagogiques qu’elles trouvent souvent sur l’internet. Elles sont avides Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin « – de 1 à 10 : yi (1), er (2), san (3), si (4), wu (5), liu (6), qi (7), ba (8), jiu (9), shi (10) ; – de 11 à 19 : shi-yi (11), shi-er (12), shi-san (13), shi-si (14), shi-wu (15), shi-liu (16), shi-qi (17), shi-ba (18), shi-jiu (19) ; –de 20 à 99 : er-shi (20), er-shi-yi (21)…, er-shi-jiu (29), san-shi (30), si-shi (40), wu-shi (50), liu-shi (60), qi-shi (70), ba-shi (80), jiu-shi (90)…, jiu-shi-jiu (99). » (d’après Fischer, 2002). ••••••••••••••• International Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin de conseils et participent en très grand nombre à des groupes de discussion via l’internet. Une pratique récente est le recours aux edu-sitters qui se déclinent en de nombreuses spécialités : play-sitter, english-sitter, book-sitter, maths-sitter, artssitter, etc. Dans leur majorité, les edu-sitters sont diplômés en éducation des jeunes enfants. Ils dépendent d’entreprises privées, reçoivent une formation et ont des programmes éducatifs systématiques, par exemple : activités artistiques, jeux de rôles, contes pour enfants. Les english-sitters ou les maths-sitters sont diplômé(e)s en anglais ou en mathématiques et proposent des activités pour pratiquer ces matières avec les enfants, dans la vie quotidienne. Les parents peuvent choisir librement leur edu-sitter, l’horaire et la durée. Ce système est accueilli très favorablement par les mères coréennes, y compris les femmes au foyer (SBS, 2006). Avec ce système, avant l’entrée à l’école élémentaire, la majorité des enfants coréens est capable de lire, écrire, compter et calculer avec de petits nombres (addition et soustraction, voire multiplication et division) avant d’entrer à l’école élémentaire. La comparaison des programmes scolaires de l’école maternelle, des contenus et des exercices proposés dans les ouvrages montre une très grande similitude entre la France et la Corée, ce qui s’explique par le fait que l’école maternelle française a constitué, pour la Corée, la source d’inspiration majeure (Cho, 2007). Toutefois, on relève que les quantités numériques proposées aux enfants coréens sont plus grandes que pour les enfants français. Une première approche des probabilités est proposée en Corée, ce qui n’est pas le cas pour la France. Si l’on prend en compte les différents éléments rapportés, il apparaît que la supériorité des performances des enfants coréens est associée à l’usage d’un système de dénomination des nombres transparent par rapport au système décimal, un investissement important des familles dans les apprentissages des enfants et, enfin, des exigences plus importantes en matière de connaissance des nombres. On peut donc s’attendre à ce que les parents coréens soient plus enclins à proposer des activités mathématiques aux enfants que les parents français. C’est ce que l’étude rapportée ci-après a cherché à établir. Comparaison de dyades parent-enfant dans un contexte de jeu : le jeu de la marchande Nous avons choisi de proposer une situation de jeu de façon à permettre l’expression de conduites spontanées. Il s’agit du « jeu de la marchande », une situation déjà utilisée par Gauvain et Rogoff (1989). Le jeu réfère à une activité familière aux deux pays comparés : l’achat et la vente de produits. Un tel jeu est susceptible de susciter des activités mathématiques à caractère pragmatique : constitution de collections homogènes d’objets, dénombrement des objets disponibles, détermination des prix, comparaison de quantités ou de prix, étiquetage des produits, établissement de facture, etc. Bien entendu, ce jeu est également propice à d’autres activités comme les jeux de rôle ou toute autre activité symbolique. La diversité • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin 190 D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? 191 des activités que ce jeu autorise permet de cerner les investissements privilégiés qu’en font les dyades. Nous supposons que les parents coréens sont davantage enclins à suggérer des activités numériques à l’âge préscolaire (comptage, dénombrement, comparaison de quantités ou de prix, calcul, étiquetage, etc.) que les parents français, qu’ils valorisent spontanément les connaissances numériques manifestées par les enfants et qu’ils ont des attentes supérieures au plan de ces connaissances. Les dyades retenues pour la comparaison présentent, autant que faire se peut, des caractéristiques comparables au plan sociologique, ce qui va être précisé ci-après. Le matériel mis à la disposition des dyades permet de concevoir un rayon de friandises disposées sur des étagères et de jouer à la marchande ou au marchand. Il comprend : une étagère comprenant deux niveaux (L37, P30, H15 cm) ; six boîtes contenant des friandises différentes (5 bonbons jaunes en banane tagada, 6 bonbons rouges en fraise tagada, 10 carambars de trois couleurs différentes – rose, orange, rouge – 5 sucettes bleues, 7 chewing-gums roses, 4 kinders (oeufs en chocolat) ; des étiquettes vierges autocollantes pour noter le contenu des boîtes ; six jeux d’étiquettes indiquant le prix, proposant des représentations figuratives, analogiques et numériques -ils sont inspirés des types de notation spontanée répertoriés par Sinclair (1988) ; des sacs en papier pour mettre les bonbons ; des feuilles de papier blanc pour noter les articles achetés par le client ; des feutres de différentes couleurs. Les conditions de l’observation La situation a été présentée aux parents comme étant un jeu que nous testions, sans préciser que l’étude concernait l’acquisition des connaissances mathématiques. Les parents étaient sollicités pour donner leur avis sur l’intérêt du jeu ainsi que sur ses aspects positifs et négatifs. Les dyades parent-enfant ont été filmées dans un lieu laissé au libre choix des parents (domicile, parc, salle de travail, etc.). Les modalités de contact, les consignes données ainsi que les modalités de prise de vue ont été conçues en vue d’obtenir des conduites les plus spontanées possibles. Déroulement de l’observation Dans un premier temps, on donne un mode d’emploi du jeu au parent, sous une forme écrite et nous nous assurons qu’il a bien pris connaissance du matériel et des possibilités qu’il offre (rangement sur les étagères, étiquetage). Le jeu consiste à concevoir un étalage avec le matériel disponible et ensuite de jouer au marchand et Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Le matériel ••••••••••••••• 192 International à l’acheteur. Si après avoir lu le mode d’emploi, des choses ne sont pas claires pour le parent, il est à même de poser des questions. Les joueurs sont incités à suivre les quatre étapes suivantes représentées dans le diagramme : distribution des rôles, étiquetage des boîtes, jeu de rôle, établissement d’une facture. La dernière étape a été conçue afin de pouvoir disposer de données systématiques sur les capacités d’écriture des enfants, dans un contexte écologique. Un conseil est donné aux parents : si l’enfant a des difficultés, ils peuvent l’aider mais il leur est conseillé de ne pas faire les étiquettes à sa place. • Étiquetage des boîtes de bonbons : contenu et prix. Jouer librement au jeu de la marchande. Marquer sur une feuille blanche le type de bonbons, la quantité et le prix. Figure 1. — Les étapes du déroulement du jeu Enregistrement Les séances ont été filmées à l’aide d’une caméra numérique non professionnelle, en l’absence du chercheur afin de ne pas perturber l’activité de jeu. Le cadrage était réalisé de manière à voir les mains et le visage du parent et de l’enfant. Un espace était délimité au préalable de telle sorte que les participants ne sortent pas involontairement du cadre. Quand l’espace n’était pas suffisant, le cadrage se faisait en priorité sur l’enfant. Dans certains cas, les enregistrements ne sont pas de bonne qualité, certaines situations étant difficiles à filmer : manque de lumière (rendez-vous du soir, à domicile), espace trop restreint empêchant de mettre la caméra sur pied, bruits parasites (enregistrement dans un parc public), perturbations diverses (irruption d’autres membres de la famille, sonnerie de téléphone, engins en action), etc. Les situations du jeu observées ont une durée moyenne de 24 minutes 15 secondes (min = 16 min 30 sec ; max = 34 min 59 sec) pour les dyades coréennes et 31 minutes 19 secondes (min = 22 min 27 sec ; max = 38 min 35 sec) pour les dyades françaises, soit une différence de 7 minutes environ. • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin • Distribution des rôles : vendeur ou client. • Choix des étiquettes des prix. D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? Dyades coréennes Dyades françaises Temps min. 16’ 30 22’ 27 Temps max. 34’ 59 38’ 35 Moyenne 24’ 15 31’ 19 Écart-type 06’ 04 04’ 47 193 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin La différence de durée entre les dyades françaises et coréennes est imputable à des raisons contingentes diverses ayant affecté plus ou moins la durée de l’activité (par exemple, trois enfants des dyades françaises vont aux toilettes, ce qui interrompt le jeu), sans que ceci ait véritablement d’incidence sur le déroulement du jeu. De manière générale, on peut considérer que du point de vue du décours du jeu (respect du cadre et des consignes, investissement des participants), les deux populations sont comparables. Modalités de prise de contact et consignes Les participants ont été recrutés différemment : du côté des Coréens, par le biais de l’entourage du premier auteur (Paris et la région parisienne) ; du côté français, par l’entremise d’une école maternelle publique de la proche banlieue parisienne (2 dyades) et de connaissances dans la région d’Angers (8 dyades). Concernant les parents coréens les informations ont été données oralement, alors que les parents français étaient sollicités au moyen d’un courrier transmis par les écoles où il leur était indiqué que nous faisions une étude pour tester l’intérêt d’un jeu pour les jeunes enfants, le jeu de la marchande. Nous mentionnions que ce jeu était conçu, entre autres choses, pour initier les enfants à l’utilisation des étiquettes dans les magasins, ceci pour justifier que nous leur proposions de choisir les étiquettes qui convenaient le mieux à leur enfant. Les parents étaient informés qu’il s’agissait d’un jeu conçu à titre expérimental et qu’ils seraient enregistrés afin que nous puissions étudier comment ils l’avaient utilisé. Ils étaient informés que ces enregistrements seraient exploités de manière anonyme et qu’ils ne seraient utilisés qu’à des fins d’étude et de recherche. Caractéristiques des échantillons Les Coréens sont des personnes résidant en France restant très attachées à la culture coréenne, ce qui se traduit notamment par le fait qu’elles parlent en coréen à leur enfant. La durée de leur séjour en France est très variable (entre 2 et 15 années) mais, quelle qu’elle soit, ils conservent des contacts très forts avec leur pays où ils se rendent au moins une fois l’an pour la plupart d’entre eux. Les Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Tableau 2. — Durée du jeu pour chaque dyade (en minutes’ secondes) – minimum, maxium, moyenne et écarf-type ••••••••••••••• 194 International Dyades coréennes Dyades françaises Lien parental 7 mères, 1 père, 1 oncle, 1 tante 8 mères, 2 pères Age moyen 37 ans 3 mois (min = 35 ans, max = 45 ans) 34 ans 3 mois (min = 31 ans, max = 39 ans) Métier 4 mères au foyer, 2 étudiantes (Beaux-Arts, philosophie), 3 professions libérales, 1 conseiller (assurance) 1 femme au foyer, 3 enseignantes, 1 enseignant, 1 étudiante (psychologie), 1 psychologue, 1 commerçante, 1 commerçant Niveau d’études Licence : 8 – Maîtrise : 1 – DEA : 1 BTS : 2 – Licence : 3 – Maîtrise : 2 – DEA : 1 – Doctorat : 2 Spécialité Science des religions : 1, sciences des aliments : 2, Beaux-Arts : 3 ; Lettres modernes : 1 ; Musique (ténor) : 1 ; Philosophie : 1 ; éducation physique (taekwondo) : 1 Psychologie : 3 ; Commerce : 3 ; sciences de l’éducation : 1 ; formation d’éducateur spécialisé : 1 ; CAP enseignant : 1 ; physique : 1 Revenu mensuel moyen Moins de 2000 e : 2 2000~3000 e : 2 3000~4000 e : 5 4000~5000 e : 1 Moins de 2000 e : 4 2000~3000 e : 2 3000~4000 e : 3 4000~5000 e : 1 Tableau 3. — Caractéristiques des parents Les différences existant entre les caractéristiques des participants sont imputables en grande partie à des différences culturelles. Dans les familles coréennes, le rôle éducatif peut être assuré par une autre personne de la famille (oncle ou tante). Par ailleurs, la taille de la fratrie française est plus élevée que celle de la fratrie coréenne, ce qui est à mettre en relation avec la diminution du taux de natalité en Corée qui touche également les familles coréennes en France, alors que le taux de natalité en France est un des plus élevé d’Europe. On notera également une sur- • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin enfants impliqués dans l’étude sont majoritairement nés en France (7 sur 10), les trois autres enfants étant en France depuis au moins deux ans. Les Français sont des personnes résidant, pour la plupart, dans la région d’Angers et menant une vie urbaine, même si la résidence familiale est en milieu rural ou péri-urbain. On s’est arrangé pour observer des dyades coréennes et françaises comparables sur la base de l’âge et du sexe des enfants et des caractéristiques socio-économiques des parents. En pratique, nous avons d’abord filmé des dyades coréennes, puis nous avons cherché des dyades françaises appariées. Comme il s’est avéré que les dyades coréennes avaient un niveau culturel plutôt élevé, nous avons recherché des dyades françaises similaires sur ce point. Les caractéristiques des parents et des enfants sont indiquées dans les tableaux 3 et 4. D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? 195 Niveau scolaire Dyades coréennes Dyades françaises GS 2 filles, 2 garçons 2 filles, 2 garçons MS 2 filles, 1 garçon 1 fille, 2 garçons PS 2 filles, 1 garçon 1 fille, 2 garçons 4 ans 9 mois (min = 3 ans 2 mois, max = 5 ans 10 mois) 4 ans 1 mois (min = 3 ans, max = 5 ans) 1 sœur : 4 1 frère : 4 2 frères : 1 aucun frère et sœur : 1 1 sœur : 2, 1 frère : 3 2 sœurs : 2, 2 frères : 1 1 sœur et 1 frère : 1 aucun frère et sœur : 1 Age moyen Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Taille de la fratrie Tableau 4. — Caractéristiques des enfants coréens et français (GS : grande section de maternelle ; MS : moyenne section ; PS : petite section) Méthode d’analyse du corpus Transcription Les échanges verbaux au sein des dyades ont été transcrits, les films nous servant à déterminer les activités pratiques conduites et le matériel utilisé. Concernant les dyades coréennes, les propos ont été traduits en français. Lorsque les interactants se sont exprimés en français, leurs propos sont soulignés. On trouvera un exemple de transcription ci-dessous : il s’agit d’une dyade coréenne, un père et son fils. L’extrait rapporté va de l’intervention 257 à 284. On relèvera que dans l’intervention 260, le père vouvoie l’enfant comme il en est dans les rapports entre marchand et client ; l’enfant à son tour vouvoie son parent (intervention 273). Le père intervient dans l’activité de calcul (3+3+3+3 = 12) de l’enfant dès qu’il manifeste une difficulté (interventions 262, 264, 266, 270, 272, 274, 278, 280, 282) et propose l’utilisation des doigts pour calculer le prix (268, 276). Il ne donne pas directement la solution exacte mais conduit l’enfant à trouver la solution lui-même. Il ne l’informe pas que sa solution est fausse mais lui demande de recommencer à partir de là où l’enfant s’est trompé (277, 280, 281, 285) fournissant un indice du caractère erroné de la réponse (272). Le parent et l’enfant se sont exprimés entièrement en coréen. Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin représentation des milieux artistiques dans les familles coréennes par rapport aux familles françaises ayant accepté de participer à l’étude. Par contre, les métiers de l’éducation sont surreprésentés du côté français. On peut donc penser, qu’a priori, davantage de parents français sont mieux préparés à guider les enfants dans des activités éducatives. ••••••••••••••• 196 International Retranscription d’une séquence de calcul de prix en utilisant les doigts (dyade coréenne – yeo) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Sept euros. (en posant un autre) 262. P : Eh… c’est le sept après le six ? 263. E : neuf euros… c’est dix euros. 264. P : ah bon ? c’est ça ? 265. E : trois… 266. P : On va faire encore ? vas-y. 267. E : (Il prend un chocolat) 268. P : Ce que tu as fait par les doigts avec papa… Fais par les doigts. 269. E : (il compte avec les doigts) 270. P : Alors… pour le commencement, ça ? (en lui donnant un chocolat) 271. E : C’est treize euros. (en regardant longtemps les doigts de deux mains) 272. P : Treize euros ? Je crois que c’est trop cher. 273. E : Je ne peux pas vous réduire. 274. P : Non, je ne veux pas réduire, je crois que c’est mieux que tu comptes encore… 275. E : Em ??? 276. P : On va faire avec les doigts. Trois euros et (en lui donnant un chocolat) encore… (en lui donnant encore un chocolat) 277. E : quatre euros, cinq euros, six euros ? (en comptant avec les doigts) 278. P : Six euros. Encore… (en lui donnant encore un chocolat) 279. E : sept euros, huit euros ? 280. P : à six euros… (en prenant les doigts de son fils) si on ajoute un encore ça, on ajoute trois euros alors… neuf euros. 281. E : Neuf euros… 282. P : Et puis ça ? 283. E : dix euros, onze euros, douze euros. 284. P : Volià, ok. Bon. Je les prends. Au revoir. Alors… tu peux le noter ici ? (en indiquant la feuille de papier) Découpage du corpus en séquences d’activité Pour chaque dyade, nous avons procédé à un découpage du corpus en séquences, une séquence étant caractérisée par une suite d’interventions afférentes à une activité. Les activités que nous avons distinguées sont les suivantes : identification/ • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin 257. E : Ici, c’est trois euros… (en lui montrant l’étiquette de la boîte de chocolats) 258. P : C’est quatre fois trois euros… On va voir ? (en renversant le sac) Trois euros… on va commencer ? Allez-y. 259. E : Em… (il touche les chocolats) 260. P : Vous ne dessinez pas ça ? 261. E : Trois euros. (en posant un chocolat devant lui) Six euros. (en posant encore un chocolat) 197 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin dénomination (donner un nom à une catégorie d’objet), dénombrement d’objets, calcul (addition, soustraction, multiplication.), étiquetage du contenu, étiquetage du prix, lecture d’étiquette, comparaison de prix ou de quantités, jeu de rôle, évaluation de l’enfant (le parent donne des indications à l’enfant sur ce qu’il a bien ou mal fait, sur ce qu’il sait ou ne sait pas faire…). Le découpage en séquences étant réalisé, nous avons relevé les durées de chacune des activités. Cet indicateur temporel nous a semblé le plus à même de rendre compte de l’importance accordée aux différentes activités par les dyades, les différences de langue rendant par ailleurs très difficile d’utiliser des indicateurs d’ordre linguistique. De façon à pouvoir comparer les dyades, nous avons calculé les fréquences du temps passé à chaque activité. Lorsqu’il s’agit d’activités numériques, des indicateurs plus précis sont utilisés comme la taille des quantités, les comparaisons ou les opérations effectuées, ce que nous préciserons ultérieurement. Les données comparatives globales Comparaison des activités entre dyades coréennes et françaises Si l’on fait ressortir uniquement ce qui relève d’activités numériques hors écriture – puisque celle-ci était imposée par le mode d’emploi transmis – (dénombrement, calcul, comparaison de prix), il apparaît que les dyades coréennes passent sept fois plus de temps à des activités numériques par rapport aux dyades françaises. En pourcentage de temps passé, cela donne 3,3 % du temps pour les dyades françaises (min : 0 %, max : 8 %) versus 21 % du temps pour les dyades coréennes (min 2 %, max : 35 %). Les jeux de rôle occupent 18 % du temps des dyades françaises (minimum : 11 %, maximum 37 %), versus 14 % du temps des dyades coréennes (min : 5 %, max 34 %). Quantités dénombrées Les quantités dénombrées au cours du jeu ont été comparées (tableau 5). Dans l’ensemble, les quantités dénombrées par les dyades coréennes sont plus importantes que celles dénombrées par les dyades françaises (la valeur médiane est de 5 pour les dyades françaises, contre 12 pour les dyades coréennes), avec une plus forte homogénéité du côté des dyades coréennes comparativement aux dyades françaises. Dyades françaises Dyades coréennes Médiane 5 12 Moyenne 6,8 11,7 Ecart-type 4,3 3,1 Tableau 5. — Quantités dénombrées dans les deux populations (françaises, coréennes) Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? ••••••••••••••• 198 International Opérations réalisées Dans les séquences de calcul, nous avons relevé systématiquement les opérations réalisées. Il apparaît que, pour les dyades françaises, on n’observe quasiment pas de tentatives d’opérations arithmétiques. Par contre, 4 des dyades coréennes (sur 10) font les opérations arithmétiques et un enfant en GS procède à du calcul mental. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Partant de l’idée que les parents pouvaient jouer un rôle important dans le développement des connaissances mathématiques des jeunes enfants, nous avons conçu une situation très ouverte se présentant comme un jeu – le jeu de la marchande – susceptible de conduire les parents à inciter les enfants à des activités numériques. Nous avons enregistré les échanges au sein de dix dyades parent-enfant coréennes et dix dyades françaises comparables au plan socio-économiques, dans la perspective de savoir si elles différaient quant aux activités conduites au cours du jeu, l’hypothèse étant que les parents coréens solliciteraient davantage leur enfant, ce qui pourrait être une piste d’explication de la supériorité des performances en mathématiques des élèves coréens par rapport aux élèves français observée dans les comparaisons internationales. Les données des comparaisons globales vont dans le sens d’un investissement plus important dans les activités numériques de la part des dyades coréennes, ce qui se traduit par une répartition temporelle des activités différente, et par des attentes supérieures des parents quant aux quantités à dénombrer et des opérations à effectuer. L’hypothèse de départ selon laquelle les caractéristiques de la culture coréenne inciteraient les parents à solliciter activement le développement précoce de compétences numériques se trouve validée. Le parent coréen se comporte comme un pédagogue, alors même que son enfant est scolarisé à l’école maternelle française : ses exigences sont tout à fait proches de celles des contenus de programme de l’école maternelle coréenne ; il intervient pour aider l’enfant à dépasser ses difficultés ; il donne des feed-backs appropriés ; certains formulent des évaluations, ce que ne font aucuns parents français observés, bien que l’échantillon de parents français comprenne davantage d’enseignants que l’échantillon coréen. Le parent français se contente de demander à l’enfant de dénombrer les collections d’objets, sans nécessairement corriger la quantité indiquée en cas d’erreur. Il incite l’enfant à des jeux de rôle qui sont l’occasion de mettre en pratique les conventions langagières qui régissent les échanges entre les vendeurs et les clients. Certes, il existe des différences intra-groupes assez importantes mais elles sont moindres que les différences intergroupes. Du fait que les enfants français sont un peu plus jeunes que les enfants coréens, on peut se demander dans quelle mesure ceci intervient dans le comportement des parents. À notre avis, la différence d’âge joue moins que le système de représentation inhérent à la culture de référence du parent, mais ceci serait à vérifier. De même, on • • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 26 • Juillet-décembre 2008 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin Conclusion D’où vient la supériorité des enfants coréens en mathématiques ? 199 Bibliographie Brissiaud R., Clerc P. & Ouzoulias A. (2001). J’apprends les maths – CP. Paris : Retz. Bronfenbrenner U. (1993). The ecology of cognitive development : research models and fugitive findings, In R.H. Wozniak & K.W. Fischer (Eds.) Development in context : acting and thinking in specific environments (p. 3-44), Hillsdale : Lawrence Erlbaum Associates, Inc. Chen C. & Stevenson H.W. (1989). Homework : A cross-cultural examination. Child Development, 60, 551-561. Cho H.Y. (2007). Le début de l’apprentissage informel des nombres : comparaison entre la France et la Corée ; observation de dyades parent-enfant dans un contexte de jeu (jeu de la marchande). Thèse de doctorat en sciences de l’éducation, sous la direction de A. Weil-Barais & S. Maury, université René-Descartes- Paris V. Condorcet A. M. de (1799). Moyens d’apprendre à compter sûrement et avec facilité, Paris, an VII (1799) ; rééd. critique (1998) par Charles Coutel, Nicole Picard, Gert Schrubring. Paris : Ed. ACL. Crystal D.S. & Stevenson H.W. (1991). 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Malgré les limites de l’étude (faiblesse de l’échantillon, biais éventuels), les données obtenues attirent l’attention sur le rôle que joue la famille dans le développement de l’intérêt pour les mathématiques. Dans une relation sécurisante avec la mère ou le père, les enfants coréens apprennent les bases des connaissances mathématiques et on peut penser que ceci contribue à développer leur intérêt à leur propos. Les bonnes performances en mathématiques des élèves coréens au collège et au lycée pourraient ainsi avoir une origine très précoce. ••••••••••••••• 200 International Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.35.225 - 19/12/2013 11h28. © Armand Colin cognitive representation of number : Cross-national comparisons. Child Development, 59, 1445-1450. Miura I. T., Okamoto Y., Kim C.C., Steere M. & Fayol M. (1993). 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