Les enfants des gays privés de second parent

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Les enfants des gays privés de second parent
Vendredi 22 mai 2015 | Postcode 1 JA 1000 LAUSANNE 1 | No 117-21 V | Fr. 3.40 (TVA 2,5% incluse) | France € 3.10
AFP/JOSEPH EID
PATRICK MARTIN
La prise
de Palmyre
par Daech fait
craindre le pire
Une exposition
de Kader Attia
en première suisse
à Lausanne
Poignardé
par son amie,
un homme perd
la vie à Nyon
Monde, page 6
Pages 26-27
Vaud, page 19
Entraîneur de Stan Wawrinka
depuis maintenant deux ans,
Magnus Norman connaît
bien le champion
et sait de quoi
il est capable.
Il raconte
PIERRE ABENSUR
Page 16
Les enfants des gays
privés de second parent
Le Tribunal fédéral rappelle l’illégalité du recours à une mère porteuse
C’était une décision très attendue. Notamment par la communauté homosexuelle suisse. Hier, le Tribunal fédéral a
annulé un jugement qui avait permis à
deux hommes alémaniques pacsés d’être
les pères d’un enfant né en 2011 en Californie d’une mère porteuse. Seul le parent biologique peut être reconnu par le
droit suisse.
La Cour suprême, certes à une courte
majorité (trois juges contre deux), a donc
cassé le jugement de l’administration
saint-galloise qui avait débouché sur un
recours de l’Office fédéral de la justice. Le
procédé de la gestation pour autrui (GPA)
porte atteinte à la dignité humaine et s’apparente à une «location d’utérus», a souligné l’un des magistrats.
Point fort, page 3
Droit L’Office fédéral de la justice,
recourant, salue la décision
Verdict La gestation pour autrui
assimilée par un juge à une
«location d’utérus»
L’Association des Familles arc-en-ciel
déplore le verdict. Par l’intermédiaire de
leur avocate, les deux hommes se sont
dits eux aussi «très déçus». L’Office fédéral de la justice, de son côté, se réjouit de
cette décision qui permettra une application uniforme de la loi en Suisse. «C’est
important pour la sécurité du droit», souligne la porte-parole Ingrid Ryser.
La Fabrikk de rêves chocolatés à Saint-Triphon
Terrorisme
Candidat au djihad
arrêté à Genève
«La tuerie de Charlie Hebdo a agi comme
un détonateur», témoigne la mère de ce
jeune Français arrêté le 14 mai à Cointrin
et actuellement détenu à Champ-Dollon.
Récit de deux mois d’errance sur la route
de la radicalisation. Page 5
Musée des beaux-arts
Lourde défaite
pour les opposants
Le Tribunal cantonal vient de rejeter les
deux recours qui compromettaient encore la réalisation du nouveau MCBA. Les
responsables du projet exultent, même si
les recourants ont encore la possibilité de
saisir le Tribunal fédéral. Page 17
Gens du voyage
Un sursis de 5 mois
pour les Yéniches
La Municipalité de Lausanne autorise finalement les familles installées sur un
parking du Chalet-à-Gobet à rester jusqu’au mois d’octobre. Cette décision a été
prise hier. Explications. Page 21
Gastronomie
L’Auberge de Lavaux
a son nouveau chef
C’est fait! Les Rod ont quitté la semaine
dernière la Roseraie d’Yvorne cotée à
17/20 au Gault&Millau pour reprendre
l’établissement de La Conversion. C’est
ouvert depuis trois jours. Page 29
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Jean-Claude Béguin
Conseiller
à la clientèle
«J’aime
mon métier.»
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Spectacle Bien sûr, il a fait froid et il a plu. Mais il en faut plus pour doucher l’enthousiasme d’un public conquis d’avance qui a ovationné la prestation
du Karl’s Kühne Gassenschau dans son show en avant-première, mercredi dans la carrière des Andonces. Vingt ans après sa première production,
R.u.p.t.u.r.e, Fabrikk puise dans les recettes qui ont fait le succès de la troupe zurichoise. Un style qui emprunte à la fois au théâtre, au cirque, au comique
et à l’art pyrotechnique. Avec la présence des comédiens romands Laurent Deshusses et Karim Slama. Page 27 FLORIAN CELLA
La banque de la clientèle privée et commerciale
L’éditorial 2 Décès 12-13 Jeux 14 Cinéma, Agenda 30 Courrier 31 Météo 31
U
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Vendredi 22 mai 2015 | 24 heures
24 heures | Vendredi 22 mai 2015
Culture&Société
Culture Société
Gastro Ciné Conso
Sortir Les gens
Les magiciens du Karl’s Kühne Gassenschau
ont mitonné un cacao explosif à Saint-Triphon
Arts plastiques
Scène
Un container surgit dans les airs, suspendu à une grue. Installés sur la boîte
métallique, les musiciens entament un air
enlevé. Sous leurs pieds, le cube monumental s’ouvre pour laisser apparaître
l’intérieur d’un jet privé. Un homme se
lève de son siège, téléphone en main. Les
pieds sur une étroite plate-forme, il surplombe les spectateurs de plusieurs mètres. Pas de doute, on est bien dans la
nouvelle production du Karl’s Kühne Gassenschau. Les Zurichois au style qui emprunte à la fois au théâtre, au cirque, au
comique et à l’art pyrotechnique reviennent pour la cinquième fois à Saint-Triphon, vingt ans après leur première apparition décoiffante dans la carrière des
Andonces pour R.u.p.t.u.r.e.
Le spectacle démarre fort et le public
est conquis d’avance. La nacelle à peine
apparue, les applaudissements fusent. A
la fin, ils se mueront en ovation. De quoi
réchauffer l’atmosphère car, pour ce début de saison, la troupe pouvait rêver
d’une météo plus rieuse. Dix tout petits
degrés et une pluie douce mais tenace ont
salué la deuxième «pré-première», mercredi. La coutume suisse allemande veut
qu’il y ait des pré-premières avant la première officielle, qui avait lieu hier soir.
Qu’importent les frimas. Venus en
nombre, les spectateurs avaient sorti
doudounes, bonnets et gants. Face à eux,
des acteurs copieusement arrosés évoluent sur l’immense scène où se dresse un
Constat
De «Aesinos!
Aesinos!»
(à g.) à
«Artificial
Nature» (en
haut), «The
Culture of
Fear» (au
milieu) et
«Another
Nature
Repaired» (en
bas), Kader
Attia a créé
différentes
ambiances
à Lausanne.
Le souffle
réparateur
de Kader Attia
FLORIAN CELLA
Les débuts de «Fabrikk»
ont été largement ovationnés,
mercredi soir dans la carrière des
Andonces. Ambiance et critique
Angelini (Deshusses) et le stagiaire
Uve (Guido Frank), enchocolaté.
décor d’usine auquel les éclairages et la
pluie achèvent de donner une patine industrielle. Sauts, chutes dans les entrailles du mélangeur de pâte de cacao,
chevauchée sur un ventilateur fou, échelles qui les emportent au firmament, les
corps volent. Entre les cabrioles se tisse
une histoire qui parle de notre monde
globalisé. Elle fleure bon le cacao, mais
pourrait prendre place dans n’importe
quelle petite entreprise.
«Entre les cabrioles
se tisse une histoire
qui parle de notre
monde globalisé»
Le maître chocolatier Angelini (Laurent
Deshusses, l’un des trois Romands avec
Karim Slama et Julien Opoix) mitonne avec
son équipe des pralinés d’excellence. Mais
un jour, face à une commande démesurée
pour la Chine, il faut choisir entre concessions sur la qualité et délocalisation.
Le spectacle oscille entre action, poé-
sie et humour. Certains moments sont
très réussis, comme celui où le maître
chocolatier concocte une ganache, inspiré par le chant amoureux de son employée Giovanna, perchée sur une balancelle, et secondé par une multitude de
mains sortant du décor. La scène traduit
littéralement l’expression «mettre du
cœur à l’ouvrage».
A de nombreuses reprises, on rit franchement. Karim Slama notamment fait
mouche en traducteur chinois qui drague
à coups d’aphorismes, et livre une grande
leçon de kung-fu. S’ils ont le mérite de
conférer un peu d’épaisseur aux personnages, les passages de pur dialogue traînent cependant parfois en longueur. Mais
à mesure que la tension monte, l’ambiance vire au post-apocalyptique et embarque le spectateur. Tel ce rêve d’Angelini, où ses collaborateurs exécutent des
gestes d’automates, masques blancs sur
le visage, musique tonitruante en fond,
ou lorsqu’ils sont emportés dans une
roue pétaradante, condamnés à y tourner
sans fin, comme des rats en cage. Mais ce
qui bluffe le plus est le final, qu’on ne
dévoilera évidemment pas. On aurait
juste souhaité que l’entier du spectacle
bénéficie encore davantage de ce souffle
fou. Caroline Rieder
Saint-Triphon, Carrière des Andonces
Jusqu’au 5 septembre
Rens. 044 350 80 30
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A 45 ans, le Franco-Algérien est de toutes les manifestations
qui comptent. Il expose pour la première fois en Suisse
à l’invitation du Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne
Florence Millioud Henriques Texte
Patrick Martin Photos
E
lles n’ont pas de sang,
comme si elles ne pouvaient
plus saigner. Mais… juste
être! Etre une manifestation
de porte-voix silencieux
parce que dépossédés de
leur organe, être un amas circulaire de
prothèses signifiant l’éternel recommencement de l’horreur. Etre encore l’inarrêtable tourniquet d’images cultivant la
peur de l’autre.
Non, elles ne saignent pas, les plaies
rouvertes par Kader Attia au Musée cantonal des beaux-arts à Lausanne! Plus
douloureux encore: elles rendent compte
de l’histoire et de ses incidences sur le
présent. Et même si elles finissent par
suturer le mal, les cicatrices demeurent
telles ces traces indélébiles laissées par
l’artiste sur ses toiles. «Les blessures sont
là»: le Franco-Algérien, stature internationale de la scène contemporaine engagée,
en a même fait la dédicace de sa première
exposition en Suisse. Interview.
Est-ce un constat? Un aveu
d’impuissance? Un réveil conscient?
Tout à la fois! Mais il y a aussi cette idée du
«là». Un mot à la fois très simple et signifiant un état des lieux actuel. Cette phrase
m’est venue dans le sillage de l’attentat à
Charlie Hebdo. On ne mesure pas à quel
point la psyché humaine mondiale est
régie par les hégémonismes développés
au fil des siècles. Toutes les névroses,
toutes les phobies, tous les fantasmes ont
transité d’une génération à l’autre, et les
blessures sont là. Elles sont là depuis la
découverte du Nouveau Monde, depuis
l’esclavage et la colonisation, depuis que
l’Occident a assimilé l’idée du progrès au
toujours plus, toujours mieux. Conditionné par la peur de l’autre, on est aussi
obsédé par cet excessivement mieux, ce
qui nous a amenés à l’actuel niveau de
gravité dans les rapports entre les civilisations. Il est temps de stopper la spirale
amnésique de l’Occident, initiée avec la
sophistication de ce grand projet qu’on a
appelé la modernité. Il est temps d’ouvrir
les plaies.
De les réparer, l’idée-force
de votre travail?
S’il y a réparation, cela veut dire qu’il y a
blessure. On ne peut pas concevoir une
réparation s’il n’y a pas eu de blessure, ce
sont deux phénomènes intimement liés et
complémentaires. Aujourd’hui, la blessure, c’est une dépossession et, s’il y a eu
dépossession, il doit y avoir réappropriation. Malheureusement, on n’a pas encore
compris qu’on doit vivre ensemble.
Qu’on va devoir trouver une nouvelle
respiration comme dans votre vidéo
où le souffle sert de moteur
à la conversation entre les êtres.
Sert-il aussi de métaphore de l’art?
Absolument, j’aime beaucoup cette idée.
Il y a le souffle de la vie, du premier au
dernier moment de la vie, et c’est vrai que
l’art est un souffle, un souffle de la vie.
La trompette de Jun Miyake enchante le mystère
Musique
Le musicien japonais
sort le deuxième volet de
sa série d’albums intitulée
«Lost Memory Theatre».
Fascinant
Certains artistes recherchent la lumière, d’autres évoluent avec
aisance parmi les ombres. Le
trompettiste, pianiste et compositeur japonais Jun Miyake fait partie des seconds. Ses musiques de
film ont rythmé le Pina de Wim
Wenders et ses productions pour
la publicité, souvent récompensées, se comptent par milliers.
Pina Bausch elle-même tout
comme Philippe Decouflé ou RoVC5
Contrôle qualité
bert Wilson ont utilisé ses compositions dans leurs spectacles. Mais, s’il apparaît au générique, Jun Miyake reste dans l’embrasure. Que les Galeries
Lafayette en ait fait leur «Homme
de l’année» en 2009 n’y a rien
changé.
Le musicien reste en coulisses,
là où la poussière se transforme
en or et où les ficelles se tirent en
catimini. C’est du moins la démarche de sa dernière série d’albums,
Lost Memory Theatre, entamée en
2013 avec un premier chapitre qui
n’hésitait pas à mêler Nina Hagen
et chœurs bulgares, David Byrne
et Arto Lindsay. En 2015, l’ancien
jazzman installé à Paris continue à
arpenter ce «théâtre de la mémoi-
re perdue» sur un deuxième volet,
moins éclectique que le premier,
mais toujours aussi fascinant.
Orphée du XXIe siècle, Jun
Miyake a cette capacité troublante
de naviguer entre deux eaux, de
passer d’une songerie d’Erik Satie
à une comptine soul sans donner
l’impression de changer de registre. Sa fréquentation du cinéma
lui a appris à magnifier les atmosphères, à soigner les fondus enchaînés, à suggérer des dérives
narratives… Des aptitudes que
l’on retrouve dans son Lost Memory Theatre – act 2.
L’album ouvre le rideau sur
des ambiances plus classiques,
nimbées de mystères, mais où luisent des rencontres inattendues:
les voix de Dhafer Youssef, Lisa
Papineau ou Chie Umezawa, le
violoncelle de Vincent Segal, les
percussions de Vinicius Cantuaria, la basse de Melvin Gibbs. Des
instants pop aussi surprenants
que des clairières aux pastels grisés surgissent ainsi dans ce labyrinthe élégiaque, baigné d’une fabuleuse pénombre où il fait bon se
perdre.
Boris Senff
Lost Memory
Theatre – act 2
Jun Miyake
Yellowbird
(distr.
Musikvertrieb)
«L’art est un souffle,
un souffle de la vie»
Kader Attia Plasticien
L’origine de cette vidéo remonte à une
expérience dans les rues de Douala au
Cameroun. Micro en main, j’enregistrais
les bruits de la rue, ce qui a intrigué plus
d’un passant. Quand l’un d’eux m’a demandé ce que je faisais, j’ai répondu: de
l’art! Il a répliqué: «Ça sert à quoi l’art?»
Cette question est tellement fondamentale que j’ai improvisé une conférence à
partir de ce que j’avais sous les yeux…
une bouteille en plastique. Je me suis
réapproprié un déchet et, en soufflant
dedans, j’ai fait la démonstration de cette
Repéré pour vous
Twain, quintessence américaine
capacité qu’a l’art de transformer tout,
absolument tout, en autre chose: la bouteille devenait une sculpture vivante. Ce
qui m’intéresse dans la réappropriation
d’un objet, et notamment d’objets des
cultures traditionnelles, c’est que cela
nous rapproche de nos réflexes originels,
avant l’évolution de nos sociétés.
Dans une démarche engagée
comme la vôtre, où s’arrête
la politique, où commence l’art?
Je crois que l’art est une plate-forme qui,
grâce à ses processus poétiques, permet
d’être critique. Fils d’un communiste algérien très investi pendant l’indépendance, j’ai toujours été sensible à l’histoire coloniale, et surtout à la lecture
qu’en fait le monde occidental. Je pense
que l’art a une dimension éducative, il
sert à ouvrir l’esprit mais la méthode est
importante: pour moi l’art politique
passe forcément par une dimension poétique, si on veut être compris du plus
grand nombre, mais il faut aussi être capable de ne pas être partial.
Lausanne, MCBA
Jusqu’au di 30 août
Ma-ve (11 h-18 h), sa-di (11 h-17 h)
Rens.: 021 316 34 45
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Les œuvres de Kader Attia
MCBA.24heures.ch
«A Cannes, je suis un réalisateur exotique qui parle français»
Festival
Tandis qu’on s’ébaubit ou
qu’on s’agace de l’intronisation tonitruante de Jean
d’Ormesson dans la Pléiade, nous nous réjouissons
personnellement que la
prestigieuse bibliothèque y
ait accueilli en même temps
Mark Twain (1835-1910). Un natif
du Missouri qui choqua ses contemporains par son humour déjanté, et pour avoir écrit ses romans en langage yankee.
Le volume dirigé par Philippe
Jaworski rassemble des œuvres
du chantre éternel du Mississippi.
Les aventures de Tom Sawyer bien
sûr, mais surtout celles de Huckle-
berry Finn. De ce
chef-d’œuvre, qui avait
même conquis les sujets anglais les plus fidèles de la
très prude reine Victoria,
un certain Ernest Hemingway en a dit qu’il était à
l’origine de toute la littérature étasunienne moderne. La
personnalité de Twain a même
inspiré en 1961 un album de Lucky
Luke: En remontant le Mississippi… Gilbert Salem
Romans
Mark Twain
Bibliothèque de la Pléiade,
No 604. 1648 p.
Au fur et à mesure que la tension monte dans «Fabrikk», l’ambiance vire au post-apocalyptique. FLORIAN CELLA
Lionel Baier défend «La
vanité» sur la Croisette. Le
cinéaste lausannois raconte
«A Cannes, comme en France d’ailleurs, je suis considéré comme un
réalisateur exotique qui parle français, ça me protège», ironise Lionel
Baier. Le Lausannois y présente en
première La vanité. Lui qui fréquente la Croisette depuis Garçon
stupide, en 2006, sait combien ici
une houle haineuse peut submerger un film, l’abattre dans un naufrage irrémédiable. Sale temps
pour les ego donc, mais tout bon
pour La vanité. En effet, sous la
bannière des indépenVC5
Contrôle qualité
Indépendant à Cannes, Lionel
Baier, cinéaste. ODILE MEYLAN
dantsd’ACID, le cinéaste ne risque
rien. Mais d’autres craignent ces
festivaliers en mesure de faire ou
défaire une réputation. «Avec La
vanité, je ne serais pas allé en compétition. Enfin… j’imagine qu’on
est obligé d’accepter. Au-delà, ici,
je vise à sensibiliser les exploitants
français. Après Les grandes ondes,
ils s’attendaient à une comédie.» Il
soupire. «Et la salle rit parfois avec
un humour grinçant: le thème n’en
reste pas moins le suicide assisté.»
Soulagé, voire enchanté par
l’accueil, Lionel Baier restait encore sous le choc du sort réservé à
Valérie Donzelli, cinéaste complice
qu’il a souvent invitée à l’ECAL. En
lice pour la Palme avec Marguerite
et Julien, la Française a essuyé un
tsunami de vitupérations assassines, coutume locale par excellence. «Elle a été démembrée, descendue en flammes, avec des mots
orduriers! Déjà qu’elle régatait face
à de grands maîtres aux sujets
lourds, à l’instar de Nanni Moretti
qui traite de la mort d’une mère.
Elle s’est pris un mur! J’y ai même
détecté des relents puants, comme
si elle devenait le bouc émissaire
d’un festival qui s’est vanté d’avoir
sélectionné beaucoup de femmes.
Il fallait brûler l’idole, avec des termes sexistes comme «hystérie» ou
«midinette». Elle s’en remettra.» Et
son film? «Auparavant, je pensais
qu’une critique, bonne ou mauvaise, valait mieux que l’indifférence. Je dis souvent: «Flinguez-
moi, mais faites-le sur une page, de
préférence avec une photo. Mais
ici… ça peut être dangereux.»
Pas pour La vanité. Il n’y a pas
eu de rejet, plutôt une surprise.
«Les gens s’étonnent qu’on puisse
«s’amuser» sur un thème pareil.
Chez nous, la question est dépassée. En France, l’euthanasie reste
un sujet émotionnel, accaparé par
les politiques, entre partis de gauche et de droite.» Cannes valait
donc le déplacement? «Ça reste le
plus grand marché du film mondial, où vous enquillez les rendezvous avec les pays acheteurs.» Il
peut pécher à loisir: sous les palmiers de la Croisette, il n’y aura
jamais excès de Vanité. Sortie le
30 septembre. Cécile Lecoultre
En diagonale
Festival de Cannes (bis)
Débandade Love, porno 3 D, projeté
en sélection officielle mercredi à minuit,
n’a pas suscité le scandale promis
par l’affiche avec pénis en gros plan.
En 2002, Gaspard Noé choquait avec
Irréversible. Ici, le cinéaste provoque
des critiques acerbes: «Absurde, mal
joué et bavard» pour The Guardian,
«Du cul pas excitant» pour Libération
ou «Un film du samedi soir sur
Canal+ avec un argument pénible»
pour Le Figaro. Renvoyant à
Bertolucci, Oshima ou von Trier, le
Franco-Argentin a déclaré vouloir
«filmer ce que le cinéma s’est
rarement autorisé à filmer, pour des
raisons commerciales ou légales».
La BBC a conclu: «Ce n’est pas un film
porno – le dialogue n’arrive pas à ce
niveau.» C.LE avec les agences