COMMENT J`AI OBTENU MON DIPLÔME DE L`IEP G EN 1953 ET A

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COMMENT J`AI OBTENU MON DIPLÔME DE L`IEP G EN 1953 ET A
Jb3066
COMMENT J’AI OBTENU MON DIPLÔME
DE L’IEP G EN 1953 ET A QUOI IL M’A SERVI .
José Bourboulon
Septembre 2013
Vers l’âge de 10-12 ans (1942-44), je voulais être conducteur ou receveur de tram,
pour avoir le droit d’y monter et d’en descendre en marche sans me faire gronder. En effet à
cette époque, les trams disposaient d’une plate-forme sans aucune porte, on pouvait
facilement y monter ou en descendre en marche ; mais je savais mal m’y prendre et je tombais
souvent, heureusement il y avait très peu de voitures.
Mais vers l’âge de 15-16 ans, je voulais être consul de France, dans l’idée que ce personnage
était un diplomate français en poste à l’étranger pour y défendre les intérêts de nos
concitoyens. Quelqu’un avait raconté aux parents qu’il fallait pour cela faire l’ENA, alors sise
rue des Saints-Pères à Paris, mais très peu connue, d’où toute la suite de mes études, qui ont
abouti par deux fois (1954 et 1955) à mon salutaire échec au concours d’entrée de cette école ;
salutaire car j’aurais certainement fait un très mauvais fonctionnaire, sans même évoquer la
diplomatie...et j‘aurais tout raté. Néanmoins mon diplôme de l’IEP de Grenoble m’a beaucoup
servi.
Première Partie. Mes Études
I. La Place de Verdun en 1953
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Place de Verdun, à dix minutes à pied de la place de l’Etoile où nous habitions, il y avait sur
le côté nord le bâtiment majestueux qui abritait la Faculté des Lettres, la Faculté de Droit,
l’Institut d’Études Commerciales et l’Institut d’Etudes Politiques : j’allais y passer quatre ans.
C’est le premier bâtiment sur la photo ci-dessus. Le deuxième est celui de la Division
Militaire, siège alors de la 27° Division Alpine. Derrière la Division, rue Général Marchand
dans la maison qui fut celle de Madame Daré-Touche, ex-propriétaire des Biscuits Brun mais
expropriée à la Libération pour faits de collaboration, il y avait le siège de l’Institut d’Etudes
Politiques.
La place de Verdun porte plusieurs autres bâtiments solennels : côté sud, la préfecture qui
occupe tout le côté ; côté est, d’une part le musée et la bibliothèque universitaire où j’allais
souvent travailler car elle était bien chauffée, silencieuse et confortable avec ses tables de
travail spacieuses éclairées individuellement par des lampes de bureau à abat-jour verts
(bibliothèque et musée actuellement désaffectés, je crois qu’il s’y tient chaque année le Salon
du Livre Régional Alpin), et d’autre part le cercle militaire lui aussi désaffecté depuis la
suppression du service national qui lui a retiré sa main-d’œuvre hôtelière gratuite.
Quant au côté ouest, il était occupé par deux bâtiments d’habitation : d’une part la maison
Nicolet, maison transformée ensuite en Tribunal Administratif où officie mon estimable
neveu Stéphane Wegner comme vice-président, et d’autre part l’immeuble Jouvin devant
lequel, un jour d’incendie, j’ai vu une magnifique grande échelle de pompiers à pneus pleins
et dont le capot était relevé, laissant voir un moteur tout en cuivre ou en laiton avec
l’inscription « 1914 ».
Pendant trois ans, de 1950 à 1953, j’ai fait simultanément une licence en droit et ma scolarité
à l’Institut d’Études Politiques, que je n’ai jamais trop osé appeler « Sciences Po ». L’année
suivante j’ai fait un D.E.S. de Droit Public (voir diplôme ci-dessous) et j’ai raté un D.E.S.
d’allemand. Je n’ai strictement aucun souvenir de cette année. Le diplôme de l’IEP est trop
grand pour que je sache le scanner.
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II. Diplôme de l’IEP et licence en Droit
II -1. L’Institut d’Études Politiques.
Henri Oberdorff, directeur de l’Institut, et José Bourboulon, membre du Conseil
d’Administration, en 1998, après la cérémonie du cinquantième anniversaire de l’Institut,
dans les nouveaux locaux de celui-ci inaugurés le même jour.
Je n’avais pas conservé les programmes des cours ni les noms des professeurs de licence et je
n’ai pas cherché, mais j’ai beaucoup cherché ceux de l’I.E.P., sans aucun succès pendant deux
ans au moins. J’ai écrit plusieurs fois à l’Institut pour demander les anciens programmes ;
sans réponse, j’ai relancé un an après et j’ai reçu comme réponse l’adresse à La Tronche d’un
directeur précédent. Je cherchais un fonds d’archives où je puisse aller fouiller, mais je n’ai
jamais rien obtenu. Et puis, le 9 mars 2012, j’ai reçu le courriel suivant qui m’a rempli de
satisfaction :
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Monsieur,
J'ai été informée de votre demande concernant vos études à l'IEP de 1950
à 1953. J'ai retrouvé dans nos archives un magnifique registre des inscriptions, des
cours (avec nom des enseignants), dispensés à cette période.
Je vous remercie de me dire si vous souhaitez venir le consulter ou si
je dois vous en faire une copie.
Je vous adresse mes sincères salutations.
Marie Thérèse Suard
Scolarité du 1er cycle
Et le 23 mars, je recevais par la poste un gros dossier photocopié de cinquante pages avec les
cours, les noms des élèves à tous les stades de leur scolarité, les textes des épreuves d’examen
des trois années avec les notes de chacun et donc les miennes, les seules dont je vais faire état
ici, mais pas les épreuves que j’avais choisies. Bravo et encore merci Madame Suard !
Je vais commencer par l’étude de ce dossier, car c’est l’IEP qui était le centre de mes études
pour ma future éventuelle carrière ; je considérais la licence en droit comme secondaire et
accessoire, contrairement à la plupart des autres élèves, voire à tous.
Les cours de droit, les plus importants aux yeux de la Faculté, avaient lieu le matin et au début
de l’après-midi et ceux de l’IEP à partir de 16 heures ; ainsi les « turbo-profs » pouvaient
venir en cours de journée.
1. Première année 1950 – 1951.
Il n’y avait pas d’examen d’entrée, encore moins de concours. On était admis à l’IEP sur
dossier, et le mien a dû être suffisamment bon pour m’y faire admettre. Mais on était en 1950,
l’Institut fondé en 1948 n’avait que deux ans et il ne devait pas y avoir beaucoup de candidats.
Il était dirigé par un professeur agrégé de droit, André Mathiot dont j’ai un bon souvenir.
Apparemment d’après la photocopie de la liste présentée sur deux pages, à l’entrée nous
étions cinquante-quatre élèves, Il y avait un Canadien, un Polonais, un Allemand, un Bulgare,
un Belge et quatre Américains marqués A.C.A. sans doute pour Anciens Combattants
Américains ; en effet, après la guerre, le gouvernement américain avait multiplié les bourses
d’études en Europe pour ses anciens G.I. Je n’ai aucun souvenir de ces neuf étrangers qui ne
devaient pas beaucoup fréquenter l’Institut, sauf d’un nommé Bill Wakulchick que j’avais
connu l’année d’avant et qui parlait bien français. Il y a aussi, sur la liste en question, six
élèves marqués E.N.A dont une fille, probablement des stagiaires de l’ENA affectés pour
ordre à l’I.E.P.
Parmi les trente-neuf élèves français ordinaires, il y avait huit filles, dont les jumelles Paturle,
Marie-Noëlle, une jolie blonde plutôt petite, et Bernadette, une belle brune aux yeux bleus
plutôt grande. Elles suivaient aussi la licence et étaient très populaires des deux côtés. Parmi
les trente-et-un garçons, j’étais devenu ami avec Bernard Auvergne futur commissaire général
à la marine et décédé il y a bien longtemps d’une longue maladie ; j’étais déjà ami avec Guy
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Gilbert dont je n’ai jamais su ce qu’il était devenu, avec Bruno Golléty, qui a fait ensuite une
carrière dans l’immobilier plus ou moins avec le célèbre promoteur Christian Pellerin et
décédé il y a peut-être dix ans, avec Gilles Pagès dont la famille et la mienne se fréquentaient
depuis longtemps et avec Jacques Peronnet qui tient maintenant l’ancien bureau de tabac
« Trichon » de la place de L’Etoile en ayant supprimé le tabac. En y entrant avec ma femme
Sylvie en 2004, je cherchais l’un des fils Trichon et tombais sur Jacques Peronnet que je
n’avais pas reconnu et qui se trouve être cousin de Sylvie, laquelle m’y a offert le joli stylo
Dunhill dont je me sers tout le temps. Gilles Pagès, Guy Gilbert et Bruno Golléty étaient
comme moi issus de l’Externat Notre-Dame, alors situé rue Pierre Duclot, de même peut-être
que Jacques Peronnet.
Au titre de l’enseignement, il y avait quatre cours fondamentaux et dix cours à option. Parmi
ceux-ci il fallait en choisir cinq.
Les « cours fondamentaux », sanctionnés par des examens écrits, étaient les suivants :
-
-
Histoire générale, par Pierre Léon, agrégé chargé d’enseignement à la faculté des
Lettres de Grenoble. Je ne m’en souviens pas. Note obtenue : 10/20
Histoire du XX° siècle, par Ambroise Jobert, professeur à la faculté des Lettres de
Grenoble et par André Latreille, professeur à la faculté des Lettres de Lyon. Autant
Jobert était traditionnel, autant Latreille était intéressant, mais je ne me souviens plus
de la manière dont ils se répartissaient les cours. Note obtenue : 10/20.
Problèmes économiques et sociaux actuels, par Jean-Marcel Jeanneney, doyen de la
faculté de Droit. Passionnant.
Institutions politiques françaises, institutions politiques internationales, par Georges
Lavau, agrégé de la faculté de Droit. Professeur magnifique plus ou moins antillais,
enseignement captivant, les filles doivent avoir des tas de choses à dire sur Lavau.
Les « cours à option », sanctionnés par un examen oral étaient les suivants :
-
-
-
Histoire diplomatique (de 1914 à nos jours) par Claude-Albert Colliard, professeur à la
faculté de Droit. Note obtenue : 12/20.
Le droit public économique, par Bernard Chenot, Maître des Requêtes au Conseil
d’Etat. Cours non choisi.
Les institutions fondamentales du droit privé en France et à l’étranger, par André
Tunc, professeur à la faculté de Droit. Cours non choisi.
L’Amérique du Nord, par Raoul Blanchard, doyen honoraire de la faculté des Lettres.
Passionnant. Blanchard proclamait haut et fort que l’Amérique avait été découverte
par les pêcheurs bretons. Note obtenue : 12/20
L’économie française, par Madame Veyret, maître de conférences à la faculté des
Lettres. Note obtenue : 13/20.
L’Espagne et le Portugal, par Pierre Vilar, agrégé, ancien membre de l’Ecole des
Hautes Etudes Hispaniques. Pierre Vilar n’était-il pas espagnol ? Note obtenue :
15/20.
L’Europe Centrale et Orientale, par Ambroise Jobert. Note obtenue : 6/20.
Le Trésor public et les opérations de trésorerie, par Jean Guyot, inspecteur des
Finances, sous-directeur du Trésor. Cours non choisi.
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-
Les Eglises et les croyances, par le R.P. Ganne, le pasteur Marc Boegner, le grand
Rabbin Jacob Kaplan et Edmond Esmonin, professeur honoraire à la faculté des
Lettres. Cours non choisi.
L’évolution des Empires, par André Mathiot, professeur à la faculté de Droit (et
directeur de l’IEP). Cours non choisi.
Les titres des problèmes étudiés sont presque les mêmes que ceux d’aujourd’hui tels qu’on
peut les lire dans la presse, mais les problèmes réels pas du tout, ni les solutions décidées ou
possibles.
Et tout cela fait bien peu de souvenirs, mais pourtant je suis passé en deuxième année.
Les examens écrits de juin 1951 (toujours deux sujets au choix) :
Histoire du XX° siècle :
1. D’un texte du comte Sforza tiré d’un livre de 1931 : « Il n’y a pas d’exagération à affirmer
que pas un pays n’a atteint ses fins de guerre plus que l’Italie…L’Italie, rien que du fait de la
disparition de l’Autriche comme grande puissance, a gagné enfin sa liberté d’action et de
choix, a vu redoubler la valeur de son amitié internationale, et a acquis une influence en
Europe orientale que seules les intrigues à la Bellplatz (Vienne) de la diplomatie fasciste ont
menacé de compromettre…L’Italie avait remporté la victoire la plus complète, mais il fallait
le lui dire. » Expliquez ces affirmations, sans tenir compte des évènements postérieurs à 1931.
2. Comparez la situation de la Grande-Bretagne dans le monde en 1914 et au lendemain de la
seconde guerre mondiale.
J’espère que j’avais choisi le premier sujet que je trouve très intéressant et moins banal que le
second. En tout cas, je n’ai obtenu que 7/20.
Institutions politiques françaises et internationales :
1. L’évolution politique de la S.F.I.O.
2. Les rapports du ministre avec ses bureaux.
Institutions politiques comparées :
1.Quels sont, à votre avis, les traits caractéristiques de la démocratie libérale ?
2. La Chambre des Lords.
Histoire des faits économiques :
1. L’agriculture européenne, du XVI° siècle au début du XX° siècle.
2. Les mouvements des prix et l’évolution économique, de la fin du XVII° siècle à 1914.
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Problèmes économiques et sociaux actuels :
1. En quoi la guerre de Corée a-t-elle modifié les données des principaux problèmes
économiques et sociaux français ?
2. Dans quelle mesure serait-il souhaitable et par quels moyens est-il possible
d’accroître les exportations françaises ?
Composition sur un sujet d’ordre général (un seul sujet) :
Des deux options de progrès technique et de progrès social laquelle vous paraît le
mieux expliquer l’histoire contemporaine depuis le début du XIX° siècle ?
Version allemande :
Un texte d’Oswald Spengler : Der Mensch und die Technik. (L’être humain et la
technique). Note obtenue : 12/20.
Conférences de Méthode.
Je crois qu’il s’agissait d’apprentissage à l’expression orale. Mon professeur de méthode était
M. Bligny dont je me souviens très peu. Note obtenue : 13/20.
Quoi qu’il en soit, à côté de sept non admis et de vingt-et-un « défaillants » nous avons été
douze reçus en deuxième année, à savoir :
Bernard Auvergne, Joseph Bourboulon, Michel Gailliot, Guy Gilbert, Pierre Girard, Alain
Imbault-Huart, Georges Mazoyer, Gilles Pagès, Gautcho Orechkoff [le Bulgare], Georges
Racle, Georges Riveslange et Albert Ruffier-Monet. En ce qui me concerne, j’ai eu la note
moyenne de 11,27. Parmi les « défaillants », y avait-il des collés, ou avaient-ils tous
abandonné l’Institut ? Le dossier ne le dit pas.
2. Deuxième année 1951 – 1952
Liste des élèves :
Les douze sortants de première année sont élèves de deuxième année, sauf le Bulgare
Orechkoff Gautcho qui a disparu de la liste. Mais en fait nous sommes dix-huit, car il y a en
plus quatre nouveaux marqués comme « élèves licenciés ou sortis de l’une des Ecoles prévues
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par le règlement » (Josette Hasdenteuffel, française, Pierre Lukacs de Kergoer, apatride,
Marie-Françoise Micand, française, et Jean Schweizer, français). Il y a aussi, en plus mais
sans explication, MM Dang Co, français, Peter Gudfinnsson, Islandais, et Albert RuffierMonet, français.
Programme des cours :
Cours fondamentaux
-
-
Histoire des idées politiques, par Georges Lavau,
Institutions politiques comparées, par André Mathiot,
Histoire des faits économiques, par Robert Latouche, doyen de la faculté des Lettres,
Richard Gascon, assistant à la faculté des Lettres de Lyon, et Jean-Marcel Jeanneney,
doyen de la faculté de Droit.
Géographie économique et humaine, par Germaine Veyret, note obtenue : 8 /20.
Cours à option
-
-
Les structures sociales, par Roger Lefèvre, maître de conférences à la faculté des
lettres,
L’Etat et les partis politiques, par Pierre Cot, agrégé des facultés de Droit, député,
ancien ministre. Note obtenue : 14/20.
Le socialisme, par Robert Mossé, professeur à la faculté de Droit. Mossé avait été
membre de la délégation française à la conférence de Bretton-Woods en 1944 qui avait
créé les institutions financières internationales (Fonds Monétaire International et
Banque Mondiale). Note obtenue : 10/20.
Le syndicalisme, par Henri Bartoli, professeur à la faculté de Droit. Note obtenue :
14/20.
Démographie, par Jean-Marcel Jeanneney,
Impérialisme économique et relations internationales, par Claude-Albert Colliard,
Les problèmes de la Sécurité Sociale dans le monde, par Etienne Gout, directeur de la
Caisse Nationale de Sécurité Sociale,
L’empire britannique (géographie et économie), par Paul Veyret, professeur à la
faculté des Lettres [et mari de Germaine Veyret]. Note obtenue : 13/20.
Le Moyen-Orient, par le lieutenant-colonel Pierre Rondot, directeur-adjoint de
l’Institut des Hautes Etudes d’Administration Musulmane. Note obtenue : 11/20.
Sujets des examens :
Sujets des examens écrits :
-
Géographie économique et humaine :
1. A l’aide d’exemples précis, essayez de déterminer quelle est la part des matières
premières, des sources d’énergie et des transports dans la fixation et le développement de
la sidérurgie et de la préparation de l’aluminium.
3. Le blé et le riz : étude comparée de la production et de la consommation.
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-
Institutions politiques françaises et internationales
1. Le parti communiste français
2. Force et faiblesse du parlement sous la IV° république.
-
Institutions politiques comparées
1. Le système électoral et les élections aux Etats-Unis.
2. Comparer, dans leurs traits généraux, le parlementarisme britannique et le système
politique français.
-
Problèmes économiques et sociaux actuels
1. Quelles sont les répercussions économiques et sociales du système actuel de Sécurité
Sociale ?
2. Conséquences économiques de la guerre de Corée.
-
Histoire des idées politiques
1. Comparer la conception de l’Etat chez Machiavel et chez Hegel.
2. La politique de Karl Marx
-
Histoire des faits économiques
1. Dans quelle mesure l’expression « Révolution économique », appliquée à l’ensemble
des grandes transformations de la vie économique du XVI° siècle, vous paraît-elle
justifiée ?
4. Les fondements et les aspects de la primauté de l’Europe dans l’économie du monde
au XIX° siècle.
-
Version allemande :
Un texte d’Arnold Zweig, qui parle d’une interview de l’empereur allemand dans le Daily
Telegraph. Sans date.
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En cette même année universitaire, 1951-1952, j’ai fait une heure de russe par semaine avec
une poignée de débutants à la Maison des Étudiants, sise à l’époque rue de la Poste au rez-dechaussée d’un vieil immeuble, grâce à
Natacha Strekhalova, une belle rousse
malheureusement décédée peu après, ce qui m’a empêché de continuer. Mais déjà, savoir lire
l’alphabet cyrillique et tenir une conversation de base m’a beaucoup servi en 1967-1968
lorsque, en tant que « Chef des Ventes Pays de l’Est », j’ai tenté sans succès de vendre des
fours à pain Pavailler (Valence, dans la Drôme) en Union Soviétique. Il s’agissait alors de
respecter la clause de non-concurrence que Bull m’avait appliquée après ma démission.
3. Troisième année 1952 - 1953
Liste des élèves
Seize élèves, tous Français. Par ordre alphabétique sauf pour le dernier de la liste :
Bernard Auvergne, Joseph Bourboulon, Michel Gailliot, Guy Gilbert, Pierre Girard, Josette
Hasdenteuffel, Jacques de Lanversin (était déjà marqué en troisième année en 1951 – 1952),
Georges Mazoyer, Marie-Françoise Micand, Jeanne Perrot-Audet (nouvelle), Georges Racle,
Georges Riveslange, Albert Ruffier-Monet, Jean Schweizer, Michel Voelkel et Jean Criffou.
Cinq élèves de l’année précédente ont disparu :
Dang Co, Peter Gudfinnsson, Alain Imbault-Huard, Pierre Lukacs de Kergoer, et Gilles
Pagès.
On voit aussi apparaître une quatrième année avec trois élèves seulement : Abel Bonnet,
Claude Gaillard et Pierre Jourdan. Il y a aussi vingt-cinq « auditeurs », dont douze marqués
E.N.A., trois marqués « Américains » dont une, Melle Phobe Freemann, marquée « Comité de
Patronage », et deux marqués « Allemand » dont un, Friedrich Lehman, marqué « M.
Raveau ».
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4. Deux échecs à l’ENA
A gauche, les notes du concours de 1954 et à droite celles de 1955. Je n’ai malheureusement
pas retrouvé les sujets de l’épreuve dite du « Premier jour » avec son coëfficient 6, et pourtant
j’en ai longtemps gardé les brouillons. Mais on voit facilement qu’avec la même note en 1955
qu’en 1954 à cette redoutable épreuve j’aurais obtenu un total de 188,5 et que donc j’aurais
été admissible : j’aurais raté l’oral et je me serais enferré à continuer d’essayer, ce qui
m’aurait fait rater et l’ENA et toute la suite.
Entre les deux concours, j’ai suivi à Sciences Po Paris une « quatrième année », parfois
appelée « année préparatoire à l’ENA », dont je n’ai là non plus guère de souvenirs. J’avais
trouvé une chambre de bonne boulevard Saint-Germain juste à côté, pour 3.000 anciens francs
par mois, soit 30 nouveaux francs de 1968, et je me suis tout de suite aperçu que je ne savais
presque rien. Alors j’ai continué à apprendre tout par cœur et ça a failli réussir puisque mes
notes dans les deux « matières techniques » comme l’on disait alors ont été bien meilleures.
Mais avec 0,5 en « premier jour »…
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Un détail m’avait beaucoup frappé, dans cette quatrième année : on ne tutoyait personne. A
Grenoble on tutoyait les autres garçons, mais à Paris ça n’existait pas et j’avais trouvé ça un
peu étrange.
III. La Licence en Droit
Tout dommage causé à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
N’était-ce pas là l’article 1.381 du code civil, fondement du droit français de la
responsabilité civile ? J’ai voulu vérifier sur Internet, mais j’ai eu une autre réponse, ça a
probablement changé. J’apprenais tout par cœur, mais, soixante ans après, c’est tout ce qu’il
me reste.
Une fois de plus, j’ai eu beaucoup de chance : les trois années de licence étaient organisées
autour d’un même professeur, qui ne portait aucun titre particulier mais qui suivait ses
étudiants pendant trois ans. Et le sort m’a fait tomber sur le remarquable François Givord,
professeur de droit civil, que j’ai donc eu pendant trois ans. Il était en même temps avocat, et
mon beau-frère Jean Thierry, magistrat à Grenoble, regrettait que, tout remarquable qu’il était,
il eût tout le temps le travers de vouloir enseigner le Droit aux magistrats devant lesquels il
plaidait. Quant à moi, je trouvais simplement qu’il avait une horrible poignée de main, toute
de mollesse. Il est abondamment cité sur Internet pour son ouvrage sur la co-propriété,
discipline dont il était un éminent spécialiste, peut-être le meilleur en France.
Je n’ai aucun souvenir particulier des cours eux-mêmes, et je n’ai pas eu de Madame Suard
pour m’y aider, je n’en parlerai donc pas. Je ne sais pas non plus quels étaient les cours de
chaque année, je peux simplement dire une phrase sur les professeurs dont je me souviens,
sans ordre particulier.
André Mathiot (1909-1991), le directeur de l’Institut d’Etudes Politiques, était professeur de
droit administratif et j’aimais bien ses cours. Il a été directeur de 1948 (date de la création de
l’Institut) à 1958. En 2011 j’ai écrit au directeur de l’IEP de Lille s’appelant également
Mathiot pour savoir s’il y avait un lien de famille entre les deux, et il m’a répondu par la
négative. J’ai regretté de n’avoir pas ainsi le moyen d’en apprendre un peu plus sur celui dont
j’espérais qu’il aurait été le père du « mien ». Sa biographie sur Internet laisse un trou béant
de 1939 à 1945, date à laquelle il devient professeur à Grenoble, après y avoir été chargé de
cours en 1938 (puis aussi à Poitiers en 1939).
Georges Lavau (1918-1990) enseignait lui aussi des deux côtés, et en licence il était un
passionnant professeur de droit constitutionnel. Sa photo sur Internet, prise par sa femme la
journaliste et chercheuse au CEVIPOF Janine Mossuz-Lavau, n’est pas du tout conforme au
souvenir que j’en ai.
Claude-Albert Colliard : je me demande toujours si mon professeur Colliard avait été celui
dont on disait que, prisonnier ou déporté en Allemagne pendant la guerre, il avait perdu
l’usage de la parole et, revenu en France, avait dû réapprendre à parler, à moins que ce n’eût
été précisément André Mathiot.
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Noël Didier, professeur d’Histoire du Droit, enseignait une matière qui ne se prêtait pas aux
grandes envolées. Sur Internet, on trouve un ouvrage sur lui, « Etudes Historiques à la
Mémoire de Noël Didier », publié en 1967 par l’Université de Grenoble, et un article très
élogieux sur un livre écrit par lui en 1954 sur « Les églises de Sisteron et de Forcalquier du
XI° siècle à la Révolution, le problème de la concathédralité », livre dont j’ignorais
l’existence.
Jean Maillet, professeur de Droit Romain, savait garder ses distances avec ses étudiants. Sur
Google, on trouve deux articles de lui sur les conférences d’Ottawa (1932) et de Punta del
Este (1961 et 1967).
Robert Mossé, professeur d’économie politique, était particulièrement pittoresque.
Abondamment cité sur Internet, ventru, barbu et doté d’une grosse voix, il nous racontait
avoir été membre de la délégation française à la Conférence de Bretton-Woods en 1944, et
avoir mis d’accord Américains et Soviétiques en proposant ,  et ɤ là où les uns proposaient
1, 2 et 3 et les autres a, b et c. Mais j’aimais beaucoup son enseignement.
Henri Bartoli était un remarquable professeur d’histoire économique, dont je découvre sur
Internet qu’en 1998 il avait été proclamé Juste parmi les Nations pour avoir, pendant la
guerre, sauvé deux juifs à Lyon, sa ville natale, en leur faisant obtenir un certificat de baptême
et en les extrayant de Drancy.
IV. Quelques étudiants remarquables.
Mohamed Bedjaoui, Algérien né en 1929, il était de l’année avant moi (diplômé en 1952)
mais nous avions affaire à lui car il avait créé et il dirigeait une « salle de travail » c’est-à-dire
une bibliothèque spéciale pour les étudiants en droit et ceux de l’IEP située sous
l’amphithéâtre de première année. Avocat à Grenoble il a pris une part importante à la
négociation et aux accords d’Evian pour le FLN, puis a fait une grande carrière de haut
fonctionnaire en Algérie pour tous les régimes algériens successifs, et à la Cour Internationale
de Justice de 1982 à 2001.
Habib Bourguiba Jr (1927-2009) était le fils aîné du Président de la Tunisie, né de la
première femme de celui-ci qui était française. Nous l’avions vu arriver en janvier 1953, en
troisième année, magnifique malgré ses chaussettes blanches. Il nous avait été présenté par
Givord, et j’avais été surpris de constater l’indifférence des étudiants qui, pour la plupart, ne
connaissaient pas l’existence de son père, exilé à l’époque à Monastir, sa ville d’origine, par
le gouvernement français. J’ai renoué avec lui dans les années 1990 après un voyage en
Tunisie qui nous avait fait passer par Monastir, il est venu chez nous à Paris avec sa femme
Neïla et nous correspondions régulièrement.
Benoît Aubenas, né en 1936, était deux ans après moi en Droit et à l’IEP. Nous sommes
devenus amis et le sommes restés encore aujourd’hui. Benoît est entré dans la diplomatie
européenne à Bruxelles et a été en poste, entre autres, à Lomé et aux Comores. Son père était
inspecteur d’académie à Grenoble, après l’avoir été à Avignon.
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Claude Heurteux, lui aussi en droit deux ans après moi. Il a continué ses études plus loin que
moi puisqu’il est devenu docteur en droit. Il a racheté le cabinet Auguste-Thouard, est devenu
spécialiste de l’immobilier d’entreprise et a publié quatre livres : Les Villes Hausmanniennes
en 2003, le Paris d’Haussmann en 2009 (tous deux avec Patrice de Moncan), et, aux PUF,
L’immobilier d’Entreprise et Les Zones d’Entreprises. Ses parents habitaient un bel
appartement de la place Gustave Rivet à Grenoble. Je n’ai malheureusement plus de relations
avec lui depuis nos études.
Michel Voelkel a fait l’IEP et la licence en droit avec moi. Il avait ensuite réussi le concours
du Commissariat à la marine et est devenu Commissaire général. Il est cité sur Internet pour
ses ouvrages et son activité sur le droit de la mer, et a fait partie du jury de concours du
Commissariat aux Armées. Je suis resté en relations épisodiques avec lui.
Deuxième Partie. A quoi m’a servi le diplôme ?
Mon diplôme de l’IEP m’a essentiellement servi à trois reprises : présenter le concours de
l’ENA comme je l’ai fait, entrer par hasard à la Compagnie des Machines Bull, puis figurer au
Conseil d’Administration de l’Institut en qualité de « personnalité qualifiée ».
Voici la petite annonce du Monde à laquelle j’ai
répondu en novembre 1955, la seule P.A. à
laquelle j’aie répondu, sans encore connaître
mon deuxième résultat à l’ENA.
Je croyais n’avoir aucun don pour une activité
commerciale, je n’étais pas non plus « ingénieur
en organisation » ni ingénieur du tout, mais la
Compagnie des Machines Bull m’a sans doute
considéré comme diplômé d’une grande école
puisque, après un jour et demi de tests psychotechniques à son siège de l’avenue Gambetta et
un entretien avec le chef du personnel M. Chérel, j’ai reçu une offre d’emploi que j’ai
acceptée. Et je suis entré chez Bull le 3 janvier 1956 comme « stagiaire commercial ». Après
six mois de formation dite commerciale à Paris j’ai été nommé « adjoint de secteur stagiaire »
à Lyon puis en 1958 j’ai créé l’agence commerciale de Grenoble. Et en octobre 1961 j’ai reçu
en renfort un « adjoint » que je n’avais ni choisi ni même demandé, en la personne de Serge
Kampf, l’homme le plus complet et le plus remarquable que j’aie jamais connu, au point que
je l’ai choisi début 1968 pour devenir mon patron dans sa petite société anonyme SoGETI à la
création de laquelle j’avais participé cinq mois plus tôt et devenue au fil du temps la
multinationale Capgemini avec ses 125.000 collaborateurs répartis sur les cinq continents. J’ai
quitté Capgemini à mon départ à la retraite le 29 février 2000 à l’âge de 67 ans.
Enfin mon diplôme m’a fait appeler en 1997 par Henri Oberdorff, alors directeur de l’Institut,
pour participer en tant que « personnalité qualifiée » au Conseil d’Administration dont j’ai
démissionné après mon départ à la retraite, n’étant alors plus « qualifié ». Je me suis efforcé,
pendant ces trois années mais sans succès, de convaincre le Conseil en question et surtout son
directeur et la responsable de la section « Eco-Fi » que les formations délivrées à l’IEP et
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aussi l’esprit de celui-ci, correspondait assez exactement à la formation aux métiers du
« consulting » qui n’étaient dispensées nulle part ailleurs, et je le pense d’ailleurs toujours.
J’avais même soufflé à Oberdorff un possible slogan : « ni ingénieur ni commerçant, mais
consultant ». Car les anciens élèves des autres écoles prétendaient eux aussi devenir des
« consultants ».
A part ces trois étapes importantes de ma carrière, ça a toujours été de mon diplôme de
l’Institut que j’ai fait état lorsque l’on me demandait d’où je sortais, et je crois que je m’en
suis toujours bien trouvé. Car une licence en droit c’est bien banal, et un DES de droit public,
personne ne connaît.
Longue vie à Sciences Po Grenoble et à ses diplômés !
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