10.4.16 prédication

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10.4.16 prédication
Prédication du dimanche 10 avril 2016
aux Charbonnières et au Sentier
Textes bibliques : Nombres 6 : 22-27 / I Corinthiens 2 : 6-9 / Luc 24 : 33-45
Dimanche soir de Pâques vers 22h à Jérusalem.
22h : si l’on considère que le repas d’Emmaüs a eu lieu vers 18h30 (la nuit tombe), qu’il a
duré 1h30’, et que les disciples sont revenus en ville au pas de course (env. 11 km).
Dans la chambre haute (cf. Luc 22 : 12) ? Probablement, en tous cas en un lieu sécurisé (cf.
Jean 20 : 19).
Etat de situation : qui a vu, entendu, transmis quoi ? Il y a les femmes (Luc 24 : 9 et 22-23),
les hommes (v. 24) dont Pierre (v. 34), et bien entendu les deux disciples qui reviennent
d’Emmaüs. Les autres sont en attente. On imagine l’excitation, les échanges, les questions, les
hésitations ; on imagine les rires, les pleurs, les cris, les chants. Et tout à coup (v. 36), Jésus
est là, stupeur (v. 37) ! J’imagine un grand silence…
Comment expliquer cette crainte, cette terreur ? Un professeur de théologie (Th. De
Saussure), à la fois théologien et psychanalyste, nous disait ceci : tout être humain a une
représentation de Dieu, à travers des images héritées de sa petite enfance, comme une sorte de
super-ancêtre. D’où les images autoritaires, désagréables, ou absentes. Mais le Dieu de
l’Evangile est tout autre, il ne peut jamais être une création de l’imaginaire humain, il ne
correspond à rien de ce qui provient spontanément de son psychisme. Ce qui explique les
craintes humaines chaque fois que Dieu (ou Jésus) apparaît dans la Bible. Une crainte qui
explique encore aujourd’hui le recours aux horoscopes, à la divination, à l’occultisme. Mais
Dieu est tout autre (cf. Paul, I Cor. 2 : 9).
Jésus sait tout cela. C’est pourquoi il dit simplement (v. 36) : « la paix, pour vous ». Deux
mots seulement, sans verbe. Difficile de faire plus court, plus condensé. Tout le projet de
Dieu pour les hommes est là, tout l’Evangile est là : la paix, pour vous. Ce qui signifie autan
la paix en vous (pas de crainte), que la paix entre vous (pas de division). Quand Jésus
envoyait ses disciples en mission (Luc 10), il leur demandait de dire « la paix sur cette
maison ». Et quand Dieu donne à Moïse la bénédiction à prononcer sur le peuple, celle-ci se
termine par la paix (Nombres 6 : 26).
L’annonce de la bonne nouvelle est d’abord celle de la paix : pour ceux qui sont inquiets,
tristes, bouleversés, anxieux, parce que la maladie, la mort, la solitude, l’échec sont présents ;
pour ceux qui se battent pour un bout de territoire, un peu plus de pétrole ou leur religion ;
pour ceux qui sont divisés en eux-mêmes, ceux qui se culpabilisent ; pour ceux qui sont en
froid avec leurs voisins ou en chicane avec leurs proches ; à tous dites : la paix ! Une paix qui
n’est pas une idée générale, un principe moral ou philosophique, un commandement
inapplicable. Une paix visible, concrète, palpable, en « chair et en os » puisqu’acquise sur la
croix. Une présence qui agit et transforme.
Et pour bien montrer que le Ressuscité n’est pas un fantôme, le Royaume pas une illusion, la
paix pas une utopie, et que Jésus sait que ce n’est pas facile à croire, il dit : « touchez-moi ».
Et comme voir et toucher peuvent encore être une illusion, Jésus propose de manger : faire
passer dans sa propre vie une énergie qui transforme. Le Royaume est une force à ingérer et
digérer. Et il y a peut-être un symbole dans ce poisson grillé : le Christ (cf. le symbole du
poisson des 1ers chrétiens) mort sur la croix. On retrouve ici la même démarche
d’accompagnement que sur le chemin d’Emmaüs : laisser sortir les craintes, expliquer les
Ecritures, partager un repas. Sauf qu’ici le repas vient en second, avant l’enseignement.
La communauté chrétienne est une communauté de partage qui accueille en son sein la
présence du Ressuscité. Les craintes ou hésitations inévitables au début se transforment petit à
petit au contact de sa présence, les représentations archaïques d’un Dieu autoritaire font place
à la réalité de la vie en Christ. Paix et joie, reçues et offertes, et partagées dans le repas de la
Cène comme dans tout repas communautaire. L’acte de manger est un symbole fort de l’acte
de foi, le geste de partage s’accompagne de la parole enseignée.
Vivant ainsi, nous avons quelque chose à dire au monde : la paix est pour tous, intérieure et
extérieure, si on accepte la réalité de la Résurrection. Jésus n’est pas un fantôme qui vient
hanter notre inconscient, mais une présence qui se révèle et qui invite au partage. Notre
monde n’a pas besoin de discours de plus sur la paix, il a besoin de communautés vivantes où
cette paix s’actualise et se manifeste au quotidien, aux yeux de tous. Amen.