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Peuples du monde Pays de Galles. Invité par Europe Écologie Bretagne dans le cadre de la campagne pour les élections régionales, le journaliste gallois Ned Thomas a sillonné la Bretagne début février pour une série de conférences-débats sur le thème de l'autonomie. Son intervention : « Dix ans d'autonomie au pays de Galles » a permis de comprendre le contexte et la mise en place de cette autonomie à la galloise, qu'on appelle outre-Manche la Dévolution. Devolution, note Ned Thomas est un mot qui émane d'un centre, où sont réunis les pouvoirs. Devolution veut dire qu'un certain nombre de ces pouvoirs sont concédés. Cela implique aussi que certains autres pouvoirs sont conservés. Ceci à été souligné par un homme politique britannique: Power devolved is power retained. Autre citation, d'un homme politique gallois celle-là, Devolution is not an event, it's a process, c'est-à-dire que la dévolution n'est pas un événement mais un processus… positionné comme faisant partie de l’un ou l’autre pays. Ainsi parlait-on de Wales & Monmouthshire dans certains textes administratifs. La décision fut prise en 1964 de rattacher le comté de Monmouthshire au pays de Galles. Cette affaire n’est pas sans rappeler une question territoriale d’importance primordiale pour les Bretons… Quelques repères : © Marian Delyth 1926 : Création du parti gallois Plaid Cymru (Parti du pays de Galles). 1960 : Tynged yr iaith (Le destin de la langue), appel de l’écrivain Saunders Lewis pour la défense de la langue galloise. 1962 : Création de l’association militante pour la défense de la langue galloise Cymdeithas yr iaith. 1966 : Élection premier député du Plaid Cymru aux Communes à Londres : Gwynfor Evans. Ned Thomas du XXe siècle a vu, dans un contexte de reconstruction et d’idées nouvelles, l’émergence d’une demande d’une décentralisation, de la part des Gallois. Une pétition appuyant cette demande de décentralisation lancée dans les années 50 recueillit 250 000 signatures. La réponse à cette demande fut la création du Welsh Office par le gouvernement britannique en 1964 : un Bureau des Affaires galloises disposant de locaux à Londres et à Cardiff. De plus, un des membres du gouvernement britannique était nommé Secretary of State for Wales et devait répondre, quelques jours par an, à des questions au Parlement à Londres sur tous les sujets dont il L A DEUXIÈME MOITIÉ avait la responsabilité (santé, enseignement, agriculture, langue galloise, etc.). Le Welsh Office disposait d’un budget important, sous forme de dotation de l’État, qui était réparti par le ministre chargé des Affaires galloises, jouant ainsi un rôle semblable à celui d’un gouverneur général dans une colonie. Les responsabilités du Welsh Office iront s’accroissant de 1965 à 1997. Au moment de la création du Welsh Office en 1964, il fallut aussi trancher une question territoriale. En effet, si on parlait depuis le traité d’Union de 1536, d’England & Wales au niveau administratif et politique, un comté à la frontière sud entre le pays de Galles et l’Angleterre n’était pas clairement 22 Le Peuple breton – mars 2010 Les revendications culturelles, linguistiques et politiques au pays de Galles pendant les années 60-70 eurent pour résultat lʼorganisation en 1979 dʼun référendum sur une autonomie (devolution) pour le pays de Galles. Malgré un appel à voter oui par trois partis sur quatre (Plaid Cymru, parti travailliste, et parti libéral-démocrate), seul le parti conservateur sʼétait opposé à la devolution. Le vote se solda par un non retentissant, qui marque encore la psychologie politique au pays de Galles : près de 80 % de non avec une participation de près de 60 % des électeurs gallois ! La même année, cʼest lʼarrivée au pouvoir à Londres, de Margaret Thatcher. Le pays de Galles se retrouva particulièrement atteint par de nombreuses politiques thatchéristes qui entraînèrent la disparition de presque toutes les mines de charbon dans les vallées minières du sud du pays. Des milliers dʼemplois devaient aussi disparaître dans lʼindustrie de lʼacier. On peut néanmoins noter trois facteurs qui, pendant ces années (1979 1997), ont contribué à fédérer les Gallois. Les revendications concernant la création dʼune chaîne de télévision en langue galloise connurent un succès presque inattendu après des années de manifestations, et pétitions, grâce à une action du premier membre du Plaid Cymru à être élu au Parlement à Londres. En effet, devant les atermoiements dont le gouvernement faisait preuve depuis son élection (la chaîne galloise était pourtant un engagement de campagne), Gwynfor Evans annonça son intention de se mettre en grève de la faim illimitée si le gouvernement ne respectait pas cet engagement. En 1982, le gouvernement britannique déclara la création de S4C, chaîne bilingue doté dʼun budget propre (environ 100 millions de livres aujourdʼhui). Dʼautres facteurs furent aussi fédérateurs : la progression du rugby, jeu du sud du pays de Galles qui sʼimpose comme sport national, au nord comme au sud, et le rapprochement entre les auteurs de langue galloise et ceux de langue anglaise (création de lʼinstitution littéraire Yr Academi Gymreig). Cʼest aussi lʼépoque où de nombreux parents non gallophones dans le sud-est du pays de Galles décident dʼenvoyer leurs enfants dans des écoles galloises (enseignement en immersion en gallois). Cependant, plus que tout cela, cʼest la destruction des anciennes industries lourdes qui amène une partie des travaillistes à changer de position sur lʼautonomie, car ils se rendent compte quʼune assemblée galloise aurait sans doute pu protéger le pays de Galles des excès les plus marqués de la droite ultra-libérale, en ce qui concerne lʼéconomie et lʼemploi. À la fin des années 90, la gauche a le vent en poupe. Le chef du parti travailliste est un Écossais, John Smith, qui inscrit dans son programme lʼautonomie pour lʼÉcosse et le pays de Galles. Un modèle différencié, puisque pour lʼÉcosse, il est prévu, en cas dʼadhésion de la population par référendum, un parlement disposant de pouvoirs législatifs et une petite autonomie à lever lʼimpôt (3 %) alors que le pays de Galles se verrait auto- risé à élire une assemblée démocratique qui répartirait la dotation du pouvoir central (déjà allouée du temps du Welsh Office, mais non répartie sur une base démocratique). La disparition de John Smith, peu avant les législatives de mai 1997, amène au pouvoir un autre homme politique dʼorigine écossaise, Tony Blair, qui conserve lʼidée de John Smith et qui annonce très vite un référendum pour lʼÉcosse et pour le pays de Galles en septembre 1997. Cette fois-ci – avec une participation de la moitié des électeurs gallois – 50,3 % dʼentre eux se prononcent pour la devolution. Le processus des années de l’autonomie 1998 : Government of Wales Act 1998. 1999 : Premières élections à l’Assemblée galloise (coalition au pouvoir : travaillistes et libérauxdémocrates). Transfert des responsabilités du Welsh Office à l’Assemblée (agriculture, santé, transport et aménagement, développement économique, enseignement, collectivités territoriales). 2003 : Deuxièmes élections à l’Assemblée galloise (travaillistes au pouvoir). 2006 : Government of Wales Act 2006, qui ouvre la voie pour l’obtention de pouvoirs législatifs et un nouveau référendum 2007 : Troisièmes élections à l’Assemblée galloise (coalition au pouvoir : Travaillistes & Plaid Cymru) 2010 : Le 9 février, les députés de Cardiff ont voté pour la tenue d’un référendum sur l’obtention de pouvoirs législatifs dans l’année à venir. © BBC La Dévolution ? Gwynfor Evans (1912-2005) le père du nationalisme gallois. Au nombre de 60, les députés à Cardiff sont élus, pour 40 dʼentre eux à un tour et, pour 20 dʼentre eux, à partir de listes régionales à la proportionnelle. Au début de ce processus dʼautonomie, le pays de Galles avait des élus au Parlement à Londres. Il en a toujours, mais il faut désormais choisir dʼêtre élu à Londres ou à Cardiff. Le Welsh Office a été aboli en 1999, cependant, le poste de Secretary of State for Wales a été maintenu. Son bureau sʼappelle désormais le Wales Office. La dotation du pays de Galles, déjà importante sous le système du Welsh Office, sʼélève en 2009 à plus de 30 millions dʼeuro. Il est important de noter que cette période dʼautonomie a coïncidé avec des années de prospérité au Royaume-Uni. Les travaillistes ont été au pouvoir à Londres et aussi majoritairement à Cardiff, ce qui a grandement facilité les choses entre les deux capitales. Dès le début, il est apparu nécessaire de pouvoir obtenir des pouvoirs législatifs. En effet, il est souvent indispensable de modifier des lois. Le Governement of Wales Act 2006 prévoit bien des pouvoirs législatifs secondaires. Mais cʼest un ystème très lent qui implique un va-et-vient entre Londres et Cardiff et qui ne satisfait personne. La tenue dʼun référendum, prévu dès 2006, vient dʼêtre confirmé par un vote de lʼAssemblée galloise : 53 voix pour, 0 contre, aucune abstention, 7 absents. The process goes on : le processus continue... les Gallois vont ainsi pouvoir se prononcer sur le fait de transformer leur Assemblée en Parlement doté de pouvoirs législatifs. Une nouvelle répartition des pouvoirs se met en place : More power devolved and a bit less power retained. Ned Thomas 23 Le Peuple breton – mars 2010