ÉTUDE TRADUCTOLOGIQUE (FRANÇAIS
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ÉTUDE TRADUCTOLOGIQUE (FRANÇAIS
ÉTUDE TRADUCTOLOGIQUE (FRANÇAIS-ALLEMAND) DES CONSTRUCTIONS RÉFLÉCHIES DANS DES TEXTES SPÉCIALISÉS Colette CORTÈS, Sibylle KRIEGEL C.I.E.L. Université de Paris 7 Denis Diderot La traduction en allemand des constructions réfléchies françaises a rarement fait l'objet d'une étude spécifique: on considère généralement qu'il n'existe pas de règles et que la traduction de chaque verbe fait l'objet d'un traitement lexical ad hoc. Nous voudrions montrer que cela n'est vrai que pour une partie des constructions réfléchies et que, pour les autres, il existe des régularités non négligeables, dont le repérage pourrait alléger le travail de traduction de l'homme et surtout de la machine. Nous avons choisi des exemples tirés de textes spécialisés, parce que, d'une part, c'est ce type de textes qui est le plus susceptible de faire l'objet d'une traduction assistée par ordinateur et que, d'autre part, les classements de tournures réfléchies proposés jusqu'à présent portent plutôt sur la langue générale. On a observé depuis longtemps que les textes spécialisés allemands contiennent plus de tournures passives que les textes spécialisés français. Nous voudrions montrer que la clé de ce phénomène réside en partie dans le fonctionnement des réfléchis français, puisque certaines expressions réfléchies françaises correspondent précisément à certaines tournures passives allemandes. Cahier du CIEL 1996-1997 Nous proposerons tout d'abord un classement des constructions réfléchies françaises du corpus. Puis nous étudierons la traduction d'un certain nombre d'exemples représentatifs et nous en déduirons une règle traductologique. 1. CLASSEMENT DES CONSTRUCTIONS RÉFLÉCHIES FRANÇAISES DU CORPUS Il existe, à notre connaissance, peu de propositions de classement des expressions réfléchies (Melis 1990, Waltereit 1997). Nous avons choisi de nous appuyer sur celle de Waltereit 1997. En 1.1. nous présenterons le modèle illustré par les exemples de la langue générale proposés par Waltereit lui-même, auquel nous ajouterons quelques ajustements concernant les constructions réciproques. Puis, en 1.2., nous appliquerons la grille de classement obtenue en 1.1. au corpus de textes spécialisés. 1.1. Modèle théorique choisi pour le classement des exemples français étudiés Notre classement des constructions réfléchies en français, dont le point de départ est la thèse de Richard Waltereit soutenue à la Freie Universität Berlin en Juin1997 est résumé dans le tableau 1 . En 1.1.1. nous expliciterons le tableau 1 et en 1.1.2., nous verrons comment les critères de classement retenus pour les constructions réfléchies peuvent être appliqués aux constructions réciproques. 1.1.1. Constructions réfléchies S'appuyant sur les travaux de Oesterreicher (1992), Waltereit (1997) distingue : - la réflexivité vraie (sur le tableau 1 : C1, C2, C3) - la pseudoréflexivité lexicale (sur le tableau 1 : C4, C5, C6) - et la pseudoréflexivité grammaticale (sur le tableau 1 : C7, C8) La pseudoréflexivité lexicale s'oppose à la réflexivité vraie par une opacité sémantique qui impose une interprétation particulière, non représentable de façon compositionnelle, de la sémantique du verbe ou de la relation verbe-actants. 158 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction La pseudoréflexivité grammaticale caractérise les tournures réfléchies qui entrent dans une opposition de diathèse systématique [actif/ passif/ réfléchi].1 Tableau 1 Classement réflexivité vraie pseudoréflexivité lexicale pseudoréflexivité grammaticale Construction réfléchie fondée sur la coréférence absolue C1 Je n'aimerais pas me regarder à la télé. Construction réfléchie fondée sur la relation partie-tout C2 Il se rase tous les jours/ Cet enfant se gratte trop. C5 0 Construction réfléchie fondée sur une relation métonymique C3 Voici des années que Jean se cherche en vain. C4 C6 se persuader se taire se tromper se rendre se dresser s'exercer s'asseoir s'exécuter, se rétracter, s'appuyer s'exprimer, se prononse réveiller cer, se déclarer C7 Construction réfléchie ergative (pronominaux subjectifs, neutres, intransitifs etc.) Son caractère s'aigrit, la branche s'est cassée, le métal s'est rouillé... La pseudoréflexivité ergative se limite aux verbes téliques. C8 Construction réfléchie passive (se moyen, medio-passif, passifs...) La vengeance est un plat qui se mange froid/ Cela ne se dit pas/ Cette chose se plie/ La tour Eiffel se voit de loin. Waltereit (1997) distingue en outre trois types de constructions réfléchies en fonction de la relation entre sujet et pronom réfléchi : - le sujet et le réfléchi peuvent être en relation d'identité ou de coréférence absolue (sur le tableau 1 : C1, C4) - la pseudo-coréférence entre le sujet et le réfléchi peut reposer sur une relation de la partie au tout (sur le tableau 1 : C2, C5) - la pseudo-coréférence entre le sujet et le réfléchi peut reposer sur une relation de contiguïté (métonymie) (sur le tableau 1 : C3, C6) A partir de ces deux séries de critères, on peut établir une classification croisée qui est représentée dans le tableau 1 et illustrée par des exemples de la langue générale proposés par Waltereit (1997). Pour Lucien Tesnière, la diathèse se caractérise par "le sens dans lequel l'action exprimée par le verbe s'exerce d'un actant vers un autre." (Petit lexique de syntaxe structurale. Tesnière 1959). Sibylle Kriegel y voit la projection de rôles semantiques (agent, patient prototypique etc.) sur les rôles syntaxiques (sujet, objet, etc) (Kriegel 1996). 1 159 Cahier du CIEL 1996-1997 Pour chacune des sous-classes ainsi délimitées, nous allons maintenant proposer une définition. C1 Réflexivité vraie avec coréférence absolue La classe C1 est la seule pour laquelle on observe une coréférence absolue entre le sujet et le pronom réfléchi (C'est qqn qui aime se punir luimême). Mais la transitivité se trouve néanmoins réduite car, comme le fait observer Waltereit (1997, 170), “les restrictions de sélection portant sur l'objet direct ne peuvent pas être plus spécifiques que celles qui portent sur le sujet : si le verbe doit exprimer une action dont l'effet touche directement l'auteur du procès, ses restrictions de sélection doivent être telles que les arguments qui peuvent apparaître en position sujet doivent pouvoir apparaître aussi en position objet. L'ensemble des sujets possibles est un sous-ensemble des objets possibles.” Toutefois il convient de concevoir la classe C1 comme un peu plus large, car lorsque nous avons un verbe trivalent, la relation de coréférence doit pouvoir relier sujet et objet indirect (Pierre se donne les moyens de ses ambitions). Dans ce cas, les deux rôles thématiques concernés ne sont pas l'agent et le patient mais l'agent et le bénéficiaire. C2 Réflexivité vraie avec relation du tout à la partie Pour définir la classe C2, il est nécessaire de présupposer l'existence du corps (ou de certains autres ensembles. Cf exemple (3)) comme un Frame au niveau conceptuel. Waltereit (1997, 170-171) écrit : “Pour certains verbes, il faut poser, au niveau conceptuel, une relation partie-tout entre l'actant sujet et l'actant objet dans son emploi réfléchi (Il se rase tous les jours/ Cet enfant se gratte trop). Malgré cette relation partie-tout le sujet et l'objet reçoivent un indice formel de coréférence. ” (Waltereit 1997, 170-171) Nous verrons que dans tous les cas, c'est le sujet qui se présente comme tout et l'objet comme partie. A partir de maintenant (et en cela nous nous opposons à Waltereit), nous parlerons ici de relation tout-partie. C3 Réflexivité vraie avec autres relations métonymiques Par "métonymique", Waltereit entend une relation de contiguïté prise dans un sens plus large que la relation tout-partie. Nous avons affaire à “des verbes transitifs dont l'emploi réfléchi n'est pas lexicalisé. Sujet et objet direct de la construction réfléchie ne sont pas seulement non coréférents, mais encore ils ne se recouvrent plus du tout sur le plan référentiel. (..) L'objet direct ne renvoie plus ici à une partie du sujet mais à quelque chose qui est certes en étroite contiguïté avec le sujet, mais qui est perçu comme nettement distinct : l'existence, la vie, les péchés, les crimes... (174) (Voici des années que Jean se cherche en vain correspond à : voici des années que Jean cherche 160 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction en vain sa voie. et non à : **voici des années que Jean se cherche en vain la voie). (...). Les constructions réfléchies métonymiques s'appuient sur une relation de contiguïté plus faible que la relation tout-partie.” (Waltereit 1997, 175) Pour bien comprendre ce que Waltereit entend par "relation métonymique", il est utile de comparer l'emploi qu'il fait de cette notion avec la définition qu'en propose Marc Bonhomme(1987) dans sa “Linguistique de la métonymie”. La relation de contiguïté (métonymique) est analysée par Bonhomme (1987) comme un cas de dénotation synthétique. “La dénotation synthétique consiste en l'application à un objet d'un pôle référentiel qui lui est étranger. Alors que la dénotation ponctuelle fonctionnait sous le statut de l'égalité (=) et la dénotation linéaire sous celui de l'inclusion (c), la dénotation synthétique provient d'une relation de contradiction (≠) entre le référent et la polarité dénotative qui le vise. Avec la dénotation synthétique commence le vaste univers des tropes qui se définissent comme des anomalies dénotatives dues à des amalgames entre notions hétérogènes. Mais l'analyse attentive des occurrences nous révèle déjà deux grands types de dénotations synthétiques ou tropiques: les unes se développent dans un même ensemble référentiel, les autres génèrent des jonctions entre les domaines référentiels les plus hétéroclites. Lorsqu'on traite le pape de "chaussette rouge" et qu'on l'identifie à "Rome", on se contente d'opérer des transferts référentiels à l'intérieur du champ dénotatif de celui-ci, qui porte effectivement des chaussettes rouges et qui habite Rome. Par contre, quand on voit dans le pape un "moufti", un "lion" ou un "phare", les polarités sollicitées n'appartiennent pas du tout au même domaine thématique, ce qui rend ces assimilations d'autant plus saisissantes. Avec les transferts référentiels internes au champ dénotatif, on entre dans le cadre de la métonymie. Quant aux jonctions entre champs, elles engendrent la structure de la métaphore.” (Bonhomme 1987, 38-39). Bonhomme (1987) appelle "allotopie" la relation de “jonction entre champs” hétérogènes et "cotopie" la relation de “transfert référentiel interne au champ dénotatif”. Dans ce cadre théorique, une métonymie est un effet discursif actualisé issu d'une relation "mis à la place de" entre une unité centrale d'une iso- et cotopie et un élément quelconque de sa cotopie. Elle se définit “par ses transferts cotopiques entre le niveau syntagmatique profond et le niveau actualisé du langage”. (Bonhomme 1987, 56). Cette définition couvre à la fois le champ de la métonymie et celui de la synechdoque, dont relève notamment la relation tout-partie. Il nous faut donc admettre que, pour les besoins de sa démonstration, Waltereit distingue artificiellement dans l'ensemble des relations cotopiques la relation tout-partie d'une part et la relation métonymique d'autre part, cette 161 Cahier du CIEL 1996-1997 dernière se définissant à son tour comme l'ensemble des relations métonymiques dont on a exclu la relation tout-partie. Pour la description des réfléchis, nous nous rangerons, malgré le problème théorique que cela pose, aux côtés de Waltereit car le comportement du Frame tout-partie est bien différent des autres Frames qui entrent dans les autres cotopies. A cet égard, le test appliqué par Waltereit lui-même nous semble tout à fait probant : dans le cas de C2, il est possible de faire coexister le réfléchi, qui devient alors bénéficiaire, et l'objet du verbe (Pierre se rase la moustache tous les jours), alors que cela n'est pas possible pour ce que Waltereit appelle : relation métonymique (Voici des années que Jean se cherche en vain correspond à : voici des années que Jean cherche en vain sa voie. et non à : **voici des années que Jean se cherche en vain la voie). Ce que Waltereit appelle "relation métonymique" pourrait être appelé "autres relations métonymiques", par opposition à la relation tout-partie. C'est ainsi que nous nous exprimerons désormais lorsque ce sera nécessaire; lorsqu'une précision de ce type se révélera redondante ou alourdira le propos, nous parlerons, dans cet article, de "relation métonymique" dans le sens même où Waltereit emploie le terme. Avec C4, C5 et C6 , nous abordons un autre domaine, celui de la pseudoréflexivité lexicale. Nous avons affaire à une expression figée, qui peut se définir selon Gross (1996) par deux propriétés essentielles d'où dérivent toutes les autres : la polylexicalité et l'opacité sémantique (Gross 1996, 9-10). Dans le cas des constructions réfléchies, la polylexicalité est assurée par la combinaison d'un verbe et d'un pronom réfléchi ; quant à l'opacité sémantique, elle est obtenue chaque fois que la sémantique de la construction réfléchie ne peut se déduire de la signification de ses parties. Pour Oesterreicher (1992), “dans les cas de pseudoréflexivité lexicale, le pronom se fait partie d'une lexie, ou plus précisément d'un lexème complexe.” Waltereit (1997, 188) considère que les deux unités lexicales <verbe + pronom réfléchi> se trouvent réanalysées en un ensemble unique. Pour les constructions réfléchies pseudolexicales comme pour les vrais réfléchis, on peut distinguer les constructions fondées sur la coréférence (C4), les constructions fondées sur la relation tout-partie (C5) et les autres constructions métonymiques (C6). Dans tous les cas, c'est une part de la transitivité de la construction réfléchie qui est figée : avec C4, c'est la relation sujet-pronom réfléchi, avec C5, c'est la relation sujet-objet prépositionnel, et avec C6 , c'est la relation verbe-objet qui se trouve modifiée. 162 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction C4 Pseudoréflexivité lexicale avec réduction de la coréférence à un bouclage du procès sur le sujet L'indexation formelle de coréférence n'empêche pas le figement de la relation sujet-pronom réfléchi qui aboutit à un bouclage du procès sur luimême. Waltereit (1997) voit dans ces constructions, qui sont dérivées diachroniquement d'un verbe transitif, une perte de leur valeur causative qui conduit fatalement à un affaiblissement de la transitivité. “ La lexicalisation de ces constructions réfléchies semble correspondre à un modèle particulier : les deux rôles sémantiques coréférents dans la tournure transitive ne font plus qu'un, et si l'on peut encore parler de procès, il n'y a plus d'action transitive. (... ) Nous avons affaire à une décausativation en diachronie. Le rôle thématique "causateur"2 disparaît” et même “la distinction conceptuelle entre agent et patient est neutralisée.”(Waltereit 1997, 190). Le résultat est une interprétation inaccusative de la construction pseudoréfléchie lexicale qui touche directement la relation au sujet : le procès part du rôle thématique exprimé par le sujet et lui revient en boucle. (Pour les exemples comme se tromper, se réveiller, voir tableau 1.) Les constructions verbales inaccusatives sont non agentives et n'admettent pas de passif. “Les constructions intransitives inaccusatives sont sémantiquement (au sens de Hopper/ Thompson 1980) faiblement transitives. Elles expriment des situations médiales (cf Kemmer 1993 : 53-74), c'est-àdire qu'elles renvoient en boucle au rôle thématique exprimé par le sujet. C'est pour rendre linguistiquement de telles situations que la pseudoréflexivité lexicale a pris, dans les langues romanes, le relais du passif synthétique latin.” (Waltereit 1997, 191) (En ce qui concerne le latin tardif, voir aussi dans ce volume: Kriegel 1997) C5 Pseudoréflexivité lexicale avec figement de la relation tout-partie A propos de la relation tout-partie, Waltereit pose la règle suivante: “La relation entre le réfléchi et son antécédent n'est jamais une relation partie-tout avec la partie comme sujet.” (Waltereit 1997, 183); cette règle est en accord avec Langacker (1993: 9): “ Le tout sert toujours de repère pour les parties.” A la différence de Waltereit qui ne présente aucun exemple français d'une construction tout-partie lexicalisée, nous avons trouvé dans notre corpus de textes spécialisés plusieurs phrases qui correspondent au modèle annoncé et qui confirment la règle selon laquelle le tout s'exprime toujours dans le Le rôle thématique "causateur" est à rapprocher d'une analyse de la transitivité forte à l'aide du marqueur sémantique <CAUSE>. 2 163 Cahier du CIEL 1996-1997 sujet. Quant à la partie, elle prend la forme d'un objet prépositionnel qui ne peut être supprimé. Nous avons donc bien affaire à un modèle lexicalisé figé. C6 Pseudoréflexivité lexicale avec figement d'autres relations métonymiques. Dans les cas de pseudoréflexivité lexicale de la construction réfléchie avec figement de relations métonymiques autres que la relation tout-partie, ce n'est pas le sujet qui se trouve, en diachronie, escamoté par le bouclage du procès au moyen du réfléchi, mais l'objet (taire un secret > se taire). “Le verbe ainsi obtenu n'a pas une interprétation inaccusative, mais une interprétation inergative. Ainsi s'ouvre un nouvel espace sémantique non médial.” (Waltereit 1997, 193) Les constructions verbales inergatives se caractérisent, selon Waltereit (1997), par les propriétés suivantes : l'argument a en général un rôle d'agent, la nominalisation en -eur et la formation d'un passif sont possibles, mais il n'est pas possible de renverser la construction verbale en introduisant un il impersonnel. Dans les constructions de la classe C6, le figement affecte soit la sémantique verbale, soit la relation verbe-objet. Dans le premier cas, que j'appelle C6A, le figement métonymique est lié au verbe lui-même (se taire, se dépêcher, se prêter à qqch = C6A). Dans le deuxième cas, que j'appelle C6B, le figement métonymique affecte les restrictions de sélection entre la tournure réfléchie et l'objet direct (se saisir de qqch, s'aviser de qqch = C6B). Le troisième et dernier domaine que distingue Waltereit parmi les constructions réfléchies est celui de la pseudoréflexivité grammaticale. Contrairement à la pseudoréflexivité lexicale, la pseudoréflexivité grammaticale n'est pas liée à un figement et/ ou à un glissement de la sémantique du noyau verbal ou de sa relation aux actants, mais elle exprime une certaine diathèse dans le domaine médial. C7 Pseudoréflexivité grammaticale : Constructions réfléchies ergatives La pseudoréflexivité ergative comme dans Son caractère s'aigrit, la branche s'est cassée, le métal s'est rouillé... est, selon Waltereit (1997), limitée aux verbes téliques. Il s'agit d'une diathèse d'un verbe transitif divalent, qui n'implique pas d'agent, mais nécessite un facteur extérieur favorisant l'action, qui peut être verbalisé par exemple par : sous l'effet de (la branche s'est cassée sous l'effet de la tornade). C8 Pseudoréflexivité grammaticale : Constructions réfléchies passives Les constructions réfléchies passives se forment avec des verbes qui, dans la diathèse active, supposeraient un sujet humain. Comme pour les 164 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction constructions réfléchies ergatives, l'agent n'est pas exprimable dans les exemples de la classe C8. C'est l'action elle-même qui est focalisée ; elle peut même être qualifiée par un adverbe de manière (Ce livre se vend bien/ une telle lettre s'écrit facilement.) Les constructions réfléchies passives apparaissent la plupart du temps dans des phrases génériques (La vengeance est un plat qui se mange froid/ Cela ne se dit pas/ Cette chaise se plie / La tour Eiffel se voit de loin.). Ce qui caractérise la pseudoréflexivité grammaticale, qui appartient, comme nous venons de le voir, au domaine médial, c'est l'absence de tout "causateur" et l'absence de tout agent parmi les actants de la construction verbale. L'absence de tout "causateur" oppose la diathèse médiale à la diathèse active et l'absence de tout agent exprimable oppose la diathèse médiale à la diathèse passive. 1.1.2. Constructions réciproques Waltereit (1997) distingue trois types de constructions réciproques présentés dans le tableau 2. Tableau 2 Réciprocité inhérente au sujet. Elle s'exprime avec ces verbes quand le sujet est au pluriel (Les négociateurs parlementent les uns avec les autres). Réciprocité inhérente à l'objet. Elle s'exprime avec ces verbes quand l'objet est au pluriel. Le sujet est alors un "causateur". converser, coopérer, lutter, parlementer. harmoniser des couleurs, lier des fleurs, juxtaposer, mélanger, opposer, raccorder. 2 interprétations : il faut mélanger plusieurs couleurs (pluriel) il faut mélanger le bleu au rouge (distributif) Réciprocité + Réflexivité Elle s'entend bien avec ses parents. On parlera de "réciprocité + réflexivité" Les manifestants se sont affrontés aux lorsque la réciprocité s'exprime grâce forces de l'ordre. au réfléchi, c'est-à-dire que le réfléchi est utilisé pour renvoyer à un autre et Notons que le complément qui exprime ici réciproquement. la concomitance ne peut être supprimé. Si nous élargissons le domaine de la Réciprocité + Réflexivité à des exemples particulièrement bien représentés dans le corpus, où le pronom réfléchi se est combinable avec mutuellement / l'un l'autre , nous pouvons proposer un classement complémentaire à celui de R. Waltereit, fondé également sur les oppositions fondamentales pertinentes pour les constructions réfléchies, avec réciprocité vraie (C9), relation tout-partie (C10) et autres relations métonymiques (C11). 165 Cahier du CIEL 1996-1997 C9 Réciprocité + Réflexivité avec réciprocité de la référence Il s'agit en C9 d'une construction réfléchie avec réciprocité de la référence qui peut être soulignée par des expressions comme l'un, l'autre ou mutuellement. (1) C'est ainsi que le dialogue s'est engagé entre les deux personnages qui s'éclairent depuis mutuellement. En écrivant sur l'un, je vois mieux qui est l'autre... (Le Monde 13 décembre 1996, page 4) Mais à côté d'exemples comme (1), qui relèvent de la réciprocité vraie (ou réciprocité de la référence (C9)), il nous faut distinguer, parallèlement aux autres emplois du réfléchi, un domaine qui repose sur la relation tout-partie (C10) et un domaine qui repose sur les autres relations métonymiques (C11). Au classement de Waltereit, nous ajouterons les classes C9, C10 et C11, qui forment le domaine homogène de la réciprocité, parfaitement parallèle à celui de la réflexivité (C1, C2 et C3). Le tableau 3 résume ce classement des constructions réciproques dont la validité sera confirmée par l'étude de notre corpus. Tableau 3 Classement des constructions réciproques Réciprocité + Réflexivité Réciprocité + Réflexivité avec réciprocité de la référence C9 Les 2 personnages s'éclairent l'un l'autre/ mutuellement Construction réciproque Construction avec relation de la partie réciproque avec au tout autres relations métonymiques C10 C11 Ils se masquent les yeux Elles se les uns des autres/ confient l'une à mutuellement l'autre. C10 Construction réciproque avec relation du tout à la partie Comme en C2, le sujet et l'objet reçoivent, en C10, un indice formel de coréférence : le pronom réfléchi-réciproque. Aussi bien le corps humain (2) qu'une société (3) peuvent servir de Frame. Notons que, dans ces exemples aussi, le sujet renvoie toujours au tout et jamais à une partie. (2) Quand François Raffinot s'en tient à son projet initial de faire apparaître le corps de l'écrivain banni, sa danse prend le risque d'une expressivité trop grande : duo où les danseurs se masquent mutuellement les yeux; grimaces du visage à la Francis Bacon. En revanche, la chorégraphie devient stupéfiante quand l'Inde fait irruption : doigts en éventail, mains en lotus, flexibilité des genoux, des hanches... (Le Monde. 29-7-96, 19) (3) L'alliance des deux mouvements chiites rivaux, Amal et Hezbollah, imposée avec rudesse par la Syrie au Sud et dans la Bekaa, n'a fonctionné qu'en apparence. Les candidats désignés ont été élus, mais Amal et le Hezbollah se sont mutuellement refusé leurs voix et leur inimitié n'a fait que croître. (Le Monde, 18-9-96, 3) 166 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction C11 Construction réciproque avec autres relations métonymiques Dans l'exemple (4) le pronom réfléchi se reçoit une interprétation réciproque alors même qu'entre le sujet de la phrase et le contenu de l'objet direct, s'établit une relation de contiguïté qui n'est pas une relation tout-partie. (Cortès 1995) (4) Ne se sentant pas le courage de parler à leurs parents, les deux amies se confièrent l'une à l'autre. (= confièrent l'une à l'autre leurs soucis secrets) Nous allons maintenant apporter la preuve de la pertinence de ces classifications pour les constructions réfléchies et réciproques relevées dans les textes spécialisés. 1.2. Analyse d'un corpus de constructions réfléchies dans des textes spécialisés du français Nous ne présenterons pas ici les 212 exemples du corpus mais seulement un échantillon représentatif de chaque sous-classe. Au début de chaque paragraphe sera indiqué le nombre des exemples correspondants relevés dans le corpus. C1 Réflexivité vraie avec coréférence absolue (27 exemples) Dans les textes en langue spécialisée, il y a relativement peu de phrases qui présentent un sujet humain. Dans ce cas, les pronoms réfléchis sont utilisés comme objet direct (5) ou indirect (6). Si le sujet est non humain, le pronom réfléchi est toujours objet direct. (5) Les patients se sont familiarisés avec une série de distinctions. (6) Les autre points essentiels seront la puissance de feu, la mobilité et l'amélioration globale de l'armement. En particulier, on fera des efforts pour se donner les moyens d'assurer une formation efficace. Dans quelques exemples, le caractère réfléchi de la construction est souligné par un renforcement du pronom réfléchi (7) ou par une expression adverbiale (8). Pour des verbes comme se multiplier (9), se copier, se répercuter, la sémantique verbale joue un rôle décisif dans l'interprétation réfléchie. Avec se suicider (10), nous sommes à la limite d'une lexicalisation, mais il ne s'agit pas, comme pour C4, de pseudoréflexivité lexicale ; nous avons affaire à un exemple de réflexivité vraie lexicalisée. (7) La division cellulaire mitotique est le processus par lequel chaque cellule se reproduit elle-même. (8) Un virus informatique est un logiciel capable de se reproduire par ses propres moyens - généralement en se lovant à la fin des programmes exécutables, susceptibles d'altérer le bon fonctionnement de votre PC. 167 Cahier du CIEL 1996-1997 (9) Et voilà bien le problème : le laps de temps entre la mise en circulation d'un virus et sa découverte, pendant lequel il peut se multiplier et détruire en toute impunité. (10) Raff et ses collègues chercheurs ont émis l'hypothèse que les cellules sont programmées pour se suicider et nécessitent des signaux constants d'autres cellules pour survivre. Il faut maintenant soulever deux questions très importantes pour l'analyse de corpus : - i- Est-ce que ce que nous affirmons d'un exemple vaut également pour tous les emplois de la construction réfléchie qu'il contient? - ii- Dans quelle mesure le domaine de spécialité joue-t-il un rôle dans l'interprétation d'une phrase? Pour répondre à la première question, nous pouvons nous servir des exemples (11) et (12) : (11) Les cellules du système nerveux central de l'homme ne se divisent plus une fois établies. (12) Les algorithmes symétriques se divisent entre algorithme de chiffrement continu et algorithme de chiffrement par bloc. Avec (11) nous avons une interprétation réfléchie (C1) de se diviser (l'introduction de elles-mêmes ou par leurs propres moyens est possible), tandis que (12) appartient à C5 puisqu'il existe une relation tout-partie entre le sujet et l'objet prépositionnel. Les exemples (11) et (12) montrent clairement, d'une part, qu'une description ne vaut que pour l'exemple concerné et, d'autre part, que le contexte de la construction réfléchie doit être examiné avec soin. En ce qui concerne la deuxième question, nous voudrions montrer que le domaine de spécialité peut être décisif pour le choix d'une interprétation. En (13) les verbes se pratiquent et se réalise appartiennent à l'évidence à la classe C8 (constructions réfléchies passives) puisque le verbe admet dans sa variante active un sujet humain ; la valeur modale de la phrase (des greffes peuvent être pratiquées/ réalisées...) est également un argument en faveur de cette analyse. En (14), par contre, nous pouvons admettre que l'ordinateur a la fonction d'un causateur qui exerce une action sur lui-même; (14) est donc à interpréter comme un exemple de la classe C1 ; cette interprétation vaut pour le logiciel (Software), tandis qu'il vaudra mieux rattacher l'exemple (15), qui, lui, relève du matériel (Hardware), à la classe C8. (13) Quelques greffes se pratiquent en plein hiver sur des plantes ou parties de plantes au repos mais la majorité se réalise pendant tout le temps où la sève est en activité. (14) V-imune se charge automatiquement au démarrage du système et analyse la mémoire du PC et les secteurs d'amorce des disques. (Software) (15) Il existe des pavés numériques indépendants qui se connectent sur le port série. (Hardware) 168 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction C'est sur la base de cette particularité du domaine informatique que l'on peut considérer (14) comme une vraie construction réfléchie (classe C1), alors que (15) (comme (13)) n'admet qu'une lecture réfléchie passive (classe C8) (des pavés numériques indépendants peuvent être connectés sur le port série). C2 Réflexivité vraie avec relation du tout à la partie (4 exemples) La classe C2-(Réflexivité vraie avec relation du tout à la partie) est rarement attestée dans le corpus. Le corps du cheval fonctionne comme Frame dans les exemples (16) à (19). (16) Si deux pieds d'un même latéral se posent l'un devant l'autre, le cheval se croise (les membres). (17) Il est alors exposé à se toucher ou à se couper. (18) Lorsque le pied au lever effleure le membre à l'appui, on dit qu'il se touche (le jarret). (19) S'il y a une plaie, on dit que le cheval se coupe (la robe). Le corpus présente d'autres exemples de la relation tout-partie, mais ils relèvent tous de la pseudoréflexivité lexicale et seront traités en C5. C3 Réflexivité vraie avec autres relations métonymiques (6 exemples) Des constructions réfléchies comme s'affirmer, s'imposer en (20), (21) impliquent, sur le plan conceptuel, une relation de contiguïté entre le sujet et l'une de ses propriétés, qui peut même être exprimée à l'aide d'un complément prépositionnel instrumental introduit par par . (20) Le PSE (polystyrène expansé = isolant utilisé dans le bâtiment) s'affirme donc comme un matériau de construction à part entière (par ses qualités, par ses propriétés). (21) Aujourd'hui les techniques numériques se sont imposées partout (par leur efficacité, leurs performances). Jusqu'ici nous avons traité des exemples dans lesquels la construction réfléchie s'analyse de manière componentielle. Nous allons nous occuper maintenant du domaine de la pseudoréflexivité lexicale. C4 Pseudoréflexivité lexicale avec réduction de la coréférence à un bouclage du procès sur le sujet (42 exemples) Dans les exemples de la classe C4 pour lesquels l'opposition entre agent et patient est neutralisée, le sujet définit en quelque sorte, sur le plan conceptuel, un espace sémantique à l'intérieur duquel se développe un procès non télique. Cette fonction peut être remplie aussi bien par des sujets humains ((22) à (24)) que par des sujets non humains ((25) à (27)). (22) Comment s'étonner qu'une forme non séquentielle, non narrative, ait du mal à trouver ses auteurs et son public aujourd'hui? (23) La tendance actuelle est désormais de s'inspirer davantage de l'exemple que des jeux vidéos. 169 Cahier du CIEL 1996-1997 (24) Jusqu'à présent beaucoup d'hypermédias se contentent de transcrire l'existant vers les nouvelles formes numériques. (25) Mais le PSE s'accommode aussi bien des associations in situ, notamment lors de son contact direct avec des matériaux appliqués dans leur état humide : plâtre projeté, béton coulé sur des coffrages isolants... (26) Le mésothéliome pleural est un cancer qui se développe au niveau de la plèvre entourant le poumon. (27) Chacun de ces canaux se renfle en cul-de-sac pour former un "sac alvéolaire". Outre ces exemples, le corpus contient des constructions réfléchies avec s'égarer, s'ancrer, se stabiliser s'améliorer, se propager, se situer, se présenter, s'installer, se prolonger, se dérouler etc. qui appartiennent à la classe C4. C5 Pseudoréflexivité lexicale avec figement de la relation tout-partie (15 exemples) Les exemples du corpus confirment la règle selon laquelle, dans la relation tout-partie, le sujet s'identifie toujours avec le tout et sert ainsi de repère aux parties. La relation aux parties peut s'exprimer de deux façons différentes suivant que : - le tout est le résultat de la réunion des parties (C5A), - le tout est le point de départ d'une énumération de parties (C5B). Nous pouvons considérer se composer de (28) comme prototype de la sous-classe C5A et se décomposer en (29) comme prototype de la sous-classe C5B. Le choix de la préposition de pour C5A ou en (ou encore entre. Voir exemple (12)) pour C5B semble déterminant pour l'interprétation sémantique de ces structures. Il faut souligner d'ailleurs que la présence du complément prépositionnel est absolument obligatoire dans ces constructions. (28) Utilisé principalement dans la musique savante du nord de l'Inde, l'instrument désigné sous le nom de tabla se compose en réalité de deux tambours distincts joués par le même musicien. (29) En ce qui concerne RSA, l'astuce repose sur la difficulté de décomposer les grands nombres en facteurs premiers. 22 par exemple, se décompose en deux nombres premiers, 1 et 22. Le corpus atteste d'une troisième variante, C5C, que l'on trouve dans les exemples (30) et (31). A la différence des constructions avec de et en, qui mettent sur un pied d'égalité toutes les parties d'un tout comme dans une taxinomie, nous assistons avec les constructions en par à une focalisation sur une (ou les) partie(s) pertinente(s) pour le propos. (30) Le comportement alimentaire se caractérise par un ensemble de conduites au service d'une triple demande énergétique, hédonique et symbolique. 170 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction (31) A l'intérieur de chaque poumon, la bronche principale se ramifie d'innombrables fois jusqu'à former de fines "bronchioles" qui se terminent chacune par trois ou quatre canaux alvéolaires. Soulignons que, pour C5A et C5C, il existe un emploi converse de la construction réfléchie avec le verbe non pronominal (converse de (30 ): un ensemble de conduites (spécifiques) caractérise (ce type de) comportement alimentaire. Comme il n'est pas possible de présenter ici tous les exemples de la classe C5, nous présenterons un tableau récapitulatif (tableau 4) des principaux verbes rencontrés dans le corpus, qui se répartissent dans les trois classes C5A, C5B et C5C selon le groupe prépositionnel qu'ils introduisent. Tableau 4 C5A Préposition : de se composer de s'enrichir de se compliquer de C5B Préposition : en se décomposer en se fragmenter en se diviser en/entre C5C Préposition : par se caractériser par se traduire par se terminer par se révéler par se manifester par se définir par..... C6 Pseudoréflexivité lexicale avec figement d'autres relations métonymiques (25 exemples) Comme le prédit Waltereit, le figement métonymique peut affecter soit la sémantique verbale (exemples C6A) soit la relation à l'objet (exemples C6B). Les expressions concernées ont une valeur télique. C6A- (16 exemples) Le figement de la sémantique du verbe peut être limité comme en (32), mais il peut aussi, comme dans se trouver ou se retrouver en (33) et (34), faire disparaître totalement la télicité du verbe. Le verbe se trouver peut même avoir la fonction d'une copule ((35) et (36)). (32) D'autant que la dite Convention ne se limite pas aux mines anti-personnel et que toute réglementation internationale qui ne s'appliquerait qu'à ce secteur serait illusoire dès lors qu'elle serait tournée, voire violée par ailleurs. (33) Or, dans de nombreux cas, les matériaux isolants se trouvent en situation de capter l'humidité si leur conception et leur nature s'y prêtent. (34) Les termes déchiffrement et décryptage n'ont qu'un seul équivalent en anglais (decryption), et la différence de sens ne se retrouve donc pas. (35) A ce domaine correspond la fraction d'eau libre qui se trouve à l'état liquide et qui n'est retenue à la surface du substrat sec que par des forces capillaires. 171 Cahier du CIEL 1996-1997 (36) L'évaporation à multiple effet se trouve en effet concurrencée par la recompression mécanique des vapeurs qui ne consomme pratiquement que de l'électricité. C6B- (9 exemples) Nous rattachons à la classe C6B les exemples (37) à (39), bien que Waltereit (1997) hésite entre C4 et C6B pour classer l'expression : il s'agit de (39). Dans ces trois cas, en effet, c'est le cadre valenciel qui est modifié par le figement. Cela est particulièrement clair pour se heurter à et il s'agit de, mais même pour se produire une modification des restrictions de sélection est sensible ; aucune des phrases (38') ne semble acceptable : (38') *Le traumatisme a produit une rupture accidentelle de ces vésicules. (...) *La maladie a produit diverses complications somatiques. Il faudrait chaque fois remplacer, dans (38'), a produit par a entraîné ou a eu pour effet. (37) Toute élimination d'eau se heurte aux deux problèmes majeurs suivants : - risque d'altération de la qualité nutritionnelle et surtout organoleptique du produit, - consommation d'énergie considérable. (38) Cependant, il peut se produire une rupture accidentelle de ces vésicules. (...) Diverses complications somatiques s'étaient déjà produites. (39) On n'oubliera pas qu'un clavier est soumis à de nombreuses pressions mécaniques; il s'agit d'un périphérique fragile. C7 Pseudoréflexivité grammaticale : Constructions réfléchies ergatives (25 exemples) Notre corpus présente quelques constructions réfléchies ergatives dans lesquelles se combinent télicité et absence d'agent. Les procès téliques sont centrés sur un résultat qui est atteint sans intervention humaine. La télicité du procès fait que les exemples de la classe C7 (à la différence de C8) peuvent facilement être employés à l'accompli ; la nominalisation du verbe est également très souvent possible et le "Nomen Actionis" désigne aussi bien l'action que son résultat. Les expressions de la classe C7 ne peuvent en principe être mises au passif et la nominalisation en -eur n'est pas possible ; en outre les exemples de la classe C7 ne sont pas liés à une valeur modale comme c'est le cas pour C8. (40) Les fibres restent alors dans des vésicules qui les isolent du reste du contenu cellulaire. Elles vont progressivement s'y dissoudre (41) Il se forme alors une pellicule sur la surface des cylindres qui se dessèche rapidement et qui est détachée par un couteau racleur. (42) Avec l'épuisement des réserves énergétiques, les fibres musculaires sont dans l'incapacité de se relaxer : le muscle va se durcir. Il faut également rattacher à la classe C7 une série d'exemples qui sont dérivés d'un nom comme se cancériser, s'enraciner, se lyser, se ramifier ou se 172 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction lignifier (43) ; dans ces cas, le contenu nominal d'où est dérivé le verbe correspond exactement au terme ultime de l'action verbale. (43) Les tissus herbacés se lignifient (= se transforment en bois) . Tableau 5 : Constructions réfléchies en français (langue spécialisée) Classement Construction Relation toutAutres relations réfléchie avec partie métonymiques coréférence ou en boucle réflexivité „vraie“ C1 C2 C3 (5) Les patients (58) ... je me lavai (21) Aujourd’hui les se sont familia- le visage....je me techniques numériques se risés avec une rhabillai... sont imposées (...) série de distinctions. pseudoréflexivité C4 C5 C6 lexicale (22) Comment (31) A l’intérieur C6A s’étonner de chaque (32) la dite Convention qu’une forme poumon, la bron- ne se limite pas aux minon séquentielle che principale se nes anti-personnel (...) ait du mal à ramifie d’innom- C6B trouver ses brables fois (...). (39) (...) il s’agit d’un auteurs (...)? périphérique fragile. pseudoréflexivité C7 grammaticale (40): (...) elles vont progressivement s’y dissoudre. C8 C8A (60) Le livre se lit bien C8B (46) Les trois espèces se rencontrent à Jussieu. C8 Pseudoréflexivité grammaticale : Constructions réfléchies passives (40 exemples) Parallèlement aux nombreux exemples de constructions réfléchies passives que présente notre corpus, il existe la plupart du temps une variante passive correspondante. La différence tient à ce que une interprétation modale peut toujours être ajoutée aux exemples de la classe C8. (44) Si la signature se déchiffre correctement et que les informations correspondent au message (empreinte correcte, etc.), la signature est considérée comme valide. (45) Des cassures de l'ADN et des fragmentations chromosomiques peuvent alors s'observer. (46) Les trois espèces se rencontrent à Jussieu. (47) Les tambours iraquiens en forme de sablier se portent en général sous le bras et se jouent avec la pointe des doigts. 173 Cahier du CIEL 1996-1997 (48) En toiture-terrasse, les panneaux PSE s'utilisent en support direct d'étanchéité ou en contact avec la protection lourde (toiture dite "inversée"). A la différence d'une construction passive, les exemples de la classe C8 ne peuvent jamais comporter l'expression d'un complément d'agent introduit par la préposition par. Pour résumer (C1-C8), nous proposons le tableau 5 (voir page précédente). C9 Réciprocité + Réflexivité avec réciprocité de la référence (12 exemples) Parmi les exemples du corpus qui expriment la réciprocité, nous trouvons des phrases contenant l'un, l'autre ou mutuellement, mais aussi des exemples de verbes essentiellement réciproques comme se livrer bataille, s'affronter, se séparer (se séparer : sans complément prépositionnel introduit par de et seulement avec un sujet pluriel), etc. (49) Les chromatides appariées se repoussent l'une l'autre. (50) Ainsi les deux géants semblent prêts à se livrer bataille. (51) Pendant la mitose, les chromatides soeurs de chaque chromosome se séparent. C10 Construction réciproque avec relation du tout à la partie (2 exemples) Le seul verbe attesté dans une construction réciproque avec relation du tout à la partie est se distinguer, avec une complément prépositionnel introduit par par. C'est précisément entre le sujet et le complément prépositionnel que s'établit la relation tout-partie. (52) Il existe plusieurs modèles qui se distinguent les uns des autres par la forme de la touche entrée. Étant donné que l'exemple (52) présente un certain parallélisme avec les exemples de la classe C5 C (par exemple : se caractériser par), il faudrait peut-être parler ici d'une forme de "pseudoréciprocité lexicale" avec relation du tout à la partie. C11 Construction réciproque avec autres relations métonymiques (14 exemples) Aux constructions réciproques avec autres relations métonymiques correspondent la plupart du temps des tournures converses qui permettent d'introduire l'un l'autre et ainsi de mettre à jour la valeur réciproque de l'expression. Ainsi le modèle [A se V Prép B], sous lequel se présente la plupart des exemples de la classe C11, peut être transformé en : 174 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction [A se V Prép B] <> [A et B se V l'un (Prép) l'autre] (A s'ajoute à B <> A et B s'ajoutent l'un à l'autre). Les exemples formés sur le modèle : [A se V Prép B] permettent au locuteur d'attribuer, sur le plan pragmatique, un plus grand poids à A qu'à B, puisque A occupe seul (séparé de B) la position sujet et par là-même la position thématique de la phrase. Les verbes du corpus qui sont construits selon ce modèle sont : s'ajouter à, se surajouter à, se fixer à, se lier à, s'accompagner de, s'écarter de, s'éloigner de. (53) Comme on l'a vu dans le cas des maisons en bande, cette chape flottante peut se surajouter au système de planchers-poutres sur vide sanitaire, selon la nature des entrevous. (Cette chape flottante et ce système de plancherspoutres sur vide sanitaire peuvent se surajouter l'un à l'autre.) (54) Les erythrocytes peuvent se fixer aux macrophages de façon telle qu'ils restent liés et ne sont pas ingérés. (Les erythrocytes et les macrophages peuvent se fixer les uns aux autres.) (55) Une diminution de Te s'accompagne d'une légère augmentation de la valeur de L2, donc d'une légère augmentation également de la consommation de vapeur primaire. (Une diminution de Te et une légère augmentation de la valeur de L2 s'accompagnent (l'une l'autre)). A la différence de la classe C10, il n'y a, dans les exemples de la classe C11, aucune relation tout-partie entre le sujet et l'objet prépositionnel, pas même dans des exemples comme (56) et (57), où les symptômes décrits dans le groupe prépositionnel ne sont que des épiphénomènes de la maladie. (56) La symptomatologie s'accompagne le plus souvent d'une importante dilatation gastrique et d'une altération rapide de l'état général. (57) Ce syndrome s'accompagne toutefois toujours d'une symptomatologie bruyante avec médiastinite. L'étude des exemples des classes C9, C10 et C11 semble bien montrer qu'il est judicieux de proposer des classifications parallèles pour la réciprocité et pour la réflexivité (réciprocité et/ou réflexivité vraie, relation tout-partie, autres relations métonymiques). Il semblerait en outre indispensable d'étudier un plus grand nombre d'exemples de constructions réciproques pour savoir s'il est nécessaire de distinguer entre réciprocité vraie et pseudoréciprocité lexicale. En ce qui concerne les constructions réciproques, on pourrait proposer le tableau suivant: Tableau 6 : Constructions réciproques en français (langue spécialisée) Classement Construction Relation tout-partie Autres relations réciproque vraie métonymiques Réciprocité C9 C10 C11 (49) Les chromatides (2) (...): duo où les dan- (54) Les erythrocytes appariés se repousseurs se masquent mu- peuvent se fixer aux sent l’une l’autre. tuellement les yeux; (...) macrophages (...) 175 Cahier du CIEL 1996-1997 1.3. Résultats Résultats statistiques : La majorité des exemples du corpus se trouvent dans le domaine lexical et le domaine médial. En ce qui concerne les classes relevant de la pseudoréflexivité lexicale C4, C6A et C6B, nos résultats correspondent à ceux de Waltereit 1997. En revanche, il n'avait aucun exemple de la classe C5 alors que nous en avons trouvé 15 ; il s'agit sans doute d'un type d'exemples particulièrement fréquents dans les domaines scientifiques et techniques étudiés. Le domaine médial est également fort bien représenté dans notre corpus, et cela est aussi spécifique des types de textes étudiés. En conclusion, nous pouvons affirmer que la pseudoréflexivité lexicale et grammaticale ainsi que la "pseudoréciprocité lexicale" sont mieux représentées dans notre corpus que la réflexivité ou la réciprocité vraies. Résultats sur le plan sémantique : La classification de Waltereit, qui a fait ses preuves tout au long de cette étude, montre en effet que la relation métonymique au sens large de la définition de Bonhomme 1987 (relation tout-partie + autres relations métonymiques) joue un rôle plus important que la coréférence. Waltereit (1997, 167) écrit : “La coréférence est sans doute l'emploi prototypique des constructions réfléchies, mais ce n'est que le noyau d'un domaine fonctionnel beaucoup plus grand. Nous voyons ici que l'identité, en tant que relation de coréférence, n'est qu'un cas limite de la relation de contiguïté.” Il faudrait maintenant savoir si, au-delà de la diversité des classes obtenues, les constructions réfléchies remplissent une fonction commune. Melis (1990) parle de boucle ou de clotûre du procès. “Reflet du sujet, le pronom réflexif opère en quelque sorte une clôture du procès verbal en limitant son domaine d'application à la seule sphère du sujet. Ainsi, le tour pronominal peut rapporter un procès interne, opposé au procès externe qui caractérise le tour transitif; en effet, la présence d'un objet distinct du sujet crée deux domaines que le verbe relie”. (Melis 1990, 64). Si une transitivité réduite est encore perceptible dans les cas de réflexivité et réciprocité vraie, on n'observe plus rien de tel dans la pseudoréflexivité lexicale ou grammaticale. La construction réfléchie focalise sur le procès lui-même. Pour en apporter la preuve, nous considérerons la signification des 36 groupes prépositionnels du corpus introduits par par. Pas une fois le groupe prépositionnel introduit par par ne prend la valeur d'un 176 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction complément d'agent ou d'un "causateur". En revanche, il s'interprète comme instrumental (se déclencher par un mécanisme, se transmettre par courrier), comme moyen (se distinguer par telle qualité, se caractériser par), comme conséquence ou preuve d'un état de fait (se traduire par, se manifester par, s'exprimer par). Combiné à une construction réfléchie, le groupe prépositionnel introduit par par renvoie aux circonstances qui accompagnent le procès. La fonction des constructions réfléchies va d'une transitivité affaiblie qui se referme en boucle sur le sujet à un procès considéré pour lui-même, qui ne se caractérise ni par son agent ni par son résultat mais qui est représenté dans son déroulement et peut être éventuellement accompagné de quelques circonstances pertinentes pour le propos. 2 ETUDE DE LA TRADUCTION EN ALLEMAND DES CONSTRUCTIONS RÉFLÉCHIES RENCONTRÉES DANS LE CORPUS La construction pronominale couvre en français comme en allemand un très large domaine fonctionnel. A la différence du pronom réfléchi se (ainsi que ses équivalents à la 1ère et 2ème personne) qui est un clitique attaché au verbe en français, sich (ainsi que ses équivalents à la 1ère et 2ème personne) est une forme libre en allemand. Cette différence est due au fait que sich est moins grammaticalisé que son équivalent français (v. Haspelmath 1990, Kriegel dans ce volume). A part cela, les systèmes des constructions réfléchies des deux langues sont extrêmement proches. C’est sans doute pour cela qu’il n’existe pas d’études de traductologie consacrées à ce type de construction. Mais tout parallélisme a ses limites et la construction pronominale représente une source de fautes énorme dans le domaine de la traduction. Cela s’explique par le fait qu’il existe un emploi du réfléchi extrêmement fréquent en français qui n’a qu’une existence marginale en allemand et où la traduction par une forme réfléchie en allemand s’avère fautive dans 90% des cas (v. C8B). Avant d’aborder ces cas problématiques, nous présenterons pour chacune des classes (C1-11) distinguées dans la première partie de ce travail quelques exemples du corpus3 avec leur traduction allemande. 3 Nous ne mentionnerons pas systématiquement la traduction de tous les exemples présentés dans la première partie. 177 Cahier du CIEL 1996-1997 2.1. Constructions réfléchies C1 Dans le domaine de la réflexivité vraie, où il y a coréférence exacte entre le sujet et le pronom réfléchi et où les restrictions de sélection concernant l’objet direct ne peuvent être plus spécifiques que celles concernant le sujet, il n’est nullement surprenant de constater que la traduction allemande se sert, en général, du même type de construction que le français. Un test syntaxique 4 permet de savoir dans les deux langues si le pronom réfléchi possède le statut d’actant et assume ainsi une fonction syntaxique bien précise: on peut substituer le pronom réfléchi se/sich par un autre groupe nominal sans que la sémantique verbale ne soit affectée: (5) Les patients se sont familiarisés avec une série de distinctions. Die Patienten haben sich mit einer Reihe von Unterscheidungen vertraut gemacht. (5’) Le rôle des médecins a surtout été de familiariser les patients avec une série de distinctions. Es war die Rolle der Ärzte, die Patienten vor allem mit einer Reihe von Unterscheidungen vertraut zu machen. (9) Et voilà bien le problème: le laps de temps entre la mise en circulation d’un virus et sa découverte, pendant lequel il peut se multiplier et détruire en toute impunité. Und da liegt das Problem: der Zeitraum zwischen dem Auftauchen eines Virus und seiner Entdeckung, während dessen er sich vermehren kann und ungestraft Zerstörungen anrichten kann. (9’) (...) pendant lequel il peut multiplier les dégâts et détruire en toute impunité. während dessen er den Schaden vermehren kann und ungestraft Zerstörungen anrichten kann. Dans bon nombre d’exemples du corpus, la présence de l’„intensificateur“ (intensifier, König 1997) x-même représente un indice que le se ou le sich est un vrai pronom réfléchi et permet de classer l’exemple dans le groupe C1: (7) La division cellulaire mitotique est le processus par lequel chaque cellule se reproduit elle-même. Die mitotische Zellteilung ist der Vorgang, durch den sich jede Zelle selbst reproduziert. Pour l’allemand, il existe plusieurs autres tests syntaxiques v. Haider 1985: 244, 9 Helbig-Buscha 1986: 210s. 4 178 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction Dans (8), le pronom réfléchi est renforcé par la construction adverbiale par ses propres moyens qu’on traduirait en allemand par selbst: (8) Un virus informatique est un logiciel capable de se reproduire par ses propres moyens - généralement en se lovant à la fin des programmes exécutables, susceptibles d’altérer le bon fonctionnement de votre PC. Ein informatischer Virus ist ein Softwareprogramm, das sich selbst reproduzieren kann - im allgemeinen, indem es sich ans Ende der ausführbaren Programme anhängt, die das Funktionnieren Ihres PCs stören können. Dans 1.2., nous avons soulevé deux questions: -i- Est-ce que ce que nous affirmons d’un exemple vaut également pour tous les emplois de la construction réfléchie qu’il contient? Nous avons évoqué le cas des exemples (11) et (12) où l’interprétation du seul et même verbe se diviser varie selon le contexte: (11) Les cellules du système nerveux central de l’homme ne se divisent plus une fois établies. Die Zellen des zentralen Nervensystems des Menschen teilen sich nicht mehr, wenn sie einmal ausgereift sind. Alors que (11) appartient au groupe C1, l’exemple (12) fait partie du groupe C5: (12) Les algorithmes symétriques se divisent entre algorithme de chiffrement continu et algorithme de chiffrement par bloc. Die symmetrischen Algorithmen teilen sich in einen kontinuierlichen Kodierungsalgorithmus und einen Blockkodierungsalgorithmus auf. Die symmetrischen Algorithmen bestehen aus dem / beinhalten den kontinuierlichen Kodierungsalgorithmus und dem/den Blockkodierungsalgorithmus. Ici, la traduction allemande confirme le fait qu’il s’agit de deux emplois différents de se diviser. En allemand, les verbes sich teilen et sich aufteilen in représentent deux entrées lexicales différentes dans le dictionnaire. En outre, sich aufteilen in dans (12) pourrait sans aucun problème être remplacé par les verbes intransitifs beinhalten ou bestehen aus sans modification de sens, ce qui donne un indice supplémentaire pour le fait que sich fait partie du lexème verbal dans l’exemple (12). Deuxième question: - ii - Dans quelle mesure le domaine de spécialité joue-t-il un rôle dans l’interprétation d’une phrase? Pour répondre à cette question nous avions évoqué les exemples (14) et (15) qui pourraient être interprétés en tant que C1 ou en tant que C8. Une fois de plus la traduction allemande est révélatrice. (14) V-imune se charge automatiquement au démarrage du système et analyse la mémoire du PC et les secteurs d’amorce des disques. 179 Cahier du CIEL 1996-1997 Imun V lädt sich automatisch beim Start des Systems auf und analysiert den Speicher des PCs und den Bootsektor des Laufwerks. Dans (14), le contexte, plus précisement l’adverbe „automatiquement/ automatisch“, permet de classer l’exemple comme C1. (15) Il existe des pavés numériques indépendants qui se connectent sur le port série. Es gibt unabhängige, digitale Bausteine, die an die serielle Schnittstelle angeschlossen werden können. Dans (15), en revanche, le contexte ne donne pas d’indication et c’est seulement la connaissance détaillée du domaine de spécialisation qui permet une classification correcte. Les conséquences pour la traduction sont considérables : la traduction par une forme réfléchie en allemand serait la cause de malentendus très graves. Le lecteur non spécialiste croirait que la connexion des pavés numériques sur le port série se fait sans intervention humaine au niveau logiciel. Nous reviendrons plus tard à la traduction des exemples par un passif en werden (C8). C2 La classe C2 comprend les constructions réfléchies vraies avec coréférence du tout à la partie où la cible du procès coïncide avec une partie du point de départ. Dans la très grande majorité des exemples, le corps humain sert de frame. C’est la raison pour laquelle les exemples dans notre corpus de textes de langue spécialisée étaient rares (v. cependant les exemples (16) à (19)). Dans le domaine C2, Kemmer 1993 parle de verbs of grooming or body care. On peut faire une observation typologique très intéressante: les langues romanes et l’allemand se servent du pronom réfléchi tandis que l’anglais ainsi que beaucoup d’autres langues n’ont pas recours à ce type de construction (v. Kemmer 1993: 6). Une explication fonctionnaliste s’impose: le pronom réfléchi est omis dans beaucoup de langues pour des raisons d’économie. Le fait que quelqu’un se lave, se rase, se coiffe lui-même est le cas attendu, normal, le cas non-marqué (Haiman 1983) et cela est indiqué par l’emploi absolu du verbe. Par contraste avec les nombreuses langues qui utilisent des constructions absolues en C2, le parallélisme entre le français et l’allemand n’en est que plus frappant. (58) Revenue à moi, une pensée suppliciante domina toutes les autres: faire disparaître tout ce qui pouvait m’accuser... je me lavai le visage....je me rhabillai... Als ich wieder zu mir gekommen war, beherrschte ein quälender Gedanke alle anderen: alles verschwinden zu lassen, was mich belasten könnte... ich wusch mir das Gesicht....ich zog mich wieder an... 180 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction La traduction allemande de la grande majorité des exemples français ne pose pas de problèmes: le pronom réfléchi est employé dans les deux langues comme dans l’exemple (58).5 C3 La construction réfléchie avec coréférence métonymique se caractérise par le fait que l’objet direct ne se refère pas à une partie du sujet (comme dans C2) mais à quelque chose qui entretient avec le sujet une relation de contiguité (il s’agit d’une relation cotopique au sens de Bonhomme 1987 à l’exclusion de la relation tout-partie). (20) Le PSE (polystyrène expansé) s’affirme donc comme un matériau de construction à part entière (par ses qualités, par ses propriétés). Das geschäumte Polystyrol behauptet sich (durch seine Eigenschaften, aufgrund seiner Eigenschaften) als vollwertiges/ vollbrauchbares Baumaterial. (21) Aujourd’hui les techniques numériques se sont imposées partout (par leur efficacité, leurs performances). Heute haben sich die digitalen Techniken überall durchgesetzt (aufgrund ihrer Effektivität, ihrer Leitungen). Il est intéressant de constater une fois de plus un parallélisme très fort entre les deux langues qui, apparemment, ont tendance à coder les relations de contiguité de la même façon. Ceci est d’autant plus remarquable qu’il s’agit de phénomènes normalement liés à une langue particulière. C4 Tandis que pour les classes C1-C3 il y avait réflexivité vraie, la classe C4 comprend des exemples pseudoréfléchis lexicaux avec réduction de la coréférence à un bouclage du procès sur lui-même. Le sujet et l’objet ne sont plus coréférents, ils ne font plus qu’un. Jusqu’à présent la traduction allemande a montré un parallélisme très fort entre les différents emplois de la construction réfléchie. Pour le domaine de la „vraie réflexivité“ (C1 à C3) ceci n’est pas très surprenant puisque dans ces domaines, le pronom réfléchi peut être remplacé par un autre objet, il possède le statut d’actant et assume ainsi une fonction grammaticale précise. Mais ce parallélisme va encore plus loin comme nous allons le voir maintenant: même pour les constructions pseudoréfléchies lexicales, dans lesquelles le marqueur de la réflexivité n’assume plus de fonction En revanche, on peut aussi trouver des exemples - beaucoup plus rares - où l’allemand ne se servirait pas du pronom réfléchi, probablement pour des raisons d’économie aussi: (59) Et vous voulez que je me croise les bras? Und Sie wollen, daß ich die Arme verschränke? 5 181 Cahier du CIEL 1996-1997 grammaticale, n’est plus pronom, la traduction allemande, elle aussi, a très souvent recours à une construction réfléchie: (22) Comment s’étonner qu’une forme non séquentielle, non narrative, ait du mal à trouver ses auteurs et son public aujourd’hui? Warum sollte man sich darüber wundern, daß eine nicht-sequentielle, nicht-narrative Form heute Schwierigkeiten hat, Autoren und ein Publikum zu finden? (23) La tendance actuelle est désormais de s’inspirer davantage de l’exemple que des jeux vidéos. Die aktuelle Tendenz geht dahin, daß man sich mehr durch das Beispiel als durch Videospiele anregen läßt. (24) Jusqu’à présent beaucoup de hypermédias se contentent de transcrire l’existant vers les nouvelles formes numériques. Bis jetzt geben sich viele elektronische Medien damit zufrieden, das schon Vorhandene in die neuen digitalen Formen umzuschreiben. (27) Chacun de ces canaux se renfle en cul-de-sac pour former un sac alvéolaire. Jeder dieser Kanäle erweitert s i c h sackartig und bildet ein Alveolensäckchen. En revanche, il existe bien évidemment aussi des cas où on peut traduire par un verbe intransitif en allemand. C’est le cas de l’exemple (26) où, toutefois, la possibilité d’introduire un verbe réfléchi n’est pas exclue: (26) Le mésothéliome pleural est un cancer qui se développe au niveau de la plèvre entourant le poumon. Das Pleuramesotheliom ist eine Krebsart, die im Bereich des Rippenfells entsteht/ die sich im Bereich des Rippenfells ausbreitet/ entwickelt. C5 Il s’agit de pseudoréfléchis lexicaux avec lexicalisation de la relation du tout à la partie. Les différences entre les deux langues sont un peu plus grandes dans ce domaine. Il s’agit, tout comme pour C4, de phénomènes lexicaux et ainsi il n’existe pas de technique de traduction spécifique. La traduction des exemples du corpus montre une tendance de l’allemand à préférer la construction intransitive, voire la construction adjectivale ou même parfois le passif bilan (pour les difficultés à délimiter certaines constructions adjectivales du passif bilan v. Helbig 1987). Mais la traduction par une construction réfléchie est aussi possible (v. (28)): (28) Utilisé principalement dans la musique savante au nord de l’Inde, l’instrument désigné sous le nom de tabla se compose de deux tambours distincts joués par le même musicien. Das vor allem in der Kunstmusik Nordindiens verwendete, als Tabla bezeichnete Instrument besteht aus/ setzt sich zusammen aus/ ist zusammengesetzt aus/ zwei verschiedenen Trommeln, die vom gleichen Musiker gespielt werden. 182 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction (31) A l’intérieur de chaque poumon, la bronche principale se ramifie d’innombrables fois jusqu’à former de fines „bronchioles“ qui se terminent chacune par trois ou quatre canaux alvéolaires. Innerhalb eines jeden Lungenflügels verzweigt sich die Hauptbronchie unzählige Male, bis er feine „Bronchiolen“ bildet, von denen jede mit/ in drei oder vier Alveolenkanälen endet. C6 La classe C6 relève de la pseudoréflexivité lexicale avec figement d’autres relations métonymiques. Les différences entre le français et l’allemand sont plus prononcées que pour les groupes C1-C4. Pour ce groupe non plus, on ne peut pas donner de „recette“ de traduction parce qu’il s’agit de phénomènes lexicaux. Souvent la traduction allemande se sert de verbes intransitifs, mais la traduction avec une forme pronominale est fréquente aussi. Si on considère qu’il s’agit de métonymies lexicalisées, c’est-à-dire de phénomènes normalement liés à une langue particulière, les parallèles entre le français et l’allemand sont remarquables. C6A Dans le groupe C6A, le figement de la métonymie affecte la sémantique verbale. (32) D’autant que la dite Convention ne se limite pas aux mines anti-personnel et que toute réglementation internationale qui ne s’appliquerait qu’à ce secteur serait illusoire dès lors qu’elle serait tournée, voire violée par ailleurs. Zumal die besagte Konvention nicht auf Personenminen beschrânkt ist und jede internationale Reglementierung, die nur auf diesen Sektor anwendbar wäre, ab dem Zeitpunkt illusorisch wäre, wo sie umgangen oder gar verletzt würde. Dans (33), on traduirait par „in der Lage sein“, l’expression „sich in der Lage befinden“ avec construction pronominale étant réservée aux seuls cas où le sujet est animé. (33) Or, dans de nombreux cas, les matériaux isolants se trouvent en situation de capter l’humidité si leur conception et leur nature s’y prêtent. Nun sind die isolierenden Materialen in vielen Fällen in der Lage, die Feuchtigkeit aufzunehmen, wenn ihr Aufbau und ihre Natur dazu geeignet sind. C6B Dans le groupe C6B, c’est la relation à l’objet qui est affectée par le figement métonymique. Pendant qu’en (38) la traduction par un verbe intransitif s’impose, l’exemple (39) montre une fois de plus un parallélisme entre les deux langues: 183 Cahier du CIEL 1996-1997 (38) Cependant, il peut se produire une rupture accidentelle de ces vésicules. (...) Diverses complications somatiques s’étaitent déjà produites. Allerdings kann ein zufälliges/ spontanes Platzen dieser Gefäße eintreten. (...)Verschiedene somatische Komplikationen waren schon eingetreten. (39) On n’oubliera pas qu’un clavier est soumis à de nombreuses pressions mécaniques; il s’agit d’un périphérique fragile. Man sollte nicht vergessen, daß eine Tastatur häufig mechanischem Druck ausgesetzt ist; es handelt sich um ein empfindliches Peripheriegerät. C7 En ce qui concerne la classe C7, il s’agit d’exemples de pseudoréflexivité grammaticale, plus précisement du sous-groupe des constructions réfléchies ergatives. Nous avons affaire à un changement diathétique: la valence du verbe transitif à l’origine n’est pas seulement réduite, mais il y a aussi modification dans la projection des rôles sémantiques sur les rôles syntaxiques. Le rôle sémantique de patient occupe la position de sujet. Comme pour le groupe C8, il n’existe pas d’agent exprimable. Il peut y avoir un facteur externe favorisant l’action. Selon Waltereit 1998, ce type de construction serait réservé aux verbes téliques. Tout comme le français, l’allemand se sert très souvent de la construction réfléchie. (40) Les fibres restent alors dans des vésicules qui les isolent du reste du contenu cellulaire. Elles vont progressivement s’y dissoudre. Die Fasern bleiben also in Gefäßen erhalten, die sie vom Rest des Zellinhaltes trennen. Sie lösen sich langsam darin auf. (42) Avec l’épuisement des réserves energétiques, les fibres musculaires sont dans l’incapacité de se relaxer: le muscle va se durcir. Durch das Aufbrauchen der Energiereserven sind die Muskelfasern nicht in der Lage, sich zu entspannen: der Muskel verhärtet sich/ wird hart. Cependant, nous avons aussi trouvé des exemples qui se traduisent par un verbe intransitif: (41) Il se forme une pellicule sur la surface des cylindres qui se dessèche rapidement et qui est détachée par un couteau râcleur. Es bildet sich ein Film auf der Oberfläche der Zylinder, der schnell austrocknet und der mit einem Schabemesser entfernt wird. C8 Au sein de la pseudoréflexivité grammaticale, nous avons distingué un deuxième sous-groupe, à savoir les constructions réfléchies passives souvent appelées médio-passives dans la littérature (v. p. ex. Melis 1991, Zribi-Hertz 1982). Il s’agit d’un des emplois probablement les plus fréquents de la forme pronominale en français, tout particulièrement dans la langue de spécialité (corpus: 40 exemples sur 212). Dans une perspective traductologique, cette classe est de loin la plus intéressante parce que’elle constitue une source intarissable de fautes en thème. Tout comme dans C7, il s’agit d’une diathèse 184 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction marquée parce que le patient occupe la place de sujet. Normalement, les patients codés en tant que sujets sont [-inanimés]. Si le sujet est [+animé] des ambiguités avec des cas C1, les vrais réfléchis, sont fréquentes. A la différence de C7, il existe implicitement un agent humain bien qu’il ne soit mentionné (v. p.ex. Melis 1991: 91ss., Zribi-Hertz 1982: 352ss.). C8A6 Alors que les exemples de C7 se traduisaient par une construction réfléchie en allemand aussi, la traduction des exemples de C8 ne se sert qu’exceptionellement de la construction réfléchie. Celle-ci est sujette à des contraintes syntaxiques très strictes: Elle est limitée à des phrases du type (60): (60) Le livre se lit bien. Das Buch liest sich gut. avec un adverbe obligatoire qui exprime une modalité.7 Vu les contraintes syntaxiques importantes, il s’agit d’un très petit groupe qui n’est même pas représenté dans notre corpus. C8B La plupart des exemples de C8, et en fait tous les exemples de notre corpus, suivent un autre schéma de traduction: Dans la très grande majorité des cas, le passif réfléchi du français est traduit par une forme passive en allemand, plus exactement par un passif processuel, un passif qui se sert de l’auxiliaire werden. Souvent, les constructions réfléchies du groupe C8 apparaissent dans des énoncés génériques. (47) Les tambours iraquiens en forme de sablier se portent en général sous le bras et se jouent avec la pointe des doigts. Die irakischen Trommeln in Form einer Sanduhr werden im allgemeinen unter dem Arm getragen und mit den Fingerspitzen gespielt.8 Dans (47), c’est le contexte immédiat, l’adverbe en général, qui nous indique la généricité de l’énoncé. En ce qui concerne la distinction de différents sous-groupes en français v. Melis 1991: 86ss., Zribi-Hertz 1982: 348s., dans une perspective traductologique Pérennec 1993: 37. 7 En ce qui concerne ce type de construction en allemand v. Abraham 1987 et Haider 1985: 244 dans une perspective générativiste, Kemmer 1993: 147 dans une perspective 2 sémantique, Askedal 1987: 30, Baudot 1989: 408, Eisenberg 1989: 143s., Lötzsch/ Fiedler/ Kostov 1976: 76, Povejsil 1976: 127. 8 A côté de la traduction par un passif processuel nous avons la possibilité de traduire par un man générique. 6 185 Cahier du CIEL 1996-1997 (13) Quelques greffes se pratiquent en plein hiver sur des plantes ou parties de plantes au repos mais la majorité se réalise pendant tout le temps où la sève est en activité. Einige Pfropfungen werden mitten im Winter an den trockenen Pflanzen oder Pflanzenteilen vorgenommen, aber die Mehrheit, während sie Saft enthalten. (46) Les trois espèces se rencontrent à Jussieu. Alle drei Arten werden in Jussieu vorgefunden. (48) En toiture-terrasse, les panneaux PSE s’utilisent en support direct d’étanchéité (....). Auf Terrassen-Dächern werden die Platten aus geschäumtem Polystyrol als direkter Isolierschutz verwendet (...). Tout comme pour (47), les exemples (13), (46) et (48) peuvent être traduits par un passif processuel en werden en allemand. Une interprétation générique est cependant moins évidente à cause de la détermination9 plus grande donnée au procès par les compléments de temps (13) et de lieu (46, 48). Si le degré de la détermination contextuelle est moins élevé, les énoncés peuvent aussi trouver une interprétation modale allant, selon le contexte, de l’expression d’une potentialité jusqu’à celle d’une obligation. La traduction doit tenir compte de la valeur modale et demande ainsi une interprétation qui dépendra du contexte linguistique et extra-linguistique. Cependant, on peut énoncer une règle de traduction très simple: Si on peut remplacer en français par une forme passive avec être + un verbe modal, on traduit en allemand par le passif processuel en werden + verbe modal. Très souvent, une potentialité est exprimée, ce qui permet d’ajouter le verbe pouvoir ou un adjectif en -able/ ible/ ant. Par conséquent, on traduirait en allemand par l’auxiliaire können ou un adjectif en -bar. Il est important de souligner que le verbe modal est obligatoire en allemand, facultatif en français. (44) Si la signature s e déchiffre correctement et que les informations correspondent au message, la signature est considérée comme valide. (44’) Si la signature peut être déchiffrée correctement/ est déchiffrable correctement et que les informations correspondent au message, la signature est considérée comme valide. Wenn die Unterschrift korrekt entschlüsselt werden kann/ entschlüsselbar ist/ entschlüsselt wird und die Informationen der Nachricht entsprechen, wird die Unterschrift als gültig erkannt. (61) La nature des fibres se distingue en utilisant des critères morphologiques, chimiques ou cristallographiques. (61’) La nature des fibres peut être distinguée/ est „distinguable“ en utilisant des critères morphologiques, chimiques ou cristallographiques. 9 En ce qui concerne le concept de la détermination v. Cortès/ Szabo 1991. 186 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction Die Natur der Fasern kann durch (die Verwendung) morphologische(r), chemische(r) oder kristallographische(r) Kriterien unterschieden/ bestimmt ? werden/ ist bestimmbar durch die Verwendung.../ wird bestimmt durch.... . (62) La description de la phagocytose faite par Jenning au début de ce siècle ne s’applique pas exactement au modèle de la „fermeture éclair“. (62’) La description de la phagocytose faite par Jenning au début de ce siècle ne peut pas être appliquée exactement/ n’est pas applicable exactement au modèle de la „fermeture éclair“. Die Jenningsche Beschreibung der Phagozytose zu Beginn dieses Jahrhunderts kann nicht direkt auf das „Reißverschlußmodell“ angewendet werden/ ist nicht direkt auf das Reißverschlußmodell anwendbar/ *wird nicht direkt auf das Reißverschlußmodell angewendet. (45): Parfois, le français aussi se sert explicitement du verbe modal comme en (45) Des cassures de l’ADN et des fragmentations chromosomiques peuvent alors s’observer. DNA-Strangbrüche und Chromosomenfragmentierungen können dann beobachtet werden/ sind dann beobachtbar/ *werden dann beobachtet. Pour résumer, on peut constater que les classes C1-C7 montrent de très forts parallélismes entre les deux langues. En revanche, la classe C8, le passif réfléchi, est soumis à des contraintes syntaxiques très importantes et n’est guère représenté en allemand (C8A). Les exemples de la classe 8B se traduisent par un passif processuel en werden. En français, la construction réfléchie couvre donc un domaine fonctionnel plus large qu’en allemand (Haspelmath 1990: 43), le processus de grammaticalisation de la forme pronominale est apparemment plus avancé en français qu’en allemand. 10 2.2. Constructions réciproques Pour terminer, nous aborderons les différents sous-groupes de la réciprocité. Tout comme pour les classes C1-C7, la traduction allemande montre un fonctionnement parallèle des deux langues. En allemand, sich réciproque est en général interchangeable avec einander. Le lexème gegenseitig sert à renforcer la relation de réciprocité et correspond au lexème français mutuellement. C11 est le seul groupe qui fasse exception. C9 En C9, il y a réciprocité et réflexivité avec réciprocité de la référence. La grammaticalisation des formes réfléchies va encore plus loin dans d’autres langues indo-européennes, v. Haspelmath 1990. 10 187 Cahier du CIEL 1996-1997 (1) C’est ainsi que le dialogue s’est engagé entre les deux personnages qui s’éclairent depuis mutuellement. En écrivant sur l’un, je vois mieux qui est l’autre. So hat der Dialog zwischen den zwei Personen/ Persönlichkeiten begonnen, die sich (gegenseitig)/ einander seither beleuchten. Indem ich über den einen schreibe, sehe ich besser, wer der andere ist. (49) Les chromatides appariées se repoussent l’une l’autre. Die gepaarten Chromatiden stoßen sich (gegenseitig)/ einander ab. (50) Ainsi les deux géants semblent prêts à se livrer bataille. So scheinen die beiden Riesen dazu bereit zu sein, sich (gegenseitig)/ einander zu bekämpfen. C10 C10 regroupe les constructions réciproques avec relation du tout à la partie. (2) (....): duo où les danseurs se masquent mutuellement les yeux; (...) Ein Duo, bei dem die Tänzer sich (gegenseitig)/ einander die Augen zuhalten. (3) (...) Les candidats désignés ont été élus, mais Amal et le Hezbollah se sont mutuellement refusé leurs voix et leur inimité n’a fait que croître. (...) Die designierten Kandidaten sind gewählt worden, aber Amal und Hezbollah haben sich (gegenseitig)/ einander ihre Stimmen verweigert und die Feindschaft hat sich nur verschärft. (52) Il existe plusieurs modèles qui se distinguent les uns des autres par la forme de la touche entrée. Es gibt verschiedene Modelle, die sich durch die Form der ENTER-Taste voneinander unterscheiden. C11 C11 comprend les constructions réciproques avec autres relations métonymiques. Pour la plupart des exemples, la traduction allemande se sert d’une construction réfléchie réciproque. (4) Ne se sentant pas le courage de parler à leurs parents, les deux amies se confièrent l’une à l’autre. Da sie nicht den Mut hatten, mit ihren Eltern zu sprechen, vertrauten sich die zwei Frenundinnen einander an. (54) Les erythrocytes peuvent se fixer aux macrophages (...). Die Erythrozyten können sich an die Marcrophagen heften (...). Dans (56), il faut traduire par un verbe intransitif. Cependant, nous avons aussi trouvé un exemple où le remplacement de sich par einander est impossible: (56) La symptomatologie s’accompagne le plus souvent d’une importante dilatation gastrique et d’une altération rapide de l’état général. Die Symptomatik geht meist mit einer starken Magenerweiterung und einer raschen Verschlechterung des Gesamtzustandes einher. 188 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction 2.3. Conclusion Le tableau 7 résume les règles traductologiques et ne veut en aucun cas donner une représentation globale de l’emploi des formes réfléchies de l’allemand. Notons en outre que les règles sont données avec une grande probabilité, mais il ne s’agit pas de certitudes absolues. Tableau 7: tableau traductologique des constructions réfléchies (proposition de traduction en allemand pour chaque type repéré pour le français) Classement Construction réfléRelation tout-partie Autres relations chie avec coréférence métonymiques ou en boucle reflexivité vraie C1 C2 C3 pseudoreflexivité lexicale pseudoreflexivité grammaticale sich C4 sich C5 sich C6 sich V Intr ... C7 sich V Intr ... sich V Intr ... sich / V Intr/ werden + Adjectif ... C8 C8 a (rare) Sich uniquement pour les constructions avec adverbe de manière C8 b (très fréquent) Passif en werden On constate que, tout comme le français, l’allemand aussi a la possibilité d’employer une forme réfléchie pour les classes C1 à C8. Etant donné qu’il s’agit de deux systèmes de langues différents il ne peut évidemment pas s’agir d’une projection 1:1. 11 Dans la catégorie des pseudoréfléchis lexicaux, la traduction allemande se sert soit d’une construction réfléchie, soit d’un verbe intransitif. Pour la traduction de la classe 7, la construction intransitive n’est pas exclue non plus. La démarche inverse, c’est-à-dire la traduction de l’allemand vers le français donnerait probablement des résultats équivalents: il existe aussi des verbes réfléchis en allemand qu’on devrait traduire par des verbes intransitifs en français. 11 189 Cahier du CIEL 1996-1997 Le tableau 8 montre les règles traductologiques pour la construction réciproque qui se traduit presque systématiquement par une forme réfléchie en allemand, le pronom sich réciproque étant en général interchangeable avec einander. Tableau 8: tableau traductologique des constructions réciproques (proposition de traduction en allemand pour chaque type repéré pour le français) Classement Construction Relation tout-partie Autres relations réciproque vraie métonymiques Réciprocité C9 C10 C11 sich einander sich einander ... sich einander V Intr ... A partir de ces observations traductologiques, on peut énoncer une hypothèse en ce qui concerne le système des constructions réfléchies et réciproques de l’allemand. Tableau 9: tableau hypothétique des constructions réflechies de l'allemand Classement Construction Relation toutAutres relations méréfléchie avec partie tonymiques coréférence ou en boucle réflexivité „vraie“ C1 C2 C3 (5'): Die Patienten (58'): ...ich (21') Heute haben sich die haben sich mit wusch mir das digitalen Techniken einer Reihe von Gesicht .... ich durchgesetzt (...). Unterscheidungen zog mich wieder vertraut gemacht. an pseudoréflexivité C4 C5 C6 lexicale (22'): Warum (31'): Innerhalb C6A sollte man sich eines jeden (32') (...) die besagte Kondarüber wundern, Lungenflügels vention ist nicht auf Perdaß eine nicht verzweigt sich sonenminen beschränkt -sequentielle die Hauptbron- (...) Form chie unzählige C6B Schwierigkeiten Male, (...). (39'): (...) es handelt sich hat, (...) ein um ein empfindliches Publikum zu Peripheriegerät. finden? pseudoréflexivité C7 grammaticale (40'): (...) sie lösen sich langsam darin auf. C8 ATTENTION: emploi restreint au type C8A (avec adverbe) (60) Das Buch liest sich gut. 190 C.CORTÈS, S.KRIEGEL -Constructions réfléchies et traduction Tableau 10 : tableau hypothétique des constructions réciproques de l'allemand Classement Construction Relation tout-partie Autres relations réciproque vraie métonymiques réciprocité C9 C10 C11 (49') Die gepaarten (2') (...): ein Duo, bei (54') Die Chromatiden dem sich die Tänzer Erythrozyten könstoßen sich gegenseitig die Augen nen sich an die Magegenseitig ab. zuhalten. crophagen heften, (...) Il faut bien sûr souligner qu’il s’agit de tableaux purement hypothétiques sur le système des constructions pronominales de l’allemand, la validité de ces tableaux restant à vérifier avec un corpus allemand. 3. RÉSUMÉ L’étude d’un corpus de textes spécialisés français nous permet de proposer un classement d’emploi de constructions réfléchies. Dans ce classement, nous distinguons 11 sous-classes selon la fonction syntaxique et sémantique du pronom réfléchi, à savoir les vrais réfléchis, les pseudoréfléchis lexicaux, les pseudoréfléchis grammaticaux et les constructions réciproques. Dans la catégorie des vrais réfléchis et dans celle des réciproques, on peut différencier les constructions réfléchies avec a. coréférence exacte, b. coréférence par la relation du tout à la partie, c. coréférence par la relation métonymique. La catégorie des pseudoréfléchis lexicaux regroupe les constructions réfléchies avec a. réduction de la coréférence à un bouclage du procès sur lui-même, b. avec lexicalisation de la relation du tout à la partie et c. avec lexicalisation de la relation métonymique. Dans la catégorie de la pseudoréflexivité grammaticale, la distinction entre construction réfléchie ergative et (médio-)passive s’impose. La traduction des exemples en allemand permet de déduire une règle traductologique qui peut expliquer l’observation courante que les textes spécialisés allemands contiennent plus de tournures passives que les textes spécialisés français. On observe un très grand parallélisme entre les deux langues dans l’emploi de la construction réfléchie mais la construction réfléchie (médio-)passive, extrêmement fréquente dans le corpus, se traduit (presque systématiquement) par une forme passive en allemand. Dans le corpus, 1/5 des constructions réfléchies se traduisent par un passif allemand et environ la moitié par des réfléchis. Ainsi, se trouve mis en évidence un parallélisme frappant entre l’emploi des réfléchis allemands et celui des réfléchis français dans 10 classes 191 Cahier du CIEL 1996-1997 des 11 distinguées et une opposition radicale sur le plan du réfléchi passif français qui est rendu en allemand dans la très grande majorité des cas par le passif en werden. OUVRAGES D'OÙ SONT TIRÉS LES EXEMPLES Archives françaises de pédiatrie 1993 La Gazette médicale (1992) La semaine des hôpitaux de Paris 1994. Traité de médecine. Godeau P, Herson S, PIette J-C. Troisième édition MédecineSciences, Flammarion, Paris 1996. La Recherche (1994-1996) Science et Vie (1995-1997) Revues de Microinformatique (1996-1997) Psychologie cognitive. Habilitation à diriger des recherches de Michel Isingrini. (Université François Rabelais de Tours 1996). BIBLIOGRAPHIE Abraham, Werner (1987): „Was hat sich in „damit hat sich’s?“, in: CRLG (éd.) 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