Compte rendu du livre : Comment Nicolas Sténon a remis en cause

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Compte rendu du livre : Comment Nicolas Sténon a remis en cause
Compte rendu du livre :
LA MONTAGNE ET LE COQUILLAGE
Comment Nicolas Sténon a remis en cause la Bible et créé les
sciences de la terre
d’Alan Cutler
Traduit de l’anglais par Stéphane Carn
Éditions JC Lattès, 2006, 288 p., 19 euros
Que font les coquillages au sommet des montagnes ? Ce phénomène
semble maintenant aller de soi pour les géologues. Ce n’était pas le cas
au XVIIe siècle. L’explication qui prévalait à l’époque était que les
coquillages et autres fossiles
« poussaient » sur place :
ils
avaient
l’apparence d’organismes que l’on trouve dans la mer mais jamais ils
n’avaient été les restes d’un quelconque animal. Cette théorie de la
croissance in situ présentait l’avantage d’échapper aux difficultés de la
grande interprétation rivale, celle qui faisait des fossiles des vestiges du
Déluge : par exemple, le Déluge s’étant produit après la création de la
terre ferme, comment expliquer que les coquillages aient pu pénétrer
dans les profondeurs des roches ? Confronté à ces querelles, le jeune et
célèbre anatomiste Nicolas Sténon (1638-1686) suggéra que les fossiles
étaient d’anciens animaux pétrifiés déposés par couches successives ;
interprétation qui est au fondement de la géologie moderne.
En proposant une biographie de Nicolas Sténon, ce livre nous plonge
dans un monde pittoresque où le problème de notre héros face à l’énigme
des fossiles
n’était pas l’absence
d’explication
mais
sa profusion.
Précisons toutefois que, contrairement à ce qu’indique le sous-titre du
livre (différent de l’original anglais), Nicolas Sténon ne remit nullement
en cause la Bible ; tout au plus, posa-t-il les bases de la géologie moderne
qui, elle, allait remettre en cause une interprétation littérale du récit de
la Genèse. De fait, Sténon intégra le Déluge à sa théorie et fit sienne la
chronologie biblique qui ne donnait que quelques milliers d’années à la
Terre. Élevé protestant, il se convertit même au catholicisme, puis
abandonna toute recherche scientifique, fit vœu de pauvreté et finit sa
vie dans le dénuement, avant d’être béatifié en… 1988. Destin étonnant
qui souligne la complexité des liens entre science et religion et qui fait
tout le piquant de ce livre alerte et très agréable à lire.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 171, mai 2006.