USA : Obama face aux lobbys anti-réforme
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USA : Obama face aux lobbys anti-réforme
Politique de santé International USA Obama face aux lobbys anti-réforme La Maison Blanche et le Congrès américain sont depuis quelques semaines en ordre de bataille pour conduire la réforme du système de santé aux EtatsUnis. Bilan d’étape. S ’il existe aujourd’hui un consensus national sur la nécessité de réformer sans tarder un système coûteux, peu performant et dont la pérennité financière est menacée à long terme, le succès de ce projet est encore loin d’être garanti. Le choix du président Obama de laisser une grande liberté au Congrès – sur la base de ses orientations générales –, ajouté aux premiers pas de la nouvelle administration, était pourtant prometteur. En avril, le Congrès accordait à la nouvelle administration la création d’un fonds de 634 milliards de dollars sur Les grandes orientations d’Obama pour la réforme du système de santé américain • Maîtrise des coûts et amélioration de la qualité des soins ; • Développement de la médecine de prévention ; • Déploiement massif des dossiers médicaux électroniques ; • Evaluation médico-économique des pratiques de soins ; • Modification de la rémunération des actes médicaux au profit d’un paiement au résultat ; • Réduction des coûts de Medicare ; • Extension de la couverture maladie aux nonassurés, notamment au moyen de la création d’une assurance publique qui entrerait en compétition avec les assurances privées. 36 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009 dix ans pour financer la généralisation de la couverture santé. En mai, les principaux acteurs du système de santé, parmi lesquels l’industrie pharmaceutique, s’engageaient à des mesures d’économie de 2 000 milliards de dollars sur dix ans pour remédier à la dérive des coûts. Calendrier non tenu Si trois projets de loi d’origine démocrate sont actuellement en discussion au Congrès (deux au Sénat et un à la Chambre des Représentants), le calendrier fixé par le président Obama n’a pas été tenu. Alors qu’il souhaitait qu’une première version de la réforme soit votée avant les vacances parlementaires, l’absence d’accord au sein même de la majorité, le blocage des discussions au Sénat et l’opposition pour des raisons budgétaires des Républicains et des quelques Démocrates conservateurs de la «Blue Dog Coalition» 1 ont conduit à repousser un vote à septembre. D’ici là, les avalanches de critiques se déchaînent et les lobbies s’organisent : 1,4 million de dollars sont dépensés chaque jour pour préserver le statu quo. Leurs arguments rencontrent un terrain favorable : un taux de popularité au plus bas pour Barack Obama depuis son investiture, 52% d’Américains qui désapprouvent son projet de réforme et des débordements bien orchestrés de la part de protestataires conservateurs lors de « townhall meetings ». Cependant, peu de doutes subsistent quant au fait que la réforme aura lieu. Si le retard pris au Congrès peut sembler de prime abord être une déconvenue pour la nouvelle administration, Barack Obama est plus que jamais décidé à tenir ses promesses de campagne électorale et dispose ainsi de davantage de temps pour arriver à un compromis. Effort notable des labos Bien que les professionnels de la santé restent en général opposés au projet de réforme du système de santé américain, l’industrie pharmaceutique s’est illustrée en étant le premier secteur industriel à négocier conjointement avec la Maison Blanche et la Commission des Finances du Sénat (dont le Président est le Sénateur Baucus). En s’engageant à diminuer, jusqu’à 50 %, le prix de certains médicaments de marque distribués au sein du programme Medicare, les laboratoires – représentés par PhRMA et son pdg Bill Tauzin – contribuent à hauteur de 80 milliards de dollars sur dix ans au financement de la réforme. Effort notable… et qui semble leur assurer la bienveillance de la Maison Blanche et du Sénateur Baucus. En effet, en acceptant d’être les premiers à la table des négociations – et en encourageant les autres secteurs industriels de la santé à en faire de même, l’industrie pharmaceutique voit ainsi s’éloigner la menace de levée de l’interdiction fédérale pour Medicare de négocier les prix des médicaments. Pour autant, et © SIPA LE PRÉSIDENT OBAMA SE TROUVE EN CETTE RENTRÉE FACE À DE FORTES RÉSISTANCES POUR FAIRE ADOPTER SA RÉFORME DE LA SANTÉ c’est là que le bât blesse, cette mesure a depuis été incluse dans le projet de loi présenté par les trois présidents des commissions 2 en charge du projet de réforme au sein de la Chambre des Représentants. En effet, selon une évaluation économique de leur « Commission pour la surveillance et la réforme du gouvernement » menée en juillet 2008, la négociation des prix des médicaments au sein du programme Medicare permettrait de réaliser une économie de 156 milliards de dollars sur dix ans. Soit 76 milliards de dollars supplémentaires par rapport à l’accord conclu entre PhRMA, la Maison-Blanche et le Sénat. Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des Représentants, aura été très explicite ces derniers jours à ce sujet. Fin des « pay-for-delay » Par ailleurs, le projet de loi de la Chambre des Représentants propose également d’interdire les règlements transactionnels, dits « pay-for-delay », prévoyant des restrictions, voire des paiements, envers les génériqueurs pour retarder la mise sur le marché de leur médicament lors des contentieux portant sur les brevets entre les laboratoires princeps contre les génériqueurs. Selon l’U.S. Federal Trade Policy, cette mesure engendrerait à elle seule 35 milliards de dollars d’économie sur dix ans. Enfin, une disposition demande également la divulgation des conditions financières établies entre les laboratoires pharmaceutiques et les Pharmaceutical Benefit Management (PBM), tiers administrateurs gérant pour le compte des entreprises et des assurances privées les dépenses de médicaments de leurs bénéficiaires3. Ceux-ci représentent aujourd’hui 75 % des ventes de médicaments de prescription aux Etats-Unis et prennent en charge les achats de 57 % de la population américaine. De nombreux acteurs du système de santé aux Etats-Unis dénoncent depuis plusieurs années le manque de transparence de ce marché et en demandent une réglementation plus stricte. Depuis 2002, les PBM ont fait l’objet de nombreuses investigations pour acte de violation de la législation anti-trust. La controverse principale concerne la rémunération des PBM sur les rabais négociés pour leurs clients auprès des laboratoires. Cette pratique est, selon eux, une source de conflit d’intérêt fondamentale avec leurs clients puisqu’elle n’incite pas les PBM à opter pour les médicaments les moins chers mais pour ceux leur offrant les meilleures bénéfices. A ce jour, s’il n’existe pas de législation fédérale encadrant plus strictement cette activité, même si au moins neuf États et le District of Columbia (D.C.) ont en adopté une. Retour d’Harry and Louise Enfin, si les principaux acteurs du système de santé (hôpitaux, compagnies d’assurance, médecins, etc.) se tiennent plutôt en retrait – car inquiets – du projet de réforme de la nouvelle administration, l’industrie pharmaceutique semble aujourd’hui contrôler et assumer sa contribution. Elle finance d’ailleurs, à l’échelle nationale, les publicités mettant en scène le retour du populaire couple «Harry and Louise», qui s’opposaient à la réforme de la santé d’Hillary Clinton dans les années 90, et qui sont désormais favorables à celle du Président Obama. Julie Lyonnard (1) La « Blue Dog Coalition » est un groupe parlementaire regroupant les Démocrates fiscalement conservateurs. Dans le cas de la réforme du système de santé, ils estiment que ce projet, dont le coût est estimé à 1 000 milliards de dollars, accroitra indéniablement le déficit budgétaire américain. (2) Henry Waxman pour la Commission Energie et Commerce, Charles Rangel pour la Commission Voies et Moyens et George Miller pour la Commission Education et Travail. (3) Les PBM sont des organismes de « Managed Care ». Ils interviennent principalement entre les fabricants de médicaments et les assureurs ou prescripteurs du secteur ambulatoire. D’autres dispositions législatives incluses dans les trois projets de loi actuellement en discussion au Congrès concernent directement le marché américain du médicament, notamment différentes propositions qui créeraient enfin un cadre réglementaire permettant la mise sur le marché aux EtatsUnis des biosimilaires. Si deux propositions de loi démocrates ont depuis le début de l’année fait l’actualité de la Chambre des Représentants (celle d’Henry Waxman limitant à cinq ans la durée de l’exclusivité des médicaments issus des biotechnologies et celle d’Anna Eshoo proposant une période d’exclusivité de douze ans), le Sénat s’attèle aujourd’hui à la tâche. Sa Commission Santé, Education, Travail et Retraitespropose également – au sein de son projet de loi sur la réforme du système de santé aux Etats-Unis – une période d’exclusivité de douze ans. A la différence de la représentante Anne Eshoo, il ne pourra s’y ajouter deux années supplémentaires en cas de nouvelle indication thérapeutique. La Maison-Blanche, quant à elle, s’est prononcée en faveur d’une période limitée, « généreusement », à sept années. 37 SEPTEMBRE 2009 - PHARMACEUTIQUES