la transversalité au cœur des pratiques : musique, danse
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la transversalité au cœur des pratiques : musique, danse
Rencontre métier Synthèse LA TRANSVERSALITÉ AU CŒUR DES PRATIQUES : MUSIQUE, DANSE, THÉÂTRE Cette synthèse est un compte-rendu des témoignages des personnes présentes aux rencontres des 15 octobre et 26 novembre 2015 au conservatoire du 11e arr. de Paris Intervenants : Yves Gruson, musicien, directeur du CMA 11 et Frédéric Merlo, comédien, professeur de théâtre ; vice-président de l’ANPAD Rédacteur de la synthèse : Yves Gruson Conseiller artistique : Anahi Renaud Chercher ce qui nous relie, se détourner de tout ce qui nous oppose Jacques Copeau La danse, la musique et le théâtre partagent un même espace de transmission que sont les établissements d’enseignement artistique. Pour autant, se côtoyer chaque jour ne veut pas dire se connaître. Au delà de notre passion commune pour nos disciplines, nous avons des fondamentaux communs que nous pouvons apprendre à reconnaître ensemble. La diversité des méthodes de travail proposées par ces différents domaines artistiques ne peut qu’être source d’enrichissement et de créativité. En compagnie d’Yves Gruson, musicien, directeur de conservatoire, et de Frédéric Merlo, comédien, professeur de théâtre, tous deux très impliqués dans la transversalité au cœur des pratiques, nous vous proposons un échange d’expériences et de perspectives de travail. Quels sont les plus « grands fondamentaux communs » aux trois disciplines ? Quels choix pédagogiques faire pour permettre que ces domaines artistiques se nourrissent les uns des autres ? Les participants : 37 répartis comme suit : 24 musiciens (dont 2 ont des fonctions de directeur ou conseiller aux études) 9 danseurs, 3 comédiens et 2 bibliothécaires. Tous sauf 1 personne venaient de l’Ile-de -rance. Les établissements représentés : 1 CRR, 5 CRD, 23 CRC/CRI, 6 associations, 2 bibliothèques/médiathèques, 1 personne sans emploi www.ariam-idf.com En préambule, il nous a semblé important de préciser le vocabulaire qui allait être utilisé tout au long de cet échange : De nombreuses définitions existent, parfois contradictoires suivant les auteurs, de termes qui, dans les domaines scientifiques ou artistiques, désignent l’association de plusieurs disciplines. Nous proposons la progression suivante, en termes d’imbrication croissante : - Pluridisciplinarité : qui associe plusieurs disciplines, en les juxtaposant (un conservatoire est un établissement pluridisciplinaire) - Interdisciplinarité : qui fait se croiser au moins deux disciplines (une comédie musicale, avec des chanteurs qui chantent, des danseurs qui dansent et des musiciens qui jouent leur instrument est interdisciplinaire) - Transdisciplinarité et/ou transversalité : qui fait sortir (aller au-delà) des frontières de sa propre discipline (un travail de chant effectué par un danseur, un texte dit par un instrumentiste, etc.). Celle-ci peut également conduire à une formation à la polyvalence dans laquelle l’artiste développe de façon non ponctuelle d’autres compétences que celles de sa discipline dominante. A cela vient s’ajouter une confusion fréquente entre discipline et spécialité, qui ont une signification inversée suivant les contextes (en science, chaque discipline contient plusieurs spécialités ; dans les textes régissant l’enseignement artistique, c’est l’inverse). Ainsi, nous pourrions aussi parler de « plurispécialitaire », « interspécialitaire », « transpécialitaire » s’agissant de croiser la musique, la danse ou le théâtre. Par simplification et pour éviter toute querelle sémantique, nous parlerons globalement de transversalité pour exprimer toutes les situations de croisement entre nos arts. C’est la polyvalence de l’artiste en formation qui est ainsi interrogée. La clef est peut-être de privilégier la formation et pas forcément la réalisation. La restitution n’est pas une finalité, la formation oui. Une participante souligne que dans ses cours de théâtre, elle privilégie la confrontation au public sous forme d’ateliers, et non de spectacle. on est dans un conservatoire, non dans une salle de spectacle. Finalités de la transversalité en pédagogie Le constat d’une tendance, qui se généralise dans le spectacle vivant, sur la nécessité d’un artiste polyvalent commence à poser question dans les lieux de formation. Cette formation à la polyvalence est aujourd’hui absente des propositions des écoles et conservatoires et des textes cadres. Il convient donc d’imaginer des parcours qui s’inscriront dans le projet d’établissement. Au delà de cette nécessité, chacun constate l’apport des autres disciplines dans la formation des élèves : gestion corporelle du musicien, musicalité du danseur, expression corporelle du comédien, travail vocal du danseur. La question « racine » pourrait être : quel élève nous souhaitons former ? Quel bénéfice pédagogique ? Quel artiste souhaite-t-on éveiller ? Divers bilans d’expériences sont rapportés par les participants : - Après un travail croisé danse/théâtre, les élèves danseurs ont progressé en interprétation et les comédiens étaient plus à l’aise avec leurs corps - Peut-on tout dire avec la danse ? Comment les autres arts vont nourrir mon vocabulaire ? - L’enfermement est nuisible, j’ai besoin des autres. - Mon expérience sur un projet a totalement boosté la motivation de mes élèves - Dans notre association les petits ont un éveil pluridisciplinaire : danse/théâtre/musique/arts plastiques, par juxtaposition des disciplines sur une année : les élèves en ressortent très curieux et motivés, le projet est très formalisé en amont PRINCIPALES THÉMATIQUES ABORDÉES : Différencier transversalité de projet et transversalité de formation Il apparaît que les participants présentent majoritairement des projets de réalisations de nature interdisciplinaire. Très peu ont imaginé de mettre en place une formation sur plusieurs disciplines. Si toutefois ils l’ont imaginé ils se sont heurtés à une résistance hiérarchique argumentée par le règlement intérieur qui ne prévoit pas ce type d’innovations. Ces réalisations superposent des disciplines, de façon ponctuelle, et permettent néanmoins aux élèves de plusieurs départements de découvrir, voire de se sensibiliser à des disciplines qui leurs sont peu connues : danse et ensemble instrumental, comédiens présentant une audition etc. Les participants à la rencontre engagent donc une discussion sur la possibilité d’une mise en place de parcours pédagogiques transversaux non-ponctuels. L’évaluation peut rendre visible le bénéfice d’un travail transversal. Dans ce domaine, l’évaluation formative peut être un outil intéressant. Transversalité sur tout le cursus ? en initiation ? en C3 et plus ? Ces parcours peuvent s’imaginer soit en début de formation : « éveil danse et musique » qui commence à voir le jour dans plusieurs établissements, soit sur la formation des « grands » en formation préprofessionnelle, en raison de leur demande pour entrer dans le monde du spectacle vivant. L’organisation proposée concernant les initiations ou éveils concerne donc la création des cours regroupant plusieurs disciplines sur une seule séance : un danseur et un musicien, un danseur et un comédien… L’avantage 2 de cette formule est de ne pas augmenter le temps de l’élève tout en privilégiant l’éveil à la polyvalence. Elle peut également créer une régularité en instaurant deux séances par semaine dans la même disposition. Plusieurs dispositifs sont évoqués par les participants présents sans qu’aucun ne soit clairement identifié comme plus performant : - 30 élèves d’éveil en alternance, 3 disciplines, 1/3 temps chacun et regroupements ponctuels. a- teliers autour du conte mélangeant des élèves de toutes disciplines Concernant les « plus grands » il est possible de concevoir un système de dominante et sous dominante dont la fréquentation permet de valider le parcours. Cette validation du parcours pouvant se faire dans le cadre de l’évaluation par la réalisation d’un projet personnel mettant en œuvre ce principe de polyvalence. Les freins au changement 2 : La problématique des emplois du temps des élèves Le problème d’une formation transversale se pose néanmoins dans le cadre de la disponibilité objective des élèves. D’où l’intérêt de privilégier, surtout en 1er cycle des ateliers polyvalents plutôt que de multiplier les disciplines. Les freins au changement 3 : La crainte des enseignants Pour leurs élèves : ne plus être assez dans la spécialisation et de perdre « l’excellence » de la pratique. Pour eux-mêmes : le manque de dialogue entre les enseignants et la méconnaissance de la discipline de l’autre peut être un frein. Oser frapper à la porte du collègue. Peut-on parler de transversalité pour nos élèves sans être nous-mêmes enseignants au fait de ces pratiques ? Disciplines « souches » et disciplines « carrefour » Au delà de la question des éveils ou des cycles 3 ou cycles spécialisés, quelques disciplines peuvent permettre de s’initier aux questions de mouvements, de musicalité, d’expression et de les pratiquer pendant tout le déroulement de la formation. Ainsi se mettent en place de plus en plus souvent des ateliers permettant aux élèves de différentes disciplines de se retrouver sur la base de ce nouveau projet : Feldenkrais, Body percussions, Takétina… Des ateliers d’improvisation communs peuvent être imaginés : choix d’un thème vu à travers le filtre des 3 disciplines Une enseignante rapporte combien le soundpainting a fédéré des groupes d’élèves mais aussi de professeurs au sein de sa structure. Le rencontre avec des artistes pratiquant déjà cette transversalité dans leurs spectacles est aussi à privilégier sous forme de master classes ou de modules trimestriels. Un support qui pérennise : le projet d’établissement Plusieurs participants s’inquiètent de la poursuite des innovations qu’ils tentent d’imposer dans les parcours de formation de leur établissement. Il convient de rappeler le rôle fondamental du projet d’établissement dans cette pérennisation. Celui-ci est en effet le lieu du débat qui permet de valoriser les démarches innovantes et de les inscrire dans la durée. La formation des enseignants Pour emmener les élèves sur la voie riche mais exigeante de la transversalité et de la polyvalence, il faut des enseignants convaincus et formés. Le contact des enseignants avec des artistes du spectacle vivant (présents parfois dans l’équipe enseignante) pratiquant cette polyvalence personnelle ou la transversalité dans le cadre de leurs réalisations est indispensable. Les freins au changement 1 : des textes et des hiérarchies Les participants évoquent souvent leurs difficultés à faire valider leur projet de réalisation ou de formation transversale par leur hiérarchie. Nous touchons là à la formation des cadres qui se référent souvent à des textes qui ne sont que des orientations et qui laissent pourtant clairement libre l’équipe pédagogique pour des innovations comme celles évoquées ci-dessus. Il convient donc de rappeler aux enseignants et par ricochet à leur encadrement qu’aucun texte, y compris dans un cadre de labellisations, n’interdit d’envisager de nouveaux modes de fonctionnement pédagogique. Il ne peut donc y avoir d’autre frein que l’absence de volonté. CONCLUSION Ce sujet passionnant est plus vaste qu’on ne le pense. La transversalité peut être envisagée à différents niveaux du cursus, mais également de la réflexion pédagogique de l’enseignant. Il n’en reste pas moins qu’il est important de placer l’élève au cœur de cette recherche : ne pas faire rentrer à tout prix l’élève dans le projet mais donner à l’élève la possibilité de réaliser son projet. La transversalité des pratiques est une des missions des conservatoires, et au delà des institutions une évidence pour tous les participants présents. Les nombreux échanges ont mis en lumière la nécessité pour les enseignants d’être formés à travailler en transversalité. L’Ariam Ile-de-France a un rôle à jouer pour donner des outils de réflexion mais aussi de conception et réalisation des différentes formes de projet. 3