Entretien au Journal El Moudjahid de M. Youcef Yousfi Ministre de l

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Entretien au Journal El Moudjahid de M. Youcef Yousfi Ministre de l
Entretien au Journal El Moudjahid de M.
Youcef Yousfi Ministre de l'Energie et des
Mines : « Notre sous-sol recèle
d’importantes ressources en matière
d’hydrocarbures »
L’industrie énergétique, l’importance du gaz en Algérie, la promotion du domaine minier des
hydrocarbures, le développement d’une industrie de transformation et de valorisation des
ressources extraites, le raffinage, la pétrochimique, le partenariat et les conséquences de
l’attaque terroriste du site de Tiguentourine sont autant de sujets que le ministre de l’Energie
et des Mines, M. Youcef Yousfi, a abordé dans cet entretien exclusif accordé à El Moudjahid.
PUBLIE LE : 16-06-2013 |
L’industrie énergétique, l’importance du gaz en Algérie, la promotion du domaine minier des
hydrocarbures, le développement d’une industrie de transformation et de valorisation des
ressources extraites, le raffinage, la pétrochimique, le partenariat et les conséquences de
l’attaque terroriste du site de Tiguentourine sont autant de sujets que le ministre de l’Energie
et des Mines, M. Youcef Yousfi, a abordé dans cet entretien exclusif accordé à El Moudjahid.
Le secteur des hydrocarbures a connu un développement important ces dernières
années. Quelles sont les perspectives attendues pour les prochaines années ?
La politique du secteur vise essentiellement deux objectifs : satisfaire à long terme la
demande nationale en produits énergétiques et contribuer au financement de l'économie
nationale à travers les exportations des hydrocarbures et des produits dérivés et ce, à travers
une consolidation de la position de l'Algérie sur le marché international de l'énergie. Pour les
prochaines années, le secteur s'attelle à adapter le cadre juridique par la promulgation des
textes
d'application
de
la
loi
nouvelle
sur
les
hydrocarbures.
Il est également question d’intensifier l'effort d'exploration dans tous les bassins (nouveaux
horizons, zones sous explorées, ressources non conventionnelles en hydrocarbures, etc.) en
recourant aux techniques et technologies les plus récentes et en s'assurant de l'augmentation
du taux de récupération des gisements en exploitation, notamment Hassi Messaoud. Ensuite,
vient l’achèvement du programme de réhabilitation des raffineries existantes, le lancement et
la réalisation de six nouvelles raffineries d'une capacité totale de plus de 32 millions de tonnes
avec en parallèle une augmentation des infrastructures de stockage et de distribution, et un
élargissement des capacités de production de GNL et de séparation du GPL. Enfin, assurer le
développement et la valorisation de la filière pétrochimie (engrais, polymères, etc.) pour
maximiser la valeur ajoutée tirée de nos hydrocarbures liquides et gazeux, renforcer le tissu
industriel
national
et
réduire
les
importations
en
produits
dérivés.
Avec l'arrivée de volumes supplémentaires sur les marchés (gaz de schiste, l'offre de
GNL du Moyen-Orient et d'Australie), les tarifs ont enregistré une baisse sensible en
dessous des prix pratiqués. N’est-ce pas que le prix du gaz naturel est tombé à son plus
bas
niveau
depuis
20
ans
?
Non, les prix du gaz ne sont pas tombés au niveau que vous indiquez. Ils suivent ceux du
pétrole et ceux-ci connaissent effectivement des fluctuations. Ceci étant, les investissements
dans l'industrie du gaz sont très capitalistiques et à maturation lente. Cette réalité est encore
plus marquée pour ce qui concerne la chaîne GNL qui nécessite des investissements
considérables pour se développer, aussi bien au niveau du producteur/exportateur de gaz,
qu'au niveau du consommateur appelés à mettre en place l'ensemble des infrastructures de
production, de transport, de réception, de stockage et de distribution.
D'où la nécessité d'un partage équitable des risques et donc de garantir un prix rémunérateur
du gaz pour encourager et favoriser le développement de nouveaux projets gaziers et ainsi
satisfaire la demande mondiale de gaz à moyen et long termes. La solution à ces
préoccupations réside donc dans la promotion d'une relation de confiance entre les partenaires
engagés dans l'industrie gazière. Cette approche, basée sur la concertation, la coopération et le
partenariat entre les différents acteurs de l'industrie et du commerce international du gaz, est
largement
partagée
par
tous
les
exportateurs
de
gaz.
La question des réserves d'hydrocarbures revient de façon récurrente. Selon les
données dont vous disposez, le sous-sol algérien recèle-t-il encore des richesses dont
pourraient
bénéficier
les
générations
futures
?
Sans la moindre hésitation, ni aucune ambiguïté, je réponds par l'affirmative à cette question,
qui d'ailleurs nous intéresse tous en tant qu'Algériens. En effet, les efforts de prospection et de
recherche
ne
cessent
de
s'accroître.
Ces efforts ont permis la mise en évidence de découvertes d'hydrocarbures liquides et gazeux,
classés en différentes catégories de réserves. On compte celles actuellement en cours
d'exploitation, les réserves prouvées mais non encore développées, les réserves probables et
les réserves possibles. Ces deux dernières catégories font l'objet de travaux et d'études
supplémentaires, dans le cadre d'un programme d'intensification des travaux de recherche et
d'exploration dont les résultats permettront sans aucun doute d'augmenter les volumes des
réserves prouvées. N'oublions pas que les travaux de prospection continuent à proposer de
nouvelles perspectives par la mise en évidence de nouveaux prospects pétroliers, dont les
réserves
correspondantes
ne
sont
pas
encore
évaluées.
Les réserves en cours d'exploitation ne représentent qu'une fraction des réserves totales
réellement en place. Pour prouver l'existence de ces dernières, un budget significatif est
consacré au segment amont en vue d'intensifier, durant les prochaines années, les efforts de
recherche consentis par la société nationale Sonatrach, dont le nombre de découvertes
réalisées
ne
cesse
d'augmenter.
Le partenariat continue également d'apporter sa contribution dans ce domaine. Ajoutons à cela
les hydrocarbures non conventionnels, dont la thématique est récente, pour lesquels les
premières études sont déjà lancées afin d'en déterminer le potentiel ainsi que leur répartition
géographique.
Nous demeurons donc pleinement confiants pour l'avenir et sommes persuadés que notre
sous-sol, qui est loin d'avoir livré tous ses secrets, recèle encore d'importantes ressources en
matière
d'hydrocarbures.
Ces dernières ne demandent qu'à être mises en évidence. Pour que cela se réalise de manière
optimale, nous devons faire appel aux nouvelles techniques et technologies et améliorer les
conditions au sein desquelles sont menées nos différentes opérations (prospection, recherche,
exploitation, transport, commercialisation, etc.). D'où la nécessité d'adapter, à chaque fois que
nécessaire, l'environnement législatif en vue de son actualisation par rapport à l'évolution de
l'industrie des hydrocarbures dans le monde. Pour revenir aux générations futures, celles-ci
trouveront non seulement des hydrocarbures encore en place, mais également un potentiel
humain formé et expérimenté, des unités de traitement, de transformation, ainsi qu'un réseau
de transport dépassant déjà aujourd'hui les 18.000 km et des capacités d'exportation de gaz
appréciables.
Sur un autre plan, le nombre de compagnies qui déposent auprès de l'agence ALNAFT,
continuellement soit des dossiers de préqualification pour des nouvelles compagnies, soit des
demandes de renouvellement de l'attestation de préqualification pour celles qui étaient déjà
pré-qualifiées, démontre la volonté et l'intérêt de ces compagnies à investir dans le domaine
minier des hydrocarbures en vue d'acquérir des projets en Algérie, pour la recherche et
l'exploitation
des
hydrocarbures.
Mais on ne le répétera jamais assez, le meilleur héritage reste le développement de la
ressource humaine et des ressources dont nous disposons, ce qui permettra aux générations
futures d'hériter d'un environnement qui les mettra à l'abri de toute dépendance économique.
Notre devoir aujourd'hui est d'accélérer la diversification de notre économie.
Qu'en est-il réellement du développement des gaz de schistes ? L'approche choisie par
l'Algérie
est-elle
la
plus
judicieuse
?
Nous sommes, actuellement, dans la première phase qui consiste à réaliser des études
préliminaires. Un programme a été mis en place afin d'évaluer avec précision le potentiel en
gaz
de
schiste,
qui
semble
considérable.
L'approche adoptée par l'Algérie a été mûrement réfléchie, avec la mise en place d'un cadre
juridique incitatif en matière d'investissement et propice au partenariat.
Vous êtes au courant de cette étude qui place les ressources en gaz de schiste algérien en 3e
position dans le monde, avec la possibilité de récupérer jusqu'à 20.000 milliards de m3. Cette
étude n'inclut pas les hydrocarbures compacts dont les ressources s'avèrent considérables. La
phase d'exploration est beaucoup moins difficile que celle du gaz conventionnel, mais
l'exploitation de ce type de gisement requiert des techniques et technologies adaptées. Ces
techniques d'extraction, en l'occurrence le forage horizontal et la fracturation, sont des
techniques fiables et éprouvées et leur futur développement en Algérie bénéficiera des
avancées technologiques réalisées, de par le monde, par les compagnies qui opèrent dans ce
domaine.
L'Algérie dispose de ressources minérales importantes, pourtant, il semble que le
développement de minerais comme le phosphate et le fer soit en deçà des capacités
réelles. Quelles dispositions votre département compte-t-il prendre pour remédier à ces
lacunes
?
L'Algérie dispose d'un potentiel important en ressources minérales. Dans l'activité minière
proprement dite, hors matériaux de construction, le problème fondamental à résoudre est celui
de mettre en évidence des gisements commercialement exploitables pour assurer, pour le
moins,
le
relais
des
gisements
exploités.
L'insuffisance de l'effort global de recherche minière depuis les années 1980, a amené la
fermeture de nombreuses mines consécutivement à l'épuisement des réserves minières.
L'aggravation de cette situation s'est accentuée depuis que la législation minière en vigueur
exclut tout financement d'activités de recherches minières par l'Etat. Cependant, dès 2011, il a
été décidé de l'affectation de ressources financières d'un montant annuel de l'ordre d’un
milliard de dinars visant un programme de reconstitution des réserves minières.
Cette préoccupation est prise en charge pleinement dans le projet de loi portant loi minière en
cours d'examen actuellement par le gouvernement. Mais le pays recèle des gisements
insuffisamment ou non encore exploités : fer, phosphates, non-ferreux, métaux précieux, sel,
marbres, baryte et autres substances minérales utiles. Partant de ces constats, il est accordé
une attention particulière à un certain nombre d'actions prioritaires. Pour ce qui concerne la
valorisation des phosphates, qui occupent une place de choix dans les richesses minières
nationales, et le développement de l'industrie des engrais, ils visent essentiellement à élaborer
des produits intermédiaires (acide phosphorique) et des engrais composés. Nombre
d'opérations seront réalisées : développement des capacités d'extraction et traitement du
complexe minier de djebel Onk qui produira à partir de 2019, 5 millions de tonnes/an de
phosphates marchands, avec une extraction de 10 millions de tonnes/an de minerai brut en
carrière, la transformation des phosphates à Oued Kebirit pour produire en phase finale 1,5
million
de
tonnes
d'acide
phosphorique.
Ainsi, l'Algérie produira 3 millions de tonnes/an de DAP, produit de base dans la formulation
de nombreux engrais ; ceci induira la création de plus de 6.900 emplois directs et indirects.
Nous comptons également valoriser le gisement de minerais de fer de Gara Djebilet. Les
réserves minières du gisement sont de l'ordre de 2 milliards de tonnes. Le problème essentiel
posé pour la mise en valeur de ce gisement est de trouver un procédé de traitement rationnel
permettant de ramener le niveau de la teneur en phosphore qu'il contient à la norme
commerciale.
Compte
tenu
des
prévisions
à
l'horizon
2020-2025
:
i) de la production nationale d'acier prévue à 12 millions de tonnes/an ; ii) des besoins
nationaux en minerais de fer estimés à 16 millions de tonnes/an et iii) de la consommation
nationale prévue se situant à 9-12 millions de tonnes/an, des actions ont été lancées, ou sont
sur le point d'être lancées, et portent sur la mise en place, depuis 2013, d'un groupe de travail
interministériel chargé de définir le schéma général de mise en valeur de ce gisement, la
réalisation d'essais semi-industriels pour l'optimisation des procédés de traitement,
d'enrichissement, de pelletisation et de réduction directe du minerai de fer de Gara Djebilet,
l'identification des sites potentiels d'implantation, l'étude des infrastructures nécessaires : voie
ferrée, port, alimentation en eau, électricité et gaz, et enfin l'étude de faisabilité technicoéconomique.
Quant aux autres substances minérales, notamment le sel, marbre, baryte, des actions ont été
lancées pour la réhabilitation du potentiel de production existant par des actions de
renouvellement et de modernisation, la création d'une nouvelle unité de production de baryte à
Draïssa (w. Béchar), l'extension des unités de marbres de Fil Fila et de Kristel et la création
d'une nouvelle unité de production de bentonite et de terres décolorantes à Maghnia.
Il faut également souligner la mise en œuvre d'actions appropriées de formation et de
perfectionnement pour satisfaire les besoins exprimés par les différents opérateurs miniers à
travers l'Institut Algérien des Mines et l'Ecole des Mines d'El Abed. Enfin l''évolution, la
promotion et le dynamisme du secteur d'activité des mines suppose une politique minière. La
politique minière définie par les pouvoirs publics sera mise en application par le ministère de
l'Energie et des Mines dans le cadre du projet de loi, en cours d'examen actuellement par le
gouvernement. Ce projet de loi vise à faire occuper au secteur minier une place plus
importante dans l'économie nationale, le but étant de créer les conditions pour une meilleure
préparation
de
son
avenir.
Près de 6 mois après l'attaque qui a ciblé le complexe de Tiguentourine avez-vous
constaté une baisse des investissements étrangers dans le secteur des hydrocarbures ?
Permettez-moi d'abord de souligner que grâce à la détermination de son personnel, le champ
de production de gaz en partenariat entre Sonatrach/BP et Statoil est actuellement en
production. Je rappelle aussi que de nouvelles mesures de sécurité sont déjà en place. Un
engagement très fort est pris par les autorités afin d'éviter qu'une telle tragédie ne se
reproduise à l'avenir et de fournir aux partenaires, une assurance maximale dans le domaine
de
la
sécurité
de
leur
personnel.
Malgré ce terrible événement de Tiguentourine, l'intérêt des compagnies internationales pour
l'Algérie est toujours présent, et nous croyons que cela va continuer, compte tenu du potentiel
de notre domaine minier et de la confiance entretenue au fil des années avec tous les
partenaires. Les compagnies internationales sont actives avec Sonatrach dans le
développement et l'exploitation des nouveaux projets. Cette année, les champs de Menzel
Ledjmat et d'El Merk démarrent leur production. D'autres grandes compagnies d'Amérique,
d'Europe et d'Asie ont exprimé leur intérêt à développer avec Sonatrach de nouveaux projets.
Quelles sont les démarches que compte entreprendre le groupe Sonatrach pour rassurer
ses
partenaires
et
conquérir
de
nouveaux
marchés
?
Permettez-moi de rappeler certaines options stratégiques dans ce domaine. Le groupe
Sonatrach a clairement annoncé que le partenariat avec des acteurs disposant de capacités et
du savoir requis, est une option arrêtée dans son programme de développement. Cette option
est également confortée par la dernière adaptation du cadre juridique régissant les activités
hydrocarbures. Les partenaires reconnaissent que Sonatrach est un groupe d'envergure qui a
montré son professionnalisme et sa fiabilité et reste un acteur clé dans le secteur de l'énergie.
En effet, notre compagnie nationale a toujours honoré ses engagements vis-à-vis de ses
partenaires et clients. La continuité et la régularité des approvisionnements du marché et des
flux d'exportation de gaz naturel, lors des évènements de Tiguentourine du début de cette
année,
l'ont
de
nouveau
confirmé.
Afin de consolider sa position, Sonatrach a consenti d'importants investissements dans tous
les segments de la chaîne hydrocarbures, y compris dans l'activité de la recherche développement. Le développement de l'activité commercialisation à l'international s'inscrit
dans la stratégie du groupe de consolider ses parts de marché, notamment pour le gaz naturel,
mais aussi d'investir de nouveaux marchés, pour sécuriser les débouchés et mieux valoriser
ses exportations d'hydrocarbures. La démarche dans ce cadre repose sur la consolidation de sa
base de réserves et d'infrastructures, lui permettant la flexibilité requise pour s'adapter au
mieux à l'évolution continue du contexte énergétique international, ainsi que sur des
partenariats et une coopération fructueuse, s'inscrivant dans une vision de long terme qui
transcende
les
aléas
conjoncturels.
Que faire face à la concurrence des grands groupes pétro-gaziers qui investissent les
marchés
qui
vous
étaient
réservés
?
Tout d'abord, il faut souligner que tous les fournisseurs importants du marché européen
subissent depuis plusieurs années les effets de la récession dans plusieurs pays de cette région,
qui a affecté la demande de gaz de manière significative. Mais forte de ses ressources, de ses
avantages comparatifs et de son expérience, l'Algérie fait face avec sérénité aux évolutions
des marchés gaziers et notamment son marché naturel qu’est le marché européen. Pour mieux
consolider ses positions, sa stratégie s'appuie sur le renforcement de ses moyens comme
rappelé plus haut, avec l'argument maintes fois prouvé de sa position de fournisseur fiable sur
le marché gazier durant près d'un demi-siècle. Sonatrach est un acteur sérieux et réaliste qui a
la capacité de s'adapter et la résilience pour atteindre ses objectifs majeurs. En plus de ses
parts de marché en Europe, Sonatrach poursuivra ses actions de diversification de ses
débouchés de GNL, vers les marchés les plus prometteurs, comme ceux de l'Asie. Poursuivant
l'objectif constant de valoriser au mieux ses exportations gazières, Sonatrach cherche aussi à
nouer des partenariats avec d'autres compagnies aux intérêts convergents et qui permettent de
développer des synergies économiquement souhaitables et mutuellement profitables.
Entretien réalisé par Wassila Benhamed