Youcef Yousfi, ministre de l`Energie et des mines à El Moudjahid

Transcription

Youcef Yousfi, ministre de l`Energie et des mines à El Moudjahid
Youcef Yousfi, ministre de l’Energie et des mines à El
Moudjahid : La poursuite de l’effort de croissance,
une priorité
Le développement de la pétrochimie est relancé afin de contribuer à l'effort
d'industrialisation et de diversification de l’économie nationale en jetant les
bases de déploiement d'activités de transformation pour des produits de seconde
et troisième génération, jusqu'ici importés.
D.R
Pour l’Algérie, les ressources naturelles constituent un pilier du développement
économique. Pour l’Etat, en 1971, cela passait par une nationalisation des
hydrocarbures. 43 ans après, l’exploitation des hydrocarbures et des ressources
minières pèse beaucoup dans la richesse nationale. Le ministre de l’Energie et
des Mines, M. Youcef Yousfi, a accepté, en ce 24 février 2014, à l’occasion de
la célébration de ce 43e anniversaire de nationalisation des hydrocarbures,
d’accorder un entretien à El Moudjahid, pour exposer la stratégie affinée de
l’Etat dans le domaine et revenir longuement sur la place et le rôle accordés au
secteur dans l’économie et enfin évoquer les perspectives et défis. Il ressort de
cette interview que les autorités misent en priorité sur les investissements.
Le ministre a mis également en exergue les grandes lignes de la feuille de route
concernant la stratégie de développement du secteur, auquel est étroitement liée
la
relance
de
l’économie
algérienne.
L’occasion lui est offerte de dresser un bilan du secteur dans tous les domaines.
M. Yousfi fait valoir la nécessité de poursuivre l’effort de croissance, tout
comme il marque son intérêt dans une nouvelle dynamique.
Il a également évoqué les opportunités offertes par notre pays à l’investissement,
grâce à sa stabilité politique et au climat favorable aux investissements. Il a ainsi
salué les progrès enregistrés ces derniers temps et a donné son analyse des
possibilités de diversifier davantage les activités, en insistant sur l’identification
de nouvelles opportunités de coopération économique avec les partenaires de
l’Algérie. M. Yousfi, convaincu que la gestion passe par une présence
permanente et constante sur le terrain lorsqu’on veut avoir des résultats concrets.
Dans cette optique, il évoque d’ailleurs la volonté manifeste du gouvernement
de promouvoir le secteur pour assurer le développement économique dont notre
pays a besoin pour se mettre sur le chemin de l’émergence.
Interview.
El Moudjahid : L’Algérie s'apprête à célébrer l’anniversaire de la
nationalisation des hydrocarbures, quel thème est retenu à cette occasion ?
Dans quel état se trouve le secteur ? Et quel bilan en tirez-vous ?
M. Youcef Yousfi : L'Algérie célèbre le 43e anniversaire de la nationalisation
des hydrocarbures ; un événement majeur de notre histoire récente. A cette
occasion, il faut, en premier lieu, rendre un hommage aux travailleurs des
hydrocarbures qui ont réalisé des avancées appréciables pour le développement
de cette industrie nationale. En effet, le secteur des hydrocarbures a obtenu des
résultats appréciables en matière de production et d'exportations, confirmé
l’évaluation initiale de son potentiel en ressources, ce qui lui a permis de
conforter le niveau des réserves, renforçant ainsi sa capacité à satisfaire
durablement les besoins énergétiques du pays avec des perspectives
prometteuses de réaliser un profil d'exportations à même d'assurer un
financement adéquat du développement économique national sur le long terme.
En matière de valorisation des hydrocarbures, plusieurs projets d'envergure ont
été réalisés ou sont en cours de réalisation par le secteur telles les raffineries, les
unités de séparation de GPL et de liquéfaction du gaz, ainsi que les usines de
transformation pour produire de l'ammoniac, de l'urée, du polyéthylène et de
l’hélium. Le développement de la pétrochimie est relancé afin de contribuer à
l'effort d'industrialisation et de diversification de l’économie nationale, en jetant
les bases de déploiement d'activités de transformation pour des produits de
seconde
et
troisième
génération,
jusqu'ici
importés.
Le développement du transport par canalisation est aussi un axe important dans
notre stratégie. C'est ainsi que le secteur a réalisé de grands projets structurants
d'intérêt national et régional, pour non seulement garantir un approvisionnement
sans faille des centres de transformation mais aussi visant une augmentation de
nos capacités à l’export. Enfin, en matière de formation, le secteur a réalisé les
premiers instituts de formation dans la filière des hydrocarbures après
l'indépendance, suivie par ceux d'autres institutions similaires, jusqu'à ceux en
cours de création pour les énergies renouvelables ou projetés pour le nucléaire,
confirmant ainsi le rôle dévolu à la ressource humaine dans le secteur de
l'énergie et des mines.
Quel
message
livrez-vous
à
cette
occasion
?
La célébration de l'anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures est un
événement majeur et un jalon dans l'histoire de l'Algérie indépendante car il
symbolise la volonté de tout un peuple de disposer de ses richesses naturelles
afin de les mettre au service de son développement économique et social. C'est
aussi, la détermination d'une nation, à peine sortie d'une longue nuit coloniale,
de relever le défi de maîtriser les technologies de tous les segments de l'industrie
pétrolière
et
gazière.
L'industrie nationale des hydrocarbures a connu un développement remarquable
durant les dernières décennies par l'accroissement du niveau de production, la
mise en place d'infrastructures de transport et de transformation tant du pétrole
que du gaz qui permettent, non seulement de satisfaire la demande énergétique
de notre pays, mais aussi de faire de l'Algérie un acteur majeur sur la scène
énergétique
mondiale.
C'est dans cet esprit que le secteur continue d'œuvrer pour relever les défis de
son développement. Cet objectif est tout à fait à notre portée si on considère la
diversité de nos richesses. Les résultats obtenus en 2013 concernant les
hydrocarbures nous replacent nettement dans une trajectoire de redynamisation
de notre Amont pétrolier, ce qui nous permet d'envisager à terme un nouveau
saut quantitatif de notre production des hydrocarbures. De même que les
programmes lancés pour la modernisation de notre production d'électricité
s'inscrivent dans la nécessaire transition vers un bouquet énergétique diversifié
mobilisant toutes nos ressources et respectueux de l'environnement.
Le secteur des hydrocarbures pose plus de 40% dans le PIB de l'Algérie,
quels sont les grands axes de votre politique et quelles sont les pistes de
développement ?
Comme je viens de le rappeler, le secteur de l'énergie est toujours en quête de
moyens pour répondre aux défis auxquels il doit faire face. Nous avons besoin
non seulement de mobiliser l'ensemble de nos ressources conventionnelles en
intensifiant l'effort d'exploration, mais aussi de développer toutes les autres
formes d'énergie, qu'elles soient nouvelles et renouvelables ou non
conventionnelles, sans occulter, bien sûr, le potentiel considérable d'économie
d'énergie. Un des axes majeurs de notre politique énergétique consiste à assurer
le renouvellement de nos ressources et réserves en hydrocarbures, liquides et
gazeux. Le domaine minier national, relativement sous-exploré avec un potentiel
réel, fait l'objet d'un vaste programme de recherche et d'exploration dans les
bassins matures et dans les zones peu ou insuffisamment explorées du nord du
pays
et
dans
l'offshore.
Un ambitieux programme de doublement des capacités de raffinage a été engagé
par la réhabilitation de l'existant et la construction de nouvelles raffineries pour
satisfaire les besoins actuels et futurs, qui ne cessent de croître. Nous visons le
doublement de nos capacités à l'horizon 2017/2018. Ce programme est
complété par un plan de développement et de modernisation de la filière
pétrochimique à travers un ensemble de projets, précurseurs d'une véritable
industrie
nationale,
créatrice
de
richesses
et
d'emplois.
Toutes les prévisions sont unanimes pour dire que les besoins en électricité du
pays ne feront qu'augmenter et le meilleur moyen d'y répondre, comme je viens
de le rappeler, est de s'inscrire résolument dans la transition énergétique, en
faisant appel à des sources de production de cette forme d'énergie, telles que les
renouvelables, principalement le solaire et l’éolien, mais aussi la géothermie et
plus tard le nucléaire.
Quelles
sont
les
priorités
du
secteur ?
Dès l'indépendance du pays, le développement des infrastructures électriques et
gazières a constitué une priorité. Cela visait à garantir l'accès de la population à
l’électricité et au gaz naturel, gage d'amélioration de la qualité de vie du citoyen
et de la situation économique du pays. A fin 2013, le taux d'électrification atteint
plus de 98 % avec près de 8 millions de foyers raccordés et celui du gaz naturel
51% avec près de 4 millions de foyers alimentés au gaz.
Ces résultats ont été atteints à la faveur des programmes publics d'électrification
et de distribution publique du gaz qui traduisent l'engagement des pouvoirs
publics pour le développement durable. Programmes nationaux, régionaux ou
spéciaux,
ils
sont
soutenus
financièrement
par
l’Etat.
L'électricité et le gaz enregistrent une demande en très forte croissance
atteignant ces dernières années des taux d’évolution à deux chiffres. Cette
augmentation de la demande est une conséquence directe du changement des
habitudes du consommateur et l'amélioration de sa qualité de vie. Il faut
cependant être en mesure de satisfaire cette demande ; aussi le secteur s'est fixé
comme priorité de développer tous les segments de la chaîne énergétique
permettant de garantir la couverture à très long terme des besoins en électricité
et en gaz du pays, non seulement par le développement du parc de production en
diversifiant les sources d'énergie, mais aussi la réalisation de toutes les
infrastructures nécessaires de transport et de distribution de l’électricité et du
gaz.
Pour la seule production d'électricité, le secteur envisage de réaliser sur la
période 2013-2023 un programme ambitieux, qui prévoit la mise en service
d'une capacité de production additionnelle de 35.000 MW dont plus de 5.000
MW à partir de sources renouvelables. La stratégie d'exécution de ce programme
de production de l’électricité conventionnelle s'articule autour de la mise en
œuvre d'une série de projets industriels en partenariat basés sur la valorisation
des ressources locales et les avantages comparatifs dont jouit notre pays. II s'agit
avant tout de développer une industrie nationale chargée d'assurer la fourniture
des équipements destinés au secteur de l’énergie électrique.
Enfin, une importance particulière est également donnée à l'efficacité
énergétique qui est un moyen important pour la maîtrise et la rationalisation de
la consommation de l'énergie.
En matière d'investissement, quelle est la tendance et quelle est la priorité ?
Votre question rejoint la question précédente, et comme je viens de le dire, la
priorité est donnée à tous les segments qui permettront de couvrir les besoins du
pays à long terme. Pour ne citer qu'un chiffre, plus de 7.000 milliards de dinars
sont engagés par l'Etat et les entreprises du secteur pour le développement des
infrastructures électriques et gazières sur la période 2013/2023, une importante
part étant destinée au développement des renouvelables.
Quelle est la part réservée aux ENR et à l’exploitation du gaz de schiste ?
Pour les énergies renouvelables (ENR) et l'efficacité énergétique, la stratégie
relative à leur développement repose sur l'utilisation de moyens nationaux de
réalisation et cible la maîtrise de la chaîne complète de réalisation des projets,
aussi bien l'engineering, l'exploitation ou la fabrication des équipements, avec
comme objectif, comme je l'ai déjà mentionné, la maximalisation de
l’intégration
industrielle.
Dans la phase actuelle, les coûts d'investissements dans les ENR restent
importants et pourraient freiner leur développement. C'est l’une des raisons pour
laquelle la démarche par projet a laissé place à une approche qui s'appuie sur des
programmes portés par l’Etat et faisant intervenir toutes les parties prenantes.
L'Algérie pourra donc compter, à l'horizon 2030, sur plus de 30% d'électricité
d'origine renouvelable du total de l'électricité produite, avec un taux
d'intégration nationale de 80% et un potentiel humain qualifié et au coût
compétitif.
Par ailleurs, notre pays est impliqué activement dans les initiatives et les projets
régionaux, en ce sens que nous participons à toutes les actions de
développement des infrastructures qu'elles soient technique, juridique,
institutionnelle ou commerciale et ce pour la mise en place d'un cadre propice à
l'échange de l'électricité entre les pays du Maghreb ou avec la rive nord de la
Méditerranée. En ce qui concerne l'exploitation des gaz de schistes nous n'en
sommes pas encore à ce stade. Nous avons lancé depuis quelques années, en
nous appuyant sur nos moyens ou avec certains de nos partenaires, des études
pour mieux apprécier le potentiel de ce type d'hydrocarbure.
Les résultats de ces études sont concluants et nous avons maintenant une
meilleure connaissance de l'importance de nos ressources. Nous avons identifie
un potentiel de réserves techniquement récupérables pour le gaz d'environ 1.000
Tcf ainsi qu'une dizaine de milliards de barils de pétrole qu'il conviendrait
d'exploiter. C'est un potentiel très important, confirmé d'ailleurs par d'autres
organismes qui classe notre pays parmi les premiers pays au monde.
Quelles
opportunités
ces
investissements
créent-ils
?
De façon générale l'investissement privé ou public est un moteur de la
croissance. Il est une condition préalable indispensable à la croissance
économique. II est en effet le moteur qui entraîne les rouages de la machine
économique en permettant aux entreprises de réunir les ressources nécessaires
pour produire des biens et des services. Il nourrit et stimule la croissance dès
lors qu'un certain nombre de facteurs se conjuguent pour offrir un
environnement
propice
à
son
expansion.
L'important programme d'investissement engagé par notre secteur repose sur la
participation active de nos moyens nationaux, et permettra la création d'une
nouvelle dynamique socio-économique autour de l’industrie nationale, avec la
création de milliers d'emplois, dans le secteur de l'énergie et dans d'autres
secteurs.
Les partenariats envisagés dans ce domaine doivent conduire à réaliser des
projets concrets au bénéfice des parties et qui intègrent la maîtrise des
technologies de production, les transferts de savoir-faire et d'expertise, la
formation, la recherche et le développement.
Les mines représentent une activité lucrative pour l'Algérie, comment
pérenniser leur richesse et comment se décline la stratégie de
développement
dans
ce
domaine
?
Oui, vous avez raison : l’Algérie dispose d'une géologie variée et d'un potentiel
minéral riche et diversifié pouvant permettre à ce secteur d'activité, pour peu que
les conditions soient réunies, de jouer un rôle substantiel dans le développement
économique et social du pays. C'est pourquoi, le secteur s'attelle à créer les
conditions favorables et à mettre en place les facteurs essentiels permettant aux
activités minières d'être une composante significative dans l'économie du pays, à
la fois par ses effets directs sur la production nationale et le volume des
exportations et par ses effets indirects relativement à l'emploi et aux
infrastructures économiques et sociales de base. L'objectif poursuivi est
d’impulser un nouvel élan au développement du secteur minier à travers,
notamment, la mobilisation des ressources et de moyens plus importants devant
aboutir entre autres à la valorisation des ressources minérales dans une
perspective de développement durable à l’élargissement de la base minérale du
pays à la création de nouvelles richesses, à l’accroissement de la production des
ressources minérales insuffisamment exploitées et au développement d'une
industrie minière performante de transformation et ce en s'appuyant sur un
certain nombre d'actions précises, dont, sans être exhaustif :
- la refonte de la loi minière actuelle, pour faire occuper au secteur minier une
place plus importante dans l'économie nationale, et créer les conditions pour une
meilleure préparation de son avenir. L'objectif cible est de faire du secteur des
activités minières une source de création de richesses et de recettes en devises,
une source d'emplois, tout particulièrement dans les zones déshéritées, un pôle
de croissance, et aussi de constituer un facteur de production efficace pour de
nombreux
autres
secteurs
économiques
;
- la formation des cadres du secteur des mines, avec la création de l'institut
algérien des mines. La formation dans les métiers de la mine de techniciens et de
main-d'œuvre qualifiée, est, quant à elle, assurée par l'Ecole des mines d'El
Abed;
- l'acquisition de connaissances géoscientifiques pour stimuler l'exploration dans
le
pays
;
- le déploiement d'efforts soutenus pour le développement de la recherche
minière avec le renforcement des ressources matérielles et humaines de l'Office
de recherche géologique et minière (ORGM). Un programme quinquennal de
recherche minière, d'un montant de 5 milliards de dinars, est actuellement en
cours de mise en œuvre constitué d'opérations prioritaires de prospection de
structures géologiques, de districts miniers à fort potentiel et d'exploration
d'indices et d'évaluation de gîtes miniers, nécessaires à la reconstitution du
portefeuille
national
des
ressources
minières
;
- la poursuite de la réhabilitation du potentiel de production existant à travers
des
actions
de
renouvellement
et
de
modernisation
;
- la création d'un pôle industriel des engrais phosphates permettant la
valorisation des phosphates. Cette opération sera mise en œuvre en partenariat.
II devra transformer cinq millions de tonnes de concentrés de phosphates ;
- la valorisation du gisement de zinc-plomb d’Oued Amizour ;
- la création de la société FERAAL chargée du lancement des études pour la
valorisation des gisements de fer de Gara Djebilet et de Mechri Abdelaziz ;
- l'amélioration de la satisfaction des besoins de l'économie nationale en
matières
premières
minérales
;
- l'encouragement du secteur privé à développer des industries de transformation
des matières premières minérales pour la production, en Algérie, de produits à
plus forte valeur ajoutée.
A propos du complexe gazier de Tiguentourine, où en est le processus de
réhabilitation et de la reprise de la production avec les partenaires ?
Les processus de réhabilitation du complexe gazier de Tiguentourine est
toujours en cours. Deux trains sur trois sont opérationnels depuis le mois de
février pour le 1er train, et le mois d'avril 2013 pour le deuxième. Il reste à
terminer la remise en état du troisième train, le plus endommagé, pour que le
complexe retrouve son entière capacité. Il est prévu que le 3e train entre en
production d'ici quelques mois. Concernant la production comme je l’ai déjà dit,
elle a repris depuis plusieurs mois et les équipes en charge de l'exploitation de ce
complexe sont sur place et font le maximum pour que le complexe retrouve
toute
sa
capacité
dans
les
meilleurs
délais.
Interview réalisée par Farid Bouyahia