Le job de donneur est très flexible

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Le job de donneur est très flexible
"Le job de donneur est très flexible"
LE MONDE | 16.07.2009 à 15h29 |
Par Brigitte Perucca ­ AARHUS (DANEMARK) ENVOYÉE SPÉCIALE
A l'étroit dans son précédent local, Cryos international vient de s'installer dans un
nouveau siège : plus de 1 000 mètres carrés dont l'organisation et la décoration
ont été pensées pour que les donneurs "se sentent à l'aise", résume Henriette (les
prénoms ont été changés), du "labo". Avec ses collègues, elle a opté pour un tee­
shirt bleu agrémenté d'un jean, l'uniforme maison. "Le blanc, c'était trop médical."
Le laboratoire où est traité puis stocké le sperme est un open space, "(pour
montrer ) notre professionnalisme et le fait que nous n'avons rien à cacher". Dans
une grande cuve, les paillettes colorées sont conservées à ­ 180 °C.
Thomas, un des plus anciens de Cryos, reçoit les donneurs sans façon, à un petit
guichet blanc. Nombre d'entre eux, explique­t­il, ne reviennent pas une deuxième
fois, compte tenu de la relative lourdeur du processus et du gain différé : les
donneurs ne perçoivent que la moitié de leur rémunération (environ 300 couronnes
par don, soit 40 euros), la seconde leur étant versée après une "quarantaine" de
six mois, le temps pour Cryos de s'assurer de la bonne qualité de leur sperme.
La rémunération attire les étudiants, nombreux à Aarhus. Comme Jens : boursier,
c'est l'argent qui l'intéresse. Car 1 000 à 2000 couronnes (entre 135 et 270 euros)
selon les mois, "c'est quand même important". En plus, le "job est très flexible : je
peux venir quand je veux". Mais il arrêtera quand il aura une relation sérieuse.
Hans, lui, "donne" par intermittence depuis quatre ans, mais assure que l'appât du
gain est secondaire : "J'aime bien aider et aussi que la science progresse."
CONCENTRÉ D'ALTRUISME
Comme Jens et Hans, la majorité des donneurs ont entre 22 et 25 ans. "Ils font ça
pendant deux ou trois ans, puis arrêtent", assure Thomas. Ce qui rend la
démarche de Niels, qu'il présente comme un concentré d'altruisme, plus singulière
encore. Ce père de trois jeunes enfants de 42 ans a franchi la porte de Cryos
après avoir vu une émission sur les couples qui n'arrivent pas à avoir d'enfants.
Depuis quelques mois, il fréquente régulièrement la banque de sperme. Pour lui
comme pour beaucoup, la question de l'anonymat a été la plus difficile à trancher .
"Après discussion avec ma femme, j'ai décidé de ne pas être anonyme : chaque
enfant a le droit de savoir d'où il vient." Sans limite, car un principe, dit­il, ne se
limite pas. Sur les conseils du médecin, Jens a toutefois décidé de limiter à 25 le
nombre des enfants susceptibles de lui demander une reconnaissance en
paternité.
L'idée étrange que des dizaines de jeunes hommes et de jeunes femmes de 18
ans viennent un jour frapper à sa porte l'effleure, mais c'est un risque à courir .
L'autre crainte de ce père de famille était que ces enfants "qu'il aide à mettre au
monde" soient "maltraités". Une pensée qu'il a écartée, présumant que ceux qui
recourent au don de sperme "sont très motivés". Et pour se prouver à lui­même
que l'argent ne l'intéresse absolument pas, Niels a décidé de placer ses gains sur
un compte épargne. Au nom de ses enfants.
Brigitte Perucca ­ AARHUS (DANEMARK) ENVOYÉE SPÉCIALE