osez la colombie

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osez la colombie
17 OCT 09
Hebdomadaire Paris
OJD : 437239
14 BOULEVARD HAUSSMANN
75438 PARIS CEDEX 09 - 01 57 08 50 00
Surface approx. (cm²) : 3163
N° de page : 78
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OSEZ LA COLOMBIE
Au-delà des clichés, la Colombie n'est pas seulement le pays des cartels et des narcotrafîquants. C'est surtout un pays spectaculaire dont
les racines s'étendent du Pacifique à la côte caraïbe. De l'isthme panaméen à la mystique Amazonie. Une nation fière, andine et indigène
de souche, latine et créole de fait, qui ne demande qu'à être découverte.
PAR IÉNÉDICTE MENU (TEXTE) ET ÉRIC MARTIN POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS)
COLOMBIE
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Eléments de recherche :
COLOMBIE : uniquement le tourisme
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D'OÙ QU UN LA REGARDE, CARTAGÈNE DES INDES, LA VILLE DE TOUS LES SORTILÈGES,
n
chuchote à Cartagène
que l'ancien couvent des
Glatisses serait hanté...
Se pourrait-il que l'âme
de l'infortunée Servia
Maria de Todos los Angeles vagabonde encore entre ces murs où
Gabriel Garcia Marquez, d'un coup de pioche dans une crypte funéraire, fit naître De
l'amour et autres démons '\ singulière histoire
dont elle est l'héroïne aux longs cheveux de
feu ? En ce qui nous concerne, en trois nuits
dans ce couvent devenu fleuron de l'hôtellerie de luxe, aucun fantôme n'est venu troubler notre sommeil. Mais tandis qu'un impertinent toucan tente une énième fois de
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chaparder quèlques miettes dans nos assiettes, transportés hors du temps dans ce patio
luxuriant frangé d'arcades de pierre et de balcons de bois, nous ne pouvons que constater
qu'il est aisé de se prêter ici aux supputations
les plus romanesques : Cartagène est bien la
ville de tous les sortilèges.
D'où qu'on la regarde, celle qui fut le bastion de la Couronne espagnole durant près
de quatre siècles raconte son histoire et celle
de la NouveDe-Grenade. D'abord prendre de
la hauteur et monter au couvent de la Popa,
pour embrasser toute la baie de Cartagène. A
droite, dominé par la cathédrale, le cœur historique et ses maisons couleurs ocre et pastel
aux balconnets fleuris (la Colombie est l'un des
Eléments de recherche :
COLOMBIE : uniquement le tourisme
plus grands producteurs de fleurs au
monde !). A gauche, la péninsule de Bocagrande à laquelle des buildings modernes
confèrent des faux airs de Miami. De ce point
de vue remarquable, on se souvient que Cartagène fut d'abord un archipel avant qu'on ne
comble les marais pour relier ses îles à la côte.
C'est sur celle de Calamari que Ie gouverneur
Pedro de Heredia fonda Cartagène en 1533.
Débarqués moins d'un demi-siècle plus tôt
sur les terres arides de Guajira, tout au nord
par-delà la Sierra Nevada, les conquistadores
eurent tôt fait de découvrir les trésors des
peuples amérindiens tandis que la légende
d'El Dorado enfiévrait leur esprit. De conquêtes en pillages, tout l'or des Amériques tran-
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Indien kogi dc la Sierra
Nevada (ci-dessus),
un des visages de
l'étonnante mosaique
ethnique du pays
A Cartagène, on croise
aussi les Palenqueras,
descendantes des
esclaves noirs qui, au
XVII" siecle, érigèrent dans
leur fuite des villages
fortifies Leur culture
asurvécuaPalenque
de San Basilio, le dernier
de ces villages, classe
au patrimoine immatériel
de ('Unesco en 2008
RACONTE SON HISTOIRE...
site bientôt par Cartagène dont la prospérité
n'échappe pas longtemps aux pirates. Francis
Drake, Jean-Baptiste Ducasse, pour ne citer
qu'eux. Pour s'en préserver, Cartagène devient au fil des décennies, la ville la mieux
protégée de toute lAmérique du Sud. Aux
portes de la cité coloniale, le castillo de San fèlipe de Barajas, bel exemple d'ouvrage militaire, en témoigne. Tout comme l'épaisse muraille en pierre corallienne qui aujourd'hui
encore enserre le coeur de Cartagène sur neuf
kilomètres. Faute d'agresseurs, les remparts
abritent désormais, dans leurs alcôves, les
amoureux qui viennent y admirer le coucher
du soleil tandis que les sabots des calèches à
touristes claquent sur le pavé.
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Après avoir restauré
le musée de l'Or de
Cartagène - celui de
Bogota, repense en 2003,
est incontournable -,
Alberto Samudio a redonne
son lustre au Theâtre
Eléments de recherche :
Heredia (au centre)
construit en IGH.
Les hérons se
chamaillent (ci-dessus)
devant le Sofitel Santa Clara
et la maison de « Gabo »
COLOMBIE : uniquement le tourisme
Valorisation du patrimoine,
dynamisme culturel
Peu a peu, la Colombie
se reapproprie son image,
menant de nombreuses
actions pour vaincre ses
démons
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L'IMAGINATION DE « GABO » NE POUVAIT QUE S'ENFLAMMER DANS UN TEL THÉÂTRE
La tour de l'Horloge est le principal accès
à k vieille ville ouvrant sur la place des Coches,
un des chapitres les plus sombres de son histoire. Dès le XVII' siècle, le roi d'Espagne fît de
Cartagène son comptoir exclusif pour le commerce d'esclaves. Des milliers d'Africains
connaîtront sur cette place l'ultime humiliation d'être vendus comme bêtes sauvages. Il
faut alors dépasser la place de la Douane pour
visiter le monastère où Pedro Claver consacra
trente années de sa vie à leur venir en aide. Sacerdoce qui lui valut d'être le premier moine
canonisé du Nouveau Monde. De là, emprunter la calic qui porte son nom pour atteindre,
au centre de Cartagène, la place Simon-Bolivar aux magnifiques jalousies. Une statue
rend hommage au Libertador qui, en 1811,
permit à Cartagena de Indias, sa Ciudad
Heroica, de devenir la première cité des Amériques à déclarer son indépendance.
L'imagination de « Gabo », comme le surnomme affectueusement un peuple fier de
son prix Nobel, ne pouvait que s'enflammer
dans un tel théâtre. Bien que né à Aracataca,
petit village à l'est de la ville, et résidant au
Mexique, l'écrivain possède toujours la maison que l'architecte Rogelio Salmona, élève
de Le Corbusier, fit ériger pour lui près du
couvent des Clarisses. Elle fait partie d'un
circuit touristique bien rodé qui passe par les
arcades du portail des Douceurs aux étals débordant de sucreries, là où débute son roman
Lamour au temps du choléra. Classée par
l'Unesco en 1984, Cartagène est devenue une
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Eléments de recherche :
ville sûre, destination favorite de quelque
deux millions d'étrangers qui visitent le pays
chaque année. Restaurants, boutiques branchées et hôtels y prospèrent tandis que de
belles manifestations remplissent son calendrier. Le carnaval en novembre et d'exceËents
festivals de littérature et de musique classique.
La proximité du sanctuaire marin des îles du
Rosaire et de Mompox, autre joyau colonial,
comptent aussi parmi ses atouts.
Après avoir goûté à la vie nocturne dans le
quartier de Getsemani (et aux délicieux gâteaux saupoudrés d'or de Chez Mila), nous
mettons le cap au nord, traversant Santa
A Cartagène, une Palenquera vend ses fruits sous
les arcades.
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Maria, première cité coloniale du pays (la
moins jolie aussi) et dernière demeure de Simon Bolivar. Plus loin, là où les contreforts de
la Sierra Nevada, la plus haute chaîne côtière
du monde (5 860 mètres pour le pic Christophe Colomb), plongent dans les eaux de lAtlantique, se trouve un littoral d'une beauté
rare. Au pied des sommets aux neiges éternelles, les plages dorées du Parc national de Tayrona ont des faux airs de Seychelles. Elles
sont sculptées en criques idylliques où ondulent, hauts perchés, les cocotiers, et l'on s'y
rend à pied ou à cheval, sous les frondaisons
tropicales à l'écoute d'un bruissement qui
trahira l'iguane, le singe et peut-être le puma...
Si Bogota, vibrante mégapole perchée à 2 600
mètres d'altitude, témoigne dans ses élans
artistiques de l'avènement d'une nouvelle ère
pour la Colombie, la Sierra Nevada offre une
belle leçon d'humilité à la rencontre des communautés kogis, arhuacos, wiva et akuamo,
derniers descendants d'une grande civilisation
amérindienne dont le génie s'illustre encore
dans les vestiges de k Ciudad Perdida, à trois
jours de marche de Santa Maria. Traversant
les époques, quand d'autres grandes civilisations (Incas, Mayas) se sont depuis longtemps
éteintes, les héritiers des Tayronas, gardiens
des équilibres de la terre, entendent bien ne
rien rater du XXI' siècle, porteurs d'un message écologique qu'ils se transmettent de génération en génération, et qui n'a jamais semblé autant d'actualité.
BENEDICTE MENU
'Grasset, 234 p., 17, GO 6.