Prospection électrique
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Prospection électrique Guy Marquis, EOST Strasbourg Le 19 Avril 2005 Chapitre 1 Bases physiques La prospection électrique est l’une des plus anciennes méthodes de prospection géophysique. Sa mise en oeuvre est relativement simple. On injecte du courant continu (en fait il s’agit souvent de créneaux) au moyen de deux électrodes dites d’injection et on mesure la différence de potentiel en résultant avec deux électrodes dites de mesure. Celle-ci dépend de la résistance électrique du sous-sol. I ' ∆V & $ % ? ? ? ? C1 P1 P2 C2 Figure 1.1: Schéma de la configuration d’un dispositif électrique. C1 et C2 sont les électrodes d’injection (de courant) et P1 et P2 les électrodes de mesure (de potentiel). Soit une couche homogène de longueur ` et de résistance R traversée par un courant I. La loi d’Ohm nous donne la différence de potentiel ∆V = RI. Sachant que la résistivité ρ = RA/`, alors ρI ∆V = . ` A 1 (1.1) Faisons tendre ` vers zéro, ce qui nous permet de réécrire l’équation précédente sous sa forme différentielle −∇V = ρ~j où ~j est la densité de courant électrique. Le signe moins vient du fait que le potentiel V est plus élevé au début du circuit qu’à la fin (sinon le courant ~j circulerait dans l’autre sens!), alors que ∇V est la différence entre le potentiel de la fin moins celui du début du circuit. Considérons maintenant le cas du potentiel électrique dans un demi-espace homogène causé par une source de courant ponctuelle C, d’intensité I. Le courant circule radialement est sera distribué uniformément autour d’une coque hémisphérique. A une point P situé à une distance r de la source, la coque a une surface de 2πr2 , donc la densité de courant est donnée simplement par I . 2πr2 On en conclut alors que le gradient du potentiel est donné par j= −∇V = − (1.2) ρI dV = ρj = dr 2πr2 et le potentiel à une distance r, V (r), s’obtient par simple intégration V (r) = ρI + Cte. 2πr La constante est égale à zéro car le potentiel est forcément nul à une distance infinie de la source, d’où ρI V (r) = (1.3) 2πr Imaginons maintenant que nous avons deux électrodes d’injection en C1 et en C2 . Alors, en tout point P on aura ρI V (P ) = 2π à 1 RC1 P − 1 RC2 P ! (1.4) où RC1 P et RC2 P sont les distances entre les électrodes d’injection et le point de mesure. On peut alors calculer les équipotentielles, i.e. les points pour lesquels à 1 RC1 P − 1 RC2 P ! = Cte. (1.5) La figure 1.2 illustre les équipotentielles pour deux électrodes en surface séparées de 10 m au-dessus d’un demi-espace de 100 Ω.m. L’effet le plus remarquable est la concentration des équipotentielles entre les deux électrodes. 2 1 0 2 0.4 0 0.6 0.8 1 0.6 0.4 0.2 −0.6 −0.4 −0.2 5 − −1 −0.60.8 −0.4 −0.2 4 0.2 0.8 −0.8 3 0.8 0.6 3 −3 −2 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0.6 0.4 0.2 −2 −1 2 Profondeur (m) 3 2 1 −3 −0.6 −0.4 1 0.4 2 sources en surface à ± 5 m, I = 0.5 A, ρ = 100 Ω.m 0 6 7 −0.2 0.2 0 10 −20 −0.2 9 0.4 −0.4 0.2 8 −15 −10 −5 0 5 10 15 20 Position (m) Figure 1.2: Equipotentielles pour deux électrodes d’injection (astérisques) à ± 5 m. Les contours sont en V. Notez le rapprochement des équipotentielles entre les deux électrodes. Mais qu’en est-il des lignes de courant? On sait que J~ = −σ∇V . Si les électrodes C1 et C2 sont en (xC1 , 0) et (xC2 , 0) respectivement, alors 1 1 ~ z) = − I ∇ q J(x, −q 2 2 2 2 2π (x − xC1 ) + z (x − xC2 ) + z (1.6) Calculons J~ pour les composantes x et z. 1 I ∂ 1 q Jx = − −q 2π ∂x (x − xC1 )2 + z 2 (x − xC2 )2 + z 2 I Jx = − 2π à x − xC1 x − xC 2 − ((x − xC1 )2 + z 2 )3/2 ((x − xC2 )2 + z 2 )3/2 ! (1.7) I ∂ 1 1 q Jz = − −q 2π ∂z (x − xC1 )2 + z 2 (x − xC2 )2 + z 2 Iz Jz = − 2π à 1 1 − 2 2 3/2 ((x − xC1 ) + z ) ((x − xC2 )2 + z 2 )3/2 3 ! (1.8) 2 sources en surface à ± 5 m, I = 0.5 A, ρ = 100 Ω.m −1 0 1 2 Profondeur (m) 3 4 5 6 7 8 9 10 −20 −15 −10 −5 0 5 10 15 20 Position (m) Figure 1.3: Directions du courant deux électrodes d’injection (astérisques) à ± 5 m. Les courants sont horizontaux à mi-chemin entre les électrodes et à la surface de la terre. 4 Chapitre 2 Dispositifs d’électrodes Maintenant que les jalons sont posés, on peut aborder l’étude des divers dispositifs d’acquisition de mesures de rsistivité électrique. Nous allons considérer ici que le sous-sol est un demi-espace homogène de résistivité ρ. Dans le cas général à 4 électrodes, on deploie deux électrodes d’injection (C1 +I et C2 -I) et deux électrodes de mesure (P1 et P2 ). Notons ∆VPC11P2 la différence de potentiel (ddp) entre les électrodes P1 et P2 causée par l’injection en C1 et ∆VPC12P2 celle causée par l’injection en C2 . On obtient ∆VPC11P2 ρI = 2π µ 1 1 − C1 P1 C1 P2 µ ¶ ¶ 1 1 −ρI − = 2π C2 P1 C2 P2 En additionnant les deux termes, on obtient la différence de potentiel entre P1 et P2 , ∆VPC12P2 soit µ ¶ 1 1 1 1 ρI ∆VP1 P2 = − − + (2.1) 2π C1 P1 C1 P2 C2 P1 C2 P2 Regardons maintenant quelques dispositifs parmi les plus répandus (cf. Figure 2.1). 2.1 Wenner Dans le dispositif Wenner, L’écart inter-electrode (a) est constant. On déplace alors tout le dispositif d’un point de mesure à l’autre. Les ddp causées par le courant injecté en C1 et C2 sont respectivement ∆VPC11P2 ∆VPC12P2 ρI = 2π µ −ρI = 2π 5 1 1 − a 2a µ ¶ 1 1 − 2a a ¶ donc la ddp totale est ∆VP1 P2 = ρI 2π µ 1 1 1 1 − − + a 2a 2a a ρI 2π µ ¶ ¶ 2 2 − a 2a ρI 1 ∆VP1 P2 = 2π a Rappelons enfin que c’est tout de même ρ qui nous intéresse, d’où ∆VP1 P2 = ρW = ∆VP1 P2 2πa I (2.2) (2.3) Le dispositif Wenner est beaucoup utilisé en cartographie électrique. On peut couvrir une relativement grande surface. Mais que signifie la valeur de ρ obtenue ci-dessus? Il s’agit en fait d’une résistivité apparente, c’est-à-dire d’une résistivité intégrée de la surface jusqu’à une certaine profondeur la plupart du temps inconnue. On sait cependant que plus a est grand, plus cette profondeur sera grande. Il conviendra donc d’adapter le dispositif de mesure à la profondeur présumée de la cible. Par exemple, si l’on s’intérersse à un objectif à 10 m de profondeur, prévoir un a de 15-20 m. Il est possible d’aborder les variations de la résistivité en profondeur avec un tel dispositif en réalisant plusieurs cartes avec différentes valeurs de a. On voit aisément que cette approche s’avère pour le moins fastidieuse. ...Exemples... 2.2 Schlumberger Dans le dispositif Schlumberger, les électrodes de mesure sont immobiles au centre du dispositif et on fait varier lécart entre les électrodes d’injection. On obtient ainsi un sondage de la résistivité en profondeur sous le centre du dispositif. On suppose ici que le milieu sous-jacent est tabulaire, c’est-à-dire que la résistivité ne varie qu’avec la profondeur. En gardant la notation précédente et en notant L la moitié de la distance entre C1 et C2 et ` la moitié de celle entre P1 et P2 , on obtient ∆VPC11P2 ∆VPC12P2 ρI = 2π µ −ρI = 2π 1 1 − L−` L+` µ ¶ 1 1 − L+` L−` ¶ donc ∆VP1 P2 ρI = 2π µ 1 1 1 1 − − + L−` L+` L+` L−` 6 ¶ µ ∆VP1 P2 ∆VP1 P2 ∆VP1 P2 ¶ 2 ρI 2 = − 2π L − ` L + ` µ ¶ 1 1 ρI = − π L−` L+` ρI = π à L+`−L+` L2 + `2 mais L >> `, d’où ∆VP1 P2 = ! ρI 2` π L2 (2.4) et ∆VP1 P2 πL2 ρS = (2.5) I 2` Encore une fois ici, la valeur de ρ représente une résistivité apparente de la surface à une profondeur donnée. On peut ici obtenir les valeurs de résistivité vraie (pour chaque couche) par modélisation. Nous en parlerons un peu plus loin dans la prochaine section. Notez qu’en pratique, les électrodes P1 et P2 doivent parfois être déplacées lorsque leur différence de potentiel devient trop faible. Ceci n’a pas d’incidence particulière sur la valeur de ρ car on doit augmenter le courant d’injection en conséquence. Il est cependant éminemment souhaitable que lorsque l’on déplace P1 et P2 , on fasse une mesure avec et l’ancienne et la nouvelle valeur de ` en gardant L constant pour s’assurer que tout est correct. On rappelle seulement que tout repose sur L >> `. ... Exemples ... 2.3 Dipôle-dipôle Une autre approche au sondage électrique est le dispositif dipôle-dipôle. Ici les électrodes d’injection et de mesure sont séparés d’un multiple de leur propre écart a. Ce dispositif est avantageux car il découple l’injection et la mesure, comme on le fait en sismique par exemple, ce qui a pour effet de réduire le bruit relié au couplage électrique. Nous suivons la notation précédente, avec na l’écart entre les deux dipôles. ∆VPC11P2 ρI = 2π ∆VPC12P2 à 1 1 − (n + 1)a (n + 2)a −ρI = 2π à 1 1 − na (n + 1)a ! ! En additionnant les deux termes, on obtient la différence de potentiel entre M et N, soit 7 µ ∆VP1 P2 ∆VP1 P2 ρI = 2πa ∆VP1 P2 à ρI 2 1 1 = − − 2πa n + 1 n + 2 n ¶ 2n(n + 2) − n(n + 1) − (n + 1)(n + 2) n(n + 1)(n + 2) ρI = 2πa à ∆VP1 P2 2n2 + 4n − n2 − n − n2 − 3n − 2 n(n + 1)(n + 2) ρI = 2πa à −2 n(n + 1)(n + 2) ! ! ! Le signe négatif ne pose pas de problème. On n’a qu’à inverser les électrodes, d’où ∆VP2 P1 = ρDD = ρI 1 πa n(n + 1)(n + 2) ∆VP2 P1 πan(n + 1)(n + 2) I (2.6) (2.7) ... Exemples... 2.4 Pôle-dipôle Pour ce dispositif, on va placer une des électrodes d’injection à l’infini. Bien sûr par infini, on entend à très grande distance du point de mesure. Si on met C1 à l’infini, alors les différences de potentiel deviennent ∆VPC11P2 = 0 µ ¶ 1 ρI 1 − = 2π L L + a où L et a sont les distances entre C2 et P1 et P1 et P2 respectivement. On a donc ∆VPC12P2 µ 1 1 − L L+a ¶ ∆VP1 P2 ρI = 2π ∆VP1 P2 ρI = 2π ρP D = ∆VP2 P1 2πL(L + a) I a à a L(L + a) ! (2.8) La résistivité est alors 8 (2.9) 2.5 Pôle-pôle Si on met maintenant une des électrodes de potentiel à l’infini, il ne reste que ∆VPC11P2 = 0 ρI 1 2π L où L encore la distance entre C2 et P1 . On a donc ∆VPC12P2 = ∆VP1 P2 = ρI 1 2π L (2.10) La résistivité est alors ρP P = 2.6 ∆VP2 P1 2πL I (2.11) Tomographie électrique Des développements techniques relativement récents, en particulier dus aux progrès en informatique, ont permis de mettre en oeuvre des dispositifs d’acquisition comptant un grand nombre d’électrodes qui sont tour à tour des électrodes d’injection ou de courant, selon les besoins de l’acquisition. Essentiellement, cela revient à utiliser des combinaisons de 4 électrodes qui changent durant l’acquisition. Les combinaisons Wenner-Schlumberger et Dipôle-dipôle sont les plus populaires. Nous verrons plus loin comment que notre capacité à imager le résistivité électrique en 2 ou 3D sous le dispositif s’est grandement améliorée avec l’arrivée de logiciels commerciaux ou gratuits performants et faciles à utiliser. 9 C1 ↓ a WENNER P1 P2 ↓ ↓ a a C2 ↓ SCHLUMBERGER P1 P2 ↓ ↓ C1 ↓ C2 ↓ 2` 2L DIPOLE-DIPOLE C1 C2 ↓ ↓ a P1 P2 ↓ ↓ a na POLE-DIPOLE C1 ↓ C2 ↓ ∞← P1 P2 ↓ ↓ a L POLE-POLE C1 ↓ C2 ↓ ∞← P1 ↓ L →∞ P2 ↓ TOMOGRAPHIE ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ Figure 2.1: Dispositifs d’acquisition électrique les plus répandus. 10