Le MS 880 est peint en blanc sur la partie supérieure du fuselage

Transcription

Le MS 880 est peint en blanc sur la partie supérieure du fuselage
Le dernier des Morane...
Toutefois, il se désintéresse du projet et les essais en vol seront poursuivis
par Jean Person.
Présenté pour la première fois au public sur les parkings du Bourget, le
bébé de Morane et Saulnier présente un gros défaut : il n’est pas très
beau. Ses formes, à la fois globuleuses et taillées « à la hache », ne sont
pas très séduisantes.
Témoignage de Jean Burolleau, expérimentateur navigant
Ayant exercé au CEV, Jean Burolleau, jeune ingénieur, est recruté par Morane-Saulnier au
début du programme Rallye. Il se souvient bien de l’époque de conception du prototype :
« Les dessinateurs de Morane-Saulnier qui travaillaient dans l’équipe de Joseph Rostaing
ne connaissaient pas les avions légers au début. Ils montaient au terrain pour voir comment
étaient construits les autres avions de tourisme disponibles et ils étaient extrêmement étonnés
par leur légèreté, eux qui étaient habitué à concevoir des avions militaires !
Rostaing, Chef du bureau d’études, était très apprécié et avait de très bons rapports avec
ses collaborateurs. Il était jeune, en prise directe avec ses ingénieurs et en plus, il était pilote
privé et pilote de planeur ».
Le Rallye n° 01 présente une grosse bulle en guise de verrière, qui perturbe tout l’écoulement
au niveau du raccord aile-fuselage, il rencontre des problèmes avec ses fentes de bord
d’attaque qui étaient alors en deux parties sur chacune des ailes. La partie la plus extérieure
sortait normalement, celle la proche du fuselage sortait en biais, coinçant le fonctionnement
normal ! Cela faisait partie des reproches que Cliquet avait émis. Joseph Rostaing insiste
auprès de lui pour qu’il emmène le Rallye au Bourget et le chef pilote d’essais finit par céder.
J’accompagne le vol vers le Bourget à bord d’un Norécrin du CEV...
Au Bourget, le Rallye bénéficie tout de suite d’une forte image de marque. Chez les gens de
40 à 50 ans, Morane-Saulnier possède une réputation de sérieux, de solide. Au Salon, on a
commencé à prendre des commandes, tout au moins des intentions d’achat sérieuses... Après
le Salon, on a démonté le Rallye et il a été rapporté à Villacoublay sur un camion. Rostaing
a fait immédiatement travailler son équipe sur des améliorations. La réaction du public a
conforté Rostaing qui lutte encore contre l’avis de la direction pour imposer le Rallye.
Après le départ de Jean Cliquet, restaient Jean Person et Roger Mazoyer comme pilotes
d’essais. L’avion est confié à Person, Mazoyer se trouvant à Tarbes pour travailler sur le
programme du Gardan Horizon.
« Un jour, Rostaing programme un essai dans la configuration train classique1, avec l’hélice
Ratier à calage réglable au sol. On appelle Mazoyer qui monte de Tarbes, car Jean Person est
indisponible pour cause de visite médicale. En examinant l’avion, je trouve que le montage
de la roulette de queue est pour le moins léger et je m’en ouvre au responsable technique
qui pense « que pour un vol, cela ira bien !». Roger Mazoyer décolle, je suis à côté de lui en
qualité d’expérimentateur. Mais, sur les irrégularités du terrain de Villacoublay, la queue tape
et un cadre se tord pendant le roulage, limitant le débattement du manche entre le neutre et le
cabré ! Heureusement, Mazoyer était un fin pilote de voltige. Lorsqu’il comprend le problème,
il laisse monter l’avion, part en renversement et vient de poser en douceur sur la piste. Ce
jour-là, j’ai vu la terre approcher très vite...»
Aller simple
au Bourget 1959
« Le prototype était en
état de vol le 10 juin
1959, à la veille du Salon
de l’Aviation où il devait
être exposé. Le chef
pilote d’essais Jean
Cliquet (1911-1997)
effectue le premier vol. Il
estime que l’avion a une
puissance insuffisante
avec son moteur de
90 ch. Son second vol
confirme son diagnostic.
Le troisième vol a lieu le
12, jour de l’inauguration
du Salon. Cliquet décide,
en vol, de poser le
Rallye au Bourget, tout
en estimant que l’avion
est loin d’être au point
déclarant même : « je l’ai
amené pour qu’il figure à
la grande manifestation
internationale mais il
rentrera à Villacoublay
par la route. Je ne le ferai
pas revoler avant les
modifications prévues. »
Ramené chez MoraneSaunier à VillacoublayVélisy, il fera l’objet
d’améliorations avant
de reprendre ses
vols, confirmant ses
remarquables qualités de
basse vitesse en vol et à
l’atterrissage grâce à des
becs d’attaque mobiles
aérodynamiquement et
à ses volets d’intrados.
Son refus de se mettre en
vrille constituait un atout
évident pour les pilotes
débutants en aéro-club. »
Le prototype du MS-880, le n° 01 F-WJDM, au cours des essais au C.E.V., à Brétigny.
(Coll. Musée Régional de l’Air, Angers).
Le MS 880 est peint en blanc sur la partie supérieure du fuselage, en
jaune sur la partie inférieure et des liserés noirs soulignent les lignes de
l’avion. Il est encore équipé d’un train avant non définitif, à la géométrie
surprenante, qui sera rapidement modifié pour le n° 02.
S’il ne séduit pas par des lignes fluides, il intrigue cependant les premiers
clients potentiels et, surtout, les journalistes par les innovations qu’il
présente et par les ambitions affichées par son constructeur. Dès sa
sortie, il est proposé pour des vols de prise en main à la presse. Celleci va répondre avec enthousiasme, découvrant une nouvelle manière de
voler dans laquelle la sécurité, la facilité de pilotage et le coût de l’heure
de vol sont mis en exergue par le constructeur pour ouvrir le pilotage et le
tourisme aérien à un grand nombre d’amateurs.
Comment le Rallye va-t-il être accueilli alors que la philosophie générale est
tournée vers le recrutement de futurs professionnels et que les exigences
de l’instruction sont orientées essentiellement dans ce sens ?
Le MS 880 n° 01 F-WJDM
(Profil par Alban Dury).
Jacques Noetinger,
Drames et frayeurs aux essais en
vol et autres,
Nouvelles éditions latines (NEL),
2008.
Certains problèmes ont persisté avec le n° 02. Un jour, je fais remarquer à M. Savarit : « il pleut
dans l’avion lorsque nous volons par mauvais temps...» Il me répond : « il pleut aussi dans
une Deux-Chevaux ! » Je lui dit alors, «Mais cela ne devrait pas...» Il n‘y avait pas au plus haut
niveau le même enthousiasme qu’au niveau de l’équipe Rostaing...
1. Version qui devait être aussi proposée à la clientèle (NDA).
20
21