Les femmes et la Révolution de 1789

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Les femmes et la Révolution de 1789
« Le discours n’est pas seulement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour
quoi , ce par quoi on lutte » Michel Foucault
Les femmes et la Révolution de 1789
Les fondations d’une France nouvelle pendant la révolution et l’Empire
La force créatrice des acteurs
Les femmes comme les hommes ont vécu cette expérience politique, sociale, culturelle. Les femmes
ont-elles eu des parcours identiques à ceux des hommes ? Quel bilan peut-on établir après la Révolution
et l’Empire ?
Les finalités
• Intégrer les femmes dans le récit et l’étude d’une période-clé demeure une exigence civique pour
renouveler et rectifier la vision monochrome de cet objet historique exceptionnel.
• Quelle trame ?quels axes privilégier pour donner place à une dimension féminine ?
-Préparer la Révolution
-Faire la Révolution
-Agir pour ou contre la Révolution
-Connaître des femmes (approche biographique, artistique) (cf. place du récit)
-Quelles places et quels rôles pour les hommes et les femmes dans cette nouvelle société ?
- Sont-elles restées« des citoyennes sans citoyenneté ? »Dominique Godineau (cf. les fondements d’une
nouvelle société)
Dans
une
séance,
avec
une
Etude de cas en histoire
à partir d’un dossier documentaire,
problématique pour
transmettre
expliquer
quatre règles : se servir des acquis, réfléchir
à l’usage des supports choisis, articuler le
impliquer
raconter ou faire raconter une histoire particulier et le général, conclure avec
nuances.
mixte
Bilan avec un montage de textes étude qui pourrait trouver écho et
contradictoires (problème du vote, des prolongement lors de l’étude du XIXème
droits en particulier
siècle
Possibilité de relier avec l’histoire des arts pour associer et distinguer dimension
artistique et historique, par exemple : Mme Vigée-Lebrun, David, madame Benoist,
gravures de Lesueur représentant les tricoteuses, les clubs et estampes (une femme qui
apprend à lire à son enfant la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen),caricatures,
pamphlets,
écrits
d’observatrices
(Germaine
de
Staël « Considérations sur la Révolution » /1818) poésies de Chénier, textes de
l’époque pour éclairer les débats(Amar/Chaumette/Condorcet/ Guiomar…),extraits du
Code civil) …
Ne pas oublier qu’il existe au féminin une version du célèbre« dessin » des trois
ordres.
Quelques données chronologiques, pour aider à construire une trame.
En bleu, des supports possibles
Mme Vigée-Lebrun reçoit, à partir de 1770, plusieurs commandes de portraits de la reine MarieAntoinette dont celui resté célèbre de 1783
Marie-Antoinette, reine de France, soutient la création artistique du chevalier de Saint Georges, esclave
noir, appuie les créations musicales et théâtrales à Versailles
1785-86 Affaire dite du collier de la reine
1789 Rédaction de cahiers de doléances féminins à Paris et dans des grandes villes (textes)
1 janvier 1789 Pétition des femmes du tiers-état au Roi
1789 Multiplication des pamphlets féminins écrits collectivement dans les faubourgs parisiens, par
exemple Harangue des dames de la halle de Paris prononcée par madame Engeule
Fin été 1789 des femmes pillent l’hôtel de ville de Paris en réclamant du pain
7 septembre 1789 don patriotique de vingt et une femmes (des artistes, orfèvres comme Mme
Rigal).Onze d’entre elles apportent à l’Assemblée leurs bijoux (cf. site de l’histoire par l’image)
5 et 6 octobre 1789 Journées d’octobre : marche sur Versailles de 6000 à 7000 femmes accompagnées
d’hommes dont Hulin et Maillard(huissier du Châtelet) « héros de la prise de la Bastille ». Retour de la
famille royale à Paris.la tradition dit que Théroigne de Méricourt (1762-1817) y participe.
3 juillet 1790 article de Condorcet (1743-1794) dans le journal de la société de 1789, n°5, « l’admission
des femmes au droit de cité »
1791 premier club féminin parisien « Société patriotique et de bienséance des amis de la vérité »créé par
Etta Palm (elle quitte la France en 1793)
20 juin 1791 fuite de la famille royale à Varennes. Retour à Paris au Temple
1791 Les femmes obtiennent la citoyenneté civile mais sont exclues de la citoyenneté civique
6 mars 1792 Pauline Léon, chocolatière, lit à l’Assemblée une pétition signée par 300 parisiennes pour
qu’elles puissent entrer dans la garde nationale et combattre (Amazones)/ refus des députés Une gravure
représente cet épisode.
A partir de 1791, multiplication de tracts et d’articles antiféministes dans la presse (« Les Révolutions de
Paris » par exemple)
1792 activité au sein du salon de Manon Roland (Jeanne Philipon), épouse de J M Roland de la Platière,
ministre de l’Intérieur au début de la Convention. Elle y reçoit les chefs girondins, en devient l’égérie.
Septembre 1792 Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (O de Gouges, 1748-1793)
Septembre 1792 madame de Lamballe, proche amie de la reine est exécutée dans des conditions
particulièrement dramatiques ( massacres de Septembre)
1er juin 1793 première arrestation de Manon Roland
Juillet 1793 Charlotte Corday (née en 1763) assassine le médecin et journaliste d’origine suisse Marat à
son domicile (toile de David)
17 juillet 1793 exécution de Charlotte Corday à Paris (dessin de Gillray/exécution, poème de Chénier)
21septembre 1793 les femmes ont le droit de porter la cocarde
mai- octobre 1793 club des citoyennes républicaines révolutionnaires (Claire Lacombe/Pauline Léon)
Octobre 1793 les clubs féminins sont interdits
16 octobre 1793 exécution de Marie-Antoinette :
(« Mme Veto » /chanson révolutionnaire; « l’Autrichienne ») après son procès commencé le 5 octobre
(pastel de David) nombreuses caricatures de la reine
3 novembre 1793 Olympe de Gouges est guillotinée place de la Révolution à Paris, actuelle place de la
Concorde (portrait d’Olympe/ biographie/textes)
8 novembre 1793 exécution de Manon Roland après un procès expéditif. Son époux se suicide le 10
novembre. Elle rédige, juste avant sa mort, à la Conciergerie des Mémoires, Appel à l’impartiale
postérité, transmis à sa fille Eudora.
1793 droit au divorce/les deux tiers des demandes de l’année 1793 viennent de femmes (texte)
17 juillet 1794 16 carmélites de Compiègne sont guillotinées à Paris, condamnées pour fanatisme (cf
l’opéra de Poulenc/1957 et le texte de Georges Bernanos « Le dialogue des Carmélites »/1949)
La communauté des Carmélites de Compiègne fondée en 1641 était sous la protection de la Cour
et des princesses royales.
14 septembre 1792 expulsion. Elles se divisent en quatre groupes arrivent à se cacher dans des
maisons de Compiègne mais sont trahies par des habitants.
24 juin 1794 elles sont arrêtées, ont un jugement sommaire, et sont transférées en juin 1794 à la
Conciergerie et exécutées à la barrière du trône dans le silence uniquement coupé par leurs
chants. La dernière à monter est la prieure Thérèse de Saint Augustin. Elles sont béatifiées en
1906 par la Pape Pie X
1795 des femmes réclament du pain, manifestent
1795 les regroupements de plus de cinq femmes sont interdits dans l’espace public.
1796 Joséphine de Beauharnais, « merveilleuse » parisienne, épouse Napoléon Bonaparte
1818 parution des Considérations sur la Révolution signées Germaine de Staël, fille de Necker. Elle lie,
dans cet essai, l’idée de rupture et de régime constitutionnel, la volonté de construire sans rompre avec
tous les héritages à celle de la violence révolutionnaire, posant les deux versants d’une matrice
inhérente à la Révolution.
1838 mort de Pauline Léon en Vendée dans l’anonymat.
1848 suffrage universel masculin
Olympe de Gouges
• Née à Montauban (Marie Gouze); mariée jeune à 17 ans et rapidement veuve monte
à Paris (1774) chez sa sœur, voit son destin changer
• Se lance peu à peu dans l’écriture
• Membre de la société des amis des Noirs
• Pièces de théâtre(1785)
• Écrit sur tous les sujets de société (impôt), sur les Indiens, sur les Noirs, sur la peine
de mort, la propreté, la disette
• «… Le sang, même celui des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille
éternellement les Révolutions… »
• La déclaration des droits versus femmes 1971(Extraits et comparaison possible
avec le texte général)
« procureur Chaumette »
« Rappelez- vous, rappelez- vous cette virago, cette femme homme, l’impudente Olympe
de Gouge qui, la première, institua des sociétés de femmes, qui abandonna les soins du
ménage, voulut politiquer et commit des crimes. Tous ces êtres immoraux ont été
anéantis sous le fer vengeur des lois ». extrait du Courrier républicain du 19 novembre
1793 ou 29 Brumaire an 11
Extrait de discours de Guiomar, député et conventionnel, favorable à l’égalité
entre les hommes et les femmes 30 octobre 1793
« Républicains, affranchissons les femmes de l’esclavage flétrissant l’humanité
comme nous brisons les chaînes de nos voisins. Hommes, rougissons de voir les
femmes abaissées sous le joug de nos coutumes féodales, de nos lois barbares.
Ennemis jurés des despotes, des tyrans, renonçons à cet empire odieux du plus fort
sur le plus faible. Apôtres de l’égalité, traitons les femmes égales, et marchons de
front dans la carrière politique. Défenseurs de la liberté, proclamons celle des
femmes, rendues à la dignité humaine, et ouvrons- leur, à la face de l’Europe
étonnée, les portes des assemblées primaires…Justice, raison, humanité, voilà ma
trinité politique :voilà aussi en trois mots mon système… »
Femmes dans la « contre-révolution »
Qui sont-elles ?
Emigrées, aristocrates, femmes anonymes qui portent la cocarde noire,
religieuses,
(55000/ 36000/600 couvents) avec une multitude de réactions, y compris au sein des
monastères : Refuser, s’adapter, se reconvertir, rallier, accepter de reconnaître la
Constitution civile du clergé, combattre (Renée Bordereau , dite brave l’angevin aurait tué
de ses mains une vingtaine de Bleus)
en Anjou: les 4/5 des condamnations les concernent, par exemple, Melle Regrenil
soldate aux côtés des Chouans. madame de La Roche Jacquelin
325 femmes jugées: 30% /intelligence avec l’ennemi, 23%/opinions contre
révolutionnaires, 15% / pour conspiration.
avec de grandes différences régionales, et des contrastes entre villes et
campagnes
cf. Travaux de Stéphanie Brown « Women on trial », 1996, travaux de G Murphy
en 2003.J CL. Martin, « femmes et guerre civile, l’exemple de la Vendée »,
numéro 5, CLIO ,1997.
La publication de J CL Martin sur la noblesse entre l’exil et la mort
Canards et pamphlets au féminin
Surtout destinés à un public populaire et parisien, dès mars 1789
Publications (avis, harangues, lettre, adresse…) lues souvent à haute voix dans les ateliers,
dans la rue, dans les cabarets, dans les sociétés populaires par les « poissardes », nom
donnée aux femmes de la halle de Paris ou les femmes des faubourgs
hebdomadaires ou bihebdomadaires, elles sont signées Margot, Pétronille, Madame
Saumon ou madame Engeule…
Ces adresses fustigent les opposants, les Orléans, le roi et la reine, les hommes politiques en
général,
Elles sont rédigées dans un langage argotier et direct
Février 1791-1793 « lettres bougrement patriotiques de la Mère Duchesne » signées
Pétronille Machefer, femme du Père Duchesne
Harangue à la reine (doc BNF) écrite avant Varennes
« Si l’envie vous prenait par hasard de voyager je vous garantis, foi de Mère Duchesne, que
vous aurez une nombreuse secourt. Toutes les femmes seraient en l’air : elle culbuterait le
cocher, les postillons, tout, jusqu’aux chevaux et carrosse. Tout serait renvoyé au
foutard…On aurait grand soin de votre sacrée personne, et de la mettre en lieu de sureté.
Nous autre françaises, nous sommes généreuses, nous rendons toujours le bien pour le
mal…Imitez notre exemple. »
Le bilan
de
la
Révolution française reste contrasté .Si on leur reconnaît une existence civile, une relative en matière de
succession, lors du veuvage, de majorité civile et le divorce, elles sont exclues des droits et des débats
politiques. En 1848, lors de la seconde République on octroie le suffrage universel masculin aux
citoyens.
Pour aller plus loin :
Actes du colloque d’avril 1989, « Les femmes et la révolution », Presses universitaires du Mirail, 1990.
H Arendt, Essai sur la révolution,
P M Duhet, Les femmes et la Révolution, collection Archives, 1971.
M F Brive, (dir), Les femmes pendant la Révolution, colloque avril 1989.
D Godineau, Citoyennes tricoteuses, les femmes du peuple de Paris pendant la Révolution, Alinéa, 1988
contient des portraits et des exemples.
J CL Martin, La révolte brisée, A Colin, 2009.
J. Michelet, Les femmes de la Révolution, Delayas,1855, réédition 1988.
G .Murphy, les religieuses et la Révolution française, Bayard, 2003.
E Roudinesco, Théroigne de Méricourt, Albin Michel, 2005, avec une préface d’E. Badinter et une
partie finale consacrée à l’histoire de l’histoire, une chronologie en relation avec la biographie de
Théroigne de Méricourt
A Verjus, travaux sur la famille au temps de la Révolution avec un éclairage féminin et masculin (être
père et mari pendant la Révolution).
M Onfray, La religion du poignard, éloge de Charlotte Corday, 2009.
TDC, les femmes actrices de la Révolution, numéro 1013, (« la Révolution en image »).
NL,2014.