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Les aveugles face au numérique Place de la toile (10 novembre 2012) URL de l’émission http://www.franceculture.fr/emission-place-de-la-toile-lesaveugles-face-au-numerique-2012-11-10 Un grand merci à Sébastien Delorme, Elie Sloïm, Xavier Borderie, Yann Goupil, Vincent Legeard et phv pour avoir consacré de leur temps à réaliser cettre transcription. Ils démontrent ainsi brillament que l’accessibilité c’est du concret et qu’elle n’est pas uniquement faite de gekks associaux hypertechniciens. Le transcript Voix synthétique : Place de la Toile, le magazine des cultures numériques. Xavier de la Porte : bonsoir à toutes et à tous. Au sommaire de Place de la Toile aujourd’hui : - Plongé dans son ordinateur, Thibault Henneton se demandera à quoi sert la touche Insert. - La lecture de la semaine : James Bond, c’est moi. Le son, ce sera une prolifération du Remix. - Quant à nos invités du jour, ce ne seront pas les salariés de Google, comme annoncé, pour cause de défection de dernière minute, mais, et j’en suis très heureux, Tanguy Lohéac et Soufiane el Jamil pour nous parler des aveugles face au numérique. [Générique composé des sons d’erreurs de Windows] Xavier de la Porte : ne pas voir son écran, mais l’entendre ou le toucher. Ne pas lire ou regarder Internet mais se le faire décrire par une voix synthétique. Telle est la condition de base des aveugles face au numérique, avec toutes les questions que cela pose. À la fois en termes de possibilités : ouverture directe à un monde de l’information, autonomie accrue etc. – mais aussi en termes d’accessibilité. Des parties du web restent inaccessibles, l’accès au cœur de la machine, au code, n’est pas toujours très simple. De tout cela nous allons discuter pendant les trois quarts d’heure qui viennent avec deux invités. Tanguy Lohéac, bonsoir. Tanguy Lohéac : bonsoir. Xavier de la Porte : vous avez 40 ans. Vous êtes non-voyant. Vous travaillez chez Sanofi où vous vous occupez précisément de l’accessibilité aux non-voyants des sites de ce grand groupe pharmaceutique. Et vous tenez un blog au joli nom : Tanguy Rêve. Tanguy Lohéac : exactement. Xavier de la Porte : à quoi vous rêvez ? Tanguy Lohéac : ah ! Je rêve d’un Internet accessible à tous. Xavier de la Porte : ah ! Vous nous expliquerez pourquoi ça n’est pas le cas et comment ce serait possible que ce soit le cas. Et puis, au téléphone depuis Lille, Soufiane el Jamil, bonsoir. Soufiane el Jamil : bonsoir. Xavier de la Porte : vous avez, vous, 27 ans. Vous êtes non-voyant aussi. Intéressé aux questions numériques, au point d’en avoir tenu pendant un temps un blog intitulé « Ma vision des choses ». Alors, il n’est pas très très animé, Soufiane el Jamil, ce blog depuis quelques mois. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Soufiane el Jamil : en fait, j’ai laissé tomber parce que je ne voulais plus m’en occuper. Xavier de la Porte : parce que ? Soufiane el Jamil : Je suis passé à autre chose. Je préfère entretenir mon fil Twitter que d’avoir un petit blog personnel. Il n’est pas dit que je n’en referai pas un nouveau. Xavier de la Porte : On l’attend en tout cas ! Parce que c’était joli et intéressant « Ma vision des choses ». Alors, tous les deux, on va essayer de déplier cette question, à la fois du rapport en général des non-voyants aux technologies et à l’Internet. Et puis, évidemment cette question de l’accessibilité qui est centrale dans cette question. Mais avant, comme on le fait souvent dans Place de la Toile, petit parcours quoi. Et notamment la question de la rencontre avec l’ordinateur. Tanguy Lohéac, c’est quand la rencontre avec l’ordinateur pour vous ? Tanguy Lohéac : Alors, ça a commencé très tôt dans ma vie, en 1988, il me semble, où j’ai eu le premier afficheur Braille capable de me restituer en Braille ce qui apparaissait sur l’écran. Xavier de la Porte : D’accord. Et donc, avant Internet ? Tanguy Lohéac : Ah oui, bien avant Internet. En tout cas, bien avant qu’Internet arrive en France. Xavier de la Porte : Et pour vous ça été immédiatement un univers de possibles ? Tanguy Lohéac : Complètement. Parce que je me suis tout de suite intéressé au fonctionnement. Parce que j’avais du mal à être dépendant de quelqu’un quand l’ordinateur plantait. Et je me suis dit, il faut que je comprenne comment ça fonctionne à l’intérieur. J’ai commencé à m’intéresser au DOS, au Basic, enfin vraiment au cœur du système. Xavier de la Porte : Et vous avez fait comment ? Vous avez été formé pour ça j’imagine ? Tanguy Lohéac : J’ai eu une petite formation de départ sur l’utilisation de l’appareil lui-même. Xavier de la Porte : [mm d’acquiescement invitant à poursuivre]. Tanguy Lohéac : Et ensuite, je me suis renseigné à droite, à gauche, en essayant justement d’acquérir la littérature, ce qui n’était pas forcément facile à l’époque. En demandant des renseignements aux gens qui savaient. Et puis voilà... Xavier de la Porte : Vous à l’époque vous étiez déjà complètement non-voyant ? Tanguy Lohéac : Oui. [Tanguy : En fait j’ai dit une bêtise. J’ai perdu la vue bien plus tard. Mais le trac d’être au micro était encore là.] Xavier de la Porte : Vous avez vu un ordinateur déjà ? Tanguy Lohéac : Oui. J’ai vu un petit peu avant. J'avais une vision qui était de l’ordre d’un dixième. Donc très peu finalement. Mais j’ai effectivement pu voir les premiers ordinateurs. Xavier de la Porte : Et Internet, vous y êtes allé rapidement ? Tanguy Lohéac : Non, je n’y suis pas allé très rapidement. J’ai entendu parler d’Internet en 95 lorsque j’étais aux États-Unis. À l’époque c’était assez abstrait pour moi puisque je n’y avais pas accès. Xavier de la Porte : [encouragement à poursuivre]. Tanguy Lohéac : Je m’y suis mis par nécessité professionnelle, puisque j’étais formateur en bureautique auprès de personnes aveugles. Et puis quand Internet est arrivé, il y a eu des demandes. Surtout pour les gens qui travaillaient dans les bureaux, dans les ministères, etc. Xavier de la Porte : Oui, il ne fallait pas que le formateur soit plus nul que le formé [sourire]. Tanguy Lohéac : Non, mais même, c’était une nécessité pour eux, une question d’évolution de carrière quoi. Donc, moi il a fallu que je m’y mette rapidement. Xavier de la Porte : Avec, encore une fois, au départ la sensation immédiate que ça pouvait produire des possibles ? Ou d’abord une sorte de rétivité à y aller parce que c’est compliqué ? Tanguy Lohéac : Ni l’un ni l’autre. Une sorte de no-man’s-land. Ne sachant pas trop à quoi ça pouvait ressembler, qu’est-ce qu’on pouvait vraiment y faire. D’autant que j’allais dire qu’à l’époque ça se limitait à des liens qu’on pouvait éventuellement cliquer pour arriver sur une autre page. Voilà, c’était un plongeon dans l’inconnu. Xavier de la Porte : Soufiane el Jamil, même question. C’est quand, vous, la rencontre avec la machine, avant même Internet ? Soufiane el Jamil : Moi la rencontre avec la machine s’est faite plus autour de 9798. Il devait y avoir sûrement Internet, mais comme j’étais très jeune (j’avais à l’époque une douzaine d’années, je suis né en 85). Et en fait à ce moment là on m’avait plus mis sur un ordinateur qui n’était pas connecté. Et pour vous dire, qui ne disposait même pas d’une synthèse vocale. C’était juste avec une plage Braille, une barrette Braille connectée à un ordinateur IBM (c'était du très très très vieux matériel). Et c’est par la suite que j’ai connu Internet, aux alentours des années 2000-2002. Xavier de la Porte : Ça été quoi le point d'accès à Internet ? Pourquoi vous vous-y êtes mis ? Soufiane el Jamil : Je m’y suis mis plus par curiosité. J’aimais bien tout ce qui était Internet. Mais je m’y suis mis petit à petit. J’ai commencé vraiment à utiliser Internet à partir de 2005-2006 dans ma vie quotidienne. Avant j’y allais peut-être une heure par semaine, deux heures par semaine. Parce que c’était à l’école, parce que c'était accessible par ce biais. Sinon j’ai commencé à avoir Internet chez moi vraiment en 2006. Xavier de la Porte : Et vous, l’un et l’autre, par exemple si on raisonne en terme de fréquence, de temps passé, c’est quoi votre temps passé en contact avec la machine, en contact avec Internet, avec le numérique ? Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Aujourd’hui c’est au bas mot 10 heures par jour. Xavier de la Porte : Ah ouais ! [étonnement] Là vous comprenez tout, c’est-à-dire à la fois l’Iphone, l’ordinateur, etc ? Tanguy Lohéac : Oui, oui, Iphone, ordinateur... Bon déjà ça fait partie de mon métier. Et ensuite, quand je rentre le soir, je m’y remets. Xavier de la Porte : Et vous faites quoi ? Tanguy Lohéac : J’anime mon blog, j'ai un site qui s’appelle Métro-Connexion que j’anime également. Et puis bien je réponds aux mails, je réponds aux tweets. Et puis je me forme aussi en permanence. Xavier de la Porte : Et vous Soufiane, c’est à peu près quelle fréquence ? Soufiane el Jamil : C’est à peu près pareil, pour d’autres raisons. Déjà pour des raisons associatives puisque je suis bénévole dans une association. J’essaie de travailler quand-même pour avoir des informations. Tout se fait par Internet, les emails, les devis. Donc c’est vraiment un gage de facilité. Je me sers aussi de la machine pour lire mon courrier. Je reçois des lettres tous les jours. Je les scanne, donc ça, ça me prend au moins 20 minutes. Xavier de la Porte : Ah vos lettres papier vous les scannez et après vous vous les faites lire par votre lecteur d’écran ? Soufiane el Jamil : Oui. Xavier de la Porte : D’accord. Soufiane el Jamil : Oui j’ai plusieurs logiciels qui permettent de scanner un texte imprimé. Attention, faut que ce soit bien imprimé, parce que le manuscrit, c’est pas pris en charge. Xavier de la Porte : Ouais bien sûr [compréhension totale]. Soufiane el Jamil : La machine ne peut pas reconnaître ces caractères. Xavier de la Porte : Et donc du coup, quand on entend ça, on se dit, c’est d’abord un univers de possibles incroyablement ouvert. Est-ce que c’est d’abord ça le rapport à la machine et à Internet pour vous Soufiane ? Soufiane el Jamil : Pour moi, bien sûr. C’est vraiment une fenêtre sur le monde. Je pense que pratiquement tous les non-voyants vous diront la même chose. C’est une porte ouverte sur l’information. Xavier de la Porte : Par exemple lire la presse tout simplement. C’est beaucoup plus facile avec vos lecteurs d’écran sur l’ordinateur qu’en papier évidemment. Soufiane el Jamil : Bien sûr. Si je devais scanner un journal je mettrais la journée [rire entendu de Soufiane el Jamil et Xavier de la Porte]. Le fait d’avoir de l’information directement accessible via Twitter, Facebook, Google, tous ces grands noms de l’Internet on les côtoie tous les jours. Et ensuite, j’aime bien aussi aller parfois sur des petits sites qui sont aussi parfois des blogs, parfois des sites d’amis... Xavier de la Porte : Et je me disais, par exemple le Smartphone (un Iphone ou un truc Android), en quoi Tanguy Lohéac ça vous aide au quotidien ? En quoi c’est un outil pratique ? Tanguy Lohéac : Oh ! Il y a plein d’applications possibles. Déjà pour téléphoner accessoirement [sourire]. Xavier de la Porte : [rire] Oui c’est vrai. On a tendance à oublié que ça devait servir à ça. Tanguy Lohéac : Bon, pour écouter des podcasts. Xavier de la Porte : Par exemple pour téléphoner, vous avez un Iphone ? Tanguy Lohéac : J’ai un Iphone oui. Xavier de la Porte : Vous utilisez quoi pour téléphoner ? SIRI, le logiciel de commande vocale ou pas ? Tanguy Lohéac : Non, c'est un logiciel qu’on appelle un lecteur d’écran, qui est fourni dedans et qui s’appelle VoiceOver qui est livré en standard. Xavier de la Porte : Ah oui, qui est livré en standard. Ah ouais ! D’accord, OK. Tanguy Lohéac : Donc ça permet de lire des livres qu’on peut charger et acheter. Hein, comme tout un chacun. Parce que c’est vrai que jusqu’ici, enfin jusqu’à l’informatique, on était relativement dépendants de la bonne volonté de bénévoles pour retranscrire des bouquins. Ici on peut acheter des livres quand ils sortent, quand ils sont disponibles pour tout le monde. Ça permet aussi par exemple de connaître l’heure d’arrivée du prochain bus. Xavier de la Porte : Ah oui, bien sûr. Et vous Soufiane, votre portable avec des applications et tout... Vous me parliez avant l’émission d’une application sur la question de la lumière éteinte ou allumée. Soufiane el Jamil : Oui c’est une application que j’utilise parfois. En dehors du Smartphone il faut dire qu’il existe aussi des appareils qui font la même chose. Xavier de la Porte : Ouais [expectatif, du style il va me plomber ma question]. Soufiane el Jamil : Mais qui coûtent beaucoup plus cher. Xavier de la Porte : Ouais c’est ça [soulagé]. Soufiane el Jamil : Donc par exemple j’ai mon Iphone. J’achète une application à moins d’un euro. J’ai accès au pourcentage de luminosité que l’appareil photo de l’Iphone va capturer. Et en fait il me retranscrit avec un son qui monte dans les aigus quand c’est allumé et dans les graves quand c’est éteint. Xavier de la Porte : Ça vous sert à quoi ? À savoir si c’est allumé ou éteint chez vous quoi ? Soufiane el Jamil : Voilà. Par exemple ma femme part le matin et laisse la lumière allumée. Elle va en cours. Moi je suis à la maison, pas encore sorti. Là j’ai décidé de rester à la maison aujourd’hui par exemple. Eh bien, des fois je contrôle si elle a éteint la lumière. Parce que des fois ça lui arrive d’oublier, elle a des réflexes de voyant. Ça contribue à faire des économies. Xavier de la Porte : Oui c’est vrai [sourire d’accord], à être écolo aussi. Soufiane el Jamil : Un geste aussi pour la planète quoi. On préserve aussi l’énergie. Xavier de la Porte : Il y a mille autres possibilités. Je pense qu’on en égrènera quelques unes au cours de l’émission. Mais la condition de tout ça est que ce soit accessible et qu’il y ait un travail qui est fait pour rendre tout ça accessible. On va en discuter dans quelques minutes. Mais tout de suite, Thibault Henneton s’est plongé dans son ordinateur cette semaine pour répondre à une question : mais à quoi sert la touche Insert ? [Lancement de la chronique sur un fond musical industriel et le ton d’une personne qui se parle à elle-même en se posant pleins de questions.] Xavier de la Porte : Retour dans le studio pour continuer notre discussion sur la cécité et le numérique avec Tanguy Lohéac et Soufiane el Jamil. Alors, pendant la chronique, vous me disiez "Ah, mais nous ça nous sert vachement la touche Insert !", Alors Tanguy, ça vous sert à quoi vous la touche Insert ? Parce que nous ça nous sert à _rien_ [rire]. Tanguy Lohéac : [rire] Et oui, si Thibaut la maudit, nous nous la bénissons ! Parce que c'est LA touche qui sert pour faire des raccourcis avec le lecteur d'écran. Xavier de la Porte : Aaaah. Tanguy Lohéac : C'est à dire que si on veut connaître le titre de la fenêtre, on fait Insert+T. Si on veut faire tout lire la page d'un seul coup, comme on va l'entendre tout à l'heure, c'est Insert+flèche bas. Xavier de la Porte : D'accord ! Tanguy Lohéac : Nous elle nous sert en permanence. Xavier de la Porte : Donc pour ça nous devrions aussi, nous voyants, bénir cette touche Insert au lieu de la maudire. Tanguy Lohéac : Voilà. Celle qui ne sert à rien, c'est la touche "puissance 2" (ndT : ²), peut-être. [rire] Xavier de la Porte : La touche "puissance 2" [réfléchit] Ah, c'est vrai qu'elle ne sert pas à grand chose. Tanguy Lohéac : Voilà. Xavier de la Porte : C'est une question que nous allons poser à Thibaut pour la prochaine fois. [rire] Tanguy Lohéac : [rire] Xavier de la Porte : M'enfin en même temps, p'tet qu'un matheux vous dira qu'elle lui sert énormément. Tanguy Lohéac : Certainement ! Xavier de la Porte : Alors justement, vous disiez qu'on va lire parce que dans les dix minutes qui viennent, je vais poser comme jamais une série de questions débiles.C'est-à-dire des questions que je me pose ou que sans doute se posent les voyants ou pas, sur comment vous faites de manière très très technique et donc pour ça Soufiane el Jamil m'a dit : bon, je vais vous envoyer une lecture d'une page par un lecteur d'écran, qui est donc l'une de vos interfaces possibles avec l'écran et donc c'est ça Soufiane el Jamil ? Expliquez-nous en deux mots le principe du lecteur d'écran puis après on entendra la page. Soufiane el Jamil : Alors un lecteur d'écran c'est ce qui va lire justement l'écran comme on le dit mais qui va intercepter l'information et il va nous la retransmettre sous forme vocale ou sous forme écrite en Braille si on a une plage tactile. Donc ça permet de connaître l'information via des raccourcis clavier et aussi maintenant de plus en plus avec des écrans tactiles comme sur le Mac avec le Trackpad. Xavier de la Porte : Ah ça il faudra que vous nous expliquiez. On va juste d'abord écouter un morceau d'une page et essayer de l'identifier. Lecteur d'écran : Internet explorer / entrée / Windows internet explorer / page dans un nouvel onglet / édition 100% / ECHAP/ Google / édition / entrée / [série de lettres saisies par l'utilisateur "u", "n", "espace"...] / La page contient trois sections: titre de niveau 2 Options ; titre de niveau 2 résultats ; titre de niveau 3 liens : un robot peut-il apprendre à cuisiner / entrée / un robot peut-il apprendre à cuisiner / recherche google 1% / Internet actu.net... [diminution du son mais restant en fond sur les voix] Xavier de la Porte : Alors Soufiane el Jamil, expliquez-nous ce que vous étiez en train de faire quand vous avez enregistré ça. Soufiane el Jamil : J'étais en train de lancer le navigateur, une recherche sur google, c'est le moment où vous avez entendu, où je tapais les lettres les unes après les autres. Xavier de la Porte : Oui. Soufiane el Jamil : En fait, je me suis connecté sur le site internet actu ; sur google, là, je suis en train de chercher les liens. Xavier de la Porte : On va écouter deux secondes. [augmentation du son] Lecteur d'écran : la lecture de la semaine est un article paru dans la revue. Lien ??? atlantique et s'intitule lien "Un robot peut-il apprendre à cuisiner" virgule ses auteurs ??? (NdT : contenu non compris) sont respectivement enseignants en philosphie dans un institut de technologie... Xavier de la Porte : Alors, Soufiane el Jamil, je vous sais gré d'avoir choisi la lecture de la semaine dernière [rire]. Mais alors, pour moi, ce qui est intéressant, la première fois que j'ai écouté cette petite lecture que vous m'avez envoyée, j'ai mis je pense 45 secondes à identifier ce sur quoi on était arrivé. Vous, vous avez à ça un rapport qui est de quel ordre ? J'imagine que vous comprenez tout. Vous "voyez" ? Vous arrivez à naviguer avec ça ? Soufiane el Jamil : Oui bien sûr. Je comprends ce que la synthèse me dit parce que je l'utilise depuis très très longtemps, depuis 6-7 ans, voire un peu plus, de façon intensive. Donc c'est normal que je comprenne. Et moi la synthèse, je ne la fais pas à cette vitesse. Je l'utilise beaucoup beaucoup beaucoup plus rapidement encore. Xavier de la Porte : Ah bon ?! Soufiane el Jamil : Ah oui oui, là elle est à 15%. C'est la vitesse de base quand vous achetez un lecteur d'écran, que vous l'installez et que vous le démarrez. Xavier de la Porte : Et vous êtes à combien de pourcent, vous ? Soufiane el Jamil : Moi je l'utilise aux alentours des 50-60%. Et sur l'iPhone ça m'arrive même de l'utiliser à 100%. Mais il faut dire que ce n'est pas le même débit, il n'est pas réglé de la même manière. Donc là, si je devais lire tout le temps des textes comme ça, je m'ennuierais, parce que c'est très très lent pour moi. Mais je ne parle pas aussi vite qu'une synthèse, et je suis capable d'écouter les gens quand ils me parlent normalement. Xavier de la Porte : Oui, bah oui. Soufiane el Jamil : Je ne m'ennuie pas pour autant. Xavier de la Porte : Tanguy Lohéac, encore une fois question bête, mais le fonctionnement de ça, c'est qu'en gros, cette voix, elle interprète le code de la même manière que nous ça nous affiche du visuel, vous ça vous afffiche ça ? C'est une interprétation du code source de la page. Tanguy Lohéac : Exactement. Et c'est ce qui rend l'écoute très difficile au départ : le lecteur d'écran ajoute énormément d'informations supplémentaires par rapport au texte qui est affiché réellement. Par exemple, quand il rencontre un lien, il dit "lien" ; quand il rencontre un titre, il dit "titre". Ça ajoute beaucoup d'informations complémentaires que nous nous analysons avec l'habitude, mais qui, effectivement, quand on l'écoute comme ça pour la première fois, on est extrêmement perturbé. Xavier de la Porte : Alors, est-ce qu'il y a des pages qui sont plus ou moins bien faites pour être lues de cette manière-là ? Tanguy Lohéac : Exactement. Il y a des pages qui peuvent être complètement illisibles avec un lecteur d'écran. C'est ce qui nous amène à l'accessibilité. Xavier de la Porte : Oui. Tanguy Lohéac : Parce qu'il y a des règles et des recommandations pour que ces pages soient bien construites. Et si elles ne le sont pas, le lecteur d'écran a beau avoir quelques "rustines" pour essayer de rééquilibrer les choses, il n'y arrive pas forcément tout le temps. Un simple exemple : si vous pouvez, en HTML, donner l'apparence d'un titre, c'est-à-dire un peu plus gros, un peu plus gras, avec une couleur différente, sans que pour autant ce soit dans le code un titre réellement. Xavier de la Porte : Aaaaah, d'accord. Alors si dans le code c'est pas précisé exactement que c'est un titre, le lecteur, lui, du coup, ne précisera pas que c'est un titre. Tanguy Lohéac : Exactement. Xavier de la Porte : D'accord, ok. Donc, du coup, il y a bien évidemment des codifications, des sortes de lois... Soufiane el Jamil : Des normes. Xavier de la Porte : ...voilà, pour l'accessibilité de ça, mais par exemple, dites-nous Soufiane, est-ce qu'il y a des sites... Alors, il ne s'agit pas de dire que tel site est bon ou mauvais, mais... Est-ce qu'il y a des sites qui sont pour vous très difficilement lisibles ? Soufiane el Jamil : [respiration]. Xavier de la Porte : Ne dites pas Radio-France ! [rire] Soufiane el Jamil : [rire] Non, Radio-France s'en tire plutôt bien. Sauf pour les players, mais bon, ça c'est autre chose [rire]. C'est pour cela que le podcast est là. Xavier de la Porte : Oui. Soufiane el Jamil : En fait, les sites les plus difficiles, c'est souvent les sites... Je vais plus vous dire des généralités, mais c'est plutôt les sites de partage de vidéos, parce qu'il y a beaucoup de Flash... Xavier de la Porte : Ah oui, bien sûr, et que Flash, il n'y a aucun moyen - Flash, c'est donc le logiciel de vidéo - Flash, il n'y aucun moyen pour que Flash vous soit d'une manière ou d'une autre accessible, je sais pas, un truc de taggage, de description..? Soufiane el Jamil : Si bien sûr, on peut faire du Flash accessible, même si c'est pas la meilleure façon de rendre un site web accessible.Mais les gens ne le font pas, ils utilisent les paramètres par défaut et puis voilà. Maintenant il y a le HTML5 qui commence à se développer. Xavier de la Porte : Oui. Soufiane el Jamil : ...Mais lui aussi n'est pas toujours accessible. C'est pas une question de langage ; je ne pense pas qu'il y ait un langage plus accessible que l'autre.Mais je ne suis pas assez expert pour le dire mais ce dont je suis sûr, c'est que c'est aux gens de rendre ce langage accessible. Xavier de la Porte : Oui c'est ça c'est une question de responsabilité des fabricants et des concepteurs de sites. Soufiane el Jamil : Voilà, c'est le webmaster, mais parfois en discutant avec eux, en leur envoyant des e-mails, ils acceptent de le rendre accessible. Moi, j'invite les gens vraiment... je pense que dans Place de la Toile, il y a pas mal de concepteurs de sites web ou de logiciels qui écoutent.Mais je vous recommande vraiment de rendre les sites web accessibles parce que c'est très bon pour les moteurs de recherche... Xavier de la Porte: Pourquoi ? Soufiane el Jamil : ...Pour le référencement. Xavier de la Porte :Ah oui, car du coup, ça fait du mot, ça fait de l'écrit, ça fait du mot-clé, évidemment. Soufiane el Jamil : Oui, plus il y a de texte plus Google, Bing, et autres Yahoo... Xavier de la Porte : C'est pas mal ça comme argument : à la fois vous faites du bien aux non-voyants, mais en plus vous vous indexez mieux dans les moteurs de recherche, parce que vous passez par le texte. Je voulais vous posez une question autour de cette question de la voix. Car au fond çà implique un rapport fort à ces voix. Comment vous les choisissez...? Parce que j'imagine que vous pouvez choisir différents types de voix pour son lecteur d'écran. Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Oui, on a un panel de voix, qui est assez large aujourd'hui. Certaines sont payantes, d'autres sont livrées avec... Xavier de la Porte : Des voix payantes ?! Tanguy Lohéac: Oui oui. Soufiane el Jamil : Pas très chères Tanguy Lohéac : C'est pas très cher, mais voilà, c'est vendu quand même. Xavier de la Porte : Pourquoi certaines sont payantes et pas d'autres ? Tanguy Lohéac : Aucune idée [sourire]. il faut demander aux fabricants. Certaines sont de meilleure qualité que d'autres, la voix que l'on a entendu au tout début est celle qui est livrée avec le lecteur d'écran.Et puis après on a entendu une voix de meilleure qualité. Soufiane el Jamil : Celle-là elle tourne autour de 500 Euros quand même. Xavier de la Porte : 500 Euros ?! Tanguy Lohéac : Oui. Soufiane el Jamil : Oui, c'est quand même assez cher. Xavier de la Porte : Mais qu'est-ce qui justifie qu'elle coûte 500 euros Soufiane ? Soufiane el Jamil : Mais, maintenant, ça s'est démocratisé un petit peu plus, mais à l'époque, moi j'ai fait l'acquisition de cette voix, c'était cher. Xavier de la Porte : Et pouquoi vous l'avez acquise celle-ci Soufiane el Jamil, elle vous plaisait particulièrement ou parce qu'elle était plus claire, pourquoi ? Soufiane el Jamil : Oui, elle me plaisait, et puis c'était un gage de qualité.Et puis c'est un confort. Et en plus ça peut me servir pour d'autres logiciels.Par exemple pour générer des MP3 lus en audio via des fichiers textes ou des PDF, donc je peux les prendre avec moi dans mon [lecteur] MP3 et les écouter... Xavier de la Porte : Mais vous avez dit tout à l'heure, l'un et l'autre, que vous passiez environ 10 heures dans un rapport comme ça avec votre ordinateur, ça veut dire que vous avez quasiment pendant 10 heures un rapport avec cette voix-là, ou deux trois voix que vous utilisez ? Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Oui oui, ben je constate que Soufiane préfère les femmes ! [rire général] Soufiane el Jamil : Bah oui ! Tanguy Lohéac : Moi je... Xavier de la Porte : Ah vous préférez les voix d'hommes, vous ? Tanguy Lohéac : Non non, je préfère la première voix que l'on a entendu qui est plus réactive.C'est plus une question de réactivité, pour ma part en tous cas. C'est vrai que, ça arrive qu'à la fin de la journée j'aie la grosse tête, je ne le cache pas.Mais il faut que ça aille vite, et effectivement des voix comme ça répondent très rapidement. Soufiane el Jamil : Moi aussi au quotidien c'est la première voix, c'est la voix D'Eloquence, donc... Je l'utilise surtout dans les menus quand je navigue sur Internet, mais quand je lance une lecture de haut en bas d'une page, ça se fait automatiquement, car j'ai paramétré mon lecteur d'écran comme ça... J'ai de la réactivité quand j'utilise mon ordinateur... Xavier de la Porte : Ah oui d'accord, vous avez des types de voix qui correspondent à des activités que vous avez face à l'ordinateur ? Soufiane el Jamil : Oui. Xavier de la Porte : Parce que je me disais en écoutant cette voix, je me disais, imaginons lancer la lecture... Soufiane el Jamil : C'est pas un montage [rire]. Xavier de la Porte : Oui. Imaginons lancer la lecture de "La Recherche Du Temps Perdu" avec cette voix-là, vous ne tenez pas trois pages ? Tanguy Lohéac : C'est sûr ! Soufiane el Jamil : C'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de respirations, le lecteur d'écran va se mettre à parler de plus en plus gravement... Xavier de la Porte : [rire]. Soufiane el Jamil : ...Jusqu'à ce qu'il rencontre une ponctuation pour qu'il puisse respirer, parce que lui aussi... Faut savoir que le lecteur d'écran respecte assez bien les virgules, les points, les points d'interrogations, les points d'exclamations... Ben, les guillemets pas tellement, parce que c'est pas évident à faire, mais c'est vrai que le lecteur respecte pas mal la ponctuation. Tanguy Lohéac : Oui mais... Xavier de la Porte : Tanguy Lohéac. Tanguy Lohéac : Sur des textes aussi longs comme çà, il est capable de s'essoufler aussi. Xavier de la Porte : Ah oui ? Soufiane el Jamil : Oui voilà. Tanguy Lohéac : Une sorte d'essouflement qui se fait. Xavier de la Porte: Ah c'est intéressant. Soufiane el Jamil : On a une voix de plus en plus grave... Xavier de la Porte : Mais en même temps, c'est assez beau qu'il s'essoufle, enfin.C'est normal pour le coup. Soufiane el Jamil : Oui oui, ça lui donne un p'tit, on peut pas dire un petit côté humain, mais presque. Xavier de la Porte: Soufiane, vous aviez dit rapidement comme ça, qu'une voix pouvait coûter 500 euros. Ça pose quand même le problème de l'accessibilité en terme de prix, de tout ça. Voilà, vous devez vous fournir la machine comme tout le monde, mais après vous avez les voix, les lecteurs d'écrans. Combien ça... Enfin, c'est peut-être difficile à quantifier. À combien vous estimeriez le prix d'un équipement qui vous va, Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Alors... Aujourd'hui, le lecteur d'écran que l'on a entendu coûte environ 1500 euros. Xavier de la Porte : Ah... Soufiane el Jamil : Oui... Tanguy Lohéac : Entre 1500 et 2000 euros en fonction de la version de Windows que l'on a. Il existe un équivalent, enfin, "presque équivalent" en logiciel libre, mais qui n'est pas complétement à la hauteur, qui est très bien pour un usage domestique, j'allais dire. Par contre, pour un usage professionnel, on est obligé d'utiliser ce lecteur d'écran qui s'appelle JAWS et, voilà, qui coûte... Xavier de la Porte : Sympa JAWS, pourquoi il s'appelle JAWS, comme "Les Dents de la Mer" [rire]. Tanguy Lohéac : Comme "Les Dents de la Mer", oui. En fait, c'est un acronyme Anglais qui est "Job Access With Speech", c'est un jeu de mot. Xavier de la Porte : Donc, ça coûte très cher, et j'imagine que c'est pas du tout remboursé, tout ça ? Tanguy Lohéac : Non. Enfin, ça peut être pris en charge par... Xavier de la Porte : ...Par votre boîte ? Tanguy Lohéac : ...Par certains organismes... Non non, il y a un mécanisme de prise en charge, mais qui est de plus en plus restreint. Xavier de la Porte : D'accord. Donc si je... Soufiane el Jamil : La MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) qui le prend en charge je crois à hauteur de 75%, il me semble. Xavier de la Porte : Ah oui, mais enfin, si je résume cette question d'accessibilité dont on a vraiment effleuré les problèmes, ça veut dire, il y a deux choses identifiées, c'est à la fois la responsabilité des fabricants de sites et des concepteurs de sites.Donc, ça c'est une chose.Et deuxièmement aussi la question du prix de l'accessibilité. C'est vraiment pas donné à tout le monde. Soufiane el Jamil : Non, mais... L'accessibilité coûte très cher, que ce soit l'accessibilité de la voirie, l'accessibilité des logiciels, l'accessibilité des logements, aussi.Parce qu'il n'y a pas que... il n'y pas que les personnes déficientes visuelles qui ont des besoins d'accessibilité.Il y a aussi les handicapés moteurs, les personnes déficientes mentales... Il y a tout un panel d'handicaps... Tanguy Lohéac: Les personnes malentendantes, dont il faut tenir compte quand on veut sous-titrer une vidéo, par exemple. Xavier de la Porte : Ah oui, c'est sûr. Tanguy Lohéac : Alors aujourd'hui le coût d'une vidéo tend à baisser parce que la télévision commence à le faire.Mais jusqu'ici, ça coûtait très cher de faire sous-titrer une vidéo. Xavier de la Porte : Bon, on va poursuivre l'un et l'autre cette conversation en continuant sur ces questions d'accessibilité, mais en les posant peut-être un petit peu différemment.Mais tout de suite, la lecture de la semaine. [Jingle radio] sur une base audio de la bande originale de James Bond : "Goldfinger". Musique "electro"] Xavier de la Porte : Vous écoutez donc "Skyfall" remixé, vous écoutez aussi France Culture et Place de la Toile, le magazine des cultures numériques. Nous parlons aujourd'hui des aveugles face au numérique avec Tanguy Lohéac et Soufiane el Jamil qui sont tous les deux donc aveugles, blogueurs et tout simplement usagers des nouvelles technologies. Dernière partie donc de notre discussion. Alors, évidemment, il y a toujours une question que l'on vous pose j'imagine perpétuellement, et je ne sais pas si vous avez une réponse à cette question qui est tout simplement la question de la représentation que vous vous faites de ce face à quoi vous êtes. Il y a de multiples représentations de l'Internet, qui sont souvent des représentations en termes géographiques, d'espaces, de paysages, etc. On a une image mentale, alors forcément ça va être le cerveau, ou des choses comme ça. Quelle est votre image mentale d'Internet l'un et l'autre ? Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Alors évidemment elle passe d'abord par la restitution qu'en fait la voix, donc c'est une sorte d'empilement de textes si on veut. Ça commence à changer un peu aujourd'hui avec certains objets un peu plus complexes.Mais en tout cas jusque-là c'est un enchaînement de titres, de liens, de textes, éventuellement d'un petit Flash au milieu qu'on peut pas activer, de cadres publicitaires. Voilà c'est un petit peu comme une pile d'assiettes que vous verriez défiler de haut en bas. Xavier de la Porte : Soufiane el Jamil, c'est aussi l'empilement, votre image mentale d'Internet ? Soufiane el Jamil : Non moi c'est un petit peu différent. Je vois ça comme un cadre photo sur lequel on a mis une feuille blanche.Et cette feuille blanche est constamment réécrite... C'est mon image mentale à moi, mais après... [rire] Xavier de la Porte : D'accord. Mais est-ce que, bon, vous avez un usage des réseaux qui est un usage professionnel, qui est un usage social, qui est un usage informatif... Est-ce qu'il y a du plaisir dans la navigation ?Parce que ce que vous nous avez fait entendre tout à l'heure, voilà, pour moi qui ne suis pas habitué à ça, pour moi, il y a un côté pénible... Est-ce que l'un et l'autre vous avez du plaisir, par exemple, à une sorte de navigation, à surfer, à se laisser aller, Soufiane el Jamil ? Soufiane el Jamil: Bah ça dépend.Ça dépend de ce qu'il y a sur l'écran.Ah si c'est un truc qui me plait, oui, je vais avoir du plaisir; si c'est pour aller consulter mon compte et me rendre compte qu'il n'est pas positif... Xavier de la Porte : (rires) Bonne réponse. Soufiane el Jamil : C'est pas vraiment la technologie qui fait la chose, mais c'est plus le contexte dans lequel je vais l'utiliser. Xavier de la Porte : Oui, vous diriez la même chose, Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Oui, c'est vrai que ça m'est arrivé d'avoir du plaisir à me laisser embarquer par Internet. Xavier de la Porte : Par exemple ? Tanguy Lohéac : Je me souviens très bien d'avoir passé un après-midi entier sur YouTube à aller cliquer de proposition en proposition alors que je cherchais quelquechose de très précis au départ.Je m'étais dit, bon voilà, je prends 5 minutes pour faire ça et j'ai laissé passer l'après-midi. Xavier de la Porte : Et vous saviez ce que vous cherchiez ? Tanguy Lohéac : Non, absolument pas [rires]. Xavier de la Porte : Vous ne voulez pas nous le dire ? Tanguy Lohéac : Non non non non, c'est.... Xavier de la Porte : C'est Jennifer Lopez ? [rires] Tanguy Lohéac : C'est vraiment ça, sinon, c'est vrai que pour l'instant c'est plutôt utilitariste ou utilitaire comme utilisation. Xavier de la Porte : Est-ce que ça peut créer de l'angoisse ? Est-ce qu'il y a des moments d'angoisse dans la perte ? Je sais pas un moment où on bute sur quelque chose, Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : L'angoisse, non, je dirais pas ça.Par contre de l'énervement, ça c'est quasiment au quotidien. Soufiane el Jamil : Il y en a beaucoup. Xavier de la Porte : À quelles occasions vous vous énervez ? Tanguy Lohéac : Eh bien pas plus tard que la semaine dernière, je devais valider un formulaire d'assurance ou je ne sais plus quoi, et impossible de trouver le bouton "valider", alors que tout le reste du processus, j'ai pu le remplir, j'ai pu remplir le formulaire correctement.Et par contre arrivé à la fin, j'étais incapable... Enfin, le lecteur d'écran était incapable de trouver ce bouton "valider". Xavier de la Porte : Alors qu'est-ce que vous avez fait ? Tanguy Lohéac: Ah bien j'ai dû faire appel à quelqu'un en sachant que là, c'est un truc d'assurance.C'est pas très très grave.Mais si ça avait été mon compte bancaire c'était plus personnel.Mais même, c'est le fait de ne pas avoir ... enfin c'est le fait d'être dépendant de quelqu'un pour le faire qui m'a mis en colère. Xavier de la Porte : Et Soufiane el Jamil énervement aussi régulier, récurrent ? Soufiane el Jamil : Oui, ça m'arrive.Il y a quelque mois j'étais en train de faire mes courses sur un site web - faire des courses ça prend au moins trois heures, parce qu'il y a beaucoup de choses à acheter, et faut aussi voir la description de ce qu'on achète - et à la fin je n'arrivais plus à valider mon panier. Xavier de la Porte : Ah oui... Soufiane el Jamil : Vraiment du temps perdu pour rien. Après j'ai dû le refaire sur un autre site, mais le lendemain, parce que j'étais tellement saturé que... Xavier de la Porte : Ah ouais, et du coup, l'un et l'autre, quel serait votre rêve d'innovation ? Qu'est-ce qui vous semblerait l'outil non existant, ou en train d'être ébauché, dont vous avez entendu parler et qui serait celui dont vous rêveriez ? Tanguy Lohéac ? Tanguy Lohéac : Pour moi, le rêve qui commence à s'ébaucher c'est la dimension tactile D'internet, enfin du numérique précisément. Xavier de la Porte : Et comment ça marche ? Tanguy Lohéac : C'est-à-dire que jusque là on a soit la voix, soit le Braille, qui est déjà une approche tactile.Mais l'arrivée des smartphones et des tablettes, pour moi, ouvre vraiment une dimension incroyable parce que... C'est comme si on... C'est comme l'apparition de la 2D pour nous. Xavier de la Porte : Ah oui, c'est la perspective ? Tanguy Lohéac : Exactement. Xavier de la Porte : Comment ça marche ? c'est-à-dire que vous passez le doigt sur l'écran, et quoi ? Il y a un mouvement ? Tanguy Lohéac : Et la voix vous dit ce que vous touchez.Ou même sur d'autres smartphones vous avez une vibration qui agit.Donc vous avez la combinaison de la voix plus la vibration. Mais j'aimerais bien un jour qu'il y ait un écran qui donne du relief aussi. Xavier de la Porte : Un écran qui donne du relief ? Tanguy Lohéac: Qui fasse une représentation, même schématique, de ce qui apparaît sur l'écran. Soufiane el Jamil : Pour les cartes graphiques ça serait le top. Xavier de la Porte : Ah oui pour les cartes, bien sûr. Et vous, ça serait aussi le même rêve, Soufiane el Jamil ? Soufiane el Jamil : Non, moi se serais surtout du coté des GPS, que je trouve assez imprécis pour le moment.Et j'aimerais que ça soit précis, mais vraiment au centimètre près.Ça m'éviterait de maudire aussi d'autres personnes, à la fois de personnes, à la fois du GPS. Xavier de la Porte: Ah c'est à dire que le GPS vous permettrait de voir arriver quelqu'un en face de vous c'est ça ? Soufiane el Jamil : Non c'est à dire que quand il me guide, il me guide au mètre près et dit "vous êtes arrivé", et pas 20 mètres devant la porte. Xavier de la Porte : En ce moment, le GPS il fait ça c'est-à-dire qu'il vous guide à 20 mètres près.C'est pas... Tanguy Lohéac : On peut se faire inviter chez quelqu'un d'autre comme ça non ? [rire] Xavier de la Porte : Je comprends pas. Ah vous vous trompez de porte, c'est ça ? Soufiane el Jamil : Voilà. [rire] Xavier de la Porte : L'idée ce serait d'introduire la sérendipité à l'intérieur de l'espace physique ? Ah c'est assez beau comme idée. Bon, merci beaucoup, merci beaucoup à tous les deux ! On n'a fait que ébaucher certains problèmes, on aurait pu évidemment rentrer beaucoup plus dans le cœur mais sur la page de Place de la Toile, on va faire référence à vos blogs réciproques, puis évidemment à tout ce qui est autour de ça. Merci beaucoup à tous les deux, Tanguy Lohéac, et Soufiane el Jamil. La semaine prochaine dans Place de la Toile, on fera une émission en écho au forum qui se tiendra en Avignon sur la culture, et son économie en grande partie. Le thème du forum cette année, c'est : "les raisons d'espérer". Alors nous on en ajoutera trois à celles qui seront données à Avignon, d'abord "les internautes écrivent", "la musique se libère" et "les jeux vidéos ne rendent pas stupide". Ce sera samedi prochain, 18h10 dans Place de la Toile, donc Thibauly Heneton, Xavier de la Porte. À la technique c'était Ariane Herbé assistée d'Anicet Amstoy, réalisation anna-maël Brouard. Tout de suite : "Ligne de fuite", la chronique d'Edwy Plenel. à tout de suite, bonne soirée, bonne semaine.