« Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31, 33)
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« Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31, 33)
Récollection diocésaine Dimanche 22 mars 2015 « Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31, 33) Chers amis, Cette parole de Dieu dans le livre de Jérémie, « Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31, 33), sert de titre à notre journée de récollection diocésaine, une récollection placée entre deux Synodes sur la famille et au cœur de l’Année de la vie consacrée. Pour nous aider à méditer cette parole, je vous propose un petit cheminement en quatre étapes. 1. D’abord, si vous le voulez bien, concentrons notre regard sur Jérémie. Jérémie est né sans doute vers 645, aux environs immédiats de Jérusalem. Il fut appelé à prophétiser en 626. Environ quarante ans plus tard, c’était la fin de la monarchie d’Israël, Jérusalem ayant été conquise par Nabuchodonosor, roi de Babylone. Jérémie n’y survivra pas et mourut sans doute quelques temps après en Égypte, où il avait été emmené de force par des Juifs préférant fuir après l’assassinat de Godolias que Nabuchodonosor avait établi comme gouverneur. Jérémie a donc prêché la Parole de Dieu pendant près de quarante ans. Quarante ans de dévouement entier à cette Parole. Quarante ans d’interpellations, souvent mal comprises, et de lamentations, souvent mal interprétées, qui lui vaudront bien des soucis et des misères car de son vivant et à vues humaines, il n’a récolté que l’échec. Mais Jérémie, fidèle à cette Parole telle « une place forte, un pilier de fer, un rempart de bronze face au pays tout entier » (Jr 1, 18), avait conscience du fait que c’était finalement toute sa vie qui avait été placée entre les mains du Seigneur : « Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu ne sortes de son ventre, je t’ai consacré », lui avait dit le Seigneur (Jr 1, 5). Au début, cela commençait plutôt bien : le roi Josias était un croyant fervent, un homme d’une grande foi et Jérémie exprima très tôt l’attente d’une réunification, grâce à Josias, des deux royaumes qui s’étaient séparés au temps du roi Jéroboam en 931, après les belles heures des premiers rois, David puis Salomon. Les tribus du Nord (« royaume d’Israël ») avaient fait sécession, prenant pour capitale la ville de Samarie et en 722, ce petit royaume avait été absorbé par les Assyriens de Ninive, l’une des grandes puissances de l’époque. Mais Josias avait commencé, à partir du royaume du Sud (capitale : Jérusalem, « royaume de Juda ») à reconquérir quelques territoires et l’on pouvait croire que bientôt, l’unité pourrait s’esquisser de nouveau, comme au temps de David (cf. Jr 3, 6-13 ; 31, 15-22). Surtout, on pouvait espérer un sursaut de foi dans le peuple, après des rois peu valeureux et peu croyants qui avaient même ouvertement favorisé un véritable syncrétisme religieux. Même dans le Temple on pouvait voir des statuettes d’idoles. Puis en 621, cinq ans après l’appel de Jérémie, on découvrit dans un des débarras du Temple le livre du Deutéronome (II R 22). Josias redoubla alors d’efforts pour restaurer le culte, renouveler l’alliance, célébrer la Pâque. Mais en 609, c’est « la grosse catastrophe », comme on dit à Marseille : Josias est tué au combat à Megiddo (II Ch 36, 20-25), alors qu’il essayait de barrer la route au pharaon Néchao II. Lui qui avait remis en vigueur la Loi de Moïse (cf. II R 22), lui qui avait secoué la foi d’Israël, lui qui avait ré-appris à son peuple à vivre l’alliance que le Seigneur avait conclue avec Moïse, lui dont on pensait que Dieu veillait sur lui, voilà qu’il meurt bêtement, 1 prématurément, plongeant le peuple dans le désarroi et le malheur, démentant toutes les espérances. Comme si la Loi ne protégeait pas ceux qui se fient en elle ! Comme si le Dieu de l’Alliance, en laissant mourir le juste, était en train d’abandonner son peuple ! Et le malheur tant redouté arriva quelques années plus tard : en 587, Jérusalem fut prise après un long siège (janvier 587 - juillet 586) ; le dernier roi, Sédécias, fut assassiné et le peuple fut déporté à Babylone, dispersé dans ce grand empire, où il resta en exil jusqu’en 538, lorsque l’édit de Cyrus, roi de Perse, l’autorisa à revenir. Toute la prédication de Jérémie est donc aux prises avec cette redoutable question : d’où vient que, malgré l’Alliance, il y ait le malheur ? Le nom de Jérémie est d’ailleurs tellement lié à cette réalité du malheur et de la plainte qu’on appelle encore aujourd’hui « jérémiades » les paroles de ceux qui se plaignent trop ! Mais les questions de Jérémie ne sont pas des jérémiades ; elles sont très sérieuses et nous concernent tous : comment se fait-il que Dieu délaisse ou châtie ainsi son peuple avec qui il a pourtant passé une alliance ? Quelle est donc cette alliance qui ne protège pas ? Comment comprendre ce que veut le Seigneur ? 2. La mort de Josias a servi de leçon à Jérémie. Elle lui a montré que le juste peut mourir injustement. Et elle lui a fait comprendre que cela ne sert à rien de prétendre s’abriter derrière la promesse divine comme si elle était une assurance tous risques, si dans la vie courante, on méprise la Loi de Dieu. Cela, Jérémie le voit quotidiennement quand il monte au Temple. Comme Osée avant lui, il est sensible aux malfaçons et aux incohérences religieuses de son peuple. Et c’est Jérémie qui, bien avant Jésus (comme on l’a lu au troisième dimanche de notre Carême), s’était insurgé contre ces gens qui pensaient qu’il leur suffisait de venir faire de temps en temps leur petites offrandes et leurs petits sacrifices au Temple de Jérusalem et que le reste du temps, ils pouvaient mépriser les commandements du Seigneur. Bien avant Jésus, Jérémie avait dit : « De même que Dieu n’a pas hésité à détruire le sanctuaire de Silo, qui, avant le Temple, du temps de Samuel, était le lieu sacré où les tribus se réunissaient, de même Dieu n’hésitera pas à détruire ce Temple si vous continuez à vous détourner de sa Loi » (cf. Jr 26 et 28). Le Temple ne vous protège pas, ni même vos petits sacrifices, si vous ne pratiquez pas la Loi en ayant souci de la veuve et de l’orphelin, en vivant l’aumône et le partage, en recherchant la justice, en priant sincèrement, en vous convertissant. C’est Dieu seul qui sauve, et non pas votre Temple ni votre religion. C’est la raison pour laquelle, aux yeux de Jérémie, le centre de gravité d’Israël n’est désormais plus à Jérusalem, mais en Exil, là où se prépare le peuple de l’avenir (Jr 24). C’est en ce sens qu’il écrit aux déportés en les invitant à se marier, à avoir des enfants, à contribuer à la prospérité du pays où ils se trouvent : Ainsi parle Yahvé Sabaot, le Dieu d’Israël, à tous les captifs déportés de Jérusalem à Babylone. Bâtissez des maisons et installez-vous ; plantez des jardins et mangez leurs fruits ; prenez femme et procréez des fils et des filles ; choisissez des épouses pour vos fils, donnez vos filles à des hommes et qu’elles enfantent des fils et des filles ; multipliez là-bas ; ne diminuez pas ! Recherchez le bien du pays où je vous ai déportés ; priez Yahvé en sa faveur. Car ainsi parle Yahvé : c’est seulement quand seront à terme les soixante-dix ans accordés à Babylone que je vous visiterai et que j’exécuterai ma promesse de vous ramener ici (Jr 29, 4-10)). À cause de cette prédication « décoiffante », Jérémie fut toute sa vie un prophète souffrant et rejeté. Deux fois il fut incarcéré. Souvent, il fut rejeté, malmené, menacé. Il alla même jusqu’à regretter d’être né : « Malheur, ma mère, que tu m’aies enfanté ! » (Jr 15, 10). Mais c’est aux moments les plus tragiques de sa vie qu’il a prononcé ses plus belles prophéties de bonheur (Jr 31, 23s ; 32 ; 33), en particulier celle sur la Nouvelle Alliance (Jr 31, 31-34), que nous avons entendue tout à l’heure. De ce fait, sa place dans l’histoire du salut est capitale, tout aussi importante que celle de Moïse. L’un et l’autre sont d’ailleurs très proches : Moïse, 2 qui avait accompagné le peuple jusqu’à la Terre promise, lui avait annoncé qu’un jour il la perdrait parce qu’il ne serait plus fidèle à l’alliance (Dt 31, 14-29) ; plus tard, Jérémie, ayant fait la même annonce, fut le témoin de cette perte et de la déportation. Et de même que Dieu avait appelé Moïse pour qu’il conduise le peuple pendant son exode au désert et jusqu’à ce que soit scellé au Sinaï l’Alliance par le don de la Loi, ainsi Dieu appela-t-il Jérémie pour qu’il prépare le peuple à vivre son exil à Babylone et se dispose à recevoir une nouvelle Alliance, dont Jérémie précise qu’elle ne sera « pas comme » celle du Sinaï (Jr 31, 31-32). Quelle est donc cette nouvelle alliance que Jérémie s’est senti l’audace d’annoncer ? Et d’abord que veut dire « nouvelle alliance » ? Est-ce qu’après le Sinaï, Dieu ferait une autre alliance ? Cela paraît inconcevable. En réalité, ce n’est pas une alliance « autre », mais c’est une alliance « autrement plus profonde ». Écoutons à nouveau le texte : Voici venir des jours, oracle du Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. Non pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte. Cette alliance mienne, c’est eux qui l’ont rompue […]. Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël […] : je mettrai ma Loi au fond d’eux-mêmes et je l’écrirai sur leurs cœurs (Jr 31, 31-33). Jérémie a donc perçu le besoin d’un renouvellement et d’une intériorisation de l’Alliance, que reprendront après lui Ézéchiel, et Isaïe (deuxième partie). Dans sa souffrance au fil des années, Jérémie avait bien mesuré l’impuissance de l’homme qui voudrait sortir du péché par ses propres forces. Il ironise même à ce propos : « une panthère peut-elle changer de pelage ? » (Jr 13, 23). Il fulmine quand il voit le péché de son peuple et s’exclame : « [c’est] avec une pointe de diamant, avec un burin de fer », que l’iniquité « est gravée sur la table de leur cœur » (Jr 17, 1). C’est donc l’observation de la radicalité du mal dont souffre le peuple qui donne à Jérémie, de la part de Dieu, l’audace d’annoncer une nouvelle alliance. Cette alliance est nouvelle non pas parce qu’elle est différente, mais parce qu’elle vient toucher l’homme dans son intériorité. Là où était gravé le péché (Jr 17), là sera gravée la Loi de Dieu (Jr 31). Tant qu’elle n’était gravée que sur des pierres, elle avait du mal à pénétrer jusqu’au cœur. Mais avec cette nouvelle alliance, le cœur de pierre, passé au crible de l’exil, pourra redevenir un cœur de chair, touché en profondeur par l’amour de son Dieu qui veut faire alliance avec lui. 3. Comment ne pas se souvenir ici, chers amis, de cet épisode où Jésus, montant au Temple pour la Pâque, fait les mêmes observations que Jérémie : vous avez transformé la maison de mon Père en maison de commerce (cf. Jn 2, 16) ! Continuez ainsi et vous finirez par le détruire, ce Temple, à force de le considérer comme un édifice plus ou moins magique qui vous mettrait à l’abri de la colère de Dieu et vous dispenserait d’accomplir vraiment les exigences de la Loi ! Détruisez-le, mais moi, en trois jours, je le relèverai, avait dit Jésus devant des Juifs de plus en plus sceptiques et menaçants ! Et saint Jean, qui emploie pour dire « relever » le Temple, le même verbe (egeiren) qu’il emploiera pour dire que Jésus s’est « relevé » d’entre les morts, nous dit : « Mais lui parlait du Temple de son corps. Quand donc il se fut relevé d’entre les morts, les disciples se sont souvenu qu’il avait dit cela » (Jn 2, 2122). Et nous comprenons ainsi que le corps livré et le sang versé du Fils de Dieu fait homme ont scellé, pour nous et pour la multitude, l’alliance nouvelle et éternelle de Dieu avec l’humanité toute entière. C’est bien ce dont nous faisons mémoire à chacune de nos eucharisties. De cette alliance qui vient du Père, frères et sœurs, les disciples de Jésus, rassemblés en Église par l’Esprit Saint sont, de génération en génération, les témoins et les serviteurs. Cette alliance nouvelle et éternelle n’est pas autre que celle établie au temps de Moïse et au temps de Jérémie, car il s’agit de la même Promesse faite par Dieu à Abraham, le 3 père des croyants, en qui Dieu avait promis de bénir toutes les nations de la terre (Gn 12, 3). Elle n’est pas autre et les alliances précédentes ne sont pas rendues caduques, comme saint Paul le disait aux Romains et comme nous l’a vivement rappelé saint Jean-Paul II (cf. discours de Mayence le 12 mars 1979), car « les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29). Ne l’oublions pas aujourd’hui dans nos relations avec le peuple juif ! Elle n’est pas autre, cette alliance scellée en Jésus-Christ, mais elle a deux caractéristiques nouvelles : d’une part, Dieu lui-même en a payé le prix, la scellant par le sang de son Fils, comme nous le rappellera ce soir, à l’eucharistie, la lecture de l’Épître aux Hébreux ; d’autre part, elle est ouverte à tous les peuples et pas seulement au peuple juif, car les païens, comme le dira fortement saint Paul, ont part au même héritage. Dans l’Évangile que nous liront ce soir à l’eucharistie, nous verrons que quelques Grecs, nous dit saint Jean, cherchaient à voir Jésus. Ils s’adressent aux deux seuls apôtres de Jésus qui portent un prénom d’origine grecque : Philippe et André. Et l’on se souvient que, chez Jean, André était le premier à avoir abordé Jésus, en demandant : « Maître, où demeurestu ? » (Jn 1, 38). Maintenant, ce sont des Grecs qui, par l’intermédiaire de Philippe et d’André, veulent voir où est Jésus. Et vous remarquerez que le texte ne nous dit pas qu’ils parviennent à le voir ni à le rencontrer. On ne parle même plus de ces Grecs aorès les premières lignes du texte. Mais ce qui se passe, ce que dit Jésus à ses disciples, semble nous donner la réponse à leur question et, de plus loin, une réponse aux questions qui avaient tourmenté Jérémie. En effet, Jésus dit : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui s’attache à sa propre vie la perd ; et celui qui ne s’attache pas à sa propre vie en ce monde la maintiendra en vie éternelle. Si quelqu’un vient à me servir, qu’il me suive, et où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un vient à me servir, mon Père l’honorera » (Jn 12, 24-26). Et un peu plus loin : « Moi, quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12, 32). Toi aussi, comme les Grecs de l’Évangile, tu cherches où est Jésus ? Mets-toi en marche à sa suite. Contemple-le sur la Croix. Pour le suivre, ne compte pas sur tes propres forces : c’est de lui et de lui seul que vient ton salut et la grâce dont tu as besoin, jour après jour, sur ton chemin. Mais toi, dépouille-toi de tout ce qui t’encombre. Fais de la place dans ton cœur et dans ta vie, pour l’accueillir, lui et ceux dont il a fait ses frères, les plus pauvres en priorité. Plus encore que de graver en ton cœur la Loi, comme Dieu l’avait dit à Jérémie, il veut maintenant faire chez toi sa demeure : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure » (Jn 14, 23). Toi aussi, comme les Grecs de l’Évangile, tu cherches Jésus ? Souviens-toi qu’aux disciples qui lui demandaient : « Maître, où demeures-tu ? », Jésus avait peu à peu fait comprendre que sa demeure n’était pas un lieu mais une relation, la relation avec son Père, dans laquelle il veut nous faire entrer. Maintenant tu comprends : l’alliance nouvelle en Jésus veut graver en nos cœurs non pas le texte de la Loi, déjà plus percutant s’il est en nos cœurs que s’il reste lettre morte sur des tables de pierre, mais une relation filiale, un amour qui vient de Dieu et veut habiter en nous pour dilater notre cœur aux dimensions du monde. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son propre Fils » (Jn 3, 16) ; « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12, 32). Regarde comment le Verbe s’est fait frère de tous, surtout des plus faibles et des plus exclus, et tu sauras pourquoi il a payé le prix du sang. Regarde les choix qu’il a posés tout au long de sa vie et tu comprendras mieux quels choix il te faut toi aussi essayer de poser aujourd’hui. Et c’est là, finalement, quand il sera élevé sur la Croix comme sur un trône de gloire, que les Grecs qui le cherchaient pourront le voir. Mais pour qu’il soit « élevé de terre » pour attirer à lui tous les hommes, il a fallu que, comme le grain de blé, il « tombe en terre », qu’il 4 meure pour donner du fruit. La nouvelle alliance n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est un chemin de croix et de confiance, un chemin de vie et d’abandon, un chemin de joie et d’espérance. 4. Chers amis, cette récollection diocésaine est une belle occasion pour nous de faire le point notre disponibilité à l’alliance que Dieu nous propose. Cette alliance, nous le savons bien, n’est pas du prêt à porter : elle s’adresse à chacun, sur mesure, le prenant comme il est pour le conduire plus loin que là où il pensait pouvoir aller. Dieu a pour nous des projets de bonheur et non de malheur, comme l’écrivait jadis Jérémie, de la part de Dieu, à ceux qui étaient exilés à Babylone : « Je sais, moi, le dessein que je forme pour vous – oracle du Seigneur – dessein de paix et non de malheur, qui vous réserve un avenir plein d’espérance. Alors, quand vous m’invoquerez et que vous viendrez m’adresser vos prières, je vous écouterai. Quand vous me chercherez, vous me trouverez pour m’avoir cherché de tout votre cœur » (Jr 29, 11-13). À nous aussi ce matin il est proposé de chercher Dieu « de tout notre cœur ». Dans notre Église, ceux qui ont consacré leur vie au Seigneur ne sont pas les meilleurs d’entre nous, ça se saurait, mais ils sont des veilleurs parmi nous, et ça se respecte ! Comme Jérémie le faisait pour son peuple, ils veillent sur la qualité de la réponse de notre Église à l’appel de Dieu. Ils ne doivent pas craindre de nous interpeller, lorsque nous risquons de nous abriter derrière nos petites habitudes religieuses et que nous délaissons ainsi les exigences concrètes de la foi ; lorsque nous nous contentons de monter de temps en temps mettre un cierge à la Bonne Mère et que quand nous redescendons, nous continuons à mener une vie de païens ! La Promesse dont l’Alliance est le signe est un appel à la conversion. Profitons donc de cette journée pour poser un regard de simplicité et de vérité sur la pauvreté de nos vies. « Ô Dieu, crée en moi un cœur pur […] ne me repousse pas loin de ta face, ne retire pas de moi ton esprit saint » (Ps 51, 12-13). Oui nous sommes pauvres : pauvres de tout ce que nous n’avons pas accueilli, pauvres des gestes qui se sont perdus dans l’indifférence, pauvres des personnes que nous n’avons pas consolées, des oubliés du chemin que notre regard a ignorés. Nous sommes pauvres à force de retenir sans fin notre vie, de nous crisper sur nous-mêmes, alors que nous sommes appelés à nous ouvrir, à nous épanouir dans une relation filiale avec Dieu et fraternelle avec les autres. Il nous faut donc apprendre patiemment à démêler l’écheveau de notre péché pour redécouvrir avec joie l’inlassable confiance que Dieu nous fait à cause de son Alliance. « Retourne-nous vers toi Seigneur et nous nous convertirons » (Lm 5, 21). Profitons de cette journée pour vivre cette rencontre, exigeante et joyeuse à la fois, entre le cœur dépossédé du pécheur et les mains bénissantes de Dieu.1 Le 12 avril prochain, dimanche de la Miséricorde, le pape déclarera « docteur de l’Église » saint Grégoire de Narek, ce grand mystique arménien du Xe siècle, qui dans son Livre des prières écrivait ces lignes qui peuvent nous encourager sur le chemin de la conversion : Ô Christ, je n'ai pas d'autre roi qui règne sur moi que toi. Ô bonté ineffable, tu es toujours vaincu par la compassion, dominé par la miséricorde ; tu es contraint par ton amour, forcé par ta bonté, obligé par ta douceur. Tu me supplies de revenir à toi, et tu ne te lasses pas ; tu cours derrière moi qui suis obstiné, et tu ne t'arrêtes pas ; tu m'appelles, moi qui fais le sourd, et tu ne t'emportes pas ; tu t'inquiètes quand je me relâche, et tu ne cesses pas ! Avec moi, méchant, tu es bon ; avec moi, coupable, tu es indulgent ; avec moi, pécheur, tu es expiateur ; avec moi, ténèbres, tu es lumière ; avec moi qui suis mort, tu es Vie ! 1 Cf. Nathalie NABERT, Liturgie intérieure, Genève, Ad Solem, 2004, p. 24. 5 Que la miséricorde, ce baume du pardon sur les blessures du péché, entretienne en nos cœurs la lumière de la Résurrection et la vigilante espérance de la Vie. Car elle est bien vraie, la parole de Dieu transmise par Jérémie : « Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. » + Jean-Marc Aveline 6