25 octobre 2009 - Alternatives Economiques

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25 octobre 2009 - Alternatives Economiques
Le 25 octobre 2009
Chers Collègues,
A voir cette semaine, sur France 3, une série de deux émissions consacrées au travail :
"La mise à mort du travail" les lundi 26 octobre à 20 h 35 et le mercredi 28 octobre à 23
heures.
Résumé de la 1ère partie : "Dans un monde où l’économie n’est plus au service de l’homme
mais l’homme au service de l’économie, les objectifs de productivité et les méthodes de
management poussent les salariés jusqu’au bout de leurs limites. Jamais maladies, accidents
du travail, souffrances physiques et psychologiques n’ont atteint un tel niveau. Les histoires
d’hommes et de femmes que nous rencontrons chez les psychologues ou les médecins du
travail, à l’Inspection du Travail ou au conseil de prud’hommes nous révèlent combien il est
urgent de repenser l’organisation du travail."
•
Textes de loi
Décret n° 2009-1272 du 21 octobre 2009 relatif à l'accessibilité des lieux de travail
aux travailleurs handicapés
Ce décret modifie un certain nombre d'articles du Code du travail (articles R. 4214-26 à
28 pour permettre l'accès de tous les lieux de travail – ce qui étend les possibilités par
rapport à l'ancien article - aux travailleurs handicapés comme le stipule la nouvelle
rédaction de l'art. R. 4214-26 : " Les lieux de travail, y compris les locaux annexes,
aménagés dans un bâtiment neuf ou dans la partie neuve d'un bâtiment existant sont
accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur type de handicap.
« Les lieux de travail sont considérés comme accessibles aux personnes handicapées
lorsque celles-ci peuvent accéder à ces lieux, y circuler, les évacuer, se repérer,
communiquer, avec la plus grande autonomie possible.
« Les lieux de travail sont conçus de manière à permettre l'adaptation des postes de
travail aux personnes handicapées ou à rendre ultérieurement possible l'adaptation
des postes de travail."
Ce texte admet des dérogations sur décision du préfet "après avis de la commission
consultative départementale de sécurité et d'accessibilité, en cas d'impossibilité technique
résultant de l'environnement du bâtiment" (art. R. 4214-27).
Ce texte s'applique aux constructions qui seront réalisées au delà des six mois qui suivront
la parution du décret (art.4 du décret).
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021187284&date
Texte=&categorieLien=id
Décret n° 2009-1273 du 22 octobre 2009 autorisant la création d'un traitement de
données à caractère personnel relatif à la gestion et au suivi des vaccinations contre
la grippe A (H1N1)
Ce décret autorise la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés à créer
une base de données (conservable jusqu'en 2012) qui a pour objet :
1° L'organisation de la vaccination contre la grippe A (H1N1), et notamment l'édition de
lettres d'invitation et de bons de vaccination ;
2° La gestion et le suivi des vaccinations contre la grippe A (H1N1), la contribution à la
pharmacovigilance et la production de statistiques.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021187382&date
Texte=&categorieLien=id
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Jurisprudences
Voici quelques jurisprudences concernant la santé au travail publiées dans le n° 239
d'octobre 2009 du Lamy Social.
Refus d'un poste de travail non compatible avec l'avis du médecin du travail
Cet arrêt de la Cour de cassation – Cass. Soc. du 23 septembre 2009 n° 08-42.629, publié
au Bulletin – confirme l'importance de la prise en compte par l'employeur de l'avis du
médecin du travail.
En l'espèce, il s'agit d'une salariée qui au moment de sa visite de reprise, le 5 janvier 2004,
se voit remettre un avis d'aptitude indiquant : "apte à un travail à mi-temps en évitant le
poste de "réceptionneuse", un poste de triage étant préconisé". Le 15 janvier l'employeur
propose, dans un courrier adressé à la salariée et au médecin du travail, d'autres postes à
temps plein à la salariée. Postes que celle-ci refuse car les considérant comme
incompatibles avec l'avis du médecin du travail : elle refuse de signer un avenant à son
contrat et ne vient pas travailler. La salariée est licenciée.
Cette démarche de l'employeur s'effectue avant de recevoir la réponse du médecin du
travail qui, dans un courrier du 28 janvier, confirme l'inadéquation des postes proposés
avec l'état de santé de la salariée.
La Cour de cassation confirme la décision de licenciement sans cause réelle et sérieuse
prise par la cour d'appel et rejette le pourvoi de l'employeur car "le refus de la salariée de
reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du
travail ne constituait pas une faute."
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURIT
EXT000021080028&fastReqId=1611677171&fastPos=1
Refus du poste de reclassement par le salarié
Nous sommes dans ce cas – Cass. soc. du 23 septembre 2009, n° 08-42.525, aussi publié
au Bulletin – dans une situation très proche de celle du cas précédent.
Une salariée travaillant comme agent de trafic, suite à une absence d'environ deux ans,
passe les deux visites de la procédure d'inaptitude. Le médecin du travail émet un avis
d'inaptitude au poste d'agent de trafic mais à une possibilité de reclassement à un poste de
type hôtesse d'accueil. L'employeur propose à la salariée de reprendre un poste aux
caractéristiques proches de celles du poste précédemment occupé et faisant l'objet de
l'inaptitude. Elle est licenciée pour abandon de poste.
La Haute cour, dans la lignée de la cour d'appel, considère le licenciement dénué de cause
réelle et sérieuse avec cet attendu : " ayant relevé que la salariée avait contesté la
compatibilité du poste de reclassement proposé par l'employeur avec ses aptitudes
physiques, la cour d'appel a exactement retenu qu'il appartenait à celui ci de solliciter à
nouveau l'avis du médecin du travail sur cette compatibilité avant de tirer toute
conséquence d'un refus de ce poste, soit en formulant de nouvelles propositions de
reclassement, soit en procédant au licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité
de reclassement ; qu'ayant constaté que le licenciement était intervenu, non pas pour
inaptitude et impossibilité de reclassement, mais au motif d'un abandon du poste ainsi
proposé sans nouvelle saisine du médecin du travail, elle a légalement justifié sa
décision."
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURIT
EXT000021080037&fastReqId=1673520491&fastPos=1
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Nullité du licenciement du fait du motif invoqué dans la lettre de licenciement
Dans cet arrêt – Cass. soc. du 16 septembre 2009 n° 08-41.879, publié au Bulletin
d'information ainsi qu'au Bulletin - il s'agit d'un salarié qui a un accident de trajet le 22
janvier 1998 suivi d'un arrêt de travail. Il est licencié le 28 juillet 1999.
La lettre de licenciement indique : " A la suite de notre courrier du 06/07/99 vous
convoquant à un entretien auquel vous ne vous êtes pas rendu, nous avons le regret de
vous confirmer votre licenciement pour le motif suivant : vous êtes en arrêt maladie
depuis le 22/01/99, à ce jour vous ne pouvez toujours pas reprendre votre poste dans
l'entreprise, de plus l'AIMTRA nous a fait part de votre inaptitude à votre poste de travail
et nous n'avons pas la possibilité de vous proposer un reclassement dans notre
établissement. Cette situation entravant la bonne marche de notre entreprise, nous sommes
dans l'obligation de pourvoir à votre remplacement."
La cour d'appel refuse la nullité du licenciement au prétexte qu'il est justifié par l'absence
du salarié entravant la bonne marche de l'entreprise et entraînant la nécessité de son
remplacement. En revanche, elle lui accord l'indemnité compensatrice de préavis due dans
le cas d'une inaptitude suite à un accident de travail (article L. 1226-14 du Code du
travail).
La cour d'appel a, aux yeux de la Haute cour, tout faux ! En effet, la lettre de licenciement
faisant référence à l'arrêt maladie, la Cour de cassation estime que l'on se situe dans le
cadre de l'article L. 1132-1 (ancien L. 122-45) qui considère comme nulle toute sanction
prise en raison d'une discrimination, entre autres de l'état de santé.
Elle casse aussi le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis puisque l'on est dans
le cas d'un accident de trajet : celui-ci exclut la protection spécifique du salarié en cas
d'accident de travail (voir article L. 1226-7)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURIT
EXT000021054133&fastReqId=110594105&fastPos=1
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Risques professionnels
Exposition des personnels soignants aux risques professionnels
Publication au mois d'octobre 2009 du n° 41.4 de Premières synthèses de la Dares
(document joint) qui traite des expositions des personnels soignants aux risques
professionnels. Ces données sont issues du résultat de l'étude Sumer 2003.
Ces risques concernent 600 000 personnels soignants et 55 000 médecins répartis entre le
secteur public (75%) et privé incluant les hôpitaux privés participant au service public, les
PSPH (25%). Les horaires de travail sont beaucoup plus contraignants que dans le reste de
la population avec la moitié des agents ou salariés travaillant en équipe, contre 15% dans
le reste de la population et 39% travaillant de nuit (rappelons que le Circ a classé, en 2008,
le travail de nuit comme probablement cancérogène, 2A).
Le contact important avec le public qui concerne 95% des personnels du secteur est source
de tensions et peut aller jusqu'à l'agression verbale ou physique dont 41% se plaignent.
Les personnels soignants se plaignent aussi de pénibilités physiques aggravées par un
manque de moyens, un travail réalisé dans l'urgence et un personnel insuffisant.
L'exposition aux produits CMR concerne 15% des personnels soignants (vs 14% dans le
reste de la population) avec deux produits au premier plan : le formaldéhyde et les
cytostatiques pour lesquels il y a surexposition. Et 12% des personnels sont exposés aux
radiations ionisantes.
Le risque biologique concerne 91% des personnels soignants avec un risque d'accident
d'exposition au sang de 82% contre 6% pour l'ensemble des salariés.
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Reconnaissance de suicides comme accidents du travail
Le 7 octobre 2009, la CNAMTS a présenté, lors de la réunion de la Commission des
accidents du travail et des maladies professionnelles de la branche AT/MP, le bilan de la
reconnaissance des suicides comme AT pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin
2009.
Au cours de cette période, 72 cas de suicides ont fait l'objet d'une procédure de
reconnaissance d'AT.
La Commission a noté que 40 suicides sur 72 se sont déroulés sur le lieu de travail et que
les victimes sont en grande majorité des hommes (61 sur 72) âgés, pour la plupart, de 40 à
60 ans. La moitié de ces suicides concernent des salariés de catégorie socioprofessionnelle
supérieure et intermédiaire.
La reconnaissance d'accident du travail a été accordée pour 28 des 72 suicides.
Voici ce que précise l'Expansion du 9 octobre 2009 qui résume bien la problématique de
la reconnaissance du suicide : " Lorsqu'un suicide de salarié intervient sur le lieu de travail
ou en lien avec le travail, l'employeur est tenu de faire une déclaration auprès de la Cnam,
qui procède à une enquête, débouchant ou non sur une reconnaissance comme
accident du travail. Dans ce cas, la famille a droit à une rente, qui peut être
éventuellement abondée plus tard par des dommages et intérêts si l'employeur est
condamné pour "faute inexcusable" par un tribunal des affaires de Sécurité sociale
(Tass), une procédure souvent longue. Sur les 18 mois, les personnes suicidées ayant fait
l'objet d'une déclaration se répartissent à quasi-égalité entre un tiers de personnes très
qualifiées (dirigeants ou professions intellectuelles supérieures), un tiers de professions
intermédiaires, et un tiers de salariés peu qualifiés (ouvriers, conducteurs, manœuvres..)."
(http://www.lexpansion.com/economie/actualite-entreprise/moins-d-un-tiers-des-suicidesreconnus-comme-accidents-du-travail-en-18-mois_203351.html)
Un exemple est donné par cet article paru sur le site médical Egora (sous la signature
A.C.) le 19 octobre 2009 :
" Suicides au travail : Renault assigné en justice pour « faute inexcusable »
Plus de trois ans après le suicide d´Antonio B., ingénieur informaticien de 39 ans qui
s´était jeté du 5e étage du Technocentre de Renault, la « marque au losange » comparaît
aujourd´hui devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) de Nanterre. En juin
2008, cette juridiction avait été saisie par la veuve de la victime, dans le but d´obtenir « la
reconnaissance judiciaire de la faute inexcusable » du groupe dans ce drame.
Les procès pour harcèlement moral se multiplient mais, pour celui-là, si la faute
inexcusable est reconnue, « cela créerait une jurisprudence », explique au Parisien la
veuve d´Antonio, qui dénonce le « management par la terreur », responsable – ou du
moins, « déclencheur » – du geste de son mari. De son côté, Pierre Nicolas, représentant
de la CGT au Technocentre, estime que, si le groupe est reconnu responsable, « les
maladies psychiques pourront être liées au travail, comme les maladies physiques, [et] ça
risque de coûter cher. »
L´enjeu de ce procès dépasse largement le cas de Renault. En cas de jugement favorable
aux parties civiles, « d´autres entreprises confrontées au suicide de leurs salariés
pourraient, elles aussi, être assignées pour faute inexcusable », analyse un avocat parisien.
« Il faudra cependant que la plaignante prouve l´existence d´un lien direct entre le
harcèlement et le suicide. La ligne de défense de Renault, quant à elle, devrait être
d´invoquer l´existence d´une fragilité psychologique préexistante chez ce salarié. » "
http://www.egora.fr/commun/script/winbreve.asp?newsid=50854&news_ref=2074
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L'actualité dans ce domaine est, malheureusement, toujours riche : vendredi, deux suicides
en milieu de travail ont eu lieu : l'un chez PSA (voir communiqué Reuters :
http://fr.news.yahoo.com/4/20091024/tts-france-peugeot-suicide-ca02f96.html) et l'autre
chez Thalès, dans l'usine de Château bourg (voir communiqué AFP :
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hTUfS6hT5nbMpU1qQYhzlrVaf
DpA). Dans le second cas, des syndicalistes de la CFTC auraient fait part à la direction
d'une pression insupportable qui pesait sur les salariés.
Je vous joins aussi, dans un document Word, des articles du Monde – dont une interview
d'Henri Vacquin, sociologue du travail – et de WK-RH sur la situation tendue qui règne au
sein du Pôle emploi issu de la fusion récente de l'Anpe et des Assedic du fait de la
réorganisation liée à cette fusion ainsi qu'à l'afflux, du fait de la crise, de chômeurs.
Vous trouverez aussi, ci-joint, pour information sur des données plus générales sur le
suicide, le n° 720 d'Etudes et documents de septembre 2009 consacré aux données
concernant les suicides en France en 2006.
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Sondage européen sur la précarité
Ipsos a réalisé pour le Secours populaire un sondage européen (échantillon de 2000
personnes) sur la précarité. Diaporama de présentation des résultats de l'enquête à
l'adresse suivante : http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/images/2891/diaporama.htm.
Pour la France, voici certains des résultats : 92% des sondés considèrent que la précarité
est en hausse (diapo 5) ; 42% ont éprouvé des difficultés financières pour se nourrir
correctement et 33% pour des soins médicaux (diapo 7) ; 66% et 85% des personnes
éprouvant des difficultés financières (respectivement régulières et très fréquentes)
ressentent un risque important de se retrouver en situation de précarité dans les mois
prochains (diapo 15) ; les personnes considérées comme étant le plus touchées par la
précarité sont les jeunes (47%), les personnes âgées (45%) et celles sans diplôme (33%)
(diapo 20) et enfin, 71% des personnes interrogées trouvent que l'Union européenne fait
peu pour la lutte contre la précarité.
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Quelques critiques de livres récents
Vous trouverez dans un document Word joint des critiques des livres suivants :
"Travailler à en mourir "de Paul Moreira et Hubert Prolongeau,
"Suicide et travail : que faire ?" de Florence Bègue et Christophe Dejours,
Je vous signale aussi la sortie d'un ouvrage en 2 tomes de Christophe Dejours, "Travail
vivant".
Aussi, un ouvrage apportant des éléments d'information appréciables sur l'évolution du monde
du travail. "La France du travail" est un ouvrage collectif de chercheurs de l'Ires (Institut de
recherches économiques et sociales) principalement. Chapitres consacrés à l'évolution de
l'emploi, à la rigueur salariale, l'évolution de la protection sociale, etc….
Je vous recommande aussi le livre de Maya Beauvallet "Les stratégies absurdes" qui montre
comment les méthodes managériales les plus incitatives peuvent avoir des effets pervers et
aboutir à des résultats assez négligeables, voire contre-productifs. Je vous joins un article de
Maya Beauvallet publié sur le site de la Vie des Idées.
Voilà de quoi meubler quelques soirées de saines réflexions…
Dr Jacques Darmon
Si vous souhaitez ne plus figurer sur cette liste de diffusion, vous pouvez m'en faire part à
l'adresse suivante : [email protected].
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